B. LES SUITES DONNÉES AUX RÉSOLUTIONS EUROPÉENNES DU SÉNAT

Sur l'année parlementaire écoulée, dans les deux tiers des cas, les positions exprimées par le Sénat dans ses résolutions européennes ont été prises en compte au cours des négociations et influent donc directement sur le contenu des directives et règlements finalement adoptés.

D'une façon quelque peu schématique, il est en effet possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues :

1°) dans deux tiers des cas donc, les résolutions européennes du Sénat ont été prises totalement ou très largement en compte : onze résolutions européennes ont en effet été prises en compte en totalité ou en majorité au cours des négociations à Bruxelles, voire dans le texte définitif européen (règlement ou directive). Il s'agit des résolutions portant sur :

- le programme de travail de la Commission européenne pour 2022 : dans sa réponse, la Commission européenne a, en particulier, partagé le souhait du Sénat du respect du principe de subsidiarité et du multilinguisme, réaffirmant son souci d'une publication de tous les documents juridiquement contraignants et de portée générale dans les 24 langues officielles de l'Union européenne.En outre, la Commission a également déclaré partager les préoccupations du Sénat relatives au pacte vert et à la pêche, l'éducation au numérique et le règlement sur les semi-conducteurs (« chips act »), l'adoption de nouvelles ressources propres, et la mise en place d'un droit d'initiative des parlements nationaux ;

- la lutte contre les violences faites aux femmes : concernant ce texte, les préconisations du Sénat ont été suivies et confortées par un « cercle vertueux ». La Commission européenne a répondu favorablement à l'appel de la France pour l'établissement d'un cadre juridique européen permettant une lutte efficace contre les abus et violences faites aux femmes, conformément aux dispositions de la convention d'Istanbul. Elle a présenté le 8 mars 2022 une proposition de directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique reprenant les préconisations du Sénat relatives à ladéfinition des infractions pénales liées aux violences sur les femmes, la mise en place de procédures d'interdiction, d'injonction et de protection en cas d'urgence (par ordonnance), et le principe d'une réparation intégrale, par l'auteur de l'infraction, du préjudice subi ;

sur les subventions étrangères: le Sénat a été entendu sur sa volonté de combler un vide réglementaire dans le marché unique en assurant un contrôle des subventions étrangères procurant à leurs bénéficiaires un avantage indu lors de l'acquisition d'entreprises de l'Union européenne, de la participation à des marchés publics dans l'Union européenne ou de l'exercice d'activités commerciales en son sein. Les propositions du Sénat sur le principe de la réforme et l'architecture globale des instruments envisagés ont été reprises dans la version finale du règlement européen. ;

sur l'inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables : la résolution du Sénat avait pour objectif d'obtenir l'intégration pleine et entière de l'énergie nucléaire dans la taxonomie comme activité durable et de maintenir une neutralité technologique, notamment entre l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire et celui issu des énergies renouvelables. La Commission européenne a consacré une « demi-victoire » pour la France en reconnaissant l'énergie nucléaire, non comme une activité durable mais comme une « activité économique favorisant la transition ».

- les autres propositions du Sénat ayant été suivies portaient sur les marchés contestables et équitables dans le secteur numérique ; les services numériques ; le programme d'action numérique à l'horizon 2020 ; l'autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (HERA) ; la connectivité sécurisée 2023-2027 ; la transparence de la publicité politique ; la liberté académique en Europe.

2°) les positions du Sénat ont été partiellement suivies pour cinq des résolutions adoptées. C'est le cas des résolutions relatives au paquet « ajustement à l'objectif 55 » et au devoir de vigilance des entreprises, en raison du refus de la Commission européenne de faire évoluer son texte ou des divisions entre Conseil et Parlement européen ayant conduit à des compromis sensiblement éloignés des positions sénatoriales. D'autres résolutions n'ont pu être suivies d'effet, faute de négociation active sur un texte européen, telles que les résolutions sur le patrimoine européen renforcé, sur la préservation des huiles essentielles de lavande ou sur les filières du patrimoine.

3°) enfin, dans un seul dernier cas, la résolution européenne du Sénat n'a pas reçu de suite effective : portant sur un sujet particulièrement important pour le Sénat, la résolution demandant une réorientation de la PAC afin de garantir la souveraineté alimentaire de l'Europe n'a pas obtenu gain de cause. Cette résolution en date du 6 mai 2022 demandait, au regard de la guerre en Ukraine, de réorienter la stratégie agricole européenne découlant du Pacte vert pour assurer l'autonomie alimentaire de l'Union européenne. Elle sollicitait notamment une étude d'impact sur les conséquences économiques et sociales du pacte vert, et une inflexion générale de la position de la Commission européenne afin que la PAC retrouve sa dimension de « priorité stratégique ». Or, tant le Gouvernement français que la Commission européenne ont opéré une série d'ajustements temporaires et limités pour tirer les conséquences du conflit ukrainien mais ont refusé la « réorientation » demandée, renouvelant au contraire leur soutien à la stratégie « de la ferme à la fourchette ».

Ce bilan globalement positif doit inciter la commission des affaires européennes à poursuivre son action et le Sénat à conforter sa stratégie d'influence européenne par tous moyens.

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