C. GARANTIR LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES ACTES PRÉPARATOIRES AU SCRUTIN ET LA CONTINUITÉ DES MANDATS ÉLECTORAUX

S'il convient d'ajuster certaines dispositions relatives aux opérations électorales afin de favoriser la participation des électeurs, il apparaît également nécessaire de préciser certaines dispositions concernant les actes préparatoires au scrutin. Dans une même optique de sécurité juridique, les rapporteurs entendent limiter le risque de remise en cause des mandats acquis, et garantir leur continuité.

1. Veiller au caractère complet de la commission de contrôle des listes électorales consulaires

Conformément à l'article 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976, la commission chargée de s'assurer de la régularité de la liste électorale consulaire est composée du président du conseil consulaire et de deux membres titulaires et deux membres suppléants désignés par l'Assemblée des Français de l'étranger parmi les électeurs de la circonscription consulaire, après avis des conseillers des Français de l'étranger élus de la circonscription électorale dont relève la liste électorale consulaire.

Or, il arrive que l'Assemblée des Français de l'étranger ne parvienne pas à se mettre d'accord sur les membres à désigner. En l'état du droit, aucune solution n'est prévue pour pallier cette absence d'accord, d'où le risque que la commission de contrôle de la liste électorale ne puisse être constituée. Aussi les rapporteurs proposent-ils, dans ce cas, que la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire reconduise les membres déjà en poste dans la commission.

Proposition : Prévoir qu'en cas d'absence d'accord au sein de l'AFE pour désigner, après l'avis des conseillers des Français de l'étranger, les membres (titulaires et suppléants) pour la commission de contrôle des listes électorales consulaires, les membres déjà en poste dans la commission soient automatiquement reconduits par la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire.

2. Instaurer un contrôle de l'éligibilité du candidat à l'élection consulaire et à l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger

La procédure d'enregistrement des candidatures aux élections consulaires et à l'AFE comporte, depuis 2013, une forme d'anomalie.

L'article 16 de la loi du 22 juillet 2013 conditionne l'éligibilité au conseil consulaire à l'inscription sur l'une des listes électorales consulaires de la circonscription électorale dans laquelle ils se présentent, d'une part, et l'éligibilité à l'Assemblée des Français de l'étranger à l'élection comme conseiller des Français de l'étranger, d'autre part. Pour autant, l'article 19 de la loi du 22 juillet 2013 ne permet pas à l'administration de refuser la candidature d'une personne qui n'est pas éligible en application de l'article 16. En conséquence, cette question ne peut « être soulevée qu'au stade d'un recours contentieux aboutissant à l'annulation des opérations électorales »201(*).

Ainsi, à la suite des élections consulaires de 2014, l'élection des conseillers consulaires pour la circonscription du Paraguay avait été annulée par le Conseil d'État pour la raison qu'un candidat, pourtant non élu, était inéligible car non inscrit sur la liste électorale consulaire de la circonscription202(*).

Pour remédier au risque d'annulation d'élections sur ce motif, les rapporteurs renouvellent la proposition, formulée en 2015, que la vérification de l'inscription sur la liste électorale consulaire figure parmi les conditions de recevabilité des candidatures contrôlées par l'administration dès le dépôt de la déclaration de candidature, et non une fois seulement élu. L'administration pourrait ainsi faire obstacle à des candidatures qui auraient pour effet de remettre en cause le scrutin. Cette solution serait du reste cohérente avec le droit applicable aux élections municipales, les préfectures ayant l'obligation de s'assurer que le candidat est éligible au sein de la commune203(*).

Proposition : Prévoir que la vérification de l'inscription sur la liste électorale consulaire figure parmi les conditions de recevabilité des candidatures contrôlées par l'administration dès le dépôt de la déclaration de candidature, et non une fois seulement élu.

3. Organiser des élections partielles en cas d'élections infructueuses

Durant le mandat 2014-2020, la circonscription consulaire d'Ukraine n'a disposé d'aucun conseiller, faute de candidats à l'élection du 25 mai 2014204(*) ; en conséquence, le conseil consulaire a siégé sans aucun membre élu205(*). En outre, en 2018, un siège devenu vacant dans la circonscription électorale « Philippines » n'a pas pu être pourvu, faute de dépôt de candidature.

Lors des élections consulaires de 2021, tous les sièges de conseillers des Français de l'étranger ont été pourvus. Les rapporteurs n'en estiment pas moins nécessaire de remédier aux limites de la rédaction actuelle de l'article 29 de la loi du 22 juillet 2013. Cet article prévoit en effet la tenue d'élections partielles uniquement dans deux cas : à la suite de l'annulation des opérations électorales d'une circonscription, d'une part, ou lorsque la liste des candidats est épuisée (pour les élus à la représentation proportionnelle) ou s'il n'y a plus de remplaçant pour siéger en lieu et place de titulaire (pour les élus au scrutin majoritaire), d'autre part. En conséquence, « si aucun candidat ne s'est présenté à l'élection consulaire, il n'y a pas lieu d'organiser, quatre mois plus tard, une élection partielle car il n'y jamais eu de sièges occupés puis devenus vacants »206(*) ; l'élection suivante sera celle du renouvellement général des conseillers des Français de l'étranger, six ans plus tard.

Les rapporteurs jugent cette situation difficilement acceptable sur le plan démocratique. Ils préconisent donc, comme dans leur rapport de 2015, de contraindre l'administration à convoquer, à une échéance raisonnable, une nouvelle fois les électeurs, si tout ou partie des sièges n'a pas été pourvu lors du renouvellement général précédent.

Proposition : En cas d'absence de candidatures régulièrement enregistrées pour l'élection d'un ou plusieurs conseillers consulaires, prévoir l'organisation d'une élection partielle à mi-mandat.

4. Garantir la continuité des mandats des élus en cas de démission d'office prononcée à la suite d'une annulation contentieuse

À la suite de l'annulation des élections consulaires de mai 2021 dans la 4e circonscription du Canada (Montréal, Moncton et Halifax)207(*), un conseiller des Français de l'étranger de cette circonscription, qui était également conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger a, en application des articles 16, 17 et 32 de la loi du 22 juillet 2013, été démis d'office de son mandat de conseiller à l'AFE par un arrêté du ministre de l'Europe et des affaires étrangères en date du 25 juillet 2022208(*).

L'annulation contentieuse des élections des conseillers
des Français de l'étranger et des conseillers à l'AFE

Le Conseil d'État est juge en premier et dernier ressort des élections des conseillers des Français de l'étranger et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger209(*).

Saisi d'une contestation contre l'une de ces élections, le juge électoral peut, lorsqu'il constate des manoeuvres frauduleuses (consistant par exemple, dans le cas des élections consulaires de la 4e circonscription du Canada, en l'utilisation de documents de propagande électorale de nature à induire les électeurs en erreur sur les soutiens dont bénéficiait une liste de candidats) qui ont pu avoir une incidence sur l'issue du scrutin et donc sur sa sincérité, annuler l'élection.

Conformément à l'article L. 118-4 du code électoral210(*), le Conseil d'État peut également, lorsqu'il se prononce sur un recours, déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

Au-delà des manoeuvres frauduleuses, les rapporteurs considèrent que le non-respect de dispositions légales devrait pouvoir être invoqué plus systématiquement à l'appui de recours pour contester l'élection de représentants des Français de l'étranger. Il en va ainsi en particulier de l'interdiction de financement de la campagne électorale par les personnes morales - à l'exception des partis ou groupements politiques -, prévue par l'article 24 de la loi du 22 juillet 2013211(*).

Aucune sanction n'étant aujourd'hui prévue par la loi en cas de violation de cette disposition, il conviendrait a minima que le juge électoral, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre l'élection, se saisisse de ce motif pour annuler celle-ci, le cas échéant.

L'élu en question a introduit le 19 août 2022 un recours auprès du Conseil d'État. Dans sa décision rendue le 22 décembre 2022212(*), le juge électoral a considéré que le motif de la démission d'office avait disparu, le conseiller ayant entre-temps remporté l'élection consulaire partielle organisée le 22 octobre 2022 dans la 4e circonscription du Canada ; le Conseil d'État a, en conséquence, annulé l'arrêté du 25 juillet 2022 à compter de la date du 22 octobre 2022.

En l'espèce, le conseiller des Français de l'étranger n'a pas perdu son mandat de conseiller à l'AFE, y compris pendant la période du 25 juillet au 22 octobre 2022. Pour autant, ce cas de figure témoigne d'un risque d'insécurité juridique majeur pour les conseillers à l'AFE dont l'élection comme conseiller des Français de l'étranger serait annulée.

Aussi les rapporteurs entendent-ils remédier à ce risque en prévoyant, dans la loi du 22 juillet 2013, que lorsqu'un conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger perd son mandat pour cause d'annulation d'opérations électorales des conseillers des Français de l'étranger, la démission d'office de son mandat ne puisse intervenir qu'à l'issue de l'élection partielle, dans le seul cas où il perde cette élection.

Proposition : Prévoir que, lorsqu'un conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger perd son mandat pour cause d'annulation d'opérations électorales des conseillers des Français de l'étranger, la démission d'office de son mandat ne puisse intervenir qu'à l'issue de l'élection partielle si le conseiller des Français de l'étranger sortant est battu.


* 201 Rapport n° 481 (2014-2015), p. 32.

* 202 Conseil d'État, 17 février 2015, n° 381414.

* 203 En application des articles L. 228, L. 255-4 et L. 265 du code électoral.

* 204 La direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire expliquant cette absence de candidature par « la situation dans les régions de Crimée et du Donbass dont la Russie prenait le contrôle à cette époque » (réponse au questionnaire des rapporteurs).

* 205 Réponse du ministre de l'Europe et des affaires étrangères à la question écrite n° 13722 de Christophe-André Frassa, Journal officiel du 8 janvier 2015.

* 206 Rapport n° 481 (2014-2015), p. 35.

* 207 Décision du Conseil d'État n° 453475 du 24 juin 2022.

* 208 Consultable à cette adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046103043.

* 209 Conformément au 9° de l'article L. 311-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de l'article 58 de la loi du 22 juillet 2013.

* 210 Applicable à l'élection des conseillers des Français de l'étranger et à l'élection des conseillers à l'AFE en vertu de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013.

* 211 Aux termes duquel « les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat ou d'une liste de candidats ni en leur consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en leur fournissant des biens, services ou autres avantages, directs ou indirects, à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Aucun candidat ni aucune liste de candidats ne peuvent recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d'un État étranger ou d'une personne morale de droit étranger ».

* 212 Décision du Conseil d'État n° 466863 du 22 décembre 2022.