B. LA STRATÉGIE IMMOBILIÈRE ET ÉCONOMIES D'ÉNERGIE : UN EFFORT FINANCIER DE LONG TERME

1. Des bâtiments historiques soumis à des contraintes fortes qui font l'objet de programmes de rénovation importants

Il convient de rappeler que les institutions sont affectataires d'un important patrimoine historique qu'elles doivent entretenir.

Les résidences présidentielles, qui comprennent l'Hôtel d'Évreux (ou « Palais de l'Élysée », datant du XVIIIème siècle), l'Hôtel de Marigny et le Palais de l'Alma (XIXème siècle) ainsi que les lieux de villégiature du président de la République (Fort de Brégançon, pavillon de la Lanterne), sont affectées au patrimoine historique du ministère de la culture, qui les met à la disposition de la présidence.

L'article 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires affecte à l'Assemblée nationale le Palais-Bourbon et l'Hôtel de Lassay (datant du XVIIIème siècle), et au Sénat le Palais du Luxembourg, l'Hôtel du Petit Luxembourg, leurs jardins et leurs dépendances historiques (XVIIème siècle).

Le Conseil constitutionnel siège dans un bâtiment de l'aile Montpensier du Palais-Royal (XVIIème siècle), dont une convention avec France Domaine lui confie la responsabilité.

Ces bâtiments se situent, en raison de leur date de construction, dans les catégories relativement énergivores au regard du diagnostic de performance énergétique (DPE) de l'ADEME6(*)

Ainsi, il ressort des derniers bilans carbone des institutions que :

- le Sénat, avec 100 000 m² de bâtiments, enregistre une consommation moyenne de 201 Kwh/m²/an, ce qui correspond à la catégorie D de l'échelle du DPE de l'ADEME ;

- la présidence de la République, avec 36 645 m², enregistre une consommation énergétique des bâtiments qui varie selon leur localisation. Elle est de 320 Kwh/m²/an pour le site de l'Alma et 424 Kwh/m²/an pour le site de l'Élysée, correspondant respectivement aux catégories E et F de l'échelle du DPE de l'ADEME.

Ces dernières années, toutes les institutions ont mené des programmes de travaux très importants7(*). Par exemple, pour le Sénat, la dépense d'investissement, en moyenne annuelle sur la période 2017-2022, est de 20,7 millions d'euros (contre 9,5 millions d'euros en 2006-2016).

Dépenses d'investissement du Sénat depuis 2006

(en millions d'euros)

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de finances de 2006 à 2023

Chaque rénovation est ainsi l'occasion d'améliorer les performances énergétiques des bâtiments et il ressort des auditions menées par le rapporteur spécial qu'il est effectivement systématiquement tenu compte des contraintes environnementales.

Bien sûr, la conciliation entre l'évolution des bâtiments vers des catégories moins énergivores et les règles de conservation des bâtiments patrimoniaux constitue un vrai défi, mais cette contrainte n'a pas empêché les pouvoirs publics d'agir ces dernières années.

Ceci d'autant plus que ces institutions sont soumises au décret 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « décret tertiaire » qui impose une réduction progressive de la consommation d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire afin de lutter contre le changement climatique. Il s'agit d'une réglementation progressive avec une réduction des consommations d'énergie finale de l'ensemble du parc tertiaire d'au moins -40 % en 2030, -50 % en 2040, -60 % en 2050 (par rapport à 2010).

2. Une labellisation « Haute Qualité Environnementale » pour les rénovations des bâtiments des assemblées

Les rénovations des bâtiments des assemblées visent à être désormais mises en oeuvre en respectant les critères permettant d'obtenir la certification « Haute Qualité Environnementale ».

Ainsi, au Sénat, la rénovation des deux bâtiments des 26 et 36 rue de Vaugirard a été mise en oeuvre en respectant les critères permettant d'obtenir la certification « Haute Qualité Environnementale ».

C'est le cas à l'Assemblée nationale avec les travaux de rénovation de l'hôtel de Broglie (en cours d'achèvement) qui se sont fixés, dès le lancement, des objectifs ambitieux en matière écologique.

La mise en oeuvre de cette certification HQE conduira à déterminer comment les différents marchés d'exploitation peuvent tirer le meilleur parti de cette conception, notamment en termes de réduction des consommations et de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

3. Le Sénat conduit une politique inédite de rénovation énergétique des bâtiments

Dans son plan d'action, l'institution se fixe comme objectif une rénovation énergétique aussi complète que possible d'ici 2030, en prenant en compte les économies escomptées dans le rythme de programmation de ces travaux.

Des travaux ont été entrepris pour réduire les consommations d'énergie, avec notamment la rénovation de l'éclairage de la salle des Séances, la poursuite de la mise en place de détecteurs de présence et d'ampoules à LED ou encore la pose de nouvelles fenêtres à isolation renforcée.

Ainsi en 2021, des fenêtres à isolation renforcée ont été posées en remplacement de menuiseries anciennes, en simple vitrage et déperditives, pour un montant total de 295 000 euros (contre 74 448 euros en 2020 et 59 500 euros en 2019) marquant le niveau d'engagement inédit de l'institution. Ce niveau d'effort a été reconduit en 2022, avec une dépense de 365 000 euros.

La rénovation de l'immeuble du 20 rue de Tournon, achevée récemment, permettra des économies d'énergie significatives avec, en particulier, le remplacement des fenêtres existantes par des fenêtres à isolation renforcée, la modernisation des éclairages, l'installation de détecteurs de présence, l'amélioration de l'isolation thermique des bureaux sur cour et le raccordement du réseau de chauffage sur les pompes à chaleur de l'immeuble du 26 rue de Vaugirard.

En 2022, la Direction de l'Architecture, du Patrimoine et des Jardins a procédé au remplacement des appareils d'éclairage des circulations de l'immeuble du 77 rue Bonaparte par des appareils à LED. Elle a aussi poursuivi la campagne pluriannuelle de pose de fenêtres à isolation renforcée et a lancé la campagne d'isolation de l'aile Est du Palais dans le cadre de l'opération de restauration de ses façades et toitures.

Par ailleurs, en septembre 2020, le Conseil de Questure a lancé une mission d'étude sur l'amélioration de l'efficacité énergétique du musée du Luxembourg pour maintenir notamment les conditions de conservation et d'exposition des oeuvres (température ambiante et niveau d'hygrométrie).

Pour les années à venir, le Sénat poursuivra sa campagne de restauration et d'isolation des façades du Palais du Luxembourg, avec la seconde tranche de l'opération concernant les façades Est et le lancement des travaux de la façade Nord.

Enfin, le Conseil de Questure a autorisé le 28 juillet 2022 la réalisation d'études complémentaires afin de préciser les besoins à venir en tenant compte de la stratégie environnementale du Sénat.

L'Assemblée nationale engage un programme de rénovation de la zone Colbert

En octobre 2022, le Collège des Questeurs a autorisé les travaux de rénovation des 3e et 4e étages de la zone Colbert - soit une surface totale de 3 300 m2. Ce programme de rénovation technique et patrimoniale ambitieux est au service d'une amélioration du confort, de la fonctionnalité et de la qualité environnementale du bâtiment

Au-delà de la réalisation de l'isolation des combles et des fenêtres aujourd'hui inexistante, l'ensemble du projet devra tenir compte de la consommation énergétique, notamment pour le chauffage et le rafraichissement des bureaux. Le choix des solutions techniques devra permettre la réduction des consommations énergétiques en lien avec le décret tertiaire et les efforts déjà engagés au Palais-Bourbon pour réduire toute consommation inutile.

L'opération pourrait être l'occasion d'améliorer la qualité environnementale de ce bâtiment et d'intégrer une démarche de coût global intégrant à la fois la rénovation et l'exploitation du bâtiment. En fonction des solutions techniques et architecturales retenues pour le projet, une politique de valorisation des certificats d'énergie (CEE) pourrait être mise en oeuvre. Ces opérations permettraient d'améliorer très significativement la qualité environnementale du bâtiment, offrant un meilleur confort aux utilisateurs et réduisant sensiblement les consommations d'énergie.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

4. Le Conseil constitutionnel poursuit ses travaux d'amélioration de la performance énergétique

Un audit réalisé en 2018 concluait que le bâtiment de l'aile Montpensier du Palais-Royal nécessitait une isolation thermique et qu'il présentait un potentiel important d'amélioration en termes de consommation d'eau et d'électricité.

Depuis, l'instruction des chantiers a progressé, afin notamment d'améliorer la régulation thermique d'ensemble du bâtiment dans une optique d'économie d'énergie. Une première phase a été réalisée à l'été 2021. La seconde phase a été programmée à l'été 2022. Ainsi, le premier axe du plan devrait atteindre l'objectif fixé à 25 % de réduction de la consommation énergétique globale du Conseil constitutionnel.

Le Conseil a donc entrepris des travaux visant cet objectif, dont certains sont déjà réalisés.

Travaux d'amélioration de la performance énergétique réalisés
par le Conseil constitutionnel

(en euros)

Travaux

Avancement

Coût

Détection automatique de présence électrique sur le bâtiment

Réalisé

50 000

Travaux de modernisation et de régulation de la chaufferie

Réalisé

135 000

Mise en place de prises et de bornes électriques recharge véhicule

Réalisé

2 000

Travaux sur les huisseries et mise en place de double vitrage notamment dans les salons et parties classées du 1" étage

À venir

1 000 000

Rationalisation du système de chauffage et de rafraîchissement des locaux.

À venir

500 000

Source : réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

5. La présidence de la République révolutionne son système de chauffage avec un ambitieux projet de géothermie

La présidence de la République s'inscrit elle aussi dans cette démarche de rénovation énergétique à travers deux projets symboliques.

Tout d'abord, la construction d'une crèche sur le site de l'Alma qui a été labellisée E3C1, ce qui correspondant à un très haut niveau de performance énergétique.

Le projet a été porté par douze PME françaises, avec une structure complète en bois qui provient notamment de forêts françaises. L'établissement dispose aussi d'un système de chauffage au sol par une pompe à chaleur alimentée au gaz.

Le budget de l'opération s'élève à 2 581 000 euros. Son financement a été assuré par la vente du 14 rue de l'Élysée. Cette dernière aura aussi comme conséquence de réduire le parc immobilier de la présidence de la République.

Ensuite, l'institution conduit un projet de mise en place d'une géothermie sur nappe à 65 mètres de profondeur pour le circuit d'eau chaude de l'hôtel d'Évreux afin de réduire de 80 % les émissions de CO² et de diviser les factures de fluides par 2 ou 3.

En mai 2023, une entreprise a été retenue pour débuter les travaux de forage. Ces derniers représenteront environ 700 000 euros et leur financement sera assuré par le budget de l'institution.

Le coût total du projet s'élèvera à environ 5 millions d'euros avec un plan de financement prévoyant une opération en concession en lien avec la banque des territoires.

De plus, l'Élysée a précisé lors des auditions menées que l'essentiel des engagements financiers sera effectué d'ici à 2027, afin de n'engager que cette mandature. Au-delà de 2027, le rythme des engagements financiers ne représentera pas plus que le coût des fluides actuellement.

Enfin, ce projet de géothermie, pour être pleinement efficace, nécessitera des travaux sur le réseau secondaire afin d'éviter une inadéquation entre les deux systèmes de chauffage.

Parmi les autres travaux de rénovation énergétique en cours, l'institution prévoit le remplacement de deux chaudières au fioul par des chaudières au gaz à l'hôtel d'Évreux permettant de réduire d'environ 30 % les émissions de CO² de chaque chaudière.

Par ailleurs un programme d'installation de têtes thermostatiques sur les radiateurs, permettant de réguler la température des bureaux autour d'un objectif de 19 °C, et d'installation d'ampoules basse consommation dans les locaux ainsi que d'ampoules à détecteurs de mouvement est en cours. Au total, 2 500 ampoules ont été remplacées par des LED dans les salons générant 90 % de consommation d'électricité en moins.

Calendrier du projet de Géothermie de la Présidence de la République

L'Élysée met en place une solution de géothermie sur nappe à 65m de profondeur
(géothermie de minime importance), dont les travaux de forage seront conduits en 2023.

Cette opération intégrera un volet de modernisation du réseau primaire de chauffage (remplacement des chaudières fioul par des chaudières gaz à condensation, remplacement des anciennes chaudières). Dans le cadre de cette opération, il sera également prévu la modernisation du réseau secondaire permettant d'améliorer les performances des installations et leur régulation.

Le projet de mise en oeuvre de géothermie constitue une des composantes d'un projet plus global de modernisation du réseau de chauffage et de climatisation pour améliorer les performances énergétiques du bâtiment.

À ce stade, le calendrier retenu pour l'opération de géothermie est le suivant :

- études de maîtrise d'oeuvre en 2022 ;

- lancement de la consultation des entreprises en décembre 2022 ;

- nomination de l'entreprise de forage en mai 2023 ;

- début des forages en mai. Trois trous seront creusés (un forage producteur et deux forages injecteurs) représentant trois mois de travaux ;

- mise en service de la solution de géothermie à l'hiver 2024.

La maîtrise d'ouvrage des travaux de forage est assurée par la présidence de la République selon la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée.

Le financement des travaux de forage est assuré par la Présidence de la République.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

6. L'installation de capacités autonomes de production d'énergie

Dans un contexte de hausse des coûts de l'énergie et de baisse des coûts de production des installations d'électricité renouvelable, la production et consommation, notamment d'électricité, à partir de capacités autonomes de production d'énergie renouvelable peut constituer une opportunité intéressante.

La principale difficulté pour les institutions est la qualité de monument historique des bâtiments qu'elles occupent. Ainsi, concernant la présidence de la République, le ministère de la culture ne recommande pas sur un immeuble inscrit ou classé au titre des monuments historiques, ce type d'installation, au regard notamment de l'impact visuel, et de l'aspect invasif sur la structure et les matériaux.

Le Sénat prévoit dans son plan d'action de s'engager dans cette voie à la fois pour la production d'eau chaude (installations de capteurs solaires qui peuvent se fondre plus facilement dans l'architecture des bâtiments) et d'électricité (en examinant si des surfaces pourraient être équipées de panneaux solaires photovoltaïques) afin de développer des capacités, même modestes, de production d'électricité renouvelable.

Au-delà du seul intérêt budgétaire, relativement limité, le rapporteur spécial est convaincu que ce type d'installation représente un enjeu symbolique fort. Bien que ce type de production restera très modeste au regard des besoins, il s'agit d'une possibilité supplémentaire d'accélérer la transition énergétique.

Observation n° 2 : envisager, lorsque c'est possible au regard du type de bâtiment, même de manière modeste, des productions autonomes d'énergie renouvelable, qui s'inscriraient de manière symbolique dans l'accélération de la transition énergétique.


* 6 Suivant une échelle allant de A (bâtiment économe en énergie) à G (bâtiment énergivore).

* 7 M. Jérôme BASCHER, Rapport sur les projets immobiliers des pouvoirs publics (n°718, 2019-2020).