C. FOCUS SUR QUATRE SECTEURS FÉMINISÉS EMBLÉMATIQUES DES ATTEINTES À LA SANTÉ DES FEMMES

1. Secteur du care : qui prend soin de celles qui prennent soin de nous ?
a) Un secteur féminisé à 80 %

Le secteur dit du care regroupe toutes les professions médicales et paramédicales, les aides à domicile, les auxiliaires de vie et les divers métiers du soin, du service à la personne et du lien. Selon Catherine Cornibert, directrice générale de l'association Soins aux professionnels de santé, entre cinquante et deux cents métiers sont centrés autour du patient.

Les femmes représentent 70 à 90 % des travailleurs du secteur du care.

b) Un état de santé global moins bon que celui du reste de la population

Selon une étude de l'institut Odoxa, réalisée pour la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) et Le Figaro Santé, publiée le 8 mars dernier, les femmes professionnelles de santé - et tout particulièrement les infirmières et les aides-soignantes - sont plus sujettes aux problèmes de santé que la population générale. Un quart des répondants se déclare en mauvaise santé, soit deux fois plus que la population active en général.

La santé des professionnelles de santé est insuffisamment prise en charge et trop souvent oubliée ou délaissée par les professionnelles elles-mêmes. Une conjonction de facteurs peut expliquer ce non recours aux soins et aux dispositifs de prévention : une charge mentale trop élevée, des horaires irréguliers qui rendent complexe la prise de rendez-vous médicaux, des conditions socio-économiques en moyenne plus défavorables - facteur clé dans le non-recours à la prévention dans la population générale - ou encore le souhait de ne pas être examinée par des collègues.

c) Une pénibilité physique importante, du travail de nuit fréquent, et des exigences émotionnelles et organisationnelles fortes

Le travail des professionnels du care a des conséquences directes sur leur santé physique comme mentale.

Ces professionnels ont désormais davantage conscience du port de charges lourdes auxquelles ils et elles sont exposés. Ainsi, alors que dans l'enquête « Conditions de travail » en 2005 les assistantes maternelles déclaraient majoritairement ne pas porter de charges lourdes, tandis que les auxiliaires de puériculture déclaraient en porter, l'écart s'est considérablement réduit dans les enquêtes suivantes en 2013 et 2019. Selon François-Xavier Devetter, l'accompagnement par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), des salariés, des syndicats et des particuliers employeurs a permis de prendre conscience d'une pénibilité qui n'était pas vécue auparavant. Pour autant, bien souvent les soignantes n'utilisent pas les équipements mis à leur disposition, tels que les lève-personnes, car elles n'en ont pas le temps.

Dans le cadre de l'étude précitée, les trois quarts des hospitalières interrogées déclarent que leur travail implique une pénibilité physique importante, soit sept points de plus que leurs collègues masculins et trente points de plus que pour l'ensemble des actifs.

Une étude de Santé publique France19(*) montre que les professionnelles de la santé humaine et de l'action sociale sont exposées à des contraintes physiques ou biomécaniques très fortes, notamment de port de charge, occasionnant des TMS. Elles sont également soumises à une exposition à des produits chimiques, en particulier des agents nettoyants, et à des agents biologiques, à l'origine d'allergies cutanées ou respiratoires. Souvent, elles aident des personnes malades et sont ainsi potentiellement exposées à des agents infectieux. Enfin, elles supportent plus fréquemment de la souffrance psychique.

Les professionnelles du care sont en outre exposées à des horaires atypiques - en particulier du travail de nuit. Selon une étude de la Dares publiée en 2014, les métiers du care - et notamment les infirmières et aides-soignantes - font partie des cinq familles professionnelles comptant le plus de travailleurs de nuit, derrière les conducteurs de véhicules, les policiers et les militaires. Une étude de la Dares publiée en 2022 relève en outre que 22 % des infirmières et 15 % des aides-soignantes - des femmes à 90 % - travaillent de nuit et le week-end.

Or l'expertise de l'Anses précédemment citée a mis en évidence les conséquences néfastes du travail de nuit sur le sommeil, l'alimentation, le métabolisme, la santé psychique ou encore le risque de cancer du sein.

Outre des risques physiques, les professionnels du secteur du care sont confrontés à des exigences émotionnelles fortes du fait de leur contact avec le public, à des contraintes organisationnelles importantes, de fortes amplitudes horaires, des horaires morcelés, des week-ends d'astreinte, du travail de nuit, ainsi qu'un manque de reconnaissance et des conflits de valeur qui peuvent affecter leur santé mentale. 80 % des hospitalières interrogées dans le cadre du sondage précité déclarent que leur travail génère un stress très important, soit trente points de plus que le reste des actifs en emploi.

L'enquête Virage de 2015 montre que les personnes appartenant aux professions intermédiaires de la santé et du travail social envisagent la violence physique comme intrinsèquement liée à leur métier.

Le rapport du Docteur Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins France, et Mme Nathalie Nion, cadre supérieure de Santé AP-HP, sur les violences à l'égard des professionnels de santé, note que les soignants sont deux fois plus nombreux que l'ensemble de la population active à subir des incivilités et des violences physiques ou verbales au travail. Selon le baromètre MNH-Odoxa 2022, 29 % des professionnels de santé hospitaliers disent subir régulièrement des agressions physiques.

2. Secteur du nettoyage : à métier invisible, risques invisibles
a) Un secteur féminisé à 80 %

Les professionnels de l'entretien seraient entre 300 et 800 000 selon la comptabilisation utilisée. Selon une étude de la Dares20(*) consacrée aux conditions de travail dans ces métiers, les femmes représentent 80 % des emplois du nettoyage et la quasi-intégralité des employés auprès de particuliers. Ces travailleuses sont majoritairement des femmes âgées de plus de 50 ans, sans diplôme et d'origine étrangère.

b) Des risques physiques, chimiques et organisationnels
(1) Des postures pénibles et des cadences accélérées

Selon l'étude précitée de la Dares, 90 % des salariés du nettoyage sont exposés à au moins un risque physique, en particulier 71 % au travail répétitif et 52 % aux postures pénibles.

Selon François-Xavier Devetter, professeur des universités au Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), co-auteur de l'ouvrage Deux millions de travailleurs et des poussières. L'avenir des emplois du nettoyage dans une société juste, entre 60 et 62 ans, 50 % des salariés ou anciens salariés des métiers du nettoyage déclarent des limitations pour effectuer les gestes de la vie quotidienne, contre un peu moins de 30 % pour l'ensemble de la population active. Les licenciements pour inaptitude sont fréquents : les entreprises de nettoyage représentent à eux seuls environ 7 % des licenciements pour inaptitude, alors qu'ils ne représentent que 1,8 % des CDI.

Il estime que le caractère « spécialisé » de l'activité implique également une absence de diversité des métiers et des tâches, et une impossibilité de reclassement lorsque l'on a des TMS. Souvent, le licenciement pour inaptitude s'impose. Dans ce contexte, les salariés craignent la médecine du travail, qui est perçue comme une autorisation à travailler plutôt que comme un soutien, comme un outil de contrôle plutôt que d'accompagnement.

(2) Un risque chimique très présent

Le risque chimique est très présent et mal mesuré, à l'origine de problèmes respiratoires et dermatologiques ainsi que de cancers. Selon l'étude précitée de la Dares, 61 % des travailleurs du nettoyage sont exposés au risque chimique.

Le groupe nettoyage du Giscop 84 a travaillé à l'identification des produits cancérogènes au sein des produits utilisés par les travailleuses du nettoyage, tout en peinant à trouver ces informations pour les produits utilisés au cours des années 1980 à 2000.

Sept cancérogènes sont actuellement présents dans les produits couramment utilisés pour le nettoyage, dont le formaldéhyde qui a certes été interdit en 2018 mais est remplacé par des « libérateurs de formaldéhyde », la silice, présente dans l'Ajax ou le Cif, ou encore l'oxyde d'éthylène, utilisé dans la stérilisation des dispositifs médicaux. Or, un cancérogène est une substance avec absence de seuil de toxicité.

Pourtant, Marie-Christine Limame, ancienne infirmière, membre du Giscop 84, a expliqué devant la délégation que la mention d'un produit cancérogène n'est pas obligatoire sur l'étiquette d'un produit s'il est présent à moins de 5 % : « Ce taux, qui ne repose sur aucune donnée scientifique, laisse entendre qu'une présence de la substance à 6 % serait dangereuse, alors qu'elle ne le serait pas à 4 %. On invisibilise ici une donnée importante pour un produit potentiellement cancérogène. »

Souvent, les femmes cumulent ces expositions chimiques dans leur activité professionnelle et dans les tâches domestiques.

Outre ces produits d'entretien, les travailleuses du nettoyage sont exposées à l'amiante à travers les sols amiantés appelés dalami, présents dans de nombreux locaux publics, notamment les écoles et hôpitaux. L'usage des mono brosses remet en suspension, dans l'air, des fibres d'amiante invisibles mais extrêmement nocives car fraichement émises et très réactives.

(3) Des conditions de travail précaires et contraintes

Le travail de nettoyage est fréquemment sous-traité. Selon François-Xavier Devetter, le fonctionnement de cette branche via l'article 7 de la Convention collective des entreprises de propreté, qui organise les transferts conventionnels, fait disparaître la notion d'employeur et sa responsabilité, y compris en matière de santé.

Les travailleuses du secteur du nettoyage subissent une organisation contrainte du temps de travail.

Plus de la moitié des postes sont occupés à temps partiel, souvent subi. Les cumuls de contrats sont également fréquents. Or, ils rendent complexe la prise en charge des accidents du travail par l'Assurance maladie.

Les salariées travaillent en horaires décalés, pénibles pour la vie familiale et la santé, mais pas entre minuit et 5 heures du matin. Elles ne perçoivent donc pas les compensations adéquates qui correspondent au travail de nuit.

Leurs journées sont hachées. Selon François-Xavier Devetter, si on rapporte le temps de travail payé à l'amplitude de la journée de travail, on avoisine 60 % de travail payé.

Les difficultés psychosociales sont également nombreuses : isolement, management strict, faible autonomie.

Enfin, les salariées du nettoyage sont exposées au risque de pauvreté. Les rémunérations horaires sont faibles - plus ou moins au niveau du Smic - pour des temps partiels.

3. Secteur de la grande distribution : des caissières et employées particulièrement touchées par des TMS
a) Un secteur féminisé à 60 %

En France, 44 000 points de vente alimentaires existent sur l'ensemble du territoire. Ce secteur emploie environ 660 000 à 750 000 salariés.

Les femmes représentent 60 % des employés de la grande distribution. Elles occupent plus des trois quarts des postes de caissiers et 40 % d'entre elles sont à temps partiel.

Les effectifs sont plutôt jeunes, 40 % de salariés ayant moins de 35 ans.

b) Des TMS nombreux, de mieux en mieux pris en compte

Le secteur de la grande distribution se caractérise par une sinistralité assez forte, à la fois en accident du travail et en matière de maladies professionnelles.

Une étude de Santé publique France21(*), publiée en 2021, a permis de mettre en évidence les risques auxquels ces salariés, et notamment les caissières et employées de libre-service, sont exposés : des contraintes biomécaniques et physiques - répétition de mouvement, manutention -, organisationnelles - fragmentation des horaires de travail -, et psychosociales, en termes de management, mais aussi de contact avec le public, générant parfois de violentes tensions.

Risques professionnels dans la grande distribution

Les femmes salariées présentent des TMS de manière plus importante que les autres secteurs, et ce pour toutes les localisations : cou, épaule, rachis, mains, poignets... Les caissières et employées de libre-service sont particulièrement exposées aux risques de TMS, par rapport aux autres métiers de la grande distribution.

Grâce à des données collectées entre 2009 et 2016, Santé publique France observe une tendance à la baisse de la prévalence des TMS chez les salariées de la grande distribution alimentaire.

Trois facteurs peuvent expliquer cette baisse :

- depuis une recommandation de la Cnam de 2008, les produits ayant un poids supérieur à 8 kg ne doivent pas être manipulés par les personnes aux postes d'encaissement ;

- les caisses automatiques se sont multipliées ;

- des actions de prévention ont été menées dans ce secteur.

Les rapporteures ont ainsi pu, au cours d'un déplacement à l'hypermarché Carrefour de la Porte d'Auteuil, le 1er juin 2023, prendre connaissance de certaines des mesures mises en place par le groupe Carrefour afin de réduire les risques de TMS : chariots adaptés, monte-charges, etc.

Cependant, certaines études montrent un report de pression psychosociale : alors que par le passé, la caissière était en relation avec le client, elle se positionne désormais plutôt en surveillance. Santé publique France relève ainsi une hausse notable de leur souffrance psychique à partir de 2010.

4. Secteur du mannequinat et de l'accueil : sois belle et tais-toi
a) Des métiers « par essence féminins » ?

Les mannequins et plus encore les hôtesses d'accueil sont souvent perçus et présentés par les recruteurs comme des métiers « par essence féminins ».

Selon les données de Thalie Santé, centre médical assurant le suivi de la santé des mannequins, les mannequins de 16 à 30 ans - les plus nombreux - sont majoritairement des femmes.

Ces femmes sont recrutées pour leur physique et leur âge. Après 35 ans, il leur est plus difficile de trouver du travail.

Les hôtesses d'accueil sont elles aussi une profession à majorité de jeunes femmes. La majorité des hôtesses a moins de 25 ans. Cependant, 20 % d'entre elles ont plus de 30 ans en accueil en entreprise, 15 % en accueil événementiel.

Selon Gabrielle Schütz, sociologue du travail, auteure d'un ouvrage intitulé : Jeunes, jolies et sous-traitées : les hôtesses d'accueil, l'activité d'hôtesse d'accueil repose sur un double imaginaire de la femme, celui de la vamp et celui de la maîtresse de maison :

- elles fournissent un travail du corps, qu'elle qualifie de « travail décoratif ». Elles sont en partie recrutées sur des critères physiques de poids, de taille, de morphologie, de jeunesse, de beauté ou de couleur de peau. Elles sont affectées sur les différentes missions en fonction de ces mêmes critères. Elles portent également uniformes ou costumes « décoratifs » ;

- elles effectuent des tâches de type domestique, telles que le service de boissons, parfois un menu ménage, l'arrosage de plantes lorsqu'elles sont en entreprise... Au-delà de ces tâches domestiques, clients et prestataires attendent d'elles un « état d'esprit de maîtresse de maison », apte à parer à toute éventualité.

Gabrielle Schütz met en avant une invisibilisation de l'activité d'hôtesse et une naturalisation des compétences - les hôtesses ne feraient que déployer leurs qualités féminines - qui aboutissent à une dévalorisation professionnelle des hôtesses d'accueil.

b) Des conditions de travail dégradées, des risques sous-estimés

Dans le cas des mannequins comme des hôtesses, le phénomène de sous-traitance joue un rôle important dans la difficulté des conditions de travail, la précarité de l'emploi et la méconnaissance des risques auxquelles ces travailleuses sont exposées. Il rend plus difficile l'accès des services de santé au travail et des inspecteurs du travail à ces travailleuses. Thalie Santé a ainsi témoigné avoir peu de contacts avec les agences de mannequinat et ne pas parvenir à accéder aux lieux de défilés.

Ce phénomène de sous-traitance est également peu propice à l'émergence de mobilisations collectives.

S'agissant des mannequins, Thalie Santé identifie six groupes de risques professionnels :

- contraintes de travail : multiplicité des lieux de travail, horaires atypiques, travail de nuit, postures multiples, déplacements professionnels et internationaux pouvant générer un risque chronobiologique, risque routier lors de déplacements en Uber, taxi ou trottinette, manutention de charges ;

- risques physiques : lumière artificielle, bruit et musique amplifiée, ambiances thermiques et climatiques, nuisances olfactives, poussières de la vie urbaine ;

- risques biologiques : infectieux du fait la contamination interhumaine - confirmé par l'épisode du Covid, parasitaire par l'échange de vêtements, par exemple ;

- risques chimiques par les produits allergisants, sensibilisants, irritants tels que les parfums, produits capillaires et cosmétiques ;

- accidents : chutes, agressions physiques et verbales, risques routiers ;

- risques psychosociaux : précarité de l'emploi, employeurs multiples, contraintes organisationnelles (rythmes de travail irréguliers, travail intermittent), relationnelles (mise en concurrence des mannequins, relation tripartite entre l'agence, l'entreprise cliente et le mannequin, relations avec les médias et les réseaux sociaux) et contraintes liées à l'emploi.

S'agissant des hôtesses d'accueil, Gabrielle Schütz a mis en avant devant la délégation des conditions de travail difficiles, des horaires imprévisibles et atypiques et une dévalorisation de leurs compétences.

Elles sont considérées, dans les conventions collectives, comme des employées non qualifiées. Elles sont payées au Smic horaire. Pourtant, ses statistiques montrent qu'elles sont aussi diplômées que les femmes de leur génération. Elle estime donc que : « Dans la mesure où les femmes sont globalement plus diplômées que les hommes, et que les jeunes générations sont plus diplômées que les générations plus âgées, les hôtesses d'accueil sont en réalité bien plus diplômées que la plupart des personnes avec lesquelles elles entrent en interaction. »

Selon elle, cette dévalorisation professionnelle contribue à des interactions à risque avec les visiteurs puisqu'elles endossent deux rôles : la  réassurance des identités hétérosexuées - en acceptant une « drague » qui peut conduire à du harcèlement, et celle des hiérarchies sociales - le nombre et l'inactivité ostensible des hôtesses étant bien souvent proportionnels à l'importance accordée aux clients.

Gabrielle Schütz a également évoqué des similarités avec les hôtesses de l'air. D'une part, la plupart des agences événementielles ont été fondées par d'anciennes hôtesses de l'air. Les chartes qu'elles mettent en place, que doivent signer les salariées, décrivent de manière extrêmement précise leurs tenues, le type de bijoux qu'elles peuvent porter, le type de maquillage qu'elles doivent mettre, le grammage de leurs collants chair... Ces documents sont directement inspirés des normes de l'aviation commerciale qui avaient cours chez Air France, dont beaucoup de fondatrices de sociétés prestataires d'événementiel sont issues.

D'autre part, l'activité d'hôtesse d'accueil n'est pas exercée que par des étudiantes, mais est parfois exercée en complément d'une autre activité, comme celle d'hôtesse de l'air dans des compagnies low cost.

Enfin, mannequins comme hôtesses d'accueil sont exposées aux violences sexuelles et sexistes, comme l'ont mis en lumière le mouvement #MeToo et la campagne #PasTaPotiche.

c) Des troubles alimentaires fréquents

Selon Ekaterina Ozhiganova, mannequin, fondatrice de Model law, association française de défense et de protection des droits des mannequins, les problèmes de santé physique comme mentale sont une part quasi inévitable de la carrière de mannequin.

Elles subissent dans leur quotidien une forte pression pour maintenir un corps mince et atteindre la taille zéro ou un tour de hanches ne dépassant pas les 90 centimètres. Cette pression conduit à des comportements malsains de contrôle du poids tels que des régimes, du sport à outrance, l'utilisation de laxatifs, des vomissements auto-induits, etc. Elles sont ainsi davantage à risque de présenter des symptômes subcliniques de l'anorexie mentale et d'autres troubles psychologiques et alimentaires comme la boulimie, l'orthorexie ou la dysmorphophobie.

Depuis 2016, la loi22(*) encadre l'activité des mannequins, afin de lutter contre leur maigreur excessive :

- d'une part, en imposant la mention « photographie retouchée » pour les photos commerciales qui affinent ou épaississent la silhouette des mannequins ;

- d'autre part, en rendant obligatoire un certificat médical pour l'exercice de l'activité de mannequin, délivré par un centre médical et de prévention qui assure le suivi exclusif de la santé de toutes ces professionnelles en France, CMB, aujourd'hui Thalie Santé. Depuis 2017, ce centre a suivi plus de 6 000 mannequins.

Cependant, ce suivi ne concerne pas les mannequins étrangers ne résidant pas en France, pourtant très nombreux.

Selon Thierry Boulanger, médecin du travail chez Thalie Santé, la loi semble avoir eu un effet positif sur l'augmentation de l'IMC moyen des mannequins. Pour autant, l'IMC n'est pas un indicateur suffisant, il doit être complété par un interrogatoire affiné pour distinguer la maigreur constitutionnelle de l'anorexie mentale, qui est une pathologie psychiatrique.

Classification de l'IMC

Classification

IMC (kg/m2)

Poids normal

18,5 à 24,9

Maigreur grade 1

17 à 18,49

Maigreur grade 2

16 à 16,99

Maigreur grade 3

< 16

Évolution de l'IMC moyen des femmes mannequins entre 2017 et 2023

Source : Thalie Santé

IMC moyen des femmes suivies par Thalie Santé

Source : Thalie Santé

Selon Gabrielle Schütz, la surveillance du poids et de la morphologie est également vraie dans les métiers d'accueil, comme dans le mannequinat, dans des proportions bien moindres. Ainsi, les agences d'hôtesse procurent des uniformes en taille 36, 38 et 40, mais pas 42, ni 34 ou 32.


* 19 Lloyd Anna, Dugas Julien, Fouquet Natacha, Geoffroy Clara, Robert Maëlle, Roquelaure Yves, Chazelle Émilie, Mieux connaître les facteurs de risque de troubles musculo-squelettiques chez les salariés de la santé humaine et de l'action sociale, pour mieux lutter contre. Étude Sumer 2016-2017, février 2022.

* 20 Dares, Les métiers du nettoyage : quels types d'emploi, quelles conditions de travail ?, 2019.

* 21 Fouquet Aurélie, Robert Maëlle, Wendling Jean-Michel, Léonard Martine, Boiselet Émilie, Garras Loïc, Smaïli Sabira, Homère Julie, Sambany Emercia, Chatelot Juliette, Les maladies à caractère professionnel chez les salariés de la grande distribution alimentaire en France. Résultats 2009-2016, septembre 2021.

* 22 Article 20 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Les thèmes associés à ce dossier