Rapport d'information n° 743 (2021-2022) de M. Jean-Baptiste BLANC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 juin 2022

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N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les outils financiers pour soutenir l' atteinte de l' objectif de zéro artificialisation nette ,

Par M. Jean-Baptiste BLANC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial des crédits de la mission « Cohésion des territoires » (logement et urbanisme) a présenté le mercredi 29 juin 2022 les conclusions de son contrôle budgétaire sur les outils financiers en vue de l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN).

I. L'OBJECTIF ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE N'A PAS ENCORE TROUVÉ SON MODÈLE ÉCONOMIQUE

A. LE DÉVELOPPEMENT DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE S'EST FAIT JUSQU'À PRÉSENT EN CONSOMMANT TOUJOURS PLUS DE SOLS

1. L'urbanisation moderne, depuis le début du 20 e siècle, a été particulièrement gourmande en terres, au-delà même des effets de la croissance démographique

Depuis le 19 e siècle, le développement démographique et économique s'est appuyé sur une consommation d'espace sans précédent . Depuis 2010, l'artificialisation des sols a certes quelque peu ralenti , aussi bien pour l'habitat, avec la croissance de la part des logements collectifs parmi les logements neufs, que pour les zones d'activités. Cette diminution récente de l'artificialisation pourrait toutefois être stoppée dans les années à venir par le succès des villes petites et moyennes, en tout cas à la périphérie des métropoles.

Flux entre surfaces non artificialisées et surfaces artificialisées,
par destination des constructions

(en km 2 )

Lecture : en 2019, 200,1 km 2 d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) ont été artificialisés, dont 133,0 km 2 pour l'habitat, 55,5 km 2 pour des activités, 3,2 km 2 pour une destination mixte et 8,4 km 2 pour une destination inconnue. Les données pour 2009 et 2010 correspondent en fait à une moyenne sur deux ans.

Source : commission des finances, à partir des données de l'Observatoire national de l'artificialisation des sols

Or l'enjeu écologique et social de l'artificialisation n'est pas seulement une question quantitative : l'émiettement urbain est porteur de menaces plus importantes - rupture des continuités écologiques, altération des paysages, accroissement des émissions de carbone en raison des déplacements automobiles... - que la simple extension en continuité des centres villes.

2. Face à ces évolutions de long terme, la loi « Climat et résilience » a posé un principe fort, sans définir les outils financiers permettant sa mise en oeuvre

D'ici à 2050, toute artificialisation devra être accompagnée de la « renaturation » d'une surface équivalente .

Dès les dix prochaines années, la consommation totale d'espace observée à l'échelle nationale entre 2021 et 2031 devra être inférieure à la moitié de celle observée lors des dix années précédentes .

Alors que des décrets d'application pris rapidement ont entériné une interprétation maximaliste de la loi par le Gouvernement, les moyens permettant de mettre en oeuvre ces objectifs n'ont pas été définis ni par la loi « Climat et Résilience », ni par la loi de finances pour 2022, et le Gouvernement n'a encore fait aucune annonce à ce sujet.

B. LES MOYENS ACTUELS NE PERMETTENT PAS DE LUTTER CONTRE L'ARTIFICIALISATION

Une politique résolue de sobriété foncière, à rebours des modes de développement et de construction suivis depuis le début de l'époque moderne, se heurte à la contrainte économique : il n'y a pas aujourd'hui de financement du ZAN viable sans intervention publique. En effet, la valeur environnementale des terres naturelles ne se reflète pas suffisamment dans les prix de marché qui, seuls, orientent les acteurs.

Or, la pression foncière joue en défaveur des terres naturelles et agricoles , qui ne peuvent apporter le même rendement que des terres urbanisées. En outre, il est généralement moins coûteux de construire des logements neufs , en particulier des maisons individuelles, que de reconstruire « la ville sur la ville ».

En conséquence, le modèle économique du ZAN reste à définir. La réhabilitation des friches et les opérations de renaturation sont difficilement rentables sans aides publiques.

Enfin, un « zéro artificialisation nette » mal maîtrisé serait porteur de risques pour la cohésion sociale . Les Français sont très attachés au modèle de la maison individuelle avec terrain, qui reste souvent, à distance des centres villes, le seul mode de logement accessible aux classes moyennes modestes . Celles-ci risquent d'être les premières victimes de la limitation de l'accès au foncier qui en renchérira le coût dans les années à venir.

II. LA DÉFINITION D'UN MODÈLE DE FINANCEMENT BUDGÉTAIRE ET FISCAL EST UNE IMPÉRIEUSE ET URGENTE NÉCESSITÉ

L'État a fixé une norme : sa responsabilité est à présent de veiller à la mise en place des outils financiers qui permettront concrètement d'atteindre cet objectif.

A. CERTAINS DISPOSITIFS BUDGÉTAIRES ET FISCAUX NATIONAUX VONT DANS LA BONNE DIRECTION, MAIS DEMEURENT INSUFFISANTS

En premier lieu, la présentation des crédits budgétaires ne permet pas de déterminer exactement le montant des crédits budgétaires contribuant à l'objectif ZAN. Il est nécessaire de mieux identifier, dans les documents budgétaires, les dépenses de toutes natures contribuant à cet objectif et de préciser le dispositif de performance.

En particulier, les établissements publics fonciers (EPF) d'État et locaux sont un outil majeur pour le recyclage urbain. La réforme de la fiscalité locale, qui a réduit le produit des taxes spéciales d'équipement qui leur est affecté, a fait basculer une partie de leur financement vers une dotation budgétaire. Cette dotation doit être pérennisée et renforcée afin que les EPF soient les bras armés d'une véritable politique de maîtrise publique du foncier .

Le fort appel des collectivités au fonds friches rend nécessaire sa pérennisation et son extension à l'ensemble des terrains sur lesquels la construction peut se faire sans artificialisation ou avec une artificialisation très limitée n'entraînant pas d'extension urbaine : friches, mais aussi « dents creuses », réhabilitation et remise sur le marché de l'habitat vacant là où une demande existe.

B. ALORS QUE LES COLLECTIVITÉS LOCALES SONT LES PREMIÈRES CONCERNÉES PAR LA LUTTE CONTRE L'ARTIFICIALISATION, LEURS RESSOURCES NE SONT PAS ADAPTÉES À L'ATTEINTE DE CET OBJECTIF

La compétence d'urbanisme relevant du bloc communal, c'est à ce niveau que la création d'outils financiers sera cruciale pour permettre de basculer réellement dans un régime de sobriété foncière.

Alors que le paysage des ressources des collectivités a été bouleversé par la suppression de la taxe d'habitation , les collectivités sont soumises à des injonctions contradictoires : accroître leur stock de logements sociaux tout en satisfaisant la demande de logements de l'ensemble de leurs habitants et en réduisant la consommation d'espaces.

L'État impose avec la loi « Climat et Résilience » la révision de nombreux documents d'urbanisme , mais le montant de la dotation accordée au titre de l'élaboration des documents d'urbanisme est bloqué en valeur depuis 2009. Dans le même temps, de nombreuses circulaires récentes demandent aux préfets d'accompagner les élus, mais ceux-ci n'en ressentent guère les effets : les difficultés d'accès à l'ingénierie de l'État demeurent criantes.

Surtout, la fiscalité locale est au coeur des enjeux de la mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette » et les propositions sont nombreuses (concernant la taxe d'aménagement, la taxe sur les surfaces commerciales, les taxes foncières, les droits de mutation...) afin de leur donner une composante « lutte contre l'artificialisation ». En conséquence, la commission des finances a demandé au Conseil des prélèvements obligatoires de réaliser une étude sur la prise en compte, par la fiscalité locale, de l'objectif de zéro artificialisation nette.

Le rapporteur spécial est convaincu que l'objectif ZAN, mais aussi les besoins en logement ressentis dans de nombreuses communes, appellent à une véritable refondation de la fiscalité locale afin de leur permettre de répondre à ces obligations et au financement des politiques publiques locales.

Afin de donner aux acteurs locaux une réelle incitation à agir dans le sens de la sobriété foncière, les aides budgétaires et fiscales devront être réorientées de manière majoritaire, mais non exclusive, vers les opérations tendant à la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) et non vers l'extension urbaine. Toutefois, à l'intérieur de ce principe général, des aides sont et resteront nécessaires pour poursuivre des objectifs de politique publique tels que la politique de logement social et intermédiaire ou certains projets de développement locaux.

Or la maîtrise de l'artificialisation nécessite la connaissance pratique du territoire que possèdent les maires, ainsi que des données pouvant être apportées aussi bien par les bases de données nationales que par celles qui proviennent d'observatoires locaux. En conséquence, la coopération entre le niveau national et les collectivités locales devrait être formalisée dans des conventions garantissant l'accompagnement de l'État et de ses agences ou opérateurs sous forme d'aides financières ou en ingénierie.

En particulier, les aides à la pierre apportées pour la construction de logements sociaux par le fonds national des aides à la pierre (FNAP) devraient favoriser les projets économes en foncier , selon des modalités à déterminer par le conseil d'administration de l'établissement.

C. IL EST NÉCESSAIRE DE METTRE EN PLACE UN GUICHET UNIQUE QUI APPORTERA UN SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS ET UN FINANCEMENT SUR LE LONG TERME PERMETTANT LA RÉALISATION DE CET OBJECTIF

Le rapporteur spécial considère que l'objectif ZAN , par l'importance des politiques auxquelles il contribue - la lutte contre le changement climatique, mais aussi contre l'atteinte aux paysages -, des montants financiers nécessaires à une remise en cause des modes d'urbanisme pratiqués jusqu'à ce jour et du caractère de très long terme des objectifs (2031, puis 2050), nécessite l'identification d'un acteur fort, de type « guichet unique », susceptible de porter cette politique .

Face à la complexité des agences existantes pour les collectivités, il serait nécessaire d'offrir un guichet unique comme l'ANAH, d'apporter une vision et des financements de long terme comme l'ANRU, d'avoir une mission prioritaire de service auprès des territoires comme l'ANCT et de porter une capacité d'ingénierie comme les anciennes directions départementales de l'État. L'action de l'État doit se placer dans le cadre contractuel avec les collectivités.

En outre, un « comité d'observation et de prospective » pourrait réunir des élus, mais aussi des juristes, des géographes et des sociologues, ainsi que des professionnels du secteur et des citoyens formés aux enjeux de la sobriété foncière et du développement local, qui pourraient apporter des points de vue différents et complémentaires sur la manière d'atteindre l'objectif de meilleure maîtrise de la consommation des sols. Sa mission serait de sortir de la réflexion en silo et de « challenger » les administrations qui sont en charge de leur mise en oeuvre afin d'aboutir à des solutions durables et acceptables des collectivités et de la population.

Enfin, parmi les ressources envisageables pour les projets « ZAN », le rapporteur spécial attire l'attention sur le montant élevé représenté depuis quelques années par les ventes de quotas carbone . Si une part de ce produit est affecté à l'Agence nationale de l'habitat, le surplus qui revient au budget de l'État a bénéficié de l'effet d'aubaine de l'augmentation du prix du carbone, que les politiques de lutte contre le climat devrait rendre durable.

Évolution du prix moyen
des adjudications des quotas
d'émissions carbone

(en euros par tonne de CO 2 )

Montant des recettes liées
aux adjudications des quotas
d'émission carbone

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (données de l'Agence France Trésor)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Or la directive SCEQE relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre prévoit que cette ressource doit, à 50 % au moins, être affectée à des projets luttant contre le changement climatique. Sans modifier la part revenant à l'ANAH, le surplus pourrait donc être affecté à la réalisation d'actions menées en vue de l'atteinte de l'objectif ZAN.

Les recommandations du rapporteur spécial

Recommandation n° 1 : Pérenniser le fonds friches et étendre son périmètre aux projets poursuivant l'objectif de sobriété foncière.

Un véritable « fonds ZAN » devrait être doté de ressources suffisantes pour supporter une extension de périmètre à l'ensemble des projets permettant de lutter contre l'artificialisation des sols. La pérennisation du fonds friches devrait être assurée par une dotation budgétaire sur le programme 135 et non, comme actuellement, sur les crédits temporaires du plan de relance.

=> cible : projet de loi de finances pour 2023

Recommandation n° 2 : Favoriser la voie contractuelle pour l'accompagnement de l'État et de ses opérateurs et l'attribution d'aides financières ou en ingénierie à destination des collectivités.

Les dispositifs définis selon des critères nationaux étant souvent inopérants pour des politiques qui relèvent d'une connaissance fine des dynamiques et des besoins locaux, les aides financières ou en ingénierie devrait être accordées autant que possible dans le cadre d'un dispositif contractuel entre l'État, ses opérateurs et les collectivités locales.

? cible : mise en oeuvre progressive

Recommandation n° 3 : Créer un guichet unique pour les collectivités et les particuliers en regroupant tous les moyens de l'État.

La réalisation de l'objectif ZAN sera mieux comprise si elle est assurée par un guichet unique regroupant les moyens de l'État pour les projets menés dans les territoires, les aides en ingénierie aux collectivités et l'information destinée aux citoyens. Les modalités d'attribution des moyens d'État aux collectivités doivent être définies en associant les élus.

? cible : mise en oeuvre progressive

Recommandation n° 4 : Créer un comité d'observation et de prospective du ZAN

Un comité d'observation et de prospective associerait des élus à des juristes, des géographes et des sociologues, des professionnels des métiers de l'aménagement et des citoyens formés aux enjeux de la sobriété foncière et du développement local, afin de tenir lieu de tiers observateur et de conseil, de sortir de la réflexion en silo, de « challenger » les administrations qui sont en charge de leur mise en oeuvre afin d'aboutir à des solutions durables et acceptables pour les collectivités et la population.

? cible : mise en oeuvre progressive

Recommandation n° 5 : Poser un principe d'une orientation majoritaire, mais non exclusive, des aides budgétaires et fiscales vers la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) et non vers l'extension urbaine, surtout lorsque celle-ci conduit au mitage urbain .

À l'intérieur de ce principe général, des aides resteront nécessaires pour poursuivre des objectifs de politique publique tels que la politique de logement social et intermédiaire ou certains projets de développement.

? cible : mise en oeuvre progressive à partir du projet de loi de finances pour 2023

Recommandation n° 6 : Favoriser la maîtrise publique du foncier face aux initiatives privées accaparant du foncier.

Renforcer et garantir les moyens des établissements publics fonciers d'État et locaux, dépendants depuis 2021 d'une dotation budgétaire alors qu'ils bénéficiaient auparavant d'une recette fiscale affectée importante, afin qu'ils puissent mener une véritable politique de maîtrise foncière.

? cible : mise en oeuvre progressive

Recommandation n° 7 : Introduire un critère ZAN dans les aides attribuées par le fonds national des aides à la pierre (FNAP)

Les objectifs nationaux et régionaux d'utilisation des fonds du FNAP sont fixés par le conseil d'administration de cet établissement lors du vote du budget initial. Les crédits d'aides à la pierre financent principalement des subventions destinées aux opérations de développement de l'offre, c'est-à-dire de construction et d'acquisition/amélioration de logements sociaux. Il pourrait être demandé que le FNAP accorde des aides en priorité aux projets aidant les collectivités à atteindre les objectifs ZAN, eu égard aux difficultés de financement de ces projets, par rapport aux projets en extension urbaine.

? cible : programmation des aides pour 2023

Recommandation n° 8 : Mieux identifier dans le budget de l'État (notamment les crédits budgétaires du programme 135, les taxes affectées aux opérateurs, les dépenses fiscales et dans le budget vert) les dépenses qui contribuent à l'atteinte de l'objectif « zéro artificialisation nette » ou, au contraire, qui y sont défavorables . Prévoir un indicateur de performance consacré à l'utilisation des crédits de l'État en faveur de l'objectif de zéro artificialisation nette.

? cible : projet de loi de finances pour 2023

La limitation de l'artificialisation des sols fait partie des « dix nouveaux indicateurs de richesse » définis par la loi en 2015 1 ( * ) et suivis chaque année par l'INSEE 2 ( * ) . Selon cette mesure, la France se situe dans une position médiane par rapport aux 28 pays membres de l'Union européenne, avec un taux d'artificialisation de 5,6 %. Le plan Biodiversité de 2018 a ainsi fixé l'objectif d'atteindre le « zéro artificialisation nette » (ZAN), sans préciser de date 3 ( * ) .

À la suite des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 et ses décrets d'application ont établi une définition de l'artificialisation et inscrit cet objectif de « zéro artificialisation nette » à l'horizon 2050, avec un objectif intermédiaire de division par deux du rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2031.

I. L'OBJECTIF ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE N'A PAS ENCORE TROUVÉ SON MODÈLE ÉCONOMIQUE

Le défi historique posé par l'objectif « zéro artificialisation nette » provient du changement majeur de modèle qu'il impose.

Alors que la consommation de sols a longtemps été considérée comme acceptable, voire désirable, le changement climatique révèle l'impossibilité de poursuivre sur cette voie, ce qui remet en cause l'un des fondements de nos modes de développement.

A. LE DÉVELOPPEMENT DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE S'EST FAIT JUSQU'À PRÉSENT EN CONSOMMANT TOUJOURS PLUS DE SOLS

L'urbanisation moderne, depuis le début du 20 e siècle, a été particulièrement gourmande en terres, au-delà même des effets de la croissance démographique.

1. L'urbanisme moderne se caractérise par l'étalement urbain et la chute de la valeur des terres agricoles par rapport aux terres urbanisées

Alors que la ville ancienne était particulièrement dense, contrainte par le manque de moyens de transports, voire par la nécessité de protéger la population derrière des murailles, la ville moderne, produite par l'exode rural mais aussi sous l'influence des théories hygiénistes, s'est construite par l'étalement urbain : alors que la population des grandes villes de France a été multipliée par 4 depuis 1870, leur superficie, elle, a augmenté d'un facteur 30. La densité moyenne des villes a donc été divisée par huit 4 ( * ) .

Cette diminution de densité des espaces urbanisés a pris la forme de l'ajout de banlieues toujours moins denses et toujours plus éloignées, mais a aussi concerné certains centres villes : depuis un siècle, Paris « intra muros » a perdu un quart environ de sa population, et donc de sa densité de population 5 ( * ) .

Un autre phénomène marquant de l'urbanisation, qui joue sur les mécaniques économiques sous-jacentes à l'artificialisation, est le considérable basculement de valeur entre les terres agricoles et les terres urbaines .

La valeur moyenne d'un hectare de terre agricole, rapportée au revenu par habitant, a diminué d'un facteur 15 depuis 1850 6 ( * ) . Non seulement ce phénomène a facilité l'expansion urbaine, mais il a encouragé une expansion urbaine peu économe de sols.

Enfin, sur une période plus récente, la valeur du foncier a considérablement crû au cours des vingt dernières années . Alors que la valeur des terrains supportant des bâtiments et ouvrages de génie civil était de 4 à 6 fois plus faible que celle des constructions elles-mêmes jusqu'aux années 1990, elle est à présent équivalente. Si la valeur des terres cultivées a également crû, elle reste faible dans la richesse telle que mesurée par les comptes nationaux.

Évolution de la valeur des constructions et des terrains en France
par rapport au PIB (1978-2021)

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances, à partir des comptes nationaux et d'Eurostat

2. La consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers a semblé ralentir à partir de 2010...

Si la ville moderne s'est construite par une extension considérable des surfaces construites, les données de l'Observatoire national de l'artificialisation des sols montrent que l'artificialisation a quelque peu ralenti au cours des années 2010 .

La superficie artificialisée chaque année est passée de plus de plus de 300 km 2 par an autour de 2010 à 200 km 2 par an en 2019. Cette diminution concerne aussi bien les surfaces destinées à l'habitat que celles utilisées pour des activités diverses.

Flux entre surfaces non artificialisés et surfaces artificialisées,
par destination des constructions

(en km 2 )

Lecture : en 2019, 200,1 km2 d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) ont été artificialisés, dont 133,0 km 2 pour l'habitat, 55,5 km 2 pour des activités, 3,2 km 2 pour une destination mixte et 8,4 km 2 pour une destination inconnue. Les données pour 2009 et 2010 correspondent en fait à une moyenne sur deux ans.

Source : commission des finances, à partir des données de l'Observatoire national de l'artificialisation des sols

a) L'accent mis sur la construction de logements collectifs a permis de réduire légèrement le rythme de l'artificialisation

La légère décroissance du rythme d'artificialisation depuis 2010 peut être liée à l'augmentation de la construction de logements collectifs.

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) notait en 2018 7 ( * ) que la construction de logements collectifs a fortement progressé et dépasse depuis 2010 celle des logements individuels. Or 46 % des sols artificialisés sur la période 2006-2014 servent aux logements individuels (dont plus de la moitié pour les pelouses et jardins), face à 3 % pour les logements collectifs . En effet, non seulement les logements collectifs consomment moins de sol par habitant, mais ils sont souvent construits dans les villes, sur des terrains qui étaient déjà artificialisés. Les nouveaux logements individuels, en revanche, sont souvent localisés en périphérie, sur des terrains non encore urbanisés.

b) L'artificialisation des sols résulte de plusieurs facteurs

L'artificialisation semble liée à plusieurs facteurs, dont le premier est simplement la présence sur la commune d'espaces non urbanisés disponibles plus importants. Si la démographie joue un rôle, c'est aussi le cas du développement des résidences secondaires.

L'artificialisation nouvelle est réalisée majoritairement dans des petites communes . La moitié de l'artificialisation nouvelle des espaces naturels, agricoles et forestiers entre 2009 et 2020 a eu lieu dans des communes de moins de 2 000 habitants, qui représentaient un quart de la population. À l'inverse, les communes de plus de 10 000 habitants, qui concentraient la moitié de la population française n'ont réalisé que 16 % de l'artificialisation nouvelle 8 ( * ) .

L'artificialisation n'est pas simplement proportionnelle à l'augmentation de la population : 20 % de l'artificialisation a même lieu dans des communes dont la population décroît 9 ( * ) . Sur la période 2012-2017, 7 503 communes ont artificialisé pour l'habitat (parfois pour plusieurs dizaines d'hectare) alors que le nombre de leurs ménages diminuait.

À l'inverse, l'absence d'artificialisation ne signifie pas toujours que la population stagne. Sur la même période 2012-2017, 3 072 communes n'ont pas artificialisé pour l'habitat, ce qui n'a pas empêché le nombre total des ménages de ces communes d'augmenter de 30 127 10 ( * ) .

Selon les calculs du CGDD, sur la période 2006-2016, 73 % des espaces consommés se situaient dans des communes en zones non tendues , c'est-à-dire ne présentant pas de déséquilibre entre offre et demande de logements (« zone C » définie pour les aides au logement). Ces communes représentaient pourtant 42 % de la population métropolitaine et 49 % de la hausse de population.

Les explications avancées sont de plusieurs ordres.

D'une part, les villes importantes accroissent souvent leur population par densification , notamment en remplaçant des immeubles ou maisons basses par des immeubles collectifs plus élevés.

Consommation d'espace pour la période 2009-2020

(en mètres carrés par commune)

Source : Observatoire national de l'artificialisation des sols

Variation de la population entre 2012 et 2017

(en nombre d'habitants)

Source : Observatoire national de l'artificialisation des sols

D'autre part, l'artificialisation est en partie le résultat d'évolutions sociales qui accroissent le besoin en logements indépendamment des variations de population : prise d'indépendance des jeunes, décohabitation liée à un divorce, vieillissement de la population qui accroît le nombre de logements occupés durablement par une ou deux personnes âgées.

Une dernière explication est celle de la vacance des logements, souvent invoquée dans le débat public relatif à la lutte contre l'artificialisation des sols.

c) La vacance des logements a beaucoup augmenté, mais ne constitue sans doute qu'une ressource partiellement mobilisable

Selon les calculs du CGDD, le nombre de logements vacants est passé de 1,9 à 2,7 millions sur la période 2006-2015 , soit une hausse du taux de vacance de 25 % (de 6,2 % à 7,9 % du parc) 11 ( * ) .

Au 1 er janvier 2019, 8,5 % des logements étaient ainsi vacants en France 12 ( * ) , contre par exemple 1,66 % en Suisse 13 ( * ) .

Le nombre des logements vacants augmente ainsi d'environ 80 000 logements par an, ce qui est souvent cité comme un gisement potentiel pour permettre de répondre au besoin de logement en limitant l'artificialisation. Ainsi, les nouvelles surfaces artificialisées se situent pour 37 % dans des communes où le taux de vacance augmente de plus de 50 %.

Or la vacance risque d'augmenter encore dans les années à venir avec l'interdiction de la rénovation des logements dotés d'une étiquette de consommation énergétique G, puis F et E prévue par la loi « Climat et résilience » 14 ( * ) , si les propriétaires ne sont pas en mesure de procéder à la rénovation des logements concernés.

Il faut toutefois faire remarquer que les zones où le taux de vacance a augmenté de plus de 50 % dans les dix dernières sont situées, pour 87 % d'entre elles, dans des zones non tendues , c'est-à-dire où la demande est relativement faible, surtout pour des logements situés en centre-ville. Le gisement des logements vacants sera donc difficile à mobiliser en totalité.

Il demeure nécessaire d'agir sur la partie structurelle du taux de vacance du bâti , c'est-à-dire la part qui ne correspond pas à la vacance frictionnelle normale entre deux occupants successifs. Cette vacance structurelle peut avoir des causes diverses : obsolescence des logements, réalisation de travaux de transformation de longue durée, absence d'intérêt économique à la remise sur le marché pour le propriétaire, voire rétention spéculative ou pour transmettre aux héritiers 15 ( * ) .

Au total, le « gisement » des logements vacants paraît pouvoir contribuer à l'objectif de limitation de l'artificialisation, mais de manière beaucoup plus limitée que ne le laisserait penser la simple constatation du nombre de ces logements.

Certains dispositifs, notamment financiers, existent pour lever certaines de ces causes de vacance structurelle : subventions de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou prêt à taux zéro pour les travaux de remise en état, accompagnement des agences départementales d'information sur le logement (ADIL) et des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), gestion locative, mise en location conventionnée 16 ( * ) .

3. ... mais la possible tendance à l'« exode urbain » pourrait pousser à un émiettement urbain toujours plus accentué

Les conséquences de la crise sanitaire ont mis en lumière les hypothèses sur l'existence d'un « exode urbain » qui, à l'inverse de l'exode rural, verrait les habitants des villes quitter celles-ci pour rejoindre les campagnes.

Si aucun mouvement massif n'est pour l'instant constaté, la crise sanitaire semble bien avoir accentué un phénomène antérieur , de portée limitée mais réelle. Les premiers résultats d'une étude conduite par le Réseau rural français et le Plan urbanisme construction architecture (PUCA) font état de l'existence de flux de personnes sortant des plus grands pôles urbains qui, malgré leur caractère limité au niveau national , peuvent avoir des conséquences importantes dans les territoires peu denses où s'installent les nouveaux habitants 17 ( * ) .

Les villes petites et moyennes (aires urbaines de moins de 50 000 habitants) connaissent un solde migratoire positif depuis 2019 pour les communes centres, qui se renforce largement après la crise. Les espaces périurbains enregistrent presque tous un « effet Covid » positif sur leurs soldes migratoires. En particulier, la ville de Paris connaît un certain desserrement, des ménages quittant la capitale pour les couronnes parisiennes. Enfin, les espaces ruraux, en progression depuis les années 1970, voient eux aussi leur solde migratoire augmenter fortement.

Ces chiffres d'ensemble ne rendent toutefois pas compte de la diversité des territoires : la « renaissance » éventuelle des espaces ruraux touche d'abord ceux qui sont proches des centres urbains , ou situés dans des territoires particuliers tels que les espaces littoraux.

Pour comprendre les conséquences de ces évolutions sur le marché et les politiques du logement, il est nécessaire de considérer les profils des personnes. La très forte croissance du télétravail, qui concerne souvent des cadres, peut conduire à la gentrification de certains espaces ruraux devenant de simples espaces de résidence, avec le développement du recours aux résidences secondaires. D'autres ménages cherchent plutôt à s'installer complètement dans des petites villes ou à la campagne dans le cadre d'une reconversion de vie professionnelle et personnelle, ce qui peut amener de l'activité dans les territoires concernés, dont la pérennité n'est pas certaine. De manière plus classique, les retraités tendent à rechercher des territoires aux climats jugés doux et dotés d'équipements sanitaires et médicaux, comme les zones littorales.

Certaines régions sont d'ores et déjà touchées par le renchérissement local du prix de l'immobilier qui rend le logement plus difficile pour les populations locales, suscitant par exemple une manifestation de 8 000 personnes à Bayonne le 20 novembre 2021.

Les SAFER (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) constatent ainsi que les transactions de terres à urbaniser ont porté sur 33 600 hectares en 2021, soit une hausse de 23,5 % en un an et un niveau inégalé depuis dix ans 18 ( * ) . La hausse concerne les terrains achetés par les particuliers (38 % du marché), mais aussi les personnes morales privées (36 % du marché) et le secteur public lui-même (25 % du marché). La fédération nationale des SAFER se demande s'il ne faut pas voir dans cette progression une « forme d'anticipation précipitée par les restrictions prochaines édictées par les objectifs du « zéro artificialisation nette » ».

Le marché des maisons à la campagne a également connu un bond de + 21,3 % en 2021, l'acquéreur venant souvent de zones urbaines. Cette tendance concerne particulièrement la périphérie des métropoles et le littoral.

Ainsi, alors que le nombre de constructions de logements individuels autorisées diminuait régulièrement le milieu des années 2000, au profit des logements collectifs, il atteint un niveau de 165 500 logements en rythme annuel en avril 2022 , en hausse de 50,1 % par rapport à 2014. Un tel niveau n'avait pas été atteint depuis dix ans. La crise du Covid semble d'ailleurs affecter principalement les autorisations de logements collectifs, alors que la crise financière de 2008-2010 avait eu pour effet une chute brutale des autorisations de logements aussi bien individuels que collectifs.

Nombre de logements individuels et collectifs autorisés

(en nombre de permis de construire par an)

Source : commission des finances, à partir des données Sitadel 19 ( * )

4. L'enjeu écologique et social de l'artificialisation n'est pas seulement une question quantitative

Depuis le Grenelle de l'environnement, un chiffre particulièrement frappant est régulièrement repris dans le débat public : l'équivalent d'un département français est artificialisé tous les dix ans , voire tous les sept ans selon la définition de l'artificialisation retenue 20 ( * ) . Au niveau européen, c'est la surface de Chypre qui est artificialisée tous les dix ans 21 ( * ) . Au-delà de ce chiffre, qui dépend des méthodes de mesure, il est nécessaire de considérer quels sont les problèmes exacts posés par l'artificialisation des sols.

a) L'artificialisation est tout particulièrement une menace lorsqu'elle prend la forme de l'émiettement urbain

La progression de l'artificialisation n'est toutefois pas indéfinie. Selon le géographe Éric Charmes, « la France n'est pas menacée par une artificialisation massive, même à long terme » 22 ( * ) . Il calcule que, même si tous les ménages français résidaient dans une maison implantée sur une parcelle de 1 000 m², soit à peu près la taille actuelle dans les zones périurbaines, l'artificialisation du territoire serait de 10 % du territoire, contre 9 % dans la situation actuelle 23 ( * ) .

De même, l'Agence environnementale européenne note que la France est, avec la Finlande, le seul État européen dans lequel le développement urbain se fait plus par densification que par artificialisation. Parmi les trente villes européennes qui exploitent le mieux les sols déjà artificialisés dans leurs projets de développement, quinze sont françaises 24 ( * ) .

Il ne faut pas en conclure que l'enjeu de l'artificialisation n'existerait pas. Le taux d'artificialisation recouvre en fait une réalité plus difficile à réduire à un chiffre unique, à savoir l'émiettement urbain .

D'une part, les terres artificialisées sont souvent des terres agricoles de bonne qualité , qui, une fois ouvertes à l'urbanisation, ne contribuent plus à l'approvisionnement alimentaire, alors même que des terres agricoles sont mises par ailleurs à contribution pour produire une énergie durable.

En second lieu, l'imperméabilisation des sols , qui concerne une partie des sols artificialisés, entraîne des phénomènes de ruissellement et réduit la capacité de résilience face au risque d'inondation. D'une manière générale, lorsque les sols sont imperméabilisés, les services écosystémiques essentiels fournis par ces sols sont irréversiblement perdus , exposant les villes à des pics d'inondation ainsi qu'à des effets d'îlot thermique 25 ( * ) .

Enfin, les conséquences de l'artificialisation dépendent des formes urbaines . La construction en continuité d'un centre urbain n'a qu'un impact relativement limité sur les écosystèmes. L'urbanisation par « saut de puce », c'est-à-dire par lotissements ou groupes de maisons non intégrés à un pôle urbain, accroît beaucoup plus les besoins en infrastructures, réduit les continuités écologiques, porte atteinte à la biodiversité, transforme les paysages. Elle accroît le coût des transports individuels pour les habitants et celui des infrastructures pour les collectivités.

L'émiettement urbain multiplie également les situations d'interface entre l'agriculture et l'urbanisation, sources de conflits d'usage et de tensions. En effet, au-delà de l'exemple très médiatisé du coq dont le chant réveille certains « néo-ruraux », il faut aussi considérer le partage des infrastructures routières entre engins agricoles et automobiles ou l'opposition de certains périurbains à l'ajout de constructions à usage agricole (hangars, bâches de maraîchers...). L'artificialisation porte ainsi des conséquences non seulement sur les modes de vie des urbains, mais aussi sur l'activité même des agriculteurs pour lesquelles elle constitue à la fois une menace et, avec le développement des circuits courts, une ressource 26 ( * ) .

Or c'est bien ce qui se passe, la couronne périurbaine étant repoussée sans cesse plus loin , par l'effet d'une véritable demande des habitants de « vivre à la campagne » comme de la réticence des villages ou petites villes en cours de constitution d'accueillir trop de nouvelles constructions 27 ( * ) .

La croissance des couronnes périurbaines des grandes métropoles au cours de l'époque récente est spectaculaire. L'extension de l'aire urbaine de Lyon est due essentiellement à celle sa couronne périurbaine, qui est passée de 98 communes à 327 communes entre 1999 et 2020 ; de même, entre 1999 et 2010, la couronne périurbaine de Toulouse a gagné 100 communes alors que l'agglomération (c'est-à-dire la zone en continuité de bâti) n'en gagnait qu'une seule 28 ( * ) .

Au total, le chiffre unique du « taux d'artificialisation » est un résumé commode, mais approximatif, de l'impact réel de l'artificialisation et de l'émiettement urbain sur l'environnement et sur le développement des espaces urbains et ruraux, ainsi que sur leur attractivité à long terme.

b) En particulier, le développement du e-commerce n'est ni virtuel, ni vertueux

Parmi les formes prises par l'artificialisation, l'accueil de nouveaux habitants et de certaines activités présente l'avantage de stimuler la vie locale dans ses dimensions sociales et économiques.

Il n'en est pas de même de toutes les formes d'activité économiques. En particulier, le développement d'entrepôts destinés au commerce électronique mobilise de grandes surfaces pour un impact artificialisant bien plus concret que son caractère supposé « virtuel ».

C'est pourquoi le rapporteur spécial regrette qu'une action plus déterminée ne soit pas menée. Lors des débats sur le projet de loi « Climat et résilience », le Sénat avait adopté, sur sa proposition faite au nom de la commission des affaires économiques, un amendement tendant à soumettre à autorisation d'exploitation commerciale les grands entrepôts consacrés au commerce électronique, lorsqu'ils ne sont pas situés sur une friche 29 ( * ) . Cette disposition n'a pas été retenue dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Il sera pourtant nécessaire de revenir sur cette question : outre la distorsion de concurrence que constitue l'absence d'autorisation d'exploitation commerciale pour ces locaux par rapport aux locaux commerciaux traditionnels, ces entrepôts occupent souvent des surfaces importantes , artificialisées pour l'occasion, et participent au développement d'une activité qui favorise les transports de biens à longue distance . Même s'ils passent souvent inaperçus du public puisqu'ils ne reçoivent pas les consommateurs et fournissent un nombre d'emplois limité, ils ont un impact certain en termes d'aménagement du territoire , sur la gestion des flux de marchandises ou le dynamisme des centres villes .

5. Face à ces évolutions de long terme, la loi « Climat et résilience » a posé un principe fort sans définir les outils financiers permettant sa mise en oeuvre

La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 30 ( * ) consacre le chapitre III de son titre V, contenant 35 articles, à la lutte contre l'artificialisation des sols pour la protection des écosystèmes.

a) Deux objectifs distincts sont posés, dans les dix ans et d'ici à 2050

L'article 191, de nature programmatique, rappelle « l'objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 » et pose le principe selon lequel la consommation totale d'espace observée à l'échelle nationale entre 2021 et 2031 doit être inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédentes .

Deux objectifs distincts sont donc posés :

- entre 2021 et 2031, l'objectif porte sur la consommation totale d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF), mesurée de manière absolue et sans prendre en compte les opérations de renaturation. Le point de comparaison est la consommation constatée au cours des dix années précédentes ;

- en 2050, l'artificialisation nette doit être stoppée. Les opérations de renaturation pourront être prise en compte pour compenser les nouvelles opérations d'urbanisation.

Une question importante porte donc sur la définition de l'artificialisation.

b) Les décrets d'application correspondent à une interprétation maximaliste de la loi

La loi « Climat et résilience » a posé une définition générale de l'artificialisation et de la renaturation , qui appelait des précisions par voie réglementaire pour être applicable dans les politiques locales et les documents d'urbanisme.

Article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme31 ( * )

L'artificialisation est définie comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.

La renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.

L'artificialisation nette des sols est définie comme le solde de l'artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés.

Au sein des documents de planification et d'urbanisme, lorsque la loi ou le règlement prévoit des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols ou de son rythme, ces objectifs sont fixés et évalués en considérant comme :

a) Artificialisée une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d'un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ;

b) Non artificialisée une surface soit naturelle, nue ou couverte d'eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures.

Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Il établit notamment une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l'échelle à laquelle l'artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d'urbanisme.

Source : code de l'urbanisme

Cette définition a été précisée par un décret du 29 avril 2022 fixant une nomenclature des sols artificialisés 32 ( * ) .

Catégories de surfaces artificialisées et non artificialisées

Surfaces artificialisées

1° Surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations).

2° Surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d'un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles).

3° Surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux.

4° Surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux).

5° Surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d'infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d'abandon.

Surfaces non artificialisées

6° Surfaces naturelles qui sont soit nues (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d'activités extractives de matériaux en exploitation) soit couvertes en permanence d'eau, de neige ou de glace.

7° Surfaces à usage de cultures, qui sont végétalisées (agriculture, sylviculture) ou en eau (pêche, aquaculture, saliculture).

8° Surfaces naturelles ou végétalisées constituant un habitat naturel, qui n'entrent pas dans les catégories 5°, 6° et 7°.

Source : annexe à l'article R. 101-1 du code de l'urbanisme, résultant du décret du 29 avril 2022

Une publication aussi rapide de ce décret peut surprendre alors que les effets majeurs de cette nomenclature sur le développement de l'habitat et des activités dans les 30 années à venir nécessitaient une concertation approfondie. En outre, comme le rappelle l'exposé des motifs du décret, cette nomenclature ne s'applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans, puisque les objectifs portent uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Or de nombreux acteurs ont mis en garde contre certains éléments de cette définition . En particulier, elle inclut les parcs et jardins parmi les surfaces artificialisées, alors qu'il convient d'inciter à la végétalisation des espaces urbanisés. Le rapporteur spécial regrette ce choix, contraire à la volonté du Sénat qui avait retenu sur sa proposition, en sa qualité de rapporteur pour le projet de loi au nom de la commission des affaires économiques, une définition de l'artificialisation retenant les parcs et jardins parmi le surfaces non artificialisées 33 ( * ) .

S'agissant des modalités de mise en oeuvre de l'objectif ZAN dans les territoires , l'article 194 de la loi « Climat et résilience » a rajouté la lutte contre l'artificialisation des sols parmi les objectifs de moyen et long terme fixés par le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) 34 ( * ) . Cet objectif doit se traduire par une trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette des sols ainsi que, par tranches de dix années, par un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation. Il est décliné entre les différentes parties du territoire régional.

Un second décret en date du 29 avril 2022 35 ( * ) donne une interprétation extensive de ces dispositions en confiant au SRADDET la fixation de règles territorialisées permettant d'assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire régional identifiées par la région, le cas échéant à l'échelle du périmètre d'un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale (SCOT). Le schéma régional déterminerait ainsi, pour chaque partie du territoire, une cible d'artificialisation nette des sols au moins par tranches de dix années.

Alors que le projet de loi initial et le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale inscrivaient la trajectoire de réduction de l'artificialisation parmi les « règles générales » du SRADDET, qui s'imposent avec un lien de compatibilité aux documents de planification, la commission mixte paritaire, retenant le texte du Sénat, avait choisi de l'inscrire plutôt parmi les objectifs du SRADDET, qui s'imposent avec un lien de prise en compte seulement.

Le rapporteur spécial s'étonne et regrette que de ce décret, qui n'était d'ailleurs pas prévu explicitement par la loi « Climat et résilience », introduise les règles d'artificialisation dans le fascicule du SRADDET, qui s'impose aux documents d'urbanisme dans la mesure où ils doivent lui être compatibles.

c) Le rapport destiné à définir les outils de mise en oeuvre du ZAN n'a toujours pas été remis

Constatant que la loi « Climat et résilience » ne contenait pas les outils permettant une mise en oeuvre effective de l'objectif ZAN, le Parlement, sur une proposition initiale des députés 36 ( * ) , a prévu, au VI de la l'article 194, la remise par le Gouvernement , dans un délai de six mois après la publication de la loi, d'un rapport proposant notamment les modifications nécessaires en matière de fiscalité du logement et de la construction ainsi que les outils nécessaires aux collectivités territoriales .

Ce rapport n'a pas été remis dans les délais prévus par la loi, et ne l'est toujours pas à l'heure de la rédaction du présent rapport . Le rapporteur spécial regrette ce retard , alors que la norme, à elle seule, n'est pas en mesure de permettre l'atteinte de l'objectif ZAN et que la définition d'outils spécifiques s'impose avec évidence.

6. L'objectif de la sobriété foncière s'impose à l'ensemble des pays européens, malgré des différences importantes dans l'utilisation des terres

La nécessité de limiter l'artificialisation des terres se pose dans toute l'Europe . Entre 2000 et 2018, près d'un cinquième de l'urbanisation en Europe a eu lieu en Espagne, la France arrivant en second avec 15 % 37 ( * ) .

Constatant que, chaque année, plus de 1 000 km 2 de terres sont prélevés pour le logement, l'industrie, les transports ou les loisirs, l'Union européenne a fixé dès 2013 l'objectif de « mettre un terme d'ici à 2050 à l'augmentation nette de la surface de terres occupées » 38 ( * ) .

Cet objectif a été réaffirmé dans la Stratégie de l'Union européenne pour la protection des sols à l'horizon 2030, présentée le 17 novembre 2021 39 ( * ) . Cette Stratégie met l'accent sur l'« utilisation circulaire des terres », c'est-à-dire sur le recyclage des terres urbanisées, indiquant que, si la construction sur des surfaces déjà bâties ou la réhabilitation n'a concerné que 13,5 % des aménagements urbains dans l'Union européenne entre 2006 et 2012, certains États membres parviennent à des taux supérieurs à 50 %, voire 80 %.

Plusieurs pays se sont fixé des objectifs ambitieux : l'Allemagne compte imperméabiliser moins de 30 hectares par jour, soit la moitié du rythme annuel en France 40 ( * ) , jusqu'en 2030 ; la Flandre et la Wallonie comptent réduire à zéro les pertes de terres respectivement d'ici à 2040 et 2050.

La Commission européenne entend définir le concept d'artificialisation des sols dans une future législation sur la santé des sols . Elle recommande de supprimer progressivement les incitations financières qui vont à l'encontre de la priorité donnée au recyclage des terres, telles que les avantages fiscaux locaux pour convertir les terres agricoles ou les espaces naturels en environnement bâti 41 ( * ) .

D'ores et déjà, la politique de cohésion est en partie orientée selon les objectifs du « pacte vert pour l'Europe » ( Green Deal ) : le Fonds de cohésion et le Fonds européen de développement régional (Feder) devraient investir au moins 108 milliards d'euros dans des projets liés au climat et à l'environnement au cours des années 2021 à 2027, soit plus de 30 % de leur enveloppe totale 42 ( * ) . La fédération nationale des agences d'urbanisme a indiqué au rapporteur spécial que les financements des programmes opérationnels du Feder étaient mobilisés de longue date pour le recyclage de friches, mais que ceux relevant des investissements territoriaux intégrés (ITI) 43 ( * ) sont inégalement utilisés.

B. LES MOYENS ACTUELS NE PERMETTENT PAS DE LUTTER CONTRE L'ARTIFICIALISATION

Une politique résolue de sobriété foncière, à rebours des modes de développement et de construction suivis depuis le début de l'époque moderne, se heurte à la contrainte économique : il n'y a pas aujourd'hui de modèle économique rendant le « zéro artificialisation nette » viable sans intervention publique. En effet, la valeur environnementale des terres naturelles ne se reflète pas suffisamment dans les prix de marché qui, seuls, orientent les acteurs.

1. La pression foncière joue en défaveur des terres naturelles et agricoles
a) Il est difficile de donner aux terres naturelles et agricoles une valeur conforme à leur valeur environnementale et sociale

Les atteintes à l'environnement , et plus particulièrement l'artificialisation des sols, représentent un coût socio-économique faisant l'objet de tentatives de chiffrages, mais qui n'est que partiellement pris en compte dans le prix des terres et des logements.

Selon le programme « Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques » (EFESE) 44 ( * ) , une prairie ordinaire assure plusieurs services écosystémiques : séquestration de carbone, épuration de l'eau, régulation des crues, activités de loisir, paysage, chasse, dont la valeur est évaluée de 600 à 4 600 euros par hectare et par an. Pour une zone humide, les services (purification de l'eau, érosion et crue, production agricole et conchyliculture, chasse, paysage, éducation, valeur de non-usage) auraient une valeur de 2 400 à 4 400 euros.

Le Comité pour l'économie verte met ces valeurs en regard du montant des loyers de fermage, qui sont de l'ordre de 50 à 130 euros par hectare et par an selon le département et le type de terre 45 ( * ) . Les rendements offerts, qui dépendent bien sûr des productions, ne reflètent pas la valeur sociale et écologique des terres naturelles et ne peuvent donc suffire à les protéger.

Par voie de conséquence, en cohérence avec le faible niveau des loyers, le prix moyen des terres et prés libres et non bâtis était de 6 080 euros par hectare en 2020 46 ( * ) , ce qui est un niveau faible par rapport à d'autres pays européens : il se situe entre 10 000 et 20 000 euros en Italie, en Angleterre et en Allemagne, atteignant 50 000 euros aux Pays-Bas 47 ( * ) .

Ce faible prix apparaît ainsi comme l'un des moteurs de l'artificialisation des sols. Certains auteurs recommandent donc de favoriser une revalorisation de ce foncier 48 ( * ) . Guillaume Sainteny calcule que, en prenant en compte l'ensemble des charges, le foncier agricole a un rendement nul, voire négatif, et met en cause à la fois la charge fiscale pesant sur les terres et le statut du fermage qui s'oppose à une revalorisation des loyers 49 ( * ) .

Une autre voie pourrait consister en l'établissement de mécanismes de rémunération de la fourniture de services environnementaux. Le Comité pour l'économie verte donne l'exemple de la ville de New York qui, souhaitant assurer la qualité de l'eau prélevée à une grande distance (200 kilomètres) pour alimenter la ville, a décidé de rémunérer les agriculteurs afin qu'ils adoptent des pratiques préservant la pureté de l'eau 50 ( * ) .

b) Il est généralement moins cher de construire en étalement urbain qu'en reconstruisant la ville sur la ville

Les études montrent qu' il est nettement moins coûteux de construire une maison de plain-pied (740 à 1 020 euros hors taxes par mètre carré habitable en 2018) qu'un immeuble collectif urbain dense de quatre à huit niveaux (1 430 à 3 100 euros hors taxes par mètre carré habitable) 51 ( * ) .

En outre, ces coûts n'incluent pas les coûts environnementaux et sociaux de l'étalement urbain.

Les coûts environnementaux sont complexes à déterminer : l'étalement urbain entraîne bien évidemment une augmentation des déplacements de la vie quotidienne en automobile, mais en sens inverse il est possible que la vie dans une maison individuelle incite les ménages à des comportements différents lors des vacances, avec un recours moins fréquent à l'avion 52 ( * ) , ainsi qu'à la consommation de produits alimentaires locaux et non importés.

Du point de vue des collectivités, selon l'urbaniste Sylvain Grisot, auditionné par le rapporteur spécial, « le mode de financement de l'étalement et des services urbains masque les coûts réels et ne les fait pas payer aux principaux intéressés : les opérations d'aménagement déficitaires sont subventionnées de fait par les collectivités locales, l'accès aux réseaux est payé le même prix partout alors qu'il coûte beaucoup plus cher dans le diffus, le ticket de transport en commun est au même prix en centre-ville ou en périphérie » 53 ( * ) .... Les collectivités comptent certes sur des rentrées fiscales à long terme résultant de l'installation de nouveaux habitants ou entreprises, mais les coûts d'entretien et de maintenance des infrastructures créées ces dernières décennies sont élevés et pèseront sur les budgets des collectivités.

2. Le modèle économique du ZAN reste à construire

Les coûts environnementaux et sociaux d'une poursuite de l'urbanisation telle qu'elle s'est pratiquée depuis soixante ans sont bien établis. Le modèle alternatif et nécessaire d'une urbanisation sobre en foncier se heurte toutefois à la difficulté d'en construire le modèle économique .

Or une organisation originale et efficace avait été mise en place, en 2003, pour la transformation des quartiers construits à la périphérie des villes des années 1960 aux année 1980 et alors dégradés, avec le programme national de rénovation urbaine lancé par Jean-Louis Borloo, combinant impulsion nationale, financements massifs et soutien apporté par une agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Pour la rénovation des bâtiments privés, un effort important est aujourd'hui en cours de mise en place avec le principe de la subvention sur dossier (MaPrimeRénov'), même si l'effort n'est sans doute pas encore à la mesure du défi que représente la rénovation de l'ensemble du stock de logements.

Il devient urgent de définir le modèle économique du « zéro artificialisation nette » dans ses différentes modalités de réalisation.

a) Les réhabilitations de friches seraient souvent déficitaires sans aides

D'une part, comme le soulignait un rapport de l'Assemblée nationale de janvier 2021 54 ( * ) , le financement par le secteur privé de la réhabilitation des secteurs en friche ne permet pas de compenser le déficit de rentabilité des projets. Les financements publics demeurent incertains et insuffisants car les acteurs locaux n'ont pas toujours les moyens nécessaires, et les financements européens sont sous-mobilisés.

b) Les opérations de renaturation font face au différentiel considérable de rendement entre les terres « renaturées » et les sols urbanisés

L'adjectif « nette » dans l'objectif « zéro artificialisation nette » fait référence à la possibilité de compenser l'artificialisation d'une surface par la renaturation d'une autre surface .

Ce type d'opération est aujourd'hui l'un des points les plus difficiles à réaliser. La transformation d'un sol artificialisé en sol naturel est particulièrement difficile, surtout avec l'objectif de recréer un sol qui offre les mêmes services écosystémiques qu'un sol naturel.

Le terme de renaturation lui-même est ambigu. Le Gouvernement a ainsi annoncé, le 15 juin 2022, un « programme de renaturation des villes », doté de 500 millions d'euros qui seraient attribués aux collectivités locales volontaires 55 ( * ) . Les principales mesures annoncées sont toutefois l'installation de « canopées » urbaines et la végétalisation de façades. Sous réserve d'une présentation plus concrète du programme, ces mesures semblent plutôt de nature à lutter contre les îlots de chaleur et la pollution en milieu urbain que de contribuer réellement à une désartificialisation des sols urbains.

La loi « Climat et résilience » indique que « la renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé » 56 ( * ) .

La reconstitution d'un sol offrant les mêmes qualités qu'un sol naturel peut être réalisée soit en « reconstituant » un sol, par l'installation d'une couche de terre végétale ; soit en « reconstruisant » un sol capable d'accomplir les mêmes fonctions qu'un sol naturel, par superposition de couches assurant la germination, l'ancrage des racines, la fourniture d'eau... La filière de construction de sol présente un intérêt économique en ce qu'elle réduit les coûts liés à l'approvisionnement en terre végétale et en granulats, mais manque encore de retour d'expérience à long terme.

Construction de sol et refonctionnalisation écologique
de sites dégradés

Source : d'après Séré et al., 2008, dans la synthèse de l'expertise scientifique collective, INRA-IFSTTAR, 2017, cité par France Stratégie 57 ( * ) . Hz : « horizon »

Selon France Stratégie, le coût de la renaturation d'un sol artificialisé après dépollution, désimperméabilisation et construction d'un technosol est de 95 à 390 euros par mètre carré, coût auquel il faut ajouter le coût de déconstruction.

Éléments de chiffrage des coûts de renaturation

Étape du processus

Coût moyen

Déconstruction

65 € / m 2 , dont 35 €/ m 2 de coûts de démolition et 30 € / m 2 de traitement des déchets

Dépollution

2 à 65 € / m 2 pour les processus de phytoremédiation

Désimperméabilisation

60 à 270 € / m 2

Construction de technosols

33 à 55 €/ m 2

Source : France Stratégie, à partir de différents travaux

L'étude de France Stratégie considère que la renaturation peut être économiquement viable pour des projets ne nécessitant ni dépollution, ni désimperméabilisation, telles que des friches non polluées et des carrières. Le prix moyen des terrains constructibles est en effet de 130 euros par mètre carré en juin 2019, oscillant entre 10 euros par mètre carré dans certaines communes rurales et 610 euros par mètre carré en région parisienne.

En revanche, la renaturation pourrait difficilement permettre de remettre en culture des sols, compte tenu de son coût par rapport au niveau très faible du rendement des terres agricoles, comme vu supra . En conséquence, les friches non imperméabilisées constituent le principal gisement de renaturation.

La renaturation nécessitera une action coordonnée entre les acteurs , car elle ne peut être réalisée qu'à l'échelle d'un territoire. L'objectif ZAN est d'ailleurs fixé à une échelle large, alors que les mesures de compensation de la biodiversité, elles, sont assignées à chaque projet d'aménagement 58 ( * ) .

Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics identifient les potentiels de renaturation permettant à terme de réaliser des projets d'aménagement induisant une artificialisation.

3. Un « zéro artificialisation nette » mal maîtrisé serait porteur de risques pour la cohésion sociale

De nombreux ménages ne peuvent aujourd'hui accéder à la propriété que par l'habitat individuel dans des territoires où le foncier est peu cher, c'est-à-dire en périurbain.

L'objectif ZAN risquant de remettre en cause cette possibilité, il pose la question du modèle de l'accession à la propriété en France, déjà atteinte par la suppression de l'APL « accession » en 2018, alors que la propriété est vue comme indispensable par tous ceux dont les revenus diminuent lors du passage à la retraite , à un niveau où il leur serait difficile de payer un loyer. Le chercheur en études urbaines Éric Charmes met ainsi en garde contre les conséquences possibles des politiques foncières, faisant un parallèle avec la crise des Gilets jaunes, qui a répondu elle aussi à une contrainte, la taxation des émissions de gaz à effet de serre, dont l'intention environnementale était louable, mais qui défavorisait des territoires déjà marqués par des inégalités 59 ( * ) .

Le ZAN concernera sans doute en priorité les classes moyennes modestes , habitant ou souhaitant habiter en zones périurbaines, qui trouveront de plus en plus difficile de trouver une maison correspondant à leur projet. Dans le même temps, la crise du Covid a renforcé les tendances pour les classes aisées à avoir une maison à la campagne, restreignant d'autant l'offre potentielle à destination des ménages modestes et introduisant un risque de « gentrification rurale » 60 ( * ) .

Or un certain nombre de communes sont amenées, et vont l'être de plus à plus, à réviser leurs plans locaux d'urbanisme, pour déclasser des zones à urbaniser en zones non constructibles, alors même que des particuliers ou des entreprises ont prévu des projets sur des emprises à l'intérieur de ces zones.

Compte tenu de l'importance des enjeux pour les personnes concernées et de la multiplication des situations conflictuelles qui pourraient apparaître, le rapporteur spécial craint une montée de revendications indemnitaires à l'égard des communes suite aux décisions prises localement, alors même que ces décisions dériveraient, souvent sous la pression de l'autorité préfectorale, de la mise en oeuvre de l'objectif fixé nationalement de sobriété foncière.

Par ailleurs, comme l'ont observé les rapporteurs de la mission « Qualité du logement », dans leurs conclusions remises à la ministre chargée du logement le 6 septembre 2021 61 ( * ) , la qualité des logements a tendance à se dégrader . La taille des logements a diminué de 4 % entre 2006 et 2013, sans que cela corresponde à une diminution de la taille des ménages. La surface moyenne des chambres d'appartement a par exemple perdu 1,7 m 2 entre les constructions d'avant-guerres et 2009, tandis que les hauteurs sous plafond diminuaient en moyenne de 27 cm.

Il ne serait pas envisageable que la recherche d'économie sur le foncier , aussi incontestable dans son principe que la taxation du carbone, conduise à une nouvelle réduction de la taille et de l'habitabilité des logements collectifs . Une telle évolution ne ferait que réduire l'acceptabilité de cette trajectoire et renforcer l'adhésion des Français à la maison individuelle, dont la surface habitable tend au contraire à progresser.

II. LA DÉFINITION D'UN MODÈLE DE FINANCEMENT BUDGÉTAIRE ET FISCAL EST UNE IMPÉRIEUSE ET URGENTE NÉCESSITÉ

En matière de « zéro artificialisation nette », l'État a fixé une norme correspondant à la nécessité d'impulser une nouvelle manière de « faire la ville ». Toutefois l'édiction d'une norme ne saurait suffire, à moins que le ZAN ne soit qu'une nouvelle manière pour l'État de « gouverner à distance » les territoires 62 ( * ) . La responsabilité de l'État est de veiller à présent à la mise en place des outils financiers qui permettront concrètement d'atteindre cet objectif.

A. CERTAINS DISPOSITIFS BUDGÉTAIRES ET FISCAUX NATIONAUX VONT DANS LA BONNE DIRECTION, MAIS DEMEURENT INSUFFISANTS

La description des dispositifs budgétaires et fiscaux et de leur portée plus ou moins favorable à la sobriété foncière est rendue malaisée par la nouveauté de cet objectif parmi ceux de la politique publique.

1. La présentation des crédits budgétaires ne permet pas de déterminer exactement le montant des crédits budgétaires contribuant à l'objectif ZAN
a) L'objectif de sobriété foncière n'est présent que de manière restreinte dans les documents budgétaires

Le projet annuel de performance du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » annexé au projet de loi de finances pour 2022 contient douze occurrences du mot « artificialisation », contre neuf occurrences en 2021, trois en 2020 et zéro dans le même document trois ans auparavant, ce qui témoigne au moins de l'actualité de cette notion.

Ces évocations du terme ne correspondent toutefois pas à des lignes budgétaires distinctes, sauf celle qui, pour la première fois en 2022 au sein de l'action 05 « Soutien », est consacrée, pour 1,4 million d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, au déploiement de la base de données d'occupation des sols à grande échelle (OCSGE, décrite infra ).

Il n'existe pas non plus d'objectif ou d'indicateur dédié à la sobriété foncière dans la maquette de performance du programme.

Le dispositif de performance du programme 135

Objectif 1 : Satisfaire dans les meilleurs délais la demande de logements locatifs, en particulier dans les zones tendues et pour les demandeurs aux ressources les plus faibles

Indicateurs : 1.1. Fluidité du parc de logements sociaux. 1.2. Pourcentage de logements locatifs sociaux agréés (PLAI, PLUS et PLS) en zone tendue (A et B1). 1.3. Nombre de personnes reconnues DALO logées ou n'étant plus à reloger pour 100 décisions favorables prises par les commissions DALO sur la même année civile. 1.4. Part des attributions de logements sociaux hors QPV dédiées aux demandeurs de logements sociaux du premier quartile de ressources ou à des personnes relogées dans le cadre d'une opération de renouvellement urbain.

Objectif 2 : promouvoir la mixité sociale au sein des agglomérations au travers de la mixité de l'offre

Indicateur : 2.1. Atteinte des objectifs annuels de financement de logements locatifs sociaux (LLS) dans les communes soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Objectif 3 : améliorer et adapter la qualité du parc privé

Indicateur : 3.1. Performance des dispositifs de l'ANAH traitant des principaux enjeux de l'habitat privé.

Objectif 4 : promouvoir le développement durable dans le logement et, plus généralement, dans la construction

Indicateur : 4.1 Consommation énergétique globale des logements.

Objectif 5 : promouvoir la planification, la connaissance et le développement des territoires

Indicateurs : 5.1. Taux de couverture de la planification urbaine intercommunale. 5.2. Intervention des établissements publics fonciers (EPF) d'État et locaux en recyclage de friches. 5.3. Développement des pôles urbains d'intérêt national.

Source : projet annuel de performances pour 2022

Seul l'indicateur 5.2, qui porte sur l'intervention des établissements publics fonciers (EPF) dans des opérations de recyclage de friches, présente une dimension de lutte contre l'artificialisation. Introduit, lui aussi, par le projet de loi de finances pour 2022, cet indicateur a pour objet l'évaluation de l'intervention des EPF sur des fonciers déjà urbanisés nécessitant des travaux de remise en état ou de dépollution afin de permettre leur recyclage en vue d'une utilisation future. Les premiers résultats indiquent que le poids des travaux de proto-aménagement dans l'activité des EPF d'État et locaux est passé de 10 % à 12 % du volume des dépenses foncières de ces établissements entre 2019 et 2021, une cible de 13 % étant fixée pour 2023.

Le rapporteur spécial considère que l'importance de l'objectif de sobriété foncière justifierait que le dispositif de performance soit plus développé au niveau des indicateurs , voire des objectifs de performance du programme 135.

D'une manière générale, il est nécessaire de mieux identifier l'effort de l'État dans l'ensemble des dispositifs relevant de l'action de l'État tels que décrits par les documents budgétaires . Cette recommandation pourrait être mise en oeuvre dès le projet de loi de finances pour 2023.

Recommandation : mieux identifier dans le budget de l'État (notamment les crédits budgétaires du programme 135, les taxes affectées aux opérateurs, les dépenses fiscales et dans le budget vert) les dépenses qui contribuent à l'atteinte de l'objectif « zéro artificialisation nette » ou, au contraire, qui y sont défavorables .

Enrichir le dispositif de performance sur la question de l'utilisation des crédits de l'État en faveur de l'objectif de zéro artificialisation nette.

b) Une enveloppe est apportée aux opérations d'aménagement

L'action 07 « Urbanisme et aménagement » du programme 135 comporte une ligne intitulée « Politique d'aménagement de l'État », qui comprend des dépenses d'intervention à travers notamment les opérations prévues par des contrats de plan État-région (CPER) et, hors CPER, les contrats de projets partenariaux d'aménagement (PPA). Cette ligne est dotée dans le projet de loi de finances pour 2022 de 47 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, dont 15 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11 millions d'euros en crédits de paiement pour les PPA.

Le projet partenarial d'aménagement (PPA), introduit par la loi ELAN et inscrit aux articles L. 312-1 et suivants du code de l'urbanisme, est un contrat conclu entre l'État, une ou plusieurs intercommunalités et éventuellement d'autres acteurs intéressés (notamment les communes), afin de favoriser la réalisation d'opérations d'aménagement. Au 31 décembre 2021, vingt PPA étaient signés et sept étaient en cours d'élaboration 63 ( * ) .

Dans le cadre d'un projet partenarial d'aménagement, l'État peut céder à l'amiable des terrains de son domaine privé pour la réalisation d'opérations d'aménagement prévues par le contrat. Il ouvre la possibilité d'un recours aux établissements publics d'aménagement de l'État pour mener, même en dehors de leur périmètre, des études préalables à la formation d'un PPA. L'État peut apporter un financement complémentaire en cas de déficit opérationnel persistant 64 ( * ) .

L'objet d'un PPA étant en premier lieu l'aménagement, l'effet de la participation de l'État peut être ou non favorable à l'artificialisation . La sobriété foncière est toutefois présentée comme l'un des principaux critères de son intervention, avec la production de logements abordables et la production de surfaces économiques 65 ( * ) . Les PPA a par exemple pour objet de revitaliser des coeurs de ville ou des quartiers, de valoriser les friches, de réinventer les périphéries ou encore d'intensifier les quartiers de gare 66 ( * ) .

En 2020, sur une enveloppe prévue de 12,6 millions d'euros afin de soutenir de nouvelles opérations d'aménagement dans le cadre de projets partenariaux d'aménagement, seulement 7,0 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3,6 millions d'euros en crédits de paiement ont été consommés, pour une dizaine de PPA 67 ( * ) . Ces financements ont permis de réaliser des expertises pré-opérationnelles et financières et de soutenir la phase d'investissement nécessaire au lancement d'une grande opération, en termes de mobilisation foncière, d'études opérationnelles et travaux d'aménagement. Elles visaient à produire davantage de logements et à moindre coût que dans le diffus.

À titre d'exemple, l'État apporte 4 millions d'euros de crédits pour le projet partenarial d'aménagement d'Argenteuil, qui accompagne la mutation et l'intensification d'un quartier urbain dégradé. Les crédits de l'État peuvent également venir du plan de relance, comme c'est le cas pour le PPA de Saint-Jean-de-Luz qui contribue notamment à la renaturation de la bande littorale. Les opérations sont portées par des maîtres d'ouvrage locaux tels que les intercommunalités et les syndicaux intercommunaux.

c) Certains crédits sont apportés pour les études locales et d'urbanisme

L'action 07 précitée du programme 135 prévoit une enveloppe de 2 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour financer des études menées au niveau local , qui contribuent à l'élaboration des documents de planification territoriale et à accompagner les interventions de l'État dans l'élaboration et la révision de ces documents (SCOT et PLUi). Ces études visent prioritairement à promouvoir une montée en qualité des documents d'urbanisme avec une meilleure prise en compte des enjeux contemporains d'aménagement. L'objectif ZAN peut donc être l'un de leurs critères, sans qu'il soit réellement identifié de manière distincte sur cette ligne budgétaire.

2. Les établissements publics fonciers doivent être renforcés pour devenir les bras armés d'une véritable politique de maîtrise du foncier

La principale contribution financière de l'État aux opérations d'aménagement et d'urbanisme, en particulier depuis leur rebudgétisation partielle en 2021, est constituée par le soutien aux établissements publics fonciers (EPF).

a) L'action des établissements publics fonciers d'État et locaux est largement appréciée

Nombre de personnes ou organismes auditionnés par le rapporteur spécial ont souligné l'importance de l'action des établissements publics fonciers . Il s'agit d'un outil majeur pour le recyclage urbain.

En particulier, les EPF assurent le portage foncier des opérations : l'établissement acquiert directement les biens fonciers et immobiliers et les gère pendant plusieurs années, puis les rétrocède à la collectivité ou à une personne désignée par elle lorsque le projet (souvent pour la construction de logements, notamment sociaux) peut démarrer.

L'EPF peut réaliser des travaux de préaménagement, par exemple de démolition ou de dépollution. Pendant la durée de la convention de portage, souvent de 4 à 10 ans, la collectivité rétribue l'établissement en versant chaque année une somme représentant un pourcentage du prix du bien acheté ou du capital restant dû.

Les établissements publics fonciers d'État et locaux

Source : Association des établissements publics fonciers locaux, guide des EPFL 2019

Dans certains cas leur action est limitée par des contraintes réglementaires. Par exemple, le 8° du II de l'article 150 U du code général des impôts prévoit que les immeubles cédés à un établissement public foncier sont exonérés d'imposition sur les plus-values, ce qui favorise les acquisitions par ces établissements, mais à la condition que le bien soit ensuite cédé dans les trois ans. Ce délai n'est pas toujours suffisant pour des opérations complexes, comme l'a indiqué l'Association nationale des établissements publics fonciers locaux au rapporteur spécial.

L'action des EPF ne vise pas uniquement la sobriété foncière, mais elle y contribue notamment par son action sur la réhabilitation des friches. Le « budget vert » annexé au projet de loi de finances 68 ( * ) classe d'ailleurs son action parmi les actions favorables à l'environnement.

b) La réforme de la fiscalité locale a conduit à leur rebudgétisation partielle...

Jusqu'en 2019, une ressource majeure des EPF d'État et locaux était une fraction du produit des taxes spéciales d'équipement (TSE), pour un montant versé de 558,7 millions d'euros en 2020 69 ( * ) . Ces montants incluent des frais d'assiette et de recouvrement.

La TSE ne constitue qu'une part des ressources des EPF, la principale ressource consistant dans les cessions . Ils reçoivent également, de manière minoritaire, une partie du prélèvement effectué sur certaines communes déficitaires en logement sociaux au titre de la loi « Solidarité et renouvellement urbains » (SRU), ainsi que des subventions.

Ressources des établissements publics fonciers d'État
et locaux en 2020

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires

En raison de la réforme de la fiscalité locale, le niveau estimé de TSE versé aux EPF diminue à 391,1 millions d'euros en 2021 et à 369,8 millions d'euros en 2022.

Ces taxes sont en effet des taxes additionnelles aux taxes foncières sur les propriétés bâties (TFPB) et non bâties, à la taxe d'habitation et à la cotisation foncière des entreprises (CFE). Leur produit a donc été réduit, d'une part, par la disparition progressive de la taxe d'habitation des résidences principales, et, d'autre part, par la modification des paramètres d'évaluation de l'assiette foncière des établissements industriels utilisée pour le calcul de la CFE et à la TFPB.

Afin de compenser ces effets, la loi de finances pour 2021 a créé une dotation aux établissements publics fonciers d'État et locaux, aux établissements publics fonciers d'aménagement et aux agences des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique.

c) ... qui ne doit pas conduire à leur appliquer des mesures de régulation budgétaire, mais au contraire à garantir leur soutenabilité économique au profit de la politique de maîtrise foncière

Si la dotation budgétaire a été calculée pour compenser la baisse de la TSE, cette rebudgétisation n'est pas sans soulever certaines inquiétudes, surtout à une période où la croissance très forte de la dette publique pourrait encourager les gouvernements successifs à mettre en oeuvre des moyens de régulation budgétaire. Les crédits du programme 135 sont soumis, comme la plupart des programmes du budget général, à une mise en réserve des crédits en début d'exercice d'un montant de 4 %.

Le Réseau national des EPF d'État a demandé à l'État, dans son premier rapport d'activité publié le 29 mars 2022, de garantir leur soutenabilité afin d'être en mesure de relever tous leurs défis. Leurs différentes extensions de périmètre ont en effet augmenté d'un quart le nombre d'habitants couverts par leur périmètre entre 2016 et 2021.

Le rapporteur spécial souligne le rôle important des établissements publics fonciers, aussi bien d'État que locaux, et demande que leurs moyens soient renforcés et garantis sur le long terme. Alors que l'objectif ZAN va nécessairement renforcer le prix du foncier dans les années et décennies à venir, face à des comportements éventuels de rétention foncière, voire de spéculation, des acteurs publics tels que les EPF jouent un rôle indispensable pour une maîtrise publique du foncier, seule à même de limiter les coûts pour les collectivités et les habitants.

Recommandation : Favoriser la maîtrise publique du foncier face aux initiatives privées accaparant du foncier.

Renforcer et garantir les moyens des établissements publics fonciers d'État et locaux, dépendants depuis 2021 d'une dotation budgétaire alors qu'ils bénéficiaient auparavant d'une recette fiscale affectée importante, afin qu'ils puissent mener une véritable politique de maîtrise foncière.

3. Le succès du fonds friches rend nécessaire sa pérennisation et sa transformation en « fonds ZAN »

Après une première édition en décembre 2020 et une deuxième édition en juillet 2021, une troisième édition du fonds friches a été lancée en février 2022. L'enveloppe totale a été augmentée de 100 millions d'euros pour atteindre 750 millions d'euros.

a) Les deux premières éditions du fond friches ont suscité de très nombreux projets

Les deux premières éditions du fonds friches ont porté sur des montants respectifs de 300 et 350 millions d'euros, conduisant à la sélection de 1 118 projets.

L'appellation « fonds friches » regroupe en fait trois dispositifs 70 ( * ) :

- pour 589 millions d'euros (cumulés sur les deux premières éditions), une série d'appels à projets territorialisés pour des projets d'aménagement urbain, de revitalisation des coeurs de ville et de périphérie urbaine, et pour des projets de requalification à vocation productive (volet « recyclage foncier ») ;

- pour 60 millions d'euros, un appel à projet national lancé chaque année par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour la reconversion des friches polluées issues d'anciens sites industriels classés ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) ou sites miniers. L'ADEME avait déjà lancé une dizaine d'appels à projets sur ce thème antérieurement au plan de relance ;

- pour 1 million d'euros, le développement d'outils de connaissance du foncier par le CEREMA afin d'appuyer les collectivités et opérateurs dans l'inventaire des friches, mais également pour la mise en oeuvre opérationnelle des projets.

La seconde édition a permis de retenir, pour le volet « recyclage foncier », 503 lauréats pour plus de 280 millions d'euros de subventions octroyées, ayant pour objet de recycler plus de 1 100 hectares de friches. En outre, 21 projets ont été sélectionnés au titre de l'appel d'offres géré par l'ADEME.

Selon les éléments apportés par le Gouvernement 71 ( * ) , les projets sélectionnés permettront de recycler environ 2 700 hectares de friches et de générer près de 5,7 millions de mètres carrés de logements , plus de 4,1 millions de mètres carrés de surfaces économiques et plus de 3,9 millions de mètres carrés d'équipements publics .

Le nombre, la surface et le montant de subventions retenus ont été très divers selon les régions.

Une demi-douzaine de départements ont obtenu des subventions du fonds friches pour des surfaces supérieures à 100 hectares, alors que huit départements n'ont obtenu de subventions que pour des surfaces totales inférieures à 2 hectares. Toutefois, certains projets concernent des superficies très élevées, par exemple la reconversion d'une base aérienne de 300 hectares dans l'Essonne, de sorte que la superficie des friches concernées par le fonds friches n'a qu'une signification limitée.

L'importance des projets peut donc être mesurée par la surface de logements, d'activités économiques et d'équipements publics devant être produits sur le site.

Quatre projets en Île-de-France prévoient de produire plus de 30 hectares de surfaces utiles et les départements qui produisent les plus grandes surfaces sont des départements situés à la périphérie de Paris (Yvelines, Val-de-Marne, Seine-Saint-Denis), ainsi que le Nord et la Meurthe-et-Moselle.

Certains départements ruraux ont toutefois fait participer le fonds friches à des projets ambitieux, comme on peut le constater en rapportant les surfaces produites au nombre d'habitants. Dans les Hautes-Pyrénées par exemple, département qui comprend la plus grande surface produite par rapport à sa population, un projet de réhabilitation d'une friche militaire doit conduire à lui seul à la création de 140 000 m 2 d'activités économiques et d'équipements publics.

Surfaces utiles produites 72 ( * ) , rapportées au nombre d'habitants, pour des projets sélectionnés au titre des deux premières éditions du fonds friches

Source : commission des finances, à partir des données publiées par le Gouvernement 73 ( * )

Le montant des subventions attribuées varie également grandement selon la nature des projets et les territoires qui produisent le plus ne sont pas forcément ceux qui reçoivent les subventions les plus importantes.

Subventions attribuées au titre des deux premières éditions
du fonds friches, par mètre carré de surface utile produite

Source : commission des finances, à partir des données publiées par le Gouvernement. Certains départements sont représentés en blanc car le nombre de mètres carrés produits est trop faible pour que le taux de subvention soit significatif 74 ( * )

b) La troisième édition du fonds friches est en cours d'instruction

La troisième édition, lancée le 15 février 2022, pour une date de sélection des projets prévue le 15 juillet, porte sur une enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros , répartie comme les précédentes éditions entre deux séries d'appels à projets :

- 91 millions d'euros seront attribués, sous l'égide des préfets de région, pour le recyclage foncier dans le cadre de projets d'aménagement urbain, de revitalisation des coeurs de ville et de périphérie urbaine, ainsi que pour des projets de requalification à vocation productive ;

- 9 millions d'euros au maximum doivent être consacrés, dans le cadre d'un appel à projets national lancé par l'ADEME, à la reconversion des friches polluées issues d'anciens sites ICPE ou miniers.

Le cahier des charges de la troisième édition est presque semblable à celui des deux premières éditions.

L'accent est mis sur la rapidité de mise en oeuvre , puisque le cahier des charges prévoit que « les projets devront être suffisamment matures afin de permettre un engagement des crédits du fonds d'ici fin 2022 » 75 ( * ) , soit moins de 11 mois après le lancement de l'appel d'offres. En particulier, les principales caractéristiques du projet (maîtrise d'ouvrage, conditions de maîtrise du foncier, programmation urbaine de l'aménagement ou projet de revitalisation économique, bilan économique de l'opération) doivent avoir été définies au moment du dépôt du projet.

Cette rapidité de mise en oeuvre est plus importante encore que pour la deuxième édition, puisque celle-ci, lancée le 15 juillet 2021, prévoyait également un engagement des crédits avant la fin 2022 76 ( * ) , soit un délai de près de 18 mois.

Selon le cahier des charges, les financements apportés doivent avoir un effet déclencheur , en s'ajoutant, sans s'y substituer, aux autres subventions publiques afin de « permettre la réalisation effective des projets ».

Les friches éligibles au fonds sont définies comme :

- soit des terrains nus, déjà artificialisés mais qui ont perdu leur usage ou leur affectation ;

- soit un îlot d'habitat, d'activité ou mixte, bâti et caractérisé par une importante vacance ou à requalifier (par exemple parce que l'îlot comporte une concentration élevée d'habitat indigne et une situation économique et sociale des habitants particulièrement difficile, ou encore une part élevée d'habitat dégradé vacant alors que la demande de logements est supérieure à l'offre).

Le critère relatif à l'habitat vacant semble ouvrir le fonds friches à des opérations répondant à un véritable besoin , constaté par le rapporteur spécial au cours de ses auditions. Toutefois cette ouverture, étant réservée aux territoires tendus, risque d'être limitée par les critères nationaux d'évaluation des projets , qui indiquent au contraire que la priorité sera donnée aux projets localisés dans des territoires où le marché est dit détendu au sens des politiques du logement, ainsi que dans des dispositifs tels que Action Coeur de ville, Petites Villes de demain et les opérations de revitalisation de territoire.

Les crédits peuvent être utilisés pour financer les travaux de démolition, de dépollution ou d'aménagement, mais également, en amont, des études et des acquisitions foncières. La nécessité de présenter des projets matures permet toutefois de penser que des études assez avancées doivent avoir été conduites au préalable par les collectivités ou les aménageurs.

Une limitation importante du fonds friches est cependant la nécessité, pour le soutien financier apporté, de demeurer compatible avec le régime européen des aides d'État .

Les aides devant rester en-dessous du seuil de minimis (soit 200 000 euros hors taxe, si l'opération ne s'inscrit pas dans un service d'intérêt économique général ou SIEG), les aides ne sont souvent pas accessibles aux opérateurs privés , sauf dans le cas particulier de la dépollution des sites qui permet d'obtenir une exemption spéciale au titre des aides à l'assainissement des sites contaminés. Les principaux bénéficiaires sont donc des collectivités territoriales ou des sociétés d'économie mixtes concessionnaires.

c) Le fonds est plébiscité dans son principe, mais seule une extension permettra de faire contribuer significativement les friches à la limitation de l'artificialisation

Si les personnes et organismes auditionnés par le rapporteur spécial ont dans l'ensemble apprécié l'existence du fonds friches, qui répond à un véritable besoin, son dimensionnement lui-même apparaît insuffisant par rapport à l'objectif ZAN.

Les deux premières éditions du fonds friches ont permis de recycler environ 2 700 hectares de friches, mais ceci ne représente qu'un dixième environ de l'artificialisation moyenne en une année.

En outre, le périmètre du fonds friches est insuffisant . Le rapporteur spécial considère qu'il devrait devenir un véritable « fonds ZAN » visant l'ensemble des terrains sur lesquels la construction peut se faire sans artificialisation ou avec une artificialisation très limitée n'entraînant pas d'extension urbaine : friches, mais aussi « dents creuses », réhabilitation et remise sur le marché de l'habitat vacant là où une demande existe.

Enfin, alors que le président de la République a annoncé en septembre 2021 la « pérennisation » du fonds friches , cette déclaration n'a toujours pas fait l'objet d'une formalisation . Le fonds friches est toujours financé par les crédits de la mission « Plan de relance », qui a pourtant vocation à s'éteindre après 2022. Il devient donc urgent de définir concrètement les modalités de pérennisation de ce dispositif. Concrètement, cette pérennisation devrait en toute logique s'effectuer par une dotation budgétaire annuelle sur les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

Recommandation : Pérenniser le fonds friches et étendre son périmètre aux projets poursuivant l'objectif de sobriété foncière.

Un véritable « fonds ZAN » devrait être doté de ressources suffisantes pour supporter une extension de périmètre à l'ensemble des projets permettant de lutter contre l'artificialisation des sols. La pérennisation du fonds friches devrait être assurée par une dotation budgétaire sur le programme 135 et non, comme actuellement, sur les crédits temporaires du plan de relance.

=> cible : projet de loi de finances pour 2023

4. L'aide à la relance de la construction durable demandera à être évaluée

Le plan de relance a défini un dispositif d'abord qualifié d'aides aux « maires densificateurs », puis d'« aide à la relance de la construction durable », doté de 350 millions d'euros sur deux ans, soit 175 millions d'euros par an. Il s'agissait d'une aide apportée en fin d'année aux communes qui, sur une période de douze mois allant du 1 er septembre de l'année précédente au 31 août de l'année en cours, ont accordé des permis de construire dont la densité dépasse un certain seuil.

Il a toutefois été remplacé au bout d'une année par un dispositif de contractualisation recentré sur les territoires tendus 77 ( * ) , sur une proposition de la commission « Rebsamen » pour la relance durable de la construction de logements. Un contrat de relance du logement est signé entre l'État, l'intercommunalité et les communes volontaires situées dans les zones de tension du marché immobilier local. Il fixe des objectifs de production de logements et les aides attribuées peuvent être retracées dans le cadre du suivi budgétaire du contrat de relance et de transition écologique (CRTE).

Le montant de l'aide étant défini en fonction du nombre de permis de construire effectivement accordé, constaté a posteriori , il est trop tôt pour évaluer si ce dispositif a un effet « déclencheur » sur des projets tendant à la densification.

5. Les dispositifs de fiscalité nationale ont des effets contrastés sur la lutte contre l'artificialisation

Selon le jaune budgétaire « Budget vert » annexé au projet de loi de finances pour 2022, certaines dépenses fiscales rattachées au programme 135 génèrent de l'artificialisation et sont pour cette raison jugées défavorables à l'environnement, à hauteur de 0,9 milliard d'euros. Le rapport cite la réduction d'impôt Pinel et le prêt à taux zéro.

À l'inverse, 1,8 milliard d'euros de dépenses fiscales sont jugées favorables à l'environnement parce qu'elles favorisent la réhabilitation de logements anciens, notamment dans le cadre de travaux d'amélioration thermique et d'isolation ; ces dépenses, si elles sont favorables à la réduction de l'impact environnemental du stock de logements, n'ont qu'un effet limité sur l'artificialisation, sauf dans le cas où l'alternative à la rénovation est l'abandon du logement pour un logement neuf.

Un certain nombre de dispositifs fiscaux font l'objet de critiques en ce qu'ils favoriseraient de fait l'étalement urbain ou la consommation d'espace 78 ( * ) .

a) L'imposition des plus-values immobilières privilégie la détention longue

L'imposition des plus-values immobilières n'a pas d'effet artificialisant direct. Toutefois, l'exonération liée , pour les résidences non principales, à une détention longue tend à limiter les transactions sur des logements anciens et à réduire la fluidité du marché du logement. Or cette fluidité pourrait être souhaitable pour favoriser des types de logement plus vertueux par rapport aux objectifs environnementaux et notamment liés à la lutte contre l'artificialisation. Cette situation a été signalée plusieurs fois au rapporteur spécial lors des auditions.

Plusieurs rapports ont déjà proposé que la fiscalité des plus-values soit réformée pour ne plus encourager la détention longue . Le rapport Figeat proposait ainsi de supprimer, ou a minima de diminuer, la fiscalité sur les plus-values immobilières de cession et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en compensant cette diminution par une hausse de la taxe foncière 79 ( * ) .

Par ailleurs, ces plus-values peuvent résulter partiellement de la mise en oeuvre de l'objectif ZAN lui-même : la loi « Climat et résilience » devrait avoir pour conséquence, dans les années à venir, une raréfaction du foncier disponible, source d'augmentation de prix des logements et tout particulièrement des maisons individuelles.

La fédération des SCOT a suggéré au rapporteur spécial qu'un dispositif soit mis en place afin qu'une partie de cette hausse soit reversée aux collectivités locales pour financer la politique de renouvellement urbain et de renaturation. Une telle mesure devrait toutefois prendre en compte certaines situations : dans le cas d'une résidence principale, bien souvent le propriétaire-occupant utilise le produit de la vente de sa maison pour en acquérir une autre, elle aussi potentiellement affectée par l'augmentation des prix du foncier, de sorte qu'une « captation » de la plus-value par la collectivité pourrait rendre plus difficile la mobilité résidentielle.

Des actions sur certains aspects pourraient aussi être mises en oeuvre.

À titre d'exemple, si la cession de la résidence principale bénéficie d'une exonération de la taxation des plus-values réalisées, le détachement d'une partie du jardin pour le transformer en lot constructible est, lui, soumis, à cette imposition. Le rapport sur l'habitat remis en décembre 2021 par le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts propose de l'en exonérer, au même titre que la résidence principale, afin de favoriser la densification des quartiers d'habitat individuel 80 ( * ) .

La mission « Économie de la biodiversité » propose enfin une exonération de 75 % des plus-values immobilières dans le cas des logements collectifs 81 ( * ) .

b) Le dispositif Pinel produit des effets artificialisants mais il est en cours de recentrement et gagnerait à être mieux territorialisé

Le dispositif Pinel 82 ( * ) permet aux personnes investissant dans un logement locatif de bénéficier d'une réduction d'impôt sur les revenus locatifs à condition de respecter des conditions relatives à la durée de la mise en location, au niveau du loyer et à celui des revenus des locataires (logements intermédiaires).

Ce dispositif est souvent critiqué pour son impact sur l'artificialisation dans la mesure où il favorise la construction neuve.

Le coût du dispositif Pinel, pour le budget de l'État, est estimé à 1 383 millions d'euros en 2022, contre 1 195 millions d'euros en 2021, 966 millions d'euros en 2020 et 745 millions d'euros en 2019. Cette hausse régulière est due à sa montée en puissance progressive, la réduction d'impôt se prolongeant sur une durée de 6 à 12 années.

L'impact sur l'artificialisation devrait toutefois se réduire dans les années à venir , car la loi de finances pour 2021 a limité le bénéfice de ce dispositif, s'agissant des logements neufs, à ceux situés dans un bâtiment d'habitation collectif. Cette disposition a fait l'objet de critiques, car elle exclut les maisons individuelles groupées, qui pourraient constituer un compromis entre densité acceptée et rationalisation des surfaces 83 ( * ) .

En outre, le dispositif Pinel devrait prendre fin dans son format actuel en 2024, sauf nouveau prolongement en loi de finances.

L'impact artificialisant de type de dispositif , s'il était maintenu à l'avenir, pourrait éventuellement être limité également par la mise en place d'un zonage plus fin . En effet, le dispositif s'applique actuellement en fonction d'un critère de tension du marché du logement apprécié au niveau communal, ignorant donc les différences importantes qui distinguent souvent plusieurs quartiers d'une commune. En outre, il ne permet guère de prendre en compte l'objectif de limitation de l'étalement urbain.

Le premier rapport d'évaluation de l'expérimentation d'un zonage décidé au niveau local par le préfet, conduite en Bretagne à la suite de la loi de finances pour 2020 84 ( * ) , indique que la définition d'un zonage à l'échelle infra-communale permettrait de faire contribuer le dispositif Pinel à la lutte contre l'étalement urbain 85 ( * ) . L'éligibilité peut en effet être mobilisée par les acteurs locaux pour rendre plus attractive la construction dans les zones déjà denses et favoriser les opérations de recyclage urbain, plutôt qu'en extension urbaine.

Comme le soulignent les auteurs du rapport, la définition d'un tel zonage ne peut être faite qu'en lien avec les collectivités territoriales, car une connaissance fine du territoire est nécessaire pour définir les zones permettant d'éviter l'artificialisation et l'étalement urbain.

c) Le prêt à taux zéro (PTZ) fait lui aussi l'objet de tentatives de recentrement pour en limiter l'effet artificialisant

Le prêt à taux zéro (PTZ) est un prêt sans intérêt accordé en complément d'un autre prêt pour acheter ou construire un logement . Lié à des plafonds de ressources, il affecte le budget de l'État dans la mesure où les banques qui l'accordent bénéficient d'un crédit d'impôt en raison du manque à gagner qu'elles subissent par rapport à un prêt accordé aux conditions de marché 86 ( * ) .

Le PTZ, comme le dispositif Pinel, est souvent présenté comme un dispositif défavorable à la sobriété foncière car il est utilisé principalement pour la construction neuve, en particulier de maisons individuelles dans les secteurs périurbains.

Ces dernières années le PTZ dans le neuf a été partiellement réorienté vers les zones denses mais reste accessible dans les zones rurales ou semi-rurales , avec un certain recentrement sur les logements anciens dans ces zones : dans les zones B2 et C, c'est-à-dire les moins denses, le PTZ peut financer 40 % du coût de l'opération pour l'acquisition et la rénovation d'un logement existant et 20 % seulement pour la construction d'un logement neuf.

Le rapport précité remis par le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts considère toutefois que la réduction à 20 % de la quotité de PTZ dans le neuf pour les zones B2 et C n'a pas conduit les ménages modestes à se reporter sur les logements anciens dans ces zones ou sur les logements neufs dans les zones tendues, mais plutôt à favoriser des opérations sur des territoires encore plus éloignés des centres, pour permettre aux ménages de réaliser leur projet avec un foncier moins cher.

d) Plusieurs dispositifs, dont le « Denormandie », encouragent le retour dans les centres urbains

Plusieurs dispositifs fiscaux favorisent le logement collectif ou ancien.

La réduction d'impôt sur le revenu dite « loueur en meublé non professionnel » ou « Censi-Bouvard » 87 ( * ) apporte une réduction d'impôt à des acquéreurs de logements en résidence étudiante ou dans un établissement social ou médico-social. Elle est de fait favorable à l'objectif ZAN , compte tenu des publics et du type de logements visés.

Le dispositif « Denormandie » 88 ( * ) , instauré par la loi de finances pour 2019, apporte une réduction d'impôt pour l'acquisition d'un logement locatif intermédiaire faisant l'objet de travaux d'amélioration ou de transformation d'un local en logement, dans certaines communes (Action Coeur de ville, opération de revitalisation de territoire (ORT), besoin de réhabilitation de l'habitat important). Il est donc de fait favorable à l'objectif de sobriété foncière .

Le dispositif Denormandie

Instauré par l'article 226 de la loi de finances pour 2019 et inscrit à l'article 199 novovicies du code général des impôts, le dispositif Denormandie étend le bénéfice du dispositif Pinel à des logements acquis et rénovés par un investisseur ou à des locaux transformés en logement , dans le centre des communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué ou qui ont conclu une convention d' opération de revitalisation de territoire (ORT).

Comme le dispositif Pinel, qui s'applique principalement à des logements neufs selon un zonage différent, le dispositif Denormandie consiste en une réduction d'impôt , à condition que le logement soit loué pendant une durée d'au moins six ans à un niveau inférieur à un plafond correspondant à celui des logements intermédiaires et que le locataire ait des revenus inférieurs à un seuil réglementaire. Le taux de la réduction d'impôt varie de 12 % à 21 % du prix du bien selon la durée de l'engagement de location.

Source : commission des finances

Le dispositif « Malraux 89 ( * ) , contrairement au dispositif Denormandie qui s'adresse à un nouvel acquéreur, peut être mobilisé pour un bâtiment dont on est déjà propriétaire . Il s'agit d'une réduction d'impôt sur le revenu conditionnée à la restauration complète d'un immeuble situé dans un site patrimonial classé ou, jusqu'au 31 décembre 2022, dans un quartier ancien dégradé ou faisant l'objet d'une convention ANRU 90 ( * ) .

Le dispositif « Louer abordable » , aussi appelé dispositif « Cosse », consiste en une déduction des revenus fonciers liée à la mise en location intermédiaire ou sociale d'un logement dans une zone tendue, ou bien en zone non tendue avec travaux, dans le cadre d'un conventionnement avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) 91 ( * ) . Ce dispositif, désormais désigné sous l'appellation « Loc'Avantages » , a été transformé par l'article 67 de la loi de finances pour 2022 en une réduction d'impôt pour les nouvelles conventions 92 ( * ) .

Les dispositifs « Malraux » et « Louer abordable / Loc'Avantages » peuvent être considérés comme favorisant l'utilisation efficace du parc de logements dans les centres villes. Ils ne concernent toutefois qu'un nombre limité de logements, respectivement 3 800 ménages pour un coût annuel de 29 millions d'euros et 11 000 ménages pour un coût annuel de 25 millions d'euros 93 ( * ) .

6. Un nombre important d'opérateurs publics contribuent à la lutte contre l'artificialisation, au risque d'un manque de lisibilité de l'action publique

Un grand nombre d'établissements publics, qu'il s'agisse d'agences de l'État ou d'établissements sui generis , apportent une contribution au recyclage urbain et, par conséquent, à la lutte contre l'artificialisation, en soutien aux collectivités, aux opérateurs ou aux particuliers.

Le paysage de ces opérateurs, qu'il n'est pas possible de tous citer, est toutefois d'une complexité certaine.

L' Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a pour mission d'apporter un soutien aux collectivités en mobilisant les ressources de l'administration centrale et des autres opérateurs de l'État en complément de l'expertise des préfectures, des services décentrés et de l'ingénierie locale. Elle doit aider tout particulièrement les territoires faiblement pourvus en ressources d'ingénierie 94 ( * ) .

Au total, l'ANCT apparaît souvent comme un point de rendez-vous des différentes politiques nécessitant une mise en oeuvre dans les territoires, en lien avec les autres opérateurs. Elle gère également un fonds de restructuration des locaux d'activité , doté de 60 millions d'euros, qui a pour objet de maintenir l'immobilier commercial et artisanal dans les territoires fragiles 95 ( * ) .

L' Agence nationale de l'habitat (ANAH) apporte aux collectivités, ainsi qu'à des établissements publics d'aménagement ou d'autres organismes, une aide à l'ingénierie sur les projets relevant de certains programmes 96 ( * ) . Sa participation peut prendre la forme d'une participation financière aux études ou travaux, à hauteur de 50 % à 70 % en-dessous de certains plafonds.

Son intervention entre souvent dans le cadre de l'objectif de sobriété foncière dans la mesure où elle favorise l'amélioration de l'habitat, la résorption de l'habitat indigne, le traitement des copropriétés fragiles ou les travaux sur des immeubles destinés à être revendus dans des centres urbains (vente d'immeuble à rénover, dispositif d'intervention immobilière et foncière).

Le CEREMA , établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, accompagne l'État et les collectivités territoriales pour l'élaboration, le déploiement et l'évaluation de politiques publiques d'aménagement et de transport. Il intervient surtout par des missions d'expertise et de mise à disposition de données. Un décret du 16 juin 2022 modifie l'organisation et le fonctionnement du CEREMA 97 ( * ) , en application de la loi dite 3DS 98 ( * ) , afin de permettre à l'organisme de travailler en quasi-régie avec les collectivités 99 ( * ) .

L' Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) procède depuis des années à des appels à projets portant sur le traitement de sites pollués, intégrés depuis deux ans au fonds friches (voir supra ).

S'agissant spécifiquement de l'objectif ZAN, l'ADEME a retenu en mars 2022, à la suite d'un appel à manifestation d'intérêt, 22 territoires pour participer à une « expérimentation ZAN » 100 ( * ) . L'agence doit apporter un soutien, à hauteur de 1,8 million d'euros, pour financer la réalisation d'études nécessaires à l'élaboration d'une trajectoire ZAN et à son intégration dans les plans et documents d'urbanisme, des études préalables à la mise en oeuvre de projets d'aménagement contribuant à cette stratégie et des actions de sensibilisation et de montée en compétences des acteurs des territoires.

7. Le programme « Action coeur de ville » et les opérations de revitalisation de territoire ont montré l'utilité d'une action de réhabilitation des centres urbains

Les actions du programme « Action coeur de ville » font l'objet d'une appréciation dans l'ensemble positive de la part des représentants des collectivités.

Ce programme, qui concerne 234 communes sur 222 territoires métropolitains, favorise des actions de revitalisation inscrites dans des conventions de financement associant l'État, les communes et intercommunalités et des partenaires publics et privés. Les axes retenus sont la réhabilitation et la restructuration de l'habitat en centre-ville, le développement économique et commercial équilibré, l'accessibilité, la mobilité et les connexions, la mise en valeur de l'espace public et du patrimoine et l'accès aux équipements et aux services publics.

Dans le principe, ce programme va donc dans le sens de la lutte contre l'artificialisation puisqu'il conduit au développement ou au retour des logements et des commerces dans les centres urbains.

Les financements annoncés sont de l'ordre de 5 milliards d'euros sur la période 2018-2022, apportés par différents financeurs publics, dont la Caisse des dépôts et consignations (1 milliard d'euros en fonds propres, 700 millions d'euros en prêts), Action Logement (1,5 milliard d'euros) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH, 1 milliard d'euros) 101 ( * ) . Le Gouvernement a annoncé en juillet 2021 la poursuite du programme jusqu'en 2026.

Selon les premiers chiffres du troisième baromètre de l'immobilier des villes moyennes, publié par le Conseil supérieur du notariat (CSN) et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les territoires couverts par le projet Action Coeur de ville connaissent une certaine dynamique : les ventes de biens dans les agglomérations du programme ont augmenté de 20 % en 2020, contre 14,5 % au niveau national sur la même période, avec une progression tout particulièrement dans les villes centres 102 ( * ) .

Ces chiffres ne sont pas nécessairement la conséquence unique du dispositif Action Coeur de ville, dont l'évaluation devra être faite dans la durée, mais ils témoignent de l'intérêt renouvelé des Français pour un habitat dans des villes à taille humaine.

En lien avec le programme Action Coeur de ville, les opérations de revitalisation de territoire (ORT), définies par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018, visent une requalification d'un centre-ville : rénovation du parc de logements, des locaux commerciaux et artisanaux et du tissu urbain dans son ensemble.

Une convention est signée entre l'intercommunalité, sa ville principale, d'autres communes membres volontaires, l'État et ses établissements publics. Elle ouvre l'accès à des droits juridiques et fiscaux :

- dispense d'autorisation d'exploitation commerciale et possibilité de suspension au cas par cas de projets commerciaux périphériques ;

- accès prioritaire aux aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ;

- éligibilité au dispositif Denormandie dans l'ancien ;

- accès à des dispositifs expérimentaux tels que le permis d'innover ou le permis d'aménager multi-site ;

- renforcement du droit de préemption urbain et du droit de préemption dans les locaux artisanaux.

Les ORT sont liées au dispositif Action Coeur de ville : les conventions établies pour le lancement du dispositif Action Coeur de ville sont transformées en conventions ORT. Des conventions ORT sont également établies pour les 53 communes lauréates d'un appel à manifestation d'intérêt « centres-bourgs », ainsi que pour des villes faisant l'objet du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) et du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD). Au total, près de 500 conventions ORT étaient signées au 4 février 2022 103 ( * ) .

Les conventions ORT contribuent à la lutte contre l'artificialisation en favorisant le développement des centres villes . Le secteur d'intervention des conventions comprend en effet nécessairement le centre de la ville principale, ainsi que des actions d'amélioration de l'habitat.

8. La démarche des territoires pilotes de la sobriété foncière est en cours de mise en place

Enfin, la démarche des « territoires pilotes de sobriété foncière » a été engagée en 2020 et tend à accompagner des collectivités relevant du programme « Action Coeur de ville » dans un processus de développement privilégiant la sobriété foncière et non l'étalement urbain.

Sept territoires ont été sélectionnés autour des villes centres de Draguignan, Dreux, Épernay, Louviers, Maubeuge, Poitiers et Sète.

L'État fournit aux collectivités concernées :

- l'assistance d'une équipe nationale de coordination, notamment par la fourniture d'un cahier des charges-type afin de faciliter le recrutement par la ville ou l'intercommunalité d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) locale ;

- le financement, par l'ANCT, d'une partie des coûts d'étude de l'AMO ;

- l'accès facilité à des outils tels que le fonds friches, le fonds d'aide à la dépollution des friches de l'ADEME et d'autres dispositifs.

Ce dispositif étant en cours de mise en place, son efficacité concrète demandera à être évaluée.

B. ALORS QUE LES COLLECTIVITÉS LOCALES SONT LES PREMIÈRES CONCERNÉES PAR LA LUTTE CONTRE L'ARTIFICIALISATION, LEURS RESSOURCES NE SONT PAS ADAPTÉES À L'ATTEINTE DE CET OBJECTIF

La compétence d'urbanisme relevant du bloc communal, c'est à ce niveau que la contrainte de l'objectif « zéro artificialisation nette » se fait le plus sentir. C'est donc à ce niveau que la création d'outils financiers sera cruciale pour permettre de basculer réellement dans un régime de sobriété foncière.

1. Les collectivités sont soumises à des injonctions contradictoires, alors que le paysage des ressources des collectivités a été bouleversé par la suppression de la taxe d'habitation

L'objectif « zéro artificialisation nette » soulève actuellement d'importants débats au sein des territoires car il semble contradictoire avec les autres demandes faites aux collectivités par l'État ou par leurs populations.

Les collectivités doivent satisfaire la demande de logement des habitants qui, en France, préfèrent à 80 % les maisons individuelles avec un terrain plus ou moins grand, choix constamment repris d'une génération à la suivante 104 ( * ) . En particulier, elles doivent accroître le stock de logements sociaux pour répondre aux exigences de la loi SRU.

Toutefois, elles doivent poursuivre ces objectifs et construire tout en économisant de plus en plus le foncier et, à terme, en compensant toute nouvelle artificialisation par une opération de renaturation.

Dans le même temps, il leur est demandé de réaliser 10 milliards d'économies sur leurs frais de fonctionnement 105 ( * ) , alors que l'objectif ZAN imposera des dépenses croissantes dans les années à venir.

Or le paysage des recettes fiscales locales a connu un véritable bouleversement en 2021.

a) La principale ressource fiscale des collectivités est désormais une part de TVA

Les deuxième et troisième recettes fiscales des collectivités ont vu leur produit chuter brusquement en 2021 : de 23,8 milliards d'euros à 2,8 milliards d'euros pour la taxe d'habitation et de 19,5 milliards d'euros à 9,6 milliards d'euros pour la CVAE. Ces baisses ont été compensées par l'affectation d'une fraction de TVA, devenue une ressource majeure des collectivités. Dans le même temps, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont connu une hausse de 25 %, passant de 16,0 à 20,0 milliards d'euros.

Cette diminution globale des recettes fiscales a été compensée par le transfert d'une part de TVA (37,4 milliards d'euros) : c'est donc un impôt dont l'assiette n'est pas locale qui constitue désormais la principale ressource des collectivités locales, devant la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB, 34,3 milliards d'euros) et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO, 20,0 milliards d'euros) 106 ( * ) .

Évolution des principales recettes fiscales des collectivités locales

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de la DGCL

La question de l'intérêt des collectivités à construire des logements ou à faire venir des activités se pose donc, tout particulièrement pour le logement social qui fait l'objet d'une exonération de longue durée de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

b) Les dotations doivent mieux aider les collectivités à appliquer la loi « Climat et Résilience »

Dans le même temps, la loi « Climat et résilience » a pour effet la nécessité de réviser de nombreux documents d'urbanisme , ce qui a un coût pour les collectivités.

Or la dotation générale de décentralisation (DGD) est stabilisée en valeur depuis 2009 107 ( * ) .

Pour mémoire, la DGD est prévue par l'article 1614-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT) afin de compenser un accroissement net de charges résultant des transferts de compétence effectués entre l'État et les collectivités territoriales. L'article L. 1614-1 du même code prévoit que la DGD n'évolue pas à compter de 2009. La DGD attribuée aux communes est ainsi restée à un montant de 130 millions d'euros environ depuis lors.

Une fraction de la DGD, d'un montant de 23,3 millions d'euros, est accordée au titre de l'élaboration des documents d'urbanisme . Ces crédits sont répartis entre les communes et les groupements de communes qui réalisent des documents d'urbanisme (schémas de cohérence territoriale et schémas de secteurs, plans locaux d'urbanisme, cartes communales). La compensation financière de l'État vise à couvrir les dépenses nouvelles entraînées par les études et par l'établissement des documents d'urbanisme 108 ( * ) .

Ces restrictions viennent encore alourdir la charge financière incombant aux collectivités lors de l'élaboration ou l'évolution de schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou de plans locaux d'urbanisme .

2. L'État doit apporter l'accompagnement annoncé dans des circulaires
a) Les difficultés d'accès à l'ingénierie de l'État demeurent criantes

Plusieurs circulaires et instructions récentes mobilisent les préfets et les services de l'État en faveur de la mise en oeuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette en accompagnement des collectivités territoriales.

Dans une instruction du 29 juillet 2019 , le Gouvernement a donné aux préfets la mission d'« agir au nom de l'État pour faciliter aujourd'hui et pour demain des projets de développement des territoires équilibrés, sobres en consommation d'espace, qui veillent à un meilleur usage des terres et préviennent la crise sociale » 109 ( * ) . Cette instruction demandait aux préfets d'apporter un accompagnement de proximité aux collectivités territoriales, notamment en mobilisant les outils de la loi ELAN (projets partenariats d'aménagement (PPA), grandes opérations d'urbanisme (GOU), opérations de revitalisation des territoires (ORT)....

Au-delà de l'aide aux collectivités, l'instruction donnait également aux préfets pour mission d'agir, y compris par la sanction, en apportant au besoin un avis défavorable ou en suspendant le caractère exécutoire des documents d'urbanisme qui iraient à l'encontre d'une gestion économe de l'espace.

Un bilan de cette instruction, réalisé 18 mois plus tard par les ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires et communiqué au rapporteur spécial, constatait la présence de freins encore multiples, notamment dans les secteurs les plus ruraux . S'agissant de l'administration déconcentrée, de nombreux préfets n'ont pas fait évoluer l'organisation des services, même si certains postes ont été créés pour accompagner les dispositifs nationaux.

Une autre circulaire publiée le 30 août 2021 , soit juste après la publication de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, prévoit à nouveau que les services de l'État doivent accompagner spécifiquement les collectivités du bloc communal dans la préparation des échéances ZAN 110 ( * ) . Elle encourage notamment les préfets à mobiliser la dotation générale de décentralisation (DGD) pour accompagner les EPCI dans l'élaboration de plans locaux d'urbanisme intercommunaux, rappelant que les études réalisées en vue de la modification des documents d'urbanisme est désormais éligible au FCTVA. La circulaire rappelle également les outils déjà en place (ANCT, dotations aux collectivités et moyens de France relance).

Enfin, une circulaire du 7 janvier 2022 est consacrée plus spécifiquement à la mobilisation des préfets pour la mise en oeuvre de l'objectif de zéro artificialisation nette prévu par la loi « Climat et résilience » 111 ( * ) . Les préfets ont pour mission de faire connaître auprès des élus locaux les enjeux de la sobriété foncière et les dispositions de la loi. Ils doivent également les accompagner dans la territorialisation de l'objectif dont ils ont la responsabilité. Les outils mentionnés à cette fin sont les données de l'observatoire national de l'artificialisation des sols 112 ( * ) , l'ingénierie territoriale (services déconcentrés de l'État, établissements publics fonciers, agences d'urbanisme et recours à l'ingénierie privée financé par l'ANCT).

Les préfets doivent proposer aux élus locaux, particulièrement ruraux, de préparer leur participation à la conférence des SCOT.

Enfin le Premier ministre a pris, le 7 janvier 2022, une circulaire demandant aux préfets de se mobiliser pour la mise en oeuvre opérationnelle des mesures de la loi Climat et résilience en matière de lutte contre l'artificialisation des sols 113 ( * ) . Aux termes de cette circulaire, les services de l'État doivent faire connaître aux élus les enjeux et dispositions de la loi, accompagner les élus locaux, notamment ceux des territoires ruraux, dans la territorialisation de l'objectif de réduction de la consommation d'espaces. Au niveau régional, ils doivent veiller au bon déroulement du processus de révision des documents de planification régionale, afin d'y intégrer ces objectifs territorialisés.

Malgré la publication de ces circulaires et instructions ministérielles, le rapporteur spécial , qui a effectué une vingtaine de déplacements en régions afin d'observer la mise en oeuvre du volet « zéro artificialisation nette » de la loi « Climat et résilience » dans les territoires, dont il avait été rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, a constaté que l'accompagnement des élus par les services de l'État demeure très insuffisant . Les élus s'interrogent sur leur mise en oeuvre et regrettent le manque d'appui de la part de l'État.

Comme l'ont indiqué les représentants des communes au rapporteur spécial, les directions départementales du territoire (DDT) avaient autrefois un périmètre bien plus complet que les services, tels que le CEREMA, qui apportent aujourd'hui des études à certaines communes.

b) L'action locale a besoin de données précises sur l'utilisation des sols

Plusieurs sources de données existent pour la lutte contre l'artificialisation.

Dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), l'ANCT doit mettre à disposition immédiate un « portrait du territoire » sur lequel le périmètre du contrat est assis 114 ( * ) . Ce document comprend les principales données et cartographies issues de l'Observatoire des territoires, permettant de construire le projet de territoire.

Les agences d'urbanisme ont créé des outils d'analyse du mode d'occupation des sols (MOS), croisant données publiques et photographies aériennes ou satellitaires. Ces outils servent de référentiel foncier au service des politiques d'aménagement.

Un outil national est en cours de développement depuis 2012 par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) afin de décrire l' occupation du sol à grande échelle (OCS GE) , mobilisant les données existantes issues des bases de l'IGN, celles des référentiels nationaux et locaux et recourant même à des procédés d'intelligence artificielle 115 ( * ) . Son déploiement n'est toutefois prévu sur l'ensemble du territoire national qu'en 2024. Ce calendrier apparaît tardif alors que la loi Climat et résilience prévoit une mise à jour rapide des documents d'urbanisme : les conférences des SCOT doivent faire avant le 22 octobre 2022 leurs propositions aux régions, qui auront jusqu'au 22 février 2024 pour intégrer les objectifs de la loi dans leurs schémas d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

La loi Climat et résilience prévoit aussi la mise en place d' observatoires locaux de l'habitat et du foncier , ainsi que la réalisation d'un inventaire des zones d'activité économique et la réalisation, tous les trois ans, d'un rapport sur l'artificialisation par les communes et intercommunalités.

La suppression de la taxe d'habitation a toutefois des effets sur la disponibilité des données pour l'administration . Au niveau national, l'INSEE utilisait les données relatives à la taxe d'habitation pour connaître les occupations d'un même logement et préparer les échantillons pour le recensement 116 ( * ) . S'agissant des collectivités territoriales, elles perdent une source d'information sur l'état d'occupation et le type d'occupation des logements qui alimentait notamment les observatoires locaux et le pilotage des politiques publiques. Depuis le 1 er janvier 2022, les fichiers nominatifs relatifs à la taxe d'habitation ne sont plus transmis aux collectivités locales 117 ( * ) .

3. La fiscalité locale est au coeur des enjeux de la mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette »

S'agissant de la fiscalité locale, le rapporteur spécial souhaite dans le cadre du présent rapport poser les enjeux du débat, sans trancher définitivement , dans l'attente de la remise par la Conseil des prélèvements obligatoires d'une étude sur la prise en compte, par la fiscalité locale, de l'objectif de zéro artificialisation nette, demandée par la commission des finances le 7 juin 2022 en application de l'article L. 331-3 du code des juridictions financières.

a) Certaines taxes encouragent les particuliers ou promoteurs à construire sans économiser suffisamment le sol
(1) La taxe d'aménagement est la taxe la plus souvent évoquée pour assumer un rôle de lutte contre l'artificialisation

La taxe d'aménagement , prévue par les articles L. 331-1 et suivants du code de l'urbanisme, est établie sur les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation d'urbanisme.

Le montant de la taxe d'aménagement est égal à la surface taxable multipliée par une valeur déterminée par mètre carré de surface (à savoir, en 2022, 820 euros par mètre carré hors Île-de-France et 929 euros par mètre carré en Île-de-France 118 ( * ) ) et par le taux voté par la collectivité territoriale.

Elle comprend une part communale ou intercommunale, dont le taux est compris entre 1 % et 5 %. Ce taux peut être majoré jusqu'à 20 % dans certains secteurs où, en raison de l'importance des constructions nouvelles à édifier, sont nécessaires des travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d'équipements publics généraux.

Elle comprend également une part départementale, qui permet de financer des politiques de protection des espaces naturels sensibles, ainsi que le fonctionnement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ; son taux ne peut excéder 2,5 %. En Île-de-France, une part régionale contribue à financer principalement des infrastructures de transport nécessitées par l'urbanisation, en remplacement de la taxe locale d'équipement, avec un taux ne pouvant excéder 1 %.

La taxe d'aménagement a déjà connu certaines évolutions lui donnant un rôle dans la politique de zéro artificialisation nette . La loi de finances pour 2021 a prévu que la part départementale de la taxe d'aménagement pourrait être employée en vue d'opérations de renaturation. En outre, les parkings verticaux sont désormais exonérés de la taxe d'aménagement et le recours aux taux majorés de la part communale a été facilité.

Toutefois, dans ses modalités principales, la taxe d'aménagement n'encourage pas particulièrement à la sobriété foncière . Certaines exonérations (constructions destinées à un service public ou d'utilité publique, abattement de 50 % pour les logements sociaux, abattement sur les 100 premiers mètres carrés des résidences principales et sur divers locaux industriels et commerciaux...) vont plutôt dans le sens inverse.

La possibilité de moduler les taux en fonction du secteur constitue un outil à la disposition des collectivités pour inciter à la localisation des opérations . Une étude de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de la région Pays-de-la-Loire conduite en 2015 note ainsi que certaines communes utilisent la modulation de taux comme outil pour favoriser la densification du bourg ou la requalification : dans certains cas les agrandissements de constructions existantes sont assujettis à un taux plus faible que les constructions neuves, ce qui va dans le sens de l'objectif ZAN 119 ( * ) . La modulation par secteur suppose toutefois que le taux maximum de 5 % n'est pas appliqué partout. Une généralisation de ce type d'analyse permettrait de mieux connaître et diffuser cette pratique. Il reste néanmoins à apprécier si la différenciation des taux est réellement incitative et modifie le comportement des porteurs de projets, qu'il s'agisse de particuliers ou de promoteurs.

En outre peu de communes sont outillées pour piloter efficacement la fiscalité de l'urbanisme 120 ( * ) . Les représentants de l'Assemblée des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ont fait valoir, au cours de leur audition par le rapporteur spécial, que la majoration sur certains secteurs de la commune était souvent difficile à mettre en oeuvre et à justifier, de sorte que d'autres propositions sont également faites par certains acteurs.

Le Comité pour l'économie verte recommande d'intégrer à la taxe d'aménagement un mécanisme de type « bonus-malus » , responsabilisant aux coûts de l'artificialisation, afin de décourager notamment le mitage et, plus généralement, de mieux orienter l'aménagement dans un sens compatible avec les objectifs fixés dans les SRADDET 121 ( * ) . Une composante « artificialisation » de la taxe d'aménagement permettrait de financer la politique du logement et du renouvellement urbain.

De même, la mission « Économie de la biodiversité » propose 122 ( * ) d'exonérer de taxe d'aménagement les projets qui ne changent pas l'emprise au sol du bâti (surélévations, rénovations, reconstructions, surfaces démolies puis reconstruites, surfaces réhabilitées in situ , interventions sur friches, etc.) et de réaffecter une partie du produit de la taxe d'aménagement pour financer la renaturation (ce qui est permis par la loi de finances pour 2021 pour ce qui concerne la part départementale) et la densification.

France Stratégie propose également de financer la renaturation en ajoutant une composante « artificialisation » à la taxe d'aménagement et en en reversant les recettes pour financer les opérations de renaturation des sols et de densification du foncier bâti existant 123 ( * ) . Ce système serait mis en oeuvre à une échelle nationale afin que les montants des composantes « artificialisation » et « aménagement » soient relativement stables dans le temps, et puissent être bien intégrés par les agents dans leurs choix d'aménagements.

La fédération des SCOT, ainsi que le Comité pour l'économie verte, proposent aussi de calculer l'assiette sur la surface du terrain et non sur la surface construite , ce qui inciterait à une densification et à la construction sur des terrains plus petits.

S'agissant des opérations de démolition-reconstruction, le rapport précité remis par le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts a proposé de limiter l'assiette au solde de surface créé entre la démolition et la reconstruction.

Ce type d'orientation, s'il était retenu, devrait toutefois veiller à ne pas faire perdre à la taxe d'aménagement son lien avec le financement des équipements publics dont la réalisation est rendue nécessaire par les nouvelles constructions, ce lien constituant sa justification actuelle 124 ( * ) . L'acceptabilité d'une taxe auprès des personnes qui y sont soumises est affectée lorsque ses objectifs comme ses modalités deviennent trop complexes et peu lisibles.

(2) La taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

De même que pour la taxe d'aménagement, la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) fait l'objet de propositions tendant à permettre son utilisation en vue de favoriser la sobriété foncière.

La TASCOM est assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail dont la surface de vente dépasse 400 mètres carrés et dont le chiffre d'affaires annuel des ventes au détail est supérieur à 460 000 euros. Le taux varie entre 5,74 euros et 34,12 euros par mètre carré : il est plus important lorsque le chiffre d'affaires par mètre carré est élevé. Son produit est versé à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Des réductions sont prévues pour certaines activités dont l'exercice requiert des superficies « anormalement élevées », tels que les magasins vendant des meubles ou des véhicules automobiles.

En outre, la TASCOM ne prend pas en compte les surfaces de stationnement, certaines surfaces de vente non assimilées à la vente de détail (ex. découpe), ni des surfaces non couvertes à l'extérieur du magasin. Certaines installations, telles que les stations-service, font l'objet de règles d'imposition particulières.

Certains proposent 125 ( * ) de la minorer pour les nouvelles constructions en centre-ville en milieu urbain ou pour les constructions sur des surfaces déjà artificialisées, dans un objectif de revitalisation des centres urbains, ou au contraire de la majorer dans les situations où les constructions contribuent à l'étalement urbain.

La direction de la législation fiscale, auditionnée par le rapporteur spécial, fait valoir que l'outil normatif peut aussi être utilisé : en application de l'article L. 752-1-2 du code du commerce, modifié par la loi ELAN, le préfet peut suspendre par arrêté les opérations d'aménagement commercial en périphérie d'une commune couverte par une ORT (ou dans les communes non couvertes par une ORT mais situées dans le même EPCI) lorsque, compte tenu de leur zone de chalandise, ces projets d'implantation sont de nature à compromettre l'atteinte des projets de l'ORT. Ce levier pourrait être plus efficace qu'une modulation des taxes, dont le montant est un facteur accessoire dans les décisions d'implantation des grandes surfaces.

(3) Droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

Les droits de mutation à titre onéreux, perçus à l'occasion des transactions immobilières, sont une ressource importante pour les départements , mais très sensible aux évolutions de la conjoncture. Cela peut donc les mettre en difficulté lorsque le produit de ces droits est moindre qu'attendu, même si ces dernières années ont plutôt donné lieu à une forte croissance.

Évolution du produit des droits d'enregistrement

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des comptes nationaux

Plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur spécial ont constaté que les DMTO perçus lors des ventes de logement rendent plus difficiles les changements de domicile et pénalisent donc, notamment, le marché du travail et l'activité économique .

La mission « Économie de la biodiversité » proposait de diminuer ou supprimer les DMTO afin d'améliorer la fluidité du marché immobilier 126 ( * ) . De même, le rapport Figeat proposait de supprimer progressivement les DMTO en les remplaçant par une hausse à due concurrence de la taxe foncière.

De même que pour la fiscalité sur les plus-values immobilières, la mission Économie de la biodiversité proposait également de mettre en place des abattements sur la fiscalité applicable aux mutations pour les logements anciens dont les rénovations dépassent 25 % du prix du logement.

Une mission de l'Assemblée nationale sur la revalorisation des friches proposait pour sa part de permettre aux collectivités de minorer les droits de mutation dans le cas où le site en friche est acquis par un organisme s'engageant à mener un projet de réhabilitation 127 ( * ) .

En tout état de cause, le caractère déterminant de cette ressource pour les départements ne permettrait pas d'envisager une diminution si elle n'était pas compensée par une ressource de dynamique comparable .

b) D'autres taxes, moins nombreuses, encouragent au contraire à une utilisation plus efficace du sol

Le versement pour sous-densité , institué par l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010, était l'un des rares dispositifs qui visaient explicitement à lutter contre l'artificialisation puisqu'il ciblait les nouvelles constructions qui n'atteignent pas un seul minimal de densité de bâti. Une étude menée en 2014 avait indiqué que, bien utilisé, il pouvait contribuer à limiter l'étalement urbain tout en augmentant les surfaces construites et donc en diminuant le niveau des prix immobiliers et des loyers 128 ( * ) . Il était toutefois facultatif et peu de communes l'avaient instauré. Il a été supprimé par la loi de finances pour 2021 au motif de son faible rendement.

Par ailleurs, l'article 111 de la loi de finances pour 2019 a instauré des zones de revitalisation des centres villes 129 ( * ) , dans lesquelles les collectivités territoriales ont la possibilité d'instaurer, en faveur des entreprises commerciales ou artisanales existant sur leur territoire, des exonérations partielles ou totales de cotisation foncière des entreprises (CFE), de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) 130 ( * ) . Un arrêté du 31 décembre 2020 a classé 266 communes dans le dispositif, auxquelles 88 nouvelles communes ont été rajoutées un an plus tard 131 ( * ) .

(1) La taxation des logements vacants ne présente probablement que des marges de progression limitées pour lutter contre la vacance

La taxe sur les logements vacants (TLV) s'applique à des logements vacants depuis au moins un an, situés dans des communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements (zones tendues). Le taux est de 12,5 % la première année et de 25 % à partir de la deuxième année. Le produit de la TLV, affecté au budget de l'État, s'est élevé à près de 94 millions d'euros en 2021.

Ce dispositif fait régulièrement l'objet de propositions de modifications lors de la discussion des projets de loi de finances, généralement pour le renforcer afin d'inciter à la remise des logements sur le marché et de contribuer ainsi à renforcer l'offre de logements.

La direction de la législation fiscale a rappelé au rapporteur spécial qu'une augmentation trop importante de la TLV risquerait de créer des comportements d'évitement : par exemple, il suffit de meubler le logement pour éviter la TLV et être plutôt soumis à la taxe d'habitation 132 ( * ) .

En outre, les situations de vacance involontaire ne sont pas imposables, par exemple dans les cas où le logement est mis en location ou en vente au prix de marché et ne trouve pas preneur ou acquéreur.

Il faut noter que le Conseil constitutionnel a posé certaines limites aux possibilités de renforcer par la loi la taxe sur les logements vacants 133 ( * ) : son objet étant d'inciter les propriétaires à mettre en location des logements susceptibles d'être loués, la taxe ne doit frapper que des logements habitables, vacants et dont la vacance tient à la seule volonté de leur détenteur. En particulier, elle ne peut être appliquée si la remise en état nécessiterait des travaux trop importants à la charge du détenteur.

Par ailleurs, dans les territoires hors zones tendues, où la taxe sur les logements vacants n'est pas applicable, les communes et EPCI dotés d'un plan local de l'habitat peuvent assujettir les logements vacants à la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV). Le produit, affecté aux communes, s'est élevé à 84 millions d'euros en 2020.

La commission « Rebsamen » pour la relance durable de la construction de logements propose de fusionner la THLV et la taxe d'habitation sur les résidences secondaires en une seule taxe additionnelle à la taxe foncière, qui serait majorée en zone tendue 134 ( * ) .

(2) La taxe sur les friches commerciales lutte contre la vacance commerciale

La taxe sur les friches commerciales 135 ( * ) peut être instaurée par les communes ou les EPCI 136 ( * ) .

Elle est due par les propriétaires de locaux professionnels non industriels, qui ne sont plus affectés à une activité soumise à la cotisation foncière des entreprises (CFE) depuis au moins deux ans et sont restés inoccupés au cours de la même période. En pratique, elle vise les friches commerciales et non industrielles. Elle n'est en outre pas applicable lorsque l'absence d'exploitation des biens est indépendante de la volonté du propriétaire.

La mise en place de cette taxe a pour objectif d'inciter les propriétaires à exploiter ou à louer leurs biens et de lutter contre la vacance commerciale . Le taux est de 10 % de la valeur locative cadastrale la première année, 15 % la deuxième année et 20 % la troisième année, ces taux pouvant être doublés par les collectivités locales.

Le recours à la taxe sur les friches commerciales reste limité : selon la direction de la législation fiscale, son rendement total a été de 12,6 millions d'euros en 2020, ce qui pourrait s'expliquer par le caractère involontaire de l'absence d'exploitation dans une majorité de cas et par la difficulté éprouvée par les collectivités territoriales à identifier les friches commerciales imposables à la TFC.

La mission d'information de l'Assemblée nationale sur la revalorisation des friches propose la mise en place, à l'échelle intercommunale et sur la base du volontariat, d'un dispositif de compensation fiscale par bonus/malus qui refondrait la taxe annuelle sur les friches commerciales et renforcerait les capacités financières disponibles pour l'accompagnement de la réhabilitation des friches et la lutte contre l'artificialisation des sols.

(3) Les taxes foncières ont un effet ambivalent sur l'artificialisation

Les taxes foncières visent les propriétés bâties (TFPB) et les propriétés non bâties (TFPNB).

D'une manière générale, la TFPB a deux effets pouvant jouer en sens inverse du point de vue de l'artificialisation :

- d'une part, elle renchérit le prix du mètre carré habitable, et peut donc encourager la densification en réduisant à la fois la taille des logements et celle des terrains ;

- d'autre part, elle peut décourager la production de logements. Ce second effet serait moins élevé que le premier 137 ( * ) .

Ces effets ne concernent que partiellement le logement social, qui bénéficie d'exonérations de longue durée. De nombreuses exonérations de TFPB ou de TFPNB visent également, notamment, les propriétés publiques, les grands ports ou les bâtiments ruraux affectés à un usage agricole.

Constatant que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) est plus élevée actuellement en centre-ville qu'en périphérie, la mission Économie de la biodiversité propose d'inverser les taux afin qu'elle soit plus élevé en périphérie, de la majorer sur le foncier individuel et de réduire la fiscalité sur le foncier collectif.

La fédération des SCOT suggère de moduler le champ d'application de l'exonération de deux ans pour les constructions neuves en fonction des secteurs, de manière à favoriser les zones en renouvellement urbain.

Une difficulté concernant la TFPB est qu'elle est calculée sur la valeur locative, qui s'accroît donc lorsqu'un bâtiment est rénové ou surélevé. Cet effet n'incite pas à densifier ni à rénover le bâti . D'une manière générale, le montant de la TFPB dépend à la fois de la valeur du bâti et de la valeur du foncier. En conséquence, elle ne reflète pas seulement la rente foncière, c'est-à-dire le revenu résultant de l'évolution du prix du sol (qui en zone urbaine dépend d'évolutions du marché indépendantes de l'action du propriétaire), mais aussi de la valeur de l'immeuble lui-même, qui s'accroît par des actions de rénovation ou de surélévation.

Cette caractéristique pousse certains économistes à recommander de renforcer la taxation du foncier et de diminuer la taxation du bâti 138 ( * ) , ce qui pourrait encourager à construire plus sur les mêmes terrains. La fédération des SCOT propose de faire évoluer les règles d'appréciation de la valeur locative en prenant davantage en compte l'emprise foncière, les surfaces d'agrément et l'effet recherché par le zonage d'urbanisme. Elle propose aussi, ce qui va dans le même sens, d'instaurer un abattement de TFPB pour les logements collectifs.

En tout état de cause, la mise à jour des valeurs locatives , prévue par la loi de finances pour 2021 à l'horizon 2026, est absolument nécessaire , comme le rappelle la commission « Rebsamen » pour la relance durable de la construction de logements, afin que l'assiette de la taxe foncière évolue avec la valeur des biens. Une collectivité serait ainsi incitée à densifier et à investir dans les équipements publics qui accroissent la valeur des actifs fonciers et immobiliers environnants.

L'absence de révision des valeurs locatives, conduisant à un niveau relativement faible de TFPNB, peut conduire à des comportements de rétention foncière : dans les zones tendues, les propriétaires de terrains nus peuvent suivre une stratégie de portage de terrains constructibles en attendant que les prix augmentent sur le marché local 139 ( * ) . De même, le rapport précité de l'Assemblée nationale de janvier 2021 sur la revalorisation des friches souligne que les taxes foncières , en particulier sur les propriétés non bâties constructibles, sont souvent d'un niveau insuffisant pour inciter à la remise sur le marché , notamment en zone tendue comparativement à la valeur du foncier : elles incitent donc à la rétention foncière, le propriétaire attendant par exemple une hausse des prix.

c) D'autres taxes, par les revenus qu'elles apportent aux collectivités, peuvent les encourager à ouvrir de nouvelles terres à l'artificialisation

La taxe sur les terrains rendus constructibles a un effet ambivalent. Elle constitue une charge financière pour les porteurs de projets, mais elle peut aussi encourager une commune à ouvrir de nouvelles surfaces à l'urbanisation, lorsque le produit de la taxe lui revient. Il existe en effet deux taxes applicables lorsqu'un terrain devient constructible.

D'une part, les communes ou intercommunalités peuvent instituer une taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de terrains nus qui ont été rendus constructibles en raison de leur classement par un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu 140 ( * ) . La taxe est de 10 % de la plus-value réalisée. Elle ne s'applique que lorsque le prix de cession est supérieur à trois fois le prix d'acquisition du terrain, condition qui peut être facilement remplie lorsqu'une terre agricole est vendue pour une opération de construction.

D'autre part, une taxe nationale sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles 141 ( * ) est affectée à un fonds en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs. La taxe ne s'applique que lorsque le prix de cession est supérieur à dix fois le prix d'acquisition du terrain ; son taux est de 5 % lorsque le prix de cession est compris entre 10 et 30 fois le prix d'acquisition, et de 10 % pour la fraction qui dépasse 30 fois. Toutefois, l'assiette est réduite d'un dixième par année à partir de la neuvième année suivant le classement en zone constructible.

Contrairement à la taxe revenant aux communes, la taxe nationale est obligatoire et ne dépend pas d'une délibération locale. Les deux taxes peuvent se cumuler dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale et seule la taxe nationale s'applique dans les communes relevant du règlement national d'urbanisme.

Une mission de l'Assemblée nationale sur le foncier agricole 142 ( * ) propose de supprimer les abattements prévus pour la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus à bâtir prévue par l'article 1605 nonies du code général des impôts et d'en augmenter significativement le taux. En 2013, la Cour des comptes proposait déjà de renforcer cette taxe en modifiant les taux et en supprimant l'exonération en faveur des ventes d'un montant de moins de 15 000 euros, qui permet d'y échapper par le biais des reventes de parts sociales de sociétés 143 ( * ) .

Elle suggère également, comme la Cour des comptes et le conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) 144 ( * ) , de supprimer la taxe locale de l'article 1529 du code général des impôts afin de réduire l'incitation faite aux communes à classer les terrains en zone constructible. La taxe de l'article 1529 avait d'ailleurs pour objet, non de lutter contre l'artificialisation, mais de participer localement à des dépenses d'équipement 145 ( * ) alors que, d'une part, d'autres taxes telles que la taxe d'aménagement poursuivent déjà cet objectif et que, d'autre part, le coût des dépenses d'équipement n'a pas de lien direct avec le montant des plus-values réalisées par les vendeurs de terrains, qui sont plutôt liées à leur emplacement.

La commission Rebsamen, en revanche, recommande de maintenir une imposition forte des plus-values résultant d'une décision d'urbanisme, en augmentant même la taxe sur les terrains nus devenus constructibles bénéficiant aux collectivités, afin d'intéresser davantage celles-ci aux richesses collectives créées par les décisions de constructibilité. L'angle d'approche de cette commission est toutefois à titre principal la relance de la construction et non la lutte contre l'artificialisation.

4. La réorientation des aides vers l'objectif ZAN sera nécessaire mais devra prendre en compte les besoins de développement constatés localement

Compte tenu des développements qui précèdent, le rapporteur spécial est convaincu que l'objectif ZAN , mais aussi les besoins en logement ressentis dans de nombreuses communes, appellent à une véritable refondation de la fiscalité locale afin de leur permettre de répondre à ces obligations et au financement des politiques publiques locales .

C'est pourquoi il se réjouit que la commission des finances ait décidé, le 7 juin dernier, de demander au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), en application de l'article L. 331-3 du code des juridictions financières, de réaliser une enquête sur la prise en compte, par la fiscalité locale, de l'objectif de zéro artificialisation nette.

Au total, et dans l'attente des résultats de l'enquête demandée au CPO, le rapporteur spécial considère d'une manière générale que l'importance de l'enjeu ZAN nécessitera une réorientation de nombreux dispositifs fiscaux et budgétaires , décrits dans le présent rapport, afin de donner aux acteurs locaux une réelle incitation à agir dans le sens de la sobriété foncière.

Il est favorable au principe d'une orientation majoritaire, mais non exclusive, des aides budgétaires et fiscales vers les opérations tendant à la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) et non vers l'extension urbaine, surtout lorsqu'elle conduit au mitage urbain. Toutefois, à l'intérieur de ce principe général, des aides sont et resteront nécessaires pour poursuivre des objectifs de politique publique tels que la politique de logement social et intermédiaire ou certains projets de développement locaux.

Certaines modalités d'accompagnement des communes devront aussi prendre en compte des effets secondaires non désirables de l'objectif de zéro artificialisation nette : par exemple, les pistes cyclables correspondent techniquement à de l'artificialisation des sols, mais les communes ne devraient pas être découragées de les mettre en place puisqu'elles favorisent au contraire des déplacements plus écologiques et peuvent réduire l'utilisation de l'automobile.

Recommandation : Poser un principe d'une orientation majoritaire, mais non exclusive, des aides budgétaires et fiscales vers la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) et non vers l'extension urbaine, surtout lorsque celle-ci conduit au mitage urbain .

Les dispositifs définis selon des critères nationaux sont souvent inopérants pour des politiques qui ne peuvent être fondées que sur une connaissance fine des formes urbaines et des dynamiques locales. La maîtrise de l'artificialisation nécessite la connaissance pratique du territoire que possèdent les maires, ainsi que des données pouvant être apportées aussi bien par les bases de données nationales que par celles qui proviennent d'observatoires locaux.

La coopération entre le niveau national et les collectivités locales devrait être formalisée dans des conventions, par exemple liées aux contrats de relance et de transition écologique (CRTE), formalisant l'accompagnement de l'État et de ses agences ou opérateurs sous forme d'aides financières ou en ingénierie, de manière plus claire pour les collectivités que les dispositions générales figurant dans les circulaires de l'État.

Recommandation : Favoriser la voie contractuelle pour l'accompagnement de l'État et de ses opérateurs et l'attribution d'aides financières ou en ingénierie à destination des collectivités.

En particulier, les aides apportées par le fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui est un établissement public, poursuivent un objectif d'intérêt général qui est la construction de logements sociaux. Cet objectif, imposé à de nombreuses communes par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), constitue un exemple caractéristique d'injonction contradictoire aux collectivités , sommées dans le même temps de limiter la consommation de sols .

Afin de contribuer à rendre plus compatibles les politiques de construction de logement social et de lutte contre l'artificialisation, les aides apportées par le FNAP pourraient favoriser les projets économes en foncier , selon des modalités à déterminer par le conseil d'administration de l'établissement.

Les objectifs nationaux et régionaux d'utilisation des fonds du FNAP sont fixés par le conseil d'administration de cet établissement lors du vote du budget initial. En 2020, les dépenses ont été de 485,7 millions d'euros, dont 443,1 millions d'euros pour le logement classique et 36,6 millions d'euros pour les PLAI adaptés. Les crédits d'aides à la pierre financent principalement des subventions destinées aux opérations de développement de l'offre, c'est-à-dire de construction et d'acquisition/amélioration de logements sociaux. Il pourrait donc être demandé que le FNAP accorde des aides en priorité aux projets privilégiant l'économie de foncier et aidant les collectivités à atteindre les objectifs ZAN, eu égard aux difficultés de financement de ces projets, par rapport aux projets en extension urbaine.

Recommandation : Introduire un critère ZAN dans les aides attribuées par le fonds national des aides à la pierre (FNAP).

5. Il est temps de créer un guichet unique du ZAN qui apportera un soutien aux collectivités et un financement sur le long terme à la réalisation de l'objectif

Au-delà des aspects relatifs à la fiscalité locale, le rapporteur spécial considère que l'objectif ZAN , par l'importance des politiques dont il fait partie - la lutte contre le changement climatique, mais aussi l'atteinte aux paysages -, des montants financiers nécessaires à une remise en cause des modes d'urbanisme pratiqués jusqu'à ce jour et du caractère de très long terme des objectifs (2031, puis 2050), nécessite l'identification d'un acteur fort, de type « guichet unique », susceptible de porter cette politique .

Il est nécessaire d'offrir un guichet unique comme l'ANAH, d'apporter une vision et des financements de long terme comme l'ANRU, d'avoir une mission prioritaire de service auprès des territoires comme l'ANCT et porter une capacité d'ingénierie comme les anciennes directions départementales de l'État. Enfin, la mise en oeuvre des moyens de l'État doit se placer dans le cadre contractuel avec les collectivités.

Recommandation : Créer un guichet unique pour les collectivités et les particuliers en regroupant tous les moyens de l'État.

a) Un tiers observateur doit servir de stimulus pour la définition des modalités d'atteinte de l'objectif ZAN

Le rapporteur spécial a privilégié, dans ses travaux, les contacts avec tous les acteurs qui ont travaillé sur le sujet de l'objectif de réduction de l'artificialisation : les élus en premier lieu, mais aussi les juristes et les universitaires ou intellectuels, notamment géographes et sociologues, ainsi que les professionnels du secteur, qui apportent des points de vue différents et complémentaires sur la manière d'atteindre l'objectif de meilleure maîtrise de la consommation des sols.

Un comité d'observation et de prospective composé d'une manière à représenter l'ensemble de ces enjeux serait de nature à enrichir l'information préalable à la prise de décision. Sa mission serait de sortir de la réflexion en silo, de « challenger » les administrations qui sont en charge de leur mise en oeuvre afin d'aboutir à des solutions durables et acceptables des collectivités et de la population.

Recommandation : Créer un comité d'observation et de prospective du ZAN

Un comité d'observation et de prospective associerait des élus à des juristes, des géographes et des sociologues, des professionnels des métiers de l'aménagement et des citoyens formés aux enjeux de la sobriété foncière et du développement local, afin de tenir lieu de tiers observateur et de conseil, de sortir de la réflexion en silo, de « challenger » les administrations qui sont en charge de leur mise en oeuvre afin d'aboutir à des solutions durables et acceptables pour les collectivités et la population.

b) Parmi les ressources envisageables, celle des quotas carbone pourrait être rapidement mobilisée

Les crédits budgétaires actuels n'étant pas suffisants, ils pourraient être complétés par une ressource telle que le produit de la vente des quotas carbone .

Ce produit est actuellement affecté à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) à hauteur d'un plafond fixé à 481 millions d'euros 146 ( * ) . Lorsque ce produit dépasse le montant affecté à l'ANAH, le surcroît est reversé au budget général de l'État.

Or le prix du carbone a connu une augmentation considérable au cours des années récentes. La part des recettes affectée à l'ANAH étant plafonnée, cette hausse du cours du carbone a entraîné une hausse considérable de la fraction reversée à l'État , qui, égale à zéro jusqu'en 2017, est aujourd'hui de l'ordre du milliard d'euros par an.

Évolution du prix moyen des adjudications
des quotas d'émissions carbone

(en euros par tonne de CO 2 )

Montant des recettes liées aux adjudications des quotas d'émission carbone

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (données de l'Agence France Trésor 147 ( * ) )

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires 148 ( * )

Les recettes issues des ventes de quotas carbone devraient demeurer à un niveau très élevé en 2022 , malgré un fléchissement temporaire lors du déclenchement de la guerre en Ukraine. De manière plus générale, cette hausse est la conséquence logique de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Or cette situation présente une difficulté croissante .

En effet, il n'est pas cohérent qu'une ressource issue de la vente des quotas carbone soit utilisée comme taxe de rendement par l'État , par un véritable effet d'aubaine , afin de financer ses dépenses courantes. Il serait préférable que cette ressource soit utilisée afin de contribuer à la transition énergétique, comme c'est le cas, en grande partie, pour la fraction affectée à l'ANAH.

Or, c'est justement ce qui est inscrit dans la directive n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté européenne (directive SCEQE), dont l'article 10 prévoit qu' un pourcentage minimal de 50 % de ces recettes doit être utilisé pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et plus largement pour faire face aux conséquences du changement climatique .

Le montant des recettes prévisionnelles annuelles reversées à l'État étant désormais plus de deux fois supérieur à celui revenant aux actions de l'ANAH, il est permis de s'interroger sur l'application de la directive. Pour mémoire, c'est en s'appuyant sur celle-ci que le Gouvernement justifiait l'affectation à l'ANAH de cette ressource, à une époque où le produit était bien inférieur 149 ( * ) .

Il paraît donc nécessaire et de plus en plus urgent de trouver une autre affectation à cette ressource que le simple reversement au budget général de l'État.

Le rapporteur spécial considère que, sans modifier la part revenant à l'ANAH, une affectation du surplus à la réalisation d'actions menées en vue de l'atteinte de l'objectif ZAN permettrait à la fois de rendre ce prélèvement plus acceptable, de respecter le critère posé par la direction SCEQE et de donner une véritable impulsion à la politique de sobriété foncière .

La ressource des quotas carbone serait ainsi affectée à un usage clair, à savoir la transition écologique du bâti, aussi bien dans sa dimension de rénovation énergétique des logements (ANAH) que dans la limitation de l'artificialisation.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 juin 2022 sous la présidence de M. Bernard Delcros, vice-président, puis de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, la commission a entendu une communication de M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial, sur les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette.

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - La loi Climat et résilience du 22 août dernier a posé le principe du « zéro artificialisation nette » ou ZAN. En 2050, on ne pourra plus artificialiser une surface sans en rendre une autre à la nature. De plus, dans les dix prochaines années, entre 2021 et 2031, la consommation d'espace devra être divisée par deux par rapport aux dix années précédentes.

Cet objectif ambitieux ne vient pas de nulle part. Si l'artificialisation a quelque peu diminué au cours des années 2010, elle concerne encore 200 kilomètres carrés par an. Or l'imperméabilisation des sols entraîne des phénomènes de ruissellement et l'étalement urbain incontrôlé accroît les besoins en infrastructure et les déplacements automobiles.

Toutefois, il ne suffit pas de poser un principe. Il faut définir les moyens d'y parvenir, ce que la loi Climat et résilience n'a pas fait. Or l'objectif ZAN est source de nombreuses interrogations de la part des élus, qui ne savent pas comment ils vont y parvenir, et les services de l'État ne leur apportent aucune réponse.

L'objectif ZAN signifie que les logements devront être construits en utilisant moins, voire pas du tout, de sols nouveaux, et cela concerne tout aussi bien les infrastructures publiques, les équipements sportifs que les zones d'activité. Même une piste cyclable relève de l'artificialisation ! La question sera de plus en plus au premier plan des débats publics dans les années à venir.

En effet, l'enjeu n'est pas seulement environnemental, il est aussi social. Les révisions de plans locaux d'urbanisme (PLU) qui déclassent certaines zones à urbaniser en zones non constructibles commencent à susciter les déceptions de propriétaires. Les classes moyennes modestes, qui cherchent à aller habiter loin des centres pour y trouver un foncier abordable, risquent de se voir bloquer l'accès à la propriété, le rationnement de l'espace rendant les terrains hors de prix, alors même que le coût du carburant nécessaire pour s'y rendre s'accroît.

C'est pourquoi, après avoir été rapporteur de la loi Climat et résilience, lorsque je faisais partie de la commission des affaires économiques, j'ai souhaité travailler sur la question des outils financiers pour l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette.

Cette question est essentielle pour des raisons presque mathématiques : le ZAN n'a pas de modèle économique.

Pour protéger les terres agricoles et naturelles, le jeu de l'offre et de la demande ne suffit pas. Le prix moyen des terres et prés libres et non bâtis a été divisé par quinze depuis 1850. Les loyers de fermage sont de l'ordre de 50 à 150 euros par hectare par an. Une terre agricole n'est pas rentable lorsqu'elle est située à proximité d'un centre urbain, où elle peut être louée ou vendue à un prix beaucoup plus élevé, pour peu qu'elle soit classée constructible, alors même que c'est souvent là que se trouvent de bonnes terres. La pression est donc forte dans certaines communes. En outre, il est moins cher de construire des maisons individuelles que des logements collectifs, qui sont pourtant beaucoup moins consommateurs d'espace.

Comment faire, par conséquent, pour ne plus artificialiser les sols ? La réhabilitation des friches offre de grands potentiels, mais cela aussi coûte cher, surtout lorsqu'il faut dépolluer. La « renaturation » de terres urbanisées est complexe.

Les communes ne manquent pas d'idées. À l'occasion de la révision des documents d'urbanisme, elles étudient toutes les possibilités de réduire l'artificialisation, de densifier, de mieux utiliser l'espace, mais elles doivent aussi prendre en compte la demande de logements, la nécessité de remettre de la nature en ville pour réduire les îlots de chaleur et les besoins des habitants.

J'en arrive donc au constat que la définition d'un modèle de financement budgétaire et fiscal pour la politique de sobriété foncière est une impérieuse et urgente nécessité.

Ma première recommandation, en tant que rapporteur spécial des crédits du logement et de l'urbanisme, sera de demander que la présentation budgétaire de la mission « Cohésion des territoires » identifie mieux l'ensemble des moyens financiers de l'État met en oeuvre pour atteindre l'objectif ZAN. Les objectifs et indicateurs de performance, en particulier, devraient refléter ce qui sera désormais l'un des principaux objectifs de la politique du logement et de l'urbanisme.

L'État consacre d'ores et déjà des crédits budgétaires à cette politique, mais de manière éparse au travers de plusieurs lignes, par exemple dans le cadre des projets partenariaux d'aménagement (PPA), qui concernent une vingtaine d'intercommunalités ou de groupes d'intercommunalités.

La maîtrise publique du foncier doit être un objectif majeur, face à des initiatives privées tendant à l'accaparer en attendant que sa valeur augmente. Les établissements publics fonciers (EPF) sont un outil important à la disposition de l'État et des collectivités locales. Il est nécessaire de renforcer leurs moyens et de les garantir. La suppression de la taxe d'habitation a eu pour effet indirect de diminuer le produit des taxes spéciales d'habitation qui est affecté aux EPF. Une dotation budgétaire a été créée sur le programme 135 en 2021 : elle doit être maintenue et même renforcée.

J'en viens au fonds friches, créé dans le cadre du plan de relance et qui a fait l'objet de trois séries successives d'appels à projets. Les deux premières éditions, pour un montant de 650 millions d'euros environ, ont sélectionné plus de 1 100 projets, mais le nombre de projets était encore plus important dans les territoires. La troisième édition, qui est en cours, rajoute 100 millions d'euros supplémentaires.

Ce fonds friches est plébiscité. La réutilisation d'espaces en friche est positive pour l'animation des villes et en particulier des centres-villes, pour le retour des commerces et des logements, pour la qualité des paysages et, bien sûr, pour l'atteinte des objectifs de sobriété foncière. La pérennisation de ce fonds a été annoncée l'an dernier par le Président de la République, mais nous attendons toujours d'en connaître les modalités, puisque la mission « Plan de relance » a vocation à disparaître. Il faudrait en toute logique une dotation sur le programme 135.

Quant au périmètre du fonds friches, je pense qu'il doit viser non seulement les friches au sens strict du terme, mais aussi des projets de requalification d'espaces déjà artificialisés qui ont besoin d'un « coup de pouce » pour démarrer. Autrement dit, c'est d'un véritable « fonds ZAN » dont nous avons besoin.

Ces dispositifs doivent toutefois s'articuler avec le rôle central que joueront les collectivités. Premières concernées par l'enjeu qu'est la maîtrise de l'urbanisation, c'est à elles que s'adressent les objectifs de la loi Climat et résilience. Elles sont soumises à des injonctions contradictoires : construire des logements nouveaux pour répondre aussi bien aux besoins des habitants que, pour certaines, aux exigences de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, tout en économisant le foncier, en évitant d'artificialiser et en outre en évitant de surdensifier les centres-villes, pour végétaliser au contraire les espaces centraux.

Je le dis clairement : les ressources des collectivités, notamment fiscales, n'ont pas été pensées conformément à un régime de sobriété foncière.

Par exemple, la dotation générale de décentralisation (DGD) accordée au titre de l'élaboration des documents d'urbanisme voit sa valeur bloquée depuis 2009, alors que l'ensemble de ces documents vont devoir être révisés pour mettre en oeuvre les objectifs de réduction de consommation d'espace.

L'État dit qu'il accompagne les territoires et le demande à ses préfets dans des circulaires. Cependant, lors de mes nombreux déplacements dans les régions, j'ai constaté que les élus restaient peu informés et peu accompagnés, pour ne pas dire pas du tout. La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) elle-même le reconnaît, comme nous avons pu le constater notamment lors des dernières Rencontres nationales des schémas de cohérence territoriale (SCoT) qui se sont tenues à Besançon.

J'ai examiné aussi les effets de la fiscalité nationale et locale, pour lesquels les propositions sont nombreuses. L'administration centrale est pour le moins réticente à tout changement, les effets des modifications de fiscalité étant toujours complexes. Si la théorie veut que chaque impôt ait un seul objectif, il paraît nécessaire de corriger un certain nombre de taxes qui n'encouragent pas à un comportement vertueux, que ce soit pour les particuliers qui ont des projets ou pour les collectivités qui perçoivent le produit de ces taxes.

Pour cette raison, la commission a commandé une enquête au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur ce sujet. Nous y reviendrons donc certainement à l'automne lors des débats relatifs au projet de loi de finances. Pour l'instant, je présenterai quelques principes et questions soumises au CPO.

La taxe d'aménagement a pour objet de financer les dépenses d'équipement rendues nécessaires par les opérations d'urbanisme, mais la loi de finances pour 2021 a déjà prévu que la part départementale pourrait être utilisée en vue d'opérations de « renaturation ». Faut-il introduire de manière générale une composante relative à l'artificialisation dans cette taxe, afin d'encourager les projets économes en foncier ?

La même question peut se poser pour la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), qui pourrait, par exemple, être minorée pour les constructions en centre-ville.

La question des droits de mutation est sensible, car elle constitue une ressource essentielle des départements. Toutefois, son produit a beaucoup augmenté depuis une dizaine d'années. Certains proposent de modifier la répartition de la croissance de ces droits. En outre, leur niveau élevé en France pèse sur la fluidité du marché du logement, donc sur la mobilité des personnes, notamment en cas de changement de lieu de travail.

On évoque souvent la taxe sur les logements vacants, qui pourrait être augmentée afin d'inciter les propriétaires à remettre les logements sur le marché ; mais cela ne peut fonctionner que dans des endroits où une véritable demande s'exprime et si le coût d'une remise en état n'est pas trop élevé pour le propriétaire. Or la vacance risque d'augmenter encore dans les années à venir, lorsque les logements dotés d'une étiquette énergétique G, puis F et enfin E seront interdits à la location, si les propriétaires ne sont pas en mesure de procéder à leur rénovation.

Il faut donner aux acteurs locaux une réelle incitation à agir dans le sens de la sobriété foncière. Je vous proposerai donc de poser un principe général selon lequel les aides budgétaires et fiscales à la construction devraient être réorientées de manière majoritaire, mais non exclusive, vers les opérations tendant à la sobriété foncière - réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction - et non vers l'extension urbaine. Il s'agit de penser une nouvelle fiscalité, du renouvellement et non plus de l'étalement. Toutefois, à l'intérieur de ce principe général, des aides sont et resteront nécessaires pour poursuivre des objectifs de politique publique tels que la politique de logement social et intermédiaire ou certains projets de développement locaux.

Je pense aussi qu'il est nécessaire de privilégier la voie contractuelle dans les relations entre l'État et les collectivités. La lutte contre l'artificialisation nécessite une connaissance fine du territoire que possèdent les maires et les acteurs locaux, par exemple les agences d'urbanisme. La coopération entre le niveau national et les collectivités locales devrait être formalisée dans des conventions garantissant l'accompagnement de l'État et de ses agences ou opérateurs sous forme d'aides financières ou en ingénierie. Cela pourrait s'inscrire dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Nous pourrions aussi évoquer la possibilité de mutualiser les ressources et les dépenses via des pactes financiers et fiscaux à l'échelle intercommunale.

Je propose également d'introduire un critère « ZAN » dans les aides à la pierre apportées par le fonds national des aides à la pierre (FNAP) pour la construction de logements sociaux. Il s'agirait de favoriser les projets économes en foncier, selon des modalités à déterminer par le conseil d'administration de cet établissement.

Enfin, l'une des difficultés majeures que rencontrent les collectivités locales est le manque de visibilité parmi les aides et soutiens qu'elles peuvent avoir pour la mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette ». Je termine donc par une proposition forte, qui serait de mettre en place une agence du ZAN, susceptible de servir de point de repère et de garant pour le financement sur le long terme. Cette idée s'inspire, bien sûr, de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), avec laquelle il existe des points de comparaison : les besoins de financement sont majeurs et l'objectif est de long terme - 2031 dans un premier temps, puis 2050. Un acteur doté d'une forte visibilité doit incarner cette politique, offrir un guichet unique pour les collectivités, mobiliser les moyens d'ingénierie de l'État ou ses propres moyens. Il serait partie prenante des conventions dont je parlais.

Cette agence pourrait gérer le fonds friches au moyen des ressources actuelles de ce fonds, mais aussi avec des ressources nouvelles. Je pense à ce sujet aux ventes de quotas carbone. La directive sur le système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre prévoit que la moitié au moins du produit de ces ventes doit revenir à des projets de lutte contre le changement climatique. Or ce n'est plus le cas depuis deux ans, car la majeure partie de ce produit revient au budget général de l'État. Orientons donc ce produit vers des projets visant explicitement l'économie de foncier : la ressource disponible est d'environ un milliard d'euros par an.

Pour finir, afin de favoriser une appropriation des enjeux du ZAN et d'éviter une approche purement administrative, je serai favorable à ce que soit créé un comité d'observation et de prospective qui pourrait réunir des élus, mais aussi des juristes, des géographes et des sociologues, ainsi que des professionnels du secteur et des citoyens formés aux enjeux de la sobriété foncière et du développement local. Il s'agirait d'un organe consultatif, qui pourrait « challenger » les administrations afin d'aboutir à des solutions durables et acceptables pour les collectivités et la population. Ce comité pourrait réfléchir notamment à une nouvelle dotation globale de fonctionnement (DGF), l'actuelle n'ayant pas été pensée conformément aux dispositions de la loi Climat et résilience. Il pourrait également étudier la possibilité d'adosser un système de bonus et de malus à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et aux dotations de soutien à l'investissement local (DSIL). Il pourrait enfin soulever la question de la péréquation, le nombre de territoires en déprise allant croissant.

Vous l'avez compris, nous ne sommes qu'au début de cette révolution à bas bruit que constitue le ZAN. Un volet fiscal devra certainement être mis en oeuvre dès la prochaine loi de finances, mais il est important que l'État donne rapidement des orientations claires sur la mise en oeuvre concrète de cet objectif particulièrement ambitieux de réduction progressive de l'artificialisation nette des sols. Lors de mes auditions, l'État a été silencieux, pour ne pas dire inquiétant sur le sujet. La question financière et fiscale associée à cet objectif ne semble pas avoir été anticipée. Nous devons tous nous mobiliser, État compris, pour y remédier.

Il pourrait être intéressant par ailleurs de saisir, dans un second temps, le CPO sur le volet du logement. La fiscalité nationale en matière de logement mériterait en effet d'être repensée.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci au rapporteur spécial pour son travail, qui a le mérite de nous montrer tout ce qui n'avait pas été dit sur le ZAN, au-delà de l'affichage médiatique qui a accompagné son inscription dans la loi.

Ce travail soulève en outre la question des modalités de transition vers la sobriété foncière. Ce sujet recouvre plusieurs dimensions : les enjeux liés à la compensation de l'artificialisation des sols, la question de savoir quel type d'habitat nous voulons pour l'avenir, celle de savoir quels équilibres nouveaux instaurer dans les territoires et entre les territoires, urbains et ruraux, et enfin la question cruciale du mode de régulation et des financements associés à ces démarches. En effet, il n'y a rien de pire que d'afficher une intention sans avoir réfléchi aux modalités concrètes de financement et de mise en oeuvre.

Je me réjouis donc de la présentation de ce travail, qui lance des propositions en vue de combler une carence manifeste. Je regrette qu'aucun cadre composé de garanties et d'incitations financières concrètes n'ait été fixé dès le départ pour soutenir cette ambition, à laquelle je souscris par ailleurs. L'exercice est d'autant plus complexe que, du fait du phénomène de « desserrement » des ménages, il faut construire plus de logements.

M. Antoine Lefèvre . - La situation est très tendue dans les territoires. Pour de nombreux élus, l'objectif de zéro artificialisation nette des sols paraît en effet démesuré. Si chacun peut être sensible à la nécessité de préserver la biodiversité, l'éradication de tout projet d'urbanisme en zone rurale ne semble pas correspondre à ce qui avait été annoncé.

La création d'un fonds ZAN me paraît pertinente, mais il faudra y associer les élus, qui ont le sentiment de recevoir des injonctions venues d'en haut sans qu'aucun outil leur soit fourni pour les accompagner. En revanche, la suggestion du rapporteur spécial de créer une agence dédiée, censée favoriser une meilleure représentation des élus, soulève des interrogations, des difficultés risquant, de facto , de se présenter dans son fonctionnement.

Une modulation de l'objectif ZAN serait-elle envisageable en fonction du niveau de développement urbain des communes ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Je ne partage pas l'objectif de ZAN, dont nous aurions pu débattre davantage, d'autant qu'il engage également les générations à venir. Il faudrait en outre réexaminer la définition de l'artificialisation. En milieu rural, des parcelles comportant pourtant des jardins entretenus sont ainsi classées comme artificialisées, alors qu'elles participent à une évolution favorable des territoires et de la planète.

Au laisser-aller manifeste qui prévalait il y a dix ou vingt ans, nous passons désormais à une restriction drastique des possibilités d'accorder des autorisations d'urbanisme. Les territoires ne supportent plus cette situation qu'il faut bien qualifier d'excessive. Dans le Jura, les directions départementales des territoires (DDT) refusent de plus en plus souvent d'accorder des permis, empêchant ainsi de nouveaux habitants de s'installer dans les territoires, alors même qu'aucune réponse n'est apportée au problème, pourtant majeur, de la déprise agricole. En outre, les enfants des Jurassiens ne peuvent plus être accueillis dans les territoires qui les ont vus naître. Le droit à vivre et à s'installer dans les territoires ne paraît donc plus respecté, ce qui est inacceptable.

L'État ne peut ainsi donner pour directive aux DDT de ne plus accepter aucune demande d'autorisation d'urbanisme sans fournir aucune solution par ailleurs, d'autant que les demandes d'installation en milieu rural ont explosé à l'issue des confinements liés à la crise sanitaire.

Je suis également très réservée à l'égard de la création d'une agence dédiée au ZAN - je crains qu'elle devienne un État dans l'État.

Je souhaite une redéfinition générale de l'objectif de ZAN et la prise en compte du droit de chacun à vivre dans chaque territoire.

M. Vincent Segouin . - Je rejoins la détresse qui vient d'être exprimée. L'objectif de ZAN se traduit par une perte d'autonomie et de pouvoir pour les maires, qui sont vent debout contre cette mesure.

De nombreux notaires de l'Orne m'ont alerté sur les difficultés que rencontrent les propriétaires de logements classés F, qui ne pourront donc être loués ni vendus dans les années à venir. Les travaux d'isolation requis pour modifier ce classement étant très coûteux - 40 000 euros pour un logement de 60 mètres carrés -, et ce coût n'étant pas reportable dans le montant des loyers, la seule solution pour ces propriétaires sera de les laisser vacants. En ces conditions, réfléchir à une augmentation de la taxe sur les logements vacants ne paraît pas souhaitable.

De manière générale, l'absence de tout raisonnement économique sur le sujet est regrettable. Alors que nous souffrons d'une pénurie de logements, nous accélérons le problème, allant ainsi à l'encontre de l'intérêt des Français.

La solution consistant à créer une agence du ZAN est une solution administrative, qui revient à mobiliser de la dépense publique inutilement.

M. Patrice Joly . - Il est difficile de ne pas être en accord, sur le principe, avec l'objectif de ZAN, compte tenu des enjeux auxquels nous sommes confrontés en matière de souveraineté alimentaire et de préservation de la biodiversité. Sa définition n'est cependant pas entièrement arrêtée, et n'inclut pas, par exemple, l'installation de panneaux photovoltaïques, laquelle manque d'un cadre juridique clair.

Dans les faits, cet objectif se traduit dans certains territoires par une réduction drastique des possibilités de construire, en particulier dans les collectivités des territoires ruraux régis par le règlement national d'urbanisme (RNU). Or l'accès au logement constitue un véritable enjeu, y compris pour les populations autochtones, dont les possibilités d'accès au marché immobilier se trouvent réduites par l'arrivée massive de nouveaux résidents venus de zones denses. Le défi que constitue la création de logements pour les populations résidentes est donc devant nous.

Les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI), pourtant fortement encouragés par l'État, soulèvent par ailleurs des difficultés dans les grandes intercommunalités rurales. Ils ne laissent pas, en effet, aux élus locaux la maîtrise de la réflexion sur l'aménagement de leurs territoires et s'inscrivent dans un prisme trop uniforme qui ne prend pas suffisamment en compte la réalité des situations sur le terrain.

La question de la réhabilitation, très coûteuse, des centres-villes et des centres-bourgs est également cruciale. Il pourrait être judicieux de réaffecter les moyens publics ou parapublics qui ne seraient plus employés par les collectivités pour faire de l'étalement - pour l'eau, l'assainissement, le numérique, etc. - au financement de cette réhabilitation.

Nous pourrions en outre envisager d'appliquer un prélèvement public aux sommes générées par la vente des terrains non bâtis devenus terrains à bâtir, à partir du moment où cette évolution s'est faite sur la base de la seule décision publique, sans aucune initiative des propriétaires des terrains concernés. Il ne semble en effet pas légitime que ces derniers bénéficient seuls de la valeur ajoutée générée par une décision dans laquelle ils n'ont pris aucune part. Les crédits qui en découleraient pourraient également être orientés vers la réhabilitation des centres-villes et centres-bourgs.

Mme Isabelle Briquet . - L'objectif de ZAN paraît peu adapté localement. La question de la définition de l'artificialisation, en zone urbaine et en zone rurale, se pose. Sur le terrain, le déploiement de cet objectif se traduit par des résultats catastrophiques. Les élus locaux ne peuvent plus offrir aux populations, qui souhaitent pourtant de plus en plus s'installer à la campagne depuis la crise sanitaire, la possibilité de construire une maison. Très opposés à cette mesure, ils tâchent néanmoins de se montrer constructifs et de chercher des solutions.

La recommandation du rapporteur spécial d'orienter majoritairement les aides budgétaires et fiscales à la construction vers les opérations de réhabilitation, rénovation, démolition ou reconstruction me semble par ailleurs très intéressante. En effet, de nombreux logements de centres-bourgs ne trouvent pas preneurs en raison du coût des travaux requis par leur rénovation, et les aides existantes ne permettent pas aux collectivités, désireuses pourtant de s'y investir, de se positionner pour leur acquisition afin de permettre à des familles de s'y installer.

M. Didier Rambaud . - Si l'idée selon laquelle nous ne pouvons plus continuer à aménager notre territoire comme nous le faisions ces dernières années fait consensus, la manière d'y parvenir soulève des débats. Des contradictions se manifestent entre les objectifs de développement durable que nous affichons et les modalités locales de leur concrétisation.

Il serait bon, à ce titre, d'obtenir un bilan de l'action menée par les établissements publics fonciers locaux (EPFL) au cours des quinze dernières années.

La création d'une agence dédiée au ZAN recommandée par le rapporteur spécial ne me paraît pas judicieuse. Une telle entité coûterait cher et ne serait pas forcément efficace. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ne pourrait-elle pas jouer ce rôle ?

M. Jean-François Rapin . - L'idée de l'objectif de « zéro artificialisation nette » des sols était attractive. Cependant, à la lecture des deux décrets relatifs à cette question, nous nous sommes aperçus que nous avions manqué de précision et d'exigence lors de l'examen de la loi Climat et résilience.

L'un de ces décrets prévoit que les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) doivent déterminer leurs objectifs en matière d'artificialisation des sols afin de ne pas dépasser la moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers observée lors des dix années précédant la promulgation de la loi. Or cet objectif, aussi noble soit-il, provoquera des divisions entre les maires et les habitants - car il restreindra les possibilités de construire -, entre les maires et les intercommunalités, ainsi qu'entre les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

En outre, alors que la ministre de la transition écologique s'était engagée, lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, à obtenir des mesures spécifiques dans le PLF, notamment concernant les espaces littoraux, aucun outil de financement n'a finalement été défini pour le ZAN.

Les maires des territoires littoraux seront confrontés à des difficultés particulières, car les espaces qu'ils auront préemptés sur le trait de côte pour lutter contre l'érosion côtière ne seront pas comptabilisés dans le ZAN. Il n'y aura donc pas d'espace disponible pour la reconstruction.

M. Vincent Capo-Canellas . - En matière de développement durable, que ce soit pour la lutte contre l'artificialisation des sols ou dans les domaines du logement et du transport, nous avons fixé des objectifs ambitieux, sans savoir comment les atteindre... Les études d'impact de l'époque n'ont sans doute pas été assez poussées. Les conséquences des objectifs définis en vue de protéger la biodiversité et de limiter les émissions de carbone n'ont pas été assez mesurées.

Je suis assez sceptique sur la pertinence de la recommandation du rapporteur spécial de créer une agence dédiée au ZAN, mais je reconnais que rien ne se fera sans moyens financiers considérables ni sans un lien clarifié entre les collectivités et l'État. Le rapporteur spécial a le mérite de nous alerter sur la nécessité d'agir.

M. Jean-Michel Arnaud . - Nous connaissons bien ce sujet dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur... D'ailleurs, plusieurs réunions de la conférence des SCoT ont eu lieu ou sont prévues pour y réfléchir de manière opérationnelle.

Il faut bien dire que nous sommes face à un absolu casse-tête ! Il est absurde d'imaginer une réduction de moitié des terrains constructibles, en particulier dans les zones qui ont peu construit durant la période de référence, et les acteurs locaux, élus ou autres, n'y comprennent rien.

Qui plus est, il existe encore d'importants débats sur la définition même de l'artificialisation, sur la méthode et sur les financements. Le SCoT est une bonne échelle pour réfléchir à ces questions.

Il existe aussi des risques de conflits majeurs entre les territoires d'une même région : la guerre est ouverte !

Il est donc nécessaire de remettre ce dossier sur la table et d'ouvrir de nouvelles discussions. Je note d'ailleurs que l'Association des maires de France (AMF) a déposé un recours contre les deux décrets d'application.

Nous devons trouver des outils, notamment financiers, pour avancer. Certains ont évoqué l'idée d'utiliser la DETR, mais il faut savoir que cette dotation est déjà largement mobilisée sur d'autres sujets...

Enfin, je ne crois pas que nous ayons besoin d'une nouvelle agence. Nous avons besoin de préfectures qui agissent, qui apportent des réponses techniques et qui accompagnent les élus et les collectivités.

M. Claude Nougein . - Lors de l'assemblée générale des maires de mon département, qui a eu lieu la semaine dernière, j'ai été surpris de constater que ce sujet a écrasé tous les autres... Les maires ne parlaient que du ZAN ! Et je dois dire qu'il existait un consensus pour dire que le Sénat devait se saisir de cette question.

Diverses incohérences ont été soulevées à cette occasion ; je n'en citerai que quelques-unes.

Dans mon département, rural, nous avons un excédent de terres agricoles et une pénurie d'agriculteurs. Pourtant, en cas de reprise d'une exploitation, le repreneur ne peut pas construire une maison pour habiter sur place, ce qui est évidemment très handicapant.

Autre incohérence, les fermetures de classes et d'écoles se multiplient, mais les communes ne peuvent pas construire pour faire venir des nouveaux habitants. Je note d'ailleurs que ce sont souvent les mêmes qui se plaignent des fermetures et qui bloquent les nouvelles constructions...

À la suite de la crise sanitaire, il n'y a plus de friches ou de logements vacants dans les bourgs-centres ; tous les logements ont été rachetés.

Comment sortir de cette situation ubuesque ?

M. Rémi Féraud . - Même si les territoires concernés y sont moins grands, le débat sur l'artificialisation des sols existe aussi en zone urbaine. C'est par exemple le cas autour des nouvelles gares du Grand Paris.

En tout cas, ce débat pose plusieurs questions : la pertinence de l'objectif, les rigidités dans sa mise en oeuvre ou encore les moyens financiers. Du point de vue financier, il est vrai que la fiscalité locale est rigide et datée et qu'elle n'aide pas à la mise en oeuvre de l'objectif. La commission des finances a décidé de saisir le Conseil des prélèvements obligatoires de cette question : dans quel délai devrions-nous recevoir cette étude ?

M. Jean-Marie Mizzon . - C'est justement en raison de l'objectif de zéro artificialisation nette que je me suis abstenu sur le projet de loi Climat et résilience. J'étais séduit par l'idée directrice, mais je voyais les difficultés à venir... Contrairement à l'Allemagne, à la Belgique ou aux Pays-Bas, la France n'est pas un pays dense.

Est-ce que cet objectif est compatible avec la nécessité de construire 10 à 13 millions de logements d'ici à 2050, selon le président de la fédération des aménageurs, et avec la volonté politique de réindustrialiser notre pays ? J'ai le sentiment que nous nous sommes créé un obstacle de plus sur le chemin de certains de nos objectifs.

Je suis d'accord avec l'ensemble des propositions soumises par notre rapporteur spécial, à l'exception de l'idée de créer une agence dédiée.

Je note aussi que le ZAN est plus fort que le ZEN, le zéro émission nette... Il suffit de prendre l'exemple des pistes cyclables : elles sont comptabilisées comme une artificialisation, alors qu'elles remplissent un rôle évident dans la lutte contre le dérèglement climatique. Il existe donc des incompatibilités évidentes entre les objectifs !

J'ajoute que ce sujet ne peut que créer de grandes tensions entre les élus. Lorsqu'on discute du SCoT, les enjeux liés à l'artificialisation ne sont pas situés dans les villes-centres, où le bâti est déjà très important, alors que les représentants de ces territoires sont très présents dans les instances de décision. Je crois que davantage de maires devraient être intégrés dans ces instances.

Enfin, je suis d'accord avec la remarque de Sylvie Vermeillet : les jardins et les potagers, qui sont comptabilisés comme des territoires artificialisés, apportent plus de biodiversité que certains champs en monoculture...

M. Bernard Delcros , président . - Je partage, à titre personnel, la plupart des propos qui ont été tenus sur l'absurdité de cette situation. Nous entendons tous ce cri d'alarme sur le terrain et la situation ne peut que devenir de plus en plus explosive, si rien ne change.

Au fur et à mesure que les PLUI se mettent en place, les élus ruraux se rendent compte qu'ils ne peuvent plus construire. Il en est de même pour les agriculteurs qui veulent construire pour eux-mêmes, notamment pour vivre près de l'exploitation, ou pour leur famille.

Il n'y a pas de friche industrielle en milieu rural. On ne peut donc pas construire, alors qu'on a besoin de gagner des habitants et qu'il existe une volonté d'accueillir de nouveaux actifs. Il faut donc sûrement réfléchir à une mise en oeuvre différenciée de cet objectif général.

Le Sénat doit prendre le problème à bras le corps. Nous devons tenir compte des signaux d'alerte - le mouvement des gilets jaunes, la participation au moment des élections, le résultat de celles-ci, etc. Il faut réviser la loi, sans perdre de vue l'objectif général ni revenir à l'étalement urbain que nous avons longtemps constaté.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques . - La commission des affaires économiques a lancé une consultation sur internet auprès des élus locaux, dont les résultats seront prochainement publiés. Nous avons reçu de nombreuses réponses - plus de 1 250. À la question « Existe-t-il un modèle économique, fiscal et financier du ZAN ? », 79 % ont répondu non, ce qui montre bien les attentes en la matière.

Tous les élus sont concernés par ce sujet et nous devons éviter de monter les uns contre les autres, les urbains contre les ruraux, etc. Nous ne devons pas augmenter les fractures qui existent déjà !

Au sujet de la taxe sur les logements vacants, c'est le droit de propriété qui prévaut dans notre pays. Or ce droit est déjà attaqué, par exemple en cas de squat - je vous rappelle que le Sénat a adopté une proposition de loi en la matière, mais que l'Assemblée nationale ne s'en est pas saisie. En tout cas, nous ne devons pas balayer la piste de la taxe sur les logements vacants d'un revers de la main, elle peut constituer pour les maires un levier efficace. Les motifs de vacance sont variés et nous devons mieux accompagner les propriétaires, par exemple pour qu'ils réalisent des travaux. Nous devons aussi donner davantage de moyens aux maires en termes de droit de préemption, notamment en ce qui concerne le zonage. Tout cela peut permettre de densifier dans des zones déjà construites.

J'ajoute que la révision des documents d'urbanisme est un processus coûteux et long. Or beaucoup de communes n'en ont pas les moyens, tant d'un point de vue financier qu'humain. Il faut mieux accompagner les maires, y compris en termes d'ingénierie technique.

Il existe aussi des cas où les maires ont fait d'importants efforts pour aménager des zones de développement. On leur dirait aujourd'hui qu'ils ne peuvent rien en faire et qu'ils doivent laisser ces zones à l'abandon ? Ce n'est pas raisonnable.

Je le redis, nous ne devons pas opposer les territoires entre eux avec, d'un côté, les zones rurales, qui ne pourraient plus construire pour constituer des puits de carbone, de l'autre, les zones urbaines, qui le pourraient, alors qu'elles constituent déjà des zones importantes de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre. Ce sujet peut poser d'importantes difficultés aux établissements intercommunaux, qui rassemblent le plus souvent des territoires très diversifiés.

Je conclus, en vous disant que la présidente de la commission des affaires économiques envisage de déposer une proposition de loi sur ces sujets et que nous souhaitons travailler dans cet objectif avec la commission des finances.

- Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente -

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - En préambule, je voudrais rappeler que je ne suis pas le père du ZAN... Je cherche simplement à proposer des pistes d'amélioration et je n'ai pas la prétention de régler le problème dans son ensemble !

L'Assemblée nationale a adopté un certain nombre de dérogations au dispositif, par exemple pour les zones de revitalisation rurale ou les projets d'intérêt national ou régional, et le Gouvernement n'a pas voulu aller plus loin une fois le texte arrivé au Sénat. C'est pourquoi nous avons souhaité territorialiser l'objectif. Il ne faut pas que l'État ait une approche uniforme et centralisée, même si elle s'applique au niveau régional, et que les Sraddet deviennent en pratique des super-SCoT régionaux... Il faut privilégier le dialogue avec les élus.

J'en profite pour rappeler que les élus ont jusqu'au 22 octobre pour faire des propositions aux régions sur ces sujets. Cette période peut permettre de casser les logiques descendantes que l'on constate trop souvent. Certes, les régions ne seront pas obligées de suivre ces propositions, mais nous devrons plaider pour que ce soit le cas.

Il est vrai que les outils d'ingénierie qui étaient envisagés ne sont pas encore prêts. Comment respecter l'objectif dans ces conditions ? Les collectivités qui en ont les moyens peuvent peut-être avancer, mais pas les autres. En tout cas, l'État et les régions vont reprendre la main à partir d'octobre avec une logique centralisatrice.

Vous le savez, nous voulions déposer un recours contentieux contre les décrets dont nous avons parlé, car nous estimions que ces textes d'application s'écartaient de la loi votée par le Parlement, par exemple au sujet de la période de dix ans ou des critères de pondération, mais juridiquement nous ne pouvons pas le faire - nous n'aurions pas d'« intérêt à agir »... C'est donc l'AMF qui a déposé un recours.

Nous devons aussi mettre sur la table la question de l'accompagnement financier des collectivités qui souhaitent travailler sur ces sujets. J'ai rencontré de très nombreux élus dans 25 départements pour préparer cette communication : aucun ne parle d'annuler l'objectif de ZAN, mais tous sont inquiets sur le calendrier et les moyens disponibles.

Comme je disais, la fiscalité locale, dont les principes sont anciens, n'est pas du tout adaptée aux questions auxquelles nous devons répondre. L'autonomie financière n'existe plus, les budgets locaux sont largement abondés par des parts d'impôts nationaux. La commission a demandé au CPO de rendre ses premières conclusions en octobre prochain.

Je vais maintenant répondre plus précisément aux questions qui m'ont été posées.

Nous demandons le renforcement du fonds ZAN, en étant bien conscients que la question des friches n'est pas la seule à se poser.

Nous proposons une contractualisation pour tenir compte des évolutions territoire par territoire. Certains territoires ne pourront pas respecter l'objectif ! La région Pays-de-la-Loire a récemment voté une délibération pour dire qu'elle ne pourrait pas respecter une réduction de la consommation d'espace de 50 % dans les dix ans et que son objectif est une baisse de 34 %.

Parmi les pistes de travail, il y a aussi la mutualisation par les établissements intercommunaux afin de ne pas oublier les territoires en déprise. La péréquation doit jouer son rôle.

Sur l'idée de créer une agence, je partage les observations qui ont été faites et je vous rassure : je n'idolâtre pas les agences ! Pour autant, comment associer les différents acteurs au processus ? Aujourd'hui, nous ne disposons pas d'un guichet unique et personne ne sait vraiment à qui s'adresser. Or je ne crois pas qu'il soit pertinent de laisser toute la compétence à l'administration, qu'elle soit centrale ou préfectorale. Je ne suis pas attaché de manière forcenée à l'idée d'une agence - d'ailleurs, nous pouvons peut-être envisager d'en fermer certaines... -, mais il nous faut trouver un moyen d'identifier un interlocuteur unique autonome et d'associer les élus et les collectivités.

Définir l'artificialisation pose d'importants problèmes. Il faut être conscient qu'il y a une lutte entre les « puristes » - dès que l'on porte atteinte à la fonction du sol, c'est une artificialisation - et ceux qui ont une approche plus juridique - le Sénat se range dans cette catégorie.

Il est vrai aussi que la crise sanitaire, le développement du très haut débit dans les zones rurales et la montée en charge du télétravail - sûrement une chance pour nombre de nos départements - percutent la loi Climat et résilience. Or le droit au développement rural est maintenant inscrit dans la loi et nous devons nous appuyer sur ce principe général pour défendre des projets.

Sur les sujets financiers et fiscaux, je dois dire que les représentants des administrations que j'ai reçus ont été plutôt avares de propositions... C'est pour cette raison que nous avons décidé de solliciter le CPO. Je ne souhaite pas créer un impôt supplémentaire, mais nous devons regarder ce qu'il est possible de faire avec l'existant, quitte à toiletter un certain nombre de choses, comme l'assiette.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires sur les ventes immobilières, il existe une taxe sur les terrains devenus constructibles, mais uniquement à partir d'un niveau élevé de plus-value. Le produit de cette taxe est destiné à soutenir l'installation des jeunes agriculteurs et de manière générale les communes.

En matière d'urbanisme, la question du meilleur échelon d'intervention se pose à chaque fois que nous discutons d'un texte ! En tout cas, nous ne devons pas laisser l'État, les régions et les maires des grandes villes décider seuls des orientations et des prescriptions. D'où l'inquiétude vis-à-vis de Sraddet contraignants et de la reprise en main par l'État et les régions à partir de la fin octobre. Les phénomènes de métropolisation que nous connaissons déjà ne pourront que s'accélérer. Dans ces conditions, comment renforcer le poids des élus dans l'élaboration du SCoT ? La question est évidemment ouverte...

Nous proposons de renforcer le rôle des établissements publics fonciers, mais il est vrai qu'il faut évaluer leur action.

Pouvons-nous nous appuyer sur l'ANCT ? Pourquoi pas, mais fait-elle déjà tout ce qu'elle devrait faire ?

Le littoral est un espace très important pour notre pays et ses problématiques sont spécifiques. Cette communication ne porte pas un regard particulier sur le littoral, mais je sais que le chemin est encore long pour améliorer la situation sur nos côtes.

La volonté politique de réindustrialisation du pays vient, il est vrai, percuter l'objectif de ZAN.

Les moyens d'ingénierie sont très souvent insuffisants, mais il faut aussi souligner la créativité dont font preuve les acteurs locaux. Il y a par exemple des expériences de dialogue inter-SCoT et des propositions portées ensuite au niveau des départements.

J'attends les résultats de la consultation lancée par la commission des affaires économiques et nous pourrons travailler ensemble sur ces sujets.

En tout cas, nous sommes au début d'un vaste chantier. Chaque territoire a des spécificités, d'où l'importance à mon sens de la contractualisation.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Ce contrôle budgétaire porte sur les outils financiers en vue de l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette. Or ce que l'on peut dire, c'est que rien n'est prévu ! Le Sénat devait donc bien s'emparer du sujet.

En ce qui concerne la recommandation n° 3 du rapporteur spécial et l'idée de créer une agence, je crois que nous devons éviter tout point de crispation, tout « chiffon rouge », qui nuirait finalement à la proposition elle-même et à l'ensemble du travail réalisé. L'objectif du rapporteur spécial est d'identifier un interlocuteur unique. Certains pensent au préfet, mais il me semble que les élus doivent être impliqués dans ce processus - c'est un atout en termes d'efficacité, mais aussi de contrôle et d'évaluation.

C'est pourquoi je propose de rédiger ainsi la proposition n° 3 : « Créer un guichet unique pour les collectivités et les particuliers en regroupant les moyens de l'État. »

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - Je suis d'accord avec cette rédaction.

M. Vincent Capo-Canellas . - C'est une proposition de sagesse.

Dans le détail de sa recommandation, le rapporteur spécial évoquait aussi l'idée d'affecter une recette fiscale. Il faut regarder précisément comment les éléments peuvent s'articuler.

Mme Sylvie Vermeillet , présidente . - Je propose à la commission d'adopter les recommandations du rapporteur spécial, ainsi modifiées.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de la ministre déléguée chargée du logement

- Mme Jenna REINETTE, conseillère urbanisme, aménagement et lutte contre l'étalement urbain ;

- M. Louis de FRANCLIEU, conseiller budgétaire et fiscalité ;

- Mme Lucy KERCKAERT, conseillère parlementaire.

Conseil des prélèvements obligatoires et Cour des comptes

- M. Patrick LEFAS, président de chambre honoraire à la Cour des comptes ;

- M. Christophe STRASSEL, secrétaire général du Conseil des prélèvements obligatoires.

Administrations centrales

Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

- M. François ADAM, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) ;

- M. Benoît AMEYE, adjoint au sous-directeur du financement de l'économie du logement et de l'aménagement ;

- M. Jean-Baptiste BUTLEN, sous-directeur de l'aménagement durable ;

- Mme Raphaëlle KOUNKOU-ARNAUD, cheffe de bureau au sein de la sous-direction ;

- M. Patrick BRIE, adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie.

Direction du budget (DB)

- M. Mehdi AOUAT, chef du bureau 4BLVT « Logement, ville et territoires » ;

- M. David-Olivier BOURGEOIS, adjoint au chef du bureau.

Direction de la législation fiscale (DLF)

- M. Guillaume DENIS, sous-directeur F (fiscalité locale).

Agences

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

- M. Yves LE BRETON, directeur général.

Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU)

- Mme Anne-Claire MIALOT, directrice générale ;

- M. Jean-Benoît CARIOU, chargé de mission Innovation et transition écologique.

Collectivités territoriales

Assemblée des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

- M. Thierry REPENTIN, maire de Chambéry et vice-président de l'AMF ;

- M. Hugo DEMAILLE, conseiller logement ;

- Mme Élodie VIN, chargée des relations avec le Parlement.

Intercommunalités de France (AdCF)

- Mme Virginie CAROLO-LUTROT, présidente de Caux Seine agglo, première vice-présidente d'Intercommunalités de France ;

- Mme Carole ROPARS, responsable du pôle aménagement et urbanisme ;

- Mme Claire DELPECH, responsable du pôle finances et fiscalité ;

- Mme MONTAINE BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

Fédérations

Fédération des SCOT

- M. Michel HEINRICH, président ;

- Mme Stella GASS, directrice.

Union nationale des aménageurs (UNAM)

- M. François RIEUSSEC, président ;

- M. Nicolas THOUVENIN, délégué général.

Fédération française du bâtiment (FFB)

- M. Loïc CHAPEAUX, directeur des affaires économiques, financières et internationales.

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI)

- M. Marc VILLAND, vice-président de la FPI France et président de la FPI d'Île-de-France ;

- M. Didier BELLIER-GANIERE, délégué général ;

- Mme Anne PEYRICOT, directrice de cabinet et des relations institutionnelles.

Association nationale des établissements publics fonciers locaux (EPFL)

- M. Arnaud PORTIER, secrétaire général ;

- Mme Charlotte BOEX, chargée de mission.

Réseau national des établissements publics fonciers (EPF) d'État

- Mme Sophie LAFENETRE, directrice générale de l'EPF Occitanie ;

- Mme Florence HILAIRE, directrice générale de l'EPF Auvergne Rhône-Alpes.

Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU)

- M. Patrice VERGRIETE, président délégué, maire de Dunkerque, président de la communauté urbaine de Dunkerque ;

- Mme Catherine BARTHELET, trésorière, vice-présidente de Grand Besançon Métropole et conseillère régionale ;

- Mme Brigitte BARIOL-MATHAIS, déléguée générale ;

- Mme Zoé CHALOIN, chargée de mission.

Personnalités qualifiées

M. Sylvain GRISOT , urbaniste et auteur.

M. Timothée HUBSCHER, directeur des opérations du groupe Citadia.

M. Julien MEYRIGNAC , rédacteur en chef de la revue Urbanisme.

M. Guillaume SAINTENY , président du Plan Bleu, ancien directeur des études économiques et de l'évaluation environnementale au ministère de l'Écologie et du Développement durable.


* 1 Loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.

* 2 INSEE, Indicateurs de richesse nationale , 7 décembre 2021.

* 3 Plan Biodiversité , ministère de la transition écologique, 29 septembre 2021.

* 4 Nicolas Coeurdacier, Florian Oswald et Marc Teignier, « Structural Change, Land Use and Urban Expansion », Sciences Po Economics Discussion Paper, 3 décembre 2021.

* 5 La population de la ville de Paris (population municipale) était de 2 165 423 habitants en 2019 contre un sommet de 2 848 299 en 1921.

* 6 Nicolas Coeurdacier, Florian Oswald et Marc Teignier, « Structural Change, Land Use and Urban Expansion », Sciences Po Economics Discussion Paper, 3 décembre 2021.

* 7 Commissariat général au développement durable, « Objectif « zéro artificialisation nette » : éléments de diagnostic . » Théma, octobre 2018.

* 8 Calculs commission des finances, à partir des données publiées par l'Observatoire national de l'artificialisation des sols.

* 9 Commissariat général au développement durable, « Objectif « zéro artificialisation nette » : éléments de diagnostic . » Théma, octobre 2018.

* 10 La population a augmenté de 7 151 seulement personnes dans les mêmes communes, ce qui implique une réduction de la taille des ménages. Le besoin de logement est toutefois lié au nombre de ménages plus qu'à la population proprement dite.

* 11 Commissariat général au développement durable , « Objectif « zéro artificialisation nette » : éléments de diagnostic », Théma, octobre 2018.

* 12 INSEE, Tableaux de l'économie française , édition 2020.

* 13 Office fédéral de la statistique, Logements vacants .

* 14 L'article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit que les logements de classe énergétique G (resp. F et E) et supérieure seront qualifiés d'« indécents » et donc interdits à la location à compter du 1 er janvier 2025 (resp. 1 er janvier 2028 et 1 er janvier 2034), ces dates étant repoussées de trois années pour les départements d'outre-mer.

* 15 Réseau National des collectivités mobilisées contre le logement vacant, Vacance des logements : stratégie et méthodes pour en sortir , coproduction de l'Eurométropole de Strasbourg et de l'ANAH, décembre 2018.

* 16 Mission Économie de la biodiversité, « Mise en oeuvre de l'objectif zéro artificialisation nette dans les territoires », Biodiv'2050, 2021.

* 17 Réseau rural français, Plan urbanisme construction architecture, « Exode urbain ? Petits flux, grands effets. Les mobilités résidentielles à l'ère (post-)Covid », février 2022.

* 18 Fédération nationale des SAFER, « Les marchés fonciers ruraux en 2021 » 24 mai 2022.

* 19 Base de données Sitadel2, service de la donnée et des études statistiques, ministère de la transition écologique.

* 20 En particulier, les bases Corine Land Cover et Teruti-Lucas donnent des résultats différents en raison de méthodologies distinctes pour la mesure des terres artificialisées.

* 21 Feuille de route pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources , communication de la Commission européenne (COM(2011) 571 final), 20 septembre 2011.

* 22 Éric Charmes, « L'artificialisation est-elle vraiment un problème quantitatif ? » Études foncières n° 162, mars-avril 2013.

* 23 Ce calcul n'inclut pas les résidences secondaires, qui feraient porter le taux d'artificialisation à 11 %.

* 24 Land recycling and densification , site Internet de l'Agence européenne de l'environnement, 2018 (mis à jour en 2021). La densification est définie comme le développement réutilisant des infrastructures existantes. Le classement des villes (aires urbaines fonctionnelles) mesure, sur la période 2006-2012, le rapport entre les terres « recyclées » (densifiées ou transformées d'un usage à un autre) à la superficie totale faisant l'objet des projets de développement urbain. Ce rapport est de près de 80 % à Nice et 75 % à Saint-Étienne, alors que dix villes européennes seulement dépassent le taux de 60 %.

* 25 Stratégie de l'UE pour la protection des sols à l'horizon 2030 , communication de la Commission européenne (COM(2021) 699 final), 17 novembre 2021.

* 26 Éric Charmes, « La fin de la lutte foncière ? » Constructif, 2020, éd. Fédération française du bâtiment, p. 29 à 33.

* 27 Éric Charmes, « L'artificialisation est-elle vraiment un problème quantitatif ? » Études foncières n° 162, mars-avril 2013.

* 28 Charles Raux et Éric Charmes, « Tous en ville ! Faut-il empêcher l'émiettement périurbain pour décarboner la mobilité ? » Cybergéo, revue européenne de géographie, 2021.

* 29 Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, amendement n° 1799 , présenté par Jean-Baptiste Blanc au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 10 juin 2021.

* 30 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 31 Créé par l'article 192 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi « Climat et résilience »).

* 32 Décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l'artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d'urbanisme.

* 33 Le texte adopté par le Sénat précisait que « N'est pas considérée comme artificialisée une parcelle majoritairement constituée soit de surfaces naturelles nues ou couvertes d'eau, soit de zones végétalisées constituant un habitat naturel, utilisées à usage de cultures, ou attenantes au bâti . ». Les mots « ou attenants au bâti » n'ont pas été retenus par la commission mixte paritaire.

* 34 Article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales , dans sa rédaction résultant de l'article 194 de la loi Climat et résilience.

* 35 Décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.

* 36 Amendement n° 3574 , de M. Alain Perea et Mmes Sandra Marsaud et Véronique Riotton, déposé le 3 mars 2021 devant la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi et complété par la mention de la fiscalité du logement lors de l'examen en séance publique par l'Assemblée nationale.

* 37 ESPON (European Observation Network for Territorial Development and Cohesion), Sustainable urbanization and land-use practices in European regions , Main Report, novembre 2020.

* 38 Décision n° 1386/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à un programme d'action général de l'Union pour l'environnement à l'horizon 2020 « Bien vivre, dans les limites de notre planète ».

* 39 Stratégie de l'UE pour la protection des sols à l'horizon 2030 , communication de la Commission européenne (COM(2021) 699 final), 17 novembre 2021.

* 40 Entre 2017 et 2020, la transformation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) vers les espaces artificialisés a été en moyenne de 216 661 hectares par an, soit 59,6 hectares par jour (données de l'observatoire national de l'artificialisation).

* 41 Stratégie de l'UE pour la protection des sols à l'horizon 2030 , communication de la Commission européenne (COM(2021) 699 final), 17 novembre 2021.

* 42 Plan d'investissement du pacte vert pour l'Europe , communication de la Commission européenne, 14 janvier 2020.

* 43 Défini par l'article 36 du règlement européen n° 1303-2016 du 17 décembre 2013, l'investissement territorial intégré est un instrument qui permet d'élaborer une stratégie intégrée sur un territoire donné de manière transversale et en couplant les budgets de plusieurs axes prioritaires, notamment en zone urbaine.

* 44 Programme EFESE (Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques), lancé en 2012 par le ministère chargé de l'environnement.

* 45 Comité pour l'économie verte, « Les instruments incitatifs pour la maîtrise de l'artificialisation des sols », 2019, à partir du rapport « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » du Conseil d'analyse stratégique (CAS) en 2009 et des travaux du projet EFESE.

* 46 SAFER, Les marchés fonciers ruraux en 2020 , 27 mai 2021.

* 47 Mission commune d'information sur le foncier agricole, rapport d'information n° 1460 , présenté par Anne-Laurence Pétel et Dominique Pétel, 5 décembre 2018.

* 48 Voir par exemple Commissariat général du développement durable, « Trajectoires vers l'objectif « zéro artificialisation nette » : éléments de méthode », Théma, décembre 2019.

* 49 Guillaume Sainteny, La fiscalité peut-elle contribuer à limiter l'artificialisation des sols ? , Annales des Mines, juillet 2018.

* 50 Comité pour l'économie verte, « Les instruments incitatifs pour la maîtrise de l'artificialisation des sols », 2019, à partir du rapport « Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » du Conseil d'analyse stratégique (CAS) en 2009 et des travaux du projet EFESE.

* 51 Mission Économie de la biodiversité, « Mise en oeuvre de l'objectif zéro artificialisation nette dans les territoires » Biodiv'2050, 2021. Voir aussi, notamment, Thierry Vilminn «Les trois marchés de l'étalement urbain », Études foncières, mai-juin 2012, p. 27-33, et Arnaud Bouteille, « Des coûts de construction très différents selon le type d'immeuble », site politiquedulogement.com, 8 décembre 2019.

* 52 Cet « effet barbecue », selon lequel les habitants de centre-ville se déplaceraient plus pour leurs loisirs, notamment en prenant l'avion, tandis que les habitants du périurbain profiteraient plus de leur cadre de vie, au point de relativiser éventuellement les vertus environnementales de la ville très dense, fait l'objet de controverses entre les spécialistes.

* 53 Sylvain Grisot, Manifeste pour un urbanisme circulaire , éditions Apogée, 2021.

* 54 Mission d'information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives, rapport d'information n° 3811 présenté par Damien Abad et Stéphanie Kerbarh, 27 janvier 2021.

* 55 Gouvernement, 500 millions d'euros pour remettre de la nature dans les villes , 15 juin 2022.

* 56 Article L. 101-1-2 du code de l'environnement , résultant de l'article 192 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 57 France Stratégie, « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ? , octobre 2019.

* 58 Article L. 163-1 du code de l'environnement , résultant de l'article 69 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 59 Voir Éric Charmes, « De quoi le ZAN est-il le nom ? , Fonciers en débat, 2021.

* 60 Voir Greta Tomasi, La gentrification rurale, un regard critique sur les évolutions des campagnes françaises , Géo-confluences, 2018.

* 61 Laurent Girometti et François Leclercq, Rapport de la mission sur la qualité du logement - Référentiel du logement de qualité , septembre 2021.

* 62 Éric Charmes (« De quoi le ZAN est-il le nom ? », article précité) reprend, à propos de la manière dont l'État contraint les documents d'urbanisme à travers le ZAN, la notion de « gouvernement à distance » développée par Renaud Epstein en 2005 au sujet de la politique de la ville.

* 63 Thibaut Bazin, Christelle Dubos, Jean-Luc Lagleize et Richard Lioger. rapport d'information n° 5121 sur l'évaluation de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN), fait au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, déposé le 23 février 2022.

* 64 Le contrat de projet partenarial d'aménagement (PDF), site du ministère chargé du logement.

* 65 Le contrat de projet partenarial d'aménagement (PDF), site du ministère chargé du logement.

* 66 Transformer les territoires grâce au contrat , ministère de la transition écologique, 2021.

* 67 Rapport annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires », annexé au projet de loi de règlement pour l'année 2020.

* 68 Rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État, annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 69 Somme des sommes versées aux établissements publics fonciers d'État et locaux, ainsi qu'aux deux établissements publics d'aménagement et aux agences des « 50 pages géométriques » de Guadeloupe et de Martinique.

* 70 Gouvernement, Recyclage des friches : un fonds de 650M d'euros déployé , mis à jour le 17 mai 2022.

* 71 Gouvernement, Recyclage des friches: lancement de la 3e édition du fonds friches , 17 mai 2022.

* 72 La « surface utile produite » est ici la somme des surfaces de logements, d'activités économiques et d'équipements publics produites sur les friches faisant l'objet d'une décision d'attribution d'aide au titre des deux premières éditions du fonds friches.

* 73 (Gouvernement 2022).

* 74 Il s'agit de la Corse-du-Sud, de la Creuse, du Jura, de la Meuse et du Territoire-de-Belfort.

* 75 Ministère de la transition écologique, Cadrage national des modalités d'attribution du fonds friches, volet Recyclage foncier : 3e édition , février 2022.

* 76 Ministère de la transition écologique. Cadrage national des modalités d'attribution du fonds friches - Volet : recyclage foncier, 2nde édition , 15 juillet 2021.

* 77 Ministère de la transition écologique, Aide à la relance de la construction durable 2022 , 4 novembre 2021.

* 78 Voir notamment le Centre d'analyse stratégique, Les aides publiques dommageables à la biodiversité , rapport de la mission présidée par Guillaume Sainteny, 2012.

* 79 Dominique Figeat, rapport du groupe de travail sur la mobilité du foncier privé en faveur du logement , 14 mars 2016.

* 80 Pour une vision renouvelée de l'habitat individuel , rapport coordonné par le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts, remis à la ministre chargée du logement en décembre 2021.

* 81 Mission Économie de la biodiversité, « Mise en oeuvre de l'objectif zéro artificialisation nette dans les territoires » Biodiv'2050, 2021.

* 82 Article 199 novovicies du code général des impôts.

* 83 Voir notamment Pour une vision renouvelée de l'habitat individuel , rapport précité coordonné par le Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts.

* 84 Article 164 de la n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. L'expérimentation, qui devait s'arrêter à la fin 2021, a été prolongée jusqu'à la fin 2024 par la loi de finances pour 2022.

* 85 Premier rapport d'évaluation de cette expérimentation, remis au Parlement en mars 2022.

* 86 Article 244 quater V du code général des impôts.

* 87 Article 199 sexvicies du code général des impôts.

* 88 IV bis de l' article 199 novovicies du code général des impôts.

* 89 Article 199 tervicies du code général des impôts.

* 90 Article 199 tervicies du code général des impôts.

* 91 Article 31 (1.1° m) du code général des impôts.

* 92 Article 199 tricies du code général des impôts.

* 93 Prévisions pour 2022, selon le tome II du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 94 « Des modalités d'accompagnement en ingénierie sont-elles prévues ? » , ANCT.

* 95 ANCT, Fonds de restructuration des locaux d'activité .

* 96 Boîte à outils financiers : Rénovation de l'habitat dégradé, ORT et Action Coeur de ville , site du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, novembre 2021.

* 97 Décret n° 2022-897 du 16 juin 2022 modifiant le statut du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).

* 98 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 99 Le CEREMA pourrait donc intervenir sans formalités de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics attribués par les collectivités, comme c'est déjà le cas pour ceux attribués par l'État.

* 100 ADEME, 22 territoires en marche pour atteindre l'objectif ZAN , 17 mars 2022.

* 101 Redonner de l'attractivité et du dynamisme aux centres des villes moyennes , site Internet de l'ANCT, 29 avril 2020, mis à jour le 8 mars 2022.

* 102 Banque des territoires, « Action coeur de ville : le dynamisme de l'immobilier se confirme », 20 mai 2022.

* 103 Opérations de revitalisation des territoires (ORT) , site Internet du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, 9 février 2022.

* 104 Au sortir de la seconde guerre mondiale, une enquête de l'Institut national d'études démographies (Ined) montrait que 72 % des enquêtés préféraient la maison isolée avec jardin. Les enquêtes des années 2000 aboutissent à des taux de préférence pour la maison individuelle dépassant les 80 % (Jean-Marc Stébé, La préférence française pour le pavillon , Constructif (revue publiée par la Fédération française du bâtiment), n° 57, novembre 2020).

* 105 Emmanuel Macron, programme pour la campagne présidentielle 2022. Les économies demandées s'apprécient par rapport au tendanciel des coûts de fonctionnement sur l'ensemble des collectivités publiques et pourrait être inscrit en loi de programmation des finances publiques.

* 106 Source des montants : Direction générale des collectivités locales (DGCL) « Les collectivités locales en chiffres 2022 ».

* 107 Projet annuel de performances de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 108 Projet annuel de performances de la mission « Relation avec les collectivités territoriales », annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 109 Gouvernement, Instruction relative à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace , 29 juillet 2019.

* 110 Gouvernement, Circulaire relative à la contractualisation et à la planification locale pour lutter contre l'artificialisation des sols , Bulletin officiel du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, 30 août 2021.

* 111 Premier ministre, Circulaire relative à la mise en oeuvre opérationnelle de la loi « Climat et Résilience » en matière de lutte contre l'artificialisation des sols , 7 janvier 2022.

* 112 Observatoire national de l'artificialisation des sols : https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/ .

* 113 Premier ministre, Mise en oeuvre opérationnelle de la loi « Climat et Résilience » en matière de lutte contre l'artificialisation des sols , circulaire du 7 janvier 2022.

* 114 « Des modalités d'accompagnement en ingénierie sont-elles prévues ? » , ANCT.

* 115 OCS GE , site de l'IGN.

* 116 Gazette des communes, La fin de la taxe d'habitation met à mal les données locales sur le logement , 14 avril 2022.

* 117 Bulletin officiel des finances publiques - Impôts, Actualisation des commentaires relatifs à la diffusion des données statistiques produites par l'administration fiscale , 26 janvier 2022.

* 118 Arrêté du 29 décembre 2021 relatif à la révision annuelle des valeurs forfaitaires par mètre carré de surface de construction constituant l'assiette de la taxe d'aménagement (article L. 331-11 du code de l'urbanisme).

* 119 DREAL Pays-de-la-Loire, « La fiscalité en Pays de la Loire : la taxe d'aménagement » , Observation et statistiques, collection n° 235, janvier 2015.

* 120 Mission d'information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives, rapport d'information n° 3811 présenté par Damien Adam et Stéphanie Kerbarh, 27 janvier 2021.

* 121 Comité pour l'économie verte, Les instruments incitatifs pour la maîtrise de l'artificialisation des sols, 2019.

* 122 Mission Économie de la biodiversité, « Mise en oeuvre de l'objectif zéro artificialisation nette dans les territoires » Biodiv'2050, 2021.

* 123 France Stratégie, « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ? , octobre 2019.

* 124 Voir notamment La fiscalité de l'urbanisme : un levier pour le ZAN ? , Les ateliers du ZAN, Institut Paris-Région, juin 2020.

* 125 Voir notamment le rapport précité de la mission Économie de la biodiversité.

* 126 Rapport précité de la mission Économie de la biodiversité, p. 50.

* 127 Mission d'information commune sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives, rapport d'information n° 3811 présenté par Damien Adam et Stéphanie Kerbarh, 27 janvier 2021.

* 128 Paolo Avner, Vincent Viguié et Stéphane Hallegatte, Le versement pour sous densité : analyse d'un outil de densification urbaine et premiers retours d'expériences , CDC Climat, Point Climat n° 36, mai 2014.

* 129 Articles 1464 F et 1382 H du code général des impôts.

* 130 Voir Les zones de revitalisation des centres-villes (ZRCV) sur le site collectivites-locales.fr.

* 131 Arrêté du 31 décembre 2020 constatant le classement de communes en zone de revitalisation des centres-villes, modifié par un arrêté du 3 décembre 2021.

* 132 Voir le rapport IGF et CGEDD, Mobilisation des logements et des bureaux vacants , janvier 2016.

* 133 Conseil constitutionnel, décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 , « Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ».

* 134 Commission pour la relance durable de la construction de logements , septembre 2021.

* 135 Article 1530 du code général des impôts.

* 136 Pour mémoire, l'Assemblée nationale a voté la suppression de la taxe sur les friches commerciales en première lecture du projet de loi de finances pour 2019 en raison de son faible rendement, mais le Sénat l'a maintenue car elle a aussi un effet dissuasif qui ne peut être mesuré par son rendement, conduisant l'Assemblée nationale à maintenir cette taxe en nouvelle lecture.

* 137 CEREMA, Renforcer la stratégie foncière par la fiscalité, quels leviers pour les collectivités locales ? 2019-2021.

* 138 Voir notamment Alain Trannoy et Étienne Wasmer, Le grand retour de la terre dans les patrimoines, et pourquoi c'est une bonne nouvelle , Odile Jacob, 2022.

* 139 CEREMA, Renforcer la stratégie foncière par la fiscalité, quels leviers pour les collectivités locales ? 2019-2021.

* 140 Article 1529 du code général des impôts.

* 141 Article 1605 nonies du code général des impôts.

* 142 Mission commune d'information sur le foncier agricole, rapport d'information n° 1460 , présenté par Anne-Laurence Pétel et Dominique Pétel, 5 décembre 2018.

* 143 Cour des comptes, Référé sur les terres agricoles et les conflits d'usage , 2013.

* 144 Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Évaluation et propositions d'optimisation des outils concourant à la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers , 2018.

* 145 Cette taxe a été introduite à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat en 2006, dans le cadre du projet de loi portant engagement national pour le logement, en vue de restituer aux communes une part de la plus-value engendrée par l'urbanisation (voir le rapport n° 81 (2005-2006) de Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 15 novembre 2005).

* 146 Voir l' article 43 de la n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 et l' article 46 de loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 147 Agence France Trésor, Le marché du carbone : Adjudication des quotas d'émissions de gaz à effet de serre .

* 148 Estimations pour 2021 et 2022 présentées lors du projet de loi de finances pour 2022.

* 149 Réponse à la question écrite n° 06412 de M. Antoine Lefèvre, 21 novembre 2013.

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