a. Les trois services compétents en matière de contre-espionnage et de contre-ingérence

Les services de renseignement compétents en matière de lutte contre les ingérences étrangères sont la DGSI qualifiée de chef de file national, la DGSE pour l'action extérieure et la DRSD s'agissant de la protection du secteur de la défense.

Le décret du 30 avril 2014 portant création de la DGSI énonce que le service « assure la prévention et concourt à la répression de toute forme d'ingérence étrangère », ce qui constitue sa première mission. Ce même décret ajoute qu'elle « concourt à la prévention et à la répression des actes portant atteinte au secret de la défense nationale ou à ceux portant atteinte au potentiel économique, industriel ou scientifique du pays ».

La DGSI bénéficie d'une compétence exclusive en matière de contre- espionnage, en renseignement et en judiciaire, sur l'ensemble du territoire national. Cette compétence est multiforme : en prévention, en analyse et en entrave, y compris pour entreprendre des actions offensives. Cette compétence concerne aussi des actions menées contre des intérêts de pays tiers, pour lesquels la France est utilisée comme un pays « rebond ». La DGSI se coordonne ainsi avec la DGSE avant toute action extérieure du territoire national pour assurer un suivi pertinent de la mission.

En matière d'ingérences étrangères, au-delà de sa fonction première et historique de contre-espionnage, la DGSI intervient au titre de la protection économique et pour ce qui relève de la lutte contre la manipulation de l'information, elle exerce sa mission à la confluence de l'ingérence étrangère et de la cyberdéfense. L'alinéa 8 du décret de 2014 énonce en effet qu'elle

« concourt à la prévention et à la répression de la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication », notamment si ces attaques cyber portent atteinte à nos intérêts fondamentaux.

Depuis la création de la DGSI en 2014, la lutte contre les ingérences étrangères n'a cessé de prendre de l'importance. L'action du service s'articule avec l'ensemble des services de l'État concourant à la sécurité nationale et conformément à l'article 3 du décret du 30 avril 2014 : « Les services concourant à la sécurité nationale transmettent sans délai à la direction générale de la sécurité intérieure les renseignements se rapportant aux activités mentionnées à l'article 2 ».

La DGSI est confrontée à une menace croissante allant de l'espionnage à l'ingérence, la conduisant à évoluer dans ses modes d'appréhension, ces menaces étant principalement portées par deux « puissances conquérantes » que sont la Chine et la Russie, suivie par la Turquie et une République islamique d'Iran qui n'a pas cessé de recourir à un terrorisme d'État, directement ou via des intermédiaires. Par ailleurs, le Service porte une attention particulière aux menaces engendrées depuis le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, la présence sur notre sol d'importantes communautés originaires de ces zones constituant un facteur démultiplicateur de risques.

Hors des frontières nationales, la mission de contre-espionnage et de contre-ingérence relève exclusivement de la DGSE qui agit au titre de la protection intérêts français à l'étranger. Le Service contribue à l'anticipation, à la détection, à la caractérisation et à l'imputation de manoeuvres adverses, dans tous les champs possibles de l'ingérence (cyber, lutte informationnelle, protection de la souveraineté économique, contre-espionnage). Les missions de contre-espionnage et de contre-ingérence sont de plus en plus intégrées et coordonnées entre la DGSE et la DGSI pour assurer la continuité de l'action de renseignement. ***** Ainsi, en matière de contre-espionnage, un partenariat étroit a été bâti entre la DGSE et la DGSI, par le biais d'échanges réguliers sur les dossiers en cours et d'actions communes permettant l'instruction d'entraves administratives ou opérationnelles.

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LE CONTRE-ESPIONNAGE ET LA CONTRE-INGÉRENCE, CoeUR DE MÉTIER HISTORIQUE DU RENSEIGNEMENT INTÉRIEUR

Dès la fin du XIXe siècle, après l'affaire Dreyfus, les missions de surveillance du territoire qui étaient auparavant sous la responsabilité des armées, sont confiées au ministère de l'Intérieur. D'abord de faible envergure, elles sont structurées et renforcées par la création du contrôle général de la surveillance du territoire (CGST) au sein de la Direction générale de la sûreté nationale en 1934. Dès lors, celui-ci a

« pour mission exclusive d'assurer en France, par une coordination méthodique des attributions de la police spéciale, l'application de la loi du 26 janvier 1934 tendant à réprimer l'espionnage, ainsi que les crimes et délits intéressant la sûreté extérieure de l'État ».

Mais le CGST durera peu. En effet, les années de guerre voient d'une part la dissolution du service par les autorités allemandes, d'autre part le déploiement de nouvelles approches de collecte du renseignement opérées depuis Londres, puis Alger, par le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) et la Direction générale des services spéciaux (DGSS).

À la Libération, le Général de Gaulle décide de capitaliser sur les nouveaux savoir- faire en matière de contre-espionnage. Le 16 novembre 1944, la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) est créée par ordonnance et rattachée à la Direction générale de la sûreté nationale, dépendante du ministère de l'Intérieur.

Au cours de ses premières années d'existence, le Service s'est concentré sur le démantèlement des réseaux allemands, avec l'opération « Liqui » visant à

« liquider » et neutraliser les réseaux laissés derrière lui par l'occupant. C'est à cette période que le service a connu le plus grand nombre de morts.

À la fin des années 40, le service a commencé à s'occuper des réseaux russes avant que dans les années 50 et 60, il se concentre davantage sur le FLN et l'OAS dans le contexte de la décolonisation. Au milieu des années 60, la DST s'affirme comme un véritable service de contre-espionnage avec en ligne de mire la principale menace de l'époque que représentait le bloc soviétique, tandis qu'au cours des années 70, les activistes palestiniens et les mouvements de contestation nationale sont dans le viseur des services de renseignement.

C'est au cours des années 90 que la lutte contre le terrorisme islamiste relègue au second plan l'activité de contre-espionnage. Pour autant, le service a toujours veillé à conserver des capacités significatives de contre-espionnage et la création de la DGSI en 2014 est allée dans ce sens. ***** Actuellement, les priorités sont dirigées vers les puissances étrangères que sont la Chine, la Russie, l'Iran et la Turquie. Parmi elles, la menace russe est significativement la plus importante mais à moyen terme, à échéance de dix ans environ, la menace chinoise, globale et systémique, sera assurément la première.

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D'une façon générale, *****.

La DRSD intervient quant à elle en service de renseignement compétent pour ce qui relève des vulnérabilités et menaces pensant sur le secteur de la défense (personnel, matériel, informations, entreprises de la BITD et emprises immobilières). L'action de ce service se décline dans trois domaines :

- La contre-ingérence des forces, qui s'intéresse à la protection des personnels militaires et civils de la défense, à leur environnement et aux menaces susceptibles de peser sur eux.

- La contre-ingérence économique qui vise à protéger la technologie des entreprises françaises du secteur de la défense et à préserver leur compétitivité. À ce titre, la DRSD accompagne plus de 4 000 entités de la BITD.

- La contre-ingérence cyber qui consiste à identifier les menaces et les vulnérabilités susceptibles de porter atteinte aux personnes, aux matériels et aux informations sensibles en lien avec le ministère des Armées. Le service contribue à la lutte informatique en participant à la protection des systèmes d'information du ministère et de la BITD. Ses actions ont un caractère autant préventif (sensibilisations, inspections, alertes) que curatif (analyse des cyber- attaques, soutien à la remédiation et accompagnement de la reprise d'activité).

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La répartition des compétences entre les services est opérée en fonction de la nature civile ou militaire des entités concernées. *****

Pour mener à bien leur mission de contre-ingérence, les services

« menants » peuvent s'appuyer sur l'apport d'autres services de la communauté du renseignement qui par leurs domaines d'intervention et leur expertise technique contribuent à caractériser et à entraver des actions d'ingérence.

i. Les signaux faibles mais fiables de Tracfin

Tracfin soutient les services de renseignement dans la lutte contre les ingérences étrangères en apportant son concours ***** .

En matière de lutte contre les ingérences étrangères, Tracfin fonde son action sur deux corpus juridiques :

- Le code monétaire et financier (CMF), qui définit les pouvoirs de Tracfin en tant que cellule de renseignement financier (CRF) indépendante et automne sur le plan opérationnel, conformément aux recommandations du GAFI et aux directives européennes.

- Le code de la sécurité intérieure (CSI), qui confère à Tracfin, en tant que service de renseignement du premier cercle, des pouvoirs d'investigation pour assurer la défense et la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation.

À ce double titre, le Service dispose de moyens étendus de détection grâce au renseignement financier obtenu via les déclarations de soupçons des professions assujetties, les réponses aux droits de communication exercé par le Service et les échanges d'information avec les CRF étrangères. Il recourt également aux techniques de renseignement.

Tracfin joue ainsi un rôle important s'agissant du volet financier des actions d'ingérence. Le service de renseignement rattaché à Bercy, par ses capacités de détection de vecteurs financiers, est ainsi susceptible d'identifier les vecteurs financiers qui rétribuent des entités relais de l'influence d'États tiers, afin d'infléchir les processus de décision nationaux.*****

En matière d'ingérences économiques, Tracfin collabore particulièrement avec les autres services menants sur la thématique du renseignement économique, à savoir la DGSI, la DRSD et la DGSE pour protéger la souveraineté économique nationale. Tracfin identifie, alerte et entrave les tentatives de captation de données stratégiques qui découlent de procédures contentieuses parfois instrumentalisées par d'autres acteurs. ***** Des réunions de travail bilatérales, voire multilatérales, peuvent être organisées sur les dossiers qui le requièrent. Du fait de son appartenance au ministère de l'Économie, des finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Tracfin échange également de l'information avec les acteurs de la sécurité économique au sein du ministère et notamment les cabinets des ministres, la direction générale du Trésor, la direction générale des entreprises et le SISSE. Tracfin peut aussi contribuer ponctuellement aux initiatives d'autres ministères (Intérieur, culture) en matière de contre-ingérence.

Tracfin joue également un rôle important s'agissant de la contre- ingérence dite cultuelle en détectant le financement étranger de lieux de culte. En 2021, Tracfin a reçu plus de 700 signalements en lien avec des soupçons de financement du terrorisme ou de radicalisation impliquant des structures associatives. Près de la moitié ont concerné le financement d'associations cultuelles, dont l'objet déclaré était la gestion ou la construction de lieux de culte. Les investigations de Tracfin ont mis en exergue une tendance à la dissimulation des fonds perçus par des réseaux associatifs cultuels, celle-ci se matérialisant soit par des montages financiers complexes soit par le non-respect des obligations de transparence comptable. Les circuits de financement observés par Tracfin confirment les risques d'ingérence de puissances étrangères par le biais de structures associatives promotrices d'une idéologie radicale. Dans son rapport annuel 2021, le Service indiquait que ces dernières pouvaient être financées directement au moyen de dotations et de virements provenant des organes officiels des États impliqués ou par des rebonds via des pays tiers. Si des actions diplomatiques, complétées par la loi

« séparatisme » du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (CRPR) ont mis fin à la plupart des ingérences de nature étatique en provenance *****.

ii. L'apport du renseignement douanier

La DNRED, service de renseignement douanier, concourt également à la contre-ingérence étrangère bien que cette notion d'ingérence ne figure pas, en tant que telle, comme délit ou comme crime, dans le code des douanes. La DNRED lutte davantage contre les prédations que directement contre les ingérences. *****

Comme administration de la frontière et des flux transfrontaliers, les douanes observent ainsi régulièrement au cours de leurs actions des liens avec

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