EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 octobre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur le service militaire volontaire.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - J'ai réalisé cette année un contrôle budgétaire portant sur le service militaire volontaire (SMV). Il s'agit d'un dispositif social méconnu relevant du ministère des armées et inspiré du service militaire adapté existant en outre-mer. Son principe est le suivant : il s'agit de recruter des jeunes de 18 à 25 ans dans une situation sociale difficile, puis de les soumettre à un régime d'internat et à la discipline militaire, afin de les former et de les réintégrer au marché de l'emploi. Ce dispositif a été créé en 2015 à titre expérimental et a été pérennisé en 2019. Il encadre actuellement un peu plus de 1 000 jeunes par an et l'objectif de recrutement pour 2024 est de 1 500 jeunes. Au total, ce dispositif a coûté 53 millions d'euros en 2022, dont 9 millions d'euros provenant de financements européens.

Plusieurs remarques s'imposent :

- il s'agit d'un dispositif de petite taille, qui concerne chaque année seulement un peu plus de 1 000 bénéficiaires et mobilise 367 agents ;

- ce dispositif est coûteux au regard du nombre de bénéficiaires, puisqu'il coûte entre 38 000 et 44 000 euros par volontaire ;

- ce dispositif présente d'excellents résultats pour la population bénéficiaire, puisque l'on observe un taux d'intégration en fin de SMV de 86 %, sachant que 60 % des jeunes sont non diplômés et que 20 % sont illettrés ;

- enfin, les armées ne tirent aucun bénéfice opérationnel du dispositif et très peu de volontaires - 2 % - rejoignent, en fin de contrat, les corps en uniforme.

Par ailleurs, ce contrôle a mis en lumière plusieurs problématiques auxquelles le SMV est confronté.

D'abord - c'est le principal problème -, malgré la pérennisation du dispositif, il n'existe pas de stratégie de moyen ou long terme ni de programmation. L'état-major du SMV est très demandeur d'une vision politique claire, afin de pouvoir se projeter et anticiper. Ma première recommandation est donc l'établissement d'une stratégie pluriannuelle.

Ensuite, la répartition territoriale du dispositif est très inégale, puisqu'il n'est présent que dans six régions métropolitaines et ses capacités d'accueil se concentrent dans le Nord et dans l'Est. Nous avons d'ailleurs fait une visite très intéressante dans la base aérienne d'Ambérieu-en-Bugey, dans l'Ain, où nous avons rencontré des interlocuteurs passionnés et investis.

Le SMV éprouve également des difficultés à recruter plus de 1 000 volontaires par an. Cela s'explique notamment par le fait que les jeunes recrutés ne sont pas aisément mobiles, faute de permis de conduire ; ainsi, le SMV n'étant pas bien implanté sur le territoire national, nombre de bassins de recrutement ne peuvent être touchés. Cela s'explique aussi par la méconnaissance du dispositif, tant du grand public que des organismes susceptibles d'orienter les jeunes vers le SMV - les missions locales et Pôle emploi, mais également les collectivités -, ce qui est un problème. Je préconise donc une meilleure coordination du dispositif avec ces organismes et une communication institutionnelle du ministère du travail sur le SMV.

Enfin, les capacités d'accueil du SMV arrivent aujourd'hui à saturation et, si un plus grand nombre de volontaires doit être accueilli, de nouveaux centres devront ouvrir ou des centres actuels devront être agrandis.

Toutes ces difficultés sont liées à l'absence de vision politique concernant le SMV et contrarient directement l'ambition ministérielle d'atteindre 1 500 volontaires par an, ambition qui paraît peu réaliste en l'état. J'espère que l'élaboration d'une stratégie pluriannuelle permettra d'apporter une réponse globale à ces problèmes.

Du point de vue budgétaire, le financement du SMV mérite attention car il est éclaté entre quatre sources principales. En 2022, il se décomposait de la manière suivante : un financement via la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » à hauteur d'environ 3,3 millions d'euros, un financement des régions d'environ 3,5 millions d'euros, un financement européen à hauteur d'environ 9 millions d'euros et un financement via la mission « Défense » pour environ 37 millions d'euros.

S'il est possible de retracer le coût du SMV en exécution, il n'est pas possible de l'estimer lors de la période budgétaire. Ainsi, il est presque certain qu'il coûtera plus de 50 millions d'euros en 2024, mais il n'est pas possible d'en savoir plus. Je préconise de remédier à cette situation afin de garantir la bonne information du Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances.

Pour les mêmes raisons, j'ai déposé l'amendement que nous venons d'adopter lors de l'examen de la mission budgétaire « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». En effet - je l'indiquais précédemment -, 15 % à 20 % des volontaires ne vont pas au terme de leur contrat de SMV ; or ils ne sont pas pris en compte dans le taux d'intégration, indicateur budgétaire retenu. Ainsi, si le taux de jeunes allant au terme du SMV et intégrés dans l'emploi atteint 86 % en 2022, celui des jeunes recrutés et intégrés in fine n'atteint, lui, plus que 70,5 %. Ce résultat doit être salué mais il est toutefois moins impressionnant. Afficher le taux d'attrition en plus du taux d'intégration permettrait de fournir une information plus complète.

Ma dernière recommandation concerne un autre type de jeunes bénéficiaires du SMV. Je n'ai parlé jusqu'à présent que des volontaires stagiaires, qui constituent le coeur de cible, mais il y a un deuxième type de volontaire : les volontaires experts. Ces derniers, recrutés parmi un public plus diplômé que les volontaires stagiaires, bénéficient d'une formation professionnelle, à l'issue de laquelle ils participent au fonctionnement du SMV, soit comme encadrants, soit dans les services supports, comme les ressources humaines ou la comptabilité. Environ 35 % d'entre eux rejoignent ensuite un corps en uniforme.

Un objectif de 200 recrutements annuels, indépendant de l'objectif de recrutement des volontaires stagiaires, est fixé. Ces volontaires experts offrent deux qualités très utiles pour les armées : ils réduisent la pression en ressources humaines et une proportion non négligeable d'entre eux rejoignent les armées à la suite de leur engagement. Or ils n'apparaissent qu'en arrière-plan du SMV et de la « littérature » qui l'entoure. Ma dernière recommandation est donc d'intégrer ces volontaires experts à la réflexion stratégique qui doit être menée sur le SMV, afin de déterminer la proportion de volontaires experts à recruter et les moyens de favoriser leur intégration aux armées à la fin de leur contrat.

M. Claude Raynal, président. - Merci de votre présentation de ce dispositif, que nous connaissons mal et qui concerne en effet très peu de bénéficiaires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce dispositif m'était, à moi aussi, inconnu.

Je souscris à vos recommandations, monsieur le rapporteur spécial, mais j'ai une interrogation. On ne touche que 1 000 jeunes par an, soit une dizaine par département. Bien sûr, point positif, ce dispositif repose sur le volontariat et touche des jeunes en très grande difficulté. Quant aux volontaires experts, ils sont moins de 200 par an. Je peux entendre votre satisfecit quant à leur taux d'intégration dans les forces armées, mais celui-ci n'est que d'environ un tiers. Cela m'évoque le dispositif des emplois francs, qui ne touche que quelques centaines de jeunes par an. Il convient donc de se poser la question de la conduite du dispositif et de son ampleur, pour en garantir l'efficacité.

M. Thierry Cozic. - Je découvre également ce dispositif. Qui en sont les prescripteurs ? Sont-ce les missions locales, avec l'appui de l'armée ? Y a-t-il des jurys de recrutement ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Il s'agit moins d'une question que d'un témoignage. Je rencontre régulièrement les jeunes volontaires du SMV de l'Ain, qui a été évoqué, puisque c'est mon territoire. Ces jeunes sont en grande difficulté et ils ont besoin d'un cadre qui favorise leur insertion. Ce SMV compte finalement peu de jeunes originaires de la région, la plupart d'entre eux sont de Marseille. Ce dispositif est selon moi une véritable réussite et les militaires sont fiers de leur travail auprès des jeunes.

Mme Christine Lavarde. - Ce témoignage est intéressant, car nous sommes étonnés du coût du dispositif par bénéficiaire. Si les volontaires n'étaient pas insérés dans ce programme, quel serait le coût de leur suivi voire, quand il s'agit de jeunes ayant des problèmes judiciaires, de leur placement en détention ? Autrement dit, quel est le coût économisé pour la société ? De telles études ont-elles été menées ? Sinon, le ministère envisage-t-il d'en faire ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Tout le monde veut transposer en métropole le service militaire adapté, c'est une très bonne idée. Les militaires apprécient les vitrines de ce type, mais à condition qu'elles gardent des proportions modestes, car ils estiment, à juste titre, qu'ils n'ont pas vocation à développer trop leurs missions dans le social.

Quant aux missions locales, on imagine qu'elles proposent rarement une formation militaire aux jeunes qu'elles suivent. Par conséquent, qui promeut ce système ? Y a-t-il vraiment une volonté politique d'étendre le dispositif, afin de diminuer le coût par bénéficiaire ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Je ne connaissais pas bien non plus ce dispositif avant ce contrôle. Cela ne relève pas de la même mission que le service national universel (SNU), évoqué précédemment et qui touche plus de jeunes sur une période plus courte. Le SMV est un dispositif très modeste et subsidiaire, mais il présente un bon taux d'intégration professionnelle. Des universitaires ont conduit des études à son sujet et ils sont arrivés à la conclusion qu'il est trois fois plus efficace que l'ancien dispositif de la garantie jeunes. Certes, cela a un coût, mais cela a le mérite d'aider fortement des jeunes en grande difficulté. Il convient en effet de distinguer entre les volontaires stagiaires et les volontaires experts.

Les prescripteurs du SMV sont principalement les missions locales et pôle emploi. Le SMV communique beaucoup auprès de ces acteurs pour qu'ils orientent des jeunes vers lui.

Nous avons organisé une table ronde sur l'intégration professionnelle des jeunes du SMV. Nous avons rencontré des personnes très motivées - militaire ou acteurs de l'insertion professionnelle - et les présentations étaient particulièrement denses.

Ce dispositif, encore méconnu, est là pour aider les jeunes, par exemple pour obtenir le permis de conduire. Il a bien sûr un coût, mais les économies qu'il permet de réaliser par ailleurs doivent aussi être prises en compte, ainsi que son volet social. Une étude a été menée par le cabinet Goodwill à la demande du ministère de la Défense en 2016. Cette dernière est arrivée à la conclusion que le SMV entrainait une économie de 97 000 euros pour l'État par jeune intégré sur la durée d'une vie active de 40 ans.

J'ajoute que des crédits régionaux et européens financent également, pour une part, le SMV.

En conclusion, je veux dire que nous devons réussir à motiver les jeunes pour participer au SMV et que ce dispositif doit être mieux connu.

La commission a donné acte de sa communication à M. Marc Laménie et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page