II. UNE EXTENSION NÉCESSAIRE À UN NOMBRE PLUS IMPORTANT DE COMMUNES, AUX EPCI ET AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

A. UN ÉLARGISSEMENT DU DISPOSITIF POUR LES COMMUNES ET UNE EXTENSION VERS LES EPCI ET SYNDICATS QUI PARAIT INDISPENSABLE

1. Un renforcement du dispositif afin d'y intégrer un nombre plus important de communes des DROM

Sur les 129 communes des DROM, 30 sont actuellement dans le réseau d'alerte de la DGFIP en raison d'une situation financière dégradée et nécessitant une vigilance particulière soit 24 % des communes.

De surcroit, les préfets interrogés estiment que certaines villes remplissent les conditions pour prétendre à une contractualisation.

Ainsi, en Guadeloupe, la moitié des communes (soit 16) fait l'objet d'une saisine de la CRC. Toutes ces communes constituent donc un vivier et 14 avaient d'ailleurs postulé au dispositif en 2020. Parmi ces communes, celle de Capesterre-Belle-Eau et, dans une moindre mesure, car elle est peu peuplée, celle de Saint-Louis de Marie Galante pourraient avoir vocation à rejoindre le dispositif, moyennant un engagement des élus sur des objectifs partagés.

En Martinique, les communes du Lorrain et du Gros-Morne, dont les budgets primitifs 2022 ont été réglés en déséquilibre par le préfet à la suite de l'avis de la CRC, pourraient y prétendre au regard de leur situation financière très dégradée.

Par ailleurs, l'analyse financière sur la période 2019-2021 de la commune du Prêcheur, qui a bénéficié il y a quelques années du plan Cocarde, démontre une réelle dégradation de la situation financière et patrimoniale de la commune. Le niveau de trésorerie est préoccupant et ne permet pas de couvrir, notamment, les mandats restants à payer. Le point bloquant pour cette commune à l'octroi d'un COROM serait l'absence de saisine de la CRC.

En Guyane, le préfet estime que l'ensemble des communes suivies dans le réseau d'alerte (5 au total) devrait pouvoir bénéficier de ce dispositif. À cet égard, la commune de Roura avait déjà été identifiée comme éligible au dispositif. Il note cependant que pour les communes les plus faiblement peuplées (2 sur les 5 du réseau d'alerte), la principale difficulté en cas de signature d'un COROM, concerne la capacité des municipalités à désigner un référent COROM en leur sein, ce qui pourrait constituer un frein au suivi des indicateurs et des cibles à atteindre. Si un contrat devait être signé, une attention particulière devra donc être portée au recrutement d'un assistant technique à temps plein.

À Mayotte, le préfet a ciblé la commune de Pamandzi pour laquelle la chambre régionale des comptes a proposé un plan de redressement pour la période 2022 - 2024, jusqu'à résorption du déficit budgétaire. Une réflexion est par ailleurs en cours, de même qu'un accompagnement avec la commune de Boueni.

Enfin, à la Réunion, plusieurs communes ont été identifiées en grande difficulté financière depuis plusieurs années et pourraient remplir les conditions pour bénéficier du dispositif. Il s'agit de la commune de Sainte-Marie qui s'était déjà portée candidate le 22 septembre 2022 et reste en attente de réponse. Les communes de Saint-Philippe et Saint-Leu rencontrent également des difficultés importantes. Avec Sainte-Suzanne, ces 4 communes ont une cotation « risque important » dans le réseau d'alerte.

Dans ce contexte, il parait nécessaire d'élargir le dispositif et, subséquemment, d'augmenter les crédits qui y sont alloués afin d'en faire bénéficier un nombre plus important de communes.

L'amendement de crédits adopté en loi de finances pour 2023 abonde dans ce sens puisque 10 millions d'euros en AE et CP ont été ouverts pour intégrer de nouvelles communes. Dans ce contexte, un appel à candidatures a été lancé mi-février auprès de 31 communes éligibles du fait de leur situation financière dégradée. À son issu, 12 nouvelles communes15(*) ont été retenues en juin 2023.

Il est à noter que l'amendement de 10 millions d'euros pour les communes est en AE=CP, alors que les COROM sont par nature une démarche pluriannuelle. Il est donc prévu, d'après les éléments transmis par la DGOM, que la nouvelle vague de contractualisation soit dotée de 10 millions d'euros par an pour la période 2023-2025, ce qui nécessitera donc l'ouverture d'AE et CP complémentaires en 2024 voire en 2025.

Les rapporteurs spéciaux soulignent cependant qu'une telle enveloppe de 30 millions sur 3 ans permettrait d'intégrer environ une dizaine de communes, dans les mêmes conditions que la première vague (12 ont finalement été sélectionnées) alors même que les préfets des 5 DROM ont fait part de 14 communes en difficultés, que le réseau d'alerte en compte 30 (hors communes ayant déjà signé un COROM) pour ces mêmes territoires et que la DGOM a précisé que le nouvel appel à candidatures a été lancé auprès de 31 communes éligibles sur le seul critère du fonds de roulement net négatif.

Recommandation n° 10 : étendre formellement l'éligibilité des communes des DROM, par modification de la circulaire du 2 février 2021, au-delà des deux critères initiaux de saisine d'une CRC et d'impossibilité de redressement sur deux ans en tenant compte notamment du fonds de roulement, du suivi dans le réseau d'alerte ou de tout autre critère attestant d'une situation financière particulièrement dégradée (DGOM).

2. Une extension des COROM aux EPCI qui pourrait s'avérer utile à moyen terme

Les DROM comptent 23 EPCI répartis comme suit :

- 6 en Guadeloupe ;

- 3 en Martinique ;

- 4 en Guyane ;

- 5 à la Réunion ;

- 5 à Mayotte.

La situation financière des EPCI de Guadeloupe reste à l'équilibre et ces derniers se désendettent. Toutefois, le développement des EPCI reste en devenir : leurs dépenses d'équipement demeurent peu élevées à 44 euros par habitant environ, soit un niveau deux fois et demie inférieur à la moyenne nationale des EPCI (110 euros par habitant). Cette situation s'explique notamment par le fait que nombre de communes membres gardent la charge de certaines compétences qui ne sont donc pas transférées à leurs EPCI.

En 2021, le flux d'emprunt annuel pour la deuxième année consécutive est inférieur à l'amortissement de la dette (remboursement d'emprunts).

Cette évolution conduit à une diminution de l'encours de dette. Ainsi, en 2021, le désendettement se poursuit : les remboursements d'emprunt (+ 16%) augmentent alors qu'une forte diminution du recours à l'emprunt est à constater (- 77%) en lien avec la baisse des investissements.

La situation financière des EPCI de Martinique est également à l'équilibre. En 2021, les EPCI enregistrent une amélioration de leur épargne brute qui couvre le remboursement en capital de la dette.

La capacité de désendettement s'améliore et passe de 7,6 ans en 2020 à 4,8 ans en 2021 soit un niveau supérieur au niveau national de 4,4 ans en 2021 pour l'ensemble des EPCI, mais inférieur au seuil d'alerte de 12 ans. Le montant de l'épargne brute couvre cependant le remboursement annuel de capital de la dette.

Les budgets des EPCI de Guyane sont marqués par un effet de ciseaux en 2021 sur le fonctionnement, les recettes augmentant presque deux fois moins vite que les dépenses, ce qui détériore la capacité d'autofinancement de plus de 11 % par rapport à 2020. Toutefois, les budgets des EPCI ont une faible surface financière par rapport notamment au poids des communes de Guyane. Cette situation est due pour l'essentiel au report de transferts de compétences à l'intercommunalité au 1er janvier 202616(*). Il en résulte que les communes portent, à ce jour, encore l'essentiel du développement local en l'absence de transfert de compétences.

L'encours de dette total était faible en 2021 et s'établissait à 2,9 millions d'euros, soit une baisse de 43 % par rapport à 2018. Dans ce contexte, la capacité de désendettement est de moins d'un mois soit un niveau inférieur au niveau national de 4,4 ans en 2021 pour l'ensemble des EPCI.

Les budgets des EPCI de La Réunion restent en situation équilibrée malgré un effet ciseaux en 2021 avec :

- une évolution des recettes de fonctionnement légèrement moins dynamique que les dépenses ;

- des dépenses d'équipement en augmentation.

L'encours de dette total reste maîtrisé et progresse légèrement entre 2016 et 2021 mais la capacité de désendettement de 5 ans reste très en deçà du seuil d'alerte.

Les budgets des EPCI de Mayotte ont été mis en place pour la plupart en 2016. L'analyse des comptes reflète cette création récente avec notamment en 2018 et 2019, un démarrage des investissements et de la mobilisation de l'emprunt dans un contexte de lancement des projets des intercommunalités. Les équipes intercommunales constituées au départ avec les transferts de personnels communaux se renforcent avec des recrutements dans les services techniques et les services de développement du tourisme ce qui pourrait, à terme, générer une hausse des charges de personnel.

L'encours de dette total est faible et se résume aux flux d'emprunt de 2018 à 2021, soit 15,7 millions d'euros, ce qui représente moins de 10 mois d'épargne brute environ.

Malgré une situation d'ensemble plutôt favorable certains points doivent être mis en exergue. En effet, la situation de certains EPCI est moins solide. À titre d'exemple, la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbes en Guadeloupe présente un encours fournisseurs de 32,5 millions d'euros, notamment à l'égard des communes membres.

Par ailleurs, cet équilibre financier d'ensemble s'explique de manière quasi générale dans les DROM par la faible surface financière des EPCI en raison de transferts de compétence très limités à ce jour et subséquemment d'un faible niveau d'investissement des EPCI. De surcroit, la mutualisation des moyens par les EPCI au profit des communes n'est pas assurée de manière systématique.

Pour autant, ces transferts devraient s'accentuer à l'avenir jusqu'en 2026.

Dans ce contexte, si le besoin n'est pas prégnant actuellement, il peut se développer quand l'intégralité des compétences aura été transférée aux EPCI. Il semble alors nécessaire de pouvoir les rendre éligibles au dispositif des COROM pour ceux d'entre eux qui présenteraient des difficultés financières importantes. L'objectif serait alors double : préserver les EPCI d'une dérive financière trop importante comme celle observée pour de nombreuses communes des DROM et éviter une fragilisation du tissu économique local par des délais de paiement trop longs.

Ainsi, pour les EPCI, le dispositif des COROM pourrait être adapté et être envisagé comme une solution à mettre en place de manière précoce afin d'éviter que les difficultés financières ne deviennent structurelles. Pour autant, dans un contexte où les charges de fonctionnement et d'investissement de ces établissements sont amenées à croitre dans les années à venir, il semble nécessaire de pouvoir les rendre éligibles ce qui ne signifie pas pour autant la signature de contrats à court terme.

3. La question de la situation financière des syndicats : une ouverture permise par le Gouvernement lui-même

Les DROM comptent 22 syndicats :

- 7 en Martinique ;

- 2 en Guyane ;

- 10 à la Réunion ;

- 3 à Mayotte.

Ces syndicats ont principalement des missions de services publics industriels et commerciaux et sont, de ce fait, financés par des redevances des usagers avec une impossibilité pour leurs adhérents de verser des subventions d'équilibre sauf exception encadrée par la loi. Dès lors, certains d'entre eux nécessitent des dispositifs de soutien adaptés. C'est notamment le cas du SMGEAG en Guadeloupe qui est en cours de signature d'un COROM.

La contractualisation du SMAEG

L'amendement adopté en LFI 2023 prévoit 20 millions d'euros en AE et en CP pour le Syndicat gestionnaire de l'eau et de l'assainissement en Guadeloupe (SMGEAG). Cette enveloppe de 20 millions d'euros vient s'ajouter aux 10 millions d'euros inscrits, en 2023, au sein des crédits de la mission « Outre-mer » pour accompagner les efforts du SMGEAG.

Ces 30 millions d'euros en AE=CP ont pour objectif un retour à l'équilibre financier dans le cadre de la feuille de route signée le 8 novembre 2022 qui détaille le plan d'actions prioritaires à mettre en oeuvre ainsi que les contributions respectives des acteurs dans le cadre de la structuration du SMGEAG.

Au sein de cette enveloppe 27 millions d'euros financeront la subvention exceptionnelle de fonctionnement conditionnée au respect des engagements contractualisés, et le delta est affecté au financement des assistants techniques, le besoin précis étant en cours d'affinage. Elle permet d'acter plusieurs engagements déterminants pour assurer l'efficacité du SMGEAG dans la réussite de ses missions :

- la poursuite de la structuration du syndicat avec la mise en place de son plan de retour à l'équilibre financier ;

- la mise en oeuvre d'un comité de pilotage resserré entre la Préfecture, le conseil régional, le conseil départemental et le SMGEAG ;

- la réalisation d'une liste des travaux d'urgence et des réseaux à renouveler en priorité ;

- l'assistance technique des services de l'État sur les missions prioritaires.

Source : commission des finances du Sénat

En Martinique, l'extension du dispositif COROM à des établissements publics a également été évoquée notamment concernant le Syndicat Martiniquais pour le Traitement et la Valorisation des Déchets (SMTVD) qui connaît de grosses difficultés financières et présente notamment un encours de dette en 2021 de 52 millions d'euros. Des discussions sont en cours avec la DGOM pour la mise en oeuvre d'un Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) qui présente des similitudes avec le dispositif COROM.

À la Réunion, le syndicat mixte de traitement des déchets des microrégions sud et ouest présente également une situation préoccupante avec une épargne nette négative, des remboursements d'emprunt importants et un encours de dette en 2021 de 126,5 millions d'euros qui a augmenté de près de 57 millions d'euros en un an.

Le sujet concernant les syndicats est donc circonscrit à quelques cas particuliers mais pose cependant la question de l'extension du dispositif des COROM à ces établissements.

Concernant les EPCI et les syndicats, si l'amendement instaurant le dispositif des COROM ne prévoyait pas leur éligibilité, la DGOM a déjà été au-delà en contractualisant avec le SMAEG.

Il n'y a donc pas d'opposition de principe à élargir le dispositif aux EPCI et aux syndicats selon des critères à définir et en prévoyant une modification de la circulaire initiale.

Cette extension nécessitera cependant des crédits supplémentaires qui pourront être ouverts lors de la loi de finances 2024 en fonction des besoins déterminés pour ces établissements et syndicats.

Recommandation n° 11 : rendre les EPCI et les syndicats éligibles au dispositif des COROM en modifiant la circulaire du 2 février 2021 et en définissant des critères attestant d'une situation financière fortement dégradée (DGOM).


* 15 Capesterre-Belle-Eau, Marie-Galante et Saint-François en Guadeloupe, Gros-Morne, Prêcheur, Trinité et Saint-Esprit en Martinique, Roura, Awala-Yalimapo et Kourou en Guyane, Sainte-Marie à la Réunion et Bouéni à Mayotte.

* 16 En effet, le transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes peut, suite à la loi du 3 août 2018, être reporté au 1er janvier 2026.