INTRODUCTION

La délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation a mené, à l'invitation de Mme Lana Tetuanui, sénatrice de Polynésie française et en lien avec la délégation du Sénat aux outre-mer, une mission en Polynésie française, du 16 au 26 février 2023.

La délégation était composée de Mme Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales, de Mme Agnès Canayer Vice-présidente de la délégation et de M. Jean-Michel Houllegatte. Le sénateur M. Teva Rohfritsch a participé à plusieurs séquences du déplacement.

Cette mission visait à faciliter le partage d'expériences autour de la question de l'intercommunalité, en identifiant les bonnes pratiques et en encourageant leur diffusion, et à formuler quelques recommandations en ce sens.

Vos rapporteurs tiennent à souligner la grande qualité de l'accueil qui leur a été réservé par leurs interlocuteurs polynésiens tout au long de leur séjour et souhaitent les en remercier très chaleureusement. Ils expriment leur gratitude à notre collègue Mme Lana Tetuanui pour avoir facilité ces échanges constructifs. Ils ont également pu s'appuyer sur le soutien logistique apporté par les services de l'État, les représentants des juridictions et les élus locaux, qu'ils tiennent également à remercier pour leur aide précieuse.

Vos rapporteurs ont aussi pu mesurer, lors de cette mission, les contraintes liées à l'éloignement de la métropole et à l'étendue du territoire polynésien, qui entraînent notamment d'importantes difficultés de transport. Au cours des déplacements dans les archipels, vos rapporteurs ont pris la mesure des réalités géographiques qui percutent la vie démocratique et administrative, que ce soit entre des communes dispersées au sein d'un même archipel, ou que ce soit au sein d'une même commune lorsqu'elle est composée de plusieurs communes associées réparties entre différentes îles.

Ils tiennent à ce titre à remercier tout particulièrement les maires et élus des archipels des îles Australes, des Tuamotu et des Gambier qui sont venus jusqu'à Tahiti pour échanger avec la mission.

Une collectivité à l'échelle de l'Europe

Comprenant environ 118 îles, d'origine volcanique ou corallienne, la Polynésie française correspond à une superficie émergée de 4 200 km² et à une zone économique exclusive de 4 804 000 km² (47,14 % de la surface totale des ZEE françaises).

Dispersé sur 2 500 000 km², soit un espace équivalent à la superficie de l'Europe, le territoire de la Polynésie française regroupe 281 674 habitants2(*), inégalement répartis entre les cinq archipels :

- l'archipel de la Société, composé des îles du Vent qui regroupent 75 % de la population de Polynésie française, principalement sur les îles de Tahiti et Moorea, et des îles Sous-le-Vent (13 % de la population) ;

- l'archipel des Marquises (3,5 % de la population) ;

- l'archipel des Australes (2,5 % de la population) ;

- l'archipel des Gambier (0,5 % de la population) ;

- l'archipel des Tuamotu (6 % de la population).

Papeete, centre administratif et commercial de la Polynésie française, situé sur l'île de Tahiti, se trouve à 17 100 km de la métropole, à 8 800 km du Japon, à 6 200 km des États-Unis et à 5 700 km de l'Australie (décalage horaire avec la métropole : - 11 heures en hiver et - 12 heures en été).

LA CARTE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE SUPERPOSÉE À CELLE DE L'EUROPE

Source : SPCPF

Le programme de cette mission a été orienté vers la visite de collectivités territoriales, particulièrement les trois communautés de communes existantes, et l'échange avec les autorités locales - État, Pays, et élus locaux - et des acteurs de la société civile, comme les syndicats. Vos rapporteurs ont rencontré des élus de tous les archipels : déplacement aux îles Sous-le-Vent au sein de l'archipel de la société et déplacement dans l'archipel des Marquises, rencontres avec les maires et élus des archipels des Tuamotu, des Gambier et des Australes.

Le déplacement a enfin permis de visiter le site de la mythique vague de Teahupoo qui sera un des sites olympiques de Paris 2024.

LA VAGUE DE TEAHUPOO

Source : photo de « Polynésie la Première »3(*)

Les Jeux Olympiques à Tahiti

La commission exécutive du Comité International Olympique (CIO) a validé le calendrier des épreuves des Jeux olympiques de Paris 2024. Trois jours après la cérémonie d'ouverture officielle sur la Seine à Paris, les épreuves de surf se dérouleront sur la mythique vague de Teahupo'o à Tahiti.

Elles auront lieu le samedi 27 juillet de 7h à 16h20, le dimanche 28 juillet de 7h à 16h40, le lundi 29 juillet de 7h à 14h20, et le mardi 30 juillet de 7h à 10h35.

À la suite de ces épreuves, les athlètes présents à Tahiti pourront, s'ils le souhaitent, rejoindre la capitale pour le reste de l'événement qui sera clôturé le 11 août.

Cette mission vient confirmer l'attention particulière que porte le Sénat à la situation des communes polynésiennes. Elles avaient, dès 2008, fait l'objet d'importantes réflexions et développements dans le rapport d'information de nos anciens collègues M. Christian Cointat et M. Bernard Frimat intitulé : « Droits et libertés des communes de Polynésie française : de l'illusion à la réalité1 ».

Elles ont également été au centre des attentions du rapport de nos collègues Mme Catherine Troendlé et M. Mathieu Darnaud, déposé le 13 décembre 2017, intitulé « La Polynésie française : allier autonomie dans la République et subsidiarité dans la collectivité ».

Elles sont aussi évoquées dans le récent rapport d'information réalisé au nom de la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur « L'évolution institutionnelle des outre-mer », par M. Stéphane Artano et Mme Micheline Jacques en mars 2023.

I. UN BLOC COMMUNAL FRAGILE OÙ L'INTERCOMMUNALITÉ TENT A ÊTRE PERCUE COMME UN ACCÉLÉRATEUR DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

A. RAPPELS GÉNÉRAUX SUR LE STATUT D'AUTONOMIE

Après 1946, la Polynésie française fait l'objet de plusieurs statuts successifs qui organisent progressivement l'extension de son autonomie. La Polynésie française est ainsi dotée de «l'autonomie administrative et financière» en 1977, puis bénéficie de «l'autonomie interne dans le cadre de la République» en 1984 4.

La loi organique du 12 avril 1996 lui accorde un statut d'autonomie, sans satisfaire cependant à toutes les attentes des responsables locaux.

La loi organique du 27 février 2004 répondant aux demandes des responsables politiques locaux, a fait de la Polynésie française la première collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie en application de l'article 74 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 5.

L'article premier du statut de 2004 donne à la Polynésie française le nom de « Pays d'outre-mer au sein de la République », celui-ci devant favoriser l'évolution de son autonomie, « de manière à conduire durablement la Polynésie française au développement économique, social et culturel, dans le respect de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de l'identité de sa population ».

Reprenant les grands traits de l'organisation institutionnelle définie par les statuts précédents, la loi organique statutaire du 27 février 2004 a affirmé le rôle de l'exécutif, étendu les compétences de la collectivité et modifié les conditions d'élection de l'assemblée de la Polynésie française. L'article 5 de la loi organique du 27 février 2004 dispose que « les institutions de la Polynésie française comprennent le président, le gouvernement, l'assemblée et le conseil économique, social et culturel ».

En outre la loi organique statutaire du 27 février 2004 a conforté la place des communes dans l'organisation des institutions polynésiennes.

Ce statut a été complété et modifié par la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, intervenue après trois années et demie d'instabilité chronique : la Polynésie française a vu se succéder onze gouvernements en sept ans. Cette situation a conduit à plusieurs modifications du statut de 2004 destinées à stabiliser les institutions locales, les plus notables ayant résulté des lois organiques du 7 décembre 2007 et du 1er août 2011.

Cette dernière loi organique visait à définir le mode de scrutin actuel de l'assemblée de Polynésie française en vue de garantir
l'émergence d'une majorité stable à l'assemblée tout en permettant une juste
représentation des archipels.


* Décret n° 2017-1681 du 13 décembre 2017 authentifiant les résultats du recensement de la population 2017 de Polynésie française.

* 3 https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/polynesie-francaise/la-grande-muraille-s-est-levee-a-teahupoo-1279792.html

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