AUDITION DE M. PATRICK MIGNOLA, MINISTRE
EN CHARGE DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT,
ET DE MME CLAIRE LANDAIS, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE
DU GOUVERNEMENT

(Mercredi 11 juin 2025)

Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Monsieur le ministre, madame la secrétaire générale du Gouvernement, mes chers collègues, la mise en application des lois n'est pas une option ! Une loi, si belle soit-elle, ne sert strictement à rien sans ses textes d'application. Elle n'est qu'une intention, pas une traduction.

La loi crée des droits, son inapplication les bloque. Pire, l'absence de parution des décrets nécessaires à l'ouverture de droits crée un sentiment d'incompréhension, d'insécurité juridique, voire de frustration pour tous ceux qui attendent impatiemment de bénéficier des nouveaux dispositifs votés par le Parlement.

Comment expliquer aux sapeurs-pompiers volontaires qu'ils ne peuvent toujours pas valider leurs trimestres de retraite afin de compléter leur carrière professionnelle, en l'absence du décret d'application sur la bonification des trimestres prévu par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023 ?

Et ce n'est pas faute d'avoir interpellé le Gouvernement : j'ai recensé au moins 19 questions au Gouvernement, écrites ou orales et sur tous les bancs. Comment faut-il le dire ? Qui est donc responsable de cette obstruction ?

Comment expliquer à certains patients qu'ils risquent d'être confrontés à une rupture de traitement, en l'absence d'entrée en vigueur du régime de prise en charge dérogatoire pour les médicaments en fin d'accès précoce, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ?

L'absence de publication des mesures d'application d'une loi tend finalement à conférer aux décrets et aux arrêtés une valeur plus importante que celle qui leur est attribuée par la hiérarchie des normes, puisque l'attente de leur parution bloque la mise en oeuvre d'une disposition législative. L'enjeu de ce bilan va donc bien au-delà du commentaire annuel d'un taux global d'application des lois. C'est celui de la crédibilité politique de faire coïncider nos annonces et nos actions.

C'est pourquoi le Sénat ne peut se contenter d'être un « comptable censeur », une fois par an. Notre Assemblée s'est d'ailleurs plutôt engagée, depuis plus de 50 ans, dans un exercice de « service après vote », recensant et évaluant l'ensemble des mesures, décrets comme arrêtés, prévus ou non, mais toujours nécessaires à la bonne application de la loi. Sur ce point, le Sénat peut se féliciter d'avoir été entendu sur la prise en compte, par le secrétariat général du Gouvernement (SGG), des arrêtés prévus dans le décompte des mesures d'application. Je vous en remercie.

Le suivi aiguisé accompli par l'ensemble des commissions permanentes ainsi que par leurs rapporteurs respectifs, dont je salue la qualité des travaux, recense non seulement l'ensemble de ces mesures, mais dresse également un bilan qualitatif de la mise en oeuvre des lois rapportées, pour éventuellement en proposer des évolutions. Ainsi, un des dispositifs de la loi « Climat et résilience » concernant les zones à faibles émissions (ZFE) a fait l'objet d'une mission d'information conduite par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Le rapport d'information, publié à ce titre, a non seulement anticipé les risques d'un déploiement trop brutal du dispositif, mais aussi contribué au débat législatif sur le sujet.

La commission des affaires sociales a, avec l'aide de la Cour des comptes, entrepris d'évaluer les missions de l'Agence de la biomédecine, telles que redéfinies par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. La commission des lois a, quant à elle, dressé un constat sévère de la mise en oeuvre des différentes dispositions de la loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République.

J'en viens maintenant plus spécifiquement à la session 2023-2024. Les taux et les délais constatés viennent malheureusement illustrer mon propos liminaire. 51 lois, hors conventions internationales, ont été promulguées sur la période, dont 21 d'application directe et 30 nécessitant des mesures d'application.

Je constate, monsieur le ministre, qu'au 31 mars 2025, seules 4 lois étaient devenues totalement applicables et que 26 textes attendaient toujours la parution de 269 mesures réglementaires, ou devrais-je dire des millions de personnes attendaient la parution de ces décrets et arrêtés. Que dire, dans ces conditions, aux 13,3 millions de Français en mobilité précaire qui n'ont pu bénéficier du dispositif de la loi sur le réemploi des véhicules du 5 avril 2024, en l'absence d'un décret d'application ? Cette loi restera « lettre morte », car la prime à la conversion, sur laquelle repose l'intégralité du dispositif, a été abrogée par décret en novembre 2024.

Ces 269 mesures en attente de parution représentent également un flux qui vient s'ajouter au stock des mesures attendues issues des lois votées à l'occasion des précédentes sessions. On peut donc craindre, avec le temps, un « effet boule de neige » néfaste. Le retard tend toujours à s'accumuler au détriment des bénéficiaires des dispositions votées. Ils sont en effet nombreux les « serpents de mer » législatifs qui continuent de naviguer dans la zone grise d'application partielle des textes. Je n'en citerai que quelques-uns relevant de la compétence de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : les lois « Économie bleue de 2016, « Biodiversité » de 2016, « Montagne » de 2016, « T3P » de 2016, « LOM » de 2019, « AGEC » de 2020, « Climat et résilience » de 2021, « Réduire l'empreinte environnementale du numérique en France » de 2021, « la Lutte contre le risque incendie » de 2023, et « APER » de 2023. Autant d'enjeux toujours en attente de textes d'application.

En ce qui concerne le taux d'application global de la session 2023-2024, celui-ci s'établit à 59 %, en comptant les mesures différées. Il a donc atteint un niveau particulièrement bas, en se contractant de 5 points par rapport à la précédente session. Hors mesures différées, il atteint les 62 %. Nous sommes toujours bien loin des taux de 80 % des années 2017 à 2019.

L'application des lois est une obligation juridique à forte résonance politique. Or elle est une victime collatérale de l'instabilité politique constatée en 2024. La gestion des affaires courantes par les gouvernements démissionnaires, à l'issue de la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024, et de l'adoption d'une motion de censure, le 4 décembre 2024, a eu raison des élans ministériels visant à mettre en oeuvre les textes votés. Cet usage républicain restreint considérablement le champ d'action gouvernemental à la gestion de la continuité de l'État et des services publics. Le circuit de validation des mesures d'application par les ministères et les cabinets ministériels a donc été fortement perturbé.

L'aspect conjoncturel particulier de la session 2023-2024 ne saurait toutefois occulter le caractère structurel et récurrent de la fragilité du processus de l'application des lois. Plusieurs facteurs y contribuent, tels que les circuits de validation, les consultations obligatoires et les contraintes techniques et juridiques. Il est vrai qu'un texte en cours d'examen concentrera toujours plus d'attention qu'un texte voté. Un intérêt chasse si vite l'autre que les textes adoptés hier quittent l'actualité pour être immédiatement relégués dans cette zone grise des textes partiellement applicables.

Cela me conduit à évoquer la question des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée. Pas moins de 78 % des lois votées sur la session ont été adoptées en urgence. Toutefois, le recours à cette procédure, qui est censé être exceptionnel, semble sans incidence sur le rythme de la prise des mesures d'application. Le taux moyen d'application de ces lois n'est que de 55 %, soit 4 points inférieur au taux moyen global ! Le Gouvernement ne semble donc pas s'astreindre à la célérité qu'il impose au Parlement.

Quant à la mise en application des mesures issues de propositions de loi, leur taux d'application reste médiocre. Il se fixe à 46 %. Cet écart de 13 points avec le taux global moyen, toutes lois confondues, interroge, même si les mesures réglementaires contenues dans les propositions de loi sont par définition plus difficiles à anticiper pour le Gouvernement. Cette application des lois à deux vitesses est d'autant plus incompréhensible que ces lois n'ont concentré que 17 % du total des mesures attendues.

Le taux de remise des rapports au Parlement constitue également, monsieur le ministre, un autre point d'inquiétude. Les rapports demandés dans une disposition législative n'enregistrent qu'un taux de 13 % cette session. Ce taux moyen ne fait que baisser année après année, alors que, paradoxalement, le nombre de rapports demandés diminue. Un seul rapport demandé par le Sénat sur 12 lui a été remis lors de la session 2023-2024 alors que notre Assemblée se contraint à ne faire usage de ces demandes qu'avec la plus extrême parcimonie. La commission des affaires économiques n'a malheureusement pas pu disposer du rapport sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans. Or le contenu d'un tel rapport aurait été utile à la rédaction de la proposition de loi sur la trajectoire de réduction de l'artificialisation. Quant aux rapports d'application des lois, censés être remis dans les six mois suivant l'entrée en vigueur d'une loi, seuls 41 % d'entre eux ont été transmis au Parlement, sur 2023-2024. C'est fort peu.

Le dernier point de ma présentation porte sur les délais de parution des mesures d'application. Le Gouvernement s'est fixé comme objectif un délai de six mois pour prendre les mesures nécessaires. Les délais de publication des décrets et arrêtés ont malheureusement été impactés par la conjoncture politique en 2024. Le délai moyen de publication est de 7 mois et 24 jours. Il augmente de plus de deux mois par rapport à la session précédente. Encore une fois, nous sommes loin des délais de quatre et cinq mois, affichés dans les années 2017 à 2019.

La situation des mesures issues des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée est particulièrement alarmante. Le délai moyen est paradoxalement plus long que le délai global, toutes lois confondues. Il est de 8 mois et 8 jours. Pourquoi alors engager la procédure accélérée ? Seules les lois d'initiative parlementaires ont vu leur délai d'application légèrement s'améliorer, en l'espèce de neuf jours. Ce délai moyen est de 6 mois et 30 jours. Je vous rappelle toutefois que leur taux d'application est vraiment médiocre.

En conclusion, les enjeux de l'application des lois sont tels qu'on ne peut se satisfaire de taux avoisinant les 60 % depuis les années 2020. Le problème est ardu et requiert une vision transversale du processus législatif, car la question de l'application des lois se pose dès l'élaboration des dispositions législatives. Nombre, qualité et calendrier sont les clés d'une meilleure mise en application des lois. Nous sommes tous concernés, le Gouvernement comme le Parlement. C'est pourquoi je plaide pour un renforcement du dialogue avec vous, monsieur le ministre et bien sûr avec le secrétariat général du Gouvernement qui orchestre le rythme de publication des mesures réglementaires, afin de ne pas attendre un an pour déplorer des retards irréversibles. Je me tiens à votre disposition pour accroître les échanges et, je l'espère, trouver une méthode constructive au service des textes les plus attendus des Français et du respect dû au Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre en charge des relations avec le Parlement. - Madame la présidente, je vous remercie pour le ton exigeant et bienveillant qui vous caractérise. En effet, ce qui se joue ici n'est pas uniquement un sujet technique, mais une question éminemment politique. Nous mesurons le respect dû au Parlement ainsi que les incompréhensions de nos concitoyens si les taux d'application des lois ne s'améliorent pas rapidement. En effet, dans une société médiatisée comme la nôtre, l'effet d'annonce vaut adoption et à a minima, peut créer des attentes de concrétisation immédiate sur le terrain. Si nous ne parvenons pas à améliorer ensemble ces objectifs d'application, la vie publique en général pourrait en pâtir.

Je retiens donc votre proposition d'un dialogue plus régulier, auquel s'astreint déjà le ministère en charge des relations avec le Parlement avec l'ensemble des directeurs de cabinets des ministres. Ce dialogue a commencé à porter ses fruits.

Le taux d'application de la session 2023-2024 est en baisse par rapport à l'année dernière. Au 31 mars 2025, le taux d'application des lois publiées était de 63 % contre 69 %, à la même date, l'an passé. Depuis lors - est-ce une coïncidence avec la convocation de cette audition - le taux d'application a connu une nette amélioration ces dernières semaines. En prenant en compte les textes adoptés depuis fin mars, le taux atteint désormais 70 %.

Malgré cette accélération, le Gouvernement est conscient de sa marge de progression. La tendance à la baisse de l'application des lois depuis quelques années n'est pas satisfaisante. Le Gouvernement est déterminé à améliorer la situation afin de donner une portée concrète aux travaux du Parlement.

Cette contraction des taux s'inscrit dans un contexte de production normative d'origine parlementaire en hausse. Les mesures d'application d'origine parlementaire représentaient un peu plus d'un tiers des mesures d'application des lois de la XVe législature. Elles constituent aujourd'hui la moitié des mesures des lois de la XVIe législature. Le retard observé s'explique en partie par l'augmentation tendancielle des renvois au règlement, introduits au cours de la navette parlementaire, qui représentent désormais plus de la moitié des mesures à prendre. Les administrations en charge de la mise en oeuvre peinent à les anticiper.

La baisse du taux d'application global s'explique également par la forte concentration des mesures à prendre sur un nombre réduit de services. Le ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles porte, à lui seul, près de la moitié des mesures d'application de la XVIe législature, tandis que la direction de la sécurité sociale est en charge d'un cinquième. Cette dégradation de la situation s'explique, vous l'avez souligné, madame la présidente, par les périodes d'affaires courantes et la censure du Gouvernement au cours de la session 2023-2024. En période d'affaires courantes, le Gouvernement ne peut prendre que des textes d'application purement techniques, qui se sont avérés être en nombre réduit. Les arbitrages politiques ont dû être retardés. La censure du Gouvernement en 2024 a également décalé l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, ce qui a perturbé le calendrier de travail de la direction de la sécurité sociale, qui pilote un très grand nombre de mesures d'application.

Le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts pour réagir rapidement face à la dégradation de la situation. Alors que le comité interministériel d'application des lois (CIAL) ne se réunit en général qu'une fois par an, nous l'avons réuni deux fois en moins de six mois, en novembre 2024 puis en mars 2025. Les réunions de ces comités ont porté leur fruit puisque 80 mesures ont été prises en décembre 2024 après le premier CIAL et 21 mesures supplémentaires ont été publiées, en avril 2025, après la réunion du second comité.

Le Gouvernement est parvenu à réduire l'écart d'application entre les projets de loi et les propositions de loi, par rapport à l'année précédente. Au 31 mars 2025, si l'écart de 19 points entre le taux d'application des projets de loi (67 %) et des propositions de loi (48 %) demeure important, il s'est réduit par rapport à celui de l'année dernière, puisqu'il était alors de 25 points. Cet effort de réduction est d'autant plus notable que la part des propositions de loi dans le total des lois promulguées a considérablement augmenté, avec 30 propositions de loi contre 21 projets de loi pour la session 2023-2024.

En tenant compte de l'origine des dispositions législatives introduites par le Gouvernement ou des parlementaires dans un texte, l'écart n'est que de 6 points sur l'ensemble des lois de la XVIe législature. Le Gouvernement n'opère donc aucune discrimination envers les mesures d'initiative parlementaire.

Le taux d'application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée se stabilise, tout en convenant qu'il existe de véritables marges de progression, comme vous l'avez relevé. Ce taux sur la session est plus élevé que l'année dernière. Il s'établit à 58 % contre 53 %.

En outre, l'augmentation du recours à la procédure accélérée répond à une forte demande du Parlement. 40 lois ont été examinées en procédure accélérée contre seulement 11 lois en procédure de droit commun. Cela explique en partie que, même en procédure accélérée, le Gouvernement peine à publier les décrets d'application.

Comme le Gouvernement s'y était engagé devant le Sénat, le secrétariat général du Gouvernement suit désormais les arrêtés d'application des lois. Pour répondre à une demande ancienne et légitime du Sénat, il a intégré les arrêtés dans ses exercices de programmation et de suivi d'application des lois. Pour la première fois cette année, le Gouvernement est en mesure de présenter des statistiques détaillées sur l'application des lois par arrêté lors du bilan annuel du Sénat sur l'application des lois. Concernant les lois de la XVIIe législature, les arrêtés et décrets d'application seront suivis sur un même plan.

Quant à la remise des rapports, elle reste, en effet, insatisfaisante. Le taux de réponse aux demandes formulées par le Parlement est de 19 % pour la session 2023-2024, contre 35 % pour la session précédente. En revanche, la remise des rapports d'application des lois s'est stabilisée à 41 % pour cette session, contre 42 % l'an dernier.

Je vais donc laisser la parole à la secrétaire générale du Gouvernement, en vous priant de croire que désormais nous travaillerons plus régulièrement afin de vous rendre des comptes que j'espère plus positifs.

Mme Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement. - Madame la présidente, à titre liminaire, je souhaite souligner que si nous sommes conscients que les chiffres et les résultats ne sont pas satisfaisants, ces derniers ne résultent aucunement d'une quelconque volonté d'inertie. Des progrès sont attendus et relèvent souvent d'une question de priorité. Il est parfois plus difficile pour les services de l'administration de prendre les mesures d'application de textes annuels antérieurs récurrents, tels que la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, que celles de lois ponctuelles.

Permettez-moi de vous rappeler brièvement notre méthodologie qui vise à organiser le travail des administrations. Je relèverai, tout d'abord, un point rassurant : nous travaillons aujourd'hui sur les mêmes chiffres que le Sénat, hormis les mesures différées que nous intégrons dans nos compteurs qu'une fois prise la disposition. Le délai de ces mesures court à compter de la date d'entrée en vigueur différée.

S'agissant de notre méthodologie interne au Gouvernement, dès qu'une loi est promulguée, le SGG prend l'initiative de convoquer une réunion interministérielle (RIM) en matière d'application des lois. Cette dernière constitue une obligation pilotée par le SGG. L'équipe du SGG qui lui est dédiée a préalablement préparé un tableau recensant l'ensemble des mesures à prendre après avoir repéré les renvois aux mesures d'application dans chacune des lois promulguées sur la session. Sur la base de ce tableau, les ministères intéressés sont ainsi convoqués, en insistant sur le niveau de représentation au sein des administrations, nécessaire et suffisant pour que des réponses soient apportées lors de la RIM. Nous utilisons l'ensemble des moyens à notre disposition pour que nos instructions de mise en application soient suivies. Le présentiel contribue à une plus grande efficacité des RIM. Une direction « porteuse » est désignée afin d'être comptable des éventuels retards pour éviter que la responsabilité ne se dilue.

La RIM vise à rappeler les consultations obligatoires, les notifications à la Commission européenne, qui peuvent expliquer certains retards dans la prise des textes d'application. Elle conduit les ministères à s'engager sur un calendrier. Puis nous vérifions l'état d'avancement de la mise en application, à l'aide des tableaux recensant l'ensemble des mesures d'application et leur calendrier. En l'absence de progrès, une RIM peut être de nouveau convoquée avec le même « effet magique » que l'organisation du présent débat, pour accélérer la parution des mesures réglementaires. Madame la présidente, nous pouvons vous tenir, bien évidemment, informée des taux d'application des lois, à tout moment. Nous sommes à votre disposition s'il convient de rendre les relations plus étroites.

S'agissant des motifs des retards, je ne reviendrai pas sur la période d'expédition des affaires courantes ainsi que sur la concentration des mesures à prendre sur certains ministères, voire sur certaines directions ou bureaux des ministères. Le SGG a alors proposé des missions d'appui des inspections ou du Conseil d'État aux rédacteurs de ces directions afin de débloquer certains textes qui étaient en souffrance. La direction générale de l'offre de soins a pu bénéficier d'un tel soutien avec succès. Nous continuerons de recourir à ce procédé. Le SGG utilise également l'ensemble des enceintes pour accélérer la mise en application des textes. En tant que secrétaire générale du Gouvernement, je réunis les secrétaires généraux des ministères tous les mois pour une mise au point sur l'état d'avancement de publication des mesures. Toute occasion est bonne pour alerter sur le retard pris sur certains textes. Des outils numériques de plus en plus pédagogiques et ergonomiques ont été développés pour que chacun puisse suivre l'état d'avancement de la mise en application et progresser.

J'aimerais compléter mon propos sur les raisons du niveau du taux global d'application cette année, inférieur à celui de la session précédente. Au-delà des effets du mode de gestion des affaires courantes, on relève un effet de volume. En effet, 569 mesures étaient attendues au cours de cette session contre 413 l'année dernière. Le taux importe et il convient naturellement de l'augmenter. Cependant, il est plus difficile d'y parvenir lorsqu'on observe un tel écart de flux entre deux sessions. Cet effet « volume » a donc eu un impact sur le niveau du taux global cette année.

M. Claude Raynal. - Monsieur le ministre, madame la secrétaire générale, mes chers collègues, s'agissant de la commission des finances, le taux de mise en application continue de baisser, atteignant, hors mesures différées, 79 % contre 87 %, la précédente session. Cette tendance, peu favorable à l'application des lois que nous votons, mérite de nous alerter, d'autant plus que le délai moyen de parution des mesures a parallèlement fortement augmenté. Seule la moitié des mesures ont été publiées avant le délai de six mois prescrit par circulaire, contre 74 %, l'an dernier. La tendance n'est donc pas bonne.

Un bilan complet a été dressé en commission. Je concentrerai mes questions sur des mesures d'initiative parlementaire qui n'ont pas été mises en oeuvre, faute de mesures réglementaires prises par le Gouvernement. Tout d'abord, dans la loi de finances pour 2024, le Sénat a été à l'initiative de l'affectation annuelle aux communes et aux départements de deux fractions du produit de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, pour environ 50 millions d'euros chacune, afin de financer l'entretien de leur voirie. Ce sujet revient régulièrement. Tant le décret d'application que le versement aux collectivités se font encore attendre, alors même que la tentative du Gouvernement d'annuler rétroactivement cette affectation lors de l'examen de la loi de finances pour 2025 a été rejetée par le Parlement. Confirmez-vous, monsieur le ministre, la mise en oeuvre prochaine de cette disposition et pouvez-vous nous en dire plus sur les critères de répartition ?

M. Patrick Mignola, ministre. - Je peux vous confirmer que le décret sera mis en consultation.

M. Claude Raynal. - Depuis trois ans, la commission fait voter en loi de finances rectificative des crédits consacrés à un « fonds route » en faveur des collectivités territoriales. Cette enveloppe est systématiquement annulée, reportée ou réorientée sans être jusqu'à présent utilisée selon la volonté du législateur. Qu'en est-il exactement ?

M. Patrick Mignola, ministre. - Monsieur le président, vous avez pu constater les difficultés que connaissent toutes les intercommunalités en matière de voirie. Le décret tarde à être publié en raison de la complexité d'identifier ce qui relève de la commune et de l'intercommunalité sur les longueurs de voirie. Il sera mis en consultation avec les associations d'élus d'ici la fin de l'année.

M. Claude Raynal. - Ma question suivante porte sur la loi du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France (EDF) d'un démembrement. Celle-ci prévoit un unique décret devant déterminer la part du capital d'EDF devant revenir à l'actionnariat salarié. Un an après, la mesure d'application n'a toujours pas été prise.

M. Patrick Mignola, ministre. - Je vous ferai la même réponse. Entre-temps, l'État est monté à 100 % du capital. Nous sommes en train de déterminer quelle sera la part des salariés intéressés par la mesure. Nous sommes donc respectueux de ce qui a été décidé par le Parlement.

M. Claude Raynal. - Enfin, madame la présidente, j'insisterai sur le fait que nous votons parfois des mesures présentées par le Gouvernement comme essentielles et urgentes sans qu'elles ne soient finalement mises en oeuvre. Je fais référence à la réserve douanière qui devait être mise en oeuvre avant les Jeux olympiques de 2024 et qui ne le sera peut-être jamais.

M. Patrick Mignola, ministre. - En réponse au problème de blocage technique sur la question des voiries, l'état de mise en application progresse. Je vous transmettrai l'état des travaux qui ont été réalisés par les ministères concernés.

Concernant EDF, il y a déjà une mise en application puisque les salariés d'EDF sont intéressés aux bénéfices de l'entreprise. Cependant, j'ignore dans quel délai sera décidée la part d'actionnariat qui sera réservée aux salariés d'EDF. Nous tenterons de vous communiquer une réponse rapidement.

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - Quant à la réserve douanière, un projet de texte a été élaboré. De nombreux facteurs en ont retardé la rédaction, notamment la prise en compte de la formation, des ports d'armes et des missions. En outre, la direction générale des douanes et des droits indirects a souhaité s'inspirer des retours d'expérience de la police, ce qui me semble vertueux. En dépit du retard, un projet circule actuellement au niveau interministériel.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Le dispositif sera donc opérationnel pour les Jeux olympiques de 2030.

La parole est à Christophe-André Frassa, pour le compte de la commission des lois.

M. Christophe-André Frassa. - Mon intervention concerne deux points. Le premier renvoie à ma fonction de rapporteur de la loi du 13 juin 2024 qui vise à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ce texte a, notamment, pérennisé la dématérialisation de la délivrance des copies et des extraits des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cette dématérialisation a fait l'objet d'une expérimentation qui est arrivée à échéance en juillet 2024. En conséquence de cette pérennisation, la loi a abrogé l'article 10 de l'ordonnance du 10 juillet 2019 qui régissait la procédure applicable à cette délivrance dématérialisée. La procédure doit donc être redéfinie par un décret en application de l'article 101-1 du code civil.

Lors des auditions que j'ai menées comme rapporteur de la commission des lois, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que le ministère de la justice, s'étaient tous les deux engagés à transmettre un projet de décret au Conseil d'État et à le publier dans les jours suivant la promulgation de la loi. À deux jours près, un an s'est écoulé. La transmission de ce décret était censée être d'autant plus célère que celui-ci devait reprendre presque in extenso le dispositif de l'article 10 de l'ordonnance du 10 juillet 2019, déjà appliqué, sans difficultés majeures, par les officiers d'état civil, depuis 2019.

D'après les informations qui m'ont été transmises à la fin du mois de mars, ce décret n'a toujours pas été transmis au Conseil d'État. Cela signifie que, depuis le 13 juin 2024, la procédure suivie par les officiers d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères se fonde sur un article qui n'est plus en vigueur.

Pouvez-vous, d'une part, nous informer d'éventuelles complications juridiques qui auraient pu conduire à ce retard de publication et, d'autre part, nous assurer que ce décret d'application sera publié dans les délais les plus brefs ?

Mon second point porte sur la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire. L'article 2 prévoit la mise en place d'un cadre d'évaluation pour les chefs de cour et de juridiction, prenant notamment en considération leurs capacités en matière d'administration et de gestion. Bien que cet article soit théoriquement applicable depuis le lendemain de la publication de la loi, puisqu'aucune entrée en vigueur différée n'a été prévue, nous sommes toujours en attente du décret d'application. Ce dernier doit notamment préciser la composition du collège d'évaluation des chefs de juridiction, les modalités de désignation de ses membres et de participation du magistrat évalué, les recours ainsi que les critères d'évaluation. Pouvez-vous nous indiquer si ce décret est sur le point de paraitre ? Sa publication peut-elle être espérée dans un avenir proche ?

M. Patrick Mignola, ministre. - La question de la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères présente une certaine complexité car il a fallu modifier deux décrets relatifs aux textes sur l'état civil en général et au registre d'état civil électronique.

S'agissant du calendrier, les deux décrets en Conseil d'État sont en cours de rédaction au ministère, en lien avec le ministère de la justice. Ils seront transmis au Conseil d'État en octobre 2025, après un examen par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), pour une publication à la fin de l'année.

Concernant le décret d'évaluation des chefs de cour, il s'agit d'un texte sur lequel 20 mesures sur 21 ont été prises. Vous faites référence à la dernière disposition qui nécessite d'être soumise au dialogue social, requérant des réunions avec les conférences des chefs de cour et de juridiction ainsi qu'avec les organisations syndicales. À l'issue de ces échanges et de ces consultations, le projet sera présenté en commission permanente d'études au ministère de la justice, qui sera chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire. Le texte sera ensuite transmis au Conseil d'État pour une publication d'ici la fin de l'année.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Dans le court temps imparti je souhaite revenir sur deux thèmes qui sont très souvent traités par la commission des affaires économiques : le numérique et l'énergie.

En premier lieu, quel est le devenir de la loi n° 2022-309 du 3 mars 2022 pour la mise en place d'une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinées au grand public. Alors que cette loi est entrée en vigueur le 1er octobre 2023, elle demeure inapplicable dans la mesure où ni le décret déterminant son périmètre d'application ni l'arrêté ministériel fixant le contenu de l'audit de cybersécurité n'ont été adoptés par le Gouvernement alors que ceux-ci avaient pourtant fait l'objet d'une consultation publique en 2023. D'après nos informations, cette interruption du processus réglementaire s'expliquerait par la crainte que la mise en oeuvre de cette loi puisse défavoriser les plateformes numériques françaises et européennes par rapport aux plateformes américaines. Pourriez-vous nous fournir des explications sur ce point ? Nous souhaitons que cette loi soit enfin appliquée, ou bien, si et seulement si, il est clairement démontré que ses effets sont contreproductifs, que son abrogation puisse être envisagée.

En second lieu, j'aimerais aborder les difficultés d'application de certains textes dans le secteur de l'énergie. L'article 17 de la loi « Sûreté nucléaire » de 2024 est venu réformer le Haut-commissariat à l'énergie atomique (HCEA). Un décret en Conseil d'État doit en fixer les modalités d'application. Qu'en est-il ?

Deux décrets avaient été pris par le Gouvernement avant même l'examen au Parlement de la loi « Sûreté nucléaire ». Notre commission avait dénoncé ce procédé lors de son examen. En outre, le second décret doit aujourd'hui être impérativement modifié, dans la mesure où il fait référence à un article L322-4 du code de la recherche qui a été abrogé par cette loi. Quand sera-t-il révisé ?

La loi « Nouveau nucléaire » de 2023 prévoit enfin la remise de huit rapports d'évaluation. Or, ces rapports sont encore manquants, ce qui est problématique dans la mesure où ceux-ci portent sur des sujets majeurs comme la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ou la prolongation de réacteurs existants. Quand seront-ils transmis ?

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - S'agissant du premier sujet, je ne peux pas vous donner une réponse définitive, mais il semble que nous nous orientons vers une abrogation en raison des problèmes de conformité avec le droit de l'Union européenne que ce texte pose, notamment avec le principe du pays d'origine du règlement e-commerce. En effet, ce texte vise à éviter de pénaliser les acteurs français par rapport aux acteurs étrangers. Or, le règlement prévoit que la réglementation du pays d'origine s'applique. Il existe également un problème de conformité avec le règlement européen sur les services numériques (DSA) qui constitue un dispositif d'harmonisation globale. Le DSA lui-même comprend des dispositions qui ressemblent à celles qui ont été adoptées par la loi, qui d'une certaine façon ont donc été anticipées. En conséquence, il s'agit plutôt - nous vous le confirmerons rapidement - d'abroger cette base légale.

Sachez que je plaide assez régulièrement auprès des ministères pour ne pas conserver dans nos compteurs des dispositions que l'on ne peut appliquer. Certaines administrations sont, toutefois, hésitantes à procéder à une telle abrogation par déférence vis- à- vis du Parlement, d'autant plus si les bases légales sont assez récentes. Personnellement, j'appuie une telle abrogation, car je crois préférable de revenir devant le Parlement en expliquant pourquoi une base légale ne peut trouver de mise en application plutôt que de la conserver dans l'en cours des mesures à prendre, ce qui n'est ni satisfaisant pour vous ni pour nous.

Concernant la réforme du HCEA, je comprends que l'anticipation par le Gouvernement d'une évolution législative n'ait pas été très bien perçue. Un des décrets de décembre 2023 se trouve néanmoins être conforme aux évolutions législatives. Il sera donc conservé comme décret d'application. En revanche, vous avez raison, il convient de supprimer la référence à une disposition qui a été abrogée dans le code de la recherche. Nous allons donc nous y employer rapidement.

Quant à l'ensemble des rapports, certains d'entre eux sont en cours de rédaction. Une partie de ces rapports sont relatifs aux débats concernant la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3). Nous retrouvons ainsi certains éléments qui ont fait l'objet d'un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution et dans le cadre de l'examen de la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet sur la programmation de l'énergie. Quant aux autres rapports, il est nécessaire d'attendre des retours d'expérience, par exemple dans le domaine des mesures d'accélération de certains types de réacteurs. Dès l'analyse de ce retour de terrain, nous pourrons alors vous transmettre les éléments relatifs aux effets des mesures d'accélération prévues dans certains projets de loi.

Le rapport sur la « circulaire Borloo » est en cours de finalisation au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Il pourrait être transmis prochainement. Celui sur l'enfouissement des lignes à proximité des réacteurs est en cours d'élaboration. À ce stade, aucune ligne souterraine de 400 000 volts n'existe. La faisabilité technique n'est pas acquise. Des études techniques sont actuellement menées et donneront lieu à des conclusions qui seront intégrées dans le rapport. Nous ne sommes, cependant, pas encore en état de dresser ces conclusions.

Enfin, concernant la poursuite du fonctionnement jusqu'à 60 ans des réacteurs existants, EDF continue ses travaux techniques d'analyse en vue d'une prise de position de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) sur cette perspective en 2026.

Mme Pascale Gruny. - Ayant précédemment occupé les fonctions de la présidente, Sylvie Vermeillet, je suis très attachée au bilan de l'application des lois. Lors de ma prise de fonctions, cette tâche m'avait semblé particulièrement ardue tant on attend des résultats. Je constate que le sujet progresse. Le SGG prend enfin en compte les arrêtés. Cependant, il reste beaucoup à faire. J'avais alors alerté sur le fait que le citoyen pense que la loi est votée lorsque celle-ci est présentée en conseil des ministres. Ne pas la mettre en application rapidement est donc source de frustration. En tant que représentants des citoyens français, nous devons donc absolument défendre et exiger l'application de la loi le plus rapidement possible.

Mes questions concernent deux textes relevant de la compétence de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'abord de la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels. Ce texte a été inscrit à l'ordre du jour du Sénat en première lecture à la fin du mois d'octobre 2023. La commission avait alors souligné un double problème de calendrier. En effet, cette programmation contraignait le Sénat à examiner ce texte en parallèle, d'une part, des négociations conventionnelles entre les médecins et l'assurance maladie, et surtout, d'autre part, du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement avait toutefois mis en avant l'urgence attachée à l'examen du texte.

Un an et demi plus tard, le texte demeure partiellement appliqué. Deux mesures emblématiques sont toujours attendues. La première concerne l'obligation des médecins, chirurgiens-dentistes et sage-femmes, de déclarer à l'Agence régionale de santé, au moins six mois à l'avance, une cessation définitive d'activité dans leur lieu d'exercice, à l'exception de certaines situations prévues par décret à l'article 7 du texte. Or aucun texte d'application n'a encore été pris.

La seconde disposition prévue par l'article 20 du texte vise à étendre aux étudiants en maïeutique et en pharmacie, le contrat d'engagement de service public, permettant ainsi d'inciter les étudiants à exercer en zones sous-denses. Là encore, le décret nécessaire à l'application de cette disposition n'a toujours pas été publié.

Ces deux mesures nous avaient pourtant été présentées comme indispensables afin d'améliorer l'accès aux soins des Français ainsi que le suivi de l'offre disponible dans les territoires. Ce sujet est crucial pour l'ensemble de mes collègues dans leur territoire. Quand seront mises en application les dispositions précitées qui sont, selon moi, urgentes ?

La mise en application du second texte que je souhaite aborder aujourd'hui est celle de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, dont j'ai été rapporteure. Monsieur le ministre, vous conviendrez que son application peut être qualifiée de « laborieuse ». Les décrets d'application des mesures les plus identifiées sont certes parus, telles que l'inscription des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) sur les listes des demandeurs d'emploi et l'obligation des quinze heures d'activité hebdomadaire. Toutefois, leur publication a été tardive, le 30 décembre 2024, pour une mise en oeuvre au 1er janvier. Le décret sur les sanctions applicables en cas de méconnaissance du contrat d'engagement n'a été pris qu'il y a dix jours alors que la loi a été promulguée en décembre.

J'attire également votre attention sur certaines dispositions de la loi qui sont encore attendues et pour lesquelles il convient de ne pas négliger la parution. Je pense à l'application des mesures en faveur des personnes en situation de handicap, comme la création du sac à dos numérique personnel prévu à l'article 11, ou à la fluidification des parcours administratifs grâce à la conclusion d'une convention entre la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), France Travail et les Cap emploi, prévue à l'article 14. Avez-vous de bonnes nouvelles à annoncer aux Français à ce sujet ?

M. Patrick Mignola, ministre. - Concernant la première question relative à l'obligation de préavis pour les professionnels cessant leur activité, parmi les dispositifs envisagés, figurent une application informatique dédiée permettant aux professionnels de santé libéraux de se soustraire à cette obligation sous certaines conditions, telles qu'un arrêt lié à leur santé ou à la qualité d'aidant auprès d'un proche, ou encore à une grossesse. Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a rendu, le 6 mars dernier, un avis favorable sur le projet de texte qui est désormais en cours d'instruction par la CNIL. Le projet de décret sera ensuite soumis à la concertation avec les organisations syndicales représentatives et les ordres professionnels concernés, médecins, sage-femmes et chirurgiens-dentistes.

S'agissant du contrat d'engagement de service public (CESP), conformément aux annonces faites par le Premier ministre il y a quelques semaines, trois textes ont été publiés en mars 2025 afin de désigner l'Agence des services et de paiement comme autorité administrative en charge des CESP. Il s'agit d'un décret relatif à l'autorité administrative chargée de la gestion administrative, un autre prévoyant les modalités de financement de cette autorité, ainsi qu'un arrêté relatif à l'autorité administrative chargée de la gestion des contrats d'engagement de services publics en général.

En ce qui concerne le sac à dos numérique, sa mise en oeuvre était conditionnée au résultat d'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) saisie le 17 mai 2024 par la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et dont les résultats étaient attendus pour la fin de l'année 2024. Cette mission IGAS n'a pas pu être lancée. Les travaux de mise en oeuvre de la mesure relative au sac à dos numérique n'ont donc pu être effectués en 2025. Le cabinet du ministre chargé de l'autonomie et du handicap envisage la création d'un comité temporaire d'experts sur ce sujet. Un certain nombre de missions lui seront assignées, dont le sac à dos numérique. En fonction des scénarios présentés dans les conclusions, des échéances et des coûts prévisionnels seront définis. Une gouvernance associée à la mise en place de ce dispositif sera prévue pour offrir une solution répondant aux besoins des personnes en situation de handicap. Un organisme gestionnaire se verra alors déléguer la mise en oeuvre opérationnelle.

Quant à la convention « MDPH, France Travail et Cap emploi », la mise en oeuvre du dispositif fait l'objet d'une phase pilote, destinée à tester la situation réelle des conditions d'organisation de cette nouvelle mission, confiée à France Travail et au Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés (Cheops), la tête de réseau des cap emploi. Le déploiement sera opéré de manière progressive via des territoires pilotes. Cinq premiers départements pilotes l'ont mis en oeuvre depuis janvier 2025 : l'Allier, la Haute-Savoie, la Charente-Maritime, la Somme et le Val-d'Oise. De nouveaux départements l'expérimenteront entre juillet et septembre 2025. Il est prévu une évaluation afin d'élaborer, avant le second semestre 2026, le décret d'application de la loi, en s'appuyant sur les enseignements de ces territoires pilotes. L'entrée en vigueur du dispositif se fera au plus tard le 1er janvier 2027.

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - J'aimerais ajouter que, d'une manière générale, une des causes de retard dans la mise en application des textes peut résulter d'une contrainte informatique. Certaines dispositions législatives requièrent des évolutions de nos systèmes d'information qui nécessitent plusieurs mois de travaux d'adaptation en fonction de la complexité du dispositif. La présentation de ces évolutions devant la CNIL est exigeante en termes d'études d'impact et d'explications des évolutions. C'est un point que nous devrions certes anticiper davantage. En conséquence, lorsque l'application d'une mesure implique une mise en oeuvre informatique, notre problème n'est pas tant de rédiger le texte d'application que de faire évoluer parallèlement les systèmes d'information afin que ceux-ci soient opérationnels dès la parution du décret.

M. Jean-François Longeot. - Je souhaite axer mon propos sur quatre textes relevant de la compétence de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Tout d'abord, la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention, la lutte, l'intensification et l'extension du risque incendie sur laquelle mes collègues, Pascal Martin et Jean Bacci ont travaillé avec sérieux au sein de la commission spéciale en charge de son examen. Il a fallu attendre près de deux ans pour que les conditions d'octroi des aides soient définies. C'est bien trop lent et peu satisfaisant. Le décalage entre les effets d'annonce et les dispositifs déployés interroge, en effet, la sincérité de la démarche gouvernementale en la matière.

Le deuxième texte est la loi favorisant le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur le territoire, promulguée le 5 avril 2024. Cette initiative sénatoriale visait à mettre à disposition des autorités organisatrices de la mobilité les véhicules en bon état destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion, pour permettre à des publics précaires ou résidant en zone rurale de disposer d'un service de location solidaire. Malheureusement, un an après sa promulgation, cette loi est restée lettre morte. Le décret d'application prévu n'a, en effet, jamais été publié et, pour cause, la prime à la conversion sur laquelle repose le dispositif a été abrogée par décret en novembre 2024.

Troisièmement, j'en viens à la loi de 2023 relative aux services express régionaux métropolitains (SERM). Les deux textes d'application attendus ont été publiés. Cependant, appliquer une loi ne se résume pas à prendre des mesures réglementaires, c'est aussi mettre en oeuvre les politiques publiques en accord avec les ambitions du législateur. Si le Gouvernement a identifié 26 projets de SERM, aucun d'entre eux n'a vu son statut formellement reconnu par un arrêté à ce jour.

Enfin, mon quatrième point apporte une note d'espoir et un motif de satisfaction concernant la loi 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB). La publication, en septembre dernier, du décret relatif au fichier national du permis de chasser, a rendu cette loi totalement applicable. Cependant, il aura fallu attendre plus de cinq ans pour atteindre ce taux de 100 %, ce qui interroge la capacité du Gouvernement à suivre la marche du train des sénateurs.

Je terminerai mon propos en me félicitant que le travail de contrôle ait à ce point contribué aux évolutions réglementaires attendues par les acteurs. Cela démontre la pertinence de la méthode sénatoriale qui repose sur la consultation de l'ensemble des parties prenantes, en nous plaçant à la hauteur des territoires pour formuler des recommandations à la fois pratiques, pragmatiques et transformatrices, sans remettre en cause la nécessité d'une politique de l'environnement qui sanctionne les atteintes au milieu et les comportements de mauvaise foi méconnaissant les normes environnementales.

M. Patrick Mignola, ministre. - Monsieur le président, croyez bien à la sincérité de la démarche du Gouvernement en matière de lutte contre les incendies de forêt et de maitrise du risque, comme en témoigne la stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, signée par les ministres Bruno Retailleau et Agnès Pannier-Runacher lors d'un déplacement dans les Pyrénées-Orientales, le 5 juin dernier.

Le retard observé dans la rédaction du décret résulte du caractère particulièrement complexe, technique et interministériel du sujet qui a nécessité une intense concertation. Une mission exploratoire a tout d'abord été confiée à la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAF) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en liaison avec la chambre d'agriculture du Var, puis avec les chambres d'agriculture, au niveau national, au printemps 2024. Une réunion de concertation a été organisée avec les professionnels du secteur en septembre 2024. Le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ont finalement validé une rédaction du texte, au mois de février de cette année. Une analyse juridique est en cours avec une transmission au Conseil d'État, courant juillet pour une publication à l'automne.

S'agissant de la prime à la conversion, la disposition a été, en effet, supprimée. Pour autant, certains dispositifs de soutien à l'acquisition de véhicules électriques ont été maintenus tels que le bonus pour l'acquisition de véhicules électriques ou le leasing de véhicules électriques. Cette dernière mesure est à destination des publics les plus fragiles, conformément à l'esprit de la loi. Elle fera l'objet d'une nouvelle campagne de communication à partir de septembre 2025.

Enfin, concernant les services express régionaux métropolitains, permettez-moi de vous transmettre dans les plus brefs délais les éléments les plus récents sur leur mise en application.

M. Laurent Lafon. - Sur la session 2023-2024, six lois relevant de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport ont été promulguées. Si trois lois étaient d'application directe, trois lois nécessitaient la publication de mesures réglementaires pour être pleinement applicables. Sur ces trois lois, seule la loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques est aujourd'hui intégralement applicable.

Les deux autres lois adoptées en cours de la session se caractérisent en revanche par des taux d'application moins satisfaisants. Il en va ainsi de la loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative. Le décret d'application de l'article 8 relatif aux prêts entre associations et celui de l'article 9 visant à sécuriser les opérations de flux de trésorerie, notamment entre associations, n'ont pas été pris.

Quant à la loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport de juin 2023, l'unique décret attendu à l'article 2 n'a toujours pas été publié. Il est relatif à l'interdiction d'exercice pour les dirigeants de clubs, présentant un danger pour la santé des pratiquants, employant une personne frappée d'une interdiction d'exercice ou refusant d'informer le préfet du comportement à risque d'un encadrant.

Un mot également sur des lois examinées par notre commission et promulguées, il y a presque deux ans et demi, avant le 1er octobre 2023. Cinq d'entre elles ne sont toujours pas entièrement applicables. Il s'agit tout d'abord de la loi du 30 décembre 2021 visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs, texte déposé par notre collègue Laure Darcos. Le décret prévu à l'article 5 sur les modalités d'application du dépôt légal des contenus numériques est en cours de préparation, nous dit-on. Le délai de parution est long, compte tenu de la date de promulgation de la loi.

Tel est également le cas de la loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. L'application de cette loi doit en effet faire l'objet d'un décret en Conseil d'État, prévu à l'article 3. Celui-ci doit fixer le seuil de durée cumulée ou de nombre de contenus au-dessus duquel la diffusion de l'image d'un enfant de moins de 16 ans, sujet principal de la vidéo, sur un service de plateforme de partage de vidéos, est possible et soumise à une déclaration préalable des représentants légaux. L'absence de publication de ce décret rend inopérant l'essentiel de la loi.

Même carence pour la loi de juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, puisqu'à ce jour le seul décret prévu par cette loi continue de faire l'objet de difficultés à la fois techniques et juridiques, ce qui prive ainsi en grande partie le texte de sa substance.

Enfin, le taux d'application de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur demeure fixé à 95 %. Il n'en demeure pas moins que deux mesures manquent encore, relatives à l'application spécifique des chaires de professeurs juniors au personnel enseignant et hospitalier ainsi qu'à la diversification du recrutement des étudiants par les établissements d'enseignement supérieur.

M. Patrick Mignola, ministre. - Je vais laisser la secrétaire générale répondre. Elle a de bonnes nouvelles à vous annoncer.

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - S'agissant des prêts et opérations de trésorerie entre associations, la direction du Trésor a progressé. Nous avons désormais recueilli les différents avis, ceux de la Fédération bancaire française et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en avril, celui de l'avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière le 3 juin, ainsi que celui du Haut Conseil de la vie associative, le 10 juin. Nous sommes sur le point de transmettre le décret au Conseil d'État dans les heures ou jours qui viennent.

Quant à l'interdiction d'exploiter des établissements d'activité physique et sportive lorsque les personnes présentent des dangers pour les pratiquants, les deux décrets d'application ont été publiés ce matin. Vous vous interrogiez sur la nature de l'interdiction alors même que le décret n'avait pas été pris. Il s'agit d'interdictions qui constituent des peines complémentaires, dans le cadre de la police administrative. Quant aux autres lois plus anciennes, je ne suis malheureusement pas en état de répondre à toutes vos questions. Si vous me le permettez, nous vous ferons une réponse par écrit.

M. Laurent Lafon. - Volontiers, notamment en ce qui concerne la mise en application de la loi « Darcos », qui est particulièrement importante pour l'économie du livre ainsi que celle relative aux chaires de professeurs juniors, qui correspond à une réelle attente dans le milieu universitaire de la recherche.

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - Je vous transmettrai cette réponse. Concernant la majorité numérique, nous rencontrons les mêmes difficultés que celles que j'ai précédemment mentionnées à propos de l'e-commerce et du DSA.

Mme Catherine Dumas. - Chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence du président de la commission des affaires étrangères et de la défense, M. Cédric Perrin. La commission souhaite attirer l'attention sur deux points. Premièrement, nous avons constaté que les mesures d'application relatives au chapitre 5 de la dernière loi de programmation militaire (LPM) concernant la sécurité des systèmes d'information n'ont pas encore été prises. Pouvez-vous nous indiquer où en est ce dossier ? Quel lien doit éventuellement être établi avec le projet de loi sur la « cyber-résilience » en cours d'examen, qui transpose notamment la directive dite « NIS 2 » concernant les mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'Union ?

Le second point qui nous préoccupe de manière récurrente est relatif à la première réunion de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement. Nous sommes informés qu'après une très longue attente, le Gouvernement aurait enfin constitué cette commission, prévue par la dernière loi d'orientation. Les membres de tous les collèges auraient été identifiés. Quand pourront-ils se réunir effectivement ?

M. Patrick Mignola, ministre. - Madame la sénatrice, nous vous confirmons que l'ensemble des décrets relatifs au chapitre 5 de la LPM sur la sécurité du système d'information sont bien parus. Les 41 mesures prévues ont été publiées à ce jour.

S'agissant de la commission d'aide publique au développement, nous vérifierons auprès du ministère de l'Europe et des affaires étrangères la date de convocation de la commission.

M. Jean-François Rapin. - La commission des affaires européennes s'intéresse en particulier, mais pas uniquement, d'une part, au suivi des résolutions européennes du Sénat et à leur bonne prise en compte par le Gouvernement, dans le cadre des négociations dans les instances européennes, et d'autre part, à l'adaptation de la législation nationale aux textes européens qui sont adoptés définitivement.

S'agissant du suivi des résolutions européennes, la commission a présenté au début du mois, un bilan sur l'impact du Sénat sur l'élaboration des textes européens. Ce rapport démontre la réelle influence du Sénat à Bruxelles, mais également notre nécessaire engagement pour consolider cette influence européenne. Cet engagement doit être partagé entre le Gouvernement et le Parlement.

Sur la base des textes européens reçus, 11 résolutions européennes ont été adressées par le Sénat au Gouvernement au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Le bilan est positif puisque dans plus de la moitié des cas, les positions exprimées par le Sénat ont été prises en compte en totalité ou en majorité. Nous sommes reconnaissants au secrétariat général des affaires européennes (SGAE), avec qui nous échangeons très régulièrement, d'avoir établi une fiche de suivi pour chaque résolution européenne du Sénat, ce qui nous est précieux pour dresser ce bilan.

Après les félicitations, j'en viens à mes questions. La première concerne les modalités de prise en compte par le Gouvernement des résolutions que nous adoptons. Le SGAE transmet-il bien l'information nécessaire aux différents ministères sectoriels concernés pour permettre une bonne prise en compte des positions que nous adoptons ? Nous voulons en effet sensibiliser le Gouvernement à la nécessité de disposer des procédures internes appropriées pour que les positions du Parlement, et plus particulièrement celles du Sénat, soient bien prises en compte. Nous sommes le cas échéant à votre disposition pour améliorer le circuit de diffusion de nos positions, si cela vous paraît nécessaire.

La deuxième question concerne l'adaptation de la législation nationale aux textes européens adoptés définitivement. La réforme du règlement du Sénat a renforcé le rôle de la commission des affaires européennes, qui peut désormais être formellement consultée sur un projet ou une proposition de loi ayant pour objet de transposer un texte européen en droit national ou d'adapter le droit national au droit européen. C'est une mission dont nous entendons nous saisir pleinement. Cet enjeu m'apparaît encore insuffisamment pris en compte, la transmission des documents d'analyse d'impact sur la législation nationale étant parfois trop tardive.

Comment le Gouvernement a-t-il intégré cette nouvelle mission du Sénat ? Il me paraît nécessaire d'avoir davantage d'échanges entre le Gouvernement et le Parlement dès l'adoption des textes européens afin de préparer au mieux les adaptations nécessaires de la législation. Je veux vous faire part de la disponibilité de notre commission pour travailler sur cette question.

Enfin, une question particulièrement importante qui nous concerne tous est le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Comment y apporter toutes les modifications requises après l'adoption du pacte « asile-immigration » à Bruxelles ?

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - Je vais me faire le porte-parole du SGAE, votre interlocuteur habituel, qui agit en tant que relais efficace des résolutions, dès qu'elles leur parviennent. En effet, les bureaux métiers du SGAE, en contact avec leurs interlocuteurs dans les ministères, transmettent les résolutions et vérifient que chacun établisse les éléments nécessaires à la rédaction des fiches de suivi des résolutions qui vous sont alors transmises.

M. Jean-François Rapin. - Nous ne rencontrons pas de problèmes particuliers avec les fiches de suivi. La véritable question est de connaître la position du Gouvernement par rapport à une résolution que le Sénat vient d'adopter. Les ministres concernés vont-ils la défendre ? Portent-ils la voix du Sénat au Conseil des ministres européen et avec quelles ambitions ? Ces questions sont d'autant plus cruciales lorsque le Gouvernement sollicite notre aide sur un sujet particulier.

M. Patrick Mignola, ministre. - La dernière proposition de résolution européenne (PPRE) portait sur l'Ukraine. Elle avait été relayée au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de la défense. Peut-être pourrions-nous proposer que les ministres vous transmettent un état de l'ensemble des PPRE qui ont été examinées sur les 12 derniers mois et vous indiquent les points qui ont infléchi la position gouvernementale ?

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - S'agissant de l'adaptation de notre législation nationale aux textes européens, la circulaire du 22 mai 2024 a modernisé les modalités de la mise en oeuvre du droit de l'Union. Elle prévoit que l'équipe responsable de la négociation du ministère-chef de file commence à élaborer le plan d'application du texte dès qu'intervient un accord politique entre les institutions européennes. Ce plan, qui se substitue aux fiches d'impact stratégique, vise à anticiper les adaptations nécessaires dès ce stade. Il est partagé avec les Assemblées afin de vous permettre de suivre l'état d'avancement de nos réflexions.

La circulaire du Premier ministre prévoit également l'institution d'un comité de liaison entre le Gouvernement et le Parlement. La loi récente portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) en est une parfaite illustration. Nous pouvons, avec le SGAE, renforcer cette collaboration, si vous le souhaitez afin de la rendre plus étroite. La circulaire prévoit, en effet, une « formation à haut niveau ».

En ce qui concerne l'évolution du CESEDA, le « pacte asile-immigration » est constitué d'un grand nombre de règlements. Il est donc question d'adaptation de notre droit et non de transposition. Une « application mécanique » du pacte consisterait, concrètement, à supprimer de nombreuses dispositions du CESEDA, ce qui n'est pas forcément facile à comprendre pour nos concitoyens. C'est pourquoi une réflexion est en cours, associant le Conseil d'État et la direction générale des étrangers en France (DGEF) sur l'élaboration de différentes méthodes visant à mettre en oeuvre le pacte "asile-immigration", tout en conservant un droit national lisible et suffisamment cohérent. Nous voulons éviter un « effet gruyère » qui conduirait à se reporter directement au règlement.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - La parole est maintenant aux groupes politiques. J'ai cinq inscrits : Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, M. Pierre - Jean Rochette au nom du groupe Les Indépendants - République et Territoires, Sophie Briante - Guillemont, au nom du groupe du RDSE et Mme Anne Souyris, au nom du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Agnès Canayer. - Ma question porte sur l'application de la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France dont aucun décret d'application n'a été publié alors qu'une échéance au 1er juillet 2025 avait été fixée. Il reste donc vingt jours au Gouvernement pour publier les mesures d'application sur la création du registre des activités d'influence, sur l'extension des techniques de renseignement, notamment l'utilisation très attendue des algorithmes et sur l'adaptation du code monétaire et financier en matière de gel des avoirs des auteurs. Ce temps doit également permettre au Gouvernement de remettre le rapport d'application et d'organiser le débat sur la menace.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Madame la présidente, monsieur le ministre et madame la secrétaire générale du Gouvernement, ce que j'entends depuis tout à l'heure est proprement effrayant puisque ce que nous votons avec beaucoup de conscience, dans le cadre de débats vigoureux dans l'hémicycle, est finalement mis en oeuvre une fois sur deux, au mieux. Comme l'a souligné Pascale Gruny, certains Français pensent qu'une loi est applicable, soit dès la sortie du Conseil des ministres, soit après son vote au Parlement. Les taux d'application médiocres de la session sont effrayants et désespérants.

Monsieur le ministre, vous êtes chargé des relations avec le Parlement. Quelle est votre appréciation de la situation ? Comment imaginez-vous y remédier pour restaurer la confiance chez les Français et limiter leur défiance à l'égard du Parlement ?

M. Pierre-Jean Rochette. - Tout d'abord, je remercie la présidente pour ce rapport qui renvoie le Sénat à sa genèse, c'est-à-dire son rôle de contrôle qui est important à nos yeux. Vous avez déjà répondu, monsieur le ministre, à un grand nombre de questions. Le groupe Les Indépendants suit particulièrement la mise en oeuvre de loi « Darcos » ainsi que celle sur la régulation de l'espace numérique, en particulier les mesures visant à lutter contre la pédopornographie, qui sont à nos yeux un sujet qui mériterait d'être rapidement traité.

Par ailleurs, je rejoins pleinement mes collègues qui ont évoqué la méconnaissance de la procédure législative par le grand public, amplifiée par l'impact médiatique des interventions politiques. Les débats sur un texte peuvent être immédiatement repris dans l'espace médiatique, ce qui conduit le public à penser que ce texte est adopté et immédiatement applicable. Un effort de communication est certainement nécessaire pour vulgariser le parcours législatif. Peut-être doit-on travailler différemment ? En tout état de cause, cela pose un véritable problème sur le terrain.

Je vais être très pragmatique, cet après-midi, en vous relayant une question du groupe posée dans le cadre des questions d'actualité au Gouvernement. Celle-ci concerne une loi votée et appliquée, mais qui n'est pas respectée sur le terrain. Que faire lorsque les agences de l'eau ne respectent pas ce qui a été voté ?

Mme Sophie Briante Guillemont. - Deux constats de préoccupation importants pour le RDSE me conduisent à poser deux questions. La première porte sur la particularité de la session qui s'achève, le flux de propositions de loi plus nombreuses que les projets de loi. Or, les textes d'initiative parlementaire sont examinés sans étude d'impact. Nous travaillons donc dans des conditions d'expertise assez dégradées, puisque nous ne disposons pas des mêmes moyens que le Gouvernement pour ses projets de loi. Cela aura-t-il un impact sur votre travail, en termes de clarté et d'intelligibilité de la loi ? Faut-il d'ores et déjà anticiper des problèmes légistiques et de mise en oeuvre ?

Pour ma seconde question, je reviens au propos liminaire de la présidente, concernant le recours excessif à la procédure accélérée, dont on peut craindre également un impact sur la qualité du travail législatif. Je ne crois pas, monsieur le ministre, avoir entendu votre réponse sur ce point.

Mme Anne Souyris. - Le temps étant compté, j'énumèrerai brièvement les textes dont on attend la publication des mesures d'application essentielles. Le premier texte est la proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, de notre collègue Daniel Salmon. Celui-ci a été adopté en première lecture cette année au Sénat. Bien qu'étant toujours en cours de navette, il a d'ores et déjà donné lieu à un engagement du Gouvernement, au Sénat, de publier dès à présent un décret en relation avec le dispositif de ce texte. Qu'en est-il ?

En ce qui concerne la loi visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires, à l'initiative de notre collègue Joël Labbé, j'ai compris que vous prévoyez des soutiens à l'acquisition de véhicules électriques pour les personnes précaires. Peut-être ai-je mal entendu, mais pouvez-vous préciser quand le décret d'application sera publié ?

La loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), votée, à l'initiative de Nicolas Thierry, en février 2025, n'a pas encore donné lieu à la parution de mesures réglementaires. On attend en particulier la définition des PFAS devant faire l'objet d'un contrôle dans les eaux destinées à la consommation humaine. Où en est cette question ?

La loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme, présentée à l'Assemblée nationale par le groupe Renaissance, que j'ai inscrite dans notre niche au Sénat et qui a été rapportée par ma collègue Raymonde Poncet-Monge, a été finalement adoptée en 2023. Elle comporte quatre mesures appelant un décret d'application. Seul un décret a été publié. Qu'en est-il des trois autres ?

La loi « climat et résilience » prévoit un décret relatif aux objets de surface de vente consacrés à la vente sans emballage primaire. Quand ce décret sera-t-il publié ?

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoit la publication d'un décret 3R (« réduction, réemploi, recyclage »). Quand ce dernier sera-t-il publié ?

Concernant la loi de finances pour 2025, quand le Gouvernement compte-t-il mettre en place le « Fonds territorial climat » ?

S'agissant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, nous attendons toujours la publication de décrets d'application. En matière d'accès aux soins, je regrette que l'article 44, imposant un dépistage systématique du cytomégalovirus chez la femme enceinte, n'ait pas encore fait l'objet d'un décret d'application. Quand sera publié le décret d'application prévu à l'article 53 qui ouvre la possibilité de délivrer en officine des médicaments à l'unité ? Où en est la mise en oeuvre de l'article 78 qui a organisé la sortie de l'expérimentation du cannabis thérapeutique ? Je dois m'interrompre, mais je vous enverrai la liste des questions restantes.

M. Patrick Mignola, ministre. - Concernant la loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, deux dispositions prévoient respectivement des obligations de transparence renforcées et de renforcement des moyens administratifs de prévention et de lutte. Elles feront l'objet d'un seul décret. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a été chargé de préparer le texte réglementaire avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Le projet de décret a fait l'objet d'un avis de la CNIL, le 7 mai 2025, et d'un avis du collège de la Haute Autorité, le 3 juin 2025. Le texte sera soumis au Conseil d'État dans les prochains jours.

En outre, les services ont concentré leurs efforts sur le texte d'application de l'article 2 relatif à la tenue d'un répertoire numérique public des activités d'influence recensant les agents d'influence, qui soulève des questions juridiques épineuses. La définition du périmètre de la notion d'établissement éducatif public à but non lucratif et celle de la notion de partenaire étranger sont en cours d'élaboration. Le travail préparatoire va se poursuivre afin de s'assurer que le dispositif est opérant et concerne les acteurs que le législateur a souhaité inclure dans celui-ci.

Mme Agnès Canayer. - Qu'en est-il du débat sur la menace ?

M. Patrick Mignola, ministre. - Ne relèverait-il pas de la révision de la revue nationale stratégique ? Nous reviendrons vers vous sur cette question.

En réponse à madame la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie, je suis parfaitement conscient du niveau des taux d'application qui relève de la responsabilité du ministre des relations avec le Parlement. Je ne peux évidemment pas être satisfait. Je l'ai déclaré dans mon propos liminaire.

Toutefois, sur la XIVe législature, nous sommes parvenus à un taux global d'application des lois de 93 %, de 96 % sur la XVe et de 78 % sur la XVIe. Depuis, nous avons enregistré une chute puisque le taux s'établit à 70 % sur la législature en cours. Pour autant, nous ne pouvons affirmer que nous légiférons inutilement. Des marges de progression sont possibles. Comment les augmenter ensemble pour éviter les déceptions que chacune et chacun ont décrites autour de cette table ?

Le premier axe d'intervention réside dans la méthode conjointement décidée avec le secrétariat général du Gouvernement, qui consiste en un suivi plus régulier auprès des directeurs de cabinet de chaque ministre. Puisque cinq ou six ministères concentrent les principaux blocages dans les parutions de décrets, il convient de leur mettre à disposition des missions particulières de personnels, notamment du Conseil d'État, pour leur permettre de lever ces blocages. Ce travail lourd, parfois ingrat, est efficient, car nous sommes parvenus à augmenter de 10 points le taux global d'application entre la dernière convocation du CIAL et aujourd'hui. C'est donc possible.

Rappelons que le taux global d'application des lois atteint des niveaux excédant 90 %, en période normale, c'est-à-dire hors crise politique, hors affaires courantes, et hors censure. Atteindre ce niveau d'application nécessite non seulement de sortir de la période de crise politique que nous avons vécue, mais d'effectuer un travail méthodologique et persévérant tous les deux mois. Cela relève des missions du Gouvernement.

Le second axe d'intervention porte sur un objectif que l'on peut atteindre ensemble, celui d'une rédaction de la loi propice à sa mise en application. Force est de constater un trop grand nombre de renvois au règlement et de demandes de rapport dans les lois, au détriment de dispositions légistiquement robustes. Il revient certes au ministre des relations avec le Parlement d'être présent dans l'hémicycle afin de limiter les rédactions qui peuvent ensuite emboliser les ministères. Néanmoins, ce travail d'exigence légistique peut être partagé avec chacun. J'observe, tout de même, avec une certaine satisfaction, une nette amélioration en ce domaine.

Cette observation me permet de répondre à la question de la sénatrice Sophie Briante Guillemont sur la proportion des projets de loi et des propositions de loi et son impact éventuel sur le taux d'application. L'examen d'un très grand nombre de propositions de loi est le fruit de la situation politique vécue l'année dernière. Lorsque le Gouvernement dispose d'une majorité absolue, il tend à procéder systématiquement par projet de loi, escomptant que le Parlement lui livre un texte parfaitement rédigé après son examen, compte tenu de la première mouture d'origine gouvernementale. Or, la situation actuelle est au contraire, marquée par la puissance du Parlement qui n'a jamais été aussi importante, ce qui lui permet de jouer pleinement son rôle.

S'agissant des sujets des textes, le semestre qui vient de s'écouler est particulièrement atypique. Nous avons dû organiser un ordre du jour qui devait non seulement répondre aux priorités gouvernementales, que sont les textes budgétaires, agricoles, ceux relatifs aux collectivités locales, les textes régaliens, sociétaux, ceux relatifs à l'énergie, mais aussi prévoir les dispositions « fil rouge » liées notamment à l'école et à la santé. Sous cette contrainte, le Gouvernement a inscrit sept à huit projets de loi qui correspondent à ces grandes priorités. Pour le reste, il a repris un certain nombre de propositions de lois, dont l'examen au Parlement avait débuté le second semestre 2024, mais n'avait pas été achevé.

Concernant les choix d'inscription, nous veillons à nous appuyer sur des textes d'origine parlementaire. Aucune raison ne saurait justifier que le Gouvernement décide de « gouvernementaliser » des initiatives parlementaires qui ont été parfaitement conduites par le Parlement. En l'occurrence, le débat qui a eu lieu autour de la PPL du sénateur Daniel Gremillet sur la programmation et la simplification dans le secteur de l'énergie, au Sénat, a permis d'économiser une navette tant il est vrai qu'un décret sur la programmation pluriannuelle de l'énergie était attendu afin de répondre à nos engagements européens comme aux attentes de multiples professions en matière énergétique.

En revanche, d'autres dispositions relèvent de projets de loi comme l'illustrent ceux relatifs à l'accord national interprofessionnel sur l'emploi des seniors, à la refondation de Mayotte et à la simplification de la vie économique.

On peut anticiper un retour à une vie parlementaire normale, marquée par un plus grand nombre de projets de loi qu'il n'y en a eu lors de ce semestre, avec un effet de rattrapage. Le rôle du Gouvernement et de veiller à la plus grande « robustesse » possible de la loi, ce qui conduit à privilégier soit le projet de loi, soit la proposition de loi lorsqu'un travail important a été réalisé par le Parlement. Je ne pense donc pas, pour répondre à votre question, que le grand nombre de lois d'origine parlementaire ait un impact in fine sur le taux d'application.

S'agissant du recours à la procédure accélérée, je ne connais pas de ministres ni de parlementaires qui, rédigeant un texte, ne viennent pas me voir pour me la demander. Elle n'est certes pas appropriée pour les textes sociétaux, notamment relatifs aux soins palliatifs ou à l'aide à mourir, nécessitant un travail de réflexion en profondeur et un cheminement individuel. En revanche, elle convient aux autres textes attendus impatiemment et consensuellement par les Français, ainsi qu'à ceux annoncés en Conseil des ministres ou par un parlementaire. Il appartient alors au Parlement d'élaborer le texte en une seule lecture et au Gouvernement de prendre les décrets d'application. Je crois qu'il faut qu'on s'y habitue.

Quant aux craintes d'un mode de travail dégradé, la procédure accélérée peut donner lieu à un examen parlementaire dans de bonnes conditions, sous réserve que les textes ne s'empilent pas pour des raisons de rattrapage. Je pense sincèrement que cela se vérifiera, car les gouvernements suivants bénéficieront du rattrapage qu'on aura effectué, parfois même au détriment de notre popularité auprès des parlementaires, estimant que l'ordre du jour est trop chargé.

En réponse aux questions de la sénatrice Anne Souyris, je propose, madame la présidente, comme règle générale, que vous nous transmettiez l'ensemble des questions des sénatrices et sénateurs, dans la mesure où nous avons convenu d'échanger sur la mise en oeuvre des lois plus régulièrement. Cette méthode nous permettra d'apporter par écrit des réponses précises sur l'état d'avancement des décrets, sans emboliser les services par les questions de 348 sénateurs. Des tableaux de suivi pourront être également mis à votre disposition.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Ce recollement peut, en effet, être effectué auprès des commissions et des groupes.

Mme Nadine Bellurot. - Madame la présidente, je souhaiterais évoquer la procédure de délégalisation. C'est un sujet que j'ai découvert récemment. C'est un très bel outil, dont la procédure est plus rapide que le temps législatif. Cette procédure permet de modifier par décret les dispositions législatives ayant un caractère réglementaire. Je vais en relayer l'information auprès de mes élus.

Mme Claire Landais, secrétaire générale. - Nous sommes en demande d'identification de dispositions législatives devant être délégalisées. Le principe consiste à repérer dans la loi des dispositions de nature réglementaire. Le Conseil constitutionnel est alors saisi pour reconnaître leur caractère réglementaire, permettant ensuite leur modification par simple décret. Cette saisine s'accompagne du projet de décret. Cette procédure n'est donc pas aussi simple qu'on peut le penser. En outre, nous veillons à ne pas surcharger l'agenda du Conseil constitutionnel en particulier lorsque celui-ci est saisi au titre de l'article 61 de la Constitution, en matière de contrôle de constitutionnalité.

Nous communiquons sur cette procédure auprès des administrations afin d'augmenter l'occurrence des délégalisations. Cet outil est utile, car il permet de progresser sur des sujets qui sont de nature réglementaire. Toutefois, pardonnez cette petite impertinence, nul besoin de délégaliser si le législateur n'empiète pas sur le champ réglementaire. J'ai été, par ailleurs, confrontée à des contestations de parlementaires considérant l'acte de délégalisation comme l'annulation de leurs travaux. Une communication de votre part sur la nature et l'utilité de cette procédure auprès des parlementaires nous aiderait, car il est mal aisé de rétrograder dans la hiérarchie des normes une disposition législative pour retravailler la matière dans le cadre d'un décret quand on a décidé de s'en saisir.

M. Patrick Mignola, ministre. - En réponse aux interrogations du sénateur Pierre - Jean Rochette, sur le sujet de la pédopornographie, nous lui transmettrons les éléments.

S'agissant des agences de l'eau, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation a indiqué que celles-ci sont des établissements publics administratifs et qu'en tant que tels elles ont vocation à appliquer la loi. Le Gouvernement va y veiller, même si c'est un véritable choix politique de la part du Sénat, qui a été appuyé par le Gouvernement, d'octroyer à certaines collectivités la faculté de transmettre leurs compétences en matière d'eau et d'assainissement.

Permettez-moi de sortir du champ de l'application des lois pour préciser que les dispositions qui sont actuellement en préparation, visant à donner le dernier mot d'arbitrage au préfet de département ou au préfet de région en cas de conflits de normes, sont de nature à régler un certain nombre de problèmes de cet ordre. En effet, plus on légifère, plus on tend à créer des conflits entre normes et entre administrations déconcentrées lors de leur application.

Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Je remercie monsieur le ministre et madame la secrétaire générale du Gouvernement pour ce débat constructif.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui sera disponible en ligne sur le site du Sénat.

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