B. LES LOIS ADOPTÉES AVANT LE 1ER OCTOBRE 2020

1. Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail parue au JO n° 178 du 3 août 2021 (adoptée avant le 1er octobre 2021)

La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, entrée en vigueur le 31 mars 2022, était encore peu appliquée lors de l'élaboration du dernier rapport sur l'application des lois : son taux d'application n'était que de 27 % au 31 mars 2022 et atteignait 51 % au 28 avril 2022.

De nouvelles mesures d'application sont intervenues depuis un an, permettant à cette loi de présenter un taux d'application de 73 %.

a) Le renforcement de la prévention au sein des entreprises
(1) Les modalités de conservation et de mise à disposition du document unique : une application problématique

L'article 3 de la loi du 2 août 2021 a consacré dans la loi l'existence du document d'évaluation des risques professionnels (Duerp), dont il a rénové le contenu et fixé les conditions d'élaboration, de conservation et de mise à disposition.

À l'initiative du Sénat, cet article a introduit le principe d'un dépôt dématérialisé du Duerp et de ses mises à jour, afin de garantir la pérennité de leur conservation et de leur mise à disposition, au moyen d'un portail numérique géré par les organisations professionnelles d'employeurs.

Le décret du 5 avril 2022 pris pour l'application de ce dispositif144(*) a prévu que les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel transmettent au ministre du travail, au plus tard le 31 mai 2022, leur proposition conjointe de cahier des charges du déploiement et du fonctionnement du portail numérique ainsi que les statuts de l'organisme gestionnaire en vue de leur agrément par arrêté. Il a fixé au 30 septembre 2022 le délai à l'issue duquel, en l'absence d'agrément délivré par le ministre du travail, ces éléments pourront être fixés par décret en Conseil d'État.

En application de ces dispositions, le Medef, la CPME et l'U2P ont transmis au ministère du travail une proposition conjointe énumérant une série d'exigences en matière de confidentialité, de sûreté et de sécurité des données dans le cadre du dispositif de dépôt dématérialisé sur un portail numérique. Toutefois, ce document n'a pas pu être agréé en l'état car il ne définit ni les modalités de déploiement du portail, ni les statuts de l'organisme gestionnaire. Les organisations patronales y indiquent en effet qu'elles « ne seront pas en mesure de garantir la gestion du portail dans le respect des dispositions législatives et réglementaires » et proposent que cette mission soit confiée à un opérateur public.

Malgré la carence des partenaires sociaux, le Gouvernement n'a pas pris de décret en Conseil d'État afin de définir le cahier des charges du portail numérique au regard des difficultés d'application soulevées par les organisations patronales.

En revanche, le ministre du travail a chargé l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) d'« expertiser les conditions de conservation et de mise à disposition des Duerp » et, le cas échéant, de « formuler des propositions alternatives qui ne dérogent pas à une gestion, qu'elle qu'en soit le mode, par les partenaires sociaux, et permettant d'atteindre l'objectif de traçabilité collective prévu par l'ANI ».

Cette mission est en cours et pourrait aboutir à des propositions nécessitant une modification de la loi.

(2) L'entrée en application du passeport de prévention

L'article 6 de la loi du 2 août 2021 a institué un passeport de prévention permettant de recenser l'ensemble des certifications acquises par le travailleur en matière de santé et de sécurité au travail.

Appelé à déterminer les modalités de mise en oeuvre du passeport de prévention et de sa mise à la disposition de l'employeur en application de l'article L. 4141-5 du code du travail, le comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) s'est prononcé par une délibération du 13 juillet 2022.

Cette délibération a été approuvée par un décret du 29 décembre 2022145(*), à l'exception des dispositions qui prévoient un arrêté pour fixer, d'une part, les modalités et conditions d'accès au passeport et, d'autre part, les informations recensées dans le passeport de prévention. Ce décret précise en outre que la notification électronique automatique prévue par le CNPST ne s'applique qu'aux formations organisées à l'initiative de l'employeur.

Le décret précise enfin que le salarié peut donner son accord pour un accès, total ou partiel, par son employeur, au passeport le concernant, ou lui refuser cet accès. Les modalités de cet accord et les conditions de cet accès doivent être précisées par arrêté du ministre chargé du travail.

Sous cette réserve, ce dispositif est donc désormais applicable.

b) Le renforcement du cadre applicable aux services de prévention et de santé au travail
(1) La définition du cahier des charges national de la procédure d'agrément

L'article 11 de la loi du 2 août 2021 a donné une base légale au principe de l'agrément par l'autorité administrative des services de prévention et de santé au travail.

Comme le prévoit cet article, un décret du 15 novembre 2022 a défini le cahier des charges national de cet agrément146(*). Ce cahier des charges contient une série de critères relatifs à la gouvernance et au pilotage des SPST, à la qualité de l'offre de services, à la contribution des SPST à la mise en oeuvre de la politique de santé au travail, à la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité ainsi qu'à la couverture par les SPST des besoins des entreprises et de l'ensemble des secteurs géographiques, professionnels ou interprofessionnels147(*).

(2) L'entrée en vigueur retardée de la procédure de certification

L'article 11 soumet également chaque service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) à une procédure de certification réalisée par un organisme indépendant.

Les référentiels et les principes guidant l'élaboration du cahier des charges de cette certification devaient être définis, sur la proposition du CNPST, par un décret publié le 30 juin 2022 au plus tard. Ce décret a finalement été pris le 20 juillet 2022148(*).

Ce cahier des charges doit encore être fixé par un arrêté du ministre du travail. Les dispositions du décret entreront en vigueur à la date de publication de cet arrêté et au plus tard le 1er mai 2023.

À compter de cette entrée en vigueur, les SPSTI disposeront d'un délai de deux ans pour obtenir leur certification.

Par ailleurs, un décret du 30 novembre 2022 a défini, après avis du CNPST, les référentiels et les principes guidant l'élaboration du cahier des charges de certification des services de santé au travail en agriculture149(*). Ce cahier des charges sera fixé par arrêté du ministre de l'agriculture. Les dispositions du décret entreront en vigueur le lendemain de la date de publication de cet arrêté et au plus tard le 1er mai 2023.

(3) L'entrée en vigueur différée de l'encadrement de la tarification des SPSTI

Un amendement sénatorial avait prévu, à l'article 13 de la loi du 2 août 2021, la possibilité d'encadrer la fixation du niveau des cotisations par les SPSTI dans les limites d'un pourcentage du coût moyen de l'offre socle de services définie par la loi, conformément à la position des partenaires sociaux exprimée dans l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 10 décembre 2020.

Le décret du 30 décembre 2022 est venu préciser les conditions dans lesquelles cet encadrement pourra s'appliquer150(*). Il entrera en vigueur le 1er janvier 2025.

Il dispose que le coût moyen de l'ensemble socle de services, défini pour chaque SPSTI, est calculé de la manière suivante151(*) :

Un arrêté du ministre du travail fixera chaque année le coût moyen national de l'offre socle de services, correspondant au montant moyen du coût défini ci-dessus152(*). Il sera publié au plus tard le 1er octobre 2024 en vue de l'entrée en vigueur du décret.

Le montant de la cotisation versée pour chaque travailleur au SPSTI devra, en principe, être compris entre 80 % et 120 % du coût fixé par cet arrêté153(*). Certains motifs précisés par le décret permettront toutefois à l'assemblée générale du SPSTI d'approuver un montant supérieur à la borne haute des cotisations. Un SPSTI disposant d'un agrément valide d'une durée de 5 ans et percevant un montant total de cotisations supérieur à ses charges d'exploitation pourra également fixer un niveau de cotisation inférieur à la borne basse.

(4) Les obligations de publicité des SPSTI

En application de l'article 14, le décret précité du 15 novembre 2022 a précisé la liste des documents que chaque SPSTI doit communiquer à ses adhérents ainsi qu'au comité régional de prévention et de santé au travail (CRPST) et rendre publics. Ces documents sont :

- les résultats de la dernière certification du SPSTI ;

- son projet de service pluriannuel ;

- son offre de service spécifique à destination des travailleurs indépendants154(*).

(5) L'adaptation du cadre aux services de santé au travail en agriculture

L'article 2 a entendu simplifier l'articulation entre les dispositions législatives du code du travail et les dispositions réglementaires du code rural et de la pêche maritime concernant les services de sécurité et de santé au travail en agriculture (services SST), qui restent soumis à des règles d'organisation et de fonctionnement spécifiques.

Les décrets suivants ont ainsi spécifiquement tiré les conséquences de la réforme des SPST pour ces services :

- le décret n° 2022-1163 du 18 août 2022 définit l'ensemble socle de services que doivent mettre en oeuvre les services SST en agriculture ;

- le décret n° 2022-1510 du 30 novembre 2022 fixe les référentiels et les principes guidant l'élaboration du cahier des charges de certification des services SST en agriculture (cf. supra) ;

- le décret n° 2022-1752 du 28 décembre 2022 précise les nouveaux critères d'octroi et de renouvellement de l'agrément des services SST en agriculture dans un cahier des charges national ainsi que les conditions de retrait ou de réduction de la durée de l'agrément. De plus, il fixe la liste des documents qui doivent être transmis aux entreprises cotisantes et rendus publics par les services SST ainsi que les modalités de transmission aux autorités publiques de données d'activité et de gestion de ces services.

Plusieurs décrets concernant le régime agricole restent cependant attendus :

- un décret simple sur la prise en compte des salariés multi-employeurs : selon les informations transmises par le ministère de l'agriculture, le bureau de la CCMSA a été saisi du projet de décret, ce qui permet d'envisager une publication dans les prochaines semaines ;

- un décret en Conseil d'État sur la formation et l'exercice des médecins praticiens correspondants : le ministère de l'agriculture indique que ce texte est en cours de finalisation ;

- un décret modifiant le code de la santé publique sur le dossier médical en santé au travail ;

- un décret en Conseil d'État permettant, à titre expérimental, d'ouvrir la prescription d'arrêts de travail, de soins, d'examens ou de produits de santé par des médecins du travail : aucun texte réglementaire n'a été publié pour appliquer cette mesure (cf. infra) ;

- des décrets sur le portail numérique permettant la mise à disposition des Duerp.

c) Les mesures en matière d'accompagnement des publics vulnérables et de lutte contre la désinsertion professionnelle
(1) L'entrée en vigueur différée des échanges d'information réciproques entre les acteurs de la prévention de la désinsertion professionnelle

L'article 19 prévoit des échanges d'informations réciproques entre les organismes de sécurité sociale et les SPST à des fins de prévention de la désinsertion professionnelle. Le IV de cet article fixe au 1er janvier 2024 l'entrée en vigueur de ses dispositions.

Alors que le secrétariat général du Gouvernement envisageait la publication des décrets d'application de cet article en octobre 2022, ceux-ci n'ont pas encore été pris.

(2) L'inapplication de la mutualisation du suivi des salariés en cas de pluralité d'employeurs

L'article 25 permet de mutualiser le suivi de l'état de santé des travailleurs occupant des emplois identiques auprès d'employeurs différents.

Les modalités d'application de cet article doivent faire l'objet d'un décret qui n'a pas encore été publié.

d) L'organisation de la médecine du travail et de l'équipe pluridisciplinaire
(1) Les conditions d'alimentation, de consultation et de conservation du dossier médical en santé au travail

En application de l'article 16 de la loi du 2 août 2021, un décret en Conseil d'État en date du 15 novembre 2022, pris avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), a précisé les règles encadrant le dossier médical en santé au travail (DMST)155(*), notamment son format, son contenu, les conditions dans lesquelles les professionnels de santé en charge du suivi individuel du travailleur peuvent l'alimenter et le consulter, les droits d'accès du travailleur à son DMST et les conditions de sa transmission lorsqu'un travailleur relève de plusieurs SPST ou cesse de relever d'un de ces services.

Il dispose que le DMST doit être conservé par le SPST pendant une durée de quarante ans à compter de la date de la dernière visite du titulaire, dans la limite d'une durée de dix ans à compter de la date de son décès156(*).

(2) La mise en place retardée des médecins praticiens correspondants

L'article 31 a ouvert la possibilité pour un SPSTI de s'adjoindre le concours d'un médecin de ville disposant d'une formation en médecine du travail, dit « médecin praticien correspondant », pour assurer le suivi médical des travailleurs dans les zones caractérisée par une présence insuffisante de médecins du travail. Cet article devait entrer en vigueur à compter d'une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2023.

Toutefois, les textes réglementaires d'application attendus n'ont toujours pas été publiés à ce jour. Il s'agit :

- d'un décret en Conseil d'État déterminant les modalités d'application de ce dispositif ;

- d'un arrêté des ministres chargés du travail et de la santé définissant le modèle de protocole de collaboration entre le SPSTI et le médecin praticien correspondant.

En outre, chaque directeur général d'ARS devra, pour permettre l'application de la mesure, arrêter la liste des zones de son ressort territorial caractérisées par un nombre insuffisant ou une disponibilité insuffisante de médecins du travail pour répondre aux besoins du suivi médical des travailleurs.

(3) L'inapplication de l'extension à titre expérimental du droit de prescription des médecins du travail

L'article 32, issu d'une initiative sénatoriale, prévoit la possibilité pour l'État d'autoriser, dans le cadre d'une expérimentation d'une durée de cinq ans et dans trois régions volontaires, les médecins du travail à prescrire et, le cas échéant, renouveler des arrêts de travail ainsi qu'à prescrire des soins, examens ou produits de santé nécessaires à la prévention de l'altération de la santé des travailleurs ou à la promotion d'un état de santé compatible avec leur maintien en emploi.

Le décret en Conseil d'État qui doit déterminer les modalités de cette expérimentation n'a toujours pas été publié à ce jour.

(4) La définition de la formation spécifique des infirmiers de santé au travail

L'article 34 a consacré dans la loi le statut d'infirmier de santé au travail (IST).

Un infirmier diplômé d'État ou disposant de l'autorisation d'exercer sans limitation dans les conditions prévues par le code de la santé publique peut ainsi exercer dans un SPST sous réserve de disposer d'une formation spécifique en santé au travail.

Cette formation a été définie par le décret en Conseil d'État du 27 décembre 2022157(*), dont les dispositions sont entrées en vigueur le 31 mars 2023.

Ce décret précise notamment que la formation spécifique des IST est acquise par la justification :

- d'un parcours de formation d'un minimum de 240 heures d'enseignements théoriques ;

- d'un stage de 105 heures de pratique professionnelle en santé au travail.

Un arrêté ministériel du 30 janvier 2023 a précisé les modalités d'organisation et d'évaluation de la formation158(*).


* 144 Décret n° 2022-487 du 5 avril 2022 relatif au cahier des charges du déploiement et du fonctionnement du portail numérique de conservation du document unique d'évaluation des risques professionnels et aux statuts de l'organisme gestionnaire du portail.

* 145 Décret n° 2022-1712 du 29 décembre 2022 relatif à l'approbation de la délibération du comité national de prévention et de santé au travail du conseil d'orientation des conditions de travail fixant les modalités de mise en oeuvre du passeport de prévention et de sa mise à la disposition de l'employeur.

* 146 Décret n° 2022-1435 du 15 novembre 2022 relatif à l'agrément et aux rapports d'activité des services de prévention et de santé au travail.

* 147 Art. D. 4622-49-1 du code du travail.

* 148 Décret n° 2022-1031 du 20 juillet 2022 relatif aux référentiels et aux principes guidant l'élaboration du cahier des charges de certification des services de prévention et de santé au travail interentreprises.

* 149 Décret n° 2022-1510 du 30 novembre 2022 relatif aux référentiels et aux principes guidant l'élaboration du cahier des charges de certification des services de santé au travail en agriculture.

* 150 Décret n° 2022-1749 du 30 décembre 2022 relatif au financement des services de prévention et de santé au travail interentreprises.

* 151 Art. D. 4622-27-4 du code du travail.

* 152 Art. D. 4622-27-5 du code du travail.

* 153 Art. D. 4622-27-6 du code du travail.

* 154 Art. D. 4622-47-1 du code du travail.

* 155 Décret n° 2022-1434 du 15 novembre 2022 relatif au dossier médical en santé au travail.

* 156 Art. R. 4624-45-9 du code du travail.

* 157 Décret n° 2022-1664 du 27 décembre 2022 relatif à la formation spécifique des infirmiers de santé au travail.

* 158 Arrêté du 30 janvier 2023 relatif aux modalités d'organisation et d'évaluation de la formation spécifique des infirmiers de santé au travail.

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