TROISIÈME PARTIE : LES POUVOIRS PUBLICS SE FIXENT COMME OBJECTIF D'INSUFFLER UNE DÉMARCHE ÉCORESPONSABLE SUR LE LONG TERME

I. DES OUTILS POUR PÉRENNISER L'ACTION DES POUVOIRS PUBLICS EN MATIÈRE D'ÉCORESPONSABILITÉ

Les institutions peuvent s'appuyer sur plusieurs outils qui sont susceptibles de jouer un rôle d'accompagnement dans la transition écologique en cours :

- la commande publique, qui joue un rôle à la fois d'impulsion et d'entraînement ;

- la mise en place d'outils de gestion et de pilotage ;

- et enfin la compensation carbone, encore débattue actuellement, mais qui, à partir d'un certain seuil, deviendra incontournable dans une optique de neutralité carbone.

A. LES POUVOIRS PUBLICS ENTENDENT UTILISER DE PLUS EN PLUS LA COMMANDE PUBLIQUE COMME LEVIER D'ACTION

La commande publique est un outil qui peut contribuer à accélérer la transition environnementale à la fois en se dotant de produits et services favorables à l'environnement mais aussi en encourageant les fournisseurs à modifier leurs offres. Elle constitue à ce titre un véritable effet d'entraînement.

Bien conscientes de cet enjeu, les institutions ont initié des actions afin d'aller au-delà de la seule présence des clauses environnementales dans les marchés.

1. La commande publique intègre de plus en plus les enjeux environnementaux

L'article L. 2111-1 du code de la commande publique (CCP) dispose que : « La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées [...] en prenant en compte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. »

Ces dernières années des obligations environnementales croissantes se sont imposées aux acheteurs publics. Deux lois sont ainsi venues créer récemment de nouvelles obligations.

Obligations environnementales sectorielles depuis 2015

Source : direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des finances et de la relance

En premier lieu, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire a créé une nouvelle obligation pour les acheteurs publics consistant à intégrer des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit.

En second lieu, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi « Climat et résilience ») vise à ce qu'à l'horizon 2026, 100 % des marchés publics soient dotés soit d'une clause, soit d'un critère portant sur les aspects environnementaux ou sociaux du développement durable.

Ainsi, la prise en compte du développement durable a lieu à au moins deux étapes du processus d'achat :

dès la définition du besoin (article L. 2111-2 du CCP), puisque les spécifications techniques devront prendre en compte les objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ;

au moment de l'attribution (article L. 2152-7 du CCP), l'acheteur devra intégrer un critère d'analyse prenant en compte les caractéristiques environnementales puisqu'« au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l'offre ».

2. Les pouvoirs publics s'approprient ces nouvelles obligations en s'attachant à les rendre les plus effectives possibles

Pour l'ensemble des institutions, ces clauses sont déjà présentes dans leurs marchés, et la plupart des candidats aux marchés sont en effet engagés dans une démarche de développement durable.

Pour autant, la seule présence de ces clauses ne suffit pas à garantir que leur suivi est suffisant pour en assurer l'effectivité. De plus, elles ne constituent pas à elles seules un véritable critère de choix, mais s'apparentent encore davantage à un prérequis, systématiquement satisfait désormais, mais sans avoir un impact décisif sur le choix du prestataire.

Ainsi, au stade de la définition du besoin, le Sénat souhaite renforcer les cahiers des charges et introduire des exigences plus fortes quant aux performances environnementales attendues pour les produits et services commandés et imposer des éléments de preuve venant attester du respect de ces exigences. Un exemple d'exigence plus forte serait ainsi de passer, de la demande de produits labellisés (Ecolabel ou équivalent), à l'exigence d'un produit proposé dans un emballage récupéré par le fournisseur en vue de son recyclage.

Lors de l'attribution des marchés, les institutions mettent toutes en place des critères propres à valoriser la performance environnementale. La notation valorise ainsi le recours à des produits éco-labellisés, à des procédés de production écologique (faible émission de particules par les photocopieurs, cycle de l'eau des opérations de blanchissage) ou une qualité environnementale particulière (faible nuisance sonore des appareils de traitement du courrier, basse consommation énergétique etc.).

Une fois le marché attribué, le suivi de l'exécution des clauses environnementales et sociales du développement durable est essentiel afin de pouvoir sanctionner leur éventuel non-respect et s'engager ainsi dans une démarche d'amélioration continue.

Sur ce sujet, le groupe de travail de l'Assemblée nationale sur le développement durable a mis en avant plusieurs propositions dans son rapport intermédiaire. La première consisterait à introduire dans les pièces des futurs marchés de nouvelles obligations contractuelles faites à leurs titulaires (communication obligatoire d'un bilan annuel d'exécution de ces clauses, réponse à un questionnaire annuel etc). Les autres propositions visent à associer davantage les services utilisateurs et prescripteurs qui sont les plus à même de connaître le contexte d'exécution du marché. Ainsi, il reviendrait par exemple aux services utilisateurs d'identifier les domaines privilégiés d'actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en lien avec l'exécution de leurs marchés.

Enfin, toutes les institutions ont souligné l'importance de la formation des acheteurs aux achats responsables. Une solution mise en place à la présidence de la République consiste à nommer un acheteur référent sur les sujets liés au développement durable.

Ainsi, les entretiens menés ont confirmé au rapporteur spécial le rôle d'impulsion de la commande publique dans la démarche d'exemplarité des actions écoresponsables des pouvoirs publics.

Il souhaite souligner l'importance particulière de la valorisation de l'économie circulaire qui pourrait être une des pistes à explorer davantage par les pouvoirs publics. À ce titre, la rédaction en cours, par les services de la présidence de la République, d'un appel d'offres sur le mobilier de bureau avec un lot dédié aux biens issus des biens du réemploi est à saluer.

Observation n° 4 : consolider la commande publique comme levier du développement durable et renforcer par exemple les achats de produits recyclés dans le cadre de l'économie circulaire.