N° 808

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 1er juillet 2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1) sur l'utilisation des aides publiques
aux
grandes entreprises et à leurs sous-traitants,

Président
M. Olivier RIETMANN,

Rapporteur
M. Fabien GAY,

Sénateurs

Tome I - Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Olivier Rietmann, président ; M. Fabien Gay, rapporteur ; Mmes Martine Berthet, Pascale Gruny, M. Thierry Cozic, Mme Laurence Harribey, M. Daniel Fargeot, Mmes Anne-Sophie Romagny, Solanges Nadille, MM. Michel Masset, Marc Laménie, Mme Antoinette Guhl, vice-présidents ; MM. Olivier Bitz, Jérôme Darras, Gilbert Favreau, Mmes Anne-Marie Nédélec, Frédérique Puissat, Évelyne Renaud-Garabedian, M. Lucien Stanzione.

L'ESSENTIEL

TRANSPARENCE ET ÉVALUATION DES AIDES PUBLIQUES
AUX ENTREPRISES : UNE ATTENTE DÉMOCRATIQUE,
UN GAGE D'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE

Le 1er juillet 2025, la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, présidée par Olivier Rietmann (Les Républicains - Haute-Saône), a adopté le rapport de Fabien Gay (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky - Seine-Saint-Denis).

Entre février et juin 2025, elle a mené 58 auditions plénières, toutes publiques et diffusées en direct, soit environ 87 heures de travaux.

Elle a entendu 33 dirigeants de grandes entreprises qui constituent les fleurons de l'économie française et internationale.

Ont également été auditionnés deux ministres en fonction, deux anciens ministres, deux présidents de conseil régional, mais aussi des personnalités qualifiées, des journalistes, des économistes, des représentants des corps de contrôle, des directions générales des ministères, les partenaires sociaux et la Commission européenne.

La commission d'enquête formule 26 propositions afin de créer « un choc de transparence » sur les données relatives aux aides, un « choc de rationalisation » des aides à tous les niveaux (européen, national et local), un « choc de responsabilisation » en matière de conditionnalité des aides et de versement des dividendes, enfin un « choc d'évaluation » afin que celle-ci devienne enfin une seconde nature pour l'administration.

Soutien à l'investissement, aide à l'apprentissage, crédit d'impôt recherche, tarifs réduits sur la taxe sur la valeur ajoutée, prêt garanti par l'État, exonérations de cotisations sociales... Plus de 2 200 dispositifs, relevant pour la plupart de la compétence de l'État, des organismes de sécurité sociale, des collectivités territoriales ou encore de l'Union européenne, sont aujourd'hui recensés.

Créée le 15 janvier 2025 à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky dans le cadre de son droit de tirage, la commission d'enquête a poursuivi trois objectifs principaux :

- établir le coût des aides publiques octroyées aux grandes entreprises, entendues comme celles employant plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial d'au moins 450 millions d'euros par an, ainsi que le coût des aides versées à leurs sous-traitants ;

- déterminer si ces aides sont correctement suivies, contrôlées et évaluées, afin de garantir la bonne utilisation des deniers publics ;

- réfléchir aux contreparties qui pourraient être imposées en termes de protection de l'emploi, lorsque des aides publiques sont versées à de grandes entreprises qui procèdent simultanément à des fermetures de site, prononcent des licenciements voire délocalisent leurs activités.

LES PRINCIPAUX CONSTATS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

I. L'ABSENCE DE DONNÉES STATISTIQUES A ENTRAVÉ LES TRAVAUX DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

A. SUR LES GRANDES ENTREPRISES

Au niveau européen, une grande entreprise emploie plus de 250 salariés, mais la directive sur le devoir de vigilance du 13 juin 2024 a introduit deux critères qui ont été retenus par la commission d'enquête : compter plus de 1 000 salariés en moyenne et réaliser un chiffre d'affaires net de plus de 450 millions d'euros au niveau mondial.

Au niveau français, en application d'un décret du 13 décembre 2008, une grande entreprise emploie 5 000 salariés ou plus et génère un chiffre d'affaires de plus de 1,5 milliard d'euros (ou un total de bilan supérieur à 2 milliards d'euros). Selon l'Insee, la France comptait 331 grandes entreprises en 2022 au sens du décret, et 1 615 entreprises employant plus de 1 000 salariés.

Faute de statistiques, il n'est pas possible aujourd'hui de connaître le nombre d'entreprises répondant aux deux critères cumulatifs retenus par la commission d'enquête, qui a donc décidé d'adopter une définition large et pragmatique de la notion de grande entreprise.

B. SUR LEURS SOUS-TRAITANTS

La notion de sous-traitance est définie dans la loi du 31 décembre 1975, applicable au droit de la construction.

La notion de sous-traitance retenue par la commission d'enquête est volontairement large car elle désigne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, qui fournissent dans un cadre contractuel une prestation à une grande entreprise qui a la qualité de donneur d'ordre.

L'Insee ne dispose pas de statistiques fines sur les sous-traitants, mais réalise des enquêtes sur les filières. La commission d'enquête constate que les dirigeants d'entreprises auditionnés ont peu évoqué leurs sous-traitants, dont ils connaissent souvent mal le nombre précis, et ignorent les aides publiques qui leur sont octroyées.

C. SUR LES AIDES PUBLIQUES QUI LEUR SONT VERSÉES

Il n'existe pas en droit interne de définition juridique transversale des aides publiques aux entreprises, ni de leur périmètre d'un point de vue économique (voir infra).

En outre, l'Insee ne dispose pas de données ventilées sur l'ensemble des aides publiques aux entreprises. En effet, les comptes de la Nation établis par l'Insee ne distinguent que deux lignes, les subventions sur la production et les aides à l'investissement, alors que les données sur les prélèvements obligatoires sont très détaillées.

Aucun tableau de bord ne permet de connaître le montant des aides publiques octroyées aux grandes entreprises, car les obligations de transparence en vigueur sont parcellaires, de portée limitée et peu opérationnelles, comme par exemple celles applicables aux aides d'État.

II. LES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES : DES DÉFINITIONS JURIDIQUES PARCELLAIRES, MAIS DES ENCADREMENTS NOMBREUX

A. UNE ABSENCE REGRETTABLE DE DÉFINITION TRANSVERSALE DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

Une aide publique à une entreprise désigne le plus souvent un soutien financier, voire un soutien non financier, accordé par une personne publique (État, collectivités territoriales, agence, opérateur, Union européenne par exemple) ou une personne assimilée (personne privée chargée d'une mission de service public) visant à modifier son comportement conformément à des objectifs de politique publique (favoriser l'investissement, l'innovation, l'emploi, l'export ou encore la transition écologique pour ne prendre que ces exemples).

Les aides sont soit conjoncturelles, soit durables ; elles peuvent faire l'objet d'une décision discrétionnaire ou être accordées automatiquement si l'entreprise remplit les conditions d'éligibilité.

Aux termes de l'article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, les aides publiques aux entreprises « revêtent la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêts, de prêts et d'avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché ».

Cette définition doit être complétée par d'autres instruments. Sans prétendre à l'exhaustivité, les aides publiques aux entreprises désignent en effet également les dépenses fiscales accordées par l'État (taux réduit d'impôt), les exonérations et allègements de cotisations sociales octroyés par la sécurité sociale, les garanties financières, les ventes de biens immobiliers à des taux inférieurs à celui du marché, ou encore les prises de participation lorsque la personne n'agit pas comme un investisseur privé normal qui recherche une rentabilité à long terme.

B. LE CADRE RIGOUREUX DES AIDES D'ÉTAT

Toute aide publique versée à une entreprise doit respecter les règles européennes sur les aides d'État, définies aux articles 107 à 109 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). La Commission européenne veille au respect de ces règles, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne.

Sont en principe incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Le TFUE prévoit cependant plusieurs tempéraments à ce principe, par exemple pour les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec), ou en cas de perturbation grave de l'économie d'un État membre.

Surtout, le règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014 permet aux États membres de mettre en oeuvre des aides sans obligation de notification préalable, sous réserve de respecter les seuils financiers et les autres règles prévues dans ce règlement. Une simple information de la Commission suffit ; elle se traduit par l'alimentation d'un tableau « Transparency Award Module » accessible au public. Environ 90 % des aides accordées par les États membres sont exonérées de notification auprès de la Commission européenne.

Enfin, sont considérées comme des aides de minimis les dispositifs dont le montant total octroyé par un État membre à une « entreprise unique » n'excède pas 300 000 euros bruts sur une période glissante de trois ans. À compter du 1er janvier 2026, les États membres devront mettre en place un registre central des aides de minimis.

C. LES AUTRES RÈGLES ENCADRANT LES AIDES

Toute aide publique aux entreprises doit respecter l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) de 1995, issu du cycle de négociation de l'Uruguay et conclu au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Une aide instituée par le législateur doit respecter les principes dégagés par le Conseil constitutionnel, comme la liberté d'entreprendre ou l'égalité devant les charges publiques.

Enfin, une aide créée par le pouvoir réglementaire peut être contestée devant le juge administratif, en invoquant par exemple des moyens tirés de sa contrariété avec la Constitution ou des principes généraux du droit.

III. PANORAMA DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

En mai 2025, le site de référence www.aides-entreprises.fr, tenu par la Chambre des métiers et de l'artisanat France, dénombrait 2 267 aides publiques aux entreprises, qui peuvent être distinguées selon leur nature, leur domaine d'intervention ou encore l'identité de leur financeur.

A. PAR NATURE

Deux tiers des aides aux entreprises sont des subventions, tandis que les avances remboursables ne représentent que 6 % des aides.

 
 

B. PAR DOMAINE D'INTERVENTION

Deux tiers des aides interviennent dans le domaine de l'économie au sens large, et 11 % seulement dans le domaine du développement durable.

 
 

C. PAR FINANCEUR

Aujourd'hui, 40 % des aides sont financées par le bloc communal, les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) étant notamment compétents pour les aides en matière d'investissement immobilier des entreprises, tandis que les régions et leurs opérateurs financent un quart des aides1(*).

 
 

IV. LA MULTIPLICATION DES PLANS SOCIAUX ET DES VERSEMENTS DE DIVIDENDES GÉNÉREUX RELANCE LE DÉBAT SUR LA CONDITIONNALITÉ DES AIDES PUBLIQUES AUX GRANDES ENTREPRISES

A. LA MULTIPLICATION DES PLANS SOCIAUX ET DES PLANS DE DÉPARTS VOLONTAIRES...

Lorsqu'une entreprise employant plus de 50 salariés envisage de licencier au moins dix salariés sur une période de trente jours pour un motif économique, elle est tenue d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), plus communément appelé plan social.

Le nombre PSE augmente continûment depuis 2022 selon les chiffres communiqués par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle : il a été multiplié par deux entre 2022 et 2024.

Dans le même temps, les plans de départs volontaires, qui n'ont de volontaires que le nom et qui peuvent être mis en place indépendamment d'un PSE, connaissent un fort regain, de même que les défaillances d'entreprises (64 000 en 2024).

B. ... CHOQUE L'OPINION SURTOUT QUAND LES ENTREPRISES ONT PERÇU DES AIDES PUBLIQUES ET VERSENT SIMULTANÉMENT DES DIVIDENDES...

Le groupe Auchan a annoncé mardi 4 novembre 2024 son intention de procéder à un PSE concernant 2 384 de ses 54 000 salariés employés en France. Le groupe a bénéficié entre 2013 et 2023 de 636 millions d'euros d'aides fiscales et de 1,3 milliard d'euros d'allègements de cotisations sociales.

Le 5 novembre 2024, le groupe Michelin a annoncé la mise en place d'un PSE concernant 1 254 salariés parmi les 19 000 collaborateurs du groupe en France. Le groupe a bénéficié d'aides publiques, notamment 32,4 millions d'exonérations de cotisations sociales en 2023 et 40,4 millions d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR) en 2024, tout en versant selon les calculs du rapporteur environ 1,4 milliard d'euros de dividendes la même année.

Le groupe ArcelorMittal a annoncé le 23 avril 2025 son intention de mettre en place un PSE qui devrait concerner près de 600 salariés parmi les 15 400 employés en France. Le groupe a versé en moyenne 200 millions d'euros de dividendes chaque année depuis dix ans au niveau mondial, alors qu'il a bénéficié en 2023 en France de 298 millions d'euros d'aides, dont 195 millions d'euros en raison du prix de l'énergie, 41 millions d'euros d'allègements de cotisations sociales et 40 millions d'euros de CIR.

Le 30 avril 2025, le fabricant de semi-conducteurs franco-italien STMicroelectronics, qui emploie 11 500 personnes en France, a annoncé un plan de départs volontaires sur trois ans concernant 1 000 postes, alors que l'entreprise a bénéficié en 2023 de 487 millions d'euros d'aides (dont 334 millions d'euros de subventions, 119 millions d'euros de crédit d'impôt recherche et 34 millions d'euros de remboursements ou allègements de cotisations). En 2023, la société a versé 212 millions d'euros de dividendes.

Le même jour, le groupe LVMH a fait part de son intention de supprimer 1 200 postes, en ne remplaçant pas les départs à la retraite notamment, dans sa filiale Moët Hennessy qui regroupe ses activités vins et spiritueux, soit plus de 12 % de ses effectifs. En 2023, les aides publiques versées à ce groupe ont atteint 275 millions d'euros, tandis que 20 % de la valeur ajoutée du groupe en 2024 (37 milliards d'euros) ont été affectés aux dividendes en 2024.

C. ... ET RELANCE LE DÉBAT SUR LE RENFORCEMENT DE LA CONDITIONNALITÉ DES AIDES AUX GRANDES ENTREPRISES

La conditionnalité regroupe deux notions distinctes : les conditions d'éligibilité et les contreparties.

Les contreparties à l'octroi d'une aide peuvent être immédiatement exigées ou à l'issue d'un délai. Elles peuvent avoir un lien direct avec l'objet de l'aide (on parle alors de contrepartie intrinsèque), ou en être dépourvues (on qualifie alors la contrepartie d'extrinsèque).

La multiplication des PSE et des plans de départs volontaires a donné lieu à un débat nourri : les aides publiques aux entreprises doivent-elles être plus strictement conditionnées en matière d'emploi, tant en amont dans les conditions d'éligibilité, qu'en aval dans les contreparties ?

Certaines aides sont déjà assorties de contreparties :

- les aides accordées dans les zones d'aide à finalité régionale incluent des clauses « anti-délocalisation » ;

- les bénéficiaires des prêts garantis par l'État (PGE) s'engageaient à ne pas distribuer de dividendes ni à racheter d'actions ;

- dans plusieurs régions comme l'Occitanie, les entreprises de taille intermédiaire qui bénéficient d'une aide régionale doivent maintenir l'emploi pendant toute la durée du projet et les cinq années qui suivent, ainsi que l'activité sur le site soutenu pendant cinq ans à compter de la fin du projet.

Le rapport de la commission d'enquête présente en annexe une étude de la division de la législation comparée du Sénat, qui indique que l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie ont assorti les aides publiques aux entreprises de plusieurs conditionnalités.

V. PLUSIEURS TENTATIVES POUR ÉTABLIR LE COÛT DES AIDES

A. LA COMMISSION D'ENQUÊTE S'EST APPUYÉE SUR LES TRAVAUX DE FRANCE STRATÉGIE, DU CLERSÉ ET DE REXECODE POUR DÉTERMINER LE MONTANT DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

Dans son rapport « Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales » publié en novembre 2020, France Stratégie propose une estimation de l'ensemble des aides publiques aux entreprises pour l'année 2019, en retenant quatre périmètres concentriques. Cet exercice d'estimation conduit à un résultat pour 2019 compris entre 223 milliards d'euros pour le périmètre le plus large et 139 milliards d'euros pour le périmètre le plus restreint.

Le Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) a publié en mai 2022 son rapport Un capitalisme sous perfusion. Mesures, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises. Ce rapport propose une évaluation alternative des aides publiques aux entreprises qui aboutit, pour l'année 2019, à un montant annuel global de 205 milliards d'euros, en adoptant un périmètre légèrement différent de celui de France Stratégie.

Dans une note du 12 juillet 2023, l'institut Rexecode a confirmé la robustesse des travaux de France Stratégie et du Clersé.

Évaluation des montants d'aides aux entreprises
par France Stratégie et le Clersé pour l'année 2019

(en milliard d'euros)

Source : Rexecode

B. LE GOUVERNEMENT N'EST PAS EN MESURE D'ACTUALISER L'ESTIMATION DE FRANCE STRATÉGIE

Dans le cadre des prérogatives que lui confère l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, le rapporteur a demandé à deux reprises au ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique d'actualiser l'évaluation de France Stratégie.

La première demande a été repoussée au motif de la charge de travail que ce travail représentait, la seconde en raison du fait que cette évaluation avait été réalisée par France Stratégie, un « organisme rattaché au Premier ministre », selon sa « propre méthodologie ».

Le rapporteur déplore cette fin de non-recevoir du ministre, qui démontre l'absence de données fines du Gouvernement sur le montant des aides publiques accordées aux entreprises.

Lors de son audition le 15 mai dernier devant la commission d'enquête, le ministre s'est borné à donner une estimation globale du coût des aides publiques aux entreprises de 150 milliards d'euros, ventilée sommairement entre les dépenses fiscales (40 milliards d'euros), les dépenses budgétaires (30 milliards d'euros) et les allègements de cotisations sociales (80 milliards d'euros).

Il en résulte qu'il est aujourd'hui impossible de déterminer avec précision le montant des aides publiques versées aux grandes entreprises, quelle que soit la définition que l'on donne à ces dernières, ainsi qu'à leurs sous-traitants.

C. LA COMMISSION D'ENQUÊTE A ÉTÉ CONTRAINTE D'ÉVALUER ELLE-MÊME LE MONTANT DES AIDES

La commission d'enquête a dû réaliser elle-même une estimation du montant des aides publiques aux entreprises pour l'année 2023, étant entendu que cette estimation n'indique qu'un ordre de grandeur compte tenu de l'indisponibilité de certaines informations.

Au sens large, les aides publiques aux entreprises atteignent au moins 211 milliards d'euros en 2023. Ont été retenues les subventions de l'État, les aides versées par Bpifrance, les dépenses fiscales et les dépenses fiscales « déclassées », ainsi que les allègements de cotisations sociales. N'ont pas été retenues en revanche les compensations pour charge de service public et les sommes assimilées.

Devraient être ajoutées à ce chiffrage, réalisé par la commission d'enquête à partir de données officielles, les aides versées aux entreprises par les régions (2 milliards d'euros par an en moyenne selon Régions de France), les aides versées par le bloc communal dont le montant n'est pas aisé à établir selon la Cour des comptes, ainsi que les aides versées par l'Union européenne en gestion indirecte (y compris la PAC), dont le montant annuel est compris entre 9 et 10 milliards d'euros selon l'Inspection générale des finances, et les aides européennes en gestion directe, difficiles à estimer selon le Secrétariat général des affaires européennes.

Estimation du montant des aides publiques aux entreprises « au sens large » en 2023

(en milliards d'euros)

Si l'on exclut les interventions financières de Bpifrance, les dépenses fiscales déclassées et les dépenses fiscales sur la TVA, l'estimation des aides publiques aux entreprises pour 2023 passe de 211 à 108 milliards d'euros.

VI. LES AIDES DOIVENT S'APPRÉCIER DANS UN CONTEXTE GLOBAL

A. LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DES ENTREPRISES SONT ÉLEVÉS POUR FINANCER NOTRE MODÈLE SOCIAL, ÉLÉMENT DE COMPÉTITIVITÉ

La majorité des personnes auditionnées par la commission d'enquête ont considéré que les aides publiques aux entreprises devaient être mises en regard des prélèvements obligatoires qui leur sont imposés.

L'institut Rexecode a réalisé une comparaison internationale à partir des prélèvements bruts des entreprises (impôts sur la production, impôts en capital, impôts sur le revenu et cotisations) et des aides perçues (subventions à la production et aides à l'investissement). Il en ressort que le prélèvement net sur les sociétés non financières françaises atteint 20 % de la valeur ajoutée brute, soit le deuxième plus élevé de l'Union européenne après la Suède (23 %).

Les prélèvements obligatoires des entreprises jouent un rôle déterminant dans le financement de notre modèle social, étant rappelé que la France est le pays de l'OCDE qui consacre la « dépense sociale » la plus importante par rapport à son PIB (35 % en 2019).

B. LE DÉFI DE LA CONCURRENCE DES ÉTATS-UNIS ET DE LA CHINE...

L'Inflation Reduction Act (IRA) : cette loi, adoptée le 16 août 2022 par le Congrès américain, est devenue un leitmotiv des auditions de la commission d'enquête, à l'aune de laquelle les aides publiques françaises apparaissent de faible montant, complexes et difficilement mobilisables.

Les investissements prévus par l'IRA ont initialement été estimés à 432 milliards de dollars sur dix ans. Ce plan peut être décomposé en trois volets : la décarbonation de l'économie, la protection de la santé et la perception de ressources nouvelles. Cette loi prévoit notamment de puissants crédits d'impôt à l'investissement et à la production. Son coût réel est actuellement impossible à établir, mais pourrait osciller, selon différents observateurs, entre 800 milliards et 1 151 milliards de dollars sur dix ans.

Quant à la Chine, elle a mis en place en 2015 un plan, Made in China 2025, visant à faire du pays une puissance industrielle en 2025, une puissance industrielle innovante en 2035 et le leader industriel et innovant du monde en 2049.

Aucune étude fiable ne permet de connaître avec précision le niveau des aides publiques chinoises. Un rapport de la Chambre du commerce américaine de 2017 évoque cependant un soutien financier par les fonds publics ou quasi-gouvernementaux au moins égal à 330 milliards de dollars.

C. L'EUROPE ACCUSE UN RETARD INQUIÉTANT DANS LA COMPÉTITION INTERNATIONALE

Comme l'a indiqué Louis Gallois lors de son audition par la commission d'enquête, « l'Europe tout entière - la France en particulier - va être prise dans un étau, entre le rouleau compresseur chinois et la pompe aspirante américaine », ajoutant que l'Europe « connaît un retard massif en matière d'innovation, que le rapport Draghi a très bien mis en exergue. »

Au niveau européen, le cadre financier pluriannuel 2021-2027 est marqué par le plan de relance « Next Generation EU » d'un montant d'environ 800 milliards d'euros (répartis à parts égales entre des prêts et des subventions).

Ces fonds européens ont alimenté le plan national de reprise et de résilience de la France, qui est doté d'un budget de 40,3 milliards d'euros en subventions uniquement.

Si les aides publiques aux entreprises sont un instrument majeur dont disposent les États membres pour améliorer la compétitivité des entreprises, ils ne peuvent à eux seuls remédier aux déséquilibres mondiaux entre puissances ni agir sur les déterminants à long terme de la croissance économique d'un État (lesquels dépendent essentiellement de l'éducation, de la formation continue, des dépenses en recherche et développement, ou encore de la qualité des infrastructures et des services publics).

VII. UN SATISFECIT GLOBAL SUR LE CONTRÔLE DES AIDES

A. LES AIDES ISSUES DES FONDS EUROPÉENS SONT EXTRÊMEMENT CONTRÔLÉES

Qu'il s'agisse des fonds européens en gestion directe par la Commission européenne, ou en gestion partagée (impliquant une collaboration entre la Commission et les autorités nationales ou locales), les aides issues des fonds européens sont très contrôlées.

En effet, en vertu de l'article 317 du TFUE, la Commission européenne exécute le budget de l'UE sous sa responsabilité, mais les États membres, dans le cadre de la gestion partagée, ont l'obligation de garantir que les fonds sont utilisés conformément aux principes de régularité et d'efficience.

Les États membres sont donc tenus de désigner des autorités compétentes pour la gestion, le contrôle et l'audit des fonds européens, comme l'Autorité nationale d'audit pour les fonds européens pour la France.

B. LES AIDES ACCORDÉES PAR LES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE SONT CONTRÔLÉES PAR L'URSSAF

De même, les aides accordées par les organismes de sécurité sociale font l'objet d'un contrôle vigilant de la part des agents de l'Urssaf, qui mènent à la fois des actions de contrôle et des actions de prévention.

Les contrôles opérés par l'Urssaf sont réalisés sur place ou sur pièces.

Parmi les redressements opérés en 2022 par l'Urssaf, les exonérations de cotisations sociales représentaient 30,6 % du total des régularisations.

C. L'ÉTAT ET SES OPÉRATEURS CONTRÔLENT SÉRIEUSEMENT LES AIDES, TANT LES SUBVENTIONS QUE LES DÉPENSES FISCALES

S'agissant du plan France 2030, les subventions ne sont versées que par étapes, après vérification que les jalons fixés dans la convention conclue entre l'entreprise et l'agence ou l'opérateur de l'État (Agence nationale de la recherche, Ademe, Bpifrance, Caisse des dépôts et consignations notamment) ont bien été réalisés.

Environ 40 000 contrôles externes sont réalisés par an par le fisc sur tous types d'impôts (y compris les dépenses fiscales), et plusieurs centaines de milliers de contrôles sont effectués en bureau.

La direction générale des finances publiques a créé la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), chargée du contrôle fiscal des grandes entreprises nationales et internationales, ainsi que de leurs filiales. À titre d'exemple, le crédit d'impôt recherche fait l'objet de plus d'un millier de contrôles chaque année pour un total de 15 000 bénéficiaires.

D. LES AIDES RÉGIONALES FONT L'OBJET D'UN CONTRÔLE VARIABLE

En application de l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), toute entité ayant bénéficié d'une subvention locale est tenue de se soumettre au contrôle des délégués de la collectivité dispensatrice.

Chaque demande de subvention est soumise à plusieurs vérifications lors du versement des acomptes ou du solde.

Toutefois, l'intensité et l'efficacité des contrôles varient d'une région à l'autre.

VIII. EN REVANCHE, LE SUIVI ET L'ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES SONT DÉFAILLANTS

A. ÉVALUER : UNE TÂCHE IMPOSSIBLE ?

La commission d'enquête ne méconnaît pas les difficultés inhérentes à toute évaluation. Un évaluateur doit en effet :

- disposer de données fiables et homogènes ;

- s'appuyer sur un contrefactuel, c'est-à-dire un groupe d'entreprises n'ayant pas bénéficié de l'aide en question (ce qui est impossible quand une mesure s'applique à toutes les entreprises) ;

- déterminer ce que les économistes appellent des « externalités » positives ou négatives, toujours délicates à identifier ;

- ne pas confondre « corrélation » et « causalité » ;

- identifier les autres facteurs entrant en ligne de compte dans un résultat, ainsi que les effets conjugués de ces facteurs.

Ces difficultés sont toutefois bien connues des économistes, et peuvent en partie être surmontées. En tout état de cause, une évaluation, même peu concluante et assortie de nombreuses précautions méthodologiques, est toujours préférable à l'absence d'évaluation, ne serait-ce qu'en raison des données rendues publiques sur le suivi du dispositif (nombre de bénéficiaires, montant moyen, localisation, taux de recours et de refus...).

B. LES AIDES EMBLÉMATIQUES FINANCÉES PAR L'ÉTAT SONT EN GÉNÉRAL ÉVALUÉES

Ces dernières années, les évaluations des aides publiques emblématiques versées par l'État aux entreprises se sont multipliées.

Ainsi, la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) le 1er janvier 2013 s'est accompagnée de l'instauration dès le 25 juillet suivant d'un comité de suivi, qui a rendu des rapports annuels sur l'évaluation de ce dispositif. France Stratégie a poursuivi ce travail d'évaluation afin de produire un rapport de synthèse.

Le comité d'évaluation du plan France Relance, adossé à France Stratégie, a rendu deux rapports intermédiaires en octobre 2021 puis en décembre 2022, avant de rendre un rapport final en janvier 2024.

Première dépense fiscale, le crédit d'impôt recherche a fait l'objet de plusieurs évaluations, notamment de la part de la Commission nationale d'évaluation des politiques publiques d'innovation (Cnepi) en 2019 et 2021. Se fondant sur une revue de dépenses réalisée par l'Inspection générale des finances en mars 2024, la commission des finances du Sénat a modifié plusieurs règles du CIR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

Les aides à l'apprentissage, profondément remaniées dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, ont été évaluées par la Cour des comptes en juillet 2023, conduisant le Gouvernement à resserrer le dispositif cette année.

C. MAIS PLUSIEURS DÉPENSES FISCALES NE SONT PAS ÉVALUÉES RÉGULIÈREMENT PAR UN ORGANISME DÉDIÉ ET SELON UNE MÉTHODOLOGIE HARMONISÉE

Selon les informations fournies par le Gouvernement à la commission d'enquête, on comptait en 2023 pas moins de 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises, pour un coût supérieur à 43 milliards d'euros en 2023, étant précisé que certaines dépenses fiscales à destination des ménages peuvent indirectement soutenir les entreprises.

Il n'appartient pas à la DGFiP, en l'état actuel des textes, d'évaluer les dépenses fiscales, mais seulement de les contrôler.

Certaines dépenses fiscales sont évaluées ponctuellement soit par la Cour des comptes en fonction de son propre programme de travail ou sur saisine du Parlement, soit par l'Inspection générale des finances ou les autres organismes compétents sur saisine du ministre.

Mais la majorité des dépenses fiscales majeures échappent à une évaluation régulière par un organisme dédié et selon une méthodologie concertée et harmonisée, à l'instar :

- du pacte Dutreil, qui joue un rôle essentiel dans la transmission des entreprises, en particulier des PME ;

- du crédit d'impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo ;

- de la taxe au tonnage pour les transporteurs maritimes (dont le coût est d'un milliard d'euros en moyenne sur la période 2015-2025) ;

- de l'IP Box (qui consiste en un impôt sur les sociétés à 10 % au lieu de 25 % pour certains actifs de propriété intellectuelle), alors que son rôle est très proche de celui du CIR.

Autrement dit, l'évaluation des aides publiques aux entreprises n'est pas devenue, loin s'en faut, une « seconde nature » pour l'administration, qui se concentre sur les activités normatives et de contrôle.

Dépenses fiscales en faveur des entreprises en 2023

(en millions d'euros)

Ministère de tutelle

Nombre de dispositifs

Coût annuel

Agriculture et souveraineté alimentaire

28

2 217

Aménagement du territoire et décentralisation

42

6 810

Armées

1

2

Culture

25

1 498

Économie, finances et souveraineté industrielle et numérique

55

7 823

Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

9

8 971

Justice

1

7

Outre-Mer

17

4 092

Services du Premier ministre (Affaires maritimes, pêche et aquaculture)

3

5 617

Sports, jeunesse et vie associative

3

141

Transition écologique, biodiversité, forêt, mer et pêche

52

5 194

Travail, santé, solidarités et familles

19

1 155

TOTAL

255

43 527

Source : Commission d'enquête, d'après les données du Gouvernement

LES 26 RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

A. UN « CHOC DE TRANSPARENCE » SUR LES DONNÉES RELATIVES AUX AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

Recommandation n° 1 - Demander à l'Insee de créer d'ici le 1er janvier 2027 un tableau détaillé et actualisé chaque année sur les aides publiques aux entreprises, en fonction de leur taille.

Fixer la nomenclature de ce tableau après concertation avec les inspections et corps de contrôle concernés, les principaux instituts d'économie et le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (ex-France Stratégie).

Assortir ce tableau de notes et explications pédagogiques afin de rendre sa lecture aisée par le public et de faciliter son utilisation par les chercheurs.

Établir un tableau sur les prélèvements obligatoires « nets » imposés aux entreprises.

Recommandation n° 2 - Créer un registre simplifié des aides publiques reçues par les grandes entreprises et des prélèvements obligatoires acquittés.

Recommandation n° 3 - Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan la mission de publier un rapport annuel comportant notamment le suivi des aides publiques versées aux grandes entreprises, aux ETI et aux PME, et de le présenter aux parlementaires, aux chefs d'entreprises et aux représentants syndicaux.

Recommandation n° 4 - Transmettre au comité social et économique (ex-comité d'entreprise), dans les entreprises où aucun accord sur les modalités de ses consultations récurrentes n'a été signé, les informations de la base de données économiques et sociales relatives aux réductions d'impôts, exonérations et réductions de cotisations sociales, ainsi que les crédits d'impôt dont bénéficie l'entreprise.

B. UN « CHOC DE RATIONALISATION » DES AIDES À TOUS LES NIVEAUX (EUROPE, NATIONAL, LOCAL)

· À tous les niveaux

Recommandation n° 5 - Rendre obligatoire la réalisation, en concertation avec les entreprises concernées, d'une étude d'impact préalable à la création de toute nouvelle aide publique aux entreprises d'un montant significatif.

Inclure dans cette étude d'impact un volet outre-mer ainsi qu'une obligation de justifier le recours à une subvention plutôt qu'à une avance remboursable.

Fixer à l'étude d'impact un horizon pluriannuel (au moins 4 ans) et le cas échéant les évolutions du niveau de l'aide afin d'assurer la prévisibilité de l'action publique.

Recommandation n° 6 - Soutenir les PME :

- en rendant obligatoire le « test PME » lors de l'élaboration des régimes juridiques des aides publiques aux entreprises d'un montant significatif et des démarches administratives correspondantes ;

- en encadrant strictement la rémunération des cabinets de conseil qui assistent ces entreprises pour élaborer leurs demandes d'aide publique, en particulier pour bénéficier du crédit d'impôt recherche.

· Au niveau européen

Recommandation n° 7 - Faire évoluer le droit européen en consacrant la catégorie des ETI et en renforçant le mécanisme d'adaptation bénéficiant aux territoires d'outre-mer.

Recommandation n° 8 - Intégrer en amont des nouvelles aides publiques aux entreprises les règles sur les aides d'État.

Demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer pour que la Commission européenne simplifie résolument ces règles.

Recommandation n° 9 - Demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer en faveur d'une simplification radicale des règles sur les fonds européens.

Mieux faire connaître ces fonds en France afin d'augmenter le taux de recours.

· Au niveau de l'État, de ses agences et opérateurs

Recommandation n° 10 - Formaliser une doctrine de recours aux aides publiques aux entreprises en fixant des critères de choix entre les différents types d'aide et en montrant l'intérêt des avances remboursables.

Désigner une direction générale au sein du ministère de l'Économie et des Finances en charge de piloter les aides publiques de l'État et de définir et appliquer cette doctrine.

Recommandation n° 11 - Créer un produit d'épargne proposé par Bpifrance ayant pour objet de mobiliser l'épargne des ménages au profit des besoins de financement des PME industrielles.

Recommandation n° 12 - Rationaliser les aides publiques aux entreprises en divisant par trois le nombre de dépenses fiscales et de subventions budgétaires aux entreprises d'ici 2030.

Recommandation n° 13 - Mettre en place un guichet unique dans chaque région, sous l'égide du préfet, pour centraliser les demandes de toutes les aides de l'État aux entreprises ainsi que celles de ses agences et opérateurs.

Imposer aux agences et opérateurs de l'État de prévoir des conditions d'éligibilité homogènes quand les aides poursuivent un même objectif.

Recommandation n° 14 - Subordonner, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, la prolongation au-delà de quatre ans d'une dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros par an à la production d'une évaluation publique, et à une simple revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil.

Recommandation n° 15 - Allonger la durée maximale de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) en la portant à dix ans.

Prévoir d'emblée une durée de remboursement de dix ans si de nouveaux PGE sont accordés.

Recommandation n° 16 - S'agissant du crédit d'impôt recherche (CIR), engager une réflexion portant sur la réduction du plafond de sous-traitance du CIR et du taux applicable, l'exclusion du dispositif de certains secteurs d'activité et la promotion de l'industrialisation en France et en Europe des procédés qui ont été découverts grâce à cette dépense fiscale.

Rendre opposable la documentation déposée par les entreprises lors de leur déclaration afin de faciliter le contrôle fiscal.

Réformer la procédure de déclaration du crédit d'impôt recherche pour disposer de données à des fins statistiques.

· Au niveau de la sécurité sociale et des collectivités territoriales

Recommandation n° 17 - Poursuivre la réflexion sur l'efficacité des allègements de cotisations sociales par secteurs d'activité.

Recommandation n° 18 - Renforcer la coordination entre les régions et l'État en matière d'aides aux entreprises, notamment en prévoyant un dialogue continu au sein d'une structure nationale.

C. UN « CHOC DE RESPONSABILISATION » DES ENTREPRISES SUR LA CONDITIONNALITÉ DES AIDES ET LE VERSEMENT DES DIVIDENDES

Recommandation n° 19 - Interdire l'octroi d'aides publiques et imposer leur remboursement aux entreprises condamnées de manière définitive pour une infraction grave ou qui ne publient pas leurs comptes.

Recommandation n° 20 Imposer le remboursement total d'une aide de l'État ou des collectivités territoriales si l'entreprise procède à une délocalisation d'un site ou d'une activité ayant justifié l'aide dans les deux années suivantes, et prévoir les autres conditions de remboursement, partiel ou total, dès l'octroi de l'aide.

Recommandation n° 21 Exclure les aides publiques du périmètre du résultat distribuable, à l'exception des exonérations et allègements de cotisations sociales.

Recommandation n° 22 - Pour des raisons d'exemplarité, inviter le groupe Michelin à rembourser la part de CICE perçue pour l'achat de six machines qui n'ont jamais été utilisées sur le site de la Roche-sur-Yon fermé en 2020 et qui ont été transférées dans d'autres établissements en Europe.

D. « UN CHOC D'ÉVALUATION » DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

Recommandation n° 23 - Fixer les conditions dans lesquelles une aide publique sera évaluée dès le moment de sa création.

Recommandation n° 24 - Compléter la documentation budgétaire en faisant figurer chaque année, dans le tome II de l'annexe relative aux « Voies et moyens » du projet de loi de finances, des indicateurs de performance rénovés pour les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses.

Recommandation n° 25 - Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) une mission d'harmonisation de la méthodologie d'évaluation des subventions puis des dépenses fiscales, en publiant des lignes directrices régulièrement actualisées.

Recommandation n° 26 - Confier au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) le soin de réaliser tous les trois ans une évaluation pour chaque dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros, et une revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

A. Un « choc de transparence » sur les données relatives aux aides publiques aux entreprises

1

Demander à l'Insee de créer d'ici le 1er janvier 2027 un tableau détaillé et actualisé chaque année sur les aides publiques aux entreprises, en fonction de leur taille.

Fixer la nomenclature de ce tableau après concertation avec les inspections et corps de contrôle concernés, les principaux instituts d'économie et le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (ex-France Stratégie).

Assortir ce tableau de notes et explications pédagogiques afin de rendre sa lecture aisée par le public et de faciliter son utilisation par les chercheurs.

Établir un tableau sur les prélèvements obligatoires « nets » imposés aux entreprises.

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

Insee

1er janvier 2027

Instruction

2

Créer un registre simplifié des aides publiques reçues par les grandes entreprises et des prélèvements obligatoires acquittés.

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

1er janvier 2026

Instruction

3

Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan la mission de publier un rapport annuel comportant notamment le suivi des aides publiques versées aux grandes entreprises, aux ETI et aux PME, et de le présenter aux parlementaires, aux chefs d'entreprises et aux représentants syndicaux.

Premier ministre

1er semestre 2027

Décret n° 2025-450 du 23 mai 2025

4

Transmettre au CSE, dans les entreprises où aucun accord sur les modalités de ses consultations récurrentes n'a été signé, les informations de la base de données économiques et sociales relatives aux réductions d'impôt, exonérations et réductions de cotisations sociales, ainsi que les crédits d'impôt dont bénéficie l'entreprise.

Gouvernement

1er semestre 2026

Décret

B. Un « choc de rationalisation » des aides à tous les niveaux (Europe, national, local)

À tous les niveaux

5

Rendre obligatoire la réalisation, en concertation avec les entreprises concernées, d'une étude d'impact préalable à la création de toute nouvelle aide publique aux entreprises d'un montant significatif.

Inclure dans cette étude d'impact un volet outre-mer ainsi qu'une obligation de justifier le recours à une subvention plutôt qu'à une avance remboursable.

Fixer à l'étude d'impact un horizon pluriannuel (au moins 4 ans) et le cas échéant les évolutions du niveau de l'aide afin d'assurer la prévisibilité de l'action publique.

Premier ministre

2e semestre 2025

Loi ou circulaire (en annexant un modèle d'étude d'impact)

6

Soutenir les PME :

- en rendant obligatoire le « test PME » lors de l'élaboration des régimes juridiques des aides publiques aux entreprises d'un montant significatif et des démarches administratives correspondantes ;

- en encadrant strictement la rémunération des cabinets de conseil qui assistent ces entreprises pour élaborer leurs demandes d'aide publique, en particulier pour bénéficier du crédit d'impôt recherche.

Toutes les personnes qui octroient des aides publiques aux entreprises

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

Immédiat

Immédiat

Loi, règlement et instruction

Règlement

Au niveau européen

7

Faire évoluer le droit européen en consacrant la catégorie des ETI et en renforçant le mécanisme d'adaptation bénéficiant aux territoires d'outre-mer.

Gouvernement

1er semestre 2026

Instruction

8

Intégrer en amont des nouvelles aides publiques aux entreprises les règles sur les aides d'État.

Demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer pour que la Commission européenne simplifie résolument ces règles.

Toutes les personnes qui octroient des aides publiques aux entreprises

Premier ministre, SGAE

Immédiat

Immédiat

Instruction et circulaire

Instruction

9

Demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer en faveur d'une simplification radicale des règles sur les fonds européens.

Mieux faire connaître ces fonds en France afin d'augmenter le taux de recours.

Premier ministre, ministre chargé de l'Europe, Représentation permanente,

SGAE

2027

Immédiat

Instruction

Instruction, circulaire

Au niveau de l'État, de ses agences et de ses opérateurs

10

Formaliser une doctrine de recours aux aides publiques aux entreprises en fixant des critères de choix entre les différents types d'aide et en montrant l'intérêt des avances remboursables.

Désigner une direction générale au sein du ministère de l'Économie et des Finances en charge de piloter les aides publiques de l'État et de définir et appliquer cette doctrine.

Premier ministre

2e semestre 2025

Arrêté du 18 décembre 2019

11

Créer un produit d'épargne proposé par Bpifrance ayant pour objet de mobiliser l'épargne des ménages au profit des besoins de financement des PME industrielles.

Bpifrance

2e semestre 2025

Produit d'épargne proposé par Bpifrance

12

Rationaliser les aides publiques aux entreprises en divisant par trois le nombre de dépenses fiscales
et de subventions budgétaires aux entreprises d'ici 2030.

Gouvernement

2e semestre 2030

Tous moyens

13

Mettre en place un guichet unique dans chaque région, sous l'égide du préfet, pour centraliser les demandes de toutes les aides de l'État aux entreprises.

Imposer aux agences et opérateurs de l'État de prévoir des conditions d'éligibilité homogènes quand les aides poursuivent un même objectif.

Gouvernement

2e semestre 2026

Décret et textes instituant les aides

14

Subordonner, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, la prolongation au-delà de quatre ans d'une dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros par an à la production d'une évaluation publique, et à une simple revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil.

Parlement, Gouvernement

2027

Loi

15

Allonger la durée maximale de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) en la portant à dix ans.

Prévoir d'emblée une durée de remboursement de dix ans si de nouveaux PGE sont accordés.

Gouvernement

2e semestre 2025

Arrêté

16

S'agissant du crédit d'impôt recherche (CIR), engager une réflexion portant sur la réduction du plafond de sous-traitance du CIR et du taux applicable, l'exclusion du dispositif de certains secteurs d'activité et la promotion de l'industrialisation en France et en Europe des procédés qui ont été découverts grâce à cette dépense fiscale.

Rendre opposable la documentation déposée par les entreprises lors de leur déclaration afin de faciliter le contrôle fiscal.

Réformer la procédure de déclaration du crédit d'impôt recherche pour disposer de données à des fins statistiques.

Gouvernement, Parlement

2e semestre 2025

Loi

Au niveau de la sécurité sociale et des collectivités territoriales

17

Poursuivre la réflexion sur l'efficacité des allègements de cotisations sociales par secteurs d'activité.

Gouvernement et Parlement

Immédiat

Rapport

18

Renforcer la coordination entre les régions et l'État en matière d'aides aux entreprises, notamment en prévoyant un dialogue continu au sein d'une structure nationale.

Gouvernement, Parlement

1er semestre 2026

Loi

C. Un « choc de responsabilisation » des entreprises sur la conditionnalité des aides
et le versement des dividendes

19

Interdire l'octroi d'aides publiques et imposer leur remboursement aux entreprises condamnées de manière définitive pour une infraction grave ou qui ne publient pas leurs comptes.

Gouvernement

Parlement

Immédiat

Loi

20

Imposer le remboursement total d'une aide de l'État ou des collectivités territoriales si l'entreprise procède à une délocalisation d'un site ou d'une activité ayant justifié l'aide dans les deux années suivantes, et prévoir les autres conditions de remboursement, partiel ou total, dès l'octroi de l'aide.

Gouvernement

Collectivités territoriales

Immédiat

Loi

21

Exclure les aides publiques du périmètre du résultat distribuable, à l'exception des exonérations et allègements de cotisations sociales.

Gouvernement et Parlement

1er semestre 2026

Loi

22

Pour des raisons d'exemplarité, inviter le groupe Michelin à rembourser la part de CICE perçue pour l'achat de six machines qui n'ont jamais été utilisées sur le site de la Roche-sur-Yon fermé en 2020 et qui ont été transférées dans d'autres établissements en Europe.

Michelin et Gouvernement

Immédiat

Instruction

D. Un « choc d'évaluation » des aides publiques aux entreprises

23

Fixer les conditions dans lesquelles une aide publique sera évaluée dès le moment de sa création.

Gouvernement, Sécurité sociale, collectivités territoriales et Parlement

Immédiat

Instruction

24

Compléter la documentation budgétaire en faisant figurer chaque année, dans le tome II de l'annexe relative aux « Voies et moyens » du projet de loi de finances, des indicateurs de performance rénovés pour les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses.

Gouvernement, Parlement

2e semestre 2026

Documentation budgétaire

25

Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) une mission d'harmonisation de la méthodologie d'évaluation des subventions puis des dépenses fiscales, en publiant des lignes directrices régulièrement actualisées.

Gouvernement, HCSP

1er semestre 2026

Tous moyens

26

Confier au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) le soin de réaliser tous les trois ans une évaluation pour chaque dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros, et une revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil.

Gouvernement

1er semestre 2026

Tous moyens

AVANT-PROPOS

Réagissant à l'annonce de la fermeture des sites Michelin de Vannes et de Cholet ainsi que d'une dizaine de magasins Auchan sur l'ensemble du territoire métropolitain, M. Michel Barnier, alors Premier ministre, a déclaré à l'Assemblée nationale le 5 novembre 2024 vouloir savoir « ce qu'on a fait dans ces groupes de l'argent public qu'on leur a donné. Je veux le savoir. Et donc nous allons poser des questions et nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé, pour en tirer les leçons ».

Cet engagement pris devant la représentation nationale est toutefois resté lettre morte : M. Éric Lombard, nommé quelques semaines plus tard ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a en effet affirmé lors de son audition le 15 mai dernier devant la commission d'enquête qu'il n'avait adressé aucune lettre de mission à l'Inspection générale des finances en ce sens.

Ainsi, « aucun compte », pour reprendre la formule de l'ancien Premier ministre, n'a été demandé à ces deux groupes, malgré l'engagement pris devant la représentation nationale.

Pourtant, l'actualité récente démontre que ces situations devraient retenir toute l'attention des responsables politiques puisque ces dernières années de grandes entreprises ont procédé à des licenciements, voire des fermetures de sites français, tout en versant des dividendes ou en procédant à des rachats d'actions malgré le versement d'aides publiques significatives. À chaque fois, ce sont des femmes et des hommes évincés, des savoir-faire perdus et des territoires impactés en raison des emplois directs et indirects détruits.

Ces agissements suscitent légitimement chez les salariés, les représentants du personnel, la population et certains élus locaux ou nationaux de l'incompréhension, un sentiment d'injustice voire de colère : comment l'argent public peut-il être versé à des entreprises qui détruisent de l'emploi ?

Ces sentiments sont renforcés quand on met en regard des sommes vertigineuses consacrées aux entreprises celles dédiées aux prestations sociales, souvent rabotées, et aux budgets des services publics, constamment menacés par les restrictions budgétaires.

C'est dans ce contexte social brûlant que le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) du Sénat a utilisé le 27 novembre 2024 son droit de tirage en vue de créer une commission d'enquête sur « l'utilisation de l'argent public par les grandes entreprises et la sous-traitance », afin que se tienne un débat public nécessaire car d'intérêt général.

Quel est le périmètre des aides publiques aux entreprises ? À combien s'élèvent-elles ? À quoi doit servir l'argent public octroyé aux entreprises ? Quelles sont les conditionnalités qui assortissent aujourd'hui ces aides ? Est-il légitime qu'elles alimentent les dividendes versés aux actionnaires ? Comment sont organisés le contrôle, le suivi et l'évaluation de ces aides ?

Si des études éparses existent, avançant parfois quelques chiffrages des aides, aucun rapport offrant un panorama général des aides publiques versées aux entreprises par l'État et ses agences, les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales et l'Union européenne, n'apporte de réponses satisfaisantes à ces questions complexes en combinant les approches juridique, économique et politique.

*

L'un des principaux objectifs de la commission d'enquête est de s'interroger sur les moyens de conditionner les aides publiques aux entreprises à des objectifs en termes d'emploi. En effet, en « octobre 2024, près de 180 plans de licenciement ont été recensés en France, représentant près de 47 272 emplois menacés ou supprimés, dont 21 191 pour la seule industrie »2(*), et la situation n'a eu de cesse de se dégrader depuis le lancement des travaux de la commission d'enquête.

Le 23 avril 2025, la société ArcelorMittal a indiqué que plus de 600 postes seront supprimés sur les sept sites de l'entité France Nord, qui comptent près de la moitié des 15 400 salariés du groupe en France.

Le 30 avril 2025, le fabricant de semi-conducteurs franco-italien STMicroelectronics, qui emploie 11 500 personnes en France, a annoncé un plan de départs volontaires sur trois ans concernant 1 000 postes.

Le même jour, le groupe LVMH a fait part de son intention de supprimer 1 200 postes dans sa filiale Moët Hennessy qui regroupe ses activités vins et spiritueux, soit plus de 12 % de ses effectifs.

Par ailleurs, des projets de restructuration ou de vente de site ont été annoncés ou sont en cours, par exemple chez Air Liquide, Airbus et Thales, chez Sanofi qui a annoncé vendre son site d'Amilly, ou bien encore dans le groupe ExxonMobil qui va céder sa plateforme de Port-Jérôme-sur-Seine, tandis que les défaillances d'entreprise atteignent un niveau alarmant.

Ainsi, quelques années après la gabegie qu'a constituée le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), l'actualité sociale fait ressurgir dans le débat public la problématique de la conditionnalité des aides publiques, ainsi que celle d'un contrôle plus strict et d'une évaluation plus poussée de ces aides.

Alors que le gouvernement cherche des pistes de financement pour réaliser, encore une fois, des économies en vue de la prochaine loi de finances, la commission d'enquête s'est interrogée sur l'opportunité de maintenir à un niveau aussi élevé les aides publiques versées aux grands groupes, notamment celles de soutien à l'emploi, alors que leur efficacité ne semble pas toujours être au rendez-vous.

Si les travaux de la commission ont accordé une importance particulière aux dispositifs d'aide à l'emploi, d'autres dispositifs d'aide en faveur de la compétitivité, de l'innovation, de la transition écologique ou de l'exportation ont également retenu l'attention des commissaires.

*

« Les aides publiques aux entreprises constituent une sorte de jungle encore vierge dans laquelle l'État lui-même hésite à s'aventurer ou s'aventure dans les hésitations. »

Cette citation de M. Alain Etchegoyen, alors commissaire au Plan, en ouverture d'un rapport de 2003 consacré aux aides publiques aux entreprises3(*), reste hélas d'actualité.

Soutien à l'investissement, aide à l'apprentissage, crédit d'impôt recherche, crédit d'impôt innovation, exonérations de cotisations patronales, tarifs réduits sur la taxe sur la valeur ajoutée, prêt garanti par l'État...

Pas moins de 2 267 dispositifs disparates, relevant de la compétence de l'État, des organismes de sécurité sociale, des collectivités territoriales ou encore de l'Union européenne, sont aujourd'hui recensés sur le site aides-entreprise.fr.

Ainsi, bien loin de présenter l'ordonnancement d'un jardin à la française, le paysage des aides publiques aux entreprises semble aujourd'hui éclaté et échapper à toute réflexion d'ensemble.

Chaque financeur veut démontrer, par la création de nouveaux dispositifs, son engagement à soutenir les entreprises et à développer l'emploi, renforcer la compétitivité, la transition écologique ou l'innovation technologique sans que soit recherchée une cohérence globale entre les différents dispositifs.

L'ambition que s'est donnée la commission d'enquête est de dresser un état des lieux de l'utilisation des aides publiques par les grands groupes et leurs sous-traitants, en accordant une importance particulière à certains secteurs d'activité : grande distribution, production automobile, industrie pharmaceutique, aérospatiale...

Des prérequis méthodologiques ont été nécessaires pour cadrer la réflexion de la commission d'enquête - non sans difficulté eu égard au délai imparti de 6 mois4(*) pour finaliser ses travaux.

En premier lieu, la définition de ce que l'on appelle « aides publiques aux entreprises » s'avère ardue, faute de contour juridique précis et de consensus entre économistes. Les périmètres varient considérablement selon le point de vue adopté, et les données restent éparses et fragmentées, tandis que celles issues des recherches universitaires sont parfois mises sur un pied d'égalité avec les analyses plus orientées d'instituts, de groupements d'intérêts et de think tank.

En deuxième lieu, le vocabulaire utilisé a parfois été source de confusion. En effet, les notions de « conditionnalité », d'« éligibilité », de « contreparties » et de « critérisation » ont été mobilisées de manière indifférenciée par certaines personnes auditionnées, ce qui a pu nuire à la clarté des débats.

En dernier lieu, et plus fondamentalement, l'absence de transparence sur les données des aides allouées aux grandes entreprises a constitué un véritable frein aux débats de fonds.

Malgré ces écueils, un constat partagé a été établi dès le début des auditions : le volume et le coût des aides publiques aux entreprises ne cessent de s'alourdir d'année en année, à rebours du budget alloué à nos services publics.

De l'ordre de 15 milliards d'euros en 2001 - en ne retenant que celles versées par l'État et les collectivités territoriales, soit 1 % du PIB français5(*) -, le montant des aides publiques aux entreprises, quelle que soit leur taille, a grimpé à 223 milliards d'euros en 2019 si l'on retient le périmètre le plus large identifié par France Stratégie, soit 9,2 % du PIB6(*).

En effet, si l'État ne s'attèle pas à mener un travail d'ampleur pour recenser, chiffrer et évaluer les dispositifs d'aides publiques, il se fait en revanche le promoteur de la multiplication de ces dispositifs, devenus tentaculaires et souvent opaques en invoquant le secret des affaires et du secret fiscal.

Il est d'ailleurs compliqué de déterminer si le flou entretenu sur la définition des aides publiques, leur diversité et leur montant provient d'une difficulté réelle de l'administration à centraliser et traiter ses données, ou s'il résulte d'une volonté du pouvoir exécutif, qui se contenterait de multiplier les dispositifs sans jamais en contrôler l'utilisation ni en évaluer systématiquement l'efficacité.

*

La commission d'enquête, dont les membres ont été nommés le 15 janvier dernier, a réalisé 58 auditions plénières, toutes publiques et diffusées en direct, soit près de 87 heures de travaux, au cours desquels 134 personnes ont été entendues.

Le programme d'audition a été structuré en trois volets, qui se sont parfois superposés.

Ont d'abord été entendus, à compter de février 2025, des personnalités qualifiées, des journalistes, des économistes, des représentants de l'inspection générale des finances, de la Cour des comptes et des directions générales concernées par les aides publiques aux entreprises, ainsi que les partenaires sociaux et la Commission européenne7(*).

Puis, à partir du 18 mars, ont été auditionnés 33 dirigeants de grandes entreprises, en privilégiant les présidents directeurs-généraux, à défaut les présidents et les directeurs généraux, afin que la parole soit la moins contrainte possible. Les entreprises concernées étaient le plus souvent privées, mais aussi parfois publiques, et opèrent sur le territoire métropolitain, tandis que d'autres sont présentes spécifiquement en outre-mer (groupes Parfait et Hayot).

Si la commission a dû faire des choix faute de temps, elle a privilégié autant que possible l'audition d'au moins deux entreprises du même secteur.

Beaucoup d'entreprises intervenant dans d'autres secteurs d'activité auraient pu être auditionnées comme Air France, Schneider Énergies, l'Oréal, Bouygues, Saint-Gobain, Véolia, Teleperformance, Dassault ou encore les grandes banques, mais le délai imparti pour finaliser les travaux de la commission d'enquête a contraint à faire des choix. Si une « saison 2 » de la commission d'enquête venait à voir le jour, une nouvelle liste d'une trentaine d'entreprises à auditionner serait envisageable.

Enfin, la commission d'enquête a entendu des responsables politiques, des ministres en fonction (M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles), d'anciens ministres (M. Arnaud Montebourg et M. Bruno Le Maire), ainsi que deux présidents de conseil régional (Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d'Occitanie, et M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France).

Le rapporteur de la commission d'enquête considère que les dirigeants des entreprises entendus se sont montrés, dans leur immense majorité, respectueux des prérogatives du Parlement, en fournissant à la commission d'enquête des réponses précises aux questions posées.

Il souhaite à cet égard souligner que le premier dirigeant auditionné, M. Florent Menegaux du groupe Michelin, a été extrêmement limpide sur les dispositifs dont bénéficie le groupe et leurs montants, et que son attitude a sans doute eu un effet d'entraînement salutaire : il aurait été compliqué pour les autres dirigeants de ne pas jouer la carte de la transparence avec un tel précédent.

Quelques dirigeants d'entreprise se sont toutefois montrés moins coopératifs, en donnant parfois l'impression de chercher à éviter les questions sur les aides publiques et en privilégiant de longs développements sur l'histoire de leur entreprise, ainsi que sur les détails techniques et les enjeux de leur production. Ce fut le cas de Sanofi, de Google, de STMicroelectronics, ou encore d'Air Liquide.

Il faut enfin relever que de nombreux dirigeants n'ont pas évoqué spontanément dans leurs propos liminaires l'ensemble des aides publiques dont bénéficie leur groupe, s'en tenant strictement aux questions transmises en amont des auditions qui n'avaient pourtant qu'un caractère indicatif.

Par exemple, le rapporteur a pris connaissance au fil des auditions du mécanisme de l'IP Box, une dépense fiscale dont bénéficient certaines entreprises qui déposent des brevets en France. Dès lors, des questions ont été systématiquement posées sur ce sujet aux dirigeants auditionnés, dont la plupart ont communiqué publiquement, lorsqu'ils en bénéficient, les montants perçus.

Le rapporteur tient à souligner que l'ensemble des dirigeants d'entreprise se sont déclarés favorables à la transparence sur le montant et l'utilisation de l'argent public : il s'agit d'un acquis à mettre à l'actif de la commission d'enquête.

Le rapporteur regrette enfin que M. François Hollande, ancien président de la République, ait refusé à deux reprises d'être auditionné par la commission d'enquête, qui souhaitait l'entendre sur les raisons qui avaient conduit à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) précité. Compte tenu de la pratique institutionnelle, l'intéressé n'était pas tenu, juridiquement parlant, de répondre favorablement à l'invitation de la commission d'enquête. Mais il faut noter que c'est la première fois, depuis la fin de son mandat, qu'il refuse de répondre à une commission d'enquête puisqu'il s'était rendu à celle de l'Assemblée nationale sur la souveraineté énergétique et à celle du Sénat sur l'entreprise TotalEnergies.

La commission d'enquête s'est assigné trois objectifs.

En premier lieu, elle a tenté d'établir un recensement des aides publiques aux grandes entreprises, entendues comme celles employant plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial d'au moins 450 millions d'euros par an, et à leurs sous-traitants, et d'en établir le coût.

En deuxième lieu, elle a examiné le ciblage des aides, les conditions d'éligibilité et les contreparties qui assortissent parfois ces aides. Les aides ciblées doivent respecter le cadre juridique très rigoureux des aides d'État, tel que défini par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La commission a réfléchi aux conditions d'éligibilité et aux contreparties qui pourraient être imposées en termes de maintien de l'emploi au sens large lorsque des aides publiques sont versées à de grandes entreprises qui procèdent ensuite à des fermetures de site, prononcent des licenciements, voire délocalisent leurs activités.

En dernier lieu, la commission a souhaité déterminer l'effectivité et la granularité du contrôle et de l'évaluation des aides publiques aux entreprises, car le Parlement doit veiller à la bonne utilisation des deniers publics conformément à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 17898(*). « Un euro versé doit être un euro justifié » : ce leitmotiv de M. Bruno Le Maire, lorsqu'il était ministre de l'Économie et des Finances, la commission d'enquête le fait sien. La commission d'enquête a ainsi distingué les notions de suivi, de contrôle et d'évaluation. Le suivi permet de disposer de données élémentaires sur un dispositif (nombre de demandes, de bénéficiaires, montant moyen alloué, répartition des bénéficiaires par taille d'entreprises...). Quant au contrôle, il permet de vérifier que l'entreprise bénéficiaire respecte les conditions d'éligibilité et le cas échéant les contreparties, alors que l'évaluation vise à apprécier l'efficacité globale et l'efficience du dispositif.

*

La commission d'enquête a permis, pour la première fois, d'entendre plusieurs dizaines de dirigeants de grandes entreprises dans l'enceinte parlementaire sur une même thématique, dressant ainsi un état des lieux sur l'utilisation des aides publiques qui leur sont accordées. Cet exercice, qui a respecté le principe du contradictoire et la diversité des points de vue, a été si inédit que plusieurs dirigeants, selon des articles de presse, auraient sollicité l'assistance de cabinets d'avocats ou de conseils en communication pour les préparer à répondre aux questions des commissaires.

Le rapporteur rappelle que le président de la commission d'enquête, M. Olivier Rietmann, a respecté scrupuleusement les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 19589(*), qui définissent les droits et obligations des commissions d'enquête, et a suivi des règles déontologiques assurant l'égalité de traitement des personnes auditionnées et garantissant le respect du contradictoire.

Alors que des critiques se sont multipliées pour tenter d'invalider l'opportunité d'entendre des dirigeants de grands groupes en commission d'enquête, le rapporteur se réjouit que les auditions aient suscité l'intérêt du public, puisqu'elles ont été fortement suivies via la chaîne Public Sénat ou sur les réseaux sociaux.

Cet engouement du public doit être souligné, alors qu'un nombre grandissant de nos concitoyens se réfugient dans l'abstention lors des élections et se détournent de la politique institutionnelle. Il vient battre en brèche les analyses de certains commentateurs, en démontrant que les sujets économiques peuvent susciter un véritable intérêt populaire.

Le rapporteur se félicite que le débat ait pu avoir lieu dans de bonnes conditions, tout en garantissant le respect du contradictoire, la liberté des échanges et des prises de parole, et en assumant qu'il puisse y avoir des désaccords entre lui et les dirigeants ou avec d'autres membres de la commission d'enquête.

Il considère que la démocratie ne souffre pas « de trop de politique », mais d'un manque de « débats posés et argumentés », qui permettent d'aller au fond des problématiques et d'en cerner finement tous les enjeux : qu'est-ce que la démocratie, sinon la dispute organisée, argumentée et respectueuse du point de vue d'autrui ?

L'audition de dirigeants des grandes entreprises était d'autant plus justifiée que certains d'entre eux, malgré leurs dénégations, interviennent régulièrement sur des questions éminemment politiques comme le financement de notre modèle de protection sociale ou des retraites, ou encore sur la guerre commerciale entre les États-Unis et l'Union européenne.

Le pouvoir de contrôle exercé par les assemblées parlementaires est à cet égard très bénéfique, puisqu'il permet de mener des travaux de manière pédagogique, permettant ainsi au plus grand nombre de s'emparer de sujets cruciaux mais rendus trop complexes par leur opacité, qu'elle soit intentionnelle ou non.

Cette commission d'enquête a donc constitué un moment de transparence d'intérêt général, compte tenu des attentes de nos concitoyens, des parlementaires et des chercheurs.

Elle a d'ailleurs conduit de nombreux salariés à écrire au rapporteur en amont des auditions pour lui indiquer que la nature, le montant et l'utilisation des aides publiques aux entreprises étaient parfois dissimulés aux élus du personnel.

Le rapporteur forme le voeu que cette commission d'enquête suscite un intérêt renouvelé et durable des salariés et de l'opinion publique sur les aides publiques aux entreprises, qui représentent le premier poste de dépenses de l'État.

*

Au terme des travaux de la commission d'enquête, le rapporteur a dressé plusieurs constats.

Tout d'abord, il n'existe pas de définition consensuelle du périmètre des aides publiques aux entreprises, ni de données chiffrées fiables et actualisées. En effet, malgré les questions précises et réitérées du rapporteur, le ministère de l'Économie et des Finances se révèle être dans l'incapacité d'actualiser le tableau élaboré par France Stratégie en 2020 sur les aides publiques aux entreprises, obligeant la commission d'enquête à réaliser elle-même cet exercice. Faute de statistiques adaptées, il est donc aujourd'hui impossible de connaître le montant précis des aides publiques versées aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Cette carence dans le suivi des aides constitue une entrave inacceptable à leur contrôle effectif par la représentation nationale, et nuit à la bonne information de nos concitoyens, qui sont en droit de connaître l'utilisation des deniers publics.

Ensuite, le pilotage des aides publiques versées par l'État est défaillant, en raison d'une multitude de directions générales impliquées et de l'absence d'une doctrine de l'État, tandis que les régions développent tous azimuts leurs propres aides, souvent redondantes avec celles octroyées par l'État.

Par ailleurs, de nombreuses personnes auditionnées ont déploré la complexité des aides, leur instabilité et l'absence de guichet unique, ce qui pénalise particulièrement les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas dotées de services juridiques étoffés.

En outre, les conditions d'éligibilité des aides et leurs éventuelles contreparties sont parfois en décalage avec la présentation politique qui en est faite par leurs promoteurs. Ainsi, les travaux de la commission d'enquête ont permis de déterminer que le CICE s'inscrivait dans une pure logique de compétitivité, en permettant aux entreprises de dégager de la trésorerie, et que les annonces sur l'emploi ne procédaient que d'effets de communication de la part du gouvernement de l'époque. En effet, aucune contrepartie en termes d'emploi n'était demandée aux entreprises bénéficiaires du dispositif. Dès lors, il était impossible en droit d'exiger de leurs bénéficiaires des efforts en termes d'emploi. Ce dispositif aura coûté, durant six années, près de 20 milliards d'euros par an, avec peu d'effets vertueux sur l'emploi, alors qu'il était censé créer un million d'emplois comme le promettait le Medef. Un rapport de France Stratégie du 17 septembre 2020 a montré que ces promesses étaient excessives : « L'effet total reste estimé à 100 000 emplois environ, ce qui est faible, rapporté au coût du CICE - de l'ordre de 18 milliards d'euros en 2016. » Plus généralement, les objectifs des différents types d'aides restent très hétérogènes, peu précis ou peu lisibles. L'emploi de termes « valises », comme ceux de « compétitivité » ou « d'innovation », alimente le flou sur les objectifs de plusieurs dispositifs.

Surtout, seuls quelques dispositifs sont assortis de contreparties en termes d'emplois, lesquelles restent le plus souvent dépourvues de règles contraignantes sur le versement de dividendes par les entreprises qui licencient, ferment des sites, voire délocalisent l'année même où elles bénéficient de soutiens publics. Il n'existe pas de conditions d'éligibilité ou de contreparties à portée transversale en matière de protection de l'emploi ou d'encadrement du versement des dividendes, seules quelques dispositions éparses étant prévues dans les textes.

De surcroît, la réglementation actuelle des aides publiques aux entreprises renforce les effets d'aubaine et d'accoutumance, de sorte que de nombreuses personnes auditionnées ont considéré qu'il ne fallait pas brutalement supprimer ces dispositifs, au risque de déstabiliser des pans entiers de l'économie. De même, des comportements contestables de la part de certaines entreprises ont pu être encouragés par le flou entourant les conditions d'éligibilité des aides.

Enfin, si les contrôles sont correctement effectués par l'administration fiscale, l'Urssaf et les autorités en charge des fonds européens, le suivi et l'évaluation des aides ne sont pas satisfaisants, en particulier pour les dépenses fiscales ou les exonérations de cotisations patronales, qui constituent une grande partie du volume de ces aides.

*

Aux termes de ses travaux, la commission d'enquête n'a pas souhaité remettre en cause le principe des aides publiques aux entreprises, considérant que la politique économique française doit disposer de leviers et d'incitations pour mettre en oeuvre ses grandes orientations stratégiques.

Elle a travaillé à proposer des améliorations des règles et pratiques actuelles, tout en tenant compte de la compétition internationale exacerbée à laquelle les entreprises sont confrontées.

Si les recommandations de la commission d'enquête sont souvent transversales et concernent tous les financeurs, cinq dispositifs ont toutefois particulièrement retenu son attention : le CICE puis les exonérations de cotisations patronales à partir de 2018, le crédit d'impôt recherche, les aides à la décarbonation et les aides à l'apprentissage et le prêt garanti par l'État.

La commission d'enquête a ainsi formulé 26 recommandations, structurées autour des quatre axes suivants qui visent à susciter :

- un « choc de transparence » des aides publiques aux entreprises, tant à l'égard du Parlement et des élus dans les entreprises, que des chercheurs et du public ;

- un « choc de rationalisation », afin de remettre les aides publiques aux entreprises sur leurs pieds et mettre en oeuvre des règles de bon sens aux niveaux national, local et européen ;

- un « choc de responsabilisation » des entreprises, en renforçant la conditionnalité des aides pour éviter notamment les délocalisations et en encadrant le versement des dividendes ;

- un « choc d'évaluation » afin que celle-ci devienne enfin une « seconde nature » pour l'administration, au même titre que ses missions d'élaboration des normes et de contrôle. Dans ce cadre, le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (ex-France Stratégie) se verrait confier un rôle central en matière d'évaluation des aides publiques aux entreprises.

I. LES AIDES PUBLIQUES AUX GRANDES ENTREPRISES ET À LEURS SOUS-TRAITANTS : UN PÉRIMÈTRE ET UN COÛT DIFFICILES À ÉTABLIR

A. LES GRANDES ENTREPRISES ET LEURS SOUS-TRAITANTS : UNE CARTOGRAPHIE DIFFICILE À ÉTABLIR DANS UN PAYS ATTACHÉ À SON MODÈLE SOCIAL ET CONFRONTÉ À UNE CONCURRENCE INTERNATIONALE FÉROCE

1. Les grandes entreprises et leurs sous-traitants : une cartographie difficile à établir
a) Les grandes entreprises : des définitions multiples, un rôle moteur dans l'économie française
(1) Des définitions multiples

Il existe plusieurs définitions des grandes entreprises comme l'a rappelé M. Sylvain Moreau, directeur des statistiques d'entreprises à l'Insee, lors de son audition le 6 février 2025.

• Au niveau européen, est qualifiée de « grande entreprise » toute entreprise employant plus de 250 salariés, autrement dit qui n'est pas une PME (petite et moyenne entreprise).

Toutefois, l'article 2 de la directive sur le devoir de vigilance prévoit que les entreprises soumises aux dispositions de ladite directive sont celles employant plus de 1 000 salariés en moyenne et réalisant un chiffre d'affaires net de plus de 450 millions d'euros au niveau mondial au cours du dernier exercice pour lequel des états financiers annuels ont été adoptés ou auraient dû l'être10(*).

C'est cette définition des grandes entreprises qu'a retenue le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky à l'origine de la création de la présente commission d'enquête11(*).

• Au niveau français, la définition des entreprises en fonction de leur taille est plus précise qu'au niveau européen.

Il résulte en effet de l'article 3 d'un décret du 13 décembre 200812(*), pris en application de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 200813(*), qu'une grande entreprise doit remplir au moins l'un de ces deux critères :

- employer 5 000 salariés ou plus ;

- générer un chiffre d'affaires de plus de 1,5 milliard d'euros ou un total de bilan supérieur à 2 milliards d'euros.

Panorama des catégories d'entreprises au sens de la loi
de modernisation de l'économie du 4 août 2008

En application de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, les catégories d'entreprises sont ainsi définies :

- les micro-entreprises occupent moins de 10 salariés et enregistrent un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros ;

- les petites et moyennes entreprises (PME) occupent moins de 250 personnes et génèrent un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ;

- les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ne remplissent pas les deux conditions prévues pour les grandes entreprises.

En 2022, on comptait selon l'Insee 4,9 millions d'entreprises dans les secteurs marchands non agricoles et non financiers, ainsi répartis :

- 4,7 millions de micro-entreprises ;

- 172 613 PME ;

- 7 205 entreprises de taille intermédiaire14(*) ;

- 331 grandes entreprises.

Compte tenu de la diversité des définitions des grandes entreprises, la commission d'enquête a retenu pendant ses travaux une approche souple et pragmatique, sans se focaliser sur le critère de 1 000 salariés.

(2) Un rôle moteur dans l'économie

Selon l'Insee, les 331 grandes entreprises au sens de la loi du 4 août 2008 concentrent 32 % de la valeur ajoutée, 28 % de l'emploi salarié et près de 60 % des exports15(*). Plus de deux tiers des grandes entreprises sont des multinationales sous contrôle français, et moins d'un tiers des implantations de multinationales sous contrôle étranger.

Lors de son audition le 6 février dernier, M. Sylvain Moreau, directeur des statistiques d'entreprises à l'Insee a indiqué qu'en retenant uniquement le critère d'un effectif supérieur à 1 000 salariés sur l'année 2022, on obtient 1 615 entreprises, représentant 46 % de l'emploi salarié total et la moitié de la valeur ajoutée nationale.

Toutefois, certains indicateurs montrent que le rôle d'entraînement des entreprises du CAC 40 sur l'économie française diminue régulièrement, dans la mesure où elles se développent surtout à l'international (75 % de leur richesse est créée hors de France)16(*). Ainsi, en 2012, les entreprises du CAC 40 comptaient 1,4 million de salariés en France (soit 7,8 % de l'emploi salarié), contre 1,2 million en 2022 (soit 5,7 % de l'emploi salarié). Dans le même temps, le nombre de salariés à l'étranger est passé de 3,1 à 4,1 millions. Logiquement, la part du chiffre d'affaires global des sociétés du CAC 40 réalisé en France est passé de 30 % en 2012 à 22,7 % en 2023.

b) Les sous-traitants : une absence de suivi statistique
(1) L'Insee et la sous-traitance

La notion de sous-traitance est issue du droit de la construction. En effet, aux termes de l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, celle-ci est définie comme « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

En pratique, la notion de sous-traitance retenue par la commission d'enquête est volontairement large car elle désigne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, qui fournissent dans un cadre contractuel une prestation à une grande entreprise qui a la qualité de donneur d'ordre. Un sous-traitant se distingue donc d'un fournisseur, qui intervient en amont du processus de fabrication.

Il est fréquent que les sous-traitants soient en situation de dépendance économique lorsqu'ils comptent un ou deux donneurs d'ordre principaux. En outre, dans les cas de sous-traitance en cascade à plusieurs niveaux, les sous-traitants en bout de chaîne accumulent les contraintes organisationnelles, dans la mesure où ils sont souvent les variables d'ajustement des processus de production.

Un sous-traitant ainsi entendu peut donc être une très petite entreprise, une petite et moyenne entreprise (PME) ou une entreprise de taille intermédiaire, voire une grande entreprise. C'est pourquoi la commission d'enquête a souhaité avoir une vision d'ensemble des aides publiques aux entreprises.

Il existe toutefois un domaine où les sous-traitants sont clairement identifiés d'un point de vue juridique, c'est celui du crédit d'impôt recherche, car l'entreprise qui en bénéficie peut réaliser des dépenses éligibles en interne ou grâce à des sous-traitants (voir infra).

La commission d'enquête constate avec regret qu'il n'existe pas de données d'ensemble sur la sous-traitance. En effet, M. Sylvain Moreau, lors de son audition du 6 février dernier, a indiqué que l'Insee dispose de « peu de données sur les liens de sous-traitance entre les entreprises » et n'a pas réalisé d'« enquêtes sur la sous-traitance » depuis un « certain temps ».

(2) Filières et emplois indirects

M. Sylvain Moreau a en revanche précisé que l'Insee conduit « assez régulièrement des enquêtes filières », qui « permettent d'étudier les liens de sous-traitance ainsi que le chiffre d'affaires et le nombre de salariés consacrés à une filière », étant rappelé que par filière il faut entendre « l'ensemble des activités qui concourent à la réalisation d'un produit ». Il a ainsi cité l'exemple de la « filière aéronautique et spatiale » et annoncé une enquête qui sera publiée cette année sur la « filière automobile », tandis qu'une réflexion est en cours sur la filière du « médicament ».

S'agissant plus précisément de la filière aérospatiale, les principales conclusions de l'enquête de l'Insee de 2020 sont les suivantes :

- elle regroupe 4 480 sociétés en France, pour un chiffre d'affaires de 186 milliards d'euros ;

- elle emploie 263 000 salariés, soit 7 % des salariés de l'industrie ;

- les activités aérospatiales représentent 57 % du chiffre d'affaires des sociétés de la filière ;

- en moyenne, une société de la filière réalise 26 % de son chiffre d'affaires avec son principal client.

S'agissant de la filière métallurgique, M. Alain Le Grix de la Salle, président d'ArcelorMittal France, a indiqué lors de son audition du 27 mars dernier que « concernant nos sous-traitants, il est complexe de fournir des chiffres précis. Néanmoins, en considérant Dunkerque, Fos et leurs satellites, nous collaborons avec environ 80 à 100 sous-traitants classés comme ETI et près de 5 000 PME. Nous n'avons pas connaissance des aides publiques perçues par ces entreprises, ces informations ne nous étant pas accessibles. »

M. Jean-Dominique Senard, président de Renault, a indiqué lors de son audition du 24 mars 2025 que la filière automobile « compte aujourd'hui 4 000 sites industriels en France et emploie directement 770 000 salariés ». Lors de son audition du 31 mars 2025, M. Jean-Philippe Imparato, directeur général Europe de Stellantis, a affirmé que son groupe compte « 600 fournisseurs sur tout le territoire » et que « la filière automobile compte sur le marché français 3 500 entreprises, soit 250 000 salariés ».

Par ailleurs, la commission d'enquête constate qu'il existe aujourd'hui 20 comités stratégiques de filières, dont la mission est de permettre un dialogue entre tous les acteurs d'une filière et l'État17(*). Chaque comité, présidé par une personnalité industrielle représentative du secteur, recense les projets structurants et prioritaires18(*).

Les auditions des dirigeants des grandes entreprises ont également permis de disposer de quelques éléments d'appréciation sur leurs sous-traitants à travers la notion plus large d'emplois indirects.

M. Alain Le Grix de la Salle, président d'ArcelorMittal France, a indiqué lors de son audition du 27 mars 2025 qu'« en termes d'impact indirect, nous estimons que pour un emploi direct, l'industrie de l'acier génère en moyenne trois emplois indirects, soit plus de 45 000 emplois en France ».

Lors de son audition du 21 mai 2025, M. Bernard Arnault, président-directeur général de LVMH, a affirmé qu'en France, « un poste créé par LVMH génère, directement ou indirectement, quatre fois plus d'emplois chez nos fournisseurs et nos sous-traitants, soit environ 160 000. Cela représente donc 200 000 personnes en France. Par ailleurs, deux tiers de l'activité et des emplois générés indirectement sont situés en dehors de l'Île-de-France. »

M. Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis, a indiqué lors de son audition du 17 juin 2025 que « chaque emploi direct chez Lactalis génère 4,4 emplois dans le reste de l'économie - un multiplicateur bien supérieur à la moyenne nationale, y compris dans le secteur de l'agroalimentaire. »

Les sous-traitants peuvent naturellement bénéficier d'aides publiques. Comme l'a indiqué M. Jean-Dominique Senard, président de Renault, lors de son audition le 24 mars 2025, un « appel à projet avait été lancé en 2021 pour soutenir la diversification des sous-traitants de l'automobile », qui avait « retenu près de 82 projets », ajoutant que « certains dispositifs, à l'instar du comité d'orientation pour la recherche automobile et mobilité (Coram), favorisent la collaboration entre les acteurs de la filière et offrent des taux d'aides bonifiés pour les petites entreprises. Les sous-traitants bénéficient par ailleurs de mesures d'accompagnement spécifiques, dont l'accélérateur PME de Bpifrance. »

De manière générale, la commission d'enquête constate que les sous-traitants ont été peu abordés par les dirigeants des entreprises auditionnés, que ceux-ci ne connaissaient pas leur nombre exact ni les aides publiques qu'ils perçoivent, dans la mesure où aucune norme juridique ne les oblige à communiquer ces informations à leurs donneurs d'ordre.

2. La singularité de l'économie française dans l'OCDE résulte de son modèle social et de ses choix politiques
a) Des Trente Glorieuses aux Trente Piteuses : le modèle social des « jours heureux » confronté à une succession de tempêtes économiques
(1) Le modèle social français issu du programme « Les jours heureux »

« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». L'alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 résume l'esprit du modèle social français : assurer à chacun les moyens de sa subsistance. Issu du programme « Les jours heureux » du Conseil national de la Résistance, le modèle social français est un héritage politique, recouvrant un spectre bien plus large que la seule protection contre les risques. Il intègre également une gouvernance paritaire, une notion élargie du service public et un financement adossé sur le travail19(*).

À la frontière entre les systèmes « bismarckien » et « beveridgien », le modèle français est qualifié de système assurantiel et solidaire20(*), c'est-à-dire qu'il ne se limite pas à une logique de prestations pour les seuls individus ayant cotisé. Il offre trois types de prestations à l'ensemble des individus :

- des assurances sociales collectives financées par des cotisations sociales (retraite, maladie, chômage) ;

- des prestations d'assistance financées par différents types de prélèvements obligatoires (prestations familiales) ;

- des services publics gratuits et universels (santé, éducation).

(2) Le modèle social français confronté aux crises

Depuis le second choc pétrolier, le modèle social français est confronté à une multitude de crises fragilisant son bon fonctionnement. Le chômage de masse, la désindustrialisation, la « smicardisation », la baisse de la natalité et le vieillissement de la population ont conduit à un déséquilibre structurel entre le niveau des cotisations sociales et les dépenses sociales. Le rôle de la désindustrialisation est à souligner car il explique 90 % de la baisse tendancielle des gains de productivité21(*), qui assuraient la soutenabilité du système. Le vieillissement de la population devrait quant à lui créer une dynamique des dépenses des administrations de la sécurité sociale, notamment des dépenses liées aux pensions de retraite et à la santé pour un coût supplémentaire de 4,9 points de PIB en 2039 par rapport à 201922(*).

La baisse du ratio entre les actifs et les inactifs, cumulée à une augmentation des dépenses sociales, a conduit progressivement à une fiscalisation des recettes de la sécurité sociale, les actifs ne pouvant pas supporter l'ensemble des dépenses. Cette fiscalisation a été d'autant plus nécessaire que la dépense sociale s'est largement universalisée, sortant d'un pur système assurantiel23(*). En 2019, moins de 50 % des recettes des administrations de la sécurité sociale provenaient des cotisations sociales24(*). La création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) en 1996 et l'affectation d'une part de la taxe sur la valeur ajoutée ont réduit la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale. C'est une mutation profonde du financement de la protection sociale français, que regrette le rapporteur à titre personnel.

b) Le modèle social français nécessite actuellement un niveau de dépenses et de prélèvements sociaux élevés

En 201925(*), au sein de l'OCDE, la France est le pays ayant la plus forte dépense sociale. Elle représente 35 % de son PIB, dont 3 points de dépenses privées26(*). Elle se situe en revanche dans la moyenne pour la part de « socialisation » de la dépense, atteignant 87,5 % contre 86 % pour l'OCDE et 92 % pour la zone euro27(*). En 2023, les dépenses publiques sociales représentaient 31,5 % du PIB, dont 11,5 points pour la santé et 14,2 points pour la vieillesse28(*).

Part de la dépense sociale dans le PIB dans l'OCDE en 2019

(en points de PIB)

Source : Commission d'enquête, d'après OCDE, « Indicateurs - Dépenses sociales », 2025

Le financement de la dépense sociale passe par trois types de ressources : les cotisations sociales, les recettes générales non fléchées et les recettes générales fléchées. Au sein de l'OCDE, en 2019, la France est le pays dont les ressources à destination de la dépense sociale sont les plus élevées.

Financement de la dépense sociale dans l'OCDE en 2019

(en points de PIB)

Source : Commission d'enquête, d'après OCDE et IZA Institute of Labor Economics, « Financing Social Protection in OECD Countries : Role and Uses of Revenu Earmking », 2024

Ce modèle social français est, en partie, supporté par les actifs, acquittant différentes formes de prélèvements et dont une partie constitue, aux yeux du rapporteur, du salaire différé. En 2023, le taux d'imposition implicite sur le travail salarié, correspondant au niveau de taxation des salaires (impôts directs, indirects, cotisations sociales de l'employeur et du salarié) est de 40 % en France, soit le 4e taux le plus élevé de l'Union européenne29(*).

Taux d'imposition implicite sur le travail salarié

(en % de la rémunération totale des salariés)

Source : Commission d'enquête, d'après Commission européenne, « Implicit Tax Rates », 2025

Lors de son audition le 17 juin dernier, M. Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis, a considéré que le coût du travail en France était « un frein à l'embauche et à la compétitivité, notamment face à nos concurrents européens » et que « les aides sociales perçues ne minorent que faiblement l'excès de charges sociales ». Il a ajouté que « pour un coût total de 100 euros pour l'entreprise, un salarié percevra 55 euros avant impôt sur le revenu (IR) en France, contre 66 euros en Allemagne, 78 euros en Italie et 84 euros aux États-Unis ».

Ce type d'argumentaire, tenu par de nombreux dirigeants d'entreprise durant les auditions, a donné lieu à de nombreux échanges avec le rapporteur, qui considère que le modèle social est un des atouts de notre compétitivité.

c) La fiscalité des grandes entreprises converge progressivement avec celle des PME

En France, la profitabilité des grandes entreprises n'est pas particulièrement supérieure à celle des petites et moyennes entreprises (PME). Les PME ont un taux de marge inférieur aux grandes entreprises mais une rentabilité financière supérieure, le taux de marge étant par ailleurs dans une dynamique de convergence depuis 201530(*).

Dans un contexte de concurrence fiscale accrue depuis les années 1980, le niveau de l'impôt sur les sociétés a fait l'objet de nombreux débats. Entre 1980 et 2019, le taux facial d'imposition des bénéfices des entreprises dans l'OCDE est passé de 40,4 % à 24,2 %31(*). Dans ce cadre, la France a décidé de réduire son taux facial d'imposition de 33,3 % en 2017 à 25 % en 202232(*), alignant ainsi le taux français sur la moyenne de l'OCDE33(*). Toutefois, ce taux n'est pas unique, la France s'est dotée d'un taux réduit à destination des PME à hauteur de 15 %, tandis que les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 7 630 000 euros paient une contribution sociale supplémentaire sur l'impôt sur les sociétés à un taux de 3,3 % après application d'un abattement de 763 000 euros par période de douze mois34(*), passant le taux à 28,3 %.

S'agissant de la répartition de l'impôt brut sur les sociétés, c'est-à-dire avant application des réductions et crédits d'impôt, il ressort que les grandes entreprises contribuent à une part significativement plus élevée de cet impôt que ne le suggère leur poids dans la valeur ajoutée totale des entreprises. Elles sont redevables de 38 % de l'IS brut, alors que leur contribution à la valeur ajoutée des entreprises en France est de 33 %, soit 5 points d'écart35(*). Toutefois, cette observation doit être nuancée par la capacité importante de ces entreprises à mobiliser des dispositifs fiscaux leur permettant de réduire substantiellement leur niveau réel d'imposition.

Le taux effectif d'imposition moyen mesure la différence entre la valeur actualisée nette d'un investissement rentable sans imposition et la valeur actualisée nette du même investissement taxé selon la législation en vigueur. La Commission européenne calcule ce taux pour les grandes entreprises. En France, il est passé de 33,4 % en 2017 à 26 % en 2022, un niveau inférieur à l'Allemagne, quasi-égal à l'Italie et se rapprochant de la moyenne de 20 % de la zone euro36(*).

En 2019, l'Institut des politiques publiques (IPP) a estimé les taux implicites d'imposition sur les bénéfices des entreprises, c'est-à-dire les taux effectivement acquittés après prise en compte des crédits et réductions d'impôt. En 2015, ce taux s'élevait, après application du crédit d'impôt recherche (CIR), à 14,6 % pour les grandes entreprises, contre 22,2 % pour les PME37(*). Lorsque l'on intègre également les effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), désormais supprimé, le taux implicite d'imposition tombait à 13,9 % pour les PME et à seulement 7,7 % pour les grandes entreprises38(*). D'après l'IPP, cette baisse marquée du taux d'imposition bénéficie essentiellement au dernier centile des entreprises les plus grandes en termes de valeur ajoutée. À l'inverse, la fiscalité implicite reste progressive pour l'ensemble des entreprises situées entre les 10 % les plus petites et les 90 % suivantes. Toutefois, il convient de noter que cette baisse rapide du taux implicite de taxation pour les très grandes entreprises se réduit entre 2005 et 2015. Comme le relève l'Institut, « cette forte hétérogénéité des taux implicites entre entreprises françaises [...] est le reflet de la complexité des règles fiscales »39(*), qui défavorise, de facto, les plus petites structures. L'étude du pôle science des données du Sénat, qui figure en annexe du présent rapport, offre des analyses complémentaires sur l'impôt sur les sociétés.

La contribution exceptionnelle sur les bénéfices

des grandes entreprises (CEBGE)

La loi de finances pour 2025 a prévu la création d'une contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés40(*). Dans un contexte de crise des finances publiques, cette surtaxe vise à accroître le rendement de l'impôt sur les sociétés. Le rendement attendu de cette contribution exceptionnelle est de 8 milliards d'euros en 2025 et 4 milliards d'euros en 202641(*).

Cette contribution exceptionnelle à destination de certaines entreprises n'est pas la première, d'autres ont été mises en place dans des contextes de crise. En 1974, face au premier choc pétrolier, le gouvernement de Jacques Chirac avait mis en place une contribution exceptionnelle de 18 % de l'impôt sur les sociétés pour une partie des entreprises42(*). En 2011, en pleine crise de la dette, le gouvernement de François Fillon avait levé une contribution exceptionnelle de 5 % assise sur l'impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, le dispositif ayant été prolongé jusqu'en 2015 avec un taux relevé à 10,7 % en 201443(*).

Le dispositif prévu à l'article 48 de la loi de finances pour 2025 concerne les redevables de l'impôt sur les sociétés dont le chiffre d'affaires réalisé en France est égal ou supérieur à 1 milliard d'euros. Cette contribution correspond à une majoration de l'impôt sur les sociétés avec des taux différents selon le chiffre d'affaires de l'entreprise et l'année d'exercice.

Au titre de l'exercice 2024, pour les sociétés ayant un chiffre d'affaires compris entre 1 et 3 milliards d'euros, cette majoration est de 5,2 points, soit une imposition de 30,2 %44(*). Les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 3 milliards d'euros verront leur taux majoré de 10,3 points, soit un taux d'impôt sur les sociétés à 35,3 %45(*). Cela correspond respectivement à une augmentation de 20,6 % et de 41,2 % de l'impôt sur les sociétés46(*).

Au titre de l'exercice 2025, pour les sociétés ayant un chiffre d'affaires compris entre 1 et 3 milliards d'euros, cette majoration est de 2,6 points, soit une imposition de 27,6 %47(*). Les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 3 milliards d'euros verront leur taux majoré de 5,2 points, soit un taux d'impôt sur les sociétés à 30,2 %48(*).

Pour atténuer les effets de seuil, des dispositifs de lissage ont été instaurés. Les entreprises dont le chiffre d'affaires se situe entre 1 et 1,1 milliard d'euros, ainsi que celles comprises entre 3 et 3,1 milliards d'euros, bénéficient ainsi d'une modulation progressive du taux de majoration49(*).

Avec cette contribution, une entreprise comme LVMH révèle que son taux d'imposition sur les sociétés passe de 28,5 % à 36,13 %50(*). Pour Safran, cette contribution représente 380 millions d'euros, comme l'a indiqué M. Olivier Andriès, président-directeur général, lors de son audition du 31 mars 2025 devant la commission d'enquête.

L'Institut Rexecode a mené un travail de synthèse visant à estimer les prélèvements nets sur les sociétés non financières, c'est-à-dire le taux moyen des prélèvements obligatoires sur la valeur ajoutée brute déduction faite des aides perçues.

En cumulé, le prélèvement net sur les sociétés non financières françaises est de 20 % de la valeur ajoutée brute, soit le deuxième plus élevé de l'Union européenne après la Suède (23 %)51(*). Ce calcul prend en compte les exonérations de cotisations sur les salaires.

Prélèvements nets sur les sociétés non financières en 2023

(en % de valeur ajoutée brute)

Source : Commission d'enquête d'après Rexecode, « Malgré les aides publiques, les prélèvements sur les entreprises restent excessifs en France », 2023

Lors de son audition le 22 avril 2025, M. Patrick Martin, président du Medef, a indiqué qu'à ses yeux il convenait non pas de parler d'« aides » aux entreprises, mais de « compensations » eu égard aux prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises françaises. Dans le même sens, M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a considéré lors de son audition du 7 mai 2025 que « la raison d'être de ces aides [publiques aux entreprises], c'est que l'État redonne d'une main ce qu'il a pris de l'autre, elles sont la conséquence de prélèvements obligatoires confiscatoires en France, parmi les plus élevés au monde ».

Le rapporteur ne partage pas l'analyse de M. Patrick Martin, qui relève de nouveaux éléments de langage de l'organisation patronale qu'il préside. Le rapporteur considère qu'il ne faut pas se focaliser sur le niveau des prélèvements obligatoires car le modèle social français offre des prestations qui ont un impact significatif sur la compétitivité de notre pays.

d) Si les prélèvements obligatoires peuvent réduire la compétitivité française, ils contribuent à une qualité de services favorable à la compétitivité hors prix du pays

La compétitivité est l'un des principaux arguments avancés pour justifier l'existence d'aides publiques aux grandes entreprises. Classiquement, la compétitivité prix, fondée sur une capacité à produire des biens et services à des prix inférieurs aux concurrents, est distinguée de la compétitivité hors prix, fondée sur la qualité et l'innovation des biens et services par rapport à leurs concurrents.

Le poids des prélèvements obligatoires en France affaiblit mécaniquement la compétitivité prix de la France, mais ceux-ci offrent en retour des services de qualité participant à la compétitivité hors prix (infrastructures de qualité52(*), système de santé robuste53(*), gratuité de l'éducation, etc.).

Malheureusement, le positionnement industriel de la France ne permet pas de mettre pleinement en avant ses qualités. L'Hexagone est spécialisé sur le milieu de gamme, l'exposant à une double tenaille : celle de la concurrence par les prix menée notamment par les pays asiatiques et celle de la concurrence par la qualité menée par les autres pays industrialisés. Fort de ce constat, le rapport Gallois de 2012 invitait la France à s'orienter sur le segment du haut de gamme, à l'instar de l'Allemagne dans le secteur automobile, et à renforcer sa compétitivité hors prix54(*). En 2020, France Stratégie constate que ce repositionnement français n'a pas eu lieu : les grandes entreprises ont fait le choix de la délocalisation plutôt que celui de l'innovation55(*).

Selon la Cour des comptes, la compétitivité française se dégrade. Au sein de la zone euro, la France est le seul pays à connaître une balance déficitaire des biens et services depuis 200656(*). En 2024, si le déficit de cette balance s'est réduit à 10,5 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, la France est le seul grand pays européen avec une balance déficitaire57(*). La France est largement déficitaire sur le commerce de biens (81 milliards d'euros) mais excédentaire sur les échanges de services (48,9 milliards d'euros)58(*). Entre 2000 et 2024, la part des exportations françaises en valeur de biens et services dans l'ensemble des exportations de la zone euro est passée de 17,5 % à 13 %59(*).

Solde des échanges de biens et services en 2019 et 2024

(en points de PIB)

Source : Commission d'enquête, d'après Rexecode, « La compétitivité française en 2024 », 2025

Selon France Stratégie, le principal facteur de la faible compétitivité française résiderait dans le niveau de la fiscalité60(*). Certains impôts de production sont considérés par la littérature économique comme ayant un effet néfaste sur la capacité d'exportation. La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), dont l'assiette est le chiffre d'affaires, a un effet en cascade : chaque étape de production est taxée, créant une taxation sur la taxation. La C3S se révèle être une subvention à l'importation et une taxation de l'exportation, expliquant 14 % du déficit manufacturier français61(*).

Concernant le coût du travail, il convient de modérer certaines affirmations sur une prétendue « surfiscalisation » du travail en France. Tout d'abord, le niveau des cotisations sociales est le reflet d'un salaire différé, mais aussi le symbole d'une exception sociale à la française, d'un modèle social solidaire comme indiqué précédemment. Ensuite, le coût du travail en France n'est pas le plus élevé de l'Union européenne. S'il se situe dans la moyenne haute, le coût horaire dans le secteur manufacturier est de 46,36 euros au troisième trimestre 2024, contre 50 euros pour l'Autriche et plus de 50 euros pour la Belgique62(*). L'Allemagne, dont l'excédent de la balance des biens et services représente 4 points de PIB, a un coût horaire du travail plus élevé que la France, aux alentours de 48,50 euros63(*). Cette comparaison indique que la faiblesse de la compétitivité française ne réside pas tant dans le niveau des salaires que dans un manque d'investissement dans l'innovation et la formation des actifs, comme l'avait souligné le rapport Gallois en 2012.

Les aides publiques aux grandes entreprises ont donc été conçues comme des outils visant à améliorer la compétitivité prix et hors prix des entreprises françaises, avec des dispositifs réduisant le coût du travail et d'autres soutenant l'innovation et la R&D. Cependant, comme l'a relevé M. Louis Gallois lors de son audition le 6 février 2025 par la commission d'enquête, il est impossible de calculer le niveau de compétitivité d'une économie.

3. Dans un contexte géopolitique tendu, les aides publiques aux entreprises jouent un rôle décisif
a) Les États-Unis : l'Inflation Reduction Act a permis une décarbonation accélérée de l'industrie américaine par des financements massifs

Les États-Unis ont mis en oeuvre à compter de 2022 l'Inflation Reduction Act (IRA). Si d'autres plans de dépenses budgétaires massives ont également été engagés outre-Atlantique pour remettre à niveau les infrastructures de transport du pays en 2021 (annexe 1) ou pour promouvoir les semi-conducteurs en 2022 (annexe 2), c'est l'IRA qui a été au centre des auditions de la commission d'enquête.

(1) Le projet avorté Build Back Better

En novembre 2021, l'administration Biden-Harris présente un plan de relance massif de l'économie américaine, dénommé Build Back Better, d'un montant de 2 270 milliards de dollars, avant d'être revu à la baisse à 1 677 milliards de dollars après son adoption à la Chambre des représentants64(*). Sur dix ans, ce plan aurait accru le déficit public de 367 milliards de dollars65(*).

Le projet Build Back Better comprenait un ensemble de dispositions environnementales et sociales, afin de relancer la croissance américaine par une réduction des inégalités sociales, notamment dans l'accès aux soins et le service public de la petite enfance, et une croissance portée par l'investissement dans la décarbonation66(*). En parallèle, il prévoyait des hausses d'impôt pour les ménages aisés et les sociétés. Le projet ne sera jamais adopté en raison de la défection de Joe Manchin, sénateur démocrate modéré de la Virginie occidentale.

(2) Le projet initial d'Inflation Reduction Act

Après l'échec du projet Build Back Better, l'administration Biden-Harris présente un nouveau dispositif visant, cette fois-ci, à réduire l'inflation, reprenant le mantra de Joe Manchin dont l'opposition avait été fatale au précédent projet. Malnommée de l'aveu de Joe Biden, l'Inflation Reduction Act (IRA) « a moins à voir avec la réduction de l'inflation qu'avec la mise en place d'alternatives énergétiques qui génèrent de la croissance économique »67(*). Cette loi vise à accélérer la décarbonation de l'économie et à réduire le reste à charge des ménages en matière de santé. Le 16 août 2022, l'IRA est adoptée par le Congrès américain.

Les investissements prévus par l'Inflation Reduction Act ont initialement été estimés à 432 milliards de dollars sur dix ans68(*). Ce plan peut être décomposé en trois volets : la décarbonation de l'économie, la protection de la santé et la perception de ressources nouvelles. Entièrement financé par une lutte contre la fraude fiscale, une taxe sur les rachats d'actions et un impôt minimal sur les sociétés, l'IRA devait réduire le déficit public de 305 milliards d'euros en dix ans69(*).

(a) Le volet climat et énergie de l'Inflation Reduction Act : des aides publiques massives, leviers d'une décarbonation de l'économie

Le volet climat et énergie, dont le montant initial de dépenses était estimé à 368 milliards de dollars70(*), puis réévalué à environ 390 milliards d'euros71(*), prévoit un ensemble d'aides publiques directes aux entreprises, mais aussi indirectes via la consommation des ménages. Il couvre un ensemble de subventions directes, de crédits bonifiés et de crédits d'impôt, en direction des ménages et des entreprises, pour la production et à l'utilisation d'énergies propres. Les crédits d'impôt peuvent être classées en trois familles72(*) : les crédits d'impôt à destination des ménages, les crédits d'impôt à l'investissement et les crédits d'impôt à la production.

Parmi les mesures à destination des ménages, figurent notamment deux crédits d'impôt pour l'achat d'un véhicule propre d'occasion ou neuf qui s'élèvent respectivement à 4 000 et 7 500 dollars sous conditions de revenus73(*). Sont également prévus des dispositifs de rénovation thermique des bâtiments mais dont les ambitions sont plus modestes avec un crédit d'impôt de 30 % et soumis à un plafond annuel de 1 200 dollars pour la pose des portes et fenêtres, et à un plafond de 2 000 dollars pour l'installation d'une pompe à chaleur ou d'un poêle à biomasse74(*). Ces crédits d'impôt visent à soutenir la demande, et indirectement les entreprises américaines. Celles-ci bénéficient de crédits d'impôt à l'investissement et la production.

En matière d'investissement, il est prévu un crédit d'impôt de 6 % à 50 % du montant investi dans l'électricité propre et jusqu'à 30 % pour les projets de décarbonation d'activités, notamment polluantes ou énergo-intensives.

S'agissant de la production, plusieurs crédits d'impôt ont été mis en place en faveur de la production d'hydrogène vert jusqu'à 3 dollars par kilogramme, de carburant renouvelable jusqu'à 1,75 dollar par gallon75(*), de composants avancés nécessaires à la transition écologique, d'électricité nucléaire jusqu'à 15 dollars par mégawattheure, ou bien encore d'électricité propre jusqu'à 30 dollars par mégawattheure. Ces crédits d'impôt ne sont pas assortis de plafond.

L'Inflation Reduction Act comprend des mesures de conditionnalité pour bénéficier de bonus, notamment sur les taux des crédits d'impôt à l'investissement. Ainsi, si le taux de base du crédit d'impôt à l'investissement dans l'électricité propre est de 6 %, celui-ci augmente à 30 % si l'entreprise se conforme au salaire prédominant local déterminé par le département du travail et si la part minimale d'apprentis est respectée (15 % des heures travaillées en 202476(*))77(*). Ce bonus est cumulable avec des bonus de 10 points en cas de respect de la clause de contenu local, d'installation sur une « zone tribale » ou à faible revenu, ou bien d'installation dans une « communauté d'énergie » (friche industrielle, régions anciennement minières ou désindustrialisées, etc.)78(*). Le taux maximum cumulé est de 50 %. Pour la production d'électricité propre, les bonus de crédits d'impôt sont les mêmes mais les augmentations sont exprimées en pourcentage et non en points de pourcentage. Il convient de relever que le crédit d'impôt à la production et celui à l'investissement dans l'électricité propre ne sont pas cumulables pour les mêmes installations79(*).

Plusieurs dispositifs contiennent des clauses de contenu local soit comme conditionnalité, soit pour obtenir des bonus. Sept crédits d'impôt sont concernés par une clause de contenu local80(*). Ainsi, en 2023, le crédit d'impôt à l'achat d'un véhicule propre neuf ou d'occasion imposait que 50 % des composants de la batterie soient produits en Amérique du Nord et que 40 % des minerais utilisés aient été extraits, produits ou recyclés aux États-Unis ou dans un pays avec lequel un traité de libre-échange est prévu, ces taux augmentant annuellement81(*). Un site du gouvernement américain précise donc la liste évolutive des véhicules éligibles82(*). De même, pour les crédits d'impôt sur l'électricité propre, un bonus de 10 points pour l'investissement et de 10 % pour la production est prévu en cas de respect de la clause de contenu local : 100 % du fer et de l'acier doivent provenir des États-Unis et une part des composants doivent avoir été extraits, produits ou assemblés aux États-Unis (40 % en 2024 pour toutes les énergies hors éolien en mer, 20 % pour l'éolien en mer)83(*).

Tableau de synthèse des principaux dispositifs de crédits d'impôt à la production et à l'investissement de l'Inflation Reduction Act

Objet

Tarif

Conditions

Avantages

Bonus tarifaires

Capture du carbone

50$/t à 85$/t

Capture de 75 % du CO2 émis

Transfert

Paiement direct

 

Hydrogène vert

0,6$/kg à 3$/kg

 

Intensité carbone

Respect des salaires locaux et taux d'apprentis

Électricité nucléaire

15$/MWh

   

Biocarburant

1$/gal
à 1,75$/gal

 

Bonus pour le biocarburant à destination de l'aviation

Composants avancés

Liste
(Dégressivité
dès 2029
fin en 2033)

   

Production, vente ou stockage de l'électricité verte

15$/MWh
à 30$/MWh

Mise en service après 2024

Émission de GES nulle ou négative

Contenu local : 10 %

Communauté d'énergie : 10 %

Zone à faibles revenus ou tribale : 10 %

Installation de capacités ou stockage d'électricité verte

6 à 50 % du montant investi (avec bonus)

Mise en service après 2024

Respect des salaires locaux et taux d'apprentis : 24 pts

Contenu local : 10 pts

Communauté d'énergie : 10 pts

Conversion bas-carbone d'activités

6 à 30 % du montant investi

Réduction de 20 % du gaz à effet de serre émis

Respect des salaires locaux et taux d'apprentis : 24 pts

Source : Commission d'enquête, d'après l'Internal Revenue Service

(b) Une transition verte sous tension : les spécificités de l'Inflation Reduction Act face à la concurrence internationale

L'Inflation Reduction Act est une politique de relance industrielle protectionniste alimentée par l'offre et la demande. La spécificité de ce programme est de remplir les carnets de commande, en stimulant la consommation des ménages et les besoins en biens intermédiaires de l'industrie via les clauses de contenu local, tout en augmentant la profitabilité des investissements et de la production par des aides directes aux entreprises.

À cet égard, les conditionnalités attachées aux crédits d'impôt ont constitué un levier central pour orienter la relance économique dans un cercle vertueux. La clause sur les salaires locaux de l'Inflation Reduction Act permet une hausse des revenus des travailleurs, qui peuvent alors consommer davantage, notamment en achetant des véhicules électriques. Ces véhicules, dont les composants sont en grande partie produits aux États-Unis, bénéficient eux-mêmes d'un soutien fiscal conditionné au respect de critères de production nationale. Ce dispositif stimule la demande et les investissements dans les filières de l'énergie propre, eux-mêmes encadrés par des exigences de contenu local, soutenant ainsi l'activité industrielle et la création d'emplois qualifiés, qui bénéficient des exigences salariales de l'Inflation Reduction Act.

L'Inflation Reduction Act se distingue également par son champ d'action. Contrairement au Green Deal européen, cette politique se concentre sur les industries déjà existantes : il n'est pas question de faire de la R&D fondamentale ou de soutenir des secteurs dont l'émergence n'est pas assurée, mais de financer la décarbonation de l'économie en misant sur des secteurs existants et dont la rentabilité de l'investissement et de la production est garantie par les crédits d'impôt84(*). D'une certaine manière, ce plan vise à reconquérir les industries de pointe perdues au début des années 2010 au profit de la Chine comme les composants de panneaux solaires, dont la part dans la production mondiale est passée de 6 % en 2005 à 70 % en 202185(*). C'est pourquoi la partie réglementaire de l'IRA est inexistante : le texte n'impose pas de contraintes pour baisser les émissions de gaz à effet de serre mais leur préfère des moyens. C'est l'inverse de la stratégie européenne86(*).

Enfin, l'Inflation Reduction Act se distingue de la logique européenne par sa simplicité et sa rapidité de déploiement. À ce titre, le choix de recourir aux crédits d'impôt et non aux subventions a été efficace. Comme le relève Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergie lors de son audition le 25 mars dernier, « l'investisseur reçoit non pas une subvention - cela prend toujours plus de temps, une subvention - mais un avantage fiscal qu'il insère dans son plan d'affaires, et cet avantage intervient à condition que les panneaux soient américains, c'est facile à contrôler »87(*). C'est ce pragmatisme américain qui fait le succès de ce plan, et ce en dépit des fortes conditionnalités imposées aux entreprises. Il y a, ici, un guichet unique qu'est l'administration fiscale. À l'inverse, les programmes européens ont multiplié les fonds et les guichets (Horizon, FRR, Modernisation Fund, RePower EU, Feder, ESIF, Just Transition Fund, Fonds de cohésion, EU ETS Innovation Fund, etc.)88(*). Ainsi, le recours au crédit d'impôt assure une simplicité via le guichet unique qu'est l'administration fiscale, offre une prévisibilité et célérité dans la perception des aides, et garantit une forme de flexibilité par la possibilité de transférer les crédits d'impôt.

De fait, s'agissant de la transférabilité des crédits d'impôt, plusieurs entreprises auditionnées ont souligné l'intérêt de pouvoir revendre les droits acquis à d'autres acteurs économiques privés, ce qui confère à ces crédits une forme de liquidité quasi immédiate. Contrairement au système français, dans lequel le crédit d'impôt peut donner lieu à un versement même en l'absence d'impôt dû, le modèle américain assimile généralement le crédit d'impôt à une simple réduction de l'impôt à payer. Dès lors, une entreprise qui ne réalise pas ou peu de bénéfices imposables risque de ne pas pouvoir tirer pleinement avantage du crédit d'impôt, d'où l'enjeu crucial de sa transférabilité89(*). Pour les entités exonérées d'impôt sur le revenu, telles que les gouvernements locaux, les organisations à but non lucratif et les administrations, le paiement direct leur permet de percevoir directement les montants correspondants de l'administration fiscale90(*).

(3) Le bilan de l'Inflation Reduction Act : un nouveau souffle économique au prix d'une dérive budgétaire

En matière économique, selon les estimations de Goldman Sachs, l'Inflation Reduction Act devrait stimuler l'investissement dans les énergies propres à hauteur de 3 000 milliards de dollars et de 9 700 milliards de dollars dans l'ensemble des infrastructures d'ici 203291(*). C'est deux fois plus que l'investissement dans la révolution du schiste. La répartition des projets financés par l'IRA respecte les grands équilibres américains : aucun territoire ne semble lésé. Le Sud attire le plus grand nombre de projets quand le Nord-Est les investissements les plus conséquents92(*). L'IRA pourrait également creuser encore davantage le différentiel de prix de l'énergie entre l'Union européenne et les États-Unis, en baissant de 10 % le prix du kilowattheure93(*). Dans les secteurs énergo-intensifs, cet avantage comparatif pourrait renforcer l'industrie américaine aux dépends de celle du Vieux continent94(*).

Sur le plan environnemental, l'Inflation Reduction Act semble remplir ses objectifs, sans avoir pourtant imposé de contraintes aux acteurs économiques. Il devrait permettre de porter la baisse des émissions de gaz à effet de serre à 42 % d'ici 2030 par rapport à 2005, soit un gain de 15 points par rapport aux projections antérieures95(*). Le coût public de la tonne de CO2 évitée s'élève à 83 dollars96(*), un niveau largement inférieur au seuil de rentabilité de 250 euros par tonne recommandé par le rapport Quinet97(*).

Si le succès économique de l'Inflation Reduction Act semble donc acquis, ses conséquences sur les finances publiques sont imprévisibles et semblent avoir été largement sous-évaluées. Moins d'un an après son adoption, les projections de dépenses liées à l'IRA ont été revues à la hausse. Cette réévaluation s'explique par le caractère illimité de nombreux crédits d'impôt, dont l'octroi dépend de la demande, ainsi que par les incertitudes entourant le rythme et l'ampleur du déploiement de décarbonation de l'économie américaine. Les capacités supplémentaires d'électrification rendues possibles par l'IRA varieraient entre 34 et 120 gigawatts par an98(*). Selon la modélisation retenue, le coût des seuls dispositifs de soutien à l'électricité propre oscille entre 160 et 320 milliards de dollars99(*).

Les révisions récentes des estimations des dépenses liées à l'Inflation Reduction Act situent leur coût entre 800 milliards et 1 151 milliards de dollars sur une période de dix ans. Cependant, cette trajectoire incontrôlée des dépenses ne signifie pas que la trajectoire du déficit le sera également : l'IRA, en intégrant des dispositifs fiscaux et en stimulant les dépenses publiques, devrait entraîner une augmentation de la croissance économique, ce qui se traduirait par une hausse des recettes fiscales. Aucune publication officielle ne permet d'établir à ce jour quel sera le solde net de l'Inflation Reduction Act.

Estimations des dépenses liées au volet climat-énergie
de l'Inflation Reduction Act

(en milliards de dollars)

Source : Commission d'enquête, d'après CBO (2022), Crédit Suisse (2022), Brookings Institute (2023), Pen Wharton University of Pennsylvania (2023), Goldman Sachs (2023)

Enfin, la logique protectionniste mise en oeuvre par l'Inflation Reduction Act a créé de vives tensions avec les partenaires économiques des États-Unis, notamment l'Union européenne. La clause du traitement national de l'article 3 du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) prévoit en effet qu'une fois passée la frontière, une importation ne peut subir un traitement plus défavorable qu'un bien domestique100(*). Or, les crédits d'impôt prévus par l'Inflation Reduction Act créent une distorsion de concurrence entre les biens domestiques et les biens étrangers, à la fois pour la consommation intermédiaire et la consommation finale. C'est pourquoi l'Union européenne a dénoncé le protectionnisme de cette politique industrielle américaine101(*).

b) Le plan Made in China 2025 : faire de la Chine le laboratoire et l'usine de pointe du monde
(1) La situation de la Chine en 2015

Le plan Made in China 2025, lancé par Xi Jinping en 2015 et renforcé par la stratégie de développement fondée sur l'innovation de 2016, est le dernier d'une longue liste ayant pour vocation de faire basculer la Chine dans l'industrie de pointe et l'autosuffisance technologique102(*). Si le plan actuel s'apparente à un plan décennal, il a un échéancier s'inscrivant sur trois décennies pour faire de la Chine une puissance industrielle en 2025, une puissance industrielle innovante en 2035 et le leader industriel et innovant du monde en 2049103(*).

Dans son rapport au 20e Congrès du Parti communiste chinois de 2022, Xi Jinping a fixé une ambition pour son pays : « concentrer les efforts sur la recherche scientifique et technologique originale et de pointe, et remporter résolument la bataille des technologies clefs et essentielles »104(*).

Lors du lancement de ce plan, le gouvernement chinois a estimé que le pays accusait un retard industriel et technologique significatif sur les pays industrialisés, et ce en dépit de son rattrapage économique. De l'aveu même des auteurs de l'étude d'impact chinoise sur le plan Made in China 2025, « la Chine est encore dans le processus d'industrialisation, et il y a encore un écart important par rapport aux pays avancés. L'industrie manufacturière est importante, mais elle n'est pas forte. La capacité d'innovation indépendante est faible, et les technologies clefs et essentielles ainsi que les équipements haut de gamme dépendent fortement des pays étrangers »105(*).

De fait, en 2013, la Chine affichait selon le cabinet McKinsey106(*) de solides performances en matière d'innovation orientée vers les consommateurs et d'optimisation des procédés industriels à bas coût mais accusait un retard dans les secteurs où la compétitivité procède d'innovations de rupture ou d'innovations incrémentales. En matière d'innovations de pointe, celle reposant sur la recherche fondamentale et appliquée comme les microprocesseurs et la biotechnologie, la Chine demeurait classée parmi les économies émergentes, se cantonnant à la réalisation des tâches techniques sous-traitées par les pays industrialisés. Ainsi, si le programme à moyen et long terme pour la science et la technologie de la Chine (2006-2020) a permis un rattrapage technologique notable dès les années 2010, la Chine restait en 2015 en retrait en matière d'innovation de rupture, et souffrait d'une part de l'État dans la recherche et développement plus faible que dans les autres grands pays développés.

(2) Un plan centralisé mais décliné localement : le « rhizome »

Le plan Made in China 2025 innove tout d'abord dans sa gouvernance. Il recentralise la politique technologique et industrielle afin d'assurer une cohérence dans la transition chinoise. Ce plan est coordonné par un groupe interministériel restreint de 26 membres et dirigé par le vice-premier ministre responsable de la planification et de la coordination macro-stratégiques. Le ministère de l'industrie et des technologies de l'information est quant à lui chargé de la mise en oeuvre de cette politique.

Made in China 2025 a imprégné et irrigué l'ensemble des politiques publiques chinoises, chaque plan d'investissement, comme le plan pour l'intelligence artificielle lancé en 2017, étant partiellement rattaché à ses objectifs. S'en est suivie une mise en réseau des politiques publiques avec une évolution de celui-ci en rhizome, dont le noeud central est Made in China 2025.

Dès son déploiement, Made in China 2025 a été décliné en une multitude de documents des administrations centrales et locales pour accompagner cette transition. Dans les deux premières années, une douzaine de documents complémentaires ont été publiés, donnant lieu à 445 textes nationaux d'application de différentes natures (circulaire, orientation, texte réglementaire, etc.) en 2018.

(3) Secteurs et méthode du plan Made in China

Made in China 2025 fixe un objectif protectionniste à la fois assumé et dissimulé : assumé dans son ambition d'autosuffisance et dissimulé dans ses moyens. Ce plan vise à découpler l'économie chinoise du monde et limiter les dépendances extérieures dans les domaines de pointe, considérés comme des éléments de la souveraineté nationale.

Made in China 2025 prévoit un investissement massif dans 10 secteurs stratégiques pour l'industrie chinoise. S'inspirant du plan allemand « Industrie 4.0 »107(*), celui-ci vise la diffusion au complexe industriel chinois des procédés de fabrication intelligente. Parmi les industries concernées, figurent la technologie de l'information, la robotique, l'aérospatial, les énergies propres, les nouveaux matériaux ou bien le ferroviaire. Ce plan peut être décliné en 7 objectifs principaux, dont le renforcement de la qualité de la production, le développement de l'innovation, l'optimisation de la structure industrielle et l'intégration des technologies de l'information dans les processus de production pour atteindre une industrie de pointe108(*).

Secteurs et sous-secteurs clefs du plan Made in China 2025

Secteurs

Sous-secteurs

Technologies de l'information

Circuits intégrés

Équipements d'information et de communication

Systèmes d'exploitation et logiciels industriels

Équipements d'information pour fabrication intelligente

Machines-outils et robots industriels

 

Aérospatial

Aéronefs

Moteurs d'avion

Équipements et systèmes aéroportés

Équipements aérospatiaux

Génie maritime

 

Ferroviaire

 

Économies d'énergie et véhicules

Véhicules économes

Voitures connectées

Voitures à énergie nouvelle

Production d'énergie et réseaux énergétiques

 

Nouveaux matériaux

Matériaux de base avancés

Matériaux stratégiques

Nouveaux matériaux de pointe

Pharmaceutique

Biomédecine

Dispositifs médicaux de haute performance

Matériel agricole

 

Source : Commission d'enquête, d'après U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful ? », 2025

En termes de méthode, ce plan s'appuie sur deux principes déjà éprouvés dans les politiques industrielles chinoises : expérimentation et flexibilité.

S'agissant de l'expérimentation, le Gouvernement central, en collaboration avec les industriels et les autorités locales, lance des projets pilotes qui, s'ils sont conclusifs, sont déployés nationalement. En 2015 et 2016, le gouvernement chinois a ainsi lancé 200 projets pilotes de fabrication intelligentes, créé des villes pilotes et des centres d'innovation manufacturière comme à Ningbo, ville portuaire. Les villes pilotes déploient des incitations fiscales, des subventions publiques, des facilités de financement, des collaborations avec le monde universitaire et des dispositifs d'attractivité à destination des talents. Sortant du cadre traditionnel des politiques publiques (bottom-top ou top-bottom), les villes pilotes tissent des relations horizontales et protéiformes avec les autorités centrales et locales, ainsi qu'avec les acteurs privés et publics, ce qui renforce leur efficacité.

S'agissant de la flexibilité, les objectifs de Made in China 2025 évoluent avec l'environnement international, les nouvelles technologies et les premiers retours du terrain. En 2018, après trois ans de mise en oeuvre du plan, la feuille de route technologique a été actualisée pour renforcer l'autosuffisance technologique, sur fond de conflit sino-américain et de tensions croissantes avec l'Occident. Cette actualisation est également l'occasion de faire de l'industrie verte et des technologies de l'information les deux piliers sectoriels de la politique industrielle chinoise

(4) Des moyens financiers difficiles à estimer mais sans doute considérables

Aucune étude fiable ne permet de connaître avec précision le niveau des aides publiques chinoises. De fait, l'intégration de ce plan dans un réseau plus global de politiques publiques rend difficile une estimation des montants en jeu, chaque programme allouant une partie de ses fonds au plan Made in China 2025.

A minima, les 800 fonds prévus pour la montée en gamme technologique des entreprises chinoises bénéficient de 2 200 milliards de yuans, soit 330 milliards de dollars109(*). Parmi les informations publiques, le fonds pour la manufacture avancée est doté de 3 milliards de dollars, tandis que le fonds pour les circuits intégrés dispose de 31 milliards de dollars110(*).

Un rapport de la Chambre du commerce américaine détaille les différentes mesures prises par le gouvernement chinois dans le cadre de Made in China 2025, afin de favoriser le développement de leurs entreprises nationales par un soutien public direct ou indirect111(*) :

- accès facilité au crédit et à l'assurance-crédit à l'exportation, encouragé par la Banque populaire de Chine112(*), pour les industries stratégiques et émergentes qui exportent, ainsi que pour les industries innovantes ;

- appui aux stratégies des entreprises chinoises d'acquisition ou de prise de parts dans des entreprises étrangères ayant développé des technologies de pointe par la mise à disposition de fonds. Dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, les offres de rachat chinoises sont passées de moins de 1 milliard d'euros en 2014 à 35 milliards en 2015113(*) ;

- création d'un répertoire de projets labellisés Made in China 2025, afin de concentrer les flux financiers des investisseurs privés ;

- incitation à la fusion de grandes entreprises pour former des mastodontes industriels via les opinions directrices émises par le Gouvernement114(*) ;

- soutien financier par les fonds publics ou quasi-gouvernementaux pour un montant dont l'estimation minimale est de 330 milliards de dollars comme indiqué précédemment.

Il est toutefois difficile de connaître avec précision les moyens mis en oeuvre dans le cadre du plan Made in China, car ils restent largement dissimulés.

(5) Un bilan globalement favorable du plan Made in China

Dans son rapport d'évaluation précité sur le plan Made in China 2025, la Chambre de commerce américaine met en avant plusieurs dynamiques dans le financement des entreprises cotées en bourse :

- le montant moyen des subventions a augmenté de 80 % entre 2015 et 2023, une croissance élevée mais inférieure à celle du PIB sur cette période, étant précisé que ces aides n'étaient pas ciblées sur les entreprises des secteurs clefs de la stratégie Made in China 2025 ;

- la dépense liée aux avantages fiscaux pour l'innovation a augmenté de 28,8 % par an en moyenne entre 2018 et 2022, la proportion d'entreprises bénéficiant de ces avantages ayant quadruplé entre 2015 et 2023, notamment du fait de la super déduction des dépenses de R&D ;

- les moyens des fonds d'orientation gouvernementaux, réunissant les acteurs privés et publics pour investir dans les entreprises visées par la politique industrielle chinoise, ont connu une croissance exponentielle sans que celle-ci puisse être quantifiée de façon fiable. Le fonds d'investissement dans l'industrie des circuits intégrés s'est vu doter de 47,5 milliards de dollars en 2024.

La mise en oeuvre du plan se heurte cependant aux difficultés liées à la décentralisation chinoise. Le marché domestique chinois n'est pas un marché intérieur unifié, des barrières non-tarifaires locales étant encore existantes. En 2023, ce sont 1 000 barrières locales qui ont été supprimées115(*). L'absence de coordination des gouvernements locaux conduit également à des duplications industrielles, certains projets similaires étant soutenus financièrement par des gouvernements locaux différents situés à quelques kilomètres. Cette possible redondance des investissements pourrait accroître le coût du plan Made in China 2025 et affecter son efficacité116(*).

(6) Focus sur trois secteurs : l'automobile, le pneumatique et les semi-conducteurs
(a) Le secteur de l'automobile

En 2018, la Chine a inscrit dans sa Constitution qu'elle était une « civilisation écologique »117(*). Ce concept, développé en 1980 par l'économiste agronome Ye Qianji, est le mantra de Xi Jinping, faisant sienne la philosophie confucienne d'équilibre vital entre l'Homme et la nature118(*). Davantage qu'une harmonie avec la nature, l'émergence de la notion de « civilisation écologique » traduit une ambition politique : faire de la Chine le leader des technologies vertes. À ce titre, la Chine, dans son plan Made in China 2025, a décliné cette bifurcation écologique autour du concept des « trois nouvelles industries », comprenant les véhicules à nouvelle énergie, les batteries de lithium-ion et les panneaux solaires119(*). Force est de constater que le plan Made in China 2025 a été un grand succès en la matière.

S'agissant des batteries, la Chine est aujourd'hui le seul acteur contrôlant l'ensemble des étapes de la fabrication, à l'exception de l'extraction de certains des matériaux essentiels120(*). Elle a, depuis les années 2000, mis en oeuvre une stratégie d'acquisition des métaux et matériaux nécessaires à la production de batteries (voir supra)121(*). Parmi les principaux métaux et minéraux nécessaires à la fabrication de batteries, la Chine contrôle ou dispose de 59 % des réserves mondiales de lithium122(*) et plus de la moitié de la production de cobalt de la République démocratique du Congo123(*). S'agissant des flux de minéraux et métaux, la Chine a importé 86,5 % de la production mondiale de lithium entre 2017 et 2022, 70 % de celle de bauxite et de nickel, et 62,6 % de celle de manganèse et de cuivre124(*). La Chine est également devenue un acteur du raffinage, transformant en moyenne 80 % des métaux des batteries de véhicules électriques125(*). Cela démontre la part majeure de la Chine dans la fabrication de batteries.

Plus en aval de la chaîne de valeur, la Chine domine également en exportant 58 % des composants de cellules et 76 % des composants de batteries lithium-ion126(*). La production domestique de véhicules électriques et le marché domestique sont également des débouchés naturels pour les batteries chinoises et pour la montée en puissance de la manufacture chinoise de batteries, d'autant plus qu'un répertoire de fournisseurs recommandés pour les batteries a été publié via le règlement sur les normes de l'industrie des batteries automobiles (2015-2019)127(*). Les chiffres confirment cette domination : en 2022, 75 % des capacités de fabrication de batteries étaient localisées en Chine128(*). Cette mainmise chinoise sur les batteries et les composants lui a permis de développer une industrie du véhicule électrique, assurant l'autonomie stratégique du pays en la matière et permettant de réduire les coûts de production des véhicules.

Les surcapacités chinoises en matière de véhicules à nouvelle énergie et de batteries permettraient à la Chine de doubler ses exportations. Les surcapacités dans ce secteur sont donc supérieures à la moyenne, la Chine ne mobilisant, en moyenne, que 74,5 % de sa capacité industrielle potentielle129(*). Cependant, la montée des barrières tarifaires et les restrictions aux exportations chinoises créent un risque de déflation pour la Chine si le marché domestique n'absorbe pas la surproduction130(*).

Pour expliquer cette poussée chinoise dans le domaine des véhicules électriques, le Center for Strategic and International Studies relève que les acteurs des véhicules à nouvelle énergie ont bénéficié de 230,9 milliards de dollars d'aides publiques entre 2009 et 2023, dont 45 milliards de dollars pour la seule année 2023131(*). Il est à noter une accélération du financement du secteur des véhicules électriques depuis 2021. Entre 2021 et 2023, les dépenses publiques vers ce secteur se sont élevées à 121,3 milliards de dollars. À titre de comparaison, l'ensemble du secteur automobile en France pèse 20 milliards d'euros de valeur ajoutée132(*). Selon Jean-Dominique Senard133(*), président de Renault, « ce soutien est probablement plus important que celui de l'IRA et a permis de planifier l'apparition d'une filière compétitive et innovante ».

Montant des aides publiques en Chine pour le secteur des véhicules
à nouvelle énergie entre 2009 et 2023

(en milliards de dollars)

Type de soutien

2009-2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Total

Remise

37,8

4,3

3,3

3,5

7,4

9,2

0

65,7

Exonération de taxes sur les ventes

10,8

7,7

6,4

6,6

16,4

30,3

39,6

117,7

Infrastructures

2,3

0,2

0,2

0,3

0,3

0,6

0,6

4,5

R&D

2

3,6

3,4

3,5

4,3

3,9

4,3

25

Marchés publics

7,8

1,6

1,4

2,9

1,7

1,8

0,8

18

Total

60,7

17,4

14,8

16,8

30,1

45,8

45,3

230,9

Part de la dépense publique dans les ventes (%)

42 %

23 %

23 %

25 %

18 %

15 %

11 %

19 %

Dépense publique par véhicule
(milliers de dollars)

-

13,8

12,3

12,3

8,5

6,6

4,7

-

Source : Commission d'enquête, d'après Center for Strategic and International Studies, « The Chinese EV Dilemma : Subsidized Yet Striking », 2024

Autre facteur ayant joué en faveur du développement des automobiles à énergie nouvelle chinoise : la mise en place d'aides à destination des consommateurs pour réduire le coût à l'achat et un investissement massif dans les points de recharge. Selon Jean-Philippe Imparato, directeur Europe de Stellantis, « la concurrence chinoise [...] est capable de créer un différentiel de prix pour un client de 5 000 à 10 000 euros par voiture, pour des véhicules qui coûtent moins de 40 000 euros »134(*). En 2022, la Chine disposait de 5,2 millions de bornes de recharge, en faisant le plus grand réseau du monde135(*).

En définitive, la part du marché automobile chinois dans le marché mondial des véhicules à nouvelle énergie est passée de 3 % à 40 % entre 2015 et 2024136(*). Les constructeurs nationaux représentaient 52 % des ventes de véhicules à énergie nouvelle en Chine en 2023, soit 17 points de plus qu'en 2020137(*). Le géant BYD représente 35 % du marché national et 15 % du marché mondial138(*). En 2023, le nombre de véhicules à énergie nouvelle vendus en Chine est de 8,1 millions, le double de l'Union européenne (2,4 millions) et des États-Unis (1,4 million) réunis139(*). Les équipementiers chinois représentent aujourd'hui 17 % du marché mondial hors Chine140(*).

(b) Le pneumatique

En France, le géant mondial du pneumatique, Michelin, a annoncé fin 2024 la fermeture de deux sites, à Cholet et Vannes, justifiant cette décision par une distorsion de concurrence avec les pneus chinois. Entre 2000 et 2023, les parts de marché mondiales des manufacturiers chinois dans le pneumatique sont passées de 5 % à 22 %141(*).

Si le géant du pneu français s'est inscrit dans une démarche de montée en gamme et de décarbonation de sa production, investissant massivement dans le projet « Empreinte », il apparaît que la concurrence chinoise bas de gamme pénètre largement le marché européen avec des prix bradés. Depuis 2021, les importations de pneumatiques économiques chinois ont augmenté de 51 %142(*). En conséquence, face à cette concurrence du bas de gamme, les ventes de pneumatiques Premium ont vu leur volume chuter de 7,2 % au cours du 1er trimestre 2025143(*), tandis que celles bas de gamme, segment sur lequel les Chinois sont très concurrentiels, ont augmenté de 12,6 % en 2024144(*).

La politique d'innovation de Michelin et de fabrication de pneumatiques bas carbone se confronte à une réalité commerciale où le prix est devenu un facteur plus déterminant que la qualité ou les conditions de production. Comme l'a relevé M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin, « il est absurde que le coût d'un pneu rechapé soit supérieur à celui d'un pneu chinois neuf ; mais c'est la réalité »145(*). Ainsi, la stratégie de compétitivité hors-prix de Michelin pour faire face à la concurrence semble atteindre ses limites en Europe, tant le différentiel de prix entre les pneumatiques est devenu béant.

Le 21 mai 2025, à la suite d'une plainte de la Coalition contre les importations non équitables de pneumatiques, la Commission européenne a ouvert une enquête antidumping sur les importations de pneumatiques chinois VL (véhicules légers) et VUL (véhicules utilitaires légers)146(*). S'appuyant sur le rapport de la Commission européenne relatif aux distorsions de concurrence avec la Chine, le plaignant a dénoncé des distorsions de concurrence de l'aval (pétrochimie, textile) à l'amont (voitures) de la chaîne de production. La plainte accuse notamment la Chine d'avoir instauré une TVA à l'exportation sur les matières premières, qui représentent 17 % du coût de production d'un pneumatique en moyenne147(*), et ce afin de renforcer la compétitivité prix des pneus chinois. Dans cette plainte, la Coalition demande des mesures antidumping à hauteur du dumping constaté, soit des barrières douanières de 165 %148(*).

En application de l'article 6 du règlement (UE) 2016/1036 modifié, l'enquête antidumping sera menée dans un délai d'un an, voire 14 mois, soit plusieurs mois après la fermeture des sites de Cholet et de Vannes.

(c) Les semi-conducteurs

Si la part de la Chine dans les capacités de production mondiale de semi-conducteurs est passée de 1 % en 1995 à 15 % en 2015149(*), le géant asiatique reste dépendant des pays étrangers. En 2022, la Chine ne produisait que 15 % de ses besoins en semi-conducteurs, rendant hors de portée son objectif d'une autosuffisance à hauteur de 75 % en 2025150(*).

Le retard chinois sur les semi-conducteurs de nouvelle génération

Dans un rapport de 2022, Sinolinks Securities, entreprise financière chinoise, décortique les vulnérabilités chinoises en matière électronique. Selon elle, la Chine aura des difficultés majeures à remplacer ses importations par une production domestique de semi-conducteurs de pointe. Le taux de localisation de la production de puces mémoire de pointe, de CPU/GPU avancés et de microcontrôleurs sont respectivement de 2 %, 5 % et 5 %151(*). La substitution par une production domestique de ces biens est considérée comme « très difficile » par les auteurs du rapport en raison du faible taux de localisation des équipements de base à ces produits, d'une méconnaissance de l'architecture du noyau des puces à processus avancé, mais aussi d'une absence de technicité des fonderies chinoises152(*), notamment au niveau des noeuds avancés153(*).

La politique agressive chinoise a conduit les pays en pointe sur les semi-conducteurs à bloquer les transferts de technologie à l'égard de la Chine, à relocaliser leur production154(*), mais aussi à limiter la qualité des exportations vers la Chine155(*). Un blocus invisible s'est formé, afin de ne pas offrir au géant asiatique un nouveau secteur stratégique. Ainsi, la lenteur du processus d'apprentissage chinois est explicable par les mesures de restriction prises par les Américains, les Européens et les puissances asiatiques (Japon, Corée du Sud, Taïwan)156(*).

Si la Chine réussit à accroître son taux d'autosuffisance ou ses parts dans la production mondiale de semi-conducteurs, cela passera par la production de semi-conducteurs d'ancienne génération. Les semi-conducteurs de nouvelle génération semblent encore hors de portée des capacités de production chinoises157(*). Ainsi, sur le marché des puces utilisées pour l'intelligence artificielle (IA), Nvidia continue de dominer le marché chinois avec ses puces H20 face à Huawei et ses puces Ascend 910B et 910C, alors même que le modèle H20 a été bridé pour répondre aux restrictions américaines à l'exportation158(*). Pire, l'amélioration des puces chinoises est plus lente que celle des puces étrangères. En 2025, l'amélioration du rendement de l'Ascend 910C sera de 20 à 40 % contre 60 % pour les puces IA des entreprises étrangères de pointe159(*).

c) Face au rouleau compresseur chinois et à la pompe aspirante américaine, une Union européenne en plein décrochage

Dans son rapport de 2024, l'ancien gouverneur de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, tire la sonnette d'alarme : l'économie européenne décroche dangereusement face à la Chine et aux États-Unis. Cette situation est paradoxale tant l'environnement européen est propice à un haut niveau de compétitivité : économie ouverte, haut degré de concurrence, niveau de développement élevé, faibles inégalités sociales160(*).

Pourtant, l'Europe décroche, freinée par un manque de compétitivité, une faiblesse en matière d'innovation et le vieillissement de sa population. L'Union européenne ne bénéficie plus ni d'une croissance intensive, fondée sur les gains de productivité, ni d'une croissance extensive, reposant sur l'augmentation des facteurs de production. Entre 2002 et 2015, le PIB européen en parité de pouvoir d'achat (PPA) est passé d'un niveau supérieur de 4 % à celui des États-Unis à un niveau inférieur de 12 %. Sur la même période, l'écart de PIB par habitant en PPA entre les deux rives de l'Atlantique s'est creusé, passant de 31 % à 34 % en faveur des États-Unis. Ce décrochage s'explique notamment par une croissance annuelle moyenne de seulement 1,4 % en Europe, contre 2 % outre-Atlantique. En outre, 72 % de l'écart de PIB par habitant en PPA est explicable par un différentiel de productivité entre l'Europe et les États-Unis.

L'Union européenne est particulièrement exposée à la concurrence de ses partenaires commerciaux du fait de la grande ouverture de son marché intérieur. Comme indiqué précédemment, la Chine, dans une logique d'intégration verticale, et les États-Unis, dans une optique de relocalisation des industries de pointe, subventionnent largement leur industrie, créant des distorsions de concurrence avec les acteurs économiques européens, dont les portes de leur marché restent ouvertes. Or, comme l'a relevé M. Jean-Philippe Imparato, directeur général Europe de Stellantis, lors de son audition le 31 mars dernier par la commission d'enquête, « ce ne sont pas les droits de douane qui vont empêcher les entreprises chinoises de s'installer sur notre marché : [...] les mesures de rétorsion chinoises seraient telles qu'un certain nombre d'États membres rechigneront à instaurer ces droits de douane, empêchant l'unanimité ».

L'Europe commence cependant à s'armer pour se défendre. En effet, lors de son audition le 14 mai 2025, M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, a indiqué que pendant très longtemps, aucune règle européenne « ne permettait de contrôler les aides que des États tiers versaient à des entreprises » opérant dans le marché intérieur. Ce « vide » a été comblé récemment avec le règlement (UE) 2022/2560 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur. Entré en vigueur le 12 juillet 2023, ce texte impose aux groupes internationaux d'identifier et de qualifier les contributions financières dont ils bénéficient à travers le monde. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes par la direction générale de la concurrence sur ce fondement.

Au-delà de la vulnérabilité de l'Europe résultant des règles de son marché intérieur, le décrochage européen s'explique par deux facteurs principaux : le coût prohibitif de l'énergie et une incapacité à proposer des innovations de rupture.

(1) Un prix de l'énergie prohibitif qui pénalise les industries énergo-intensives

Les prix de l'énergie pour les industriels constituent l'un des principaux facteurs du décrochage économique de l'Europe. En 2023, ces prix demeuraient nettement plus élevés qu'en Chine et aux États-Unis, avec des écarts particulièrement marqués. Par rapport à la Chine, les coûts pour les industriels européens étaient supérieurs d'environ 150 % pour l'électricité et de 50 % pour le gaz. L'écart était encore plus important vis-à-vis des États-Unis : les industriels européens payaient l'électricité et le gaz respectivement 158 % et 345 % plus cher que leurs homologues américains.

Source : Mario Draghi, « The future of European Competitiveness », 2024

Cette situation résulte de facteurs conjoncturels et structurels.

D'un point de vue conjoncturel, la guerre en Ukraine a conduit l'Europe à réduire son approvisionnement en gaz russe, ressource bon marché. Entre 2021 et 2024, la part du gaz russe dans les importations de gaz européennes est passée de 45 % à 19 % et devrait être réduite à néant d'ici 2027161(*). Par substitution, les pays européens ont diversifié leurs fournisseurs et acheté du gaz naturel liquéfié, plus onéreux par nature et bénéficiant d'un contexte général d'envolée des cours. Les mécanismes de calcul du prix de l'électricité, que le rapporteur critique depuis de nombreuses années, ont ensuite pris le relai et fait exploser le prix de l'électricité162(*).

D'un point de vue plus structurel, l'Europe est mal dotée en ressources fossiles dont elle est dépendante et a peu exploré la piste du gaz de schiste pour des raisons environnementales. Les taxes, redevances et contributions sont un autre facteur explicatif du prix élevé du gaz et de l'électricité en Europe. En 2022, elles représentaient 200 milliards d'euros, dont 40 milliards d'euros pour les industriels. Si on exclut les coûts liés à l'intensité carbone de la production électrique, les coûts de production de l'électricité représentaient seulement 65 % du prix payé par les industriels, le reliquat se répartissant à parts égales entre les frais de réseau et les taxes. Aux États-Unis, il n'existe pas de taxe fédérale sur le gaz ou l'électricité.

Les énergies énergo-intensives,
symboles d'une Europe en décrochage

Les industries énergo-intensives représentent 16 % de la valeur ajoutée brute de l'industrie manufacturière et 2 % du PIB européen. Parmi elles, les quatre principaux secteurs sont la chimie, la métallurgie, les minéraux non métalliques et le papier. Elles garantissent une indépendance stratégique sur des produits critiques (pesticides, aluminium, etc.).

La compétitivité de ce secteur s'érode face aux géants américain, chinois et indien, dont l'industrie est largement subventionnée et protégée (voir supra). Les surcapacités asiatiques, le protectionnisme et les clauses de contenu local américains, les normes environnementales et le coût de l'énergie européens sont autant de freins à l'essor de ce secteur. Entre le premier trimestre 2021 et le quatrième trimestre de 2023, la production des quatre principales industries énergo-intensives s'est contractée de 12 %.

Ces industries sont particulièrement polluantes et représentent 19 % des émissions de gaz à effet de serre des entreprises européennes et 68 % de celles de l'industrie manufacturière. La réduction de leur empreinte carbone se heurte à la complexité de leurs processus de production, qui nécessitent des apports énergétiques conséquents. Une décarbonation de leur secteur nécessite de lourds investissements en R&D, mais également en infrastructures, à la fois pour le secteur public et pour le secteur privé. À titre d'exemples, les investissements nécessaires à la décarbonation du seul secteur de l'acier en Europe sont estimés à 100 milliards d'euros entre 2031 et 2040 ; ce chiffre atteint 340 milliards d'euros si l'on y inclut les trois autres secteurs susmentionnés.

Les objectifs environnementaux ambitieux de l'Union européenne créent des difficultés pour ce secteur face à la concurrence étrangère, en exigeant un investissement initial massif sans garantie d'amortissement. Le rapport Draghi souligne que ces investissements sont rarement rentables et qu'ils font l'objet de peu d'analyses économiques approfondies. Comme l'a relevé M. Alain Le Grix de la Salle, président-directeur général d'ArcelorMittal France, lors de son audition le 27 mars 2025, « les clients n'acceptent pas actuellement de payer plus pour de l'acier décarboné, rendant difficile l'établissement d'un modèle économique viable sans aide ».

En 2030, le prix d'une tonne d'acier « vert » européen pourrait excéder de 100 euros celui observé aux États-Unis ou en Arabie Saoudite. Par ailleurs, le renouvellement prématuré du capital fixe, dont la durée de vie moyenne est de 30 à 40 ans, représenterait une charge financière considérable, à moins d'un soutien public massif. Actuellement, la mise à disposition gratuite de quotas suffit à répondre aux besoins du secteur mais leur disparition d'ici 2035 pourrait avoir des conséquences désastreuses.

Les prix de l'énergie sont la deuxième faiblesse de l'industrie énergo-intensive européenne. L'énergie représente 9 % du coût de la production voire 15 % si on inclut l'énergie contenue dans les consommations intermédiaires. Les prix de l'énergie européens sont largement supérieurs à ceux de la Chine et des États-Unis (voir supra). Pendant la crise énergétique, l'augmentation des coûts de production pour ces industries a été de l'ordre de 20 à 25 %, conduisant à une chute de la production européenne.

Troisième frein pour les industries énergo-intensives : les distorsions de concurrence. Les barrières tarifaires et non tarifaires américaines représentent un surcoût de 4 % pour le fer et l'acier, et de 7 % pour les autres métaux. La Chine et l'Inde jouent quant à elles sur différents facteurs afin de renforcer leur industrie énergo-intensive : faiblesse des normes environnementales, restrictions à l'entrée sur le marché, main-d'oeuvre bon marché, surinvestissement dans le capital fixe. Tous ces éléments ont permis aux deux géants asiatiques de constituer des surcapacités de production afin de baisser les prix et inonder les marchés mondiaux, sans que la concurrence étrangère puisse s'aligner financièrement. Ainsi, dans le secteur de l'acier, les coûts de production sont 20 % supérieurs en Europe à ceux de la Chine et 25 % supérieurs à ceux de l'Inde.

Comme l'a résumé M. Alain Le Grix de la Salle, président-directeur général d'ArcelorMittal France, lors de son audition le 27 mars 2025, le secteur de l'acier européen connaît une crise sans précédent : « Le principal risque concerne les flux d'acier qui étaient importés par les États-Unis et qui vont devoir trouver d'autres débouchés. Comme tous les pays se protègent, l'Europe se trouve très exposée ». L'absence de protection de l'Union européenne pourrait achever l'ensemble de toutes les industries énergo-intensives, après l'effondrement de la sidérurgie européenne.

C'est pourquoi M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie et des Finances, a plaidé, lors de son audition le 7 mai 2025, pour l'établissement de « barrières tarifaires » en Europe en matière d'acier et une « protection commerciale au niveau européen via des tarifs commerciaux ou des mesures de sauvegarde » sur le modèle des mesures mises en oeuvre à l'encontre des véhicules électriques chinois : « La seule mesure efficace et qui doit être prise tout de suite, c'est une limitation drastique des contingents d'acier chinois sur le marché européen : stop à l'acier chinois ! ».

(2) Des innovations insuffisantes

Le rapport Draghi met également en lumière l'absence de coordination des politiques publiques au sein de l'Union européenne : cette allocation inefficiente des ressources freine l'émergence de l'innovation. Les politiques nationales en matière d'aides d'État (voir infra), en se développant de manière isolée, compromettent l'efficacité collective : elles génèrent des redondances dans les financements entre États membres et ne permettent pas la constitution de synergies industrielles à l'échelle européenne, telles que celles observées lors de la création d'Airbus. Cette fragmentation se manifeste également dans les dispositifs de soutien à l'innovation et dans les politiques industrielles, caractérisées par la coexistence de multiples guichets de financement répartis entre les niveaux européen, national et local. Cette complexité administrative nuit à l'accès des entreprises aux dispositifs existants et limite la constitution de fonds européens structurés, susceptibles d'orienter des capitaux vers des priorités stratégiques communes. Elle freine ainsi l'essor de l'innovation de rupture. Par ailleurs, une politique industrielle cohérente implique une approche multidimensionnelle : lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, sécurisation des chaînes d'approvisionnement, soutien à la production nationale, incitations à l'innovation, et fiscalité adaptée. Or, en raison de sa gouvernance actuelle, l'Union européenne ne dispose pas des moyens institutionnels pour coordonner efficacement l'ensemble de ces leviers.

La capacité d'innovation européenne accuse un net ralentissement sur la dernière décennie : la convergence amorcée avec les États-Unis depuis les années 2000 stagne, tandis que la Chine s'est rapprochée des performances européennes en la matière. L'Union européenne est déclassée dans toutes les innovations liées aux technologies de l'information et des communications (intelligence artificielle, internet, cybersécurité, quantique, cloud). Pire, les secteurs dans lesquelles elle était pionnière sont en train de basculer progressivement dans les bras de la Chine. Entre 2016 et 2021, l'Europe a produit 30 % des inventions vertes du monde contre 19 % pour les États-Unis et 13 % pour la Chine, mais l'Europe est rattrapée dans ce domaine par cette dernière du fait de sa stratégie Made in China 2025 (voir supra).

Le niveau technologique de la Chine, des États-Unis et de l'Union européenne dans les technologies numériques et vertes (2019-2022)

Note : Sur l'axe des ordonnées, les technologies sont classées par ordre croissant de complexité ou d'avancement technologique, les transports verts étant la technologie la moins complexe et l'internet des objets la technologie la plus complexe. Sur l'axe des abscisses, les pays sont classés selon leur capacité à acquérir un avantage comparatif sur une technologie particulière, en fonction de l'étroitesse de ses liens avec d'autres technologies dans lesquelles le pays est déjà fort. L'innovation étant en rhizome, il est considéré que l'avancée technologique dans une spécialisation peut conduire à une avancée dans une autre en lien avec la première. La taille des bulles est proportionnée à la spécialisation déjà réalisée par un État dans une technologie : plus la bulle est grosse, plus la spécialisée est avancée. Il s'agit d'une mesure de l'avantage comparatif révélé, qui reflète la force concurrentielle dans le domaine.

Source : Mario Draghi, « The future of European Competitiveness », 2024

Ce retard européen est le produit de plusieurs facteurs.

Tout d'abord, l'Europe n'a pas su créer un tissu entrepreneurial et industriel solide dans les nouveaux secteurs d'innovations (communications, technologies vertes, quantique, IA). Au contraire, elle s'est concentrée sur ses précédents champs d'expertise, mais dont l'intensité en R&D est moyenne voire faible (automobile, sidérurgie, services). La liste des principaux investisseurs en R&D européens démontre cette tendance. Cette situation a éloigné progressivement l'Europe de la frontière technologique plutôt que de la mettre en position de la repousser.

En parallèle, les start-up européennes connaissent une crise de croissance : elles ne parviennent pas à obtenir les financements nécessaires pour passer le stade de la viabilité. En dépit d'un nombre similaires de start-up créées chaque année des deux côtés de l'Atlantique, seules 8 % des licornes sont européennes, 66 % sont américaines et 26 % chinoises.

Source des dépenses intérieures brutes en R&D en 2024

(en % de PIB)

Source : Commission d'enquête, d'après Mario Draghi, « The future of European Competitiveness », 2024

Enfin et surtout, la dépense publique en R&D est trop faible et n'est pas ciblée sur les priorités de l'Union. Elle s'élève à 2,3 % du PIB de l'Union en 2021, contre 3,5 % aux États-Unis. En outre, sur 0,74 % de PIB de dépenses publiques en R&D dans l'Union, 0,69 point provient des budgets nationaux et 0,05 du budget de l'Union. Chaque pays membre dispose de sa propre politique en la matière, et aucune règle n'oblige un État membre à suivre tous les objectifs de l'Union.

(3) Le Green Deal européen : une réponse au volontarisme américain et chinois ?

Le Green Deal, ou Pacte vert européen, est un paquet législatif, c'est-à-dire un ensemble de directives et de règlements, qui a constitué une mesure phare du premier mandat de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Présenté en décembre 2019, il a pour objectif de faire de l'Europe le premier continent neutre en carbone d'ici 2050, et de concrétiser ainsi les engagements internationaux pris par les États membres conformément à l'Accord de Paris de 2015.

Le Pacte vert européen repose sur une stratégie de transition verte de l'industrie européenne, afin de faire de la décarbonation des activités industrielles une source de croissance et de compétitivité pour l'UE. L'objectif du Pacte vert est donc d'allier durabilité et croissance économique. Le Pacte se présente comme la feuille de route de l'Union européenne fixant les objectifs en termes de neutralité carbone et il comprend plusieurs législations européennes d'envergure, comme :

- le Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » (ou « Fit for 55 » en anglais) qui pose comme objectif intermédiaire la réduction en 2030 des émissions de gaz à effet de serre de l'UE d'au moins 55 % par rapport à 1990, et qui comprend :

o la réforme du Système d'échange de quotas d'émission carbone de l'UE (SEQE-UE)163(*) prévoyant entre autres un élargissement des domaines couverts ;

o le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières164(*) (MACF), avec l'objectif de réduire les risques de fuite de carbone165(*) dans le cadre de la politique de décarbonation de l'UE en introduisant une « taxe carbone » ;

- le règlement pour une industrie zéro émission166(*) qui vise à accélérer le développement et la compétitivité des industries et technologies propres dans l'UE ;

- la réforme du marché européen de l'électricité167(*) pour accentuer l'électrification de l'économie européenne ;

- le plan « REPowerEU »168(*) qui vise à démultiplier le déploiement des énergies renouvelables en fixant un seuil minimum de 42,5 % de ces énergies dans le mix énergétique européen d'ici 2030 ;

- le règlement sur les matières critiques169(*) qui a pour ambition d'assurer l'accès des industriels européens à des matières premières essentielles à la production de technologies stratégiques.

Le Pacte vert implique, pour sa mise en oeuvre, l'adoption d'une soixantaine de textes législatifs170(*) dans plusieurs domaines : économie circulaire, réforme du marché de l'électricité, décarbonation de l'industrie, recyclage, agriculture ou encore protection de la biodiversité. Il a introduit également plusieurs instruments financiers pour soutenir la transition verte et juste171(*) des entreprises et des ménages. À cet effet, les colégislateurs européens ont décidé, en décembre 2022, la création d'un Fonds social pour le climat avec une enveloppe de 65 milliards d'euros sur la période 2026-2032. Par ailleurs, un tiers des fonds européens issus du plan de relance NextGenerationEU (800 milliards d'euros de prêts et de subventions) doit être consacré à la transition verte.

Le Fonds social pour le climat

Le Fonds social pour le climat172(*), doté d'une enveloppe de 65 milliards d'euros pour la période 2026-2032, est financé par les recettes générées par la vente de quotas d'émissions de gaz à effet de serre du second marché carbone (dit « SEQE-UE 2 »), qui s'applique aux secteurs du bâtiment et du transport routier.

Avec un cofinancement des États à hauteur de 25 %, le budget global atteint 86,7 milliards d'euros pour cette période.

Lancé par anticipation sur l'extension du marché carbone européen, le fonds sera initialement financé par les revenus des enchères de 50 millions de quotas du marché carbone existant, générant environ 4 milliards d'euros pour la première année.

La mise en oeuvre du Fonds sera assurée par les États membres, chacun devant élaborer, sous l'approbation de la Commission européenne, un plan social pour le climat.

Depuis sa réélection à la tête de l'exécutif européen en juillet 2024, Ursula von der Leyen semble avoir ralenti les ambitions du Pacte vert. Plusieurs législations du pacte ont fait l'objet d'assouplissements173(*) ou de délais dans leur mise en oeuvre174(*). La présidente de la Commission européenne s'est toutefois défendue de reculer sur la législation environnementale et assure que le Pacte vert est entré dans une nouvelle phase, celle de la mise en oeuvre concrète et industrielle175(*).

Le paquet Omnibus I sur les règles en matière de durabilité176(*), entré en vigueur le 17 avril 2025, reporte les dates d'application de certaines obligations relatives à la publication d'informations par les entreprises et au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, ainsi que le délai de transposition des dispositions relatives au devoir de vigilance, sans toutefois revoir les objectifs climatiques du Pacte vert. En outre, plusieurs textes du Pacte vert feront l'objet d'une évaluation177(*) ou bien d'une clause de revoyure178(*) dans le courant de l'année 2025.

Par ailleurs, en 2025, la loi européenne sur le climat179(*) doit être révisée pour inclure un objectif climatique intermédiaire pour 2040, comme le stipule le règlement lui-même, assurant ainsi une progression vers la neutralité climatique d'ici 2050. Actuellement en négociation entre les colégislateurs, la Commission européenne maintient, dans sa proposition, les objectifs climatiques du Pacte vert en proposant la cible de réduction de 90 % des émissions de carbone d'ici 2040.

Utilisation des aides à la décarbonation par les grandes entreprises :
synthèse des enseignements tirés des auditions de la commission d'enquête

Les données rendues publiques par les dirigeants d'entreprise auditionnés sur les aides versées par l'État depuis 2020 illustrent le fait que l'État apporte un soutien massif à la décarbonation du tissu économique, notamment à travers le plan France 2030 dont la décarbonation constitue l'un des objectifs principaux.

Parmi les entreprises dont les représentants ont été entendus par la commission d'enquête, trois secteurs se distinguent sans surprise en matière de soutien public à la décarbonation.

En premier lieu, les industries lourdes reçoivent un soutien public important, à la hauteur des investissements nécessaires au verdissement de leur activité. À titre d'illustration, le groupe ArcelorMittal s'est vu octroyer une aide d'un montant total de 850 millions d'euros en lien avec son projet d'investissement sur le site de Dunkerque d'un montant total de 1,8 milliard d'euros. M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué, lors de son audition le 11 juin dernier par la commission d'enquête, que « pour moi, la décarbonation constitue un préalable incontournable à toute stratégie de réindustrialisation. Aujourd'hui, ces deux enjeux sont indissociables. Je ne dis pas cela uniquement au regard de la situation à Dunkerque et du dossier ArcelorMittal : sans décarbonation à Dunkerque, nous n'aurons plus d'industrie dans cinq, dix ou quinze ans. C'est une évidence. » Le rapporteur relève toutefois que le décaissement de cette aide n'a pas encore eu lieu, le versement de l'aide étant subordonné à la réalisation de l'investissement qui n'est toujours pas effectif. Il ajoute que le groupe a revu à la baisse son projet le 15 mai dernier, en prévoyant seulement la création d'un four électrique, au lieu de deux, pour un coût de 1,2 milliard d'euros. Le scepticisme du rapporteur est renforcé par l'annonce du groupe ArcelorMittal, le 19 juin 2025, qui renonçait au projet de décarbonation de ses usines de Brême et d'Eisenhüttenstadt en Allemagne, qui s'élevait à 2,5 milliards d'euros, et dont plus de la moitié (1,3 milliard) devait provenir d'aides publiques.

En deuxième lieu, les énergéticiens sont également bénéficiaires d'aides au soutien du déploiement de solutions d'approvisionnement énergétique moins émettrices de CO2. Le rapporteur relève à ce titre que TotalEnergies a mentionné devant la commission d'enquête une aide à hauteur de 850 millions d'euros en soutien à l'investissement dans l'usine géante (gigafactory) de batterie du groupe ACC à Douvrin, qui représente un investissement total de 2 milliards d'euros avec une participation de TotalEnergies à hauteur de 25 %. Parallèlement, le groupe Air Liquide a indiqué qu'il bénéficiait d'aides à la décarbonation pour un montant total de 29,8 millions d'euros en 2023.

En dernier lieu, les entreprises du secteur des transports réalisent également des investissements massifs de décarbonation pour réduire les émissions associées aux déplacements personnels et professionnels. Le rapporteur relève que ce soutien est transversal et couvre les différentes modalités de transport comme l'illustrent les montants importants d'aides à la décarbonation versées au groupe Airbus avec des aides de 150 millions d'euros en 2023 provenant du Conseil pour la recherche aéronautique (Corac), mais également au groupe SNCF avec un montant de 56 millions d'euros d'aides en 2023 pour le dispositif d'aide au wagon isolé qui soutient l'activité de fret ferroviaire.

B. DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES MAL DÉFINIES JURIDIQUEMENT MAIS ENCADRÉES PAR LES RÈGLES STRICTES SUR LES AIDES D'ÉTAT

1. Faute de définition transversale en droit interne, des définitions ciblées et multiples des aides aux entreprises fixées le plus souvent au niveau législatif

Il n'existe pas en droit interne de définition unique et transversale des aides publiques, comme l'a confirmé Mme Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité, lors de son audition par la commission d'enquête le 4 février 2025.

Il convient toutefois de souligner que le code général des collectivités territoriales prévoit une définition assez large des aides publiques aux entreprises : « Ces aides revêtent la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêts, de prêts et d'avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que les conditions du marché »180(*).

En première analyse, une aide publique à une entreprise désigne le plus souvent un soutien financier, voire un soutien non financier, accordé par une personne publique (État, organisme de sécurité sociale, collectivités territoriales, Union européenne) ou une personne assimilée (personne privée chargée d'une mission de service public) visant à modifier son comportement conformément à des objectifs de politique publique (afin de favoriser la création d'entreprise, l'investissement, l'innovation, l'emploi, la formation, l'export ou encore la transition écologique pour ne prendre que ces exemples).

Les aides publiques peuvent soit encourager des comportements engendrant des externalités positives (comme la recherche et développement) ou lutter contre des externalités négatives (comme la pollution).

Certaines aides publiques peuvent être conjoncturelles en cas de crise (ce fut le cas pendant la crise du covid ou de la crise énergétique liée à la guerre d'agression de la Russie en Ukraine). D'autres aides sont plus durables : elles sont applicables soit pendant une durée limitée (comme le crédit d'impôt en faveur des créateurs de jeux vidéo, applicable jusqu'au 31 décembre 2026181(*)) soit sans limitation de durée (à l'instar des exonérations de cotisations sociales).

Elles peuvent être accordées automatiquement à une entreprise qui remplit les conditions d'obtention (comme les taux réduits de TVA) ou faire l'objet d'une décision discrétionnaire de l'administration (par exemple en cas d'appel à projets pour une subvention liée à l'innovation).

Comme l'indiquait M. Maxime Combes lors de son audition, les aides publiques aux entreprises constituent le « principal outil dont disposent le législateur et l'exécutif pour influer sur l'économie et la conduire là où il veut l'amener », et constituent à ce titre « un extraordinaire levier pour accompagner la transformation de l'économie française ».

Parmi les aides publiques non financières, également appelées de manière générique « accompagnement en matière économique »182(*), on distingue :

- le conseil et l'expertise ;

- l'appui (par exemple dans le cadre des incubateurs ou pépinières d'entreprises) ;

- l'intermédiation (mise en relation de l'entreprise avec des organismes publics ou privés appropriés).

Sans viser à l'exhaustivité, le droit interne distingue les principales formes d'aides publiques financières aux entreprises suivantes :

- la subvention (décaissement à « fonds perdu » d'une somme sans contrepartie) ;

- les dépenses fiscales (entraînant un moindre rendement de l'impôt) ;

- la réduction voire l'exonération de cotisations sociales (conduisant à un moindre rendement des cotisations) ;

- la bonification d'intérêt (le taux d'intérêt est inférieur à celui du marché grâce à une prise en charge par un tiers) ;

- le prêt et l'avance remboursable (les prêts sont destinés à être systématiquement remboursés par l'entreprise, à la différence des avances remboursables qui ne seront remboursées intégralement qu'en cas de projet couronné de succès183(*)) ;

- les garanties (engagement permettant au créancier d'une obligation de se prémunir contre le risque de défaillance du débiteur184(*)) ;

- les prises de participation dans des entreprises si la personne concernée ne se comporte pas comme un acteur privé normal (ces prises de participation peuvent être ponctuelles ou pérennes, à l'initiative de l'État ou d'une région) ;

- les ventes d'un bien à un prix inférieur à celui du marché (en particulier la vente d'un terrain ou d'immeuble dans les communes).

De manière générale, il n'existe aucune obligation juridique pour une personne publique de créer un régime d'aide à une entreprise. Dans le respect des règles internationales et européennes, des lois et règlements, les personnes publiques et les personnes assimilées fixent librement les conditions d'éligibilité, le montant de l'aide, le cas échéant les contreparties immédiates ou à court et moyen terme exigées du bénéficiaire, ainsi que ses modalités de versement, de contrôle et de remboursement.

La commission d'enquête n'entend pas présenter de manière approfondie le régime juridique de chaque aide publique financière, car cette question a été traitée par le Conseil d'État dans son guide des outils d'action économique, élaboré en 2015 et actualisé récemment. En revanche, la commission d'enquête présentera les principales règles de ces aides financières, ainsi que les enjeux associés à chacune d'elle, avant de rappeler les grandes lignes des aides issues des fonds européens.

a) Les subventions supérieures à 23 000 euros peuvent s'accompagner de contreparties à l'encontre des actionnaires et des mandataires sociaux
(1) La subvention se distingue du marché public

Introduit par l'article 59 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, l'article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (loi DCRA) définit ainsi la subvention, applicable aux entreprises comme aux associations :

« Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en oeuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires.

Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. »

La subvention ne doit donc pas être confondue avec un marché public. Le juge administratif n'hésite pas le cas échéant à requalifier une subvention en marché public s'il constate que la somme versée à l'organisme privé doit être assimilée à une rémunération constituant la contrepartie directe, exclusive et équivalente d'une prestation individualisée.

(2) Toute subvention supérieure à 23 000 euros par an doit donner lieu à la conclusion d'une convention, assortie le cas échéant de conditions portant sur les dividendes ou la rémunération et les avantages des mandataires sociaux

Aux termes de l'article 10 de la loi DCRA185(*), une convention doit être signée avec l'organisme de droit privé qui bénéficie d'une subvention dépassant 23 000 euros par an186(*), et définir :

- l'objet de l'aide ;

- son montant ;

- ses modalités de versement ;

- les conditions d'utilisation et les modalités de contrôle et d'évaluation de la subvention attribuée ;

- les conditions dans lesquelles l'entreprise peut conserver tout ou partie de la subvention si elle n'a pas été intégralement consommée.

Lorsque la subvention supérieure à 23 000 euros a été versée à une société commerciale, cette convention peut en outre prévoir une clause :

- portant sur le versement de dividendes ;

- ou sur le versement de rémunérations ou avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux.

Cette clause est applicable pendant toute la durée de la convention et jusqu'à trois ans après son terme.

Elle semble toutefois très peu appliquée, dans la mesure où aucun dirigeant auditionné par la commission d'enquête ne l'a évoquée, alors que ce sujet avait été abordé dans le questionnaire préparatoire envoyé systématiquement en amont de chaque audition.

La personne publique qui a accordé une subvention peut émettre un titre exécutoire pour obtenir son remboursement partiel ou intégral si le montant des versements dépasse le montant maximal fixé par la convention. Le montant du remboursement ne peut excéder le montant total des versements effectués par la personne publique depuis le début de la convention.

(3) Les subventions en période de crise

Pendant la crise du covid, un « fonds de solidarité » a été institué afin de verser des « aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales » de la propagation du virus187(*). Ses conditions de mise en oeuvre ont été précisées par un décret du 30 mars 2020188(*).

Seules les petites entreprises étaient éligibles : elles devaient notamment compter au plus dix salariés et générer un chiffre d'affaires annuel inférieur à un million d'euros. D'autres conditions étaient prévues, comme leur ancienneté (leur activité devait avoir commencé avant le 1er février 2020), et une chute du chiffre d'affaires d'au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020. Les subventions variaient selon la baisse du chiffre d'affaires car elles s'élevaient :

- à un montant forfaitaire de 1 500 euros quand la perte de chiffre d'affaires était supérieure ou égale à 1 500 euros ;

- au montant réel de la perte quand celle-ci était inférieure à 1 500 euros.

Une subvention supplémentaire de 2 000 euros pouvait être versée sous conditions.

Plus récemment, une aide a été instituée afin d'aider les entreprises confrontées à la hausse du coût de l'énergie à la suite de la guerre en Ukraine189(*). L'aide était accordée à toute entreprise, sans condition de taille de l'effectif, et était plafonnée entre 2 et 150 millions d'euros selon la situation de l'entreprise. De manière générale, les conditions fixées pour l'obtention de cette aide sont sensiblement plus complexes que celles prévues pour le fonds de solidarité pendant la crise sanitaire.

b) Les dépenses fiscales : une volonté ancienne mais inaboutie du législateur d'encadrer leur foisonnement
(1) Une définition complexe car évolutive des dépenses fiscales

Selon l'annexe « Voies et moyens, tome II », qui accompagne chaque projet de loi de finances, les dépenses fiscales sont les « dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allègement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français »190(*).

La norme fiscale faisant l'objet d'interprétation évolutive au fil du temps, caractérisée par des « changements de périmètre », un même dispositif peut devenir une dépense fiscale ou au contraire perdre cette qualité. En tout état de cause, les dépenses fiscales ne doivent pas être confondues avec les remboursements, dégrèvements et les dépenses en atténuation de recette.

Les dépenses fiscales classées se définissent comme « les mesures créées avant la parution de l'annexe [précitée] et regardées pour la première fois comme des dépenses fiscales »191(*).

Le tome II de l'annexe « Voies et moyens » présente notamment les dépenses fiscales portant sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés192(*).

En pratique, ces dépenses fiscales sont définies par le législateur car aux termes de l'article 34 de la Constitution, lui seul est compétent pour fixer « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».

Ainsi, les réductions d'impôt, les crédits d'impôt et les taux réduits de taxe, pour ne prendre que ces quelques exemples, sont fixés uniquement par voie législative.

Il en allait ainsi du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, qui était défini à l'article 244 quater C du code général des impôts (CGI), ou aujourd'hui du crédit d'impôt recherche mentionné à l'article 244 quater B du même code. Quant aux taux réduits de TVA, ils sont définis aux articles 278-0 bis à 279 bis du même CGI.

Comme le relève le Conseil d'État, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales défini par l'article 72 de la Constitution, celles-ci disposent de ressources, notamment fiscales, définies par le législateur et peuvent fixer l'assiette ou le taux des impositions qui leur sont affectées dans les conditions strictes prévues par la loi, en modulant par exemple un taux au sein d'une fourchette193(*). Toutefois, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a considéré, lors de son audition par la commission d'enquête le 11 juin dernier, que les régions ne disposaient d'aucune ressource fiscale à leur discrétion : « Ce dont je souffre aujourd'hui, [...] c'est de n'avoir quasiment aucun levier fiscal. Je peux moduler, à la marge, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la carte grise. C'est ridicule, mais c'est tout. »

(2) La volonté contrariée du législateur

Comme le relève la Cour des comptes, le nombre de dépenses fiscales ne cesse d'augmenter : les 467 dépenses fiscales recensées dans l'annexe au PLF pour 2024, qui concernent aussi bien les entreprises que les ménages, induisent une diminution des recettes fiscales de l'État estimées à 83,29 milliards en 2024, représentant plus du quart des recettes fiscales de l'État194(*). En 2016, on comptait 449 dépenses fiscales195(*), pour un coût de 85,76 milliards196(*), étant précisé qu'à l'époque le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pesait lourdement dans les comptes publics197(*).

Selon les informations fournies par le Gouvernement à la commission d'enquête, on comptait en 2023 pas moins de 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises, pour un coût supérieur à 43 milliards d'euros en 2023.

Le législateur a pourtant tenté de longue date de juguler le foisonnement des dépenses fiscales. Ainsi, « la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2009-2012 avait conduit à la mise en place d'un « comité d'évaluation » en vue d'évaluer le stock existant avant le 30 juin 2011 (soit 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales) », de sorte que « 72 % des mesures avaient ainsi été évaluées »198(*). La Cour des comptes considère que les lois de programmation ont été ensuite moins ambitieuses199(*), et que « les outils de pilotage des dépenses fiscales n'ont pas permis de réduire le coût des différents dispositifs ni d'en réduire significativement le nombre »200(*). En particulier, le « plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 est resté inopérant, car non contraignant »201(*).

La loi de programmation actuelle, applicable à la période 2023-2027202(*), n'a pas repris d'obligation de plafonnement des dépenses fiscales et se révèle effectivement peu ambitieuse.

D'une part, l'article 6 de la loi se borne à limiter la croissance du montant des dépenses fiscales à 500 millions d'euros chaque année entre 2023 et 2026, puis 1 milliard d'euros en 2027.

D'autre part, l'article 7 tente d'encadrer uniquement les dépenses fiscales nouvelles, c'est-à-dire instituées par une loi promulguée après le 1er janvier 2024. Leur applicabilité ne peut excéder trois ans. Elles ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de trois ans et à la condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, et précisant leur efficacité et leur coût.

La Cour des comptes avait en conséquence manifesté un sentiment d'insatisfaction face à ce cadre juridique peu contraignant : « Si la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027 porte notamment l'ambition d'un renforcement de l'évaluation et du plafonnement de l'évolution des dépenses fiscales, les instruments dont elle se dote afin d'y parvenir demeurent encore modestes et gagnent à trouver rapidement une traduction opérationnelle »203(*).

c) Les réductions et exonérations de cotisations sociales employeurs se sont multipliées au risque de l'illisibilité

Le rapporteur entend présenter l'historique des allègements de cotisations sociales et les justifications données par les gouvernements successifs. Cette présentation ne signifie pas qu'il partage les objectifs de ces réformes, comme il a souvent eu l'occasion de l'indiquer lors des auditions de la commission d'enquête. Le rapporteur est convaincu que les cotisations sociales ne sont pas une « charge » pour les entreprises, comme certains chefs d'entreprise le pensent, mais un ensemble de droits précieux pour les salariés et un levier pour la croissance de l'économie française.

(1) Un empilement des allègements généraux de cotisations employeurs

Afin de limiter le « coût du travail » et de renforcer la compétitivité des entreprises, les allègements de cotisations employeurs ont été plébiscités dès le début des années 1990, et se sont empilés depuis. En multipliant les périmètres et les cotisations visées par ces exonérations, le législateur a in fine réduit la lisibilité du financement de la protection sociale.

Courbe des allègements généraux de cotisations sociales patronales

Source : Annexe PLFSS pour 2025

• La réduction générale de cotisations sur les bas salaires constitue la première et principale mesure en matière de cotisations sociales, et se concentrait initialement uniquement sur les travailleurs rémunérés au niveau du Smic. Dès 1993, les cotisations d'allocations familiales ont ainsi été supprimées204(*) entre 1 et 1,1 Smic, puis réduites de moitié jusqu'à 1,2 Smic. Cette logique de réduction du coût du travail peu qualifié a été étendue jusqu'à 1,6 Smic en 2003 avec les allègements dits « Fillon »205(*).

Synthèse des allègements généraux de cotisations sociales successifs

Date

Dispositif

Allègement

Périmètre

1995

« Ristourne Juppé »206(*)

Modifie l'allègement de 1993 avec une exonération de cotisations sociales patronale dégressive pouvant aller jusqu'à 18,2 %

Jusqu'à 1,33 puis 1,3 Smic

2000

Accompagnement de la réduction du temps de travail207(*)

Dispositif additionnel d'exonération dont le taux maximal est de 26 % pour les entreprises réduisant leur temps de travail

Jusqu'à 1,8 Smic

2003

Allègements Fillon208(*)

Fusion des dispositifs préexistants en une réduction unique avec un taux maximal d'exonération de 26 %

Jusqu'à 1,6 Smic

2014

Allègements généraux dits « zéro charge Urssaf au niveau du Smic »209(*)

Extension du champ des cotisations concernées par le taux maximal à la somme des taux des cotisations maladie, vieillesse, famille, AT-MP (part hors accidentalité), de la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL) et de la contribution solidarité autonomie (CSA)

Jusqu'à 1,6 Smic

2019

Extension des exonérations hors champs du champ des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss)210(*)

Extension du champ de cette réduction générale aux cotisations de retraite complémentaire et aux contributions patronales d'assurance chômage

Jusqu'à 1,6 Smic

• L'exonération de cotisations d'assurance maladie, parfois appelée « bandeau maladie », a succédé au dispositif du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui avait été mis en place en 2012 pour améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser l'emploi211(*). Ce crédit d'impôt représentait d'abord 4 %, puis 6 % à partir du 1er janvier 2014, de la masse salariale en dessous de 2,5 Smic, avant d'être porté à 7 % le 1er janvier 2017.

La complexité de ce crédit d'impôt a conduit à le transformer à compter de 2019 en une réduction pérenne de cotisations sociales d'assurance maladie à due concurrence, soit 6 points, en dessous de 2,5 Smic212(*).

• L'exonération de cotisations d'allocations familiales, aussi appelée « bandeau famille », devait initialement concourir à la création d'emploi prévue dans le cadre du « Pacte de responsabilité et de solidarité » mis en place en 2014213(*). Cet allègement, applicable depuis 2016, a pris la forme d'une réduction du taux de cotisations d'allocations familiales de 1,8 point pour les salariés dont la rémunération annuelle n'excède pas 3,5 Smic.

En cumulé, ces allègements successifs ont abouti à ce que la part des cotisations sociales sur un salaire au niveau du Smic soit très faible, de l'ordre de 6,9 % aujourd'hui, contre 42,6 % en 1991.

Évolution des taux effectifs de prélèvement à la charge des employeurs
pour une rémunération équivalente au Smic

Source : Direction de la sécurité sociale

Le cadre organique des exonérations de cotisations sociales

Afin de limiter les conséquences des exonérations de cotisations sociales sur le financement de la sécurité sociale, le législateur a entendu les encadrer au niveau organique.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale214(*) a mis en place un principe général de « compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'État pendant toute la durée »215(*) de l'exonération de cotisations de sécurité sociale, qu'elle soit totale ou partielle. Les seules exonérations qui ne sont pas concernées par cette compensation sont donc antérieures à 1994, ou doivent être explicitement mentionnées dans la loi.

Par ailleurs, l'article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale, créé à l'initiative d'une proposition de loi du député Thomas Mesnier en 2022216(*), confère aux lois de financement de la sécurité sociale le monopole des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations sociales de plus de trois années.

(2) De multiples régimes d'exonération de cotisations employeurs spécifiques à certains secteurs

Des régimes d'exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques viennent s'ajouter aux allègements généraux.

Ces régimes spécifiques concernent d'abord les éléments complémentaires de rémunération, tels que l'intéressement et la participation, la prévoyance et la retraite complémentaire ainsi que les accessoires de salaires (titres restaurants, chèque vacances ou services à domicile). La prime pour le partage de la valeur (PPV)217(*) fait également l'objet d'un régime social favorable.

Par ailleurs, il existe des exonérations spécifiques pour certaines zones géographiques. C'est le cas du dispositif pour les employeurs d'outre-mer (Lodéom) ou des régimes propres aux zones de revitalisation rurale (ZRR)218(*), aux bassins d'emploi à redynamiser (BER), aux zones franches urbaines ou de restructuration de la défense (ZRD).

Des régimes spécifiques existent également pour certains secteurs d'activité, comme pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (Tode) ou pour l'aide à domicile.

Enfin, une exonération spécifique a été mise en place par la loi du 21 août 2007219(*) sur les heures supplémentaires.

· Lors de son audition, le 22 octobre 2024, par la commission des affaires sociales du Sénat à l'occasion de la publication du rapport dont il était co-rapporteur sur les allègements de cotisations patronales220(*), M. Antoine Bozio a souligné à quel point la multiplication des régimes d'exonérations a abouti à une architecture illisible :

« La situation actuelle est marquée par une complexité considérable. À titre d'exemple, lorsque j'ai échangé avec la direction de la sécurité sociale pour voir comment nous pourrions simplifier le barème [d'exonérations], cette dernière m'a répondu (...) qu'il en existait des milliers. À ma demande, ce chiffre a été précisé : il existe 1,7 milliard de combinaisons de barèmes possibles ! Il existe en particulier 3 066 définitions différentes de l'assiette des cotisations sociales, et 18 barèmes d'allègements de cotisations sociales, dont la pente varie. »

d) Les autres aides publiques aux entreprises relèvent souvent du pouvoir réglementaire

Chaque dispositif d'aide publique aux entreprises est institué par un texte spécifique, le plus souvent un acte administratif individuel ou une convention.

Ainsi, les aides versées par les collectivités territoriales donnent souvent lieu à la conclusion de conventions (par exemple lors de la vente d'un terrain à un prix inférieur à celui du marché) ou à l'édiction d'un acte administratif individuel.

S'agissant des prêts garantis par l'État (PGE), ils ont été institués par la loi221(*) mais précisés par un texte réglementaire222(*).

Certains prêts bonifiés ont été instaurés par la loi, et précisés par décret, par exemple pour les entreprises qui n'ont pas pu bénéficier d'un PGE et avaient des besoins de liquidité à la suite de la guerre en Ukraine223(*).

Dans le secteur de l'agriculture, des prêts bonifiés ont été pris sur le fondement d'un règlement européen et mis en oeuvre par décret224(*).

e) Les aides issues des fonds européens sont régies par des règlements européens spécifiques et un règlement commun
(1) Présentation générale des fonds européens

L'Union européenne (UE), par l'intermédiaire de la Commission européenne, accorde des subventions à un certain nombre de bénéficiaires, dont les entreprises225(*), pour mettre en oeuvre des projets ou des activités en rapport avec les politiques publiques de l'Union européenne.

Ces subventions accordées par l'UE répondent aux grandes orientations européennes définies dans la programmation budgétaire pluriannuelle de l'UE sur sept ans, dite « cadre financier pluriannuel » (CFP).

Les aides aux entreprises participent à la compétitivité pour la croissance et l'emploi, ainsi qu'à la cohésion économique, sociale et territoriale, qui sont deux des sept rubriques de crédits d'engagement du CFP actuel : en l'espèce, il s'agit de la première rubrique « Marché unique, innovation et numérique » et de la seconde « Cohésion, résilience et valeurs » (dont la sous-rubrique « 2a Cohésion économique, sociale et territoriale »).

Ces subventions, appelées « fonds européens », s'organisent en programmes qui, compte tenu de la diversité des domaines couverts, répondent chacun à des conditions spécifiques. Ils obéissent toutefois à quelques « grands principes »226(*) :

- le cofinancement : les fonds européens sont, en grande majorité, un complément de financement de projet, excepté dans quelques cas particuliers comme dans la recherche et le développement (R&D). Le taux maximal d'aide publique est fixé à 50 % pour les grandes entreprises ;

- l'absence de rétroactivité des fonds : les subventions européennes ne peuvent être accordées rétroactivement à des actions achevées ;

- l'aide à la compensation : les aides ne visent qu'à équilibrer financièrement une opération donnée, sans pouvoir conduire à un profit pour leurs bénéficiaires.

(2) Gestion directe versus gestion partagée

Malgré la diversité des fonds, une classification majeure est retenue en fonction des modalités de gestion : les fonds européens en gestion directe, et ceux en gestion partagée.

La gestion directe est administrée par la Commission européenne ou ses agences, assurant une mise en oeuvre centralisée des programmes.

La gestion partagée, en revanche, implique une collaboration entre la Commission et les autorités nationales ou régionales, permettant une adaptation locale des initiatives financées.

Ces deux approches sont censées permettre une administration flexible et efficace des fonds en fonction des besoins spécifiques et des priorités de l'Union européenne.

Enfin, la gestion indirecte consiste à confier à un pays extérieur à l'Union européenne ou à une organisation internationale la gestion de fonds européens.

(3) Les règles des fonds européens en gestion partagée

Comme l'a souligné Mme Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité, lors de son audition par la commission d'enquête le 4 février 2025, les fonds européens « relèvent non pas d'une approche concurrentielle, mais d'une approche d'efficience des aides, dans le respect du budget de l'Union » et sont administrés dans le cadre d'une « gestion décentralisée ».

Au début de chaque période de programmation budgétaire pluriannuelle, un règlement européen, dénommé « règlement portant sur les dispositions communes » (RPDC), établit un certain nombre de règles communes pour l'utilisation des principaux fonds structurels européens suivants :

- le fonds européen de développement régional (Feder) ;

- le fonds social européen plus (FSE+) ;

- le fonds de cohésion (FC) ;

- le fonds pour une transition juste (FTJ) ;

- le fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa).

Pour la programmation 2021-2027, il s'agit du règlement (UE) n° 2021/1060 du 24 juin 2021, adopté sur la base de l'article 177 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatif à la politique régionale.

Ce règlement vise à améliorer la coordination et à harmoniser la mise en oeuvre de ces fonds entre les États membres, dont une partie est allouée aux entreprises. Par exemple, le règlement précise que les États membres doivent élaborer des stratégies de développement qui sont alignées avec les objectifs de l'UE et qu'ils doivent mettre en place des mécanismes de suivi et d'évaluation pour garantir que les fonds sont utilisés efficacement et atteignent leurs objectifs.

Des règlements spécifiques viennent préciser les modalités particulières de mise en oeuvre de chaque fonds. À titre d'exemple, le règlement (UE) 2021/1057 du 24 juin 2021 fixe les objectifs du FSE+227(*), son budget pour la période 2021-2027, les règles de sa mise en oeuvre, les formes de financement de l'UE et les règles d'octroi de ce financement.

D'autres règlements particuliers peuvent modifier le RPDC en cours de programmation. C'est le cas du règlement (UE) 2021/1059, relatif à l'objectif de « Coopération territoriale européenne » (Interreg), également connu sous le nom de règlement CTE, ou plus récemment du règlement modificatif (UE) 2024/795 du 29 février 2024 établissant la plateforme « Technologies stratégiques pour l'Europe » (STEP) à partir de fonds européens existants, afin de financer des projets renforçant la souveraineté et la sécurité de l'UE.

De nouveaux règlements européens, dont celui sur les dispositions communes, viendront remplacer ceux en vigueur lors de l'adoption du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034. Ils feront partie du paquet relatif au cadre financier pluriannuel pour l'après-2027, qui doit être présenté par la Commission européenne à l'été 2025 et adopté au plus tard le 31 décembre 2027, date limite de la programmation budgétaire actuelle.

(4) Les règles des fonds européens en gestion directe

Les fonds européens en gestion directe sont des instruments financiers administrés directement par la Commission européenne ou par des agences exécutives de l'Union européenne.

Ils sont souvent utilisés pour des programmes nécessitant une approche uniforme et cohérente à travers l'UE, tels que les projets de recherche et d'innovation ou les initiatives environnementales.

En outre, ils se distinguent des fonds européens en gestion directe en ce qu'ils constituent des programmes attribués « au mérite » et à « l'excellence ». En d'autres termes, les États membres sont en concurrence entre eux sur les appels à projet pour l'attribution des fonds, à rebours des fonds structurels qui sont des fonds pré-alloués aux États membres, sans risque d'être réattribués à un autre État membre.

Aujourd'hui, en vertu du cadre financier pluriannuel 2021-2027, 29 fonds européens, pour un montant total de 227,6 milliards d'euros (hors action extérieure) sont administrés en gestion directe, dont notamment les programmes Horizon Europe (représentant à lui seul 40 % du montant total), Erasmus+ ou encore les programmes de Mécanismes pour l'interconnexion en Europe (MIE) pour le numérique, l'énergie ou bien les transports.

La Commission européenne est entièrement responsable du processus de sélection des projets et de conventionnement, ainsi que du suivi, du contrôle et du paiement. Chaque fonds européen en gestion directe dispose d'une base juridique propre par le biais de règlements228(*). Des articles du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) justifient l'action directe de l'UE dans le domaine de la recherche (articles 173, 182 et 183) ou bien des infrastructures de transport (articles 170 à 172).

Le fonds Horizon Europe

Horizon Europe est le programme-cadre de l'UE pour la recherche et l'innovation, doté d'un budget de 95,5 milliards d'euros pour la période 2021-2027, soit le plus important programme de recherche financé par l'Union européenne.

Le pilier 3 du programme (13,5 milliards d'euros) cible principalement les entreprises.

Lors du précédent programme, « Horizon2020 », les équipes de recherche françaises ont bénéficié en moyenne de 1,1 milliard d'euros par an, faisant de la France le troisième pays bénéficiaire de ces aides européennes229(*).

(5) Le cas particulier des aides européennes via le plan de relance « Next Generation EU »

Le cadre financier pluriannuel 2021-2027 est marqué par l'intégration inédite du fonds « Next Generation EU » (NGEU), un instrument temporaire de relance, d'un montant d'environ 800 milliards d'euros (réparti à parts égales entre des prêts et des subventions).

Le plan de relance NGEU consiste en une injection massive de liquidités dans les économies des États membres par l'intermédiaire de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), en échange de l'engagement pris par chaque État membre de tenir un plan de réformes. Pour bénéficier d'un soutien au titre de la FRR, les gouvernements nationaux ont présenté des plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR), décrivant les réformes et les investissements à mettre en oeuvre d'ici la fin de l'année 2026, assortis de jalons et de cibles. La Commission n'a versé les subventions, par tranches, que lorsqu'un certain nombre de jalons et de cibles prévus dans le plan avait été atteint.

Les entreprises françaises, dont les grandes entreprises, ont pu massivement bénéficier de ces aides européennes. Parmi les cent premiers bénéficiaires du Plan national de relance et de résilience (PNRR) de la France figurent par exemple les sociétés Lafarge Ciments (19 millions d'euros), ArcelorMittal Méditerranée (15 millions d'euros), Arkema (14,5 millions d'euros) ou encore Orange (13 millions d'euros)230(*).

Le plan national de reprise et de résilience de la France

Le plan national de reprise et de résilience de la France est doté d'un budget total de 40,3 milliards d'euros en subventions uniquement.

Le 27 mai 2025, la Commission européenne a effectué un quatrième versement de subventions, s'élevant à 3,26 milliards d'euros (nets des préfinancements), dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Ce paiement fait suite à des évaluations positives et à l'approbation du Comité économique et financier du Conseil de l'Union européenne.

Le versement couvre 7 étapes clés et 10 cibles, portant sur l'efficacité énergétique, les transports durables, la numérisation, les infrastructures culturelles et de santé, ainsi que des réformes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à améliorer la qualité des dépenses publiques.

Avec ce dernier versement, le montant total déjà versé s'élève à 34,13 milliards d'euros.

En 2026, la France soumettra une cinquième et dernière demande de paiement afin de mobiliser la totalité des 40,3 milliards d'euros alloués par le plan de relance européen.

2. Une multitude d'acteurs octroient des aides publiques aux entreprises
a) Au niveau national, les ministères sont concurrencés par différents acteurs institutionnels

Aux termes de l'article 74 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les ministres sont « seuls ordonnateurs principaux des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, pour les crédits mis à leur disposition ». Par conséquent, ils sont compétents pour attribuer des subventions à partir des enveloppes budgétaires ouvertes en loi de finances.

En application de l'article 1er du décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, le préfet de région ou de département « peut déroger à des normes arrêtées par l'administration de l'État pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence dans les matières suivantes : / 1° Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques (...). Cette dérogation doit prendre la forme d'un arrêté motivé et respecter les conditions cumulatives suivantes :

- existence d'un motif d'intérêt général et de circonstances locales ;

- allègement des démarches administratives, réduction des délais de procédure ou accès facilité aux aides publiques ;

- compatibilité avec les engagements européens et internationaux de la France ;

- préservation des intérêts de la défense ou de la sécurité des personnes et des biens, et absence d'atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

La commission d'enquête constate qu'il existe parfois une concurrence regrettable entre ministères en matière de soutien aux entreprises en raison d'un défaut de coordination. Lors de son audition le 3 mars 2025, Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a en effet déclaré que « l'octroi d'aides aux entreprises pendant la crise énergétique a aussi mis en lumière la nécessité de renforcer la coopération des administrations chargées de l'économie et de l'énergie, dès lors qu'elles conçoivent et mettent en oeuvre des aides qui visent un objectif identique et concernent les mêmes entreprises avec des instruments différents. Je pense au soutien aux entreprises énergo-intensives mis en oeuvre à la fois par le ministère chargé de l'industrie et le ministère chargé de l'énergie. »

La cohérence dans la répartition des aides entre ministères et acteurs institutionnels est en outre parfois problématique. Par exemple, les aides en matière de soutien à l'export sont gérées par la direction générale du Trésor et Business France231(*).

b) Au niveau local, les régions ont le monopole de principe des aides aux entreprises, mais doivent composer avec d'autres collectivités territoriales
(1) Le monopole de principe des régions pour les aides aux entreprises

Jusqu'en 2014, la répartition des rôles entre collectivités territoriales en matière d'intervention économique était régie par la clause de compétence générale et l'intérêt à agir de chaque collectivité concernée.

Une clarification des compétences des collectivités territoriales a été apportée par la loi du 27 janvier 2014 dite loi MAPTAM232(*) et la loi du 7 août 2015 dite loi NOTRe233(*).

Responsable, sur son territoire, de la « définition des orientations en matière de développement économique »234(*), la région doit élaborer un « schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation »235(*), qui définit notamment « les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier et à l'innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l'attractivité du territoire régional ».

Le conseil régional est « seul compétent pour définir les régimes d'aides et pour décider de l'octroi des aides aux entreprises dans la région », mais de nombreuses exceptions sont prévues dans le code général des collectivités territoriales (voir infra)236(*).

Le schéma doit donc organiser la complémentarité des actions menées par la région en matière d'aides aux entreprises avec celles initiées par les autres collectivités territoriales et leurs groupements237(*).

Seul le conseil régional peut accorder des aides à des entreprises en difficulté, sous réserve que la protection des intérêts économiques et sociaux de la population l'exige, et sans préjudice des compétences de l'État (le Comité interministériel de restructuration industrielle et la Banque de France par exemple). Les modalités de versement des aides et les mesures qui en sont la contrepartie doivent faire l'objet d'une convention entre la région et l'entreprise. En outre, « en cas de reprise de l'activité ou de retour à meilleure fortune, la convention peut prévoir le remboursement de tout ou partie des aides de la région ». Lors de son audition par la commission d'enquête le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué qu'il avait « mis en place des dispositifs spécifiques tels que le Fonds 1er secours et Hauts-de-France Prévention. Ces outils ne visent pas tant le retournement que le traitement des difficultés immédiates que peuvent rencontrer les entreprises, notamment en lien avec les tribunaux de commerce. »

Le conseil régional doit établir au plus tard le 30 mars un rapport relatif aux aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur son territoire au cours de l'année précédente, recensant ainsi toutes les aides octroyées par les autres collectivités territoriales238(*). Ce rapport doit en évaluer les « conséquences économiques et sociales » et donner lieu à un débat devant le conseil régional. Il est également remis au préfet239(*), afin de permettre au Gouvernement de notifier à la Commission européenne les aides relevant du régime des aides d'État240(*) (voir infra).

(2) Le rôle mineur des départements

Le département ne peut pas participer au financement des aides régionales241(*).

Il peut en revanche obtenir délégation de la part des communes, de la métropole de Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles (voir infra)242(*).

Le département peut en outre verser des subventions ciblées dans deux domaines :

- l'exploitation de petites salles de cinéma243(*) ;

- les activités de production, de commercialisation et de transformation de produits agricoles, de produits de la forêt ou de produits de pêche244(*).

Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, l'Association des départements de France indique que le département « peut, in fine, exclusivement dans le cadre d'une convention avec la région, octroyer des aides aux entreprises agricoles, forestières et halieutiques. Le département apporte également des aides à l'installation et au maintien des professionnels de santé dans les zones où l'offre de soins est insuffisante, des aides aux vétérinaires pour la protection de la santé publique ou encore un appui aux entreprises après une catastrophe naturelle ».

D'autres compétences ont également été identifiées par la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2023245(*) :

« Le département est également compétent pour contribuer au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, à leur demande. Il peut, pour des raisons de solidarité territoriale et lorsque l'initiative privée est défaillante ou absente, contribuer au financement des opérations d'investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI. »

(3) Le rôle des métropoles

La métropole de Lyon peut participer au financement des aides régionales246(*).

Elle peut également octroyer ces aides par délégation de la région247(*).

La métropole de Lyon a la compétence de principe pour octroyer des aides sur son territoire en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles248(*).

Toute métropole, et pas seulement celle de Lyon, peut verser des subventions aux organismes qui participent à la création ou à la reprise d'entreprises249(*).

(4) Le rôle cantonné des communes

C'est la commune qui a la compétence de principe pour octroyer des aides en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles250(*). Il en va de même des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et de la métropole de Lyon.

Comme l'indique la direction générale des collectivités locales, cette compétence était à l'origine limitée à des « rabais sur le prix de vente ou de location de bâtiments »251(*). La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a permis « l'octroi de subventions aux entreprises pour la location, l'acquisition, la construction ou la rénovation de bâtiments ». La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a étendu cette compétence aux « prêts, avances remboursables et crédits-baux ».

Désormais, le droit en vigueur prévoit que les aides du bloc communal regroupent les subventions, des rabais sur le prix de vente, des locations ou des locations-ventes de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés, des prêts, des avances remboursables ou des crédit-bail à des conditions plus favorables que celles du marché252(*).

En outre, des aides immobilières peuvent être octroyées sur le fondement des dispositifs sectoriels suivants :

- subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation ou la création de petites salles de cinéma253(*) ;

- subventions à des établissements existants ayant pour objet la vente au détail de livres neufs254(*) ;

- installation et maintien de professionnels de santé dans les zones sous-denses en offre de soins255(*) ;

- aide aux vétérinaires qui contribuent à la protection de la santé publique et assurent la continuité des soins aux animaux d'élevage256(*).

La région peut également déléguer sa compétence aux communes en matière de création ou de reprise d'entreprises257(*).

Lors de son audition par la commission d'enquête le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué que les communes « ont la plupart du temps délégué la compétence économique aux intercommunalités - communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines ou métropoles », précisant que « les seules collectivités avec lesquelles nous partageons véritablement notre action sont les intercommunalités, en particulier en ce qui concerne le foncier, qui constitue bien souvent l'élément clé de leur intervention ».

(5) Un cadre juridique complexe entraînant un défaut de pilotage régional et un manque de coordination avec l'État

À l'issue de la présentation des compétences des collectivités territoriales en matière d'aides publiques aux entreprises, la commission d'enquête ne peut que partager le constat de la Cour des comptes qui déplorait, dans son rapport annuel de 2023, le « chantier inachevé de la clarification des compétences »258(*). De fait, le monopole de principe des régions pour octroyer des aides publiques aux entreprises souffre plusieurs exceptions, au profit essentiellement du bloc communal (communes et EPCI), et il est assorti de nombreuses possibilités de délégation de compétences, tandis que la compétence « tourisme » est partagée entre la région, le département et le bloc communal.

Le cadre juridique actuel entraîne un défaut de pilotage régional des aides publiques aux entreprises octroyées par les collectivités territoriales et un manque de coordination avec l'État.

À lui seul, le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation n'est pas en mesure de conférer une cohérence d'ensemble aux aides publiques aux entreprises versées par les collectivités territoriales, compte tenu du cadre juridique actuel. La loi ne précise pas si ses « orientations » concernent uniquement la région ou toutes les collectivités territoriales, étant rappelé que le schéma n'a pas de caractère prescriptif259(*). Comme le relève la Cour des comptes, si le schéma est adopté après échanges avec les élus locaux au sein de la conférence territoriales de l'action publique (CTAP), les débats « sont un exercice sans autre valeur que la validation formelle »260(*) du schéma.

La faiblesse du schéma régional n'est pas compensée par le fait que la moitié des EPCI ont conclu des conventionnements avec les régions métropolitaines261(*), ni par l'existence d'un accord-cadre conclu en 2016 entre l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et Régions de France, dont l'un des objectifs était de mieux articuler les compétences des acteurs locaux en matière d'aides aux entreprises, justifiant le constat sévère de la Cour des comptes : « Les SRDEII et les conventions entre collectivités n'ont pas permis de pallier la complexité de l'organisation des compétences, même s'ils ont pu, dans certains cas, renforcer la coordination de l'action économique des régions, des métropoles et des EPCI ».

S'agissant de la coordination de l'action des régions avec l'État, la Cour des comptes a relevé qu'elle restait perfectible malgré les progrès récents, la conduisant à réitérer « sa recommandation de pérenniser les modalités de coordination entre l'État et les collectivités territoriales apparues les plus efficaces lors de la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (PIA), du plan d'urgence et du plan de relance »262(*). Force est en effet de constater que les aides versées par les régions sont souvent redondantes avec celles octroyées par l'État. Lors de son audition par la commission d'enquête le 22 avril dernier, Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d'Occitanie, a déploré « l'organisation des services de l'État » qui devrait « être revue pour optimiser la dépense publique, notamment en matière d'aides à l'emploi et à la réindustrialisation, ainsi que pour la reconquête de la souveraineté industrielle », et dont « le fonctionnement en silo à l'échelle de l'État est particulièrement préjudiciable ». Elle a reconnu que les présidents de conseil régional devaient souvent « contrer des initiatives qui n'auraient pas été concertées », et qu'elle veillait constamment à éviter « les doublons entre les aides régionales et étatiques » grâce à « un dialogue hebdomadaire avec le Secrétariat général pour les affaires régionales ».

M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a fait état de ses échanges réguliers avec les présidents de conseil régional lors de son audition le 15 mai dernier devant la commission d'enquête : « Nous essayons de nous coordonner au maximum. Un président d'une grande région industrielle m'a envoyé un message il y a quelques jours précisément pour discuter de cette coordination sur les aides. »

Lors de son audition le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, s'est lui aussi montré très critique à l'encontre de l'État. Il a en effet estimé que « lors du plan France Relance, mis en place après la crise covid, le sentiment dominant a été que l'État cherchait à agir au maximum de son côté, sans réellement associer les régions, alors qu'il aurait été possible de faire autrement ». Il reconnaît que dans le cadre du plan France 2030, les relations entre l'État et les collectivités territoriales sont plus apaisées : « France 2030, sous l'autorité de M. Bruno Bonnell, veille à respecter la place, les compétences et les projets des collectivités locales - c'est en tout cas vrai pour la région des Hauts-de-France ».

Lors de son audition le 17 juin 2025, M. Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis, a pointé du doigt l'hétérogénéité des décisions d'attribution d'aides au sein d'une même région : « Je pourrais citer l'exemple de deux sites industriels du groupe, distants de seulement 30 kilomètres, situés dans une même région. Sur la même année, l'un a bénéficié d'une aide à l'investissement, l'autre non, pour des raisons strictement administratives. Cette situation nuit à l'attractivité du territoire. » Il a ajouté que « dans certains cas, le pouvoir discrétionnaire au niveau régional peut porter à confusion », concluant que « si nous voulons une politique industrielle lisible, cohérente et équitable, il devient impératif de mieux harmoniser les dispositifs régionaux, voire de les coordonner ».

c) Des fonds européens en partie seulement gérés par les régions et qui profitent peu aux grandes entreprises
(1) Les régions occupent un rôle secondaire par rapport à l'État

Les fonds européens en gestion partagée sont mis en oeuvre par les États membres ou les régions, à partir d'un cadre négocié avec la Commission, intitulé « accord de partenariat ». Ce document définit la stratégie d'investissement des fonds européens structurels et d'investissement (FESI) pour une période de programmation donnée. Il permet également la désignation, par l'État, de l'autorité de gestion chargée de la mise en oeuvre des fonds européens pour chaque programme.

L'autorité de gestion occupe donc un rôle central dans le fonctionnement des fonds en gestion partagée. Elle est responsable de la bonne gouvernance, de l'exécution opérationnelle des programmes, ainsi que de la sélection des projets à financer. Elle veille à ce que les dépenses soient éligibles et conformes aux règles européennes et nationales, assure le suivi et le contrôle de la mise en oeuvre, et évalue les résultats des projets financés, qu'elle communique à la Commission européenne à travers des rapports annuels et la transmission régulière de données financières.

En France, les autorités de gestion ont longtemps été essentiellement des acteurs étatiques (ministères, préfets, services déconcentrés). La loi MAPTAM du 27 janvier 2014263(*) a consacré le rôle des régions comme chefs de file pour plusieurs politiques publiques, notamment celle du développement économique. Ce positionnement légitime leur désignation en tant qu'autorités de gestion pour certains fonds structurels européens, tels que le Feder et le FSE+.

Néanmoins, l'État conserve la gestion de la majorité des fonds structurels européens. Pour la programmation 2021-2027, 24 % seulement des fonds européens sont gérés par les régions, le reste étant administré par l'État264(*). À titre d'exemple, les fonds de la politique agricole commune (PAC), particulièrement le Feaga, sont administrés par le ministère de l'agriculture. Les fonds de cohésion, dans leur volet Feder, sont majoritairement confiés aux régions, tandis que le FSE+ fait l'objet d'une gestion partagée entre les régions et le ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, chacun agissant comme autorité de gestion dans le cadre de programmes spécifiques relevant de leur périmètre respectif. La loi MAPTAM a également ouvert la possibilité aux autorités de gestion de confier une part de leurs attributions à un organisme intermédiaire comme les départements, ou bien les collectivités locales dans le cadre des PLIE (Plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi) financés par le FSE+.

Répartition de la gestion des fonds en gestion partagée
entre État et Régions 2021-2027

Source : SGAE

(2) Les fonds européens profitent peu aux grandes entreprises

Lors de son audition le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué que « contrairement à la programmation 2014-2020, la programmation actuelle 2021-2027 a, par principe, exclu les grandes entreprises du bénéfice des aides européennes. »

Dans le cadre de la politique de cohésion pour la programmation budgétaire 2021-2027, la Commission européenne avait initialement exclu les grandes entreprises du champ des aides européennes, privilégiant un soutien ciblé en faveur du tissu des TPE/PME, considéré comme prioritaire pour la cohésion économique et sociale de l'Union.

Cependant, cette orientation a partiellement évolué avec l'adoption, en 2023, de la plateforme STEP précitée qui vise à renforcer les capacités d'investissement européennes dans des domaines technologiques jugés critiques : technologies numériques, biotechnologies innovantes et technologies propres.

Dotée d'une enveloppe de 1,5 milliard d'euros sur la programmation en cours, cette initiative permet désormais d'ouvrir certaines aides européennes aux grandes entreprises, sous conditions, dans le cadre de projets stratégiques pour la souveraineté technologique de l'Union. Le financement de STEP repose sur une réorientation de crédits issus de programmes existants tels que Horizon Europe, InvestEU, ou encore le Fonds européen de défense, mais il inclut également des ressources du Feder dans le cadre des fonds de cohésion. À ce titre, les régions, en tant qu'autorités de gestion du Feder, peuvent être associées à la mise en oeuvre de cette nouvelle dynamique d'investissement.

Par ailleurs, ce cadre pourrait encore évoluer à la faveur de la révision à mi-parcours de la politique de cohésion, présentée par la Commission européenne le 1er avril 2025265(*). Cette révision pourrait entraîner une ouverture plus large des aides européennes aux grandes entreprises, pour autant que celles-ci s'inscrivent dans les nouvelles priorités stratégiques de l'Union : défense, logement abordable, gestion de l'eau, énergies renouvelables, recherche et innovation.

De nouvelles orientations de financement en faveur des grandes entreprises, notamment via les fonds Feder266(*) gérés par les régions, pourraient être définies dans le cadre des négociations du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034.

3. Des aides publiques aux entreprises encadrés à de nombreux niveaux
a) L'encadrement des aides publiques aux entreprises par le Conseil constitutionnel

Toute aide publique aux entreprises doit respecter le principe de la liberté d'entreprendre ainsi que le principe d'égalité267(*), étant rappelé que les personnes publiques doivent également protéger les deniers publics.

(1) Le principe de la liberté d'entreprendre

Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». L'article 4 de la Déclaration dispose quant à lui que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ».

Le Conseil constitutionnel en a déduit que la liberté ne saurait être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre268(*).

Le Conseil constitutionnel a précisé que « la liberté d'entreprendre comprend non seulement la liberté d'accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l'exercice de cette profession ou de cette activité »269(*).

Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel lorsqu'il a examiné le montant des indemnités versées à un salarié victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, « il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi »270(*).

(2) Le principe d'égalité devant les charges publiques

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Aux termes de l'article 13 de la même Déclaration, « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit271(*).

Le législateur ne peut déroger au principe d'égalité que s'il dispose de critères objectifs et rationnels en lien avec le but qu'il s'est assigné et sous réserve d'absence de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques : « En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques »272(*).

En pratique, le Conseil constitutionnel exerce une forme de contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation du législateur entre l'atteinte au principe d'égalité et le but poursuivi par ce dernier lorsqu'il instaure un avantage fiscal : « Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que le crédit d'impôt résultant de la construction ou de l'acquisition d'une habitation principale antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi tend à soutenir la consommation et le pouvoir d'achat ; que, toutefois, en décidant d'accroître le pouvoir d'achat des seuls contribuables ayant acquis ou construit leur habitation principale depuis moins de cinq ans, le législateur a instauré, entre les contribuables, une différence de traitement injustifiée au regard de l'objectif qu'il s'est assigné ; que cet avantage fiscal fait supporter à l'État des charges manifestement hors de proportion avec l'effet incitatif attendu ; qu'il en résulte une rupture caractérisée de l'égalité des contribuables devant les charges publiques »273(*).

Le Conseil constitutionnel a censuré en 2010 l'ensemble du dispositif relatif à la taxe carbone au motif que les régimes d'exemption étaient trop nombreux et par suite étaient « contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique » et créaient « une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques »274(*).

À l'inverse, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur s'était fondé sur un « critère objectif et rationnel » en réservant le bénéfice du crédit d'impôt recherche aux seules entreprises industrielles du secteur « textile-habillement-cuir » qui engageaient des dépenses pour leurs nouvelles collections, et en excluant par conséquent les sociétés commerciales : « Les dispositions contestées permettent aux entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir de bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses exposées pour l'élaboration de nouvelles collections. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. En réservant le bénéfice de cet avantage aux entreprises industrielles, qui sont dans une situation différente des entreprises commerciales, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi »275(*).

Le Conseil constitutionnel accepte le principe de contributions plus élevées de la part des grandes entreprises que des petites en matière de revitalisation d'un bassin d'emploi après un plan social. Le Conseil rappelle en effet qu'il est « loisible au législateur, sous réserve de ne pas créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, d'obliger les grandes entreprises qui procèdent à des licenciements économiques susceptibles d'affecter l'équilibre d'un bassin d'emploi à réaliser des dépenses destinées à atténuer les effets de la fermeture partielle ou totale d'un site ». Après avoir constaté que le législateur avait « plafonné le montant des dépenses à quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé et autorisé sa modulation, entre deux et quatre fois cette valeur, en fonction notamment des "capacités financières" de l'entreprise concernée », le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur n'avait pas « méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration de 1789 »276(*).

À titre d'illustration, le Conseil constitutionnel a ainsi refusé de censurer la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés applicable aux grandes entreprises : « En prévoyant que sont assujettis à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, le législateur a entendu imposer spécialement les grandes entreprises (...) En retenant comme seuil d'assujettissement la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe fiscalement intégré, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objectif poursuivi ». Le Conseil constitutionnel en a conclu que les dispositions contestées ne faisaient « pas peser sur la société mère une charge excessive au regard de ses facultés contributives » et par suite qu'elles n'entraînaient « pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques »277(*).

(3) La protection des deniers publics

Le Conseil constitutionnel a jugé que le bon usage des deniers publics était une exigence de valeur constitutionnelle. En effet, examinant l'habilitation à légiférer par ordonnance en vue de créer les contrats de partenariat, le Conseil constitutionnel a considéré que « la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics »278(*).

Le Conseil constitutionnel a ensuite fait application de cette réserve d'interprétation pour censurer une disposition de la loi sur les contrats de partenariat. De fait, « en présumant satisfaite la condition d'urgence sous la seule réserve que l'évaluation préalable ne soit pas défavorable », les dispositions contestées de l'ordonnance du 17 juin 2004 modifiée sur les contrats de partenariat ont eu « pour effet de limiter la portée de l'évaluation préalable et d'empêcher le juge d'exercer son contrôle sur le caractère d'urgence » et ont ainsi privé « de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics »279(*).

Le bon usage des deniers publics constitue un motif d'intérêt général justifiant une limitation de l'exercice du droit de propriété. En l'espèce, le Conseil constitutionnel n'a pas censuré une disposition interdisant au juge de l'expropriation, lorsqu'il fixe l'indemnité à verser à un propriétaire, de tenir compte de la hausse de la valeur de son bien résultant de l'annonce de travaux déclarés d'utilité publique, afin de protéger le bon usage des deniers publics280(*).

La commission d'enquête n'a pas identifié de décision du Conseil constitutionnel censurant un dispositif législatif d'aide aux entreprises au motif du non-respect du principe de bon usage des deniers publics.

b) Le contrôle exercé par le juge administratif sur les aides publiques aux entreprises

Le juge administratif peut être amené à contrôler la constitutionnalité d'un dispositif réglementaire d'aide aux entreprises si des moyens sont soulevés en ce sens par le requérant.

Le plus souvent, le juge administratif, saisi dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, contrôle la conformité du dispositif réglementaire qui lui est soumis avec le dispositif légal ou réglementaire qui lui sert de fondement juridique, ou avec les principes généraux du droit. Ces principes, dégagés par la jurisprudence du Conseil d'État, ont en effet une valeur supra-réglementaire et infra-législative, et convergent souvent avec les principes dégagés par le Conseil constitutionnel.

Dès 1974, le Conseil d'État avait reconnu le « principe de l'égalité de traitement entre les entreprises se trouvant dans la même situation »281(*).

Le Conseil d'État utilise une définition de l'égalité très proche de celle dégagée par le Conseil constitutionnel : « Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier »282(*).

c) Des règles du commerce international peu contraignantes et très fragilisées aujourd'hui
(1) Une conception extensive de la notion de subvention

C'est l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) de 1995, issu du cycle de négociation de l'Uruguay et conclu au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a défini les subventions dans un cadre multilatéral, car cette définition était absente de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947 (GATT en anglais).

L'article 1er de l'accord sur les SMC283(*) définit une subvention de la manière suivante, sans préjudice de la définition prévue dans l'Accord sur l'agriculture.

Il faut tout d'abord qu'un « avantage soit conféré » à l'entreprise.

Il faut ensuite que l'une des deux conditions suivantes soit remplie.

Soit l'entreprise bénéficie d'une « contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public du ressort territorial » d'un État signataire de l'accord, cette contribution financière pouvant prendre plusieurs formes :

- un « transfert direct de fonds (par exemple, sous la forme de dons, prêts et participation au capital social) ou des transferts directs potentiels de fonds ou de passif (par exemple, des garanties de prêt) » ;

- des « recettes publiques normalement exigibles sont abandonnées ou ne sont pas perçues (comme dans le cas des incitations fiscales telles que les crédits d'impôt) » ;

- de la fourniture par les pouvoirs publics de « biens ou des services autres qu'une infrastructure générale », ou de l'achat de biens au profit d'une entreprise en particulier ;

- « des versements à un mécanisme de financement » effectués par les pouvoirs publics, ou bien ces derniers « chargent » ou « ordonnent » à un « organisme privé » d'exécuter une ou plusieurs des contributions financières précitées qui sont normalement de leur ressort, ou lui ordonnent de le faire, sous réserve que « la pratique suivie » par cet organisme privé ne diffère pas « véritablement de la pratique normale des pouvoirs publics ».

Soit il existe une « forme quelconque de soutien des revenus ou des prix au sens de l'article XVI du GATT de 1994 » : autrement dit, les définitions de soutien des revenus ou des prix appliqués par le GATT entre 1947 et 1994 restent valides284(*).

L'article 1er de l'accord sur les SMC retient donc une définition volontairement très large des subventions, puisqu'elle vise les pouvoirs publics en général, sans se concentrer sur l'État stricto sensu, et englobe par exemple les prêts garantis par une personne publique, les niches fiscales ou sociales, les terrains ou les locaux qu'une collectivité publique peut vendre à prix réduit à une entreprise ou encore les aides au financement.

Aux termes de l'article 3 de l'accord sur les SMC, les subventions subordonnées aux « résultats à l'exportation », que cette subordination soit juridique ou non, sont interdites, quand bien même d'autres conditions seraient également fixées par les pouvoirs publics. Sont également interdites les subventions subordonnées « à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés », même si d'autres conditions sont prévues par les pouvoirs publics. Confronté à une subvention prohibée, un État signataire peut demander des explications à l'État concerné, et en cas de « consultations » infructueuses dans un délai de 30 jours, l'Organe de règlement des différends (ORD) peut être saisi. Des règles complexes sont prévues, impliquant « un groupe spécial » assisté d'un « groupe d'experts permanent ». En cas de blocage persistant, l'ORD peut autoriser l'État plaignant à « prendre des contre-mesures appropriées ».

Si un État signataire constate qu'une subvention « spécifique » (ne visant donc que certaines entreprises en fonction de leur production ou de leur localisation) « cause un dommage à une branche de sa production nationale, annule ou compromet certains de ses avantages ou cause un préjudice grave », il pourra engager des « consultations » avec l'État concerné et, en cas d'absence d'accord dans un délai de 60 jours, saisir l'ORD, conformément à l'article 7 de l'accord sur les SMC. Comme pour les subventions prohibées, en cas de désaccord persistant et en l'absence d'accord sur une « compensation », l'ORD doit autoriser l'État plaignant à « prendre des contre-mesures proportionnelles au degré et à la nature des effets défavorables dont l'existence aura été déterminée ».

Le site internet de l'OMC indique que la France n'a fait l'objet d'un différend qu'à cinq reprises depuis 1995 : quatre différends avaient été introduits par les États-Unis, un par la Malaisie, comme indiqué dans l'annexe 3.

(2) Une institution internationale très fragilisée

L'Organisation mondiale du commerce n'est pas une institution spécialisée des Nations Unies mais elle a conclu des accords et des pratiques de coopération avec cette organisation285(*).

Déjà affaiblie sous le mandat du président Barack Obama, l'OMC a été paralysée par la première administration Trump en raison de son refus de nommer les juges qui siègent dans l'organe d'appel286(*).

L'imposition de droits de douane début 2025 par la nouvelle administration Trump a entraîné non seulement la riposte des grandes économies concernées, comme l'Union européenne, la Chine, le Canada et le Mexique, qui ont augmenté leurs droits de douane sur les produits américains, mais aussi l'octroi de subventions massives. Ainsi, le 15 avril dernier, le gouvernement sud-coréen a annoncé qu'il comptait injecter 4,9 milliards de dollars supplémentaires dans l'industrie des semi-conducteurs du pays, invoquant « l'incertitude croissante » concernant les droits de douane américains287(*).

Lors de son audition par la commission d'enquête le 4 février 2025, Mme Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité, avait déclaré : « Je ne suis pas certaine que les règles internationales de l'OMC - je pense à l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires - soient très contraignantes au regard du sujet qui vous occupe. En outre, elles souffrent actuellement de la crise du multilatéralisme. ».

Elle avait en revanche estimé que « la principale contrainte, à [s]on sens, provient du droit européen, qui s'articule autour du droit des aides d'État, obéissant à une logique concurrentielle, et du droit des fonds européens, répondant plus à une logique de politiques publiques. » De fait, lors de son audition le 14 mai 2025, M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne a estimé que, d'une certaine manière, le contrôle des aides d'État « agit comme une Organisation mondiale du commerce interne à l'Union ».

d) La prohibition des aides d'État : la défense singulière et rigoureuse des règles de la concurrence au sein du marché intérieur européen

Les règles relatives aux aides sont essentiellement définies aux articles 107 à 109 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

La réglementation sur les aides d'État est singulière dans le monde : aucun État ou ensemble d'États n'est doté d'un arsenal juridique aussi strict en matière de respect de la concurrence et, par suite, d'encadrement des aides publiques aux entreprises. Lors de son audition précitée du 14 mai 2025, M. Olivier Guersent a rappelé que le contrôle des aides d'État est « une spécificité de l'Union européenne : aucun autre ensemble régional dans le monde ne dispose d'un tel dispositif », dans la mesure où « nous sommes les seuls à constituer à la fois un marché unique - c'est à dire bien plus qu'une simple zone de libre-échange -, et une union de vingt-sept États souverains ».

L'article 107 du TFUE précité pose une interdiction de principe des aides publiques aux entreprises, dans la mesure où elles affectent les échanges au sein du marché intérieur, tout en prévoyant de nombreuses exceptions. En d'autres termes, le Traité interdit la « course aux subventions entre États membres », pour reprendre les propos de M. Olivier Guersent.

Les chiffres clefs en matière d'aides d'État

Lors de son audition du 14 mai 2025, M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, a rappelé que sa direction compte 1 000 agents, dont la moitié environ effectue le contrôle des aides d'État dans toute l'Europe, et il a fourni plusieurs données chiffrées sur l'activité de sa direction.

• En 2023, 186 milliards d'euros d'aides d'État ont été dépensés par les 27 États membres.

L'examen des aides par la Commission européenne effectué dans le cadre des dispositions du Traité porte sur 56 % de cette enveloppe, soit 116 milliards d'euros.

Les aides octroyées sur le fondement du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) et les règlements similaires applicables pour l'agriculture et la pêche, qui représentent 44 % de l'enveloppe, soit 70 milliards d'euros, ont fait l'objet d'une simple information auprès de la Commission.

En définitive, 93 % des aides non liées à une crise qui ont été introduites en 2023 par les États membres ne font l'objet d'aucune notification auprès de la Commission européenne, ce taux étant stable depuis cinq ans (90 %), étant précisé que ces aides ne représentent que 38 % du budget total d'aides accordées.

• En 2023, 36 milliards d'euros d'aides d'État ont été dépensés par la France :

- environ 15 milliards d'euros ont été accordés dans le cadre des régimes d'exemption généraux (RGEC et textes analogues applicables pour la pêche et l'agriculture), sans notification ni approbation préalable de la Commission européenne ;

- 21 milliards d'euros environ ont fait l'objet d'une notification auprès de la Commission européenne.

(1) La notion d'aide d'État : une lecture extensive de la Commission européenne

Toutes les aides publiques aux entreprises ne sont pas nécessairement constitutives d'aides d'État.

Aux termes du premier paragraphe de l'article 107 du TFUE, « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

La Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européennes, devenue la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) depuis le 1er décembre 2009, ont défini progressivement les contours de la notion d'aide d'État, qui est aujourd'hui particulièrement large, et que l'on peut présenter à travers les quatre conditions suivantes.

En premier lieu, l'aide doit être accordée par une personne publique et avoir des conséquences directes sur les finances publiques : il peut s'agir évidemment d'une aide accordée par l'État stricto sensu, mais aussi par une collectivité territoriale288(*), un établissement public ou une entreprise publique289(*). En revanche, les aides issues des fonds européens ne sont pas assimilées à des aides d'État si l'État membre ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation290(*).

En deuxième lieu, l'aide doit bénéficier à une entreprise, étant rappelé qu'en droit européen la notion d'entreprise est très large puisqu'elle comprend « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement »291(*). Cette activité économique doit s'exercer sur un marché et donner lieu à une rémunération292(*). Une entité poursuivant un but non lucratif peut donc, selon les circonstances, être considérée comme une entreprise.

Toutefois, la Cour de justice a exclu du champ des activités économiques, d'une part, les activités exclusivement sociales répondant à des exigences de solidarité nationale et dépourvues de tout but lucratif293(*) et, d'autre part, les activités liées à l'exercice d'une « prérogative de puissance publique »294(*).

En troisième lieu, l'entreprise doit bénéficier d'avantages spécifiques au profit de certaines entreprises ou certaines productions. Par conséquent, un dispositif bénéficiant à l'ensemble des entreprises, comme les exonérations de cotisations sociales en France, ne peut pas être qualifié d'aide d'État.

Compte tenu de l'expression « sous quelque forme que ce soit » mentionnée au premier paragraphe de l'article 107 du TFUE, la Cour de justice adopte une interprétation extensive de la notion d'aide : « selon une jurisprudence constante, la notion d'aide est plus générale que celle de subvention, étant donné qu'elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions d'État qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques »295(*). Parmi les mesures « positives », figurent les primes liées à la production, les prestations à un prix inférieur à celui du marché, les apports en capital quand la personne publique ne se comporte pas comme un « investisseur privé agissant dans des conditions normales d'une économie de marché ». Parmi les mesures indirectes figurent notamment la prise en charge des cotisations sociales de certaines entreprises, toutes les mesures qui encouragent l'exportation (par exemple les bonifications de taux pour les crédits à l'exportation) ou encore les réductions fiscales accordées aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune investissant dans des petites et moyennes entreprises.

En dernier lieu, une aide est interdite si elle affecte « les échanges entre États membres » et « fausse [...] ou [...] menace [...] de fausser la concurrence ». S'agissant du premier critère, il est presque toujours reconnu, la Commission européenne estimant qu'une société ayant un champ d'activité régional et bénéficiant d'une aide risque de faire obstacle à l'entrée sur le marché de concurrents européens296(*). Quant au critère relatif à la concurrence, il est par construction presque toujours rempli dès lors que l'atteinte à la concurrence peut n'être que virtuelle. En pratique, il suffit à la Commission de motiver suffisamment sa décision sur ce point.

Si l'une de ces quatre conditions n'est pas remplie, l'aide n'est pas qualifiée d'aide d'État et elle est donc compatible avec le marché intérieur.

Les participations de l'État au capital des entreprises

Lorsque l'Agence des participations de l'État (APE) envisage de prendre une participation dans le capital d'une entreprise, elle examine si un « acteur privé agissant dans des conditions normales d'une économie de marché » qui recherche une « rentabilité à long terme » aurait agi de la même manière.

Si la réponse est positive, l'APE ne notifie pas la participation à la Commission européenne.

Si la réponse est négative, l'agence notifie le dispositif sur le fondement de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

La France s'est vue autorisée en 2021 par la Commission européenne à accorder jusqu'à 4 milliards d'euros pour la recapitalisation d'Air France, à travers sa holding, durant la crise sanitaire.

Le dispositif a été annulé par le tribunal de l'Union européenne le 20 décembre 2023, au motif que la Commission européenne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'identification des bénéficiaires de la mesure d'aide.

La Commission européenne, Air France et KLM ont formé un pourvoi contre ce jugement, qui est actuellement pendant devant la Cour de justice de l'Union européenne.

(2) Certaines aides sont présumées compatibles avec le marché intérieur, d'autres nécessitent une décision de la Commission, d'autres aides enfin peuvent être déclarées compatibles en raison de « circonstances exceptionnelles »

• Certaines aides sont présumées compatibles avec le marché intérieur. Compte tenu de l'objet de la commission d'enquête, ce sont uniquement les dispositions du b) du paragraphe 2 de l'article 107 du TFUE qui méritent d'être mentionnées, car elles visent « les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires »297(*).

Comme l'a indiqué M. Olivier Guersent lors son audition du 14 mai 2025, il s'agit d'une « aide de plein droit, en quelque sorte ». Plus exactement, même les aides prises sur ce fondement juridique doivent être notifiées à la Commission européenne et faire l'objet d'une décision d'autorisation avant d'être octroyées. Selon la Commission européenne, 349 000 euros d'aides ont été accordés par la France sur cette base juridique en 2023.

• D'autres aides peuvent être considérées par la Commission européenne comme compatibles avec le marché intérieur en application du paragraphe 3 de l'article 107 du TFUE. Il s'agit des aides destinées à :

- favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions ultrapériphériques298(*), compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale (4,96 milliards d'euros en 2023 ont été dépensés par la France en 2023 selon la Commission européenne) ;

- promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun (Piiec)299(*), à hauteur de 792,67 millions d'euros en 2023 pour la France selon la Commission européenne, ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, pour un montant de 6,14 milliards d'euros en France en 2023 selon la même source (c'est sur ce dernier fondement juridique que les aides d'État ont été accordées lors de la crise du covid puis de la crise de l'énergie à la suite de la guerre d'agression de la Russie en Ukraine) ;

Les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec)

Depuis 2018, la Commission européenne a autorisé plusieurs Piiec afin d'encourager la constitution d'une politique industrielle verticale à l'échelle européenne. En effet, face aux aléas d'approvisionnement rencontrés durant la crise sanitaire, la Commission a ciblé certaines chaînes de valeur afin de renforcer l'autonomie stratégique européenne.

Ces projets, qui prennent la forme de contrats d'aides publiques coordonnés au niveau européen, ont concerné notamment :

- le Piiec microélectronique et connectivité visant à favoriser la recherche et mettre au point des technologies et des composants innovants en matière de semi-conducteurs ;

- les Piiec batteries afin de permettre l'électrification des usages ;

- le Piiec hydrogène qui vise à renforcer la production, le stockage, le transport et la distribution de l'hydrogène ;

- le Piiec cloud qui doit permettre un traitement de données interopérables et libres d'accès.

La liste des Piiec concernant la France figure à l'annexe 4.

- faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (comme l'a indiqué M. Olivier Guersent lors de son audition, c'est ce fondement juridique qui est le plus souvent mobilisé pour examiner la comptabilité d'une aide avec le marché intérieur300(*)) ;

- promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, sous réserve que les aides n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun (ces aides sont octroyées en France par le ministère de la culture) ;

- peuvent également être considérées comme compatibles les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission européenne (la Commission européenne précise que la France n'a pas fait usage de cette base légale ces dernières années).

• En outre, il existe une troisième possibilité qu'une aide soit considérée comme compatible avec le marché intérieur s'il existe des « circonstances exceptionnelles ». En effet, en application du paragraphe 2 de l'article 108 du TFUE, le Conseil, statuant à l'unanimité après avoir été saisi d'une demande d'un État membre, peut décider qu'une aide, en vigueur ou envisagée, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, par dérogation aux règles de droit commun, en cas de « circonstances exceptionnelles ». Aucune aide n'a été mise en oeuvre par la direction générale des entreprises sur ce fondement juridique.

• La Commission européenne peut déclarer, soit dans le cadre d'un examen individuel, soit en application de lignes directrices, qu'une aide est compatible avec le Traité si elle respecte les quatre principes suivants, rappelés par M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, lors de son audition du 14 mai 2025 :

- l'aide doit être nécessaire, soit parce qu'elle corrige une défaillance du marché, soit parce qu'elle finance un investissement répondant à un objectif d'intérêt commun ;

- elle doit ensuite être proportionnée, et se limiter à ce qui est strictement nécessaire pour rendre le projet rentable (l'aide ne doit pas dépasser le funding gap, afin de ne pas être assimilée à un transfert d'argent public vers un acteur privé et entraîner une distorsion de concurrence) ;

- l'aide doit avoir un effet incitatif, ce qui implique que les aides ex post sont interdites ;

- enfin, l'aide doit être additionnelle au financement que les marchés financiers et les investisseurs privés peuvent fournir.

Par ailleurs, la Commission européenne examine si l'aide a « des effets positifs éventuels » sur les objectifs poursuivis par l'Union européenne.

(3) Le rôle de vigie de la Commission européenne

En application de l'article 108 du TFUE, la Commission procède avec les États membres à un « examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États ». Elle doit même leur proposer les « mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur ».

Après mise en demeure de l'État membre de présenter ses observations, la Commission peut lui imposer de supprimer ou modifier une aide dans un délai qu'elle fixe si elle constate que cette aide :

- n'est pas compatible avec le marché intérieur ;

- ou qu'elle est appliquée de façon abusive.

Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai fixé par la Commission, celle-ci peut saisir directement la Cour de justice de l'Union européenne, cette faculté étant ouverte également à tout État membre.

Quand une aide d'État a été accordée de manière illégale (par exemple si elle n'a pas été notifiée à la Commission européenne ou si elle a été octroyée avant que celle-ci ait statué sur sa compatibilité) puis déclarée incompatible par la Commission, elle doit être récupérée afin de rétablir la situation économique existant avant le versement de l'aide. La récupération de l'aide par l'État ne peut pas engager sa responsabilité301(*).

Interrogé par la commission d'enquête, le ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a indiqué que la France avait accordé quatre aides incompatibles avec le marché unique depuis 2015 ayant entraîné la récupération des sommes versées302(*).

La plus significative concerne EDF qui a bénéficié d'une aide fiscale illégale (exonération d'impôt en 1997), ce qui a conduit au remboursement de 1,37 milliard d'euros (dont 488 millions d'intérêt)303(*).

La Commission a également exigé le remboursement de l'aide versée à l'entreprise Mory-Ducros SAS et à MoryGlobal par le Fonds de développement économique et social (FDES)304(*). En l'espèce, la France ne pouvait pas accorder en 2014 un prêt de 17,5 millions à un taux fixe annuel de 1 % par an, car ce taux était inférieur à celui du marché. En conséquence, la France a dû récupérer dans un délai de deux mois le différentiel du prêt accordé, ainsi que les intérêts afférents.

Dans le secteur aérien, la Commission a exigé la récupération de l'aide versée à Ryanair DAC et à l'aéroport de Montpellier305(*). Il s'agissait en l'espèce d'avantages économiques conférés à Ryanair par des contrats de service marketing conclus avec l'aéroport. Dans une autre affaire, la Commission a considéré que diverses contributions publiques306(*) en faveur de l'aéroport de La Rochelle constituaient des aides d'État illégales et devaient être remboursées307(*).

(4) Le régime général d'exemption par catégorie (RGEC)

Aux termes de l'article 109 du TFUE, le Conseil peut déterminer les catégories d'aides qui sont dispensées de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne.

Sur ce fondement, le Conseil a habilité la Commission européenne, par le règlement (CE) n° 994/98 du 7 mai 1998, à déclarer que certaines catégories d'aides d'État peuvent être exemptées de l'obligation de notification à certaines conditions. Cinq catégories d'aides en faveur avaient été retenues, comme les aides aux petites et moyennes entreprises (PME) et celles pour la recherche et le développement.

Puis le règlement (UE) n° 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013 a modifié le règlement du 7 mai 1998 précité afin de compléter la liste avec de nouvelles catégories d'aides, comme celles destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles.

Animé par un souci de clarté et de rationalité du droit, le Conseil a abrogé le règlement du 7 mai 1998 et a adopté le règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015308(*) qui présente une liste consolidée des catégories d'aides pouvant être exemptées de notification préalable à la Commission européenne. Cette liste a été complétée par le règlement (UE) 2018/1911 du 26 novembre 2018309(*) par deux nouvelles catégories.

Le tableau qui figure à l'annexe 5 présente les 17 catégories d'aides retenues par le Conseil, ainsi que le règlement du Conseil qui précise le régime de chaque catégorie pour la première fois.

Se fondant sur l'article 108, paragraphe 4, du TFUE, la Commission européenne a adopté plusieurs règlements pour mettre en oeuvre les orientations du Conseil. La Commission a ainsi adopté le règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014, également appelé règlement général d'exemption par catégorie (RGEC), applicable jusqu'au 31 décembre 2026310(*).

La commission d'enquête constate que le RGEC est un texte d'une extrême complexité, qui prévoit une multitude de seuils et de règles spécifiques pour chaque secteur d'activité concerné par une exemption de notification. Comme l'a indiqué M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, lors de son audition le 14 mai 2025, « la complexité actuelle de ces règles s'explique par plusieurs facteurs. L'un des principaux tient à la nature même de l'Union européenne : chaque fois qu'une règle simple est proposée, une dizaine d'États membres lèvent la main pour signaler une spécificité nationale à prendre en compte. À force de chercher à accommoder les besoins particuliers de chacun, on finit par produire des dispositifs extrêmement complexes. »

Le RGEC du 17 juin 2014 a été modifié à quatre reprises311(*), comme l'indique le tableau figurant en annexe 6.

Concrètement, le RGEC précise, au sein de chacune des catégories précitées, les aides concernées et le montant à partir duquel une notification à la Commission devient obligatoire.

Il comprend deux parties principales :

- la première, qui regroupe les deux premiers chapitres (articles 1er à 12), est commune à toutes les catégories d'aides exemptées de notification ;

- la seconde comprend les dispositions spécifiques aux différentes catégories d'aides (chapitre 3, regroupant les articles 13 à 56 septies).

En contrepartie de l'exemption de notification préalable, la Commission européenne exige que les aides :

- soient « transparentes » (autrement dit, l'État membre doit pouvoir calculer, pour chaque catégorie d'aide, son « équivalent-subvention brut » selon la méthodologie mentionnée à l'article 5 du RGEC) ;

- aient un effet « incitatif », conformément aux dispositions de l'article 6 du RGEC.

Pour être réputée « incitative », une aide doit être précédée d'une demande écrite du bénéficiaire adressée à l'État membre, précisant le nom et la taille de l'entreprise, la description du projet (dates de début et de fin), sa localisation, la liste des coûts du projet, ainsi que le type d'aide demandé (« subvention, prêt, garantie, avance récupérable, apport de fonds propres ou autre ») et le montant demandé.

Lorsque l'aide concerne une « grande entreprise » (autrement dit employant plus de 250 salariés conformément à l'article 2 du RGEC312(*)), celle-ci doit en plus démontrer, documents à l'appui, que l'aide entraînera une augmentation notable de la portée du projet, ou du montant apporté par l'entreprise ou encore un raccourcissement du délai de réalisation du projet.

Si une grande entreprise demande une aide pour un investissement à finalité régionale, elle doit démontrer que ce projet n'aurait pas vu le jour sans cette aide.

L'article 6 du RGEC prévoit notamment une longue liste de situations dans lesquelles l'entreprise n'a pas à démontrer le caractère incitatif d'une aide (par exemple les aides liées aux calamités naturelles ou à la culture).

S'agissant des principales règles du cumul d'aides mentionné à l'article 8 du RGEC313(*), elles peuvent être présentées de la manière suivante :

- les aides issues des fonds européens ne sont pas prises en compte pour calculer les seuils d'exemption de notification, sous réserve que les plafonds prévus par les fonds européens soient respectés ;

- les aides d'État peuvent se cumuler avec les « aides aux coûts admissibles identifiables exemptées », sous réserve que les seuils d'exemption soient respectés ;

- les aides d'État exemptées peuvent se cumuler avec des aides de minimis, sous réserve du respect des seuils d'exemption.

(5) Les aides exemptées de notification doivent donner lieu cependant à une information de la Commission

En contrepartie de l'absence de notification, les aides doivent être publiées dans les conditions prévues à l'article 9 du RGEC.

Concrètement, chaque État membre doit alimenter soit un site internet spécifique, soit le site tenu par la Commission européenne intitulé « Transparency Award Module » (TAM)314(*).

• En premier lieu, le site doit comporter les informations relatives aux aides exemptées qui sont mentionnées à l'annexe II du RGEC, lequel comporte deux volets.

D'une part, l'État membre doit présenter les caractéristiques générales de l'aide, notamment :

- la présentation du dispositif et sa base juridique ;

- l'autorité d'octroi ;

- la date de l'octroi et la durée de l'aide ;

- l'entreprise bénéficiaire ;

- la nature de l'aide et son montant ;

- l'existence éventuelle de cofinancement par un ou plusieurs fonds de l'UE.

D'autre part, l'État membre doit indiquer à quelle catégorie d'aide exemptée mentionnée dans le RGEC se rattache l'aide concernée.

• En deuxième lieu, le site doit également mentionner le « texte intégral de chaque mesure d'aide »315(*), toute modification devant être communiquée à la Commission dans un délai de vingt jours à compter de son entrée en vigueur316(*).

• En dernier lieu, le site comprend également les aides individuelles supérieures à 100 000 euros317(*) voire 500 000 euros pour les aides contenues dans les produits financiers bénéficiant d'un soutien du fonds InvestEU. La publication des aides octroyées aux projets de coopération territoriale européenne obéit quant à elle à des règles spécifiques.

Les informations à publier portant sur les aides individuelles sont listées à l'annexe III du RGEC et sont quasiment identiques à celles prévues à l'annexe II précitée relative aux catégories d'aides exemptées.

• Le RGEC n'impose pas aux États membres d'indiquer sur le site internet le montant des aides octroyées à l'euro près quand il s'agit :

- d'un avantage fiscal ;

- d'une aide à finalité régionale en faveur du développement urbain ;

- d'une aide au financement des risques en faveur des PME sous forme d'incitations fiscales destinées à des investisseurs privés qui sont des personnes physiques ;

- d'une aide en faveur des jeunes pousses.

• Les aides sont publiées dans un délai de six mois après leur octroi, ou dans l'année qui suit leur octroi s'agissant des avantages fiscaux.

• Les États membres doivent appliquer les dispositions de l'article 9 du RGEC dans un délai de deux ans à compter de la publication de ce règlement, soit avant le 1er juillet 2016.

• Un rapport annuel doit être établi par chaque État membre sur l'application du RGEC318(*).

• La Commission européenne n'a jamais fait usage contre la France de l'article 10 du RGEC, qui prévoit le retrait du bénéfice de l'exemption par catégorie quand un État ne respecte pas les dispositions dudit règlement.

Il ressort des réponses de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne au questionnaire du rapporteur que la France a transmis en 2023 des informations sur 76 mesures exonérées de notification, dont 57 en vertu du RGEC, 14 en vertu du règlement d'exemption par catégorie pour l'agriculture et 5 en vertu du règlement d'exemption par catégorie pour la pêche.

(6) Les aides de minimis

Il résulte du paragraphe 3 de l'article 108 du TFUE que toutes les aides doivent préalablement être notifiées à la Commission européenne : l'État membre ne peut pas verser une aide avant de disposer de sa décision expresse.

Toutefois, la Commission européenne considère de longue date que les aides d'un faible montant, également appelées de minimis, ne peuvent ni affecter les échanges entre États membres ni fausser la concurrence, et par suite, ne sont pas soumises à l'obligation de notification préalable.

Le règlement (UE) 2023/2831 de la Commission européenne du 13 décembre 2023, entré en vigueur le 1er janvier 2024 et applicable jusqu'au 31 décembre 2030, a fixé le cadre juridique des aides de minimis de « droit commun », pour ainsi dire, qui sont dispensées de notification.

De « droit commun », car ce règlement ne s'applique pas :

- aux produits agricoles, de la pêche et de l'aquaculture (production primaire, transformation et commercialisation)319(*) ;

- aux aides directement liées aux quantités exportées ;

- aux aides subordonnées à l'utilisation de produits et de services nationaux de préférence à des produits et services importés.

Sont considérées comme des aides de minimis les aides dont le montant total octroyé par un État membre à une « entreprise unique » n'excède pas 300 000 euros bruts sur une période glissante de trois ans (contre 200 000 euros sur trois exercices fiscaux dans la précédente réglementation, ce relèvement étant justifié par l'inflation observée ces dernières années).

Par la notion d'« entreprise unique », la Commission entend éviter tout contournement du seuil de 300 000 euros, notamment dans le cas des groupes. Cette qualification d'« entreprise unique » sera retenue quand l'entreprise :

- dispose de la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d'une autre entreprise ;

- a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres d'un organe de gouvernance d'une entreprise tierce ;

- exerce une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires ;

- dispose de la majorité des droits de vote des actionnaires ou des associés dans une entreprise grâce à un accord conclu avec ceux-ci.

Le plafond de 300 000 euros s'applique uniquement aux aides pour lesquelles une estimation financière peut être réalisée en calculant « l'équivalent-subvention brute », comme indiqué lors de la présentation du RGEC : la Commission utilise là aussi la notion d'« aides de minimis transparentes ».

Des règles complexes et opposables à tous les États membres sont ainsi prévues pour calculer « l'équivalent-subvention brute » des prêts, des apports en capitaux, des financements de risques (investissements en fonds propres ou quasi fonds propres), des garanties, des aides perçues par un intermédiaire financier mettant en oeuvre des régimes d'aides de minimis.

Les aides de minimis de « droit commun » sont cumulables avec :

- les aides de minimis octroyées aux entreprises fournissant des services d'intérêt économique général (Sieg)320(*) ; dans ce cas, le plafond à respecter est fixé à 750 000 euros sur trois années glissantes ;

- les aides de minimis octroyées dans le secteur de l'agriculture321(*), de la pêche et de l'aquaculture322(*) ; dans cette hypothèse, le plafond à respecter demeure celui de 300 000 euros sur trois années glissantes.

À compter du 1er janvier 2026, les États membres devront avoir mis en place un registre central des aides de minimis, étant précisé que ce registre était une simple faculté sous l'empire de la précédente réglementation323(*).

Ce registre central devra contenir les informations suivantes :

- l'identification du bénéficiaire ;

- le montant de l'aide ;

- la date d'octroi ;

- l'autorité compétente ;

- le dispositif d'aide concerné ;

- le secteur d'activité concerné, en recourant à la base de la nomenclature statistique des activités économiques dans l'Union.

Il devra donner au public un « accès aisé » aux informations relatives aux aides publiques, tout en respectant les règles de l'Union européenne en matière de protection des données (si besoin en utilisant des pseudonymes).

Selon la Commission européenne, en mai 2025, 16 États membres (dont l'Italie, l'Espagne et Chypre) ont déjà mis en oeuvre un registre national.

La France prévoit de mettre en place ce registre national au 1er janvier 2026.

Lors de son audition le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a affirmé que « la règle de minimis pose de réels problèmes. Elle contribue à rendre le système opaque, en particulier dans la distinction entre les grands groupes et les petites structures, ou encore sur ce qui relève ou non d'une extension d'activité. [...] Pour le dire franchement, j'ai du mal à comprendre précisément les mécanismes de cette règle ».

Les aides de minimis en France

La circulaire relative à l'application du règlement n° 1407/2013 de la Commission européenne du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis (« règlement de minimis ») précise les formalités d'octroi préalables à l'octroi d'une aide de minimis.

Le service instructeur doit s'assurer que l'octroi d'une nouvelle aide de minimis à une entreprise n'entraînerait pas un dépassement du plafond total autorisé sur la base d'une simple déclaration fournie par l'entreprise portant sur les autres aides de minimis qu'elle aurait éventuellement reçues, ou demandées mais pas encore reçues, lors de l'exercice fiscal en cours ainsi que des deux précédents.

Aucune liste annuelle spécifique n'est donc établie, en attendant le registre national qui sera mis en place le 1er janvier 2026. La direction générale des entreprises travaille depuis plusieurs mois, en collaboration avec les autres ministères, à la mise en place de ce registre.

(7) Une succession de mesures d'urgence
(a) Le « cadre temporaire » pendant la crise du covid en 2020

Dès le 19 mars 2020, la Commission européenne a adopté un cadre temporaire autorisant les États membres à utiliser toute la flexibilité prévue par les règles en matière d'aide d'État afin de soutenir leur économie face à la crise du covid.

Prolongé à de nombreuses reprises324(*), ce cadre temporaire a pris fin le 30 juin 2022, sauf exceptions325(*).

En définitive, selon la Commission européenne, 33 mesures d'aides proposées par la France ont été approuvées pendant la crise du covid, comme le montre le tableau en annexe 7326(*), pour un budget total de 322,93 milliards d'euros. Entre 2020 et 2023, deux tiers de ce budget ont effectivement été versés, soit 211,78 milliards, entraînant un « élément d'aide »327(*) réel de 92,6 milliards d'euros.

(b) L'encadrement temporaire de crise en 2022 à la suite de la guerre en Ukraine

Le 23 mars 2022, la Commission européenne a adopté un encadrement temporaire de crise (également appelé « Temporary crisis framework » ou TCF), permettant aux États membres d'exploiter la flexibilité prévue par les règles d'aides d'État afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Cet encadrement prévoyait notamment :

- la possibilité pour les États membres d'accorder des aides jusqu'à 35 000 euros aux entreprises touchées par la crise dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture, et jusqu'à 400 000 euros pour les entreprises touchées dans d'autres secteurs ;

- un soutien de trésorerie sous forme de garanties publiques et de prêts bonifiés ;

- des aides destinées à indemniser les prix élevés de l'énergie, le montant total de l'aide par bénéficiaire ne pouvant dépasser 30 % des coûts admissibles jusqu'à un maximum de 2 millions d'euros.

Selon la Commission européenne, 8 mesures d'aides d'État françaises ont été approuvées comme en témoigne le tableau en annexe 8. En montant nominal, 1,67 milliard d'euros ont été versés aux entreprises en 2022, soit un élément d'aide de 438,71 millions d'euros (en prix de 2023).

(c) L'encadrement temporaire de crise et de transition de 2023 en réponse à l'Inflation Reduction Act

Compte tenu du choc de compétitivité provoqué par l'Inflation Reduction Act (voir supra), la Commission européenne a prolongé et modifié l'encadrement temporaire de crise de 2022, en vue de soutenir les secteurs essentiels à la transition verte dans l'Union européenne.

Ce nouvel encadrement temporaire de crise et de transition (également appelé « Temporary Crises and Transition Framework » ou TCTF) vise à :

- prolonger la possibilité pour les États membres de soutenir les mesures nécessaires à la transition vers une industrie à zéro émission nette et introduire de nouvelles mesures, applicables jusqu'au 31 décembre 2025, pour poursuivre ces objectifs ;

- soutenir les secteurs relatifs aux énergies renouvelables, au stockage d'énergie et à la décarbonation.

C'est dans ce cadre qu'a été adopté la « matching clause » évoquée par M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, lors de son audition le 14 mai 2025. Dorénavant, un État membre est par principe autorisé à accorder une aide à une entreprise d'un montant équivalent à celui qu'elle pourrait obtenir dans un pays hors de l'Union, afin d'éviter les délocalisations328(*).

Selon la Commission européenne, 9 mesures d'aides d'État françaises ont été approuvées comme en témoigne le tableau en annexe 9. La France a versé entre 2022 et 2023 environ 3,32 milliards d'euros au titre du TCF et du TCTF, soit un élément d'aide de 2,04 milliards d'euros.

(d) Les règles relatives aux aides d'État qui accompagneront le « pacte pour une industrie propre »

Le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté son « pacte pour une industrie propre », destiné à soutenir la compétitivité et la résilience des entreprises européennes en accélérant la décarbonation, ainsi que les grandes lignes des textes « omnibus », destinés à simplifier les normes européennes applicables aux entreprises.

Le 11 mars 2025, la Commission européenne a rendu public son projet d'encadrement des aides d'État à l'appui de ce pacte. Ce projet vise à remplacer l'actuel encadrement temporaire de crise et de transition ; il devrait être adopté au mois de juin 2025 et être applicable jusqu'en 2030.

L'objectif de ce nouvel encadrement est de simplifier les règles actuelles en matière d'aides d'État.

(8) Des aides d'État d'un montant croissant en Europe

Comme l'indique un blog de la Banque de France, après avoir culminé à 2,6 % du PIB de l'UE en 2020, les aides d'État représentent 1,5 % du PIB de l'Union européenne en 2022, contre seulement 0,8 % sur la période 2000-2007329(*).

Contrairement aux idées reçues, sur la période 2000-2022, l'Allemagne a davantage dépensé pour ses aides d'État (1,3 % de son PIB) que la France (1 %), soit 820 milliards d'euros en cumulé contre 420 milliards d'euros pour la France.

Montant des aides d'État par pays, en valeur absolue et relative,
sur la période 2000-2022

Source : Banque de France, à partir des données de la Commission européenne et d'Eurostat

4. Des obligations de transparence des aides publiques aux entreprises parcellaires

Faute d'une obligation transversale de transparence des aides publiques, plusieurs régimes juridiques à portée limitée ont été adoptés afin de rendre accessibles au public les noms des bénéficiaires et les montants octroyés.

a) Des obligations ambitieuses au niveau européen
(1) La publicité des aides d'État

Comme indiqué supra, en matière d'aide d'État, deux types d'obligations existent afin d'assurer leur publicité :

- les aides appartenant à une catégorie exemptée de notification auprès de la Commission européenne doivent néanmoins faire l'objet d'une information et d'une publication appropriée, actuellement assurée sur le site TAM, étant précisé que ce site mentionne également les aides individuelles supérieures à 100 000 euros voire 500 000 euros ;

- les aides de minimis devront, à partir du 1er janvier 2026, être mentionnées dans un registre central tenu par chaque État membre.

En outre, les décisions par lesquelles la Commission européenne déclare une aide d'État compatible ou non avec le marché intérieur sont publiques.

La commission d'enquête constate que les obligations de transparence au niveau européen sont plus ambitieuses qu'au niveau national et que leur respect est contrôlé scrupuleusement par la Commission européenne.

La commission d'enquête constate néanmoins que le site TAM ne donne qu'une image partielle des aides publiques versées aux entreprises.

En premier lieu, comme indiqué précédemment, les aides transversales comme les exonérations de cotisations sociales ne sont pas considérées comme des aides d'État et ne figurent donc pas sur le site TAM.

En deuxième lieu, l'objectif de transparence poursuivi par le site TAM est entravé par le recours à des fourchettes très larges lorsqu'il s'agit du montant des aides exemptées de notification, afin de préserver le secret fiscal. En effet, le RGEC impose l'utilisation d'intervalles très étendus, en l'occurrence entre 100 000 et 500 000 euros, entre 500 000 et 1 million d'euros, entre 1 et 2 millions, entre 2 et 5 millions, entre 5 et 10 millions, et entre 10 et 30 millions. Concrètement, un ratio d'un à trois peut exister quand une aide entre dans la fourchette entre 10 et 30 millions d'euros. Au-delà de ce dernier seuil, le public ne peut avoir une vision claire de l'aide en jeu, l'aide pouvant être égale à 31 millions ou 500 millions d'euros par exemple.

En troisième lieu, le site TAM recense les montants octroyés, et non les montants effectivement versés.

En dernier lieu, le site TAM impose des entrées par instrument d'aide et par autorité d'octroi, ce qui ne permet pas d'avoir une vision globale immédiate sur les aides accordées à un seul et même projet.

(2) Les aides issues de la Politique agricole commune (PAC)

Le règlement (CE) n° 259/2008 de la Commission du 18 mars 2008330(*) avait imposé aux États membres de publier les montants d'aides perçues par chaque bénéficiaire au titre de la PAC.

Aucun plafond ou plancher n'étaient prévus dans ce règlement. Les informations restaient accessibles sur le site web pendant deux ans à compter de la date de leur publication initiale.

En application du règlement européen (UE) n° 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021331(*), chaque État membre est tenu de publier annuellement un certain nombre d'informations relatives aux bénéficiaires des aides de la PAC, qu'elles relèvent du Fonds européen agricole de garantie (Feaga) ou du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Lorsque la personne reçoit des aides des autres fonds européens, celles-ci doivent être publiées pendant deux ans seulement et à condition qu'elles dépassent 1 250 euros.

La commission d'enquête constate que le site « telepac » est opérationnel et simple d'utilisation332(*). Il permet notamment de connaître le montant total des aides de la PAC reçues par un bénéficiaire, de sélectionner une mesure en particulier, et de connaître les reversements opérés.

Plus globalement, comme le rappelle Régions de France en réponse à un questionnaire de la commission d'enquête, « en matière de fonds européens, toutes les aides sont publiées sur internet, conformément à l'obligation imposée par les règlements européens ».

(3) Les aides issues du plan de « Facilité pour la reprise et la résilience »

L'Union européenne a mis en place, lors du Conseil européen de juillet 2020, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) afin de réparer les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie de coronavirus. À la mi-octobre 2024, l'enveloppe financière du FRR s'élevait à 650 milliards d'euros : 359 milliards d'euros de subventions et 291 milliards d'euros de prêt333(*).

La France bénéficiera d'ici 2026 de 40 milliards d'euros de subventions au titre du FFR (aucun prêt n'est sollicité). Cette somme alimentera le plan national de relance et de résilience (PNRR), qui est lui-même issu du plan France relance lancé en septembre 2020334(*) (voir supra pour une présentation plus détaillée du plan).

Comme l'indique la Commission européenne dans un rapport du 1er mars 2022, celle-ci « a mis en place le tableau de bord de la reprise et de la résilience, qui est une plateforme publique en ligne, pour qu'il serve d'outil de déclaration de performance de la facilité, affichant de façon transparente les informations disponibles sur la mise en oeuvre de la FRR »335(*). Une carte interactive de la France permet d'identifier rapidement les 73 projets financés, dont plusieurs concernent des entreprises.

Lors de son audition le 25 mars 2025, M. Patrick Lefas, président de Transparency International France, avait souligné que « lors du déploiement du plan France relance de 2020 à 2022, le ministère de l'Économie et des Finances avait développé un site internet présentant quelques données sur les aides publiques à l'industrie. Cependant, certains jeux de données étaient incomplets, ne présentant que le nombre de bénéficiaires par département sans leur identité, ou l'identité des entreprises bénéficiaires sans les montants attribués. Cette situation n'est pas conforme aux obligations contractées au titre des règlements européens ». M. Patrick Lefas a ajouté qu'une « grande partie des bénéficiaires déclarés étaient en réalité des opérateurs publics chargés de redistribuer les fonds aux entreprises, comme l'Agence de services et de paiement (ASP), qui apparaissait comme le premier bénéficiaire du plan de relance européen en France ». Lors de son audition le 11 février 2025, M. Olivier Petitjean avait déjà dressé ce constat : « Pour ce qui concerne le plan de relance européen, le Parlement européen a exigé que les pays qui en bénéficient publient la liste de leurs 100 premiers bénéficiaires ; certains pays ont joué le jeu - plus ou moins bien -, comme l'Allemagne ou l'Espagne, mais la France s'est contentée de publier la liste des agences publiques qui redistribuaient les fonds ».

Ce constat semble toujours d'actualité si l'on se réfère à la liste actuelle des cent premiers bénéficiaires du PNRR conformément aux obligations européennes. En effet, le tableau Excel, en date de décembre 2024, indique que les premiers bénéficiaires sont des acteurs institutionnels (Bpifrance en 1ère place, France compétences en 3ème place, l'Agence nationale de la recherche en 5ème place) ou des administrations (DDFIP Essonne en 2ème place). S'agissant des entreprises privées, la première pointe à la 36ème place (Thales Alenia Space, 28,5 millions d'euros), tandis que les entreprises Lafarge Ciments, ArcelorMittal et Orange, ces deux dernières entreprises ayant été entendues par la commission d'enquête, occupent respectivement les 53ème, 72ème et 97ème places (soit des subventions d'un montant de 19, 14,9 et 13 millions d'euros),

(4) Les aides aux titres de presse

Le ministère de la Culture met en accès libre un tableau qui retrace l'ensemble des aides versées au titre de presse336(*).

En 2023, 204,7 millions d'aides directes ont été versés, et 84 millions d'aides indirectes.

Le tableau, présenté dans un format Excel, présente les titres de presse par ordre alphabétique, avec le total des aides directes reçues (ventilées en aide au pluralisme, aide à l'exemplaire porté, aide à l'exemplaire posté notamment), les aides à la filière et les aides exceptionnelles « papier ». Ce tableau présente également des éléments de contexte pour éclairer sa lecture : diffusion annuelle, aide par exemplaire, groupe ou société de presse d'appartenance.

b) Les subventions nationales supérieures à 23 000 euros doivent être publiées

Au préalable, il convient de rappeler que tous les actes administratifs des collectivités territoriales doivent être publiés. Depuis le 1er juillet 2022, les actes réglementaires et les actes ni réglementaires ni individuels doivent être publiés sous format électronique337(*), et non plus sous format papier (affichage et publication), sauf exceptions338(*).

L'article 10 précité de la loi DCRA du 12 avril 2000 prévoit en outre des obligations de transparence renforcées tant à l'égard de la personne publique que de l'organisme bénéficiaire d'une subvention.

(1) Les obligations de transparence qui pèsent sur la personne publique

Quel que soit le montant de la subvention octroyée, la personne publique doit communiquer son budget et ses comptes à toute personne qui en fait la demande339(*) dans les conditions de droit commun340(*).

Surtout, si la subvention dépasse 23 000 euros par an (ou si le montant cumulé sur un an de plusieurs subventions dépasse ce seuil), la personne publique doit rendre accessible, sous forme électronique, dans un « standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », les données essentielles de la convention de subvention, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

En pratique341(*), les données suivantes doivent être accessibles gratuitement, en consultation ou en téléchargement, sur le site internet de la personne qui a attribué l'aide :

- informations portant sur la personne ayant octroyé l'aide (date de la convention, acte administratif matérialisant la décision d'octroi notamment) ;

- informations relatives à l'attributaire de la subvention (comme le numéro d'inscription au répertoire des entreprises) ;

- informations relatives à la subvention elle-même (objet, montant, durée, conditions de versement par exemple).

En application de l'article 2 du décret du 5 mai 2017 précité, cette obligation de transparence ne s'applique pas aux collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants ni à leurs établissements publics.

Lors de son audition le 25 mars 2025, M. Kévin Gernier, responsable plaidoyer chez Transparency International, a déclaré que « la majorité des grandes communes et régions publient ces données conformément à la loi, et souvent même en deçà du seuil légal de 23 000 euros. Certaines, comme la ville de Paris, vont jusqu'à publier les décisions de refus d'octroi de subventions ».

(2) Les obligations de transparence incombant aux bénéficiaires

Quel que soit le montant de la subvention, l'entreprise bénéficiaire doit rendre communicables son budget, ses comptes et la convention en cas de demande d'un tiers. Cette communication n'est pas directe car elle transite par la personne publique qui a octroyé la subvention.

Si la subvention dépasse 153 000 euros par an342(*) et est affectée à une « dépense déterminée », l'entreprise bénéficiaire doit produire un « compte rendu financier » qui atteste de « la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention ». Ce compte rendu financier est déposé auprès de l'autorité qui a versé la subvention dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel elle a été attribuée. L'entreprise doit également déposer à la préfecture du département où se situe son siège social son budget, ses comptes, la ou les conventions concernées, ainsi que les comptes rendus financiers : tous ces documents peuvent être consultés par des tiers.

c) Un accès des tiers aux documents administratifs fortement encadré en raison des secrets protégés par la loi
(1) La législation tente de trouver un point d'équilibre entre transparence et protection des secrets

En application de l'article L. 312-1-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), dans sa rédaction résultant de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l'administration doit publier en ligne, entre autres :

- les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu'elle produit ou qu'elle reçoit et qui ne fait pas l'objet d'une diffusion publique par ailleurs ;

- les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental.

Cette obligation concerne toutes les personnes publiques et assimilées (État, collectivités territoriales, personnes de droit public et personnes de droit privé chargées d'une mission de service public343(*)), à l'exception, d'une part, des collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants, et, d'autre part, des personnes employant moins de 50 agents ou salariés exprimées en équivalents temps plein344(*).

Dans le même sens, le périmètre des documents administratifs concernés par l'obligation de mise en ligne est particulièrement large puisqu'il regroupe tous les « documents produits ou reçus par l'administration », quels que soient leur « forme » et leur « support » : « dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions »345(*). Comme l'a indiqué le ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique en réponse à un questionnaire du rapporteur, entrent dans ce périmètre les subventions et les aides fiscales, les contrats de prêts et d'avance, les conventions de garanties, ainsi que le montant des aides accordées sur le fondement de dispositions législatives ou réglementaires.

Cette obligation de publicité des documents administratifs se heurte à de nombreuses limites, définies par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du CRPA.

En effet, aux termes de l'article L. 311-5 du CRPA, ne sont pas communicables :

- les documents « sensibles » élaborés par des acteurs institutionnels de premier plan (« avis du Conseil d'État et des juridictions administratives » ; « mesures d'instruction, rapports et diverses communications de la Cour des comptes » ou encore les « documents élaborés ou détenus par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs d'enquête » pour ne prendre que ces exemples) ;

- les documents qui porteraient atteinte aux activités du Gouvernement (« secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ») et aux activités régaliennes (« secret de la défense nationale », « conduite de la politique extérieure de la France », « sûreté de l'État, [...] sécurité publique, [...] sécurité des personnes [et] sécurité des systèmes d'information des administrations », « monnaie et [...] crédit public ») ;

- les documents qui porteraient atteinte aux activités juridictionnelles (« déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente » et « recherche et [...] prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature ») ;

- ou encore les documents ne respectant pas les « secrets protégés par la loi ».

L'article L. 311-6 du CRPA précise la consistance des secrets protégés par la loi puisqu'il interdit de communiquer à des tiers346(*) les documents en méconnaissance :

- de la « protection de la vie privée » ;

- du « secret médical » ;

- du « secret des affaires », lequel comprend « le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles »347(*).

(2) Le secret des affaires cristallise l'attention des acteurs économiques

Comme l'indique la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) sur son site internet348(*), le secret des affaires repose sur trois piliers :

- le secret des procédés (il comprend « certains secrets protégés par la loi comme le secret qui s'attache aux brevets, le secret de fabrique et l'obligation générale de loyauté qui s'impose aux salariés ») ;

- le secret des informations économiques et financières (« Ne sont ainsi pas communicables : le chiffre d'affaires, les volumes de production, les capacités d'exploitation et le montant des investissements, les volumes de matières premières utilisées et, de manière générale, les bases d'imposition ») ;

- le secret des stratégies commerciales (il comprend notamment les « prix et remises pratiqués », la « liste des fournisseurs » ou encore la « politique de développement à l'exportation »).

Le secret des affaires est également défini à l'article L. 151-1 du code de commerce, qui dispose qu'est protégée au titre de ce secret toute information répondant aux critères cumulatifs suivants :

- elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, « généralement connue ou aisément accessible » pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;

- elle revêt une « valeur commerciale », effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

- elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de « mesures de protection raisonnables », compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Le secret des affaires doit donc faire l'objet d'une appréciation au cas par cas.

Toute atteinte au secret des affaires engage la responsabilité de son auteur349(*), la partie qui s'estime lésée pouvant saisir la juridiction compétente en requête ou en référé pour obtenir le prononcé de mesures provisoires et conservatoires350(*).

La Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) ne s'oppose pas à la communication d'un document administratif à un tiers portant sur une aide publique à une entreprise, y compris le montant de l'aide, « sous réserve que la révélation de ce montant ne permette pas d'en déduire une information couverte par le secret des affaires, tel que le montant du chiffre d'affaires ou celui d'un investissement »351(*).

La Cada avait refusé en 2022 de communiquer à Transparency International France les montants des aides accordées dans le cadre du volet « Industries du futur » du plan de relance, au motif que ces informations auraient permis indirectement à un tiers de connaître « le montant des investissements réalisés par les entreprises concernées, au regard de leur taille, de leur activité ciblée et de leur chiffre d'affaires »352(*).

(3) Le secret fiscal : un périmètre bien défini

Celui-ci est défini à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

Sont tenues au secret fiscal toutes les « personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ou au code des impositions sur les biens et services ». Le secret fiscal s'étend « à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations ».

Toute méconnaissance d'un secret protégé par la loi (comme le secret fiscal mais aussi le secret des affaires) est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

C. PLUSIEURS PÉRIMÈTRES DES AIDES AUX ENTREPRISES PEUVENT ÊTRE RETENUS D'UN POINT DE VUE ÉCONOMIQUE

1. Les aides publiques aux entreprises correspondent à un ensemble hétérogène de plus de 2 200 dispositifs qui présentent des objectifs, des natures et des financeurs divers
a) Panorama des aides publiques aux entreprises

En l'absence d'une définition claire des aides publiques aux entreprises en droit interne, les nombreux dispositifs identifiés comme constituant des aides, 2 267 en mai 2025 selon la base de données de référence353(*) tenue par l'établissement public CMA France www.aides-entreprises.fr, peuvent être appréhendés en les distinguant selon la nature de l'aide, l'objectif économique poursuivi ou encore la catégorie d'administration publique qui assure le financement de l'aide.

Répartition des dispositifs d'aide selon la nature du dispositif

(en nombre d'aides)

 
 

Note : La répartition ne tient compte que du nombre de dispositifs existants et non des montants d'aide associés.

Source : Commission d'enquête, d'après les données du site www.aides-entreprises.fr

S'agissant de la nature des aides354(*), les subventions viennent largement en tête avec près de deux tiers des dispositifs d'aides publiques constitués par des subventions (66 %). Il est toutefois à relever que cette répartition, qui illustre le fait que le risque d'illisibilité du système actuel est imputable en priorité aux dispositifs de subventions, n'est pas représentative des coûts associés à chacune des aides, comme l'illustre le fait que les allègements fiscaux représentent un nombre réduit d'aides (4 %) en dépit des coûts élevés associés à ces dispositifs.

Répartition des dispositifs d'aide selon le domaine du dispositif

(en nombre d'aides)

Note : La répartition ne tient compte que du nombre de dispositifs existants et non des montants d'aide associés. Le domaine « autres » inclut les aides pour l'apprentissage et dans le domaine de l'agroalimentaire. Le domaine « international » correspond notamment aux aides à l'export comme le crédit export, la garantie de projets à l'international ou le prêt « croissance international ».

Source : Commission d'enquête, d'après les données du site www.aides-entreprises.fr

S'agissant des domaines dans lesquels les aides interviennent, les données disponibles355(*) font apparaître le fait que trois d'entre eux concentrent 84 % des dispositifs d'aides : l'économie, le développement durable et la culture. Ce niveau de concentration, qui doit être tempéré par le fait qu'il ne concerne que le nombre de dispositifs sans tenir compte des enjeux financiers associés, illustre le fait que les efforts de simplification peuvent être menés en priorité dans ces trois domaines. La coexistence de plus de 200 dispositifs d'aides publiques différents dans le domaine de la culture témoigne de la possibilité de rationaliser le système d'aides publiques sans remettre en cause le soutien apporté par les pouvoirs publics aux acteurs concernés.

Répartition des dispositifs d'aide selon le financeur du dispositif

(en nombre d'aides)

Note : La répartition ne tient compte que du nombre de dispositifs existants et non des montants d'aide associés. Les catégories État, région et département incluent également leurs opérateurs. La catégorie « Autre » inclut notamment les chambres consulaires.

Source : Commission d'enquête, d'après les données du site www.aides-entreprises.fr

Enfin, s'agissant des financeurs des aides, le bloc communal contribue au financement de 40 % des aides, en raison des compétences des communes et des EPCI pour les aides en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles356(*). Les financeurs d'un niveau régional (régions et opérateurs) contribuent à financer plus d'un quart des aides, soit 1 004 aides (26 %) financées.

Les aides financées par l'État représentent, avec 772 dispositifs, un cinquième (20 %) de l'ensemble des aides publiques.

Dans son rapport public annuel de 2023, la Cour des comptes avait constaté qu'en 2022, parmi les 2 100 dispositifs d'aide recensés, 1 640 émanaient d'acteurs locaux (régions, EPCI, établissements publics) et 1 354 étaient financées ou cofinancées par les régions, étant précisé que quatre régions représentaient plus de 40 % du total : Auvergne-Rhône-Alpes (145), Grand Est (136), Hauts-de-France (129) et Nouvelle-Aquitaine (155)357(*).

La grande diversité des financeurs des aides publiques aux entreprises, y compris lorsqu'elles poursuivent un même objectif, nuit à la cohérence de leur suivi et à la capacité de l'administration et, partant, du Parlement, de disposer d'une vision consolidée des aides aux entreprises.

Les aides aux entreprises dans le secteur de la décarbonation de l'économie :
une offre surabondante et illisible pour les entrepreneurs

Les travaux menés récemment par la délégation aux entreprises du Sénat358(*) ont permis, en s'appuyant notamment sur la revue des aides à la transition écologique359(*) réalisée en avril 2023 par l'Inspection générale des finances, de dénombrer près de 340 dispositifs d'aides publiques à la transition écologiques des entreprises.

Dans son rapport d'information publié en octobre 2024, la délégation aux entreprises dresse le constat d'une aide publique « complexe et disparate », qui n'assure pas une articulation satisfaisante entre les interventions des trois principaux responsables du déploiement de ces aides : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la Banque publique d'investissement (Bpifrance) et le réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Ce manque d'articulation aboutit à l'émergence d'un « mille-feuilles d'aides » au sein duquel la visibilité des entreprises concernées est « parcellaire », ce qui se traduit par le renoncement de certaines entreprises au bénéfice de ces aides.

b) Les aides aux entreprises répondent à des besoins et à des enjeux financiers distincts selon leur financement par l'État, par les administrations de sécurité sociale, par les collectivités locales ou par l'Union européenne
(1) Les aides financées par le budget de l'État correspondent principalement à deux vecteurs d'intervention aux caractéristiques complémentaires : les subventions directes et les dépenses fiscales

En dehors des instruments financiers non-subventionnels, ou instruments avisés, qui peuvent être regardés comme constituant une intervention au soutien des entreprises, soit une aide publique au sens large, les aides publiques aux entreprises supportées par le budget de l'État correspondent principalement à deux dispositifs : les subventions budgétaires aux entreprises d'une part et les incitations fiscales, ou dépenses fiscales, d'autre part.

En premier lieu, les subventions budgétaires correspondent à des aides versées par l'État, ses agences et opérateurs, à des entreprises pour soutenir leur compétitivité ou assurer leur viabilité. Elles correspondent principalement, sans s'y superposer parfaitement, à un instrument de « politique industrielle verticale »360(*), c'est-à-dire ayant pour objet de promouvoir certains secteurs dans lesquels une intervention de la puissance publique est justifiée par des enjeux de souveraineté économique, d'équilibre territoriale ou de faillite de l'initiative privée.

Ces aides se rattachent à de nombreux dispositifs sectoriels de soutiens distincts dont le pilotage et la cohérence d'ensemble sont placés sous la responsabilité de la direction générale des entreprises, qui assure une mission « d'élaboration, de mise en oeuvre et d'évaluation des politiques de l'État dans les domaines de l'industrie et des filières industrielles, de l'économie numérique, du commerce, notamment en matière d'aménagement commercial, de l'artisanat, du tourisme, des services aux entreprises et aux personnes et des professions libérales »361(*).

Lors de son audition devant la commission d'enquête le 27 mars 2025, M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, a souligné la coexistence de deux types de subventions budgétaires versées par l'État :

« Nous distinguons deux catégories de finalités des aides : d'une part, les aides de crise, visant à aider les entreprises à faire face à un choc exogène comme les aides Covid, les aides énergie, les aides en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte, d'autre part, les aides de développement économique, cherchant à inciter ou permettre aux entreprises d'investir en R&D ou dans des capacités de production, comme une partie importante du plan France 2030. »

Le directeur général a également souligné le fait que les subventions budgétaires ont pour particularité d'être fondées le plus souvent sur un acte bilatéral passé entre l'entreprise concernée et la personne publique responsable du versement de l'aide. Ce conventionnement a pour effet de renforcer la capacité de suivi de l'aide et de faciliter la conditionnalité :

« Pour les aides individuelles liées à des projets d'investissement, nous mettons en place une conditionnalité de réalisation. Cela implique une contractualisation de l'aide avec des jalons de réalisation et des paiements associés. Nous assurons un suivi tout au long de la vie du projet et des ajustements sont possibles »362(*).

Sur le montant total des subventions budgétaires financées par l'État, la revue de dépenses relative aux aides aux entreprises réalisées par l'Inspection générales des finances en mars 2024363(*) avait identifié un montant total de 44 milliards d'euros de subventions en 2022 dont 6,5 milliards d'euros correspondaient à des compensations de cotisations sociales (dépenses sociales) et 9 milliards d'euros correspondaient à des dispositifs mis en extinction.

Subventions budgétaires de l'État en faveur des entreprises en 2022

(en milliards d'euros)

Ministère de tutelle

TOTAL

Subvention budgétaire

Dépenses sociales

Dispositifs en extinction

Énergie

12,4

7,8

0

4,6

Travail, santé, handicap

11,5

7,1

4

0,4

Économie et finances

6

3,2

0,3

2,5

Transport

5,7

5,3

0

0,4

Agriculture et alimentation

2,5

2,1

0,4

0

Transition écologique et solidaire

2,1

1,1

0

1

Outre-mer

1,7

0

1,7

0

Culture

1

1

0

0

SGPI

0,8

0,8

0

0

Enseignement supérieur, recherche et innovation

0,2

0,2

0

0

Mer

0,1

0

0,1

0

TOTAL

44,1

28,6

6,5

9

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'IGF

En second lieu, les dépenses fiscales sont définies comme toutes les dispositions législatives ou réglementaires ayant pour effet de réduire la charge fiscale des contribuables par rapport à l'application de la norme de référence364(*). Elles correspondent à des incitations fiscales que les pouvoirs publics peuvent mobiliser soit en adoptant des mesures sectorielles ciblées, soit en adoptant des mesures générales bénéficiant à l'ensemble des entreprises indépendamment de leur secteur d'activité.

Les incitations fiscales constituent un instrument de « politique industrielle horizontale », c'est-à-dire ayant pour objectif de créer un environnement économique favorable au développement des entreprises de tous les secteurs du tissu économique, en assurant notamment un soutien adéquat aux activités de recherche et développement, la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée et ayant la possibilité de se former tout au long de la vie, un environnement normatif lisible ou encore des conditions de financement favorables.

À la différence des subventions budgétaires pour lesquelles l'autorité décisionnaire dispose d'une certaine latitude d'appréciation dans le choix des bénéficiaires, les incitations fiscales correspondent à un droit pour les entreprises qui remplissent les critères fixés par la législation fiscale.

Il en résulte deux conséquences principales.

D'une part, la conditionnalité appliquée aux incitations fiscales doit être fixée en termes suffisamment généraux pour être prévue par la loi - à titre d'exemple, il est possible de subordonner le droit au crédit d'impôt industrie (CII) à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits, mais il n'est pas envisageable de prévoir un suivi détaillé par jalons de réalisation comme dans le cas de certaines subventions budgétaires contractualisées entre le bénéficiaire et la puissance publique.

D'autre part, il existe un risque réel, qualifié traditionnellement « d'effet d'aubaine »365(*), qu'une incitation fiscale mal calibrée se traduise par le versement d'une aide publique à une entreprise qui aurait adopté le même comportement indépendamment de cette aide.

Toutefois, l'instrument des incitations fiscales est très largement mobilisé dans le champ des aides publiques aux entreprises en France, à travers des dispositifs dont certains sont transversaux, à l'image du crédit d'impôt recherche (CIR) qui concerne l'ensemble des secteurs économiques, ou sectoriels, comme le crédit d'impôt jeux vidéo (CIJV).

L'instrument des incitations fiscales présente par surcroît le double avantage d'être lisible pour l'entreprise, qui sait ce qu'elle obtiendra sous réserve de remplir les critères d'éligibilité, et de constituer un levier de simplification dans la mesure où l'incitation fiscale permet de supprimer la phase de dépôt de la demande d'aide par l'entreprise et celle d'instruction par l'administration. L'incitation fiscale est à ce titre « encore mieux qu'un guichet unique » selon la formule utilisée devant la commission d'enquête par M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergie lors de son audition le 25 mars 2025.

Lors de cette audition, l'intéressé a également pris pour exemple le plan américain de soutien à l'industrie Inflation Reduction Act (IRA), fondé principalement sur des incitations fiscales, ce qui a eu pour effet de permettre un versement massif et rapide de soutien aux entreprises sur le territoire des États-Unis avec un mode de déploiement plus simple que celui des subventions budgétaires :

« Il nous a fallu deux années de paperasse pour valider notre projet d'électrolyseur, nous n'avons toujours pas lancé le projet parce que nous attendons encore un papier pour confirmer les 90 millions d'euros de subventions, sur un projet à 330 millions d'euros ; avec un système comme l'IRA, nous aurions pu avancer tout de suite, avec l'engagement d'un crédit d'impôt, c'est encore mieux qu'un guichet unique. Il faut des règles claires, stables, qui soutiennent l'investissement et dont le contrôle soit beaucoup plus simple - c'est ce qui se passe avec l'IRA, le crédit d'impôt est beaucoup plus simple à utiliser et à contrôler ».

Selon les données fournies par le Gouvernement à la commission d'enquête, les dépenses fiscales en faveur des entreprises s'élèvent à 43,5 milliards d'euros en 2023, répartis entre 255 dispositifs distincts (voir le tableau figurant dans l'Essentiel).

(2) Sécurité sociale : le poids croissant des exonérations de cotisations sociales
(a) Les allègements de cotisations employeur : des niches sociales particulièrement coûteuses

Le coût des allègements de cotisations employeur a augmenté de manière considérable depuis vingt ans : il est passé de 21 milliards d'euros en 2005 à 77 milliards d'euros en 2024366(*) pour le régime général. À titre de comparaison, ces seules exonérations représenteraient aujourd'hui le troisième budget de l'État hors charge de la dette - après la défense et l'enseignement scolaire.

Cette hausse spectaculaire est à la fois due à l'empilement d'exonérations successives (réduction générale, bandeau maladie puis famille) et à l'augmentation annuelle du Smic - sur la base duquel les montants d'exonérations sont calculés. Les créations d'emploi ne jouent quant à elles qu'un rôle marginal sur cette augmentation.

La caisse nationale de l'Urssaf a ainsi parlé d'« effet d'emballement »367(*) au titre de l'année 2022 où, porté par des revalorisations importantes du Smic pour faire face à l'inflation, le montant des exonérations a augmenté de 13,1 % par rapport à l'année précédente.

Montant annuel des exonérations (tous secteurs) et taux d'exonération apparent dans le secteur privé entre 2004 et 2022

(b) Selon le rapporteur, cet emballement des exonérations de cotisations sociales constitue déjà une difficulté pour la sécurité sociale et lui fait courir un risque important à terme

Les allègements généraux de cotisation employeur contribuent à réduire les assiettes de cotisations sociales, et donc à diminuer les recettes des branches de la sécurité sociale. La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale368(*) ayant posé le principe général de compensation par l'État des exonérations et réductions de cotisations sociales, les ressources des branches sécurité sociales ne sont pas mises à mal pour autant. Elles font l'objet en contrepartie d'affectation d'une fraction de TVA ou de la contribution sociale généralisée (CSG), toutes deux particulièrement dynamiques. Lors de son audition le 5 mai 2025 devant la commission d'enquête, Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a néanmoins indiqué que « les exonérations non compensées représent[ai]ent 3 milliards d'euros. »

Surtout, cette substitution de recettes fiscales aux cotisations patronales modifie profondément le modèle de financement de la protection sociale. Les cotisations sociales ne représentent plus que 49 % des recettes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss), contre 82 % en 1993369(*).

(3) Collectivités territoriales : le montant prépondérant des dépenses régionales
(a) Les dépenses des collectivités territoriales en matière d'aides aux entreprises sont très difficiles à identifier

Il est très difficile de connaître le montant exact des aides aux entreprises versées par les collectivités territoriales. La Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2023, relevait ainsi que « le suivi des dépenses d'action économique, en particulier des aides aux entreprises, est altéré par des défaillances à plusieurs niveaux »370(*). Deux défaillances étaient ainsi identifiées par les magistrats financiers. La première défaillance résulte de la nomenclature comptable (M 57), qui ne permet pas de connaître le montant des aides versées à un secteur en particulier, ni celui des aides à l'immobilier. La seconde défaillance réside dans le recensement imparfait des aides accordées sur le territoire régional, car le taux de réponse aux questionnaires des régions est loin d'atteindre 100 % : ainsi, la Cour des comptes a constaté qu'en 2020 la région Pays de la Loire n'avait reçu que 15 réponses sur 77 collectivités concernées, avant que le taux de réponse atteigne 78 % en 2022371(*).

La Cour des comptes a tout d'abord constaté qu'une enveloppe annuelle de 8,5 milliards d'euros avait été consacrée par les collectivités territoriales entre 2014 et 2020 en matière de développement économique372(*).

Montant annuel moyen des dépenses de développement économique des collectivités territoriales (de 2014 à 2020)

(en millions d'euros)

Au sein de cette enveloppe, les aides publiques aux entreprises correspondent à la catégorie des concours financiers aux organismes privés (subventions, prêts, participations), qui s'élèvent à 2,7 milliards d'euros (indépendamment des aides aux entreprises financées par le Feder, à hauteur de 276 millions d'euros).

Une autre approche est possible, en se référant à la nature des dépenses de chaque strate de collectivité territoriale. Dans cette hypothèse, les aides publiques aux entreprises s'élèveraient a minima à 1,2 milliard de subventions régionales aux organismes privés. Il s'agit d'un plancher, car il faudrait ajouter une partie des prêts et avances accordés par les régions ainsi que les dépenses du bloc communal en matière d'immobilier d'entreprises (selon la Cour des comptes, « le bloc communal consacre ainsi plus de 40 % de ses dépenses à des dépenses d'aménagement foncier, dont l'immobilier d'entreprises, pour un montant de 877 M€ par an »373(*)).

Dépenses d'action économique par strate de collectivités et par destination (moyenne 2014-2020)

(en millions d'euros)

La Cour des comptes a mis en oeuvre une troisième approche, en combinant les résultats de ses propres questionnaires adressés aux régions et les données issues du recensement annuel des aides d'État dont dispose la direction générale des collectivités territoriales. La Cour des comptes arrive alors à un chiffre d'un milliard d'euros par an : « En retenant les aides déclarées au titre des finalités recherche, développement et innovation, PME, celles à finalité régionale ou en faveur des entreprises en difficulté, de l'agriculture et de la pêche, la Cour évalue leur montant à 1 Md€ par an en moyenne sur la période 2014-2020, dont 0,4 Md€ au titre des aides de minimis. En ajoutant les aides financées par le Feder, évaluées à 0,3 Md€ par an, le montant moyen annuel des aides aux entreprises s'élève à 1,3 Md€ sur la période 2014-2020 »374(*). Il s'agit là encore d'un plancher, car certaines aides publiques peuvent être accordées sans être soumises à l'obligation de notification préalable à la Commission européenne. En outre, les dépenses du bloc communal en matière d'immobilier d'entreprises sont là aussi omises.

De son côté, l'association Régions de France fournit, dans les réponses apportées au questionnaire du rapporteur, des chiffres sensiblement différents. En prenant comme base la consolidation des comptes administratifs des régions, celles-ci auraient alloué, selon Régions de France, 1,9 milliards d'euros d'aides aux entreprises en 2023375(*).

Estimation des aides régionales aux entreprises en 2023
selon Régions de France

Non seulement les aides régionales sont souvent redondantes avec celles qu'octroie l'État, mais on constate également de nombreux doublons dans chaque région. En effet, la Cour des comptes a relevé, dans son rapport public annuel de 2023, qu'en 2022 pas moins de « 31 dispositifs régionaux » étaient dédiés au « financement du lancement des entreprises en Auvergne-Rhône-Alpes, 27 dans le Grand Est, 23 dans les Hauts-de-France »376(*).

Enfin, près de 300 dispositifs d'aides en 2022 disposaient d'un « budget inférieur à 100 000 € pour un total de 14,2 M€ »377(*).

(b) Les régions augmentent continûment leurs dépenses en faveur du développement économique

Les régions ont significativement renforcé leur rôle dans le financement des aides au développement économique et aux entreprises. Le rapport précité de la Cour des comptes mentionne que leur part dans le total des dépenses d'action économique des collectivités territoriales est passée de 27 % en 2013 à 37 % en 2021, illustrant une augmentation substantielle de leur engagement financier. Après un repli en 2016 lié au cycle électoral et aux réorganisations administratives induites par la loi NOTRé, les régions ont accru leurs dépenses annuelles, atteignant en moyenne 2,5 milliards d'euros entre 2017 et 2019, contre 2,1 milliards d'euros entre 2013 et 2015. Cette tendance s'est encore amplifiée pendant la crise sanitaire, avec une hausse marquée des dépenses en 2020 pour soutenir les entreprises, atteignant un niveau supérieur de 18,6 % en 2021 à celui de 2019. Cette dynamique reflète une spécialisation croissante des régions dans le domaine économique, avec des interventions ciblées et une gestion renforcée des fonds européens, consolidant ainsi leur position centrale dans le paysage du développement économique territorial.

Évolution des dépenses des régions par outils d'action économique

(en pourcentage)

Comme en témoigne l'enquête menée par la Cour des comptes, les moyens d'action économique des régions s'appuient principalement, à hauteur des deux tiers, sur le modèle des subventions dont le poids est croissant (leur part dans les dépenses de développement économique passant de 53 % en 2017 à 65 % en 2021).

(c) Les aides des régions ne s'adressent pas aux grandes entreprises

Le soutien régional aux grandes entreprises est quasi inexistant, ne représentant que 1 % en moyenne des aides (y compris les entreprises de taille intermédiaire) selon Régions de France.

En d'autres termes, les régions concentrent très majoritairement leur soutien sur les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent 99 % des entreprises bénéficiaires des aides régionales.

Lors de son audition le 22 avril 2025 par la commission d'enquête, Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d'Occitanie, a indiqué que dans cette région « les aides concernent à 98,4 % les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Ce chiffre est conforme au taux moyen que l'on constate dans la plupart des régions, où entre 97 % et 99 % des aides concernent les TPE et les PME. »

(d) Les fonds d'investissement régionaux : nouvel instrument innovant d'investissement des régions pour le soutien aux entreprises

Les régions ont développé des outils de financement innovants comme les fonds de capital-investissement, ou fonds souverains régionaux, qui ont pris leur essor après la crise sanitaire. À travers ces fonds, les régions apportent un soutien à long terme aux PME et aux ETI, en assumant un risque financier. Elles cherchent ainsi à attirer des investisseurs, tant publics que privés, pour des entreprises à fort enjeu régional en matière de réindustrialisation et de décarbonation. Une région a également la possibilité de devenir actionnaire d'une entreprise, ce qui lui permet d'encourager le développement de solutions innovantes.

Sans prétendre à l'exhaustivité, des fonds de capital-investissement existent en Bretagne, avec le fonds « Breizh Rebond » lancé en janvier 2021 ; en Occitanie avec l'agence régionale des investissements stratégiques (Aris) créée en octobre 2020 ; en Nouvelle-Aquitaine avec le fonds « Naci » (Nouvelle-Aquitaine capital investissement) créé en 2020, sans oublier les fonds souverains régionaux en Normandie et en Auvergne-Rhône-Alpes.

Le fonds souverain de la région Occitanie

Auditionnée par la commission d'enquête le 22 avril 2025, la présidente de la région Occitanie, Mme Carole Delga, a indiqué que le fonds souverain régional d'Occitanie dispose de 400 millions d'euros, composés d'une minorité de fonds publics (provenant de la région, de la Caisse des Dépôts et Consignations, et de Bpifrance) et d'une majorité de fonds privés (issus de grandes entreprises et industriels).

En 2020, la société Newheat a lancé cinq projets de centrales solaires en Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Grand Est. Quatre sont aujourd'hui en activité. Cette société a construit ces centrales afin de produire de l'eau chaude. À proximité de sites industriels et de réseaux de chaleur des villes, elle fournit l'eau en se connectant aux utilisateurs et la revend. Ces cinq opérations ont été portées par une société d'investissement dont le capital est détenu à 51 % par Newheat et à 49 % par trois fonds régionaux, dont celui d'Occitanie. Une société a été créée pour héberger chaque centrale378(*).

(4) Aides européennes : des montants élevés
(a) Les aides en gestion directe

S'agissant des fonds européens en gestion directe, quelques programmes, parmi les enveloppes budgétaires les plus importantes, ciblent les entreprises pour dégager des effets de levier :

- le Fonds pour l'innovation, doté de 40 milliards d'euros jusqu'en 2030379(*), vise à promouvoir des solutions industrielles à faible émission de carbone et à soutenir la transition de l'UE vers la neutralité climatique. Les appels à projets, au nombre de deux à cinq par an, sont très compétitifs mais offrent des montants substantiels, avec par exemple 3,5 milliards d'euros alloués en 2023 pour 55 projets et 4,9 milliards en 2024 pour 83 projets380(*) ;

- le programme InvestEU, doté de 26 milliards d'euros de garanties dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027, est un outil européen d'aide à l'investissement. Il couvre les infrastructures durables, la recherche et l'innovation, le soutien aux PME et l'investissement social. InvestEU ne fournit pas de financements directs aux entreprises, mais octroie des garanties pour réduire les risques des grands projets, principalement via la Banque européenne d'investissement (75 %) et des partenaires financiers nationaux comme Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations en France (25 %)381(*) ;

- le programme Horizon Europe, souvent cité lors des auditions de la commission, dispose d'un budget de 95,5 milliards d'euros pour 2021-2027 et inclut un « Pilier 3 » (13,5 milliards d'euros) spécifiquement conçu pour les entreprises ;

- le Fonds européen de défense, doté de 7,9 milliards d'euros, vise à renforcer la compétitivité et l'innovation de la base industrielle et technologique de la défense européenne, en favorisant les collaborations entre PME et les entreprises de taille intermédiaire, avec des incitations spécifiques pour ces dernières.

Il ressort des réponses de la Représentation permanente de la France auprès de l'UE au questionnaire du rapporteur, que parmi l'ensemble des programmes européens en gestion directe, la majeure partie des fonds captés par la France proviennent des programmes Horizon Europe, du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) Transports, du Fonds européen de défense et d'Europe Créative.

Selon les informations communiquées au rapporteur par le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), il ressort des données de la Commission européenne « Spending and Revenues » que la France (c'est-à-dire l'ensemble des structures françaises bénéficiaires) a perçu 3,3 milliards d'euros en moyenne annuelle entre 2021 et 2023 au titre des programmes en gestion directe hors action extérieure, tout type de financement confondu (subvention, marché, conventions de gré à gré notamment).

Les entreprises publiques et privées françaises ont été les bénéficiaires de presqu'un quart des fonds européens en gestion directe attribués à la France sur la programmation 2014-2021382(*).

Ventilation des fonds en gestion directe versés à la France entre 2014 et 2021

Vers un fonds structurel unique ?

Pour la programmation budgétaire pluriannuelle de l'UE 2028-2034, la Commission européenne envisage de créer un Fonds pour la compétitivité unique, intégrant recherche, innovation et dépenses stratégiques383(*). Ce fonds regrouperait des initiatives telles qu'Horizon Europe et divers programmes sectoriels, comme le programme « L'UE pour la santé » (EU4Health) et le Fonds pour l'innovation. L'objectif de ce fonds serait d'optimiser l'utilisation des instruments financiers à fort effet de levier, en améliorant la coordination entre subventions, prêts, garanties et fonds propres, et en associant efficacement les acteurs privés.

(b) Les aides en gestion partagée

Au cours de la dernière décennie, les aides européennes ont connu une augmentation significative, malgré leur complexité avérée. Selon la Cour des comptes, « sur la période 2014-2020, le Feder a augmenté d'au moins 25 % les ressources consacrées par les régions au développement économique (5 Md€ programmés) et, s'agissant des aides aux entreprises, 1,9 Md€ se sont ajoutés aux 3,5 Md€ d'aides d'État versés par les régions »384(*).

Selon l'Inspection générale des finances385(*), les fonds européens structurels destinés aux PME, incluant les fonds Feder et FTJ, s'élèvent actuellement à 300 millions d'euros sur un total de 9 à 10 milliards d'euros. La majorité des aides européennes est dirigée vers le secteur agricole (environ 9 milliards d'euros), suivi par la pêche (environ 40 millions d'euros) et les réserves d'ajustement au Brexit (environ 10 millions d'euros, concernant les PME de tous secteurs et le secteur de la pêche). Les aides européennes sont donc principalement orientées vers l'agriculture plutôt que vers le développement des PME. Les 300 millions d'euros alloués aux PME représentent un total de 2,1 milliards d'euros sur la période allant jusqu'en 2027, en prenant 2021 comme année de référence. Les aides financées par le Feder se caractérisent par un montant moyen plus élevé (370 000 euros) comparé aux aides d'État financées sur fonds régionaux, qui s'élèvent en moyenne à 77 500 euros pour les aides à la recherche-innovation et à 30 900 euros pour les aides aux PME386(*).

Aides versées aux entreprises par l'Union européenne

Source : IGF

2. L'intrication des plans d'urgence ces dernières années a accentué le flou sur le montant des aides versées aux entreprises
a) Un soutien aux entreprises sans précédent pour faire face à la crise sanitaire, puis énergétique

Au cours de la crise sanitaire de 2020-2022, l'État a mobilisé des moyens financiers sans précédent pour soutenir, notamment, les grandes entreprises et leurs sous-traitants. Selon les travaux de la Cour de comptes, cette aide peut être évaluée à environ 92,4 milliards d'euros, portés à 260,4 milliards d'euros si l'on intègre le montant des prêts garantis et des reports de paiements des cotisations sociales selon les travaux de la Cour des comptes387(*).

· Le plan de relance a été mis en place dès mars 2020, pour un coût budgétaire de près de 71,5 milliards d'euros sur la période s'étendant jusqu'en 2022. Parmi les principales mesures qu'il comportait, peuvent être évoquées :

le fonds de solidarité aux entreprises (41,03 milliards d'euros), qui permettait de compenser une partie de la perte de chiffre d'affaires des entreprises ayant subi une interdiction d'accueil du public, ou appartenant à un secteur protégé ;

l'activité partielle (21,98 milliards d'euros), qui a permis de prendre en charge 70 % de la rémunération brute du salarié pour les employeurs, soit environ 84 % du salaire net ;

Recours à l'activité partielle par les entreprises entre 2020 et 2022

Source : Unédic

- les exonérations de cotisations sociales (8,5 milliards d'euros) ;

- les reports de cotisations sociales pouvant aller jusqu'à 36 mois qui ont été consentis dès 2020 ;

- la souscription par les entreprises de prêts garantis par l'État (PGE), pour près de 143 milliards d'euros entre 2020 et 2022.

Ces mesures, adoptées en situation d'urgence, ont visé à préserver la trésorerie et l'emploi, au prix d'un recours massif aux instruments budgétaires et hors-budget. Lors de son audition devant la commission le 3 mars 2025, Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a ainsi considéré qu'« on a assisté à un soutien sans précédent, avec une réponse très rapide, indispensable pour éviter un effondrement massif des entreprises. »

En réponse au questionnaire du rapporteur, le ministre de l'Économie et des Finances propose un chiffrage sensiblement différent du plan de relance.

Montant prévisionnel et coût effectif du plan de relance
selon le Gouvernement

Dispositif

Montant prévisionnel

Coût effectif

PGE388(*)

6,7 Md€

5,1 Md€
(en janvier 2025)

Reports de cotisations et contributions sociales

 

9,2 Md€389(*)

Amélioration de la prise en charge de l'activité partielle

2020 : 33,9 Md€390(*)

2021 : 7,8 Md€

2020 : 25 Md€

2021 : 9 Md€391(*)

Exonération aides versées dans cadre fonds de solidarité : données issues du VMT tome 2 du PLF 2022, PLF 2023 et PLF 2024 : somme coûts 2020, 2021, 2022 et 2023

5,87 Md€

5,48 Md€

Dégrèvement exceptionnel de cotisation foncière des entreprises

(données issues du VMT tome 2 du PLF 2022 et PLF 2023 : somme coûts 2020 et 2021)

0,13Md€

0,11Md€

Déductibilité des abandons de créances de loyers (dépense fiscale non chiffrée dans VMT tome 2 des PLF 2022 et 2023)

nc

nc

Crédit d'impôt sur les abandons de créances ou renonciations de loyers (données issues du VMT tome 2 du PLF 2022 et PLF 2023 : somme coûts 2021 et 2022)

0,08 Md€

0,15 Md€

Source : Gouvernement

· Le plan de résilience économique et sociale de mars 2022 pour contrer la hausse des coûts de l'énergie et le choc d'inflation comportait pour sa part une enveloppe de 92 milliards d'euros. S'il a principalement consisté en des mesures transversales et automatiques de réduction des prix de l'énergie pour les industriels, il a également comporté des aides plus ciblées. Les travaux de la Cour des comptes ont permis d'évaluer à 24,8 milliards d'euros le soutien aux entreprises entre 2022 et 2023, avec respectivement 18,5 milliards d'euros au titre des dispositifs transversaux392(*) et 6,3 milliards au titre des aides ciblées.

Là encore, le chiffrage qu'a donné le Gouvernement du plan de résilience diffère de celui déterminé par la Cour des comptes.

Montant prévisionnel et coût du plan de résilience selon le Gouvernement

Dispositif

Montant prévisionnel

Coût effectif

Bouclier tarifaire électricité

2,5 Md€
(2022-2023)

1,8 Md€
(2022-2024)

Soutien aux énergo-intensifs
(gaz + électricité)

7 Md€

2,1 Md€

Baisse de TICFE

7,4 Md€

6,3Md€
(hors professionnels <36kVA)

Amortisseur électricité

2Md€

2,3Md€

PGE majoré

 

14,2 M€ pour 2,04Md€ octroyés à date de fin septembre 2024

Prolongement activité partielle longue durée

-

0,1 Md€ au T3 et T4 2022

Source : Gouvernement

b) Des soutiens financiers intriqués entre plan de relance et budget général de l'État

La note de la Cour des Comptes de juillet 2023, Garantir l'efficacité des aides de l'État aux entreprises pour faire face aux crises, pointe l'entrelacement des différents dispositifs mis en place en faveur des entreprises durant les crises : fonds d'urgence, PGE, relance post-crise, crédits budgétaires globaux, etc.

Cette imbrication nuit à la traçabilité, au suivi des versements et à l'analyse de l'efficacité de chaque dispositif, comme le souligne le rapport : « La prolongation de la mission « plan d'urgence » a été marquée par des atteintes répétées aux principes budgétaires d'annualité et de spécialité, du fait de reports de crédits de grande ampleur et de multiples redéploiements de crédits entre les programmes. »

Lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2024, et pour 2025, le Sénat, suivant l'avis de la commission des finances, a par ailleurs rejeté les crédits de la mission « Plan de relance ». Le rapporteur spécial, Jean-François Husson, a ainsi qualifié cette mission de « budget masqué (...) qui s'affranchit des contraintes d'annualité ». La conséquence directe de ce défaut de traçabilité se retrouve dans les difficultés à évaluer les aides en question. C'est pourquoi Mme Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a estimé, lors de son audition le 3 mars 2025 par la commission d'enquête, que « nous sommes plutôt efficaces en matière de contrôle, avec ce bémol des mesures prises dans des contextes d'urgence. »

Les mêmes difficultés surgiront peut-être à la faveur du suivi du plan France 2030.

Le plan « France 2030 »

Le 12 octobre 2021, le Président de la République a présenté le plan d'investissement « France 2030 », qui intègre le quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4) et poursuit la logique de plan d'innovation du programme d'investissement d'avenir (PIA). Le montant total des investissements du plan « France 2030 » est porté à 54 milliards d'euros en tenant compte des intérêts des dotations non consommables (DNC) et des revenus du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

La plan France 2030 visait à la fois à répondre à la faible croissance potentielle française, et aux déficits des comptes publics et du commerce extérieur. Par ailleurs, il devait consacrer la moitié de ses dépenses à la décarbonation de l'économie et l'autre à des projets d'innovation.

Ses investissements ont été structurés autour de dix-sept objectifs et leviers prioritaires d'investissement afin de :

- faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets ;

- devenir le leader de l'hydrogène vert ;

décarboner l'industrie ;

- produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides ;

- produire le premier avion bas-carbone ;

- investir dans une alimentation saine, durable et traçable ;

- produire 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l'âge et de créer les dispositifs médicaux de demain ;

- placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels et créatifs ;

- prendre part à la nouvelle aventure spatiale ;

- investir dans le champ des fonds marins.

c) Une efficacité réelle du soutien, mais des fraudes et des effets d'aubaine

Sur le plan de l'efficacité, l'ensemble des personnes auditionnées reconnaissent le rôle crucial de ces dispositifs durant la crise sanitaire : maintien de l'emploi, limitation des faillites, garantie d'accès au crédit pour les entreprises en manque de liquidité. Toutefois, cette réussite ne doit pas masquer le niveau de fraude résiduel, ainsi que les rares effets d'aubaine qui ont profité à des entreprises non ciblées, voire déjà très soutenues.

En effet, afin d'assurer un déploiement rapide des aides publiques mises en place, et de répondre au choc exogène rencontré par l'économie française, le choix a été fait de privilégier des dispositifs simples et peu ciblés. La contrepartie de cette facilité de mise en oeuvre a été d'induire des effets d'aubaine plus ou moins importants selon les dispositifs. Les travaux de la Cour des comptes déjà cités ont ainsi mis en lumière les constats suivants :

- des entreprises ont bénéficié de PGE d'un montant parfois plus important que la chute de l'excédent brut d'exploitation (EBE) qu'elles ont subie393(*) ;

- les grandes entreprises, qui se sont vu conditionner le recours aux PGE à des « engagements de responsabilité », n'ont fait l'objet d'aucun contrôle concernant l'interdiction de verser des dividendes, de racheter des actions l'année d'octroi du PGE, ou de domicilier des filiales ou succursales dans des territoires non-coopératifs en matière fiscale pendant toute la durée de l'emprunt394(*) ;

le recours au fonds de solidarité a parfois été étendu à des secteurs non concernés par les fermetures administratives, sans tenir compte des résultats économiques réalisés, ni des autres aides de droit commun octroyées, au risque d'entraîner un cumul d'aides supérieur au préjudice subi395(*) ;

- la prise en charge de coûts d'exploitation sans tenir compte des résultats économiques et des autres aides a augmenté le risque d'un cumul des aides supérieur au préjudice subi et majoré la probabilité de fraude ;

- dans un premier temps, avant que le ciblage des contrôles ne s'améliore, certaines entreprises ont également pu connaître un enrichissement du fait du bénéfice de l'activité partielle avec, dans le même temps, une hausse sensible du chiffre d'affaires396(*).

Le rapporteur souscrit à l'analyse de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance financière qui a relevé que « la méthode qui consiste à verser des aides publiques sans évaluation préalable, ni étude d'impact et sans contrôle en aval constitue un véritable aimant à fraudeurs »397(*).

3. L'absence de périmètre précis correspondant aux aides publiques aux entreprises se traduit par une carence du Gouvernement dans leur suivi

Comme il a été rappelé ci-dessus, la notion d'aide publique aux entreprises n'a pas de définition juridique précise. Elle regroupe divers instruments de soutien aux entreprises dont dispose la puissance publique, les principaux étant les subventions, les mesures de fiscalité incitative et les exonérations de cotisations sociales.

Les auditions menées par la commission d'enquête de différents services des ministères économiques et financiers - dont notamment la direction générale des entreprises, la direction générale du Trésor et la direction générale des finances publiques - ont permis de confirmer le fait qu'il n'existe pas à ce jour de « tableau de bord » exhaustif des dispositifs d'aide permettant au pouvoir exécutif de suivre le coût total des aides publiques aux entreprises.

La commission d'enquête s'est également interrogée sur le suivi de cette notion d'aide publique aux entreprises par le service statistique public (SSP). Elle a entendu à ce titre le 6 février 2025 M. Sylvain Moreau, directeur des statistiques d'entreprises de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), qui a indiqué que l'appareil statistique ne permet pas actuellement un suivi exhaustif des dispositifs d'aides publiques aux entreprises :

« Le suivi des concours publics est plus complexe car de nombreux dispositifs coexistent. Certaines subventions sont difficiles à identifier et à suivre en raison de la manière dont elles sont enregistrées au niveau des comptabilités d'entreprises, alors que la comptabilité nationale récupère directement auprès de l'administration les informations relatives aux sommes versées aux acteurs économiques. Du reste, le classement de ces concours peut varier au fil du temps. »

Compte tenu de l'absence de tableau de suivi consensuel et partagé entre les services d'administration centrale sur les dispositifs d'aides publiques aux entreprises, la commission d'enquête s'est appuyée pour ses travaux sur deux rapports récents de référence avant de proposer elle-même une estimation du montant annuel des aides publiques aux entreprises.

a) L'étude de référence de France Stratégie

Le rapport Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales publié par France Stratégie en novembre 2020 propose une estimation de l'ensemble des aides publiques aux entreprises pour l'année 2019, en retenant différents périmètres concentriques permettant d'affiner le montant des aides selon l'approche retenue. Cet exercice d'estimation conduit à un résultat pour 2019 compris entre 223 milliards d'euros pour le périmètre le plus large (périmètre 1) et 139 milliards d'euros pour le périmètre le plus restreint (périmètre 4)398(*).

Estimations de France Stratégie pour le montant des aides publiques en 2019

(en milliards d'euros)

 

Périmètre 1

Périmètre 2

Périmètre 3

Périmètre 4

Méthode

Ensemble des aides publiques

Périmètre 1 à l'exclusion des dépenses fiscales déclassées

Périmètre 2 à l'exclusion des participations, prêts, avances remboursables et garanties de l'État

Périmètre 3 à l'exclusion des allègements de charge autre que sur les bas salaires

Montant

223

175

153

139

Source : Commission d'enquête, d'après les données de France Stratégie399(*)

S'agissant du périmètre 1, France Stratégie avait identifié 19 catégories d'aides, comme l'indique le tableau suivant.

Interventions économiques en faveur des entreprises en France, en 2019, en millions d'euros, selon France Stratégie

Source : France Stratégie400(*)

b) Les travaux du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques

Le Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) a publié en mai 2022 son rapport Un capitalisme sous perfusion. Mesures, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises. Ce rapport propose une évaluation alternative des aides publiques aux entreprises qui aboutit, pour l'année 2019, à un montant annuel global de 205 milliards d'euros. Lors de son audition le 13 février 2025 devant la commission d'enquête, l'un des co-auteurs de ce rapport, M. Jordan Melmies, a insisté sur le fait que les méthodologies retenues par les deux rapports différaient et que les montants estimés par le Clersé constituaient des planchers du montant des aides publiques aux entreprises :

« Toutefois, il est difficile de comparer notre chiffrage au leur. Il est important de comprendre que nous avons à la fois les dépenses budgétaires, de type subventions, et les renoncements à l'impôt, mais uniquement ceux que le législateur a définis comme étant des mesures incitatives. Il s'agit donc d'une évaluation a minima. »

Le rapporteur relève que ces deux évaluations récentes du montant annuel des aides publiques aux entreprises ont fait l'objet d'un certain consensus quant à leur ordre de grandeur, les différences de montant s'expliquant par les divergences entre les périmètres retenus. En effet, lors de son audition le 11 février 2025 devant la commission d'enquête, M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, a notamment souligné la robustesse des deux évaluations proposées en soulignant que les divergences relevaient de choix méthodologiques pouvant être justifiés pour chacune des deux évaluations :

« Deux excellentes notes avaient été publiées par deux organismes de très grande qualité, France Stratégie, dans son ouvrage sur les politiques industrielles en 2020 et le Clersé. J'ai donc tenté avec quelques collègues de comparer ces deux études pour identifier les différents composants, dispositifs et montants compris dans la notion d'aides publiques aux entreprises, en réalisant un tableau comparatif.

On a constaté que ces deux instituts parvenaient à des montants différents pour une même année en raison de divergences méthodologiques. Il existe, en effet, plusieurs options méthodologiques, aussi valables les unes que les autres pour déterminer ce qu'est une aide aux entreprises »401(*).

De fait, dans une note du 12 juillet 2023, Rexecode avait estimé que « le recensement des dispositifs d'aides aux entreprises et l'évaluation des montants en jeu dépendent de la définition retenue. Ainsi, les évaluations de France Stratégie et du Clersé diffèrent de 15 Md€ sur la même année 2019. Cet écart vient de différences de périmètre et d'évaluations différentes pour chaque catégorie d'aides »402(*).

Évaluation des montants d'aides aux entreprises par France Stratégie
et le Clersé pour l'année 2019

(en milliards d'euros)

Source : Rexecode

4. La commission d'enquête estime que les aides publiques aux entreprises au sens large représentent 211 milliards d'euros en 2023, dont un montant de 108 milliards d'euros qui correspondent à des aides au sens strict
a) Un défaut de données officielles incompréhensible

Pour disposer d'un périmètre robuste et fixé par une institution publique qui permet également de réaliser des comparaisons temporelles sur l'évolution des aides publiques depuis cinq ans, le rapporteur a demandé à M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, d'obtenir une mise à jour de l'estimation du montant annuel des aides publiques selon les quatre périmètres retenus par France Stratégie en 2020.

Dans sa réponse écrite aux questions du rapporteur, le ministre s'est borné à indiquer que cette actualisation était impossible au regard de la charge de travail que cette tâche représentait.

Le rapporteur a réitéré sa demande d'actualisation du tableau de France Stratégie, et a obtenu la réponse suivante pour le moins lapidaire : « le graphique auquel il est fait référence a été réalisé par France Stratégie (un service du Premier ministre), selon sa propre méthodologie ».

Le rapporteur considère que l'impossibilité dans laquelle le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique se trouve de disposer d'une estimation actualisée du montant total des aides publiques aux entreprises, en fonction des périmètres retenus et de la taille des entreprises, est choquante et constitue une carence inacceptable des services placés sous sa responsabilité. Ce défaut de suivi met à mal l'information du Parlement, qui est pourtant tenu d'examiner chaque année de nombreux dispositifs d'aide dans le cadre du vote du budget, et porte préjudice au Gouvernement lui-même, qui ne dispose pas d'une vision globale des sommes engagées.

Le rapporteur regrette à cet égard que le ministre se soit borné à mentionner, lors de son audition le 15 mai dernier devant la commission d'enquête, une estimation globale du coût des aides publiques aux entreprises de 150 milliards d'euros403(*), ventilée sommairement entre les dépenses fiscales (40 milliards d'euros), les dépenses budgétaires (30 milliards d'euros) et les allègements de cotisations sociales (80 milliards d'euros), plutôt que d'apporter des réponses écrites documentées et précises sur la demande d'actualisation de l'exercice d'estimation mené par France Stratégie. Le rapporteur a d'ailleurs relevé pendant l'audition du ministre que son estimation différait sensiblement de celle que le président de la République avait donné du montant des aides publiques aux entreprises lors de son intervention télévisée deux jours plus tôt.

L'absence de données statistiques officielles sur les aides publiques versées aux entreprises fait donc échec à l'un des objectifs que s'était fixé la commission d'enquête, à savoir établir le montant des aides octroyées aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.

b) Une estimation du périmètre large des aides

Par suite, la commission d'enquête a réalisé elle-même une estimation du montant des aides publiques aux entreprises pour l'année 2023, étant entendu que cette estimation relève d'un ordre de grandeur plutôt que d'une estimation fine eu égard à l'indisponibilité de certaines informations.

En particulier, en dehors de la question du périmètre retenu qui est développée ci-dessous, les données relatives aux subventions budgétaires sont complexes à appréhender dans la mesure où il existe fréquemment un risque de « double compte » du fait du traitement statistique de ces flux financiers entre l'administration et les entreprises. À l'inverse, les données relatives aux dépenses fiscales, aux dépenses sociales et aux interventions financières404(*) de la Banque publique d'investissement (Bpifrance) sont pour certaines librement accessibles et présentent un moindre risque de double compte, sous réserve d'un traitement approprié de la notion de subvention budgétaire.

La méthodologie suivie par la commission d'enquête

Pour les interventions financières de Bpifrance, la commission d'enquête inclut dans le périmètre des aides « au sens large » des interventions n'ayant pas le caractère d'une subvention comme les prêts et les garanties. Le périmètre inclut également des subventions versées par Bpifrance et financées notamment par le plan France 2030, dont une partie provient du plan de l'Union européenne « Next Generation EU ». Le plan national de relance et de résilience (PNRR) inclut les investissements d'avenir à travers une enveloppe pluriannuelle de 5 milliards d'euros.

Pour les dépenses fiscales, le rapporteur inclut dans le périmètre des dépenses fiscales « au sens large » non seulement l'ensemble des dépenses fiscales bénéficiant aux entreprises recensées dans le tome II de l'annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2025, mais également les dépenses fiscales « déclassées », c'est-à-dire les dépenses fiscales qui ont cessées d'être catégorisées comme dépenses fiscales par l'administration au motif qu'elles correspondaient à une modalité de calcul de l'impôt comme par exemple le régime d'intégration fiscale au sein d'un groupe qui a été déclassé en 2006.

Par conséquent, la commission d'enquête a fait le choix de retenir une estimation prudente pour les subventions budgétaires en retenant un périmètre restrictif405(*) constitué des principaux dispositifs d'aide répondant à la double condition de ne pas être opérés par Bpifrance d'une part406(*) et de correspondre effectivement à une aide aux entreprises d'autre part, ce qui a conduit à exclure de cette aide les sommes versées à une entreprise en contrepartie de la gestion d'un service public (comme les compensations versées au groupe La Poste au titre du service universel postal, ou celles versées à la SNCF).

Estimation du montant des aides publiques aux entreprises « au sens large »
en 2023

(en milliards d'euros)

Note : les données utilisées sont celles figurant dans le bilan d'activité 2023 de Bpifrance pour la catégorie « Interventions financières de Bpifrance » ; dans le tome II de l'annexe « Évaluation des voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2025 pour la catégorie « dépenses fiscales » ; réponse de la ministre chargée des affaires sociales pour la catégorie « allègements de cotisations sociales ». Ces sources ont été complétées par le rapport d'activité 2023 de l'Ademe et les réponses du ministre de l'Économie et des Finances au questionnaire écrit du rapporteur, notamment pour la catégorie « Subventions aux entreprises ».

Source : Commission d'enquête

Cette estimation des aides publiques aux entreprises au sens large aboutit à un montant annuel de 211 milliards d'euros en 2023, ce qui constitue un ordre de grandeur cohérent avec les estimations produites par France Stratégie et par le Clersé.

Le rapporteur insiste sur le fait que cette estimation de 211 milliards d'euros pour le coût annuel des aides publiques « au sens large » doit être regardée comme un plancher, dès lors que pour construire cette estimation certaines aides n'ont pas été incluses, faute de données robustes et aisément accessibles, dans le périmètre étudié.

Devraient être ajoutées à ce chiffrage, réalisé par la commission d'enquête à partir de données officielles, les aides versées aux entreprises par les régions (2 milliards d'euros par an en moyenne selon Régions de France), les aides versées par le bloc communal dont le montant n'est pas aisé à établir selon la Cour des comptes, ainsi que les aides versées par l'Union européenne en gestion indirecte (y compris la PAC), dont le montant annuel est compris entre 9 et 10 milliards d'euros selon l'Inspection générale des finances, et les aides européennes en gestion directe, difficiles à estimer selon le Secrétariat général des affaires européennes.

c) Une estimation complémentaire du périmètre restreint des aides

Pour approfondir l'analyse, la commission d'enquête a également souhaité estimer un montant d'aides publiques « au sens strict », correspondant à un périmètre plus restreint excluant les mesures dont la qualification comme « aide » n'était pas consensuelle, au regard notamment de la notion d'aide d'État au sens du droit de l'Union européenne.

Pour construire ce périmètre restreint, la commission d'enquête a exclu de son estimation initiale les mesures suivantes :

- les interventions financières de la Banque publique d'investissement, dès lors que ses interventions donnent lieu en général à une contrepartie du bénéficiaire, notamment dans le cadre des prêts qui sont remboursés par les entreprises, qui paient par surcroît des intérêts à Bpifrance, ou dans le cadre de l'activité d'investissement pour laquelle la contrepartie est constituée par les titre financiers acquis par Bpifrance ;

- les dépenses fiscales « déclassées » qui correspondent aux manques à gagner en termes de recettes fiscales pour lesquels l'administration fiscale estiment qu'ils relèvent d'une modalité de calcul de l'impôt plutôt que d'une mesure incitative ; à ce titre le fait de considérer le régime d'intégration fiscale comme une « aide aux entreprises » éloigne cette notion de son sens strict ;

- les dépenses fiscales liées à la taxe sur la valeur ajoutée ; en effet il existe un débat sur le bénéficiaire effectif de ces mesures de dépense fiscale, dès lors que l'avantage est réparti entre le consommateur et l'entreprise selon le choix fait par l'entreprise de répercuter, partiellement ou totalement, la baisse de TVA en baisse de prix.

Cette seconde estimation des aides publiques aux entreprises au sens strict aboutit à un montant annuel de 108 milliards d'euros.

Estimation du montant des aides publiques aux entreprises « au sens strict »
en 2019

(en milliards d'euros)

Source : Commission d'enquête

Ces deux périmètres distincts, qui constituent donc des planchers et des ordres de grandeur plutôt que des estimations précises du montant des aides, constituent un point d'ancrage pour le débat public, et apparaissent cohérents avec les estimations existantes : ils permettent d'estimer le montant annuel des aides publiques aux entreprises à 211 milliards d'euros au sens large et à 108 milliards d'euros au sens strict.

II. DES CONTRÔLES, DES SUIVIS ET DES ÉVALUATIONS DES AIDES AUX ENTREPRISES À GÉOMÉTRIE VARIABLE, TANDIS QUE LA CONDITIONNALITÉ EST PEU CONTRAIGNANTE AUJOURD'HUI

A. LES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ ET LES CONTREPARTIES EN TERMES D'EMPLOI SONT ENCORE PEU CONTRAIGNANTES EN FRANCE MAIS SE MULTIPLIENT EN EUROPE

1. La multiplication des licenciements économiques dans les entreprises ayant bénéficié d'aides publiques invite à reconsidérer la mise en place de conditionnalités
a) Le droit du licenciement économique a connu un assouplissement progressif depuis 2015
(1) Les « raisons économiques » pouvant justifier un licenciement économique ont été étendues par le juge puis le législateur

Le licenciement économique se distingue des autres motifs de rupture du contrat de travail par le fait que le motif qui le fonde est « non inhérent[s] à la personne du salarié »407(*). Le licenciement provient en effet des conséquences de « raisons économiques » sur son emploi, nécessitant pour l'employeur la rupture de son contrat de travail. Cette spécificité du licenciement lui a longtemps valu de nécessiter une autorisation administrative préalable408(*), mais la loi du 2 août 1989 relative à la prévention du licenciement économique409(*) a supprimé cette autorisation administrative, donnant dès lors au juge judiciaire la compétence d'en apprécier le caractère réel et sérieux410(*).

Cependant, afin d'apporter une sécurisation juridique de licenciements pouvant se révéler cruciaux pour des entreprises en difficulté économique, le législateur a progressivement codifié les motifs de recours que la jurisprudence avait dégagés411(*), afin de justifier la cause réelle et sérieuse du licenciement exigée par l'article L. 1233-2 du code du travail. L'article L. 1233-3 du code du travail énumère ainsi les critères pouvant, notamment412(*), être invoqués par l'employeur.

· Les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise. Cette notion n'était initialement pas définie, et c'est la loi du 8 août 2016413(*) qui a codifié les critères alternatifs que la jurisprudence avait dégagés, en précisant que les difficultés économiques étaient notamment caractérisées par une évolution significative d'au moins un indicateur économique - tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation. Le législateur a de même mentionné, en tenant compte de la taille de l'entreprise, le nombre de trimestres devant être retenus pour pouvoir considérer cette évolution comme significative.

· Des mutations technologiques se traduisant par une transformation de l'emploi. Il peut s'agir par exemple de l'automatisation ou de la numérisation d'une grande partie des tâches attribuées à un salarié, ou encore d'une réorganisation de la chaîne de production consécutive à l'apparition d'un nouveau procédé technique. Ce motif de licenciement économique autonome est peu mobilisé par les employeurs, mais pourrait trouver une actualité renouvelée dans le cadre du développement de l'intelligence artificielle (IA)414(*).

· Une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Ce critère a été ajouté par la loi du 8 août 2016 dite de sécurisation des parcours professionnels415(*). Il englobe, par exemple, les cas dans lesquels la situation du marché ou des entreprises concurrentes fait ressortir l'inadaptation de l'organisation de l'entreprise. Cependant, la réalité de la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité fait l'objet d'une jurisprudence abondante, et la Cour de cassation a par exemple pu préciser qu'un licenciement « non pas pour sauvegarder sa compétitivité, mais afin de réaliser des économies et d'améliorer sa propre rentabilité, au détriment de la stabilité de l'emploi dans l'entreprise concernée »416(*) n'était pas justifié.

Il faut en outre rappeler que l'ordonnance du 22 septembre 2017417(*) a conduit au plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application d'un barème prévu par la loi. Le risque encouru par les employeurs reconnus fautifs par le juge d'un licenciement injustifié s'en trouve ainsi réduit.

· Une cessation d'activité de l'entreprise, qui ne justifie le licenciement que si la fermeture de l'entreprise est définitive et complète.

Quel périmètre retenir pour apprécier le bien-fondé
des licenciements pour motif économique ?

L'ordonnance du 22 septembre 2017418(*) a défini le périmètre d'appréciation de ces causes économiques :

- il s'agit du niveau de l'entreprise si celle-ci n'appartient pas à un groupe ;

- le cas échéant, les difficultés économiques et les autres causes s'apprécient au niveau du secteur d'activité commun à l'entreprise et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Le législateur a donc exclu une appréciation sur un périmètre européen ou mondial, pour les grands groupes, comme le juge pouvait parfois le retenir afin de considérer le licenciement sans cause réelle ni sérieuse419(*).

(2) Du fait de son ampleur, le licenciement économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi fait l'objet d'une procédure spécifique

La procédure applicable au licenciement économique varie à la fois selon l'ampleur du licenciement et selon la taille de l'entreprise, et des exigences renforcées sont prévues pour les entreprises de plus de 50 salariés.

La première distinction retenue par le code du travail concerne le nombre de licenciements opérés, qui permet de distinguer :

- le licenciement économique individuel, pour lequel un entretien préalable avec le salarié est obligatoire, ainsi que la notification du licenciement par une lettre comportant l'énoncé des motifs économiques420(*) ;

- le « petit licenciement collectif », c'est-à-dire concernant jusqu'à neuf salariés dans une même période de 30 jours, pour lequel les conditions mentionnées ci-avant s'appliquent et auxquelles s'ajoutent une obligation de consulter le comité social et économique (CSE) dans les entreprises de plus de onze salariés lorsqu'elles en sont dotées, et d'en informer le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) ;

- le « grand licenciement collectif », c'est-à-dire concernant au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours, pour lequel les obligations procédurales sont beaucoup plus étoffées, notamment pour les entreprises de plus de 50 salariés.

En effet, les entreprises de plus de 50 salariés sont tenues de recourir à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) pour les « grands licenciements collectifs », afin d'éviter les licenciements ou d'en limiter le nombre421(*). Le PSE doit ainsi comporter des actions en vue du reclassement interne des salariés sur le territoire national, des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités pour éviter la fermeture d'un établissement, des actions favorisant le reclassement externe dans le bassin d'emploi, etc. Il peut également prévoir un plan de départs volontaires.

Les plans de départs volontaires

En cas de difficultés économiques dans l'entreprise, la rupture d'un contrat de travail peut également intervenir dans le cadre d'un plan de départs volontaires (PDV) afin d'éviter, ou de limiter, le recours à des licenciements économiques. Ces plans de départs volontaires peuvent être initiés par l'employeur dans le cadre d'un PSE, ou bien être mis en place dans le cadre d'un accord collectif - auquel cas le plan de départs volontaires est qualifié « d'autonome ». Cette possibilité n'est pas explicitement consacrée par le code du travail, mais a été considérée comme licite par la Cour de cassation422(*).

Une fois approuvé, le plan est mis en place via un appel au volontariat, à l'issue duquel les candidats retenus font l'objet d'une rupture du contrat de travail d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. Le salarié retenu perçoit une indemnité de rupture dont le montant est au moins égal à celui de l'indemnité légale de licenciement.

Durant les auditions, les dirigeants de Carrefour, d'Airbus, de Sanofi et de STMicroelectronics ont fait état de plans de départs volontaires passés ou actuels. Le rapporteur souligne que la réalité du caractère « volontaire » est très discutable, pour ne pas dire inexistante, dans la mesure où l'alternative est souvent celle du licenciement économique.

Ce PSE peut être déterminé par un accord collectif423(*) ou, à défaut, être établi par un document unilatéral de l'employeur424(*). Depuis la loi du 14 juin 2013425(*), le PSE doit également recueillir la validation - pour les accords collectifs - ou l'homologation - pour les documents unilatéraux - du directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets), qui peut dès lors proposer des modifications de ce PSE avant la dernière réunion du CSE.

L'obligation de reclassement dans le cadre d'un PSE

L'article L. 1233-4 du code du travail dispose que :

« Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. »

À défaut, le droit du travail prévoit des mesures d'accompagnement social, qui peuvent prendre la forme d'un contrat de sécurisation professionnelle426(*), afin d'organiser un retour à l'emploi, ou d'un congé de reclassement427(*) en vue de bénéficier d'actions de formation et d'accompagnement à la recherche d'emploi.

Dans le même ordre d'idée, le code du travail prévoit une priorité de réembauche au salarié victime d'un licenciement pour motif économique428(*).

b) Une hausse préoccupante du nombre de PSE en France
(1) Le recours aux PSE et aux licenciements économiques suit de près l'évolution de la conjoncture économique

Les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) sont chargées, au niveau déconcentré, de garantir le respect du dialogue social et de la qualité des mesures du PSE. Grâce à ce réseau, la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) est à même de suivre, annuellement, le nombre de PSE initiés, ainsi que le nombre maximum de licenciements qui ont été autorisés dans ce cadre.

· Les chiffres transmis par la DGEFP indiquent que les périodes de forte augmentation du recours au PSE correspondent à des retournements de cycle économique, dont les effets se font durablement sentir. Par exemple, le nombre de PSE a presque doublé entre 2019 et 2020, pour passer de 491 à 926, dans le sillage de la crise sanitaire, tout en demeurant bien en deçà de la vague observée après la crise financière de 2008 - plus de 2 245 procédures. Depuis 2022, et l'arrêt progressif des mesures de relance, on constate une hausse constante du nombre de PSE, atteignant plus de 30 % de 2023 à 2024.

Source : Commission d'enquête, d'après les données de la DGEFP

Toujours selon les données fournies par la DGEFP, 129 PSE ont été initiés entre le 1er janvier et le 28 février 2025, soit une nouvelle hausse de 31,3 % par rapport à la même période de 2024. Cette dynamique est appelée à se renforcer, notamment au regard de la multiplication des procédures collectives et du nombre record de défaillances d'entreprises.

L'augmentation des défaillances d'entreprises depuis la crise sanitaire

En 2024, 66 000 entreprises, dont 32 000 entreprises employant au moins un salarié, sont entrées en défaillance, ce qui représente un niveau très supérieur à la moyenne des années précédentes.

Cette augmentation des défaillances s'accompagne d'une hausse de la taille moyenne des entreprises défaillantes, comme relevé lors de la table ronde du 6 février 2025 organisée par la délégation sénatoriale aux entreprises.

Pour autant, ces défaillances s'expliquent en grande partie par le contexte de la sortie de crise sanitaire : les entreprises les moins performantes qui auraient dû entrer en liquidation judiciaire ont bénéficié des aides d'urgence, et ainsi repoussé leur faillite. Cette logique est confirmée par l'augmentation, constatée par la DGE429(*), des entreprises peu productives parmi les entreprises défaillantes durant les deux dernières années.

Nombre de défaillances d'entreprises depuis 2017 en France

Note de lecture : La barre bleue représente le nombre de défaillances totales annuelles pour le champ des unités légales d'au moins un salarié. Pour les années 2023 et 2024, ce chiffre est décomposé entre la barre bleue bornée au niveau moyen observé entre 2017 et 2019, et la barre rouge qui comptabilise le surplus de défaillances par rapport à ce niveau moyen. La barre verte représente les défaillances évitées entre 2020 et 2022 par rapport au niveau moyen entre 2017 et 2019.

Source : DGE

· Le contrôle de la DGEFP sur les PSE permet également de suivre le nombre de ruptures de contrat intervenues pour motif économique. Même si les PSE visent à limiter les pertes d'emploi, et comportent des actions de reclassement ou favorisant la reprise d'activités, en pratique, toutefois, entre 2018 et 2021, les PSE validés ou homologués ont abouti au licenciement de 63 % des salariés concernés430(*).

Selon la DGEFP, le nombre global de ruptures prévisionnelles résultant des PSE débutés en 2024 s'élevait à près de 77 000 contre 55 000 en 2023 ; étiage appelé à être dépassé en 2025 puisque dès mars dernier l'Insee anticipait une nouvelle dégradation de 100 000 emplois au 1er juin 2025 par rapport à l'année dernière431(*). Plus généralement, le nombre de personnes s'inscrivant à France Travail après un licenciement économique est en augmentation constante depuis 2022.

Source : Commission d'enquête d'après les données de la Dares

(2) La sauvegarde de la compétitivité semble devenir le principal motif de recours aux PSE

· Selon les informations communiquées à la commission d'enquête par la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP), le motif le plus fréquemment invoqué par les entreprises de plus de 250 salariés procédant à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est la sauvegarde de la compétitivité - dans plus de 56 % des cas en 2024 - alors que les difficultés économiques constituent le premier motif si l'on prend en compte l'ensemble des entreprises - 46 % des cas la même année. Ces motifs se recoupent largement avec les difficultés rencontrées par les secteurs d'activité les plus concernés par des ruptures de contrats de travail en 2024 : l'industrie manufacturière (24,7 %), le commerce (21,4 %) et les activités dites de services administratifs et de soutien (20,9 %).

Motifs invoqués des PSE des entreprises de 250 salariés et plus

Source : Commission d'enquête, d'après les données de la DGEFP

L'étude des données fournies par la DGEFP permet également d'isoler les motifs invoqués par les entreprises de plus de 250 salariés dites in bonis432(*), c'est-à-dire en bonne santé financière. Dans ce cas, la proportion du motif « sauvegarde de la compétitivité » atteint en moyenne plus de 60 % des motifs invoqués par les entreprises. Cela s'explique car, contrairement aux entreprises en procédure collective - redressement ou liquidation judiciaire - qui sont par nature dans des situations économiques dégradées, les entreprises de plus de 250 salariés sont le plus souvent solides et adossées à des groupes, ce qui leur permet d'éviter de se retrouver dans des situations critiques. Les PSE servent dans ce cas à renforcer la compétitivité des entreprises, et à faire face à de nouveaux concurrents. Il faut cependant rappeler que près des deux tiers des PSE initiés en 2024 concernaient des entreprises de moins de 250 salariés.

Ce sont les PSE mis en place par les entreprises en bonne santé financière qui ont retenu l'attention et les critiques du rapporteur.

Motifs économiques des PSE des entreprises de plus de 250 salariés in bonis

Source : Commission d'enquête, d'après les données de la DGEFP

c) Dans un contexte de marché de l'emploi qui se dégrade, les pratiques de certaines entreprises heurtent l'opinion publique
(1) Face à la multiplication des PSE, la pertinence des raisons économiques alléguées fait l'objet d'une attention renouvelée

Le retour d'un niveau élevé de licenciements pour motif économique depuis novembre 2024 a conduit à un renouvellement des interrogations sur l'encadrement des PSE. En plus d'une couverture médiatique marquée433(*), cette thématique a fait l'objet de nombreuses initiatives politiques à mesure que des PSE ont été annoncées durant l'automne 2024. En effet, si les fermetures de sites médiatisées sont, selon toute apparence, conformes au droit en vigueur, ce sont les conditions de recours au PSE, et plus précisément la pertinence des critères permettant de justifier une « raison économique », qui ont été questionnées.

La présente commission d'enquête, relative à l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, a ainsi été constituée au Sénat le 20 janvier 2025 à l'initiative du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste-Kanaky (CRCE-K). La résolution justifie la création de la commission d'enquête par « les suppressions d'emplois [qui] se poursuivent dans la plupart des multinationales françaises, alors que nous assistons à des records de bénéfices, de distributions de dividendes, de rachats d'actions »434(*). Plus tard, le 11 mars 2025, une commission d'enquête sur les défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciements a été créée à la demande du groupe écologiste et social de l'Assemblée nationale. L'exposé des motifs de cette commission d'enquête indique également que « les plus grandes entreprises, tout en percevant des aides publiques massives, continuent de supprimer des emplois, de délocaliser leurs productions et de faire exploser les dividendes de leurs actionnaires. (...) Ces pratiques sont rendues possibles par l'absence de conditions imposées aux entreprises bénéficiant d'aides publiques »435(*). Cette multiplication des volontés de contrôle parlementaire illustre l'importance prise par cette thématique du licenciement économique.

Réponse du Premier ministre Michel Barnier au député André Chassaigne
lors de la séance de questions au gouvernement du mardi 5 novembre 2024

Interpellé par le député communiste André Chassaigne sur les plans sociaux annoncés par Michelin et par Auchan, le Premier ministre répond, et fait lui-même le lien entre les aides publiques versées aux grandes entreprises et les licenciements économiques :

« Non, je ne suis pas fier d'une politique qui détruit des emplois -? jamais. Vous le savez, j'ai été élu dans une vallée industrielle -? la Tarentaise - et j'ai vécu le drame que vivent aujourd'hui à Vannes et à Cholet les salariés de Michelin et ceux d'Auchan. (...)

Je souhaiterais simplement rappeler quelques éléments de contexte -? qui ne sont pas des éléments de justification, seulement d'explication. Le groupe Michelin est un grand groupe, ancré dans les territoires, d'abord à Clermont-Ferrand. Ce groupe s'est toujours honoré en accompagnant la reconversion, la formation -? notamment à Clermont-Ferrand - et en se montrant attentif aux gens, au tissu local. Il l'a prouvé lors de précédentes difficultés industrielles, à Joué-lès-Tours et à La Roche-sur-Yon. Il a même rapatrié récemment certaines activités d'Allemagne sur le territoire national. Nous avons donc affaire à un groupe responsable.

J'ai rencontré son président, M. Menegaux, il y a quelques jours. Je suis naturellement en désaccord avec sa décision, qui touche Cholet et Vannes, et, comme vous, je la regrette. Je souhaite simplement indiquer, à la suite des propos du ministre Ferracci - que je soutiens et que je soutiendrai dans son travail stratégique -, que nous saurons nous montrer solidaires, en exigeant du groupe Michelin comme du groupe Auchan de travailler avec le tissu local, les élus locaux -? dont beaucoup d'entre vous -, les syndicats, le patronat local, les chambres de commerce et d'industrie, et de déployer tous les outils à disposition pour accompagner individuellement chaque salarié et les territoires concernés dans les différentes reconversions possibles. (...)

Sur le plan offensif, nous devons créer ou recréer de l'emploi industriel, et maintenir l'emploi agricole dans notre pays. C'est l'objet des crédits que nous affectons, dans le budget, au plan France 2030 et des soutiens que nous apporterons à certaines entreprises. Je tiens d'ailleurs à vous dire que je me préoccupe de savoir ce qu'on a fait, dans ces groupes, de l'argent public qui leur a été donné ; je veux le savoir. Nous poserons des questions, nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé, et nous en tirerons des leçons. »

Parallèlement, plusieurs initiatives législatives ont vu le jour, cherchant à mieux articuler la possibilité de recours au licenciement économique et le bénéfice d'aides publiques :

- d'abord, lors de l'examen du projet de loi de finances, de nombreux débats ont concerné les pratiques financières des grands groupes, et l'article 96 de la loi de finance pour 2025436(*) a introduit une taxe de 8 % sur les réductions de capital résultant de certaines opérations de rachat de leurs propres titres par certaines sociétés, plus communément appelées « rachats d'actions » - ce dispositif a par ailleurs été renforcé par un amendement sénatorial437(*) afin de prendre en compte la valeur boursière et non comptable des actions ;

- de nombreuses propositions de loi ont par ailleurs été déposées, et parfois débattues au Sénat comme à l'Assemblée nationale438(*), à commencer par la proposition de loi visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés439(*), rejetée par le Sénat le 15 mai 2025, qui visait à interdire les licenciements économiques dans les cas où l'activité et le comportement financier des entreprises semblaient démontrer une viabilité économique (distribution de dividendes, distribution ou rachat d'actions, bénéfice du crédit d'impôt recherche, etc.).

(2) Le recours des entreprises à certaines opérations financières cristallise les interrogations en cas de licenciement économique et de bénéfice d'aides publiques, voire suscite incompréhension et colère

Les débats concernant le recours aux licenciements économiques par les entreprises recoupent largement ceux relatifs au bénéfice d'aides publiques par ces mêmes entreprises. Dans les deux cas, il s'agit d'apprécier la réalité de la situation économique de l'entreprise, soit qu'elle justifie de devoir se séparer de salariés, soit qu'elle légitime la mobilisation de ressources publiques afin de pérenniser son activité. Dans les deux cas, le droit fixe des conditions claires quant à l'éligibilité des aides ou aux motifs de recours à un PSE. Pour autant, certaines opérations, principalement d'ordre financier, ne sont pas prises en compte par le droit en vigueur. Il s'agit en particulier de la distribution de dividendes, de l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites et du rachat d'actions. Ces opérations, dont les motivations peuvent être diverses, nécessitent une analyse précise.

(a) La distribution de dividendes

La distribution de dividendes par l'entreprise correspond à l'attribution d'une part des bénéfices distribuables de la société aux possesseurs de son capital440(*), c'est-à-dire aux actionnaires. Il faut rappeler que par nature dans une économie de marché, le bénéfice net n'a que deux affectations possibles : l'autofinancement, c'est-à-dire le réinvestissement dans l'entreprise, ou la distribution aux actionnaires. Si le versement d'un dividende n'a pas d'effet sur le patrimoine de l'actionnaire, puisque l'action perd une valeur équivalente au dividende versé, elle permet à l'actionnaire de bénéficier immédiatement de liquidités sans revendre ses titres. Le dividende correspond donc à une forme de « loyer » payé à l'actionnaire. Cette politique actionnariale vise d'une part à rémunérer le risque pris par les actionnaires, et d'autre part à limiter les risques de trésorerie en cas de retournement de l'activité. Les sommes distribuables sous forme de dividendes sont constituées, d'une part, des bénéfices distribuables de l'exercice, et, d'autre part, du report à nouveau bénéficiaire et de la réserve constituée à partir des bénéfices d'exercices antérieurs. La décision de distribuer des dividendes et de fixer leur montant est actée le plus souvent par l'assemblée générale, et entraîne à court terme la diminution du cours de l'action de l'ordre du montant du dividende distribué : autrement dit, un dividende versé ne constitue pas un enrichissement de l'actionnaire, mais une modification de la composition de son patrimoine.

Pour autant, la concomitance du versement de dividendes élevés avec le bénéfice d'aides publiques, ou avec le recours à un PSE sur un des sites du groupe concernés, est difficile à concevoir pour le contribuable. Les soutiens de cette mise en balance sont parfois présents y compris au sein du patronat, puisque lors de son audition le 25 mars 2025, M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, a par exemple défendu la position tenue par son groupe durant la crise sanitaire, au nom de la « cohérence » :

« TotalEnergies, n'[a] rien perçu parce que nous avons demandé à ne rien percevoir ; et si j'ai pris cette décision, c'est parce qu'au même moment, il y avait le débat sur la réduction des dividendes. Il m'apparaissait assez évident que si je recevais de l'argent de l'État parce que j'avais des difficultés, donc de l'argent de l'impôt des Français, il était difficile que je maintienne les dividendes à leur niveau ; dès lors que mon conseil d'administration ne voulait pas réduire les dividendes, j'ai décidé que nous ne prendrions pas les aides de l'État et TotalEnergies est peut-être la seule entreprise du CAC 40 à l'avoir fait (...) ».

Lors de son audition le 31 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, a rappelé que son entreprise avait bénéficié en 2020 de l'activité partielle de longue durée (APLD) et avait refusé de verser des dividendes en conséquence :

« Je précise que 10 000 emplois étaient potentiellement en jeu. On a aussi discuté avec les partenaires sociaux, qui ont accepté de faire un effort de solidarité dans cette volonté commune de maintenir l'emploi et les compétences. Aucun site n'a été fermé. Cette année-là, Safran n'a pas distribué de dividendes à ses actionnaires, ce qui était normal, puisque le groupe avait reçu une aide de l'État pour maintenir l'emploi et qu'un effort de solidarité de l'ensemble de nos collaborateurs avait été consenti. »

Si ces deux décisions prises par des dirigeants de grandes entreprises lors de la crise sanitaire ne peuvent pas être généralisées, le rapporteur et le président de la commission d'enquête saluent cette prise de position qui illustre le rôle, et les responsabilités, des entrepreneurs dans la vie de la Nation.

Quelles justifications des dividendes versés aux actionnaires
d'après la théorie économique ?

Une lecture purement comptable de l'activité d'une entreprise pourrait aboutir à considérer que le montant des fonds distribués aux actionnaires sous forme de dividendes correspond strictement au montant des fonds pour lesquels aucun projet n'a été trouvé au sein de l'entreprise avec un retour sur investissement au moins égal au coût du capital. Pour autant, la distribution de dividendes poursuit, dans les faits, de nombreux objectifs qui peuvent faire évoluer sensiblement la part du bénéfice distribuable qui y est consacrée441(*) :

- le dividende permet de contourner les problèmes dits « d'agence », en réduisant la part des liquidités que les dirigeants peuvent investir, les créanciers s'assurant de l'efficacité de leurs décisions ;

- le dividende agit également comme un « signal », c'est-à-dire un moyen de communication de l'entreprise envers ses investisseurs afin d'attirer des capitaux et de s'assurer de leur loyauté dans le temps long, notamment dans la perspective de moins bons résultats liés à un retournement de l'activité ;

- le dividende permet symétriquement aux actionnaires de bénéficier de liquidités afin de réallouer leurs capitaux au sein d'entreprises qu'ils considèrent comme plus prometteuses, ou qui ont besoin de plus de financements.

Le rapporteur a toutefois souvent souligné pendant les auditions que les fonds de pension et les investisseurs de court terme ont remplacé les investisseurs de long terme, privilégiant une rentabilité immédiate au détriment de l'investissement à long terme dans l'appareil productif. Par ailleurs, il considère que la détention de nombreuses entreprises françaises par des acteurs étrangers, dont la structuration des capitaux est flottante voire opaque, constitue un sujet politique majeur qui mérite d'être débattu.

(b) L'attribution de stock-options ou d'actions gratuites

L'attribution de stock-options442(*) ou d'actions gratuites (AGA)443(*) par l'entreprise relève de l'actionnariat salarié, et permet d'associer plus étroitement les salariés au capital de l'entreprise qui les emploie, tout en offrant un régime socialo-fiscal incitatif pour l'employeur. Les stock-options permettent aux salariés d'acquérir un montant d'actions de l'entreprise à un prix plus avantageux dans un certain délai, et suppose donc une participation financière de leur part, à la différence de l'attribution gratuite d'action. L'AGA concerne 95,5 % des salariés des entreprises cotées444(*).

L'AGA constitue un complément de salaire dont bénéficient les collaborateurs d'une entreprise, qui participent ainsi au partage de la valeur ajoutée. Ce mécanisme a en outre été plébiscité dans les auditions de la commission d'enquête par de nombreux dirigeants d'entreprise ainsi que par les représentants politiques entendus.

À titre personnel, le rapporteur se montre toutefois critique à l'égard des actions gratuites car elles profitent proportionnellement davantage aux salariés qui occupent les postes les plus élevés dans l'entreprise qu'à ceux qui ont les salaires les plus faibles. En outre, le rapporteur considère préférable d'augmenter les salaires plutôt que de passer par le subterfuge des actions gratuites, dont les règles d'imposition fiscale et sociale sont avantageuses.

Le cadre juridique des attributions gratuites d'actions (AGA)

L'attribution gratuite d'actions (AGA) a été instituée par la loi de finances pour 2005445(*), et vise à renforcer le lien durable entre le salarié et son entreprise. Elle repose sur un double délai dont « la durée cumulée [...] ne peut être inférieure à deux ans »446(*) :

- la période d'acquisition ne peut être inférieure à un an ;

- la période facultative de conservation des actions par les bénéficiaires, qui court à compter de l'attribution définitive des actions.

L'article L. 225-197-1 du code de commerce plafonne le pourcentage maximal du capital social qui peut être attribué gratuitement447(*) :

- 10 % du capital pour les grandes entreprises ;

- 15 % pour les entreprises de taille intermédiaire ;

- 20 % du capital social pour les micros, petites et moyennes entreprises.

De manière dérogatoire, il est possible d'atteindre 30 % du capital, quelle que soit la taille de l'entreprise, lorsque l'AGA est dite « quasi démocratique », c'est-à-dire qu'elle bénéficie à au moins 50 % du personnel salarié représentant au moins 25 % du total des salaires bruts de la société. Il est même possible d'atteindre 40 % du capital lorsque l'AGA est « démocratique », c'est-à-dire qu'elle bénéficie à l'ensemble des salariés.

Enfin, un plafond maximal de détention individuelle du capital social de l'entreprise fait obstacle à ce qu'un salarié détienne à lui seul plus de 10 % du capital social. La loi dite « partage de la valeur en entreprise » du 29 novembre 2023448(*) a introduit un principe de rechargement du capital social détenu par le salarié au bout de sept ans, afin de permettre aux salariés investis dans le long -terme au sein de l'entreprise de dépasser le plafond de 10 % de détention du capital social de l'entreprise.

(c) Le rachat d'actions

Le rachat d'actions449(*) a suscité beaucoup de débats durant la commission d'enquête. Celui-ci consiste, pour une entreprise, à racheter ses propres actions sur le marché. La difficulté de l'appréciation de cette opération réside dans la diversité de ses finalités : elle peut aussi bien concourir à alimenter le programme d'actionnariat salarié de l'entreprise, qu'à annuler les actions rachetées afin de diminuer le capital social de l'entreprise et ainsi conforter son cours boursier au profit des actionnaires existants, ou encore à se protéger d'un rachat ou d'une opération hostile.

Lors de son audition le 22 avril 2025, M. Patrick Martin, président du Medef, a rappelé la vertu protectrice d'un rachat d'actions en prenant l'exemple de l'entreprise familiale qu'il dirige en tant qu'actionnaire majoritaire :

« Cette même entreprise, non cotée, est en train de procéder à des rachats d'actions en vue d'une réduction de capital. Est-ce que c'est une manoeuvre sauvagement capitaliste ? Non. En effet, il se trouve qu'un actionnaire familial a mis sous pression les autres, dont moi-même, pour que nous vendions l'entreprise. L'entreprise aurait été vendue - les offres existaient - à un fonds d'investissement ou à un grand concurrent étranger. Pour désintéresser cet actionnaire et régler ce contentieux, qui a même pris une forme judiciaire au sein de l'actionnariat, il a été décidé d'une réduction de capital réservée. »

Cependant, les cas particuliers de rachat d'actions en vue d'une AGA, ou afin de modifier la structure de détention du capital de l'entreprise, ne constituent qu'une partie de ces opérations sur les places boursières. Lors de son audition le 6 février 2025, M. Louis Gallois, coprésident de la Fabrique de l'Industrie, a pu parler de « perversion du système » à propos des opérations visant à une appréciation du cours boursier :

« Je suis contre les rachats d'actions car ils n'ont qu'un seul but : faire monter artificiellement la valeur de l'action, dont le nombre diminue alors que la valeur de l'entreprise reste la même. Aux États-Unis, j'ai vu comment ces opérations pouvaient être dévoyées, notamment lorsque ces rachats d'actions coïncident avec le moment où les dirigeants lèvent leurs stock-options. Il est vrai que, dans le partage entre le capital et le travail, le capital a pris une part plus importante lors des vingt dernières années. »

Sans se prononcer sur la légitimité des rachats d'actions hors programme d'actionnariat salarié, le rapporteur et le président s'entendent sur le fait que ces opérations sont celles qui posent le plus la question de la pertinence des aides publiques lorsque l'entreprise concernée en bénéficie sur un même exercice comptable.

(3) Des cas emblématiques de PSE dont il est difficile d'estimer le bien-fondé

Les travaux de la commission d'enquête ont été rythmés par l'annonce de PSE : ceux envisagés par Auchan et Michelin ont conduit à sa création450(*), mais de grands groupes ont procédé à des annonces parfois même après l'audition de leurs dirigeants - l'actualité rattrapant alors les travaux de ses commissaires, sans compter d'ailleurs les plans de départs volontaires. L'appréciation de ces PSE ayant connu une forte couverture médiatique n'est pas l'objet du présent rapport. Cependant, et sans qu'il soit question de stigmatiser ces entreprises, leurs exemples permettent de souligner les tensions qui existent entre versement d'aides publiques, politique actionnariale et recours au licenciement.

· Le groupe Auchan a annoncé mardi 4 novembre 2024 son intention de procéder à un PSE concernant 2 384 de ses 54 000 salariés employés en France451(*). L'accord signé le 14 mars 2025 avec les organisations syndicales représentatives prévoit un effort pour le reclassement interne, pouvant s'accompagner d'une prime de 4 500 euros, et des actions de formation ainsi que des primes à la mobilité externe pouvant aller jusqu'à 14 000 euros dans le cas d'une création d'entreprise. Lors de son audition par la commission d'enquête le 19 mars 2025, le directeur général d'Auchan Retail, M. Guillaume Darrasse, a indiqué que des offres d'emplois au sein des magasins appartenant à la l'association familiale Mulliez (AFM) étaient proposées : « Nos directions des ressources humaines communiquent régulièrement avec celles des différentes entreprises de l'AFM afin d'étudier la possibilité de reclassement externe tout en conservant une proximité géographique ».

M. Guillaume Darrasse a justifié ainsi ce PSE :

« Malgré nos valeurs et nos convictions, le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) annoncé cet automne reflète de graves difficultés économiques. Notre enseigne est basée sur le format du très grand hyper marché avec une superficie moyenne de plus de 10 000 mètres carrés. (...) Nous constatons également une baisse régulière de la fréquentation de nos hypermarchés depuis 2012. Cette baisse a entraîné un recul du chiffre d'affaires ainsi que des résultats économiques. De plus, nos parts de marché en France sont passées de 12 points à 8 points détériorant ainsi nos conditions d'achats. Nous avons également perdu 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires tandis que notre excédent brut d'exploitation a été divisé par six. Au total, nous avons enregistré une perte nette de 485 millions d'euros au titre de l'année 2023. »

M. Guillaume Darrasse a par la suite répondu aux questionnements sur la concomitance d'un PSE avec le bénéfice d'aides publiques, qui consistent principalement en des exonérations de cotisations patronales :

« Nous comprenons également parfaitement le raisonnement derrière la demande de remboursement des aides en cas de plan social. D'un point de vue extérieur, il peut sembler que l'argent public aurait été mal utilisé et que l'objectif de maintien de l'emploi n'aurait pas été atteint. Or, la réalité est tout autre. Dans le cas d'Auchan, ces aides ont servi principalement à investir en moyens humains et techniques et ont permis de différer un certain nombre de décisions difficiles et de préserver au maximum l'emploi. Bien que ces aides aient été pensées pour alléger le coût du travail et le niveau de fiscalité des entreprises, leur objet diffère face à des situations comme celle que nous traversons actuellement. En effet, il me semble qu'elles ne sont pas conçues et sont insuffisantes pour repenser complètement un modèle économique et ne peuvent pas être utilisées pour différer indéfiniment un ajustement économique et humain. Je pense donc que supprimer ces aides ou nous demander de les rembourser à un moment critique pour notre enseigne reviendrait à infliger une double peine aussi bien à Auchan qu'à ses salariés. »

· Le groupe Michelin a annoncé le 5 novembre 2024 la mise en place d'un PSE concernant 1 254 salariés parmi les 19 000 collaborateurs du groupe en France. Ce PSE a fait l'objet d'un accord avec les organisations syndicales représentatives le 24 mars dernier. Lors de son audition le 18 mars 2025, M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin, s'est expliqué sur ce plan :

« L'activité de fabrication et de vente de pneumatiques est extrêmement concurrentielle à l'échelle mondiale, particulièrement en Europe. Maintenir la pérennité d'une entreprise implique parfois de faire des choix difficiles, comme la fermeture d'activités. (...) L'entreprise est une entité responsable : quand on ferme une activité, c'est qu'on a exploré et épuisé toutes les autres solutions (...). Celui qui décide de fermer une activité comprend bien les conséquences pour les individus directement ou indirectement concernés et pour les territoires qui sont affectés.

Les cas de Cholet et de Vannes [les deux sites concernés par le PSE] sont un peu différents. Le site de Cholet était arrivé en bout de cycle ; il n'était pas justifié de continuer à employer des salariés dont les compétences étaient désormais sous-utilisées. Dans le cas de Vannes - le site fabriquait des câbles destinés uniquement aux pneus poids lourds -, nous avons perdu massivement des parts de marché en Europe du fait de l'environnement concurrentiel européen. Ce n'est pas Michelin qui en décide. Les investisseurs français font comme les autres investisseurs ; ils regardent quel est le retour d'investissement. »

Interrogé sur le choix de son entreprise de distribuer des dividendes alors qu'ils ferment des sites, M. Florent Menegaux a précisé sa vision de la distribution de dividendes :

« [C]es deux réalités (...) n'ont rien à voir. La fermeture des sites assure la pérennité à long terme de l'entreprise. Elle est la meilleure utilisation de nos actifs. Quand un actif ne tourne pas suffisamment et est arrivé au bout de sa technologie, il faut savoir le fermer pour réinvestir dans quelque chose de plus performant.

Encore une fois, le versement des dividendes correspond à la rémunération d'un loyer pour l'entreprise. Pendant un certain nombre d'années, Michelin a mal rémunéré ses actionnaires, moyennant quoi le cours de l'action était extrêmement faible. Cela nous rendait vulnérables. Nos salariés le comprennent très bien. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont actionnaires de Michelin. Ils savent bien que la santé de l'action Michelin est aussi une façon de garantir la pérennité et l'indépendance du groupe. À défaut, le capital de Michelin pourrait être détenu demain par des investisseurs en mesure de décider du jour au lendemain de changer la stratégie de l'entreprise. Bien rémunérer les actionnaires est une garantie de tranquillité financière. »

· Le groupe ArcelorMittal a annoncé le 23 avril 2025 sa volonté de mettre en place un PSE qui devrait concerner près de 600 salariés parmi les 15 400 employés en France. Lors de son audition le 27 mars 2025, tout en confirmant que son groupe avait en moyenne versé 200 millions d'euros de dividendes chaque année depuis dix ans, M. Alain Le Grix de la Salle, le président de l'entité France, s'est expliqué sur le recours à des PSE concernant les sites de Dunkerque et de Florange :

« Actuellement, nous traversons une crise sans précédent qui met en péril notre avenir. Les principaux facteurs de cette crise sont : une baisse constante de la demande en Europe et en France, en moyenne - 20 % sur les cinq dernières années ; un coût de l'énergie trop élevé, qui provoque une perte de compétitivité par rapport aux États-Unis et à d'autres pays, dont la Chine. L'Europe souffre d'un manque de compétitivité et doit prendre des mesures pour soutenir son industrie ; des surcapacités mondiales de production d'acier, avec une Europe insuffisamment protégée contre les importations. (...)

Pour illustrer l'ampleur de la crise, la production d'acier en Europe a atteint en 2023 son plus bas niveau historique avec 126 millions de tonnes. Entre 2008 et 2024, ce sont 26 millions de tonnes de capacité qui ont été fermées de manière permanente en Europe. En France, la demande d'acier est passée de 8,3 millions de tonnes en 2008 à 4,1 millions de tonnes en 2023, soit une division par deux. (...)

Comme je l'ai expliqué, nous sommes dans une situation très critique en Europe en termes de résultats. Nous cherchons toutes les mesures possibles pour améliorer notre performance dans un marché qui s'est complètement effondré depuis début 2024 en raison des importations. Pour être transparent, lorsque nous vendons une tonne d'acier aujourd'hui, nous sommes pratiquement au prix de revient à cause de la pression des importations. »

Par ailleurs, concernant les aides spécifiques à l'investissement dans la décarbonation, de l'ordre de 850 millions d'euros via l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) pour un projet à Dunkerque de près de 1,8 milliard d'euros, M. Alain Le Grix de la Salle a indiqué qu'« à ce jour ArcelorMittal n'a perçu aucun euro de cette aide. Le projet a été différé, comme nos autres projets en Europe, en raison du manque de visibilité concernant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) et les mesures de protection relatives au niveau des importations. Le lancement effectif du projet est la condition pour recevoir l'aide de l'État, en fonction des dépenses réelles et conformément au cadre européen. »

Jeudi 15 mai 2025, le groupe ArcelorMittal a publié un communiqué de presse pour confirmer son intention d'investir dans un premier four électrique, sur son site de Dunkerque, pour un montant d'environ 1,2 milliard d'euros, prenant acte du « plan d'action européen pour l'acier et les métaux » annoncé en mars 2025 par la Commission européenne et réclamant « des mécanismes efficaces de défense commerciale et d'ajustement carbone aux frontières »452(*).

Le rapporteur doute cependant de cet engagement compte tenu de l'attitude du groupe ces dernières années et de sa décision du 19 juin 2025 d'abandonner le projet de décarbonation de deux sites allemands, qui s'élevait à 2,5 milliards d'euros, dont 1,3 milliard d'aides publiques (voir supra).

Tableau de synthèse de la situation économique et financière d'Auchan, Michelin et ArcelorMittal au moment de l'annonce des PSE

 

Auchan

ArcelorMittal

Michelin

Nombre de salariés concernés par un PSE

2 384

 600

1 254

Résultat net 2024

(- 1,22 Md€)

1,34 Md€

1,9 Md€

Dividendes 2024

N.C.

 200 M€ par an sur les dix dernières années

1,4 Md€453(*)

Rachats d'action

N.C.

N.C.

 1 Md€ prévus pour 2024-2026

Dépenses fiscales favorables en 2024 (ou 2023*)

636 M€454(*)

195 M€
au titre de l'énergie*

N.C.

Exonérations de cotisations patronales
en 2024 (ou 2023*)

1,3 Md€455(*)

41 M€*

32,4 M€*

CIR 2024 (ou 2023*)

N.C.

40 M€*

40,4 M€

Source : Commission d'enquête

En définitive, ces trois exemples illustrent, du côté des dirigeants d'entreprise, la pression de la concurrence nationale et surtout internationale qu'ils subissent sur leur marché. Cette concurrence justifie souvent les aides publiques qui leurs sont accordées, et dans le même temps les conduit à arbitrer en faveur de la cessation d'activités devenues peu rentables situées en France. La circularité de ce phénomène est insatisfaisante aux yeux des salariés, et du contribuable, mais provient en partie des périmètres respectifs retenus par le groupe, l'État et le législateur en matière de licenciement économique :

pour le groupe, la politique actionnariale est souvent arbitrée pour l'ensemble des filiales, au regard des performances mondiales de l'entreprise ;

pour l'État, les aides publiques sont consenties au titre d'une activité située en France, indépendamment des avantages qu'elle peut procurer dans l'ensemble des sites mondiaux du groupe concerné - comme c'est notamment le cas pour les aides à la recherche et au développement ;

au regard du droit du travail, et depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017456(*), le périmètre d'appréciation des difficultés économiques rencontrées correspond à l'entreprise, et non plus au groupe. Par ailleurs, le législateur a exclu une appréciation sur un périmètre européen ou mondial pour les grands groupes, comme le juge pouvait parfois le retenir afin de considérer le licenciement sans cause réelle ni sérieuse457(*).

Le rapporteur considère que si les fermetures de site résultent effectivement généralement de difficultés économiques objectives et sérieuses dans certains secteurs, mais il relève que certaines d'entre elles s'expliquent par des motifs purement financiers en raison d'une recherche de rentabilité très élevée, entraînant une compétition délétère entre travailleurs et in fine une course au moins-disant social.

2. Une conditionnalité des aides publiques encore peu contraignante en France
a) Conditionner les aides publiques : poser les termes du débat
(1) La théorie économique fait primer l'incitativité de l'aide publique sur sa conditionnalité

Les aides publiques sont un levier traditionnel de l'action des pouvoirs publics en matière économique, elles peuvent notamment être employées dans le cadre d'une politique budgétaire, industrielle ou même de l'emploi. Ces aides se justifient donc par un objectif de politique publique, qui peut par exemple être d'augmenter une variable macroéconomique, telle que la croissance ou l'emploi, ou bien de répondre à une défaillance du marché, telle que la production d'un bien public ou la prise en compte d'une externalité.

Afin d'atteindre l'objectif de politique public assigné, l'aide publique doit donc être incitative, c'est-à-dire qu'elle doit « permettre de modifier le comportement des entreprises concernées de manière à ce qu'elles exercent une nouvelle activité qu'elles n'exerceraient pas sans l'aide ou qu'elles exerceraient d'une manière limitée ou différente, ou sur un autre site »458(*). La conséquence directe de cette exigence est qu'une aide ne peut pas concerner une activité qui aurait été réalisée sans son concours, ou bien qui aurait déjà débuté - c'est par exemple le cas d'un projet d'industrialisation dans lequel le terrain foncier aurait déjà été acheté par l'entreprise bénéficiaire.

Cette logique explique que, lors de la construction d'une aide publique, l'exécutif soit d'abord attentif aux critères d'éligibilité, afin de concentrer l'aide sur les entreprises les plus susceptibles de modifier leur comportement dans le sens souhaité, plutôt que sur les conditions assorties. Lors de son audition le 27 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, a ainsi insisté sur le primat de l'incitativité :

« Mon sentiment est qu'il faut examiner au cas par cas la finalité de l'aide et évaluer si l'ajout de nombreuses conditionnalités ne risque pas de compromettre l'atteinte de son objectif. L'aide a pour vocation d'inciter l'entreprise à prendre une décision, par exemple d'investissement, qui elle-même génère des emplois. Il faut donc que l'aide reste suffisamment incitative malgré ses conditionnalités, pour produire l'effet escompté, comme la création d'une usine.

Certaines entreprises considèrent qu'au moment où elles demandent une aide, elles ne peuvent pas prendre d'engagement sur l'emploi. Par exemple, sur une période de trois à cinq ans, qui est généralement la durée de ces projets, elles ne peuvent pas garantir que la conjoncture économique ne les conduira pas à des réductions d'effectifs. »

Schématiquement, une aide publique parfaitement conçue ne nécessite pas de conditionnalité ex post dans la mesure où elle est parvenue à son objectif : modifier le comportement de l'entreprise bénéficiaire. Cette logique est valable en matière de subventions à l'industrialisation par exemple, où la construction d'un site de production est directement observable et rattachable à l'aide consentie. En revanche, en matière de création d'emploi, et notamment concernant les exonérations de charges patronales, l'effet des aides publiques est plus difficilement discernable. Dans ce cas, et en l'absence de contrefactuel, il faut prendre en compte les évolutions de l'activité économique ainsi que d'éventuels effets d'aubaine. Le succès de l'aide n'est alors observable qu'a posteriori, ce qui suppose des travaux de contrôle voire d'évaluation poussés, longs et coûteux.

Enfin, la difficulté d'introduire de la conditionnalité dans l'octroi d'aides publiques réside dans l'efficacité même de ces dernières. Conformément au principe dit de Tinbergen459(*), un outil de politique économique peut poursuivre efficacement qu'un seul objectif économique. C'est ce qui a conduit M. Maxime Combes, économiste, lors de son audition du 11 février 2025 par la commission d'enquête, à préciser qu'il « pensait [au début de ses recherches] que, dès lors qu'il y avait des aides publiques, on pouvait multiplier les conditions, les contreparties. Mais je suis économiste de formation, (...) et les économistes n'aiment pas trop multiplier les objectifs d'un dispositif ».

(2) Il existe presque autant de formes de conditionnalités que d'aides publiques...

Une des difficultés à la mise en place de conditionnalités aux aides publiques réside dans l'extrême diversité qu'elles peuvent recouvrir.

Schématiquement, il convient de distinguer les conditions en amont du versement de l'aide (ex ante), ou conditions d'éligibilité, des conditions en aval (ex post), ou contreparties. Les conditions d'éligibilité et les contreparties peuvent avoir un lien direct avec l'objet de l'aide (on les qualifie alors d'intrinsèques) ou en être dépourvues (on les qualifie dans ce cas d'extrinsèques). Les contreparties peuvent être exigées immédiatement ou à l'issue d'un délai fixé par l'autorité qui octroie l'aide.

Il résulte de ces distinctions plusieurs conséquences.

· La condition assortie à une aide publique peut être conçue comme une sanction ou comme une incitation. En effet, la conditionnalité est traditionnellement coercitive, auquel cas son non-respect conduit au retrait de tout ou partie de l'aide, mais elle peut également consister en une incitation. Dans cette hypothèse, la conditionnalité peut dessiner un continuum, qui joue sur le calcul coût-bénéfice de l'entreprise, et l'incite à renforcer ses engagements dans le sens attendu par la puissance publique.

· Les contreparties ont davantage d'effet incitatif que les conditions d'éligibilité. La conditionnalité ex ante revient à attribuer une aide à une entreprise qui répond d'ores et déjà au critère retenu par la puissance publique, ce qui permet de réduire le risque pris mais qui minore également l'incitativité de l'aide puisque le risque d'effet d'aubaine est maximal. A contrario, la conditionnalité ex post, ou contrepartie, consiste à dissocier le moment de l'octroi de l'aide et celui du contrôle de la réalisation de la condition fixée. Cela augmente l'incitativité des aides, en poussant les entreprises à modifier leur comportement, mais suppose également des sanctions dans le cas du non-respect des engagements pris, sans quoi l'aide risque d'être inefficace.

· Enfin, la qualification intrinsèque/extrinsèque varie pour chaque condition en fonction de l'aide concernée. Par exemple, une même condition relevant de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) peut-être intrinsèque s'il s'agit d'une aide à la décarbonation ou extrinsèque si elle s'adosse à une aide à l'industrialisation.

b) Les aides doivent parfois être remboursées pour des raisons extérieures à leurs régimes juridiques

· La loi du 29 mars 2014 dite loi Florange460(*), faisant suite à la mise à l'arrêt des deux hauts fourneaux de l'usine de Florange par ArcelorMittal, a ainsi prévu un remboursement des aides publiques dans le cas du non-respect de l'obligation de recherche de repreneur prévu à l'article L. 1233-57-14 du code du travail en cas de projet de fermeture d'établissement. Plus précisément, cette récupération d'aide visait les entreprises d'au moins 1 000 salariés et concernait toute « aide à l'installation, au développement économique ou à l'emploi (...) versées à une entreprise les deux années précédant le jugement du tribunal de commerce ». À proprement parler, la loi Florange ne fixe donc pas de conditionnalités dans les règles d'attribution des aides publiques, mais prévoit les conséquences sur ces aides en cas de non-respect de l'obligation légale de chercher un repreneur.

Le dispositif initial n'a pas trouvé à s'appliquer, d'une part car le juge constitutionnel a censuré l'obligation de recherche de repreneur dans sa version adoptée par le Parlement, au regard du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre461(*), et, d'autre part, car la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire462(*) est venue abroger le dispositif « Florange » initial.

En revanche, l'article L. 1233-57-21 du code du travail, toujours en vigueur, prévoit la possibilité de récupération des « aides pécuniaires en matière d'installation, de développement économique, de recherche ou d'emploi attribuées par une personne publique à l'entreprise, au titre de l'établissement concerné par le projet de fermeture » dans le cas où l'employeur n'a pas mis en oeuvre de façon satisfaisante les obligations lui incombant au titre de l'obligation de recherche d'un repreneur telle que stipulée dans la convention de revitalisation conclue entre l'entreprise et l'autorité administrative. Au vu des réponses fournies par l'administration à la commission d'enquête, cette faculté de demander le remboursement des aides perçues semble très peu utilisée.

· En outre, certaines dispositions légales prévoient également le remboursement des aides publiques par les entreprises du fait de leur comportement répréhensible. C'est particulièrement le cas dans le cadre de la répression du travail illégal, puisque le code du travail autorise le remboursement des aides publiques perçues par une personne condamnée pour travail dissimulé463(*).

c) La conditionnalité des aides publiques trouve encore une place marginale, ou peu opérante, dans le droit français
(1) Les conditionnalités ex post sont principalement liées aux aides à l'industrialisation afin de répondre au risque de délocalisation

Les cas de conditionnalité les plus strictes en matière d'aide publique en France concernent principalement les subventions industrielles, ainsi que le cas de délocalisation, ou sont liées à des situations très spécifiques.

· Durant les auditions de la commission d'enquête, de nombreux dirigeants d'entreprise ont en effet insisté sur les clauses de remboursement prévues dans les conventions en cas de retour à meilleure fortune ou de non-respect des engagements. Lors de son audition, le 27 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, a ainsi précisé que :

« Pour les aides dépassant 50 millions d'euros, nous intégrons une clause de retour à meilleure fortune permettant de récupérer tout ou partie de l'aide si la rentabilité du projet s'avère supérieure aux prévisions initiales. Cette clause s'applique sur une période de trois à cinq ans après la réalisation du projet ». « Pour les projets de décarbonation, la période de vérification peut s'étendre jusqu'à 15 ou 20 ans, avec la possibilité d'un remboursement de l'aide si les résultats dépassent les prévisions. Nous pouvons également inclure une clause de récupération liée à la performance environnementale du projet. »

Les contrats d'aide passés avec les entreprises bénéficiaires des projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) comportent systématiquement une clause de retour à meilleure fortune (« clawback »). Celle-ci doit permettre à l'État, s'il constate une rentabilité du projet supérieure au scénario anticipé, de récupérer le « trop perçu » versé à l'entreprise. Ce mécanisme vise à répondre aux incertitudes inhérentes à la construction d'un projet, qu'il s'agisse des coûts ou des flux de trésorerie générés par le projet financé.

· Les aides d'État à finalité régionale sont par ailleurs soumises à une condition liée à l'interdiction de délocalisation dans l'espace économique européen, qui vaut en amont de l'aide (condition d'éligibilité) et en aval (contrepartie). M. Thomas Courbe, lors de son audition précitée du 27 mars 2025, avait en effet affirmé que :

« Certaines aides, comme celles accordées dans les zones d'aide à finalité régionale, incluent des clauses anti-délocalisation intra-UE et des obligations de maintien de l'emploi. »

De fait, il est exact que le bénéficiaire d'une aide d'État à finalité régionale doit464(*) :

- d'une part, confirmer qu'au cours des deux ans précédant la demande d'aide, il n'a pas procédé à une délocalisation vers l'établissement dans lequel doit avoir lieu l'investissement initial bénéficiant de l'aide ;

- d'autre part, s'engager à ne pas procéder à une telle délocalisation dans les deux ans suivant l'achèvement de l'investissement initial.

· D'après les réponses de Régions de France au questionnaire du rapporteur, plusieurs régions ont mis en place des aides assorties de conditionnalités. Par exemple, la région Nouvelle-Aquitaine a introduit des conditionnalités socio-économiques pour l'allocation d'aides aux entreprises liées au respect des ressources naturelles, à la décarbonation et à la formation et au bien-être des travailleurs. Lorsque ces aides sont supérieures à 150 000 euros, ces conditionnalités font l'objet d'engagements contractuels. En Occitanie, la région accorde des aides aux ETI à condition qu'elles maintiennent l'emploi pendant toute la durée du projet et les cinq années qui suivent, ainsi que l'activité sur le site soutenu durant une période de cinq ans à compter de la fin du projet.

· Par ailleurs, la loi sur l'industrie verte du 23 octobre 2023 a encouragé le recours à la « conditionnalité verte » des aides publiques.

Les objectifs de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte
et la conditionnalité « verte » des aides publiques

La loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte a pour objectif de favoriser le développement industriel tout en soutenant la transition écologique465(*) et se présente comme une réponse à l'Inflation Reduction Act américain. Elle comporte quatre grands axes pour y parvenir : (1) faciliter l'implantation de sites industriels décarbonés, (2) mobiliser l'épargne privée vers des investissements bas-carbone, (3) « verdir » la commande publique et (4) instaurer une conditionnalité verte des aides publiques.

(1) La loi du 23 octobre 2023 introduit plusieurs mesures visant à accélérer les procédures d'implantations des sites industriels bas-carbone. Une planification du foncier industriel est mise en place à l'échelle régionale via les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). La procédure d'autorisation environnementale est simplifiée afin de maintenir l'objectif de réduction des délais de délivrance des autorisations de 17 mois en moyenne actuellement à 9 mois.

(2) L'article 34 de la loi crée un « plan d'épargne avenir climat » (PEAC) pour financer les projets bas-carbone avec une exonération totale d'impôt et de cotisations sociales. Par ailleurs, l'assurance-vie et les plans épargne retraite seront orientés vers le financement de la décarbonation des petites et moyennes entreprises.

(3) La loi accélère la prise en compte de critères environnementaux dans la commande publique (articles 25 à 30). Deux nouveaux motifs d'exclusion des marchés publics sont créés pour les entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES) ou ne respectant pas leurs engagements de publication d'information en matière de durabilité. Cela signifie que ces critères peuvent empêcher une entreprise de participer à des appels d'offres ou de remporter des contrats publics. Un troisième motif d'exclusion est introduit pour les offres émanant de pays tiers mettant en oeuvre une concurrence déloyale vis-à-vis de la France. Les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPACER) sont étendus à l'État, et les marchés publics devront prendre en compte des critères environnementaux dès juillet 2024 pour des produits clés de la décarbonation.

(4) Les entreprises bénéficiaires d'aides publiques à la transition écologique et énergétique devront mesurer leur impact environnemental via le BEGES. Les entreprises de 50 à 500 salariés seront soumises à un bilan simplifié. Cette mesure vise à assurer que les aides publiques sont utilisées de manière responsable et contribuent effectivement à la transition écologique.

· Même si la politique agricole commune (PAC) excède le champ d'investigation de la commission d'enquête, il convient de rappeler que des conditionnalités exigeantes existent en matière environnementale.

Les conditionnalités environnementales dans le cadre
de la politique agricole commune (PAC)

Un accord a été conclu sur la réforme de la PAC entre le Parlement européen, le Conseil de l'UE et la Commission européenne en juin 2021, conduisant à l'entrée en vigueur de la PAC 2023-2027 le 1er janvier 2023. Cette nouvelle PAC se distingue par des règles de conditionnalité plus exigeantes que la précédente, notamment en matière environnementale.

Deux séries exigences s'imposent aux agriculteurs et peuvent être contrôlées :

- les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG), qui s'appliquent à tous les agriculteurs, qu'ils bénéficient ou non d'une aide au titre de la PAC, et qui portent sur le secteur de l'environnement, de la santé publique, de la santé végétale et du bien-être animal ;

- les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), qui ne s'appliquent qu'aux agriculteurs bénéficiant d'une aide au titre de la PAC, et qui concerne les conditions environnementales à respecter.

S'agissant du volet BCAE, les agriculteurs qui bénéficient d'aides de la PAC doivent respecter les normes relatives :

- au maintien d'une certaine part de prairies permanentes dans la superficie agricole totale (BCAE 1) ;

- à la protection des zones humides et des tourbières (BCAE 2) ;

- au maintien de la matière organique et de la structure du sol par une interdiction de brûler les chaumes arables (BCAE 3) ;

- à la protection de l'eau par la mise en place de bandes tampons le long des cours d'eau (BCAE 4) ;

- à la prévention de l'érosion des sols par des pratiques pertinentes (BCAE 5) ;

- à la protection des sols en définissant des règles relatives à la couverture minimale des sols (BCAE 6) ;

- à la préservation du potentiel du sol grâce à la rotation des cultures (BCAE 7) ;

- au maintien des zones non productives et les particularités topographiques pour garantir le maintien des particularités topographiques (BCAE 8) ;

- à la protection des prairies permanentes écologiquement sensibles dans les sites Natura 2000 (BCAE 9).

En cas de non-respect de ces normes, et en fonction de la gravité et de la persistance des manquements, un pourcentage de réduction est affecté à chaque anomalie, pouvant aller de 1 % à 100 %. Ce taux de réduction est ensuite appliqué à l'ensemble des aides versées au titre de la campagne contrôlée.

· Lors de son audition le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a rappelé avec raison que « la meilleure garantie du maintien de l'emploi et de l'activité réside dans le niveau des investissements consentis par les entreprises. Lorsqu'une entreprise met 500 millions ou 1 milliard d'euros sur la table, nous pouvons assortir notre aide de toutes les contreparties que nous voulons, nous savons que son projet s'inscrit dans la durée. »

(2) Une réflexion sur les conditionnalités relancée par la crise sanitaire
(a) Le plan de relance : un rendez-vous manqué en termes de conditionnalité des aides

Lors de la présentation du plan de relance en septembre 2020 par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, M. Bruno Le Maire, la question des engagements des entreprises en contrepartie des prêts garantis aux entreprises (PGE) et de l'activité partielle de longue durée (APLD) a rapidement émergé dans le débat public.

Afin de ne pas compromettre la rapidité du déploiement du plan de relance, le Gouvernement a repoussé l'idée d'une conditionnalité en indiquant préférer une « charte des engagements pour les entreprises »466(*). Cependant, cette annonce ne s'est traduite par aucune action, et c'est une initiative du législateur qui a mis en place des éléments de conditionnalité dans le cadre du plan de relance.

L'article 244 de la loi de finances initiale pour 2021467(*), introduit à l'initiative des députés, a en effet mis en place des obligations pour les entreprises de 50 à 250 salariés bénéficiant de crédits issus de la mission « Plan de relance ». Celles-ci devaient, avant le 31 décembre 2022 :

réaliser un bilan simplifié de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES)468(*) ;

publier chaque année l'ensemble des indicateurs composant l'Index de l'égalité professionnelle ;

- fixer et publier des objectifs de progression de chacun de ces indicateurs de l'Index, pour les entreprises ayant une note globale inférieure à 75 points ;

- publier également les mesures de correction prévues lorsque l'entreprise a une note globale à l'Index inférieure à 75 points ;

communiquer au comité social et économique (CSE) le montant, la nature et l'utilisation des aides reçues au titre des crédits de la mission « Plan de relance ».

Bien que plus engageant que la charte initialement évoquée, ce dispositif est resté relativement modeste dans la mesure où il était envisagé sur une base déclarative, et n'était assorti d'aucune sanction.

(b) Une conditionnalité forte : l'interdiction de distribuer des dividendes pour les entreprises ayant recours aux prêts garantis par l'État (PGE)

Au début de la crise sanitaire, un communiqué de presse du Gouvernement a été mis en ligne le 2 avril 2020 intitulé « Engagement de responsabilité pour les grandes entreprises bénéficiant de mesures de soutien en trésorerie ». En l'absence de base légale, et dans l'urgence, le Gouvernement annonçait que les entreprises d'au moins 5 000 salariés ou au chiffre d'affaires excédant 1,5 milliard d'euros devaient, afin de bénéficier des PGE, s'engager à ne pas distribuer de dividende ni racheter d'actions469(*). Cette mesure a par la suite été prolongée pour l'année 2022.

En cas de non-respect de cet engagement, les cotisations sociales ou les échéances fiscales reportées, voire le PGE lui-même, devaient être remboursés avec application des pénalités de retard de droit commun.

Sans souhaiter stigmatiser les entreprises n'ayant pas fait le choix de restreindre leur distribution de dividende quand elles bénéficiaient simultanément des aides liées au plan de relance, M. Patrick Martin, président du Medef, a indiqué durant son audition devant la commission d'enquête le 22 avril 2025 :

« Sur les politiques de distribution de dividendes (...), je voudrais simplement rappeler que l'Association française des entreprises privées (Afep), alors que les aides les plus importantes ont été distribuées au moment de la pandémie, s'est appliqué un code de bonne conduite, une prescription visant à limiter le montant des dividendes. Je crois savoir qu'il a été essentiellement respecté. Le code Afep-Medef, qui relève de la soft law, prévoit un certain nombre de conditions, notamment sur la gouvernance et les politiques de rémunération des groupes cotés. »

Contreparties aux PGE exigées par d'autres pays

La France n'est pas le seul pays à avoir exigé des contreparties aux entreprises bénéficiant de PGE, cette exigence a même été majoritaire470(*) :

- l'Espagne n'a pas souhaité interdire le versement de dividendes, mais seulement l'utilisation de PGE pour financer les dividendes ;

- l'Allemagne a interdit de façon plus ambitieuse le versement de dividendes et le remboursement de prêts aux associés jusqu'au remboursement intégral du crédit ;

- le Royaume-Uni, le Brésil et l'Afrique du Sud ont gelé les paiements de dividendes ;

- le Canada et Singapour ont seulement interdit les rachats d'action et les primes versées aux dirigeants sous forme d'actions.

Pour sa part, le rapporteur considère qu'en dépit de l'urgence qui caractérisait les aides versées pendant la crise sanitaire, le Gouvernement aurait dû prévoir dans les textes règlementaires applicables aux PGE l'interdiction de verser des dividendes tant que les prêts ne seraient pas totalement remboursés.

3. En Europe, les initiatives en faveur d'une conditionnalité des aides publiques se multiplient (Allemagne, Espagne et Italie)

Comme l'a indiqué M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, lors de son audition le 14 mai 2025, « en règle générale, ce n'est pas la Commission qui impose des conditions, sauf dans quelques cas spécifiques, comme les aides à la restructuration ou les aides régionales », autrement dit « ce sont les États membres qui choisissent de conditionner les aides, ce qu'ils font régulièrement », dans la mesure où la compétence « emploi » n'a pas été transférée au niveau européen.

Les exemples étrangers qui suivent constituent une synthèse de l'étude réalisée par la division de la législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat, qui figure dans son intégralité à l'annexe 10.

a) Le bouclier énergétique allemand : une première mise en oeuvre d'une conditionnalité des aides au maintien de l'emploi

Pour répondre aux tensions sur le marché de l'énergie consécutives à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Allemagne a adopté deux lois relatives aux prix de l'électricité et du gaz :

- la loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein aux prix de l'électricité, ou Strompreisbremsegesetz - StromPBG471(*) ;

- la loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein à la hausse des prix du gaz naturel et de la chaleur fournis par le réseau, ou Erdgas-Wärme-Preisbremsengesetz - EWPBG472(*).

Ces deux lois ont mis en place un plafonnement temporaire des prix du gaz, de l'électricité et de la chaleur pour les ménages, les entreprises et certaines entités publiques, pour une durée initiale allant jusqu'au 31 décembre 2023, avec possibilité de prolongation par décret jusqu'au 30 avril 2024473(*) (article 1er des lois StromPBG et EWPBG).

(1) Le fonctionnement de la conditionnalité des aides énergétiques

Ces aides énergétiques ont été assorties de conditionnalités sociales, pour la première fois en Allemagne. Au-delà de 2 millions d'euros d'aides perçues, les entreprises bénéficiaires devaient en effet s'engager à préserver 90 % de leurs effectifs jusqu'au 30 avril 2025, sous peine de devoir rembourser tout ou partie des aides perçues. Cet engagement pouvait prendre la forme d'un accord collectif conclu avec le comité d'entreprise, ou d'une déclaration unilatérale.

Selon le Gouvernement allemand, la mesure visait à assurer que les aides perçues servent effectivement à stabiliser l'activité économique et non à financer des suppressions de poste. Afin de permettre une certaine souplesse, des exceptions sont néanmoins prévues dans le cas où l'entreprise est en mesure de justifier d'investissements équivalents ou d'un maintien de l'emploi malgré une baisse conjoncturelle de l'activité.

Le respect de la condition de maintien de l'emploi fait l'objet d'un contrôle a posteriori, organisé dans le cadre du décompte annuel exigé au plus tard en juin 2025. L'entreprise doit y récapituler les effectifs mensuels ainsi que l'ensemble des aides perçues. Deux possibilités sont prévues :

- en cas d'absence de transmission des documents nécessaires avant le 31 juillet 2023, le montant des aides perçues au-delà de 2 millions d'euros devient immédiatement remboursable dans son intégralité ;

- en cas d'engagement formel, mais sans respect du seuil de 90 % de maintien d'emploi fixé dans la loi, un mécanisme de remboursement partiel est prévu, proportionnel au taux de non-conformité et comportant un seuil minimal de remboursement fixé à 20 %.

(2) Un avenir de la conditionnalité des aides en suspend en Allemagne

La conditionnalité sociale introduite dans les lois EWPBG et StromPBG constitue un précédent significatif dans la politique des aides publiques en Allemagne, et interroge quant à sa généralisation à d'autres formes de soutien public.

Ainsi, le rapport financier fédéral annuel de 2024 insiste sur l'opportunité de renforcer la sélectivité des subventions en fonction de leur contribution à la transformation écologique, à la résilience industrielle et à la justice sociale474(*). Ces critères seraient donc pris en compte dans l'octroi, mais également dans le renouvellement des aides475(*).

Cependant, il semble que plusieurs facteurs limitent l'introduction de conditionnalités sociales assortissant les autres aides publiques. Ces freins sont de plusieurs ordres :

un risque de rigidité pour les entreprises, souligné notamment par la Fédération de l'économie bavaroise476(*), qui estime que les conditions de maintien d'emploi sont mal adaptées à la diversité des modèles économiques, en particulier dans l'industrie ;

un risque de dissuasion du recours aux aides et donc aux investissements d'avenir, causé par un refus de certaines entreprises de s'exposer à des obligations administratives complexes ;

un risque juridique au regard du droit des aides d'État, puisque la conditionnalité des lois EWPBG et StromPBG a dû être validée par la Commission européenne dans un contexte exceptionnel de crise ;

un risque d'inefficience des aides, notamment souligné par la Cour des comptes fédérale en mars 2024477(*), dans la mesure où la multiplication des critères non économiques dans les aides publiques peut nuire à leur lisibilité et à leur efficacité.

b) En Espagne, la mise en place d'un principe de maintien de l'activité consécutivement au bénéfice d'une aide industrielle

Le 10 décembre 2024, le gouvernement espagnol a présenté le projet de loi sur l'industrie et l'autonomie stratégique478(*), qui comporte notamment de nouvelles conditions d'éligibilité aux aides publiques aux entreprises.

L'article 18 du même projet de loi prévoit que les entreprises ayant reçu des subventions, pour un montant global de 3 millions d'euros ou plus au cours des cinq dernières années, ont une obligation de maintien de leur activité pendant cinq ans pour les grandes entreprises479(*), trois ans pour les entreprises moyennes480(*) et deux ans pour les petites entreprises481(*).

Cette obligation de maintien de l'activité disparaît si l'une des deux conditions suivantes est remplie :

- une chute de plus de 65 % de la production de l'entreprise ;

- une diminution de ses effectifs d'au moins 500 personnes pendant la période de référence.

En cas de non-respect de ces obligations, les aides effectivement versées en application de la loi doivent être remboursées, conformément aux dispositions de la loi générale sur les subventions de 2003 (Ley General de Subvenciones)482(*).

c) En Italie, le législateur renforce la conditionnalité des aides en privilégiant les critères relatifs à l'emploi
(1) Les Contratti di sviluppo, un instrument ancien de conditionnalité en matière d'emploi

Les Contratti di sviluppo (contrats de développement), créés dès 2008483(*), constituent l'un des principaux leviers publics de soutien aux grands projets d'investissement en Italie. Destinés à financer des investissements productifs d'envergure, ils s'adressent tant aux entreprises nationales qu'aux entreprises étrangères implantées en Italie.

L'accès à ce dispositif est conditionné à un investissement minimal de 20 millions d'euros pour l'industrie manufacturière, abaissé à 7,5 millions d'euros pour l'agroalimentaire484(*). Une procédure accélérée est par ailleurs prévue pour les projets supérieurs à 50 millions d'euros.

La conditionnalité en matière d'emploi est une composante essentielle des Contratti di sviluppo. Les entreprises bénéficiaires doivent s'engager soit à créer un nombre minimum d'emplois, soit à maintenir des niveaux d'emploi existants pendant plusieurs années (généralement entre 3 et 5 ans)485(*). Ces engagements sont inscrits dans la convention signée avec Invitalia (il s'agit de l'Agence nationale pour l'attraction des investissements et le développement des entreprises), qui prévoit des sanctions en cas de non-respect, allant de la réduction proportionnelle des aides jusqu'à leur remboursement intégral.

À l'échelle nationale, au 1er février 2024, 1 557 demandes avaient été présentées pour un volume total d'investissements prévus de 63,9 milliards d'euros, dont 434 grands projets financés, représentant 17,7 milliards d'euros d'investissements activés et 6 milliards d'euros d'aides publiques effectivement accordées.

(2) Des dispositions législatives mobilisant le remboursement des aides versées afin de favoriser l'emploi et prévenir les délocalisations

Afin de limiter les délocalisations et de protéger l'emploi, le législateur italien a progressivement renforcé l'arsenal juridique aux mains de l'exécutif.

D'abord via le décret-loi du 12 juillet 2018486(*), dit « Decreto Dignità » (« décret dignité »), qui a introduit des mesures de portée générale visant à :

- prévoir un maintien d'activité sur le territoire national pendant au moins cinq ans dès 10 000 euros d'aides, avec, le cas échéant, un remboursement intégral des aides perçues, assorti d'une majoration de 5 à 15 %487(*) ;

- permettre le retrait de l'aide lorsqu'un licenciement de plus de 50 % des salariés de l'entreprise intervient dans les cinq années suivant la date d'achèvement de l'investissement488(*) ;

- interdire l'attribution d'aides aux entreprises qui ont procédé à des licenciements collectifs dans les douze mois précédents, sauf en cas de réembauche d'au moins la moitié des salariés concernés.

Face au peu d'efficacité de ces dispositions, le « décret dignité » a été complété en 2022 par un autre dispositif « antidélocalisation », introduit par le décret dit « Aiuti ter »489(*). Il renforce les sanctions pour les entreprises de plus de 250 salariés cessant définitivement leur activité ou une partie significative de celle-ci et enregistrant, dans le même temps, une réduction concomitante de leurs effectifs de plus de 50 %, en prévoyant l'obligation de restituer les aides publiques reçues au cours des dix années précédentes, au prorata du pourcentage de réduction des effectifs.

Plus récemment, le projet de Codice degli incentivi490(*) (code des aides) vise à harmoniser les règles relatives aux aides aux entreprises. Il reprend notamment les dispositions du « décret dignité » et du décret « Aiuti ter » en simplifiant leur mise en oeuvre et en articulant mieux leurs régimes respectifs.

Synthèse des mécanismes de conditionnalité des aides publiques aux entreprises (Allemagne - Espagne - Italie)

Pays

Dispositifs

Entreprises concernées

Conditionnalités

Conséquence en cas de non-respect

Allemagne

Lois StromPBG et EWPBG de plafonnement des prix de l'énergie

Entreprises ayant reçu un montant cumulé d'aides supérieur à 2 M€.

Préserver au moins 90 % de l'effectif total moyen jusqu'au 30 avril 2025.

Formalisation par un accord collectif ou une déclaration unilatérale d'engagement.

Remboursement total ou partiel avec intérêts, selon le niveau d'emploi maintenu (seuil minimal de remboursement de 20 % de l'aide versée).

Espagne

Projet de loi industrie et autonomie.

Entreprises ayant reçu au moins 3 M€ d'aides au cours des 5 dernières années.

Obligation de maintien de l'emploi pendant 5 à 2 ans selon la taille de l'entreprise.

Obligation non respectée si chute de la production de plus de 65 % ou baisse des effectifs de plus de 500 salariés.

Remboursement des aides perçues.

Mécanismes d'assurance chômage (exonérations de cotisations sociales)

Toute entreprise bénéficiant du mécanisme ERTE ou RED.

Maintien de l'emploi des travailleurs concernés par le chômage partiel pendant une période de 6 mois à 2 ans.

Remboursement des cotisations exonérées, majorées des intérêts et pénalités de retard.

Italie

Zones économiques spéciales (ZES), zones de crise industrielle, contrats de développement

Toute entreprise bénéficiaire.

Pour les ZES, maintien de l'activité pendant au moins 5 ans. Engagements de maintien ou de création d'emplois au cas par cas.

Remboursement des aides perçues.

Décret « Dignité »

Entreprises ayant bénéficié d'aides publiques supérieures à 10 000 €.

Obligation de maintenir l'activité sur le territoire national pendant au moins cinq ans
(ie. ni délocalisation, ni licenciements supérieurs à 50 % des effectifs).

Remboursement total ou proportionnel des aides perçues.

Projet de « code des aides »

Toute entreprise bénéficiaire d'aide publique.

Interdiction de délocalisation ou de réduction significative de l'activité (avec réduction du personnel supérieure à 40 %) dans les 5 ans.

Remboursement des aides et interdiction de bénéficier de nouvelles aides pendant une durée de 5 à 10 ans.

Source : Étude de législation comparée du Sénat sur la conditionnalité des aides aux entreprises

B. DES CONTRÔLES VARIABLES SELON L'ADMINISTRATION QUI OCTROIE L'AIDE

1. La jurisprudence administrative autorise sous conditions les retraits et abrogations d'aides ainsi que leur remboursement
a) Retrait, abrogation, remboursement et fraude
(1) Retrait versus abrogation d'une aide

Les auditions des dirigeants d'entreprise devant la commission d'enquête n'ont quasiment pas fait état de procédure de retrait ou d'abrogation d'aide. Pour mémoire, le retrait d'une décision administrative signifie que l'acte est réputé n'avoir jamais existé, tandis que l'abrogation désigne la disparition d'un acte à compter d'une date déterminée ultérieure.

L'attribution d'une subvention publique crée des droits au profit de son bénéficiaire491(*), même si l'administration aurait dû refuser cette aide, comme le rappellent les considérants de principe d'une décision de section du Conseil d'État du 6 novembre 2002492(*) :

- sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision493(*) ;

- une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ;

- en revanche, ne sont pas créatrices de droit les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement.

Toutefois, l'administration peut « sans condition de délai »494(*) :

abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ;

retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées.

Ne constitue pas un retrait de subvention la décision de l'administration de refuser de commencer à la verser si elle constate que le bénéficiaire ne respecte pas les conditions afférentes495(*).

En cas de retrait ou d'abrogation d'une décision créatrice de droits496(*), l'administration doit respecter une procédure contradictoire497(*).

L'administration doit également prendre sa décision de manière proportionnée au manquement constaté, et ne peut pas exiger le remboursement d'une aide pour la période antérieure à ce manquement. C'est ce qu'a rappelé le Conseil d'État dans une décision du 30 juin 2023, qui concernait une subvention versée à une association mais dont le raisonnement est transposable à une subvention versée à une entreprise : « Le retrait de la subvention publique accordée à une association n'ayant pas respecté les engagements du contrat d'engagement républicain, lequel ne saurait conduire à la restitution de sommes versées au titre d'une période antérieure au manquement ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, ou l'abrogation de l'agrément, sont des mesures prises sous le contrôle du juge administratif qui en apprécie le bien-fondé eu égard, d'une part, à la gravité de ce manquement et, d'autre part, à l'impact de la mesure sur l'association au vu de ses activités et de son organisation ».

(2) Remboursement et fraude

Dans de rares cas, certaines aides publiques mentionnent les conditions de leur remboursement (voir supra). Bien évidemment, en l'absence de dispositions expresses sur le remboursement d'une aide, la personne publique ne peut pas imposer unilatéralement ces conditions a posteriori.

Toutefois, comme le relève le Conseil d'État dans son guide des outils d'action économique498(*), la jurisprudence admet « largement la récupération des subventions lorsque les conditions initiales ont été définies précisément et n'ont pas été respectées [...], y compris lorsque cet irrespect est partiel »499(*).

Lorsqu'un texte prévoyait des pièces justificatives relatives à l'utilisation d'une subvention500(*) et que celles-ci n'ont pas été produites par le bénéficiaire, l'administration peut émettre un titre exécutoire, par exemple le remboursement d'un acompte versé sur une subvention501(*).

En cas de fraude, une aide peut être retirée à tout moment en vertu de l'adage « la fraude corrompt tout ».

Un mécanisme original créé par la loi du 4 janvier 2001

La loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, qui avait institué la commission nationale des aides publiques aux entreprises (voir infra), avait prévu un mécanisme original autorisant toute personne publique ayant octroyé une aide à prononcer sa suspension, son retrait, voire son remboursement, si elle estimait que l'employeur n'avait pas respecté les « engagements souscrits ».

Ce mécanisme était conditionné à une saisine préalable du comité d'entreprise ou, à défaut, d'un délégué du personnel.

Afin de respect le principe du contradictoire, la personne qui avait octroyé l'aide devait entendre l'employeur et les représentants du personnel avant de rendre sa décision.

Elle devait également apprécier l'utilisation de l'aide en fonction notamment :

- de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée ;

- des engagements formulés par le chef d'entreprise pour bénéficier de l'aide ;

- des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales.

La loi du 4 janvier 2001 ayant été abrogée par la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, il est fort probable que ce mécanisme de contrôle n'ait jamais été utilisé.

b) Les subventions sont assimilées à des actes unilatéraux

Comme l'indique Mme Anémone Cartier-Bresson, « la contractualisation des aides publiques a progressé depuis une vingtaine d'années. Il s'agit somme toute d'un phénomène assez banal, qui se vérifie plus largement pour toutes les interventions publiques. La persistance d'un climat d'unilatéralité confère toutefois une singularité aux aides économiques, et contribue à une porosité de la frontière entre contrat et acte unilatéral »502(*).

De fait, le Conseil d'État a jugé en 2010 que l'attribution d'une subvention, même accompagnée de la signature d'une convention, devait être regardée comme un acte unilatéral503(*).

Puis, dans un avis important Société Royal Cinéma du 29 mai 2019504(*), le Conseil d'État a jugé qu'une « décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire ; de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention ».

Il en résulte trois conséquences.

D'une part, l'acte qui octroie une subvention doit être regardé comme un acte unilatéral, même si une convention est signée entre une personne publique et l'entreprise bénéficiaire (pour rappel, aux termes de l'article 10 de la loi DCRA, une convention doit être signée pour les subventions supérieures à 23 000 euros).

D'autre part, cet acte unilatéral sera créateur de droits uniquement si le bénéficiaire de la subvention « respecte les conditions mises à son octroi », ce respect pouvant prendre plusieurs formes :

- ces conditions peuvent avoir été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, ce qui est le cas le plus simple ;

- elles peuvent avoir fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire ;

- elle peuvent encore découler implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

Quand une décision est créatrice de droits, elle ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois.

Enfin, et par voie de conséquence, toute éventuelle contestation contentieuse doit être formée dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir et non d'un plein contentieux : le juge administratif est alors tenu, schématiquement, de rejeter intégralement le recours ou d'annuler la décision attaquée, sans pouvoir modifier, réformer cette décision ou lui substituer une nouvelle décision. Comparé à un plein contentieux régi par la jurisprudence Tarn-et-Garonne505(*), l'accès au prétoire des tiers, comme les entreprises concurrentes, est facilité dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, car les requérants doivent seulement justifier d'un intérêt à agir suffisant, sans avoir à démontrer que leurs intérêts sont « lésés de manière directe et certaine ».

c) Les autres aides peuvent être contestées dans le cadre d'un recours de plein contentieux

Mme Anémone Cartier-Bresson relève qu'« hormis le cas des subventions, les contrats attribuant des aides et leur défaut d'exécution peuvent être contestés par les parties devant le juge du contrat »506(*), y compris en cas d'annulation, c'est-à-dire dans le cadre d'un plein contentieux.

Comme indiqué précédemment, les tiers peuvent attaquer des contrats administratifs relatifs aux aides par un recours en contestation de validité, dans les conditions prévues par la jurisprudence Tarn-et-Garonne.

Enfin, il convient de rappeler que :

- les décisions des collectivités territoriales octroyant une aide publique à une entreprise peuvent faire l'objet d'un déféré préfectoral507(*) ;

- la responsabilité de l'administration peut être engagée quand une aide est versée, sur le terrain contractuel, extracontractuel voire pénal en cas de prise illégale d'intérêt par exemple.

2. L'État exerce un contrôle efficace sur les subventions qu'il octroie et sur les dépenses fiscales placées sous la responsabilité de l'administration fiscale

En premier lieu, les subventions budgétaires de l'État conduisent souvent à la signature d'une convention, assortie le cas échéant de conditionnalités, entre la personne publique octroyant la subvention et l'entreprise bénéficiaire.

La procédure de déploiement des aides du plan France 2030 illustre le contrôle exercé par l'administration sur les subventions budgétaires. En effet, avant tout décaissement au profit d'un porteur de projet, les aides du plan France 2030 doivent avoir préalablement fait l'objet :

- d'une décision du Premier ministre (DPM) qui formalise l'octroi de l'aide au bénéficiaire final au regard des objectifs poursuivis par le projet financé ;

- d'une convention entre le bénéficiaire final et l'un des opérateurs du plan France 2030 (Agence Nationale de la Recherche, Ademe, Bpifrance, Caisse des dépôts et consignations) qui fixe le détail des jalons à atteindre par le porteur de projet et la chronique des décaissements associés à la réalisation effective du projet.

La commission d'enquête relève par surcroît que les opérateurs du plan France 2030 disposent pour certains de moyens humains et financiers directement affectés au contrôle interne des aides accordées, qu'elles soient financées ou non par ce plan. Par exemple, lors de son audition le 19 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a indiqué que la Banque publique d'investissement s'appuie sur un service dédié :

« Pour réaliser ces contrôles, la direction du contrôle interne de Bpifrance dispose de 80 personnes, ce qui représente des moyens significatifs. S'ajoutent également d'autres détails particuliers qui permettent d'instruire les dossiers et de garantir que le bénéficiaire de la subvention publique respectera ses engagements. Et nous faisons, en effet, des contrôles sur place. »

Le contrôle interne des aides exercé par Bpifrance

Lors de son audition le 19 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a indiqué que cette banque publique respecte scrupuleusement « une réglementation fondamentale du monde bancaire, qui est connue sous le nom de procédure KYC pour Know Your Customer ». Bpifrance doit ainsi « tout savoir de la chaîne de détention et de propriété, et donc de l'identité de notre contrepartie », « aucun prêt ni octroi » ne pouvant être accordé « sans procéder à ce contrôle très exigeant ». Ainsi, dans le cas d'une holding, il faut remonter « jusqu'à la détention des titres pour que personne n'ait la possibilité de circuler dans l'ombre ». « Ce processus coûteux passe par des outils détaillés et fait l'objet de contrôles importants de la part de la Banque centrale européenne et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ».

Mme Sophie Rémont, directrice de l'expertise et des programmes de la direction de l'innovation à Bpifrance, a précisé que les critères des aides sont définis en amont avec les ministères concernés et sont vérifiés régulièrement afin d'autoriser le déclenchement des versements. En effet, « le versement des aides est progressif » et Bpifrance définit « à chaque étape des livrables et des jalons » demandés à l'entreprise. Concrètement, les agents utilisent et suivent tout au long des décaissements la « grille d'impact » déposée lors de la déclaration. Autrement dit, les personnes en charge de l'instruction effectuent ipso facto le contrôle de l'aide, étant précisé que ces agents « peuvent s'appuyer sur des experts externes qui les accompagnent sur la partie technique et sur celle qui concerne le marché ».

En second lieu, la catégorie des dépenses fiscales recouvre également des aides dont le contrôle est exercé de manière stricte par le réseau dense et l'expertise éprouvée de l'administration fiscale. La prise en compte de la mission de contrôle des aides publiques versées sous forme de dépenses fiscales au bénéfice des entreprises a été rappelée par les représentants de la direction générale des finances publiques (DGFiP) lors de leur audition le 12 mars 2025 devant la commission d'enquête :

« Vous n'êtes pas sans savoir que l'organisation du contrôle fiscal opère à trois niveaux : départemental, interrégional et national. Pour les grandes entreprises, c'est la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) qui devrait vous intéresser plus particulièrement, car elle est chargée du contrôle fiscal des grandes entreprises nationales et internationales, ainsi que de leurs filiales, dont les actifs bruts sont supérieurs ou égaux à 400 millions d'euros ou dont le chiffre d'affaires dépasse 152,4 millions d'euros pour les ventes et 76,2 millions d'euros pour les prestations de service. C'est ainsi que se définit le portefeuille de la DVNI, qui dispose de vingt-cinq brigades de vérification spécialisées par secteur socio-professionnel. »

Les représentants de la DGFiP ont ajouté que :

- le service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal « compte au total 16 000 agents en administrations centrale et locale, 10 000 dans la sphère du contrôle fiscal - dont 4 000 vérificateurs répartis sur le territoire - et 6 000 dans la sphère de la sécurité juridique » ;

- environ « 39 000 et 40 000 contrôles externes » sont réalisés par an, sur tous types d'impôts, et plusieurs « centaines de milliers » de contrôle sont effectués « en bureau » par les centres de services partagés (CSP) ;

- en 2023, 623 dossiers de contrôle fiscal externe clos, sur les 39 000 précités, comportaient des rectifications relatives au CIR, soit 18 % des dossiers.

S'agissant plus particulièrement de la DVNI, les représentants de la DGFiP ont indiqué :

- que cette direction compte 500 agents, dont 100 travaillent « en bureau » et 400 sont sur le « terrain » ;

- qu'elle a « mis à jour, avec le service de la gestion fiscale » une « grille d'analyse des risques, qui permet de passer au tamis les demandes de remboursement CIR et de détecter d'éventuels signaux d'alerte qui nécessitent un contrôle plus approfondi » ;

- qu'un « protocole entre la DGFiP, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et la direction générale des entreprises » a été révisé fin 2024, afin de renforcer « la flexibilité des quotas d'expertise et faire en sorte de pouvoir mobiliser plus rapidement les experts » aux côtés des agents de la DVNI lors des contrôles.

Lors de son audition le 15 mai devant la commission d'enquête, M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a indiqué que « le crédit d'impôt recherche fait l'objet de plus d'un millier de contrôles annuels pour un total de 15 000 bénéficiaires. Ces contrôles aléatoires portent à la fois sur les montants déclarés et la nature scientifique des projets ».

3. Les exonérations et allègements de cotisations sociales : l'Urssaf très mobilisée

Les cotisations sociales, de même que les exonérations et allègements dont elles font l'objet, sont calculées, déclarées et versées par les employeurs508(*). Par conséquent, le contrôle de la régularité et de l'exhaustivité des prélèvements est effectué, a posteriori, par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf). Ce contrôle, dit « contrôle comptable d'assiette » des déclarations des cotisations et contributions sociales, est effectué par les inspecteurs du recouvrement et constitue l'une des principales activités d'une Urssaf509(*).

L'Urssaf mène à la fois des actions de contrôle et des actions de prévention.

· Les contrôles opérés par l'Urssaf peuvent être réalisés sur place ou sur pièces - c'est-à-dire se dérouler dans les locaux de l'Urssaf. Ils ont pour but de contrôler la régularité des cotisations acquittées ou prélevées, que les erreurs soient fortuites ou intentionnelles, ce qui peut entraîner le cas échéant un redressement. En 2024, plus de 34 287 actions ont été engagées par l'Urssaf dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, et ont permis de redresser près de 1,6 milliard d'euros, soit 34 % de plus qu'en 2023510(*). Parmi ces redressements opérés en 2022 par l'Urssaf, le thème des exonérations de cotisations sociales représentait 30,6 % du total des régularisations511(*).

Cette mission de contrôle permet de garantir le financement de la sécurité sociale, mais également une égalité devant les charges publiques pour les employeurs - dans un contexte où les cotisations sociales représentent une part importante des coûts de production des entreprises.

· Compte tenu de la complexité des régimes sociaux pour les employeurs, de nombreuses erreurs de déclaration se révèlent involontaires. L'Urssaf met donc en place des actions de prévention, afin d'expliquer les règles aux employeurs et de les sécuriser dans la déclaration des cotisations sociales. Ces actions de prévention représentent à elles seules plus de 77 % des actions de l'Urssaf, avec 26 290 actions engagées en 2024.

Parmi les démarches de prévention développées, peuvent être citées les visites conseils d'inspecteurs, les examens préalables des accords d'épargne salariale des entreprises ou encore les procédures de rescrit social qui permettent d'interroger l'Urssaf sur l'application précise de la législation relative aux cotisations et contributions sociales, afin de se prévaloir de la réponse pour un contrôle futur512(*).

4. Les aides européennes : un contrôle strict mais très lourd

Le contrôle de l'utilisation des financements européens s'inscrit dans une logique d'exécution du budget de l'Union européenne. Toutes les aides sont soumises à des règles visant à garantir leur bonne exécution.

(1) Le contrôle des fonds européens en gestion partagée

Les aides européennes, qu'elles soient issues des fonds structurels en gestion partagée ou du plan de relance européen (NextGenerationEU), sont soumises à un dispositif de contrôle particulièrement strict, en raison des exigences élevées de transparence, de responsabilité et de bonne gestion financière imposées par le droit de l'Union. En vertu de l'article 317 du TFUE, la Commission européenne exécute le budget de l'UE sous sa responsabilité, mais les États membres, dans le cadre de la gestion partagée, ont l'obligation de garantir que les fonds sont utilisés conformément aux principes de régularité et d'efficience. Les États membres sont tenus de désigner des autorités compétentes pour la gestion, le contrôle et l'audit des fonds européens car il leur revient de prévenir, détecter et corriger les irrégularités, et de récupérer les sommes indûment versées. Ces obligations impliquent la mise en place d'un système de gouvernance multi-niveaux, associant autorités de gestion, autorités de certification, autorités d'audit, comités de suivi et autorités de coordination. Par exemple, le règlement RPDC du 24 juin 2021 impose aux régions, lorsqu'elles sont autorités de gestion, de publier sur un site internet toutes les aides accordées via des fonds européens (articles 42 et 49 dudit règlement).

Chaque programme financé par un fonds européen est ainsi encadré par un comité de suivi, chargé de suivre l'exécution des crédits et d'assurer la remontée d'informations auprès de la Commission.

Les autorités de gestion assurent le contrôle de premier niveau, en sélectionnant les projets, en vérifiant leur conformité et en encadrant leur exécution, conformément à l'article 74 du règlement RPDC du 24 juin 2021 susmentionné. Selon les informations communiquées au rapporteur par Régions de France, la régions Occitanie dispose d'une équipe de 15 équivalents temps plein, répartis parmi une quarantaine d'agents, pour contrôler l'utilisation des fonds Feder. Ces contrôles incluent des vérifications sur pièces et, ponctuellement, des inspections sur place lors de la phase de programmation, ainsi que des contrôles approfondis lors de la phase de paiement, avec un minimum de 10 % de visites sur site. Lors de son audition le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué que dans sa région, « l'évaluation des politiques publiques est assurée par un service dédié qui dépend de la direction Qualité et performance. Ce service compte une dizaine d'agents, qui disposent d'une indépendance fonctionnelle vis-à-vis des services opérationnels. Concrètement, ils ne relèvent pas des services d'action économique : les fonctions sont clairement distinctes ».

Des autorités d'audit indépendantes, comme l'Autorité nationale d'audit pour les fonds européens (AnAFe) en France, procèdent à des contrôles de second niveau sur les systèmes et les opérations, et rendent des comptes annuels à la Commission européenne513(*).

De plus, des autorités de coordination garantissent l'unité d'action de l'État face à la complexité du paysage institutionnel.

Enfin, il ne faut pas négliger le rôle de contrôle des institutions européennes elles-mêmes. Outre les services de la Commission européenne, la Cour des comptes de l'Union européenne examine la légalité et la régularité des recettes et des dépenses de l'UE. Elle veille ainsi à l'utilisation correcte des fonds européens et adopte régulièrement des rapports spéciaux pouvant pointer des difficultés de mise en oeuvre des aides européennes514(*). Le Parlement européen a aussi pour fonction de contrôler l'exécution du budget européen, tandis que l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) enquête sur les cas de fraude aux fonds européens515(*). Enfin, lors de son audition par la commission d'enquête le 4 février 2025, Mme Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité, a rappelé qu'il est impossible de prétendre à de nouvelles aides en cas d'infraction ou si un remboursement d'aides antérieures reste dû.

L'Autorité nationale d'audit pour les fonds européens,
l'Agence nationale de la cohésion des territoires et les comités de suivi

• En France, l'autorité d'audit des fonds européens en gestion partagée est désormais l'Autorité nationale d'audit pour les fonds européens (AnAFe), qui a succédé à la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC). Instituée par le décret n° 2023-1067 du 20 novembre 2023, l'AnAFe est placée auprès du ministère chargé des finances et a pour mission de garantir la régularité, la légalité et la bonne gestion financière des fonds européens. Elle agit en toute indépendance et bénéficie d'une compétence nationale pour l'ensemble des programmes opérationnels financés par des fonds structurels et d'investissement européens. L'AnAFe contrôle la qualité des systèmes de gestion et de contrôle mis en oeuvre par les autorités de gestion, certifie les dépenses déclarées à la Commission européenne, et émet un avis d'audit annuel sur la fiabilité des comptes et la conformité des opérations516(*).

• Chaque programme opérationnel doit être doté d'un comité de suivi, institué par l'État membre en concertation avec l'autorité de gestion concernée. En France, ce comité est généralement coprésidé par le préfet de région et le président du conseil régional (ou leurs représentants). Il réunit également des représentants de la Commission européenne, des administrations centrales compétentes (ministères de l'intérieur, de l'emploi, de l'agriculture, de l'aménagement du territoire), des préfets de département, des chambres consulaires régionales, du trésorier-payeur général, du Conseil économique, social et environnemental régional, ainsi que des conseils départementaux. Le comité de suivi se réunit au moins une fois par an pour examiner l'état d'avancement du programme, s'assurer de la bonne utilisation des crédits, proposer d'éventuels ajustements, et veiller à la conformité des opérations avec les priorités fixées.

• Les États membres ont aussi la possibilité de désigner une autorité de coordination, chargée de faire le lien entre la Commission européenne et les différentes autorités nationales impliquées dans la gestion des fonds. Cette autorité a pour mission de faciliter la concertation avec la Commission européenne, de coordonner l'action des autorités de gestion et de certification, et de veiller à la bonne application du droit européen. En France, pour la période 2021-2027, cette fonction de coordination a été confiée à différents organismes en fonction des fonds concernés. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) assure cette mission pour le Feder, le FSE+ et le FTJ (Fonds pour la transition juste).

Les contrôles des aides européennes sont donc effectués à divers niveaux : régional, national (AnAFe) et européen (direction générale d'audit de la Commission européenne et Cour des comptes européenne).

(2) Le contrôle des fonds européens issus de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR)

Le mécanisme de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) constitue le principal volet du plan de relance NextGenerationEU et représente la réponse budgétaire majeure de l'Union européenne à la crise du covid. Dotée initialement de 723,8 milliards d'euros, combinant subventions et prêts, la FRR vise à renforcer la cohésion économique, sociale et territoriale de l'UE. De plus, elle a pour but d'atténuer les impacts socio-économiques de la pandémie tout en soutenant les transitions écologique et numérique. Les plans nationaux détaillent les réformes et investissements que les États membres s'engagent à réaliser en contrepartie des fonds du FRR. La Commission européenne gère directement la FRR, tandis que les États membres sont les bénéficiaires des subventions et les emprunteurs des prêts.

La FRR finance des mesures mises en oeuvre dans les pays de l'UE entre février 2020 et août 2026. Pour accéder à ces fonds, les États membres ont soumis leurs PNRR à la Commission pour évaluation et approbation par le Conseil. Ces plans incluent des mesures visant à répondre aux défis identifiés dans le cadre du Semestre européen, qui coordonne les politiques économiques et sociales de l'UE. La FRR soutient financièrement les États membres par des mesures réparties en six piliers. La mise en oeuvre de chaque mesure est évaluée à travers des jalons qualitatifs et des cibles quantitatives. Des indicateurs communs permettent de suivre les progrès et d'évaluer l'efficacité du FRR par rapport à ses objectifs. Conformément au règlement FRR517(*), la Commission européenne vérifie l'atteinte satisfaisante de ces jalons et cibles avant tout décaissement. En cas de non-respect, la Commission peut bloquer ou réduire les contributions financières allouées à l'État membre concerné.

Dans le cas du plan de relance européen, les fonds sont exécutés en gestion directe ou partagée selon les cas, avec des exigences supplémentaires en matière de résultats, de réformes structurelles et de conditionnalité. Cette superposition de normes et de mécanismes de contrôle accroît la complexité administrative, tout en renforçant la nécessité d'une coordination rigoureuse entre l'État, les régions, la Commission européenne et les organes de contrôle indépendants. Dans un rapport de février 2025, la Cour des comptes européenne a déploré, à ce propos, le manque de clarté de la notion de « performance » car la Commission européenne « ne collecte ni n'utilise d'informations sur les coûts réels » des projets, tandis que « l'approche adoptée pour définir les jalons et les cibles, dont la réalisation satisfaisante conditionne le paiement, diffère d'un État membre à l'autre »518(*).

5. Les autres aides des collectivités territoriales : certaines régions en pointe

Les collectivités territoriales, lorsqu'elles octroient des aides financières aux entreprises, sont investies d'un pouvoir de contrôle sur l'utilisation des subventions versées. En application de l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), toute entité ayant bénéficié d'une subvention locale est tenue de se soumettre au contrôle des délégués de la collectivité dispensatrice. Cela implique, pour les bénéficiaires, l'obligation de transmettre une copie certifiée conforme de leurs budgets et comptes annuels, ainsi que les documents attestant des résultats de leurs activités519(*). Le code général des collectivités territoriales (CGCT) impose aux régions d'établir un rapport annuel recensant les aides versées aux entreprises sur leur territoire durant l'année précédente et de le transmettre avant le 31 mai à la DGCL, qui les consolide et les transmet à la Commission européenne avant le 30 juin. Le montant des aides de minimis, pour lesquelles un recensement national n'est actuellement pas obligatoire, mais qui est essentiel pour évaluer les aides aux entreprises, n'est plus collecté depuis 2016.

La commission d'enquête, sur la base des réponses fournies par Régions de France au questionnaire du rapporteur, souligne que chaque demande d'aide présentée par une entreprise est soumise à plusieurs vérifications lors du versement des acomptes ou du solde. Ces vérifications portent sur l'atteinte des objectifs fixés, les dépenses effectuées par l'entreprise, le taux de co-financement, ainsi que le respect des conditions associées à l'aide si de telles conditions ont été établies par la région.

Dans son rapport public annuel de 2023, la Cour des comptes relève toutefois « plusieurs exemples » illustrant « la nécessité de renforcer le contrôle du respect des critères d'éligibilité et d'attribution des aides afin de limiter les risques de fraude »520(*). La Cour cite le cas de la région Pays de la Loire, où la chambre régionale des comptes a relevé, sur la période 2012-2018, que sur 42 dossiers contrôlés, seuls 2 % contenaient les éléments requis pour le suivi des aides versées. Fort heureusement, depuis ce contrôle, la région a indiqué « avoir mis en place un nouveau cadre d'octroi et de suivi des aides ». Comme l'a souligné Mme Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité, lors de son audition le 4 février dernier devant la commission d'enquête, l'efficacité de ces contrôles demeure hétérogène d'une région à l'autre.

Un exemple de projet ayant fait l'objet d'une remise en cause de l'aide régionale est celui d'une entreprise située à Mazères dans l'Ariège. Cette entreprise avait bénéficié d'une aide de 900 000 euros issue du Feder sous forme d'avance remboursable versée par la région Occitanie. Cependant, en raison du non-respect de l'obligation de conserver les équipements sur une durée de cinq ans après la fin de la réalisation du projet, la région a exigé le remboursement intégral de l'aide et a porté plainte521(*).

Lors de son audition le 11 juin dernier, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué que « l'essentiel, c'est que l'octroi des aides soit conditionné à la réalisation effective du projet. Nous examinons donc deux choses : les investissements ont-ils été réalisés ? Les emplois annoncés ont-ils été créés ? Si ce n'est pas le cas, l'aide n'est versée qu'à proportion des engagements tenus. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de valider des dossiers dans lesquels les investissements n'étaient réalisés qu'à moitié et les recrutements effectués au tiers : dans ce cas, le tiers seulement de la subvention est versé ».

C. UN SUIVI ET UNE ÉVALUATION DES AIDES AUX ENTREPRISES ENCORE INSUFFISANTS

1. Évaluer, une tâche impossible ?

La commission d'enquête ne méconnaît pas les difficultés inhérentes à toute évaluation.

En premier lieu, une évaluation peut s'avérer difficile à réaliser en raison de l'absence de données fiables. Comme l'a souligné lors de son audition devant la commission d'enquête le 1er avril dernier, M. François Ecalle, président de Fipeco, la difficulté d'accès aux données fiscales anonymisées a longtemps freiné les évaluations réalisées par des chercheurs :

« En matière d'aides et de fiscalité des entreprises, nous avons réalisé peu de progrès pendant de longues années. L'un des principaux obstacles à l'évaluation des mesures fiscales et des aides résidait dans l'accès aux données individuelles des entreprises. Ces informations, principalement issues des données fiscales, étaient longtemps inaccessibles aux chercheurs, la direction générale des finances publiques (DGFiP) refusant de les mettre à disposition. Ce n'est que depuis 10 à 15 ans que cette situation a évolué, grâce à une loi d'orientation sur la recherche qui a contraint la DGFiP à partager ces données. Pour sa part, l'Insee a développé un système permettant aux chercheurs d'accéder de manière sécurisée à des données anonymisées. Bien que cette anonymisation limite parfois la précision des analyses, elle constitue néanmoins une avancée significative. Nous disposons désormais de plus en plus d'études, mais leur nombre reste insuffisant en raison du manque de données, de moyens et de recul. »

Malgré les progrès réalisés ces dernières années et les informations mises à disposition des chercheurs à travers le Centre d'accès sécurisé aux données (CASD), des informations importantes manquent sur les aides publiques aux entreprises, comme l'a déploré M. Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, lors de son audition du 11 février 2025.

En deuxième lieu, lorsqu'une aide est accordée à toute une catégorie d'entreprises, il est impossible de disposer d'un « contrefactuel » pour examiner l'impact d'une aide. Lors de son audition le 6 février 2024 par la commission d'enquête, M. Sylvain Moreau, directeur des statistiques d'entreprises de l'Insee, a indiqué que « la principale difficulté réside dans la nécessité, pour mener ces évaluations, de disposer d'un contrefactuel, c'est-à-dire d'une population d'entreprises ayant les mêmes caractéristiques que la population des entreprises aidées, mais qui ne soient pas aidées, de façon à analyser l'effet des aides en termes d'évolution de l'activité, du chiffre d'affaires et de l'effectif salarié. De telles études existent donc, mais elles portent souvent sur des aides extrêmement ciblées. » Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a abondé dans ce sens lors de son audition du 3 mars 2025 : « une évaluation économétrique pure nécessite de pouvoir comparer des entreprises qui ont été aidées et des entreprises qui ne l'ont pas été. Or les aides mises en place pendant la crise sanitaire ont bénéficié à presque toutes les entreprises, ce qui rend cet exercice difficile. »

En troisième lieu, il est souvent délicat d'évaluer l'existence d'externalités positives. Lors de son audition le 12 mars 2025, M. Olivier Touvenin, chef du service de la gestion fiscale à la direction générale des finances publiques, a affirmé que « la mesure exacte de l'atteinte des objectifs » d'un dispositif fiscal « est toujours un exercice assez évanescent. Prenons la recherche, par exemple. Sommes-nous capables, même au terme d'un audit assez précis, d'estimer l'impact du CIR sur les dépenses de recherche et développement d'une entreprise ? Cela relève de la politique de l'entreprise elle-même : il est donc difficile d'obtenir des chiffrages précis. Les dispositifs fiscaux sont des dispositifs incitatifs. Par nature, il n'est pas aisé de les évaluer à l'euro près », ajoutant que « l'objectif d'un avantage fiscal est de produire des externalités, directes ou indirectes, qui ne sont pas forcément chiffrables. Dès lors, elles sont difficiles à évaluer, même par des corps de contrôle très spécifiques ».

En quatrième lieu, même quand un contrefactuel est disponible et qu'une externalité positive est identifiée, il est difficile de déterminer s'il existe un lien de causalité robuste et déterminant entre une aide et des indicateurs économiques, dans la mesure où une corrélation ne doit pas être confondue avec une relation causale.

En dernier lieu, à supposer qu'une aide modifie le comportement d'une entreprise, encore faut-il déterminer si ce changement de comportement ne résulte pas principalement d'autres facteurs, qui peuvent par ailleurs avoir des effets combinés difficiles à établir (ce que les chercheurs en biologie appellent « l'effet cocktail »).

En tout état de cause, en dépit de ces difficultés méthodologiques réelles, l'évaluation demeure une obligation démocratique afin de s'assurer du bon usage des deniers publics et un gage d'efficacité économique pour allouer de manière optimale les fonds publics. La commission d'enquête souscrit donc aux propos tenus par Mme Mathilde Lignot-Leloup, lors de son audition précitée du 3 mars 2025 : « En termes d'évaluation, il ne faut pas s'arrêter au contrefactuel, en effet. Nous procédons à d'autres études, sans nous limiter au quantitatif, en nous fondant sur des analyses avant-après ou des comparaisons avec d'autres pays. »

2. Certains dispositifs comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le crédit d'impôt recherche et l'aide à l'apprentissage ont fait l'objet d'évaluation

La commission d'enquête constate que les travaux de suivi, d'analyse et d'évaluation des dispositifs d'aides publiques aux entreprises emblématiques se sont multipliés ces dernières années.

Ainsi, le vaste plan « France Relance » d'un montant total de 100 milliards d'euros entre 2020 et 2022, a fait l'objet d'une évaluation détaillée menée par un comité d'évaluation, présidé à partir de février 2023 par l'économiste Xavier Jaravel et adossé à France Stratégie, qui a rendu deux rapports intermédiaires en octobre 2021 puis en décembre 2022, avant de rendre un rapport final en janvier 2024.

Le rapporteur relève également des travaux menés dans le cadre des programmes de contrôle notamment des juridictions financières, à l'image du rapport de la Cour des comptes de juillet 2022 relatif aux prêts garantis par l'État (PGE)522(*), ainsi que des inspections générales à l'instar de la revue des aides à la transition écologique réalisée en avril 2023523(*).

Trois exemples méritent d'être examinés plus en détail : le CICE, le CIR et les aides à l'apprentissage.

a) Le CICE : des objectifs inconciliables et un coût prohibitif pour un nombre de créations d'emplois limité 
(1) Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : une mesure fiscale mal née

Mis en place en 2012524(*) pour améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser l'emploi, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) était une niche fiscale consistant à créer une créance fiscale pour les entreprises, calculée sur la base des salaires versés jusqu'à 2,5 fois le Smic et déductible de l'impôt sur les sociétés à partir de l'année suivant le paiement des salaires. Concrètement, ce crédit d'impôt correspondait à 4 % puis 6 % à compter du 1er janvier 2014 et 7 % à partir du 1er janvier 2017 - de la somme des rémunérations dont le montant était inférieur à 2,5 Smic versées par une entreprise.

Ce dispositif avait été proposé par le Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, rapport dirigé par M. Louis Gallois en 2012. La 4e proposition de ce rapport invitait en effet à « créer un choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu'à 3,5 Smic (...) vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique ».

Comme l'a rappelé M. Louis Gallois lors de son audition le 6 février 2024 devant la commission d'enquête, le législateur a assigné des objectifs multiples au CICE, au risque de la déception : « les deux objectifs du CICE, la compétitivité et l'emploi, ne sont pas toujours complètement convergents. Afin que l'allègement soit clairement orienté vers la compétitivité, j'avais proposé qu'il atteigne 3,5 fois le Smic. » Ainsi, le CICE, de nature fiscale, visait à la baisse du coût du travail afin de soutenir la compétitivité des entreprises, et indirectement à maintenir le niveau d'emploi.

La commission d'enquête souscrit à l'analyse de M. François Ecalle, président de Fipeco, sur le CICE, qu'il a livrée lors de son audition le 1er avril 2025 devant la commission d'enquête :

« Sa conception visait deux objectifs simultanés : améliorer la compétitivité et stimuler l'emploi. L'amélioration de la compétitivité a favorisé le travail qualifié, une approche soutenue notamment par Louis Gallois, ancien président d'Airbus, qui préconisait des aides sur l'ensemble du secteur pour renforcer la compétitivité d'Airbus. Parallèlement, nous cherchions à avoir un impact sur le pouvoir d'achat et les emplois moins qualifiés, où le chômage est plus prégnant. Le CICE représente donc un mauvais compromis entre ces deux objectifs distincts.

La complexité du CICE résulte également de contraintes financières. Il était impératif d'éviter tout impact sur le déficit public en 2013, la France s'étant engagée en 2012 à le ramener à 3 % du PIB en 2013, à la suite du rapport Gallois. Une aide immédiate sous forme d'allègement de cotisations aurait affecté le déficit en 2013, 2014 et 2015. Nous avons donc conçu ce « machin », le CICE, comme un crédit d'impôt remboursable pour la majorité des entreprises au bout de deux ans, reportant ainsi l'impact budgétaire. Cette solution affreusement compliquée, motivée par de très mauvaises raisons, est un exemple à ne pas suivre. »

Face à la grande complexité de la mécanique du crédit d'impôt, le CICE a été transformé à compter de 2019 en une réduction pérenne de cotisations sociales d'assurance maladie à due concurrence, soit 6 points, en dessous de 2,5 Smic525(*).

Chronologie du CICE et de son évaluation

Date

Disposition

5 novembre 2012

Remise du rapport Gallois au Premier ministre « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française »

6 novembre 2012

Annonce du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi comprenant le CICE

1er janvier 2013

Entrée en vigueur du CICE sur les salaires de 2013 au taux de 4 % (article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012)

14 juin 2013

Loi de sécurisation de l'emploi définissant les modalités de consultation de représentants du personnel sur le CICE et les informations devant être contenues dans la base de données économiques et sociales

25 juillet 2013

Installation du comité de suivi du CICE

10 octobre 2013

Publication du premier rapport du comité de suivi du CICE

1er janvier 2014

Passage du taux de CICE de 4 % à 6 %

29 septembre 2014

Publication du rapport 2014 du comité de suivi du CICE

1er janvier 2015

Passage du taux de CICE pour les entreprises des DOM à 7,5 %

Mise en oeuvre des mesures du Pacte de responsabilité en matière de cotisations sociales (réduction de 1,8 point des cotisations famille jusqu'à 1,6 Smic, zéro cotisation employeur de sécurité sociale au niveau du Smic)

Introduction de l'obligation de retracer l'utilisation du CICE sous la forme d'une description littéraire, en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes

17 août 2015

Intégration du CICE dans une consultation annuelle des représentants du personnel plus large sur la stratégie et la situation économique de l'entreprise (loi Rebsamen relative au dialogue social et à l'emploi)

22 septembre 2015

Publication du rapport 2015 du comité de suivi du CICE

1er janvier 2016

Passage du taux de CICE pour les entreprises des DOM à 9 %

Réduction du taux de cotisations patronales « famille » de 1,8 point sur les salaires compris entre 1,6 et 3,5 Smic

29 septembre 2016

Publication du rapport 2016 du comité de suivi du CICE

1er janvier 2017

Passage du taux de CICE à 7 % sur les salaires de 2017 (hors DOM)

Création d'un crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) pour les associations, égal à 4 % des salaires inférieurs à 2,5 Smic

3 octobre 2017

Publication du rapport 2017 du comité de suivi du CICE

1er janvier 2018

Passage du taux de CICE à 6 % sur les salaires de 2018

2 octobre 2018

Publication du rapport 2018 du comité de suivi du CICE

1er janvier 2019

Suppression du CICE

Source : France Stratégie

(2) Une évaluation abondante, mais peu suivie d'effets

La spécificité du CICE a été de voir, dès l'origine, sa création accompagnée de la mise en place d'un comité de suivi526(*). Ce comité a rendu publiquement, de 2013 à 2018, des rapports d'évaluation sur les effets du CICE en matière d'emploi, de salaires, de marges, d'exportations, d'investissement mais également d'innovation. La suppression du CICE en 2018 a de facto supprimé le comité d'évaluation.

Cependant, France Stratégie a poursuivi ce travail d'évaluation afin de produire un rapport, reconnu par le milieu universitaire, procédant à une synthèse de l'ensemble des travaux d'approfondissement527(*). Ces résultats restent donc conformes aux conclusions des travaux menés précédemment.

L'effet le plus fort du CICE sur l'emploi concernait le quart des entreprises qui en bénéficiaient le plus, mais qui ne représentaient qu'un huitième des effectifs. L'effet total estimé par les différentes méthodes statistiques oscille entre la création de 100 000 et 400 000 emplois. Cette volumétrie est à mettre en regard au coût du dispositif, de l'ordre de 18 milliards d'euros en 2016.

Estimation des effets sur l'emploi du CICE entre 2013 et 2015

Source : OFCE

En revanche, tant l'effet sur la compétitivité que sur l'investissement demeure complexe à établir, et ne ressort pas de manière significative dans les travaux effectués pour le compte de France Stratégie :

« Bien que les effets du CICE soient significatifs sur les prix à l'exportation et les prix de valeur ajoutée - essentiellement dans les branches produisant des biens - nous ne pouvons chiffrer précisément la part de CICE affectée à la compétitivité en raison de la magnitude trop importante des coefficients. Les effets du CICE sur l'investissement semblent nuls, quel que soit l'échantillon considéré (biens ou services).

Au final, notre travail suggère que le CICE a été essentiellement affecté à la masse salariale dans les services et davantage vers les prix dans les branches produisant des biens. »528(*)

Lors de son audition précitée, M. Louis Gallois a fait part de son opposition aux résultats mis en avant par France Stratégie : « Je ne partage pas le jugement de France Stratégie, qui a examiné les résultats du CICE sous le seul angle de l'emploi. Or j'ai proposé ce dispositif sous le seul angle de la compétitivité ! D'ailleurs, il s'est traduit par la relance de l'investissement industriel. Si, jusqu'à mi-2024, nous avons réussi à arrêter la désindustrialisation du pays, si le nombre d'ouvertures d'usines a été plus important que celui des fermetures, si nous avons connu une légère reprise de l'emploi industriel en 2022 et en 2023, c'est parce que des mesures ont été prises ; le CICE a été la plus importante d'entre elles. Le dispositif a joué son rôle sur le plan de la compétitivité [qui] est très difficile à quantifier. [...] Dire que le coût d'un emploi s'élève à 180 000 euros ne correspond pas à l'objectif du dispositif. »

Lors de son audition le 6 mai devant la commission d'enquête, M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, a affirmé qu'il « n'avait pas eu gain de cause avec Louis Gallois sur l'ensemble des arbitrages », mais que les défauts du dispositif doivent être nuancés, car « nous sommes parvenus à rétablir un certain équilibre en termes de conditions salariales entre la France et l'Allemagne » et « la France a su reprendre des positions de marché vis-à-vis de son voisin », avant de conclure que « si la compétitivité s'avère difficile à évaluer comme le dit Louis Gallois, elle se reconnaît sans évaluation. »

Par ailleurs, les chercheurs de l'Institut des politiques publiques (IPP)529(*) ont continué à évaluer les effets du CICE une fois transformé en allègement pérenne de cotisations sociales. Leurs travaux indiquent également qu'il n'y a pas de surreprésentation des salaires juste en dessous du seuil de 2,5 Smic, alors qu'un tel décrochage aurait confirmé l'existence d'un effet de seuil. Ces travaux semblent donc à la fois indiquer une absence de trappe à « bas » salaires et une faible incitativité de ces exonérations.

Utilisation du CICE par les grandes entreprises : synthèse des enseignements tirés des auditions de la commission d'enquête

Les entreprises entendues qui ont le plus bénéficié du CICE lorsqu'il était en place sont logiquement celles dont la masse salariale est la plus importante, puisque ce crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés était de l'ordre 4 %, puis 6 % et enfin 7 % des rémunérations versées inférieures à 2,5 Smic.

Ainsi, Carrefour a bénéficié, en moyenne, de 125 millions d'euros par an au titre du CICE entre 2013 et 2018, tandis qu'ExxonMobil n'a touché que 5,4 millions d'euros de CICE en cumulé sur la même période. Cela s'explique dans la mesure où Carrefour possède plus de 170 000 collaborateurs en France, quand ExxonMobil n'en emploie que 2 400.

Le CICE a pu être critiqué par certains experts entendus, tels que M. François Ecalle qui a parlé d'un « mauvais compromis entre ces deux objectifs distincts » : le soutien de la compétitivité et le maintien de l'emploi.

Certains dirigeants d'entreprises soulignent toutefois l'intérêt que le crédit d'impôt représentait à leurs yeux. M. Xavier Huillard, dirigeant de Vinci, a ainsi souligné que le CICE « a été créé à une époque où nous avons collectivement pris conscience du fait qu'en France les charges sur les salaires les plus modestes étaient très peu compétitives par rapport à d'autres pays. (...) Le CICE était plus avantageux pour nous que l'allègement de charges qui l'a remplacé. ». M. Philippe Salle, dirigeant d'Atos, est allé plus loin, en considérant que « le CICE et le CIR n'étaient pas des aides » car ils « permettaient simplement de baisser le coût des salaires en France. »

b) Le crédit d'impôt recherche a fait l'objet de plusieurs évaluations qui ont mis en lumière son efficacité relative et motivé un recentrage récent du dispositif
(1) Un dispositif ancien, onéreux et très encadré

Le crédit d'impôt recherche (CIR)530(*) est une incitation fiscale créée par la loi de finances initiale pour 1983531(*) dans le but de favoriser les dépenses de recherche et développement des entreprises présentes sur le territoire français.

Depuis 2022, il s'agit de la première dépense fiscale du budget général de l'État, son coût étant estimé à 7,858 milliards d'euros pour l'exercice 2024.

Les conditions d'éligibilité du CIR sont strictement et précisément définies par la législation fiscale.

En effet, l'aide versée à une société sous forme de crédit d'impôt recherche est calculée en appliquant à une assiette de dépenses éligibles au CIR un taux de 30 % pour les dépenses inférieures à 100 millions d'euros et de 5 % pour les dépenses excédant ce seuil. Le périmètre de l'assiette des dépenses éligibles est fixé avec précision par le code général des impôts (CGI) et la jurisprudence.

Pour entrer dans l'assiette des dépenses éligibles au CIR, les dépenses exposées par une entreprises doivent répondre à un double critère.

En premier lieu, la dépense doit ressortir d'une catégorie de dépenses éligibles au CIR. Pour les dépenses exposées à compter du 15 février 2025, le code général des impôts prévoit cinq catégories de dépenses éligibles au CIR.

Parmi les dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche, la législation fiscale autorise sous conditions l'inclusion dans l'assiette de certaines dépenses correspondant à la sous-traitance de plusieurs opérations de recherche à un tiers (dépenses externalisées).

Pour entrer dans l'assiette de calcul du CIR, ces dépenses externalisées, ou dépenses de sous-traitance, doivent respecter deux séries de conditions strictes relatives, d'une part, à l'identité de l'organisme de recherche auquel les opérations de recherche sont confiées et, d'autre part, à un double plafond relatif à la prise en compte de ces dépenses dans l'assiette du CIR.

En premier lieu, depuis le 1er janvier 2022, les dépenses de sous-traitance ne sont éligibles au CIR que si elles correspondent à des opérations de recherche et développement (R&D) qui ont été confiées à un organisme de recherche ou à des experts scientifiques et techniques titulaires d'un agrément délivré par le ministre chargé de la recherche. Les conditions d'agréments des organismes et experts agréés pour réaliser des opérations de recherche et développement externalisées éligibles au CIR sont fixées par l'article 49 septies H de l'annexe III du code général des impôts.

Lorsque les dépenses sont externalisées auprès d'un organisme établi dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), l'agrément peut être délivré soit par le ministre français chargé de la recherche, soit par l'entité compétente de ce pays pour délivrer des agréments correspondant à un dispositif équivalent à celui du CIR lorsqu'il existe.

En second lieu, les dépenses externalisées peuvent être intégrées dans l'assiette du CIR en respectant un double plafond fixé à dix millions d'euros par an dans le cas général et à deux millions d'euros pour les cas dans lesquels il existe un lien de dépendance entre l'entreprise et les organismes de recherche auxquels les opérations de recherche sont sous-traitées532(*).

Catégories de dépenses éligibles au CIR

Numérotation
(II de l'article 244 quater B du CGI)

Catégorie de dépenses

a et a bis

Amortissements des immobilisation

b et b bis

Dépenses de personnel

c

Autres dépenses de fonctionnement

d bis

Dépenses de sous-traitance533(*)

g

Dépenses de normalisation

Source : Commission d'enquête, d'après l'article 244 quater B du CGI

En troisième lieu, la dépense doit être associée à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique. La qualification d'un projet comme une opération de recherche scientifique et technique, qui est déterminante pour les entreprises car elle emporte la possibilité d'intégrer des dépenses associées à l'assiette du CIR, repose sur cinq critères communs à l'ensemble des secteurs économiques, qui sont fixés par un référentiel international construit par des experts de différentes nationalités en matière de recherche et développement (R&D) : le Manuel de Frascati534(*), dont la dernière version a été adoptée par l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) en octobre 2015.

Critères d'identification des activités de R&D

Critère

Conditions à respecter

Critère de nouveauté

Viser à obtenir des résultats nouveaux

Critère de créativité

Reposer sur des notions et hypothèses originales et non évidentes

Critère d'incertitude

Revêtir un caractère incertain quant au résultat final

Critère de systématisation

S'inscrire dans une planification et une budgétisation

Critère de reproductibilité

Déboucher sur des résultats qu'il est possible de reproduire

Source : Commission d'enquête, d'après le manuel de Frascati

(2) Les principales caractéristiques des bénéficiaires du CIR

Le crédit d'impôt recherche bénéficie à un très grand nombre d'entreprises réparties sur l'ensemble du territoire. D'après les données de la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) du ministère chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur, le CIR a bénéficié en 2021 à 16 341 sociétés dont 13 665 petites et moyennes entreprises (PME).

Le CIR constitue donc une aide transversale qui irrigue l'ensemble du territoire français et bénéficie à de très nombreuses entreprises. Pour autant, au regard des montants de la créance moyenne qui est largement plus élevée pour les grandes entreprises que pour les PME, les grandes entreprises représentent 42 % des créances du crédit d'impôt recherche en 2021535(*).

Une étude statistique du crédit impôt recherche a été réalisée par le Pôle Science des données du Sénat et figure à l'annexe 11.

Il en ressort les principales conclusions suivantes :

- les entreprises présentes sur le territoire français ont connu un cycle de croissance dynamique de leurs dépenses de recherche et développement (R&D) depuis 2016, avec une hausse de 20 % de ces dépenses en six ans entre 2016 et 2022 ; les données disponibles illustrent également que cette hausse n'a pas été spécifiquement portée par les dépenses de R&D sous-traitées, dont la proportion au sein des dépenses totales est restée stable en passant de 27 % en 2016 à 26 % en 2022 ;

- les crédits d'impôt en faveur de l'activité des entreprises, dont les deux principaux sont le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt mécénat, ont permis de réduire le taux d'imposition des bénéfices des entreprises en portant le taux d'impôt sur les sociétés net536(*) supportés effectivement par les entreprises à 80 % pour les grandes entreprises et à 95 % pour les petites et moyennes entreprises ;

- les données ne font pas apparaître de corrélation entre le bénéfice du CIR et le fait pour une entreprise d'être détenue par une entreprise étrangère, la proportion de créances du CIR bénéficiant à ces entreprises (22 %) étant comparable à la proportion de ces entreprises dans la valeur ajoutée totale de l'économie française (23 %) ;

- enfin les petites et moyennes entreprises sont largement sur-représentées dans le coût total du CIR au regard de leur participation à la création de valeur ; les données sur le périmètre des sociétés bénéficiaires du CIR font en effet apparaître que les PME bénéficient de 28 % de la dépense fiscale pour une contribution de seulement 15 % à la valeur ajoutée totale représentée par l'ensemble des entreprises sur ce périmètre537(*).

(3) Un dispositif plébiscité par les dirigeants d'entreprise

La commission d'enquête relève qu'une très grande majorité des dirigeants d'entreprise entendus ont souligné l'importance du CIR pour le tissu économique français, à la fois pour ses grandes entreprises et pour leurs sous-traitants.

Plusieurs d'entre eux ont souligné le fait que le CIR avait, parallèlement à sa fonction de soutien à la localisation en France d'activités de recherche et développement (R&D), un objectif implicite de réduction du coût du travail des employés dans les secteurs à haute valeur ajoutée, au premier rang desquels les ingénieurs. Lors de son audition devant la commission d'enquête le 19 mars 2025, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a estimé à ce titre que le dispositif du CIR pouvait être regardé comme une aide à l'emploi autant qu'un soutien à la recherche et développement :

« Au risque de vous surprendre, j'estime que le CIR participe davantage de la politique de l'emploi que de la politique de la recherche. Il s'agit en quelque sorte du CICE des ingénieurs. »

À ce titre, il a été unanimement souligné que le CIR était une incitation à employer en France des ingénieurs en R&D pour des grandes groupes d'envergure mondiale. Le rapporteur relève à ce titre que selon l'indice du « cours du chercheur » tenu par l'association nationale recherche et technologie (ANRT), le coût d'un personnel de recherche en 2023 était, en se référant à une base 100 représentant le coût en France en l'absence du CIR, de 175 aux États-Unis, de 88 en Allemagne, de 73 en France grâce au CIR, de 72 au Royaume-Uni, de 65 en Chine, de 60 en Pologne, de 56 en Espagne et même de 29 en Inde538(*).

L'existence d'un lien direct entre l'existence du CIR et l'attractivité de la France pour accueillir des infrastructures de recherche et développement ainsi que des activités d'industrialisation a notamment été souligné, lors de son audition par la commission d'enquête le 7 mai 2025, par M. Patrice Caine, président-directeur général du groupe Thales :

« Je constate cependant que notre CIR, dont on entend parfois du mal dans les hémicycles, a été copié par de nombreux pays. [...]. Pour notre groupe et pour notre pays, la recherche et l'innovation sont fondamentales pour maintenir la production sur le sol national. Nous ne pouvons pas avoir uniquement des ingénieurs dans notre pays, mais aussi des ouvriers qualifiés grâce à l'activité de production. Le maintien de la production sur le territoire sera facilité par la R&D présente en France. J'insiste donc sur l'importance d'un dispositif comme le CIR, même pour les grands groupes comme Thales. »539(*)

Utilisation du CIR par les grandes entreprises : synthèse des enseignements
tirés des auditions de la commission d'enquête

Comme le montre le tableau qui figure à l'annexe 12 et qui reprend un échantillon des chiffres donnés publiquement par les dirigeants d'entreprises auditionnés pour l'exercice 2023, les dépenses en recherche et développement engagées par les grandes entreprises, ainsi que les montants de CIR perçu, sont très hétérogènes.

Ainsi, les entreprises entendues qui dépensent le plus en matière de R&D en France sont Thales et Sanofi (2,5 milliards d'euros environ en 2023), suivies par Stellantis (2,3 milliards d'euros), Safran et Renault (2 milliards d'euros).

Le CIR versé en 2023 à ces entreprises est proportionnellement faible par rapport aux dépenses en R&D engagées puisqu'il atteint 171 millions d'euros pour Thales (soit 6,8 % des dépenses de R&D), 108 millions pour Sanofi (soit 4,3 %), 63 millions pour Stellantis (soit 2,7 %), 152 millions pour Safran (7,6 %) et 134 millions pour Renault (soit 6,7 %).

La situation de l'entreprise Sanofi mérite une attention particulière selon le rapporteur. Comme il l'a indiqué lors de l'audition le 26 mars 2025 des dirigeants de cette entreprise, celle-ci a bénéficié, au titre du CIR, de plus d'un milliard d'euros au cours des dix dernières années, « à raison d'une enveloppe de 105 à 115 millions d'euros chaque année », tout en supprimant sur la même période un grand nombre d'emplois de chercheurs (1 000 au maximum selon les dirigeants de l'entreprise mais 3 500 selon le rapporteur qui se fonde sur les données de Observatoire français des conjonctures économiques).

À l'inverse, le CIR peut représenter une part substantielle des dépenses de R&D lorsque celles-ci sont peu élevées en valeur absolue.

Il en va ainsi de Vinci, dont le CIR s'élève à 20 millions d'euros en 2023, soit un tiers environ des dépenses de R&D (62 millions). De même, le CIR versé à la SNCF en 2023 atteint 16 millions d'euros en 2023, soit 30,1 % des dépenses de R&D (52 millions d'euros). ArcelorMittal a perçu la même année un CIR de 40 millions d'euros, soit plus du quart du montant de ses dépenses de R&D.

Entre ces deux situations diamétralement opposées, la part du CIR sur les dépenses de R&D tourne souvent autour de 10 % : 10,1 % pour Michelin ; 12,1 % pour Air Liquide ; 13,7 % pour STMicroelectronics et 13,8 % pour Danone.

(4) Un dispositif évalué

Le crédit d'impôt recherche, qui constitue comme il a été rappelé la dépense fiscale la plus coûteuse en France, a fait l'objet de nombreux travaux de suivi et d'évaluation.

La commission nationale d'évaluation des politiques publiques d'innovation (Cnepi), rattachée à France Stratégie, a publié en mars 2019 une évaluation sur L'impact du crédit d'impôt recherche540(*) qui synthétise les résultats de quatre études réalisées par des chercheurs à la demande de la puissance publique541(*). Cette synthèse souligne notamment que l'effet de levier ou « effet d'additionnalité » du CIR est proche de 1, c'est-à-dire qu'« un euro additionnel d'aide publique allouée via le CIR entraîne approximativement un euro de dépenses supplémentaires de R&D des entreprises bénéficiaires ».

Cette synthèse a été complétée en juin 2021 par une nouvelle évaluation du Cnepi542(*) qui souligne notamment que les effets positifs du CIR sont concentrés sur les PME et que le CIR réduit de 5 à 15 points le taux implicité d'imposition sur les sociétés.

Toutefois, lors de son audition le 11 février 2025 devant la commission d'enquête, M. Evens Salies, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), s'est montré plus critique sur l'efficience du CIR. Il a considéré qu'il était « crucial d'insister sur l'efficience, sur le rapport efficacité-coût » car « le CIR a désormais plus d'effets, mais il coûte plus cher » qu'avant la réforme de 2008, qui a supprimé la règle selon laquelle cette dépense fiscale n'était versée que si l'effort de recherche augmentait d'une année sur l'autre. Selon lui, la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE) n'a pas connu d'inflexion favorable après la réforme de 2008.

La dépense intérieure de recherche et développement des entreprises
et les aides publiques, évolution entre 1990 et 2021

Source : OFCE

Dans le cadre de l'exercice des revues de dépenses engagées pour contribuer au redressement des finances publiques, l'Inspection générale des finances (IGF) a consacré au crédit d'impôt recherche l'une des fiches techniques de son rapport relatif aux aides aux entreprises543(*).

En plus d'une synthèse des évaluations mentionnées, l'IGF a également dégagé des pistes de réforme du CIR pour recentrer son assiette sur les dépenses relevant de la R&D conformément au Manuel de Frascati et rationaliser son fonctionnement.

(5) Un recentrement opéré en 2024

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, et alors que le Gouvernement n'avait pas retenu les propositions formulées par l'IGF dans le projet de loi de finances initiale déposé en octobre 2024, la commission des finances du Sénat a déposé un amendement544(*), adopté en séance, ayant pour objet de rationaliser le CIR conformément aux recommandations de l'IGF.

À l'issue des débats parlementaires, le compromis trouvé en commission mixte paritaire (CMP) sur la réforme du CIR a conduit à rationaliser le dispositif et à réduire théoriquement son coût annuel de 440 millions d'euros, en adoptant trois mesures principales :

- un recentrement de l'assiette sur les dépenses de R&D au sens du Manuel de Frascati, en excluant de l'assiette les dépenses de veille technologique et les dépenses liées aux brevets et assimilés ;

- une suppression du dispositif « jeunes docteurs » exorbitant du droit commun et ayant pour effet de calculer le montant de l'aide en incluant des dépenses n'ayant pas été exposées par les entreprises concernées ;

- une réforme paramétrique du mode de calcul des frais de fonctionnement en ramenant le taux applicable aux dépenses de personnel de 43 % à 40 %.

L'exemple de la rationalisation du CIR, intervenue à l'occasion des débats parlementaires sur le budget 2025, est une illustration, d'une part, de l'utilité de l'exercice des revues de dépenses qui permettent d'articuler la temporalité du suivi des aides publiques aux entreprises avec celle du débat parlementaire et, d'autre part, de l'importance des initiatives des députés et sénateurs sur les projets de loi de finances.

c) L'aide à l'apprentissage a été évaluée en 2023 par la Cour des comptes

L'apprentissage repose sur le principe de l'alternance entre enseignement théorique en centre de formation d'apprentis (CFA) ou en organisme de formation, et enseignement du métier chez un employeur, avec lequel l'apprenti a conclu un contrat. La loi « Avenir Professionnel » du 5 septembre 2018545(*) a réformé le fonctionnement de l'apprentissage, en relevant le plafond d'âge à 29 ans et en renforçant les aides destinées aux employeurs, ainsi que le financement des CFA.

Dans le cadre du plan de relance, et afin de faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en place dès juillet 2020 la stratégie « 1 jeune, 1 solution » en se fixant l'objectif d'un million de jeunes en apprentissage dès 2027. Cet objectif a été assigné par le président de la République lui-même, qui considérait encore le 4 janvier 2024 « qu'il faut largement dépasser le million de contrats par an ».

Une aide exceptionnelle à l'embauche d'apprenti a été mise en place en 2020, et reconduite deux fois, avant d'être fusionnée en 2023 avec l'aide unique à l'embauche. Cette dernière est ouverte à l'ensemble des formations jusqu'à bac+5, pour un montant de 6 000 euros lors de la première année de contrat. Cette succession d'extensions du public concerné et le montant élevé de l'aide ont conduit certains observateurs à parler « d'années folles »546(*).

Source : Commission d'enquête d'après la Dares

Cette politique a marqué un réel succès puisque le nombre de contrats a été multiplié par près de trois entre 2018 et 2022. Cependant, l'évaluation conduite par la Cour des comptes547(*) souligne que le coût pour les finances publiques s'est élevé en 2022 à plus de 16,8 milliards d'euros pour la seule politique d'alternance548(*), d'où sa proposition de « mieux cibler la dépense publique vers des publics prioritaires et pour des actions vraiment utiles à la montée en qualification des actifs ».

Utilisation des aides à l'apprentissage par les grandes entreprises :
synthèse des enseignements tirés des auditions de la commission d'enquête

Le recours à l'apprentissage dépend fortement de l'activité des grandes entreprises. Parmi les entreprises entendues durant les auditions, celles qui ont le plus de contrats d'apprentissages sont Carrefour (15 000 en 2021), la SNCF (8 000 en 2024), Vinci (6 000 en 2024) et Safran (5 000 en 2023).

Pour autant, toutes les entreprises qui recourent à l'apprentissage n'ont pas adopté une position commune la politique d'aide en faveur de l'apprentissage, notamment concernant la prime unique à l'embauche de 6 000 euros :

- M. Patrick Pouyanné, dirigeant de Totalenergie a ainsi expliqué avoir décidé de ne plus percevoir d'aide à l'apprentissage : « il y a eu la période Covid, nous avions une aide exceptionnelle pour l'apprentissage mais elle s'est pérennisée ; j'ai décidé qu'il n'y avait pas lieu de la pérenniser pour TotalEnergies, même si nous avons gardé les apprentis » ;

- M. Alexandre Bompart, dirigeant de Carrefour, s'est montré plus mesuré en admettant qu'« on pourrait considérer que la dynamique est désormais suffisamment enclenchée et intégrée par tous pour envisager dès à présent de réduire la voilure (...). Cependant lorsque nous venons à peine de lancer cette démarche, faut-il l'interrompre si vite ? » ;

- M. Jean-Marc Cherry, dirigeant de STMicroelectronics, a quant à lui souligné que « sa compagnie ne s'écroulerait pas si, pour des raisons de gestion des deniers publics, de telles aides devaient être supprimées » tout en précisant néanmoins « qu'il faut considérer cette question dans une perspective mondiale, celle de la compétitivité et de l'attractivité relatives de la France. »

3. Malgré ces efforts ponctuels, l'évaluation n'est pas encore devenue une « seconde nature » pour l'administration
a) Les dépenses fiscales en faveur des entreprises ne font pas l'objet d'une évaluation systématique par un acteur clairement identifié

De manière générale, l'effort d'évaluation des dépenses fiscales en faveur des entreprises reste largement insuffisant.

Lors de son audition le 3 mars 2025 par la commission d'enquête, Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a souligné que le suivi et l'évaluation des aides étaient insuffisants aujourd'hui :

« Vous rappelez à juste titre la différence entre, d'une part, le contrôle, et, d'autre part, le suivi et l'évaluation. Vous l'avez sans doute constaté lors de vos auditions : le contrôle doit pouvoir s'appuyer sur des croisements de données et sur la définition de critères de ciblage. Il relève de l'administration fiscale, des Urssaf, de l'ASP lorsqu'elle verse les aides et des opérateurs à l'origine des subventions. Ce contrôle repose sur des dispositifs de vérification de plusieurs critères, a priori et dans le temps. Au-delà de la question du contrôle viennent le suivi et l'évaluation, laquelle amène à s'interroger sur la pertinence de certains dispositifs. Je l'ai dit : la Cour constate et regrette qu'il n'y ait pas assez d'évaluation

De fait, au-delà de la fonction de contrôle des aides publiques, qui a pour objet de garantir la régularité du versement des aides publiques aux entreprises, la fonction de suivi et d'évaluation des aides au sein de l'État est fragilisée par la dispersion de l'expertise et l'absence de dispositif systématique de suivi et d'évaluation, étant rappelé qu'il n'appartient pas à la DGFiP, en l'état actuel des textes, d'évaluer les dépenses fiscales, mais seulement de les contrôler.

En effet, à la différence des compétences de contrôle clairement identifiées et réparties en matière de subventions budgétaires, de dépenses fiscales et d'exonérations de cotisations sociales, il n'existe aucun organisme public ayant clairement la responsabilité d'assurer un suivi et a fortiori une évaluation systématique de ces différentes catégories d'aides publiques aux entreprises.

Si des fonctions de suivi et d'évaluation existent, par exemple au sein de services internes des opérateurs chargés du déploiement du plan France 2030 comme Bpifrance dont le directeur général a souligné le rôle des évaluations internes réalisées par sa direction de l'évaluation, ces évaluations sont réalisées de manière épisodique et sans faire l'objet d'une harmonisation méthodologique ni d'une programmation transversale pilotée par un acteur étatique unique.

Bpifrance et les évaluations internes

Lors de son audition le 19 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance a affirmé :

« Nous sommes très évalués et très évaluants depuis la création de Bpifrance, qui a souhaité dès le premier trimestre de l'année 2013 être une maison transparente. Nous avons donc ouvert à la recherche tout le corpus de nos données, depuis 1994, et une centaine de chercheurs ont ainsi pu travailler sur les cohortes et les données financières de notre banque. M. Jean-Noël Barrot, par exemple, quand il était encore économiste, a réalisé une étude importante sur la garantie.

Nous avons aussi nos propres programmes d'évaluation avec des niveaux de qualité plus ou moins poussés. Nous avons évalué la garantie et un travail est en cours pour évaluer le capital-risque. Nous avons aussi évalué l'accompagnement et nos actions de conseil, ce qui a donné lieu à la publication d'un article très positif dans la Revue d'économie financière, où il est établi qu'il n'existe aucun autre dispositif public dont l'effet multiplicateur et le rapport qualité-prix soient aussi élevés. Nos prestations sont peu coûteuses pour un effet important.

Enfin, notre direction de l'évaluation publie chaque année un volume d'études d'impact de l'ensemble de nos métiers qui est présenté au conseil national d'orientation de Bpifrance auquel participent des parlementaires. J'ai renforcé cette tendance à l'évaluation depuis que je suis entré en fonction il y a plus de dix ans, celle-ci ayant été engagée à l'époque d'Oséo. »

Les incitations fiscales, ou dépenses fiscales, au bénéfice des entreprises regroupent un grand nombre de mesures très hétérogènes dont l'incidence sur les finances publiques est majeure : selon le Gouvernement, il existait 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises en 2023, pour un coût supérieur à 43 milliards d'euros. Alors que certaines dépenses fiscales en faveur des entreprises ont un effet très limité quant au nombre d'entreprises concernés et aux recettes fiscales générées - comme par exemple la déduction exceptionnelle en faveur des simulateurs d'apprentissage de la conduite qui concerne 26 entreprises et dont le coût est considéré comme négligeable par l'administration fiscale549(*) - d'autres dépenses comme la taxe au tonnage et l'IP Box ne sont pas régulièrement évaluées, alors que leur coût est majeur (voir infra).

Dans les réponses apportées au questionnaire du rapporteur, le ministère de l'Économie et des Finances indique que plusieurs aides n'ont pas fait l'objet d'évaluation depuis plus de dix ans, comme :

- le « Pacte Dutreil », qui consiste en une exonération d'imposition sur les plus-values professionnelles en cas de départ à la retraite du dirigeant550(*) ;

- le crédit d'impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo ;

les tarifs réduits d'accises sur l'électricité pour les entreprises électro-intensives ;

l'IP Box.

Le crédit d'impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo

Le crédit d'impôt en faveur des entreprises de jeux vidéo (CIJV), créé en 2007 et profondément réformé en 2017, constitue aujourd'hui le principal dispositif de soutien à la création de jeux vidéo en France. Son coût est passé de 13 millions d'euros en 2016 à 66 millions d'euros en 2023 selon un rapport d'information de la Commission des finances de l'Assemblée nationale de 2024551(*).

Le crédit d'impôt est égal à 30 % du total des dépenses éligibles dans la limite de 6 millions d'euros par exercice et par entreprise.

Pour bénéficier du CIJV, les jeux vidéo doivent faire l'objet au préalable d'un agrément provisoire puis définitif délivré par un comité d'experts constitué notamment du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et de la direction générale des entreprises (DGE).

Le rapport de l'Assemblée nationale indique que « la mesure de l'impact structurel du CIJV depuis sa mise en place » est « difficile », et a dû être approchée « à travers un faisceau d'indices », en l'occurrence trois études, dans lesquelles sont impliquées la direction générale des entreprises (DGE), le CNC et le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, c'est-à-dire trois parties prenantes au dispositif.

Lors de son audition par la commission d'enquête le 5 mai 2025, M. Yves Guillemot, président d'Ubisoft, a affirmé qu'« au printemps dernier, dans une revue des dépenses, l'inspection générale des finances (IGF) préconisait la suppression du CIJV, tout en admettant ne pas avoir évalué le dispositif ni consulté les acteurs du secteur. Or il nous semble inconcevable de proposer la suppression d'un outil stratégique sans avoir au préalable évalué de manière approfondie les répercussions d'une telle mesure, ne serait-ce que pour éclairer le débat public, et même si nous comprenons qu'il existe des nécessités budgétaires. L'industrie du jeu vidéo appelle de ses voeux depuis plusieurs années une évaluation du CIJV. Tous les indicateurs économiques attestent l'efficacité de ce dispositif ; il est nécessaire de disposer d'une étude de référence sur ce sujet ».

L'absence d'évaluation systématique, ou au moins méthodique, des dépenses fiscales en faveur des entreprises constitue donc une défaillance grave accentuée par le fait que le contexte de dégradation des finances publiques depuis quinze ans incite à la création de nouvelles dépenses fiscales, dont le suivi est moins strict que les augmentations de crédits budgétaires, alors même que leur effet sur le solde du budget général est équivalent.

b) La taxe au tonnage : une dépense fiscale très coûteuse, qui n'a pas été évaluée récemment

Selon le ministère de l'Économie et des Finances, l'activité de transport maritime présente, par nature, un caractère cyclique qui se matérialise par une forte fluctuation de la demande, liée notamment aux conséquences imprévisibles des crises politiques qui perturbent ce secteur (baisse de la demande, augmentation de la consommation de pétrole en raison d'un allongement de la distance, etc.) ainsi qu'à la forte élasticité-prix en période d'augmentation de la demande, en raison de la rigidité de l'offre de tonnage (autrement dit, il existe une faible possibilité de substitution entre marchés compte tenu du volume limité de navires désarmés susceptibles d'être mis en service).

Plusieurs pays ont mis en place des taxes au tonnage pour le transport maritime.

Le régime français de taxation forfaitaire au tonnage, créé en 2002 et codifié à l'article 209-0 B du code général des impôts (CGI), est un dispositif destiné aux entreprises de transport maritime, permettant de déterminer forfaitairement le résultat fiscal soumis à l'impôt sur les sociétés par application d'un barème en fonction du tonnage net, applicable par jour et par tranche de 100 unités du système de jaugeage universel pour chacun des navires éligibles, que ceux-ci soient opérationnels ou non, et corrigé, le cas échéant, de certaines majorations.

Ce régime de taxation au tonnage s'applique pour la seule détermination du résultat imposable provenant des opérations directement liées à l'exploitation de navires présentant certaines caractéristiques. En effet, si une entreprise a des activités non directement liées à l'exploitation de navires éligibles, celles-ci sont imposables à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.

En pratique, le résultat forfaitaire est ajouté au bénéfice imposable tiré des activités non éligibles à ce régime, et l'ensemble est soumis à l'impôt sur les sociétés aux taux en vigueur.

Il ressort des tomes II des Voies et moyens annexés aux PLF 2007 à 2025 que le coût moyen de la taxe au tonnage s'élevait à 616 millions d'euros pour la période 2005-2025, et à 1,097 milliard d'euros pour la période 2015-2025, étant précisé que ce coût a atteint 5,6 milliards d'euros en 2023 et 615 millions d'euros en 2024 et que ce dispositif bénéficie à un nombre très restreint d'entreprises.

La taxe au tonnage, stratégique pour le transport maritime en France, n'a pas fait l'objet récemment d'une évaluation approfondie alors que son coût est élevé.

c) L'IP Box : un exemple de dépense fiscale stratégique non évaluée depuis 2019

Les bénéfices issus de certains actifs de propriété industrielle ne sont pas taxés au taux de droit commun pour l'impôt sur les sociétés fixé à 25 % car ils bénéficient d'une incitation fiscale, à travers le régime dit « IP box », en application de laquelle ces bénéfices sont taxés au taux réduit de 10 %552(*).

Le régime de l'IP box prévoit des règles particulières de détermination des bénéfices éligibles à la taxation séparée. Alors qu'un régime de taxation dérogatoire des bénéfices liés aux brevets existe depuis 1971, les règles de détermination de l'avantage fiscal associé ont fait l'objet d'une réforme globale dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2019553(*), en application de laquelle le taux réduit est passé de 15 % à 10 % pour tenir compte de l'application aux bénéfices concernés d'un « coefficient Nexus », qui est un ratio visant à éviter l'optimisation fiscale. Ce faisant, les contribuables qui bénéficient du régime de l'IP box sont effectivement ceux qui ont engagé des dépenses de recherche et développement (R&D) associées.

À la différence du CIR, qui est directement corrélé aux dépenses de R&D exposées par les entreprises concernés - sous réserve de l'éligibilité de ces dépenses à l'assiette du CIR - le régime de l'IP box ne concerne que les entreprises qui tirent une partie de leurs revenus des actifs de propriété industrielle, comme les brevets, les certificats d'obtention végétale, les logiciels ainsi que, sous certaines conditions, les procédés de fabrication industrielle.

Cette différence de périmètre a pour conséquence que le régime de l'IP box représente un coût annuel de 1,208 milliard d'euros, soit 15 % du coût associé au CIR. Pour autant, l'IP box bénéficie à un nombre limité d'entreprises, estimé à 973 entreprises en 2024.

Par conséquent, l'IP box constitue une aide fiscale dont le niveau de concentration est très élevé : l'aide moyenne par entreprise bénéficiaire atteint 1,2 million d'euros, contre 0,5 million d'euros pour l'aide moyenne apportée par le CIR.

Au regard du caractère stratégique de la localisation en France non seulement des activités de recherche et développement (R&D) mais également des actifs de propriété industrielle, et notamment des brevets, M. Charles Wolf, directeur de Sanofi pour la France, a insisté, lors de son audition le 26 mars 2025 devant la commission d'enquête, sur l'utilité de l'IP box pour localiser les brevets en France :

« Plus de la moitié de nos brevets sont localisés en France, c'est une chance, et le mécanisme fiscal de l'IP Box est très important. Il faut le comparer avec ceux des autres pays européens, c'est un mécanisme vertueux, parce qu'il permet d'attirer de la R&D, donc de nouveaux projets. »554(*).

Le rapporteur relève à ce titre que les principaux partenaires économiques de la France ont également développé des dispositifs d'incitation fiscale pour favoriser la localisation sur leurs territoires des activités de recherche et des actifs de propriété industrielle résultant de ces activités.

Ainsi, l'aide publique représentée par l'IP box en France est comparable voire en deçà du niveau observé dans les pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Si le taux français est similaire à celui pratiqué au Royaume-Uni, il est supérieur au taux belge (3,76 %), tandis qu'en Grèce ces bénéfices sont intégralement exonérés d'impôt sur les sociétés555(*).

Comparaison de différents régimes d'IP box au sein de l'OCDE

(en pourcentage et en 2023)

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'OCDE

Le rapporteur relève enfin que l'IP Box ne fait pas l'objet d'une évaluation régulière, alors que son coût avoisine 1,2 milliards d'euros en 2024. Selon la revue de dépense de l'Inspection générale des finances de mars 2024, ce dispositif n'a fait l'objet d'aucune évaluation par l'administration depuis la réforme de la loi de finances initiale pour 2019556(*).

III. LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Avant de présenter ses recommandations, la commission d'enquête tient à rappeler que l'efficacité des aides publiques aux entreprises doit être appréciée dans un cadre macro-économique global et tenir compte du contexte de concurrence internationale exacerbée qui a été rappelé au début du rapport. À elles seules, les aides économiques ne peuvent pas expliquer les performances économiques et l'attractivité d'un pays, qui dépendent plus fondamentalement, d'une part, des équilibres mondiaux entre puissances économiques, d'autre part, du niveau d'éducation et de formation de la population française, de l'intensité des dépenses de recherche et développement, de la qualité des infrastructures et des services publics et de la stabilité du cadre réglementaire.

La commission d'enquête souscrit donc sur ce point à l'analyse de M. Jean-François Cirelli, président de BlackRock France, Belgique et Luxembourg, qui avait indiqué lors de son audition le 9 avril dernier que du point de vue d'un gestionnaire d'actifs « les aides publiques sont certes prises en compte dans l'analyse, mais elles ne constituent généralement pas un facteur décisif dans nos décisions d'investissement » car ce sont « la prévisibilité et la stabilité de la réglementation » qui « constituent des éléments cruciaux pour l'attractivité d'un pays ».

La commission d'enquête forme le voeu que les négociateurs européens parviendront à obtenir avec les États-Unis un accord équilibré sur les droits de douane, afin de préserver les secteurs exportateurs, comme l'aéronautique, l'automobile ou la filière des vins et spiritueux. Elle souhaite par ailleurs que des mesures de sauvegarde dans l'Union européenne soient adoptées afin de protéger la filière sidérurgique et celle automobile et établir ainsi des conditions de concurrence loyale.

A. UN « CHOC DE TRANSPARENCE » SUR LES DONNÉES RELATIVES AUX AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

1. Demander à l'Insee de créer et d'alimenter un tableau détaillé des aides publiques aux entreprises

Les auteurs du rapport Un capitalisme sous perfusion du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques constatent avec regret qu'« il n'existe aucun document administratif qui unifie l'ensemble des aides aux entreprises, aucun cadre unifié permettant de suivre leur évolution »557(*).

Lors de leur audition le 6 février 2025, les représentants de l'Insee ont souligné la difficulté à disposer d'une vision complète et détaillée des aides publiques aux entreprises dans la comptabilité nationale. M. Sylvain Moreau, directeur des statistiques d'entreprises de l'Insee, a ainsi affirmé que « le montant des aides accordées par l'ensemble des administrations aux entreprises en 2023 se serait élevé à environ 70 milliards d'euros », qu'il s'agissait d'un « plancher », qui ne tient pas compte de plusieurs dispositifs, précisant que cette somme de 70 milliards se décomposait en seulement deux volets (30 milliards dédiés aux aides à l'investissement et 40 milliards consacrés aux subventions à la production).

Les représentants de l'Insee ont mis en avant deux écueils pour établir un tableau détaillé des aides publiques aux entreprises :

- d'une part, la nécessité de confronter les chiffres qui proviennent de la DGFiP avec ceux issus de la comptabilité des entreprises ;

- d'autre part, la difficulté à déterminer si une aide bénéficie à une entreprise ou à un ménage.

Les propos tenus par les représentants de l'Insee ont été jugés « proprement hallucinants » par M. Maxime Combes, économiste, lors de son audition le 11 février 2025, l'intéressé considérant qu'il existait un « déficit d'information au sein même de l'Insee ».

M. Olivier Redoulès, économiste et directeur des études de Rexecode, a relevé lors de son audition du même jour que l'Insee « fournit en détail la liste des prélèvements [obligatoires] », mais qu'il n'en va pas de même pour les aides publiques aux entreprises. Cette différence de traitement entre prélèvements obligatoires et aides publiques est regrettable et entrave le travail des économistes, les obligeant à rechercher des données dans d'autres fichiers et à leur apporter divers retraitements pour permettre des comparaisons.

M. Olivier Redoulès a ajouté qu'il faut parfois « consulter les manuels de comptabilité nationale pour savoir que le CIR est traité comme une aide à l'investissement et non comme une subvention à l'exploitation. Cela n'a rien d'évident pour un quidam comme moi qui cherche à comprendre ».

La commission d'enquête observe que si un économiste expérimenté comme M. Olivier Redoulès rencontre des difficultés pour manier certaines aides retracées dans la comptabilité nationale, cela signifie que les explications fournies par l'Insee sont perfectibles et justifient un effort majeur afin de fournir des données robustes sur les aides publiques aux entreprises.

M. Jordan Melmies, économiste et co-auteur du rapport Un capitalisme sous perfusion, a également souhaité, lors de son audition le 13 février 2025, que les aides publiques aux entreprises « soient répertoriés par une instance unifiée, par exemple l'Insee, et que l'on puisse télécharger sur son site des séries statistiques sur le montant des aides publiques aux entreprises en France ». L'intéressé a ajouté qu'il « serait souhaitable d'en faire une catégorie statistique, dont le périmètre serait plus précis que le nôtre et arbitré politiquement, par exemple par une commission nationale des aides publiques ».

La commission d'enquête observe que le Conseil d'État, dans son étude annuelle de 2015, avait déjà recommandé de « faire l'inventaire de l'action économique des personnes publiques », à travers deux actions :

- « demander à l'Insee et à la direction du budget de faire une cartographie précise de l'action économique des personnes publiques, le cas échéant, avec l'appui de France Stratégie et des inspections et corps de contrôle concernés » ;

- « élaborer un document de référence permettant de disposer d'une vision d'ensemble de cette action »558(*).

La cartographie qu'appelait de ses voeux le Conseil d'État était ambitieuse car elle concernait trois cercles concentriques : le premier cercle concernait stricto sensu les actions relatives aux entreprises et aux marchés, le second visait les actions mixtes dans des secteurs régulés ou des secteurs spécifiques, le dernier cercle regroupait toutes les mesures ayant des conséquences sur l'attractivité et la compétitivité.

Force est de constater que dix ans après cette recommandation du Conseil d'État, il n'existe toujours pas de nomenclature robuste et de données chiffrées sur les aides publiques aux entreprises, alors que leur montant est considérable et intéresse un grand nombre de chercheurs et de nos concitoyens.

Le rapporteur tient à exprimer sa consternation après avoir constaté que le ministère de l'Économie et des Finances, malgré des questions écrites précises et réitérées, était dans l'incapacité « technique » de répondre à une question aussi simple que celle du montant des aides publiques reçues par les entreprises. Nos concitoyens étaient pourtant en droit d'attendre un tableau de bord présentant de manière consolidée et claire les aides publiques versées aux entreprises, au moins les plus importantes d'entre elles.

Sans minorer les difficultés méthodologiques soulevées par les représentants de l'Insee lors de leur audition le 6 février dernier, la commission d'enquête considère que cet organisme doit mettre en place un groupe de travail, associant notamment les inspections et corps de contrôle, des économistes d'autres instituts privés ou publics comme le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (ex- France Stratégie), afin d'arrêter une nomenclature consensuelle et robuste des aides publiques aux entreprises et d'alimenter un tableau annuel, aussi précis que celui qui existe pour les prélèvements obligatoires.

Les données devront être ventilées selon la taille des entreprises : très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises, en accordant une attention particulière aux sous-traitants à travers des enquêtes régulières et approfondies sur les filières économiques.

Ce tableau permettra de connaître le montant des aides publiques versées aux entreprises par l'État mais aussi par les collectivités territoriales, qui ne sont aujourd'hui pas toutes recensées par les régions, faute de remontées exhaustives des données par les collectivités territoriales.

Le futur tableau devra également être assorti de notes et d'explications à l'attention du public et des chercheurs.

Le coût de la présente recommandation n'a pas pu être chiffré mais il ne devrait pas être dirimant quand on le met en regard des avantages qu'il apportera en matière de transparence. En effet, les représentants de l'Insee ont indiqué lors de leur audition le 6 février dernier que la ventilation a posteriori des aides publiques entre les différentes catégories d'entreprises à partir des données de l'Insee « serait peut-être possible en y consacrant une personne à temps plein pendant un an »559(*).

La commission d'enquête rappelle en outre que l'État est déjà engagé dans la création d'un registre national des aides de minimis à compter du 1er janvier 2026, qui viendra utilement nourrir les données collectées par l'Insee.

Le chantier qui sera ouvert par l'Insee pour améliorer la transparence des aides publiques aux entreprises devra s'accompagner d'une modernisation des outils informatiques des ministères concernés.

Une fois que l'Insee aura créé un tableau détaillé des aides publiques aux entreprises, l'étape suivante sera d'établir le taux « net » de leurs prélèvements obligatoires. Comme l'a souligné M. Louis Gallois lors de son audition le 6 février 2025, Rexecode a réalisé une étude sur les prélèvements obligatoires nets supportés par les entreprises, mais « les chiffres de Rexecode mériteraient d'être validés par l'IGF ou par la Cour des comptes », car « même si ce think tank est sérieux, une évaluation faite par l'État serait la bienvenue ».

Seule la transparence des données permettra d'avoir un débat éclairé sur la question délicate d'un point de vue technique et déterminante sur le plan politique du montant des aides publiques aux entreprises.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

1

Demander à l'Insee de créer d'ici le 1er janvier 2027 un tableau détaillé et actualisé chaque année sur les aides publiques aux entreprises, en fonction de leur taille.

Fixer la nomenclature de ce tableau après concertation avec les inspections et corps de contrôle concernés, les principaux instituts d'économie et le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (ex-France Stratégie).

Assortir ce tableau de notes et explications pédagogiques afin de rendre sa lecture aisée par le public et de faciliter son utilisation par les chercheurs.

Établir un tableau sur les prélèvements obligatoires « nets » imposés aux entreprises.

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

Insee

1er janvier 2027

Instruction

2. Confier au ministère de l'Économie et des Finances le soin de créer un registre simplifié indiquant notamment les prélèvements obligatoires imposés aux grandes entreprises et les aides publiques perçues

Lors de son audition le 11 février 2025, M. Auberger, inspecteur général des finances, a affirmé : « Tout est cloisonné. Vous avez un silo Urssaf, DGFiP, Ademe, le CNC, France 2030, etc. Chacun gère ses dispositifs. C'est vrai que cela interroge. [...]. Personne ne va vous dire qu'il y a un tableau qui consolide les aides versées que touche un groupe de cinéma, par exemple, au titre de son activité de production et de vous dire combien il touche de TVA à taux réduit sur les places de cinéma. »

Le rapporteur a souvent eu l'occasion d'affirmer pendant les auditions que les travaux de la commission d'enquête étaient d'intérêt public : dans un exercice inédit par son ampleur et par la précision des informations apportées, un très grand nombre de dirigeants des plus grandes entreprises françaises ont dévoilé le montant des aides publiques qui leur ont été octroyées.

Cet effort de transparence a sans doute été parfois quelque peu contraint en raison des règles très strictes qui encadrent les travaux d'une commission d'enquête560(*) et de la publicité des auditions, qui en l'occurrence ont toutes été retransmises en direct et sont désormais accessibles à la demande sur plusieurs plateformes.

Aux yeux du rapporteur, la transparence des aides publiques aux entreprises revêt une importance capitale. Dans une société démocratique où l'information circule librement mais qui pâtit aussi de rumeurs voire de fantasmes, le public doit pouvoir connaître le montant réel des aides versées aux entreprises.

Il convient donc en quelque sorte de pérenniser le mouvement de transparence initié par la commission d'enquête, en confiant au ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique le soin d'établir un tableau annuel des aides versées aux grandes entreprises.

Pérenniser, mais aussi simplifier et rationnaliser les données actuellement disponibles. Comme indiqué précédemment, de multiples règles sur la transparence existent au niveau européen, national et local, mais ces règles sont peu cohérentes et empêchent d'avoir une vision claire, consolidée et précise des aides reçues par une grande entreprise.

À cet égard, le rapporteur relève que les dirigeants auditionnés se sont souvent montrés plus ouverts à la transparence des données sur les aides publiques que les représentants de l'administration.

Les personnes auditionnées ont néanmoins mis en avant les points de vigilance suivants :

- un tableau de bord des aides publiques perçues doit indiquer en regard les impôts et taxes acquittés, ce que certains ont appelé « l'empreinte fiscale » (Mme Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, estimait que « le sujet mérite d'être étudié dans son intégralité et évalué à 360 degrés ») ;

- il doit être assorti d'éléments d'explication afin de ne pas faire naître de malentendus lors de sa lecture ;

- les secrets protégés par la loi doivent être préservés (secret fiscal et secret des affaires en particulier) ;

- l'élaboration de ce tableau ne doit pas incomber aux entreprises.

La commission d'enquête considère que ce tableau ne doit pas être alimenté par les entreprises, car ce serait incompatible avec l'objectif d'alléger leurs contraintes administratives ; en outre, il est préférable de confier au ministère l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique cette mission afin de garantir l'objectivité et l'harmonisation des données publiées.

Le tableau pourrait s'inspirer de celui qui est présenté à l'annexe 12 et qui a été établi à partir des informations fournies par les dirigeants d'entreprise entendus. Il devrait faire l'objet de notes de lecture et de brèves explications, afin de permettre à toute personne qui consulte le tableau de comprendre ses enjeux, ainsi que des renvois sur des sites internet de l'administration pour avoir de plus amples explications sur les dispositifs mis en avant.

Ce tableau devrait a minima comporter les informations suivantes :

- le chiffre d'affaires, le bénéfice net, le montant total des dividendes, le nombre de salariés, la masse salariale avec et sans cotisations ;

- le montant total des aides publiques perçues, en distinguant celles qui sont les plus emblématiques (exonérations de cotisations sociales ; aides à l'investissement561(*) ; crédit d'impôt recherche et aide à l'apprentissage) ;

- l'impôt payé ainsi que les diverses taxes acquittées (compte tenu du secret fiscal, l'administration ne peut communiquer spontanément ce chiffre, sauf accord explicite de l'entreprise).

La commission d'enquête préconise de commencer par les entreprises du CAC 40, qui manifestent déjà une très grande transparence sur leurs données économiques et financières, puis d'étendre le mouvement de transparence aux entreprises employant plus de 5 000 salariés, avant de le généraliser à toutes les entreprises employant plus de 1 000 salariés.

Le registre simplifié que préconise la commission d'enquête serait un préalable au « répertoire public en ligne sur les bénéficiaires d'aides publiques » qu'ont appelé de leurs voeux les représentants de l'association Transparency International lors de leur audition le 25 mars 2025, et qui concernerait toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et le montant de l'aide perçue. À l'appui de leur proposition, ils évoquaient le site usapsending.gov, qui présente depuis 2014 en source ouverte toutes les dépenses fédérales aux États-Unis.

La commission d'enquête relève que la présente proposition s'inscrit également dans le sillage d'une recommandation formulée par MM. Éric Coquerel et Jean-René Cazeneuve, députés, dans un rapport d'information du 19 juillet 2023 où ils appelaient à « rendre progressivement obligatoire pour les entreprises la publication des aides publiques qu'elles perçoivent »562(*).

Le rapporteur constate enfin avec satisfaction que même M. Bruno Le Maire, qui s'était souvent opposé à la transparence des aides publiques aux entreprises lorsqu'il était ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a radicalement changé son appréciation sur ce sujet. En effet, lors de son audition du 7 mai, l'intéressé avait affirmé : « Suis-je favorable à la transparence ? Oui, mille fois oui », précisant que « si l'on peut fournir un tableau montrant les aides par entreprise au titre du CIR, au titre des taux réduits de TVA ou d'autres aides apportées par l'État, cela mettra de la clarté dans le débat et de la sérénité dans les choix politiques. »

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

2

Créer un registre simplifié des aides publiques reçues par les grandes entreprises et des prélèvements obligatoires acquittés.

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

1er janvier 2026

Instruction

3. Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (ex-France Stratégie) la mission de publier un rapport annuel comportant notamment le suivi et une analyse des aides versées aux grandes entreprises, aux ETI et aux PME, présenté aux parlementaires, aux chefs d'entreprises et aux représentants syndicaux

v Le précédent de la commission nationale des aides publiques aux entreprises

La commission d'enquête rappelle qu'une commission nationale des aides publiques aux entreprises avait été créée par la loi n° 2001-7 du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, à la suite de l'adoption d'une proposition de loi présentée par M. Robert Hue et plusieurs de ses collègues du groupe communiste563(*).

La commission nationale des aides publiques aux entreprises

La commission devait remplir deux missions :

- contrôler l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises par l'État et les collectivités locales ou leurs établissements publics, ainsi que par l'Union européenne (la commission ne se limitait donc pas aux aides financières) ;

- évaluer les impacts économiques et sociaux, quantitatifs et qualitatifs de ces aides.

La finalité affichée de ce contrôle et de cette évaluation était d'« améliorer l'efficacité pour l'emploi, la formation professionnelle et les équilibres territoriaux » des aides.

La commission était composée de députés et sénateurs désignés par leur assemblée respective ; de représentants de l'État ; de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national ; de représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national ; enfin, de personnalités qualifiées venant notamment du monde associatif. Son secrétariat était assuré par le Commissariat général du Plan.

La commission pouvait être consultée lors de « l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux entreprises ». Elle pouvait s'auto-saisir ou être saisie par un représentant du personnel ou un élu national ou local.

Afin d'alimenter sa réflexion, la commission :

- bénéficiait de rapports élaborés chaque année par les préfets de région ;

- pouvait interroger un représentant de l'État dans les régions et les départements « afin d'obtenir les informations permettant d'estimer l'ensemble des aides reçues par une entreprise déterminée » ;

- tenait compte des avis formulés par les commissions régionales des aides publiques.

Sur la base de ces informations, la commission nationale devait établir son propre rapport comportant ses remarques et avis sur les politiques poursuivies : celui-ci devait être public et transmis au Parlement.

Un décret n° 2001-483 du 6 juin 2001 a précisé la composition et les règles de fonctionnement de la commission nationale et de ses déclinaisons régionales.

Sur proposition de M. Philippe Marini, rapporteur général, la loi du 4 janvier 2001 a été abrogée lors de l'examen en première lecture au Sénat du projet de loi finances rectificative pour 2002564(*). Le rapporteur général du Sénat avait alors estimé qu'il s'agissait d'un « dispositif administratif complètement inutile et stérile », « de pur bavardage »565(*), et avait rappelé que le Sénat avait opposé à trois reprises une question préalable pour s'opposer à la proposition de loi de M. Robert Hue à l'origine de la loi du 4 janvier 2001.

v Une absence regrettable de structure en charge du suivi des aides publiques aux entreprises

La commission d'enquête déplore l'absence de structure administrative chargée de suivre et d'analyser régulièrement les aides publiques versées aux entreprises.

Le tome II « voies et moyens » annexé au projet de lois de finances initiale ne présente que les dépenses fiscales, qu'elles bénéficient aux ménages ou aux entreprises, tandis que le projet annuel de performances relatif à la mission « économie » ne traite qu'incidemment des aides publiques aux entreprises. Ni l'inspection générale des finances, ni la Cour des comptes n'ont comme mission de suivre systématiquement ces aides, qui n'entre d'ailleurs pas dans le champ des autres organismes d'évaluation.

Alors que le montant des aides publiques aux entreprises n'a cessé d'augmenter depuis les années 2000, aucune structure pérenne n'a garanti leur suivi, qui a donné lieu seulement à des rapports ponctuels à la demande du Gouvernement.

v Les missions qui doivent être confiées à la structure en charge du suivi des aides publiques aux entreprises

La commission d'enquête considère qu'une instance publique devrait publier un rapport annuel de suivi des aides publiques, afin d'exploiter, commenter et mettre en perspective les données que fournira l'Insee (voir recommandation n° 1).

Ce rapport public comprendrait au moins les parties suivantes :

- une présentation des différents périmètres pertinents des aides publiques, sur le modèle des quatre périmètres identifiés par France Stratégie dans son rapport de 2020 sur Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales, indiquant leurs justifications et les enjeux qu'ils soulèvent ;

l'évolution des montants des aides sur plusieurs années ;

- des données différenciées selon la taille des entreprises (très petites entreprises, les petites et moyennes entreprises, les grandes entreprises) ;

- des études sur des questions transversales (par exemple les aides reçues par les sous-traitants dans certaines filières, les aides à l'export, les aides dans l'agriculture, dans le secteur de l'industrie ou le soutien à l'intelligence artificielle...) ;

- des comparaisons internationales, en particulier avec les autres États membres.

La commission d'enquête présente également une recommandation afin que ce rapport comporte des évaluations des aides publiques majeures.

v Le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan paraît être la structure idoine pour suivre les aides publiques aux entreprises

À l'initiative du groupe Les Républicains, le Sénat a créé une commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, laquelle s'est constituée le 6 février 2025.

Dans ce contexte, la commission d'enquête ne souhaite pas proposer la création d'une nouvelle structure administrative, soucieuse de ne pas alourdir le paysage institutionnel.

Le rapporteur considère que le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, issu de la fusion entre France Stratégie et le Haut-Commissariat au Plan566(*), pourrait être la structure appropriée pour abriter en son sein un Observatoire de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises.

En premier lieu, France Stratégie a régulièrement produit des rapports de qualité, associant des économistes de formation, comme par exemple le rapport précité de 2020 sur Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales. Le rapporteur considère que ce rapport contient la réflexion la plus aboutie sur les différents périmètres que l'on peut retenir des aides publiques aux entreprises, comme l'ont reconnu d'ailleurs la majorité des personnes auditionnées.

En deuxième lieu, le Haut-Commissariat occupe une place centrale au sein du gouvernement car il apporte « son concours au Premier ministre et au Gouvernement pour la détermination des grandes orientations de la Nation ainsi que pour la préparation des réformes », grâce notamment à sa participation « à l'évaluation des politiques publiques »567(*).

En troisième lieu, le Haut-Commissariat anime déjà un réseau d'organismes spécialisés, comprenant notamment le Conseil d'analyse économique et le Conseil d'orientation des retraites568(*).

En dernier lieu, le Haut-Commissariat n'est pas une structure fermée mais au contraire ouverte sur la société qui encourage les échanges de point de vue. En effet, ses travaux sont « notamment conduits au sein de commissions thématiques ou de groupes de travail, associant en particulier les partenaires sociaux, les collectivités locales, les administrations de l'État, les organismes de recherche, les représentants des secteurs économiques, les organisations non gouvernementales et les experts français ou étrangers les plus qualifiés »569(*). Par ailleurs, le Haut-Commissariat peut organiser « des consultations ouvertes et solliciter des contributions extérieures »570(*). En outre, le Conseil d'orientation des retraites comprend également des parlementaires571(*). À cet égard, la commission d'enquête prend acte de la volonté de M. Clément Beaune, Haut-Commissaire au plan, de favoriser le débat d'idées au sein de l'instance572(*).

À titre personnel, le rapporteur estime que le futur Observatoire de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises devrait être composé, a minima, de parlementaires, de représentants des organisations professionnelles et syndicales, de chefs d'entreprises, d'experts et de personnalités qualifiées, en s'inspirant de la composition du Conseil d'orientation des retraites. En tout état de cause, la présentation du rapport annuel de cet Observatoire devrait être publique, en présence de parlementaires, de chefs d'entreprises et de représentants syndicaux.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

3

Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan la mission de publier un rapport annuel comportant notamment le suivi des aides publiques versées aux grandes entreprises, aux ETI et aux PME, et présenté aux parlementaires, aux chefs d'entreprises et aux représentants syndicaux

Premier ministre

1er semestre 2027

Décret n° 2025-450 du 23 mai 2025

4. Renforcer les prérogatives du conseil social et économique (CSE) en matière de suivi des aides publiques aux entreprises

Lors de leur audition, l'ensemble des représentants des organisations syndicales représentatives ont insisté sur l'importance de mieux associer le conseil social et économique (CSE) au suivi des aides publiques accordées aux entreprises. Ainsi, M. Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT, a invité à un « contrôle social de l'usage des aides publiques aux entreprises (...) confié au CSE, qui doit disposer d'un droit d'alerte auprès des autorités compétentes », tandis que Mme Fabienne Rouchy, secrétaire confédérale de la CGT, plaidait pour un contrôle semblable au niveau des commissions paritaires de branche.

Le code du travail prévoit déjà une information du CSE sur les orientations stratégiques de l'entreprise, sa situation économique et financière ainsi que sa politique sociale573(*). De manière supplétive, c'est-à-dire en l'absence d'un accord de méthode conclu avec le CSE par l'employeur574(*), la partie réglementaire du code du travail575(*) précise que l'employeur doit mettre à disposition du CSE les informations de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) concernant « les aides ou avantages financiers consentis à l'entreprise par l'Union européenne, l'État, une collectivité territoriale, un de leurs établissements publics ou un organisme privé chargé d'une mission de service public, et leur utilisation. Pour chacune de ces aides, il est indiqué la nature de l'aide, son objet, son montant, les conditions de versement et d'emploi fixées, le cas échéant, par la personne publique qui l'attribue et son emploi ; ainsi que les résultats financiers de l'entreprise. »

Le rapporteur souligne le fait que les dispositions du code du travail en matière d'information du CSE ne sont pas toujours effectives. En effet, si le I de l'article L. 2312-25 du code du travail dispose que « la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise porte également sur la politique de recherche et de développement technologique de l'entreprise, y compris sur l'utilisation du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche », beaucoup d'élus du personnel ont découvert le montant du CIR reçu par leur entreprise en suivant les auditions de la commission d'enquête.

L'article R. 2312-16 du code du travail prévoit qu'en l'absence d'accord d'entreprise sur les consultations récurrentes du comité social et économique dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l'employeur met à la disposition des membres du comité, en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise, plusieurs informations prévues dans les rubriques de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDSE) qui portent sur :

- l'investissement matériel et immatériel (1° B de l'article R. 2312-8) ;

- les aides publiques (7° A) ;

- les résultats financiers (7° F) ;

- les partenariats (8°) ;

- les transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe quand l'entreprise appartient à un groupe (9°) ;

- l'environnement (10°).

Aux termes de l'article R. 2312-17 du code du travail, des dispositions quasi identiques sont prévues dans les entreprises de trois cents salariés et plus dans lesquelles aucun accord d'entreprise sur les consultations récurrentes du comité social et économique n'a été signé.

Quelle que soit la taille de l'entreprise, en l'absence d'accord d'entreprise sur les consultations récurrentes du comité social et économique, celui-ci ne dispose donc pas d'information sur les réductions d'impôt dont bénéficie l'entreprise (7° B de l'article R. 2312-8 précité), les exonérations et réductions de cotisations sociales (7° C de cet article) et les crédits d'impôt (7° D dudit article).

Afin de permettre une meilleure association du CSE au contrôle des aides publiques et de clarifier les obligations des entreprises, la commission d'enquête préconise d'élargir les informations de la BDESE communiquées au CSE en incluant dans les articles R. 2312-16 et R. 2312-17 précités les champs 7°B à 7°D de l'article R. 2312-8 du code du travail : c'est-à-dire les réductions d'impôts, les exonérations et réductions de cotisations sociales, ainsi que les crédits d'impôt dont bénéficie l'entreprise.

Bien que relevant du champ règlementaire, le rapporteur souhaite que, dans un esprit proche de celui de l'article L. 1 du code du travail, cette évolution fasse l'objet d'une « concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel » lorsqu'une concertation sera engagée sur un sujet connexe.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

4

Transmettre au comité social et économique (ex-comité d'entreprise), dans les entreprises où aucun accord sur les modalités de ses consultations récurrentes n'a été signé, les informations de la base de données économiques et sociales relatives aux réductions d'impôt, exonérations et réduction de cotisations sociales, ainsi que les crédits d'impôt dont bénéficie l'entreprise.

Gouvernement

1er semestre 2026

Décret

B. UN « CHOC DE RATIONALISATION » DES AIDES À TOUS LES NIVEAUX (EUROPE, NATIONAL, LOCAL)

v À TOUS LES NIVEAUX

1. Réaliser une étude d'impact robuste en concertation avec les entreprises concernées avant la création de tout nouveau dispositif d'aide publique aux entreprises d'un montant significatif

Les aides publiques aux entreprises, qui correspondent à des dispositifs nombreux et ayant des natures et des finalités très différentes, traduisent la volonté des pouvoirs publics de corriger le libre jeu de la concurrence et des mécanismes de marché dans une direction conforme à ce qui est estimé être l'intérêt général.

La commission d'enquête souligne que les autorités publiques disposent de deux leviers qui devraient être systématiquement mobilisés lors de la création d'un nouveau dispositif d'aide d'un montant significatif (au-delà de 50 millions d'euros pour les aides de l'État par exemple).

Le premier levier est celui de la concertation. En effet, en dehors des nombreux dispositifs d'aide transversaux à l'image du CIR ou des allègements généraux de cotisations sociales, un grand nombre d'aides publiques ont un caractère sectoriel et leur calibrage nécessite de disposer d'une fine connaissance du fonctionnement et de la chaîne de valeur associée au tissu économique du secteur concerné. Une concertation approfondie avec les acteurs concernés permet d'éviter les effets d'aubaine et de renforcer son efficience, entendue comme le rapport entre son coût et son efficacité.

Lors de son audition le 31 mars 2025 devant la commission d'enquête, M. Olivier Andriès, directeur général du groupe Safran, a souligné l'importance de la concertation réalisée entre les pouvoirs publics et les entreprises industrielles dans le secteur aéronautique et la manière dont les échanges permettent à la fois d'assurer un contrôle étroit de l'utilisation des aides et l'adaptation de ces aides aux principaux enjeux industriels de la filière :

« Deux outils sont très importants : le Corac (Conseil pour la recherche aéronautique civile) et le CIR (crédit d'impôt recherche). [...]. Le financement du Corac est un programme géré par la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Les dossiers sont très « challengés ». Pour chaque euro public donné, un effet de levier est recherché ; en d'autres termes, un euro privé doit être apporté par l'entreprise. C'est tout à fait logique. On nous demande également d'embarquer des PME-PMI pour financer leurs efforts, car ces entreprises n'ont pas les moyens d'autofinancer de la recherche et de la technologie. En moyenne, 36 % des sommes que nous avons reçues ont ruisselé vers des PME-PMI, qui sont nos partenaires, notre supply chain aéronautique française. »

Le Corac : un exemple réussi de concertation continue
entre l'État et la filière aéronautique civile

Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) est une instance de concertation créé entre l'État et la filière aéronautique en juillet 2008, à la suite du « Grenelle de l'environnement ». Il a pris toute son ampleur en 2020 à la faveur de la crise sanitaire qui avait paralysé le secteur aérien. Il permet d'associer les différentes parties prenantes du secteur aérien civil en réunissant les grands intégrateurs de la filière (dont notamment Airbus, Safran, Thales et Dassault Aviation), les PME et ETI industrielles du secteur ainsi que les opérateurs de transport aérien et les opérateurs aéroportuaires.

Cette instance de dialogue entre les services de l'État, en particulier la direction générale de l'aviation civile (DGAC), et la filière aéronautique - qui est dépourvue de la personnalité morale - n'a pas de fonction opérationnelle dans l'octroi des aides mais elle permet des échanges permanents entre les entreprises du secteur et les services de l'État ainsi qu'une cohérence dans les projets de développements de la filière.

Si la DGAC est souveraine dans sa décision d'octroi d'aide publique aux entreprises aéronautique, sa décision est éclairée par la vision d'ensemble du secteur dont elle dispose à travers le Corac.

Entre 2020 et 2022, le Corac a bénéficié de 450 millions d'euros par an environ.

Comme l'a indiqué le directeur général de Safran, M. Olivier Andriès, lors de son audition par la commission d'enquête le 31 mars 2025, son entreprise a bénéficié de 150 millions d'euros en moyenne par an576(*), Airbus également, le dernier tiers étant réparti entre les entreprises du secteur.

Le Corac dispose de 300 millions d'euros par an environ depuis 2023. La loi de finances pour 2025 prévoyait une aide de 230 millions d'euros cette année, qui a finalement été relevée à 278 millions d'euros en avril dernier.

Le Corac ne peut pas verser une aide supérieure à la moitié du coût d'un projet.

M. Guillaume Faury, président-directeur général d'Airbus, a rappelé, lors de son audition le 22 avril 2025 par la commission d'enquête, que « l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou l'Espagne ont des modèles qui se rapprochent du nôtre, mais le Corac reste le plus gros financeur ».

Source : Commission d'enquête

Le levier de la concertation doit également être mobilisé pour garantir l'adaptation des aides publiques aux entreprises avec les enjeux propres à certaines collectivités territoriales, en particulier dans les outre-mer.

Les aides aux entreprises dans les territoires ultra-marins

• Conformément à l'article 73 de la Constitution, les lois et règlements sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer que sont la Guadeloupe, la Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte depuis 2011 : c'est le régime de l'identité législative.

Ces normes peuvent cependant faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par l'État, qui doit alors consulter au préalable ces collectivités.

Celles-ci peuvent en outre, pour tenir compte de leur spécificité, être habilitées par la loi ou par le règlement à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières.

Aucune adaptation des lois et règlements n'est possible à La Réunion.

• En application de l'article 74 de la Constitution, une loi organique définit le statut particulier de chaque collectivité d'outre-mer : la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna. C'est le régime de spécialité législative et d'autonomie. La compétence de ces collectivités en matière d'aide aux entreprises dépend donc de chaque statut.

•La Nouvelle-Calédonie est une collectivité « à statut particulier » d'outre-mer.

• Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent une collectivité sui generis dont le statut est défini par une loi ordinaire.

Lors de son audition le 27 mars 2025 devant la commission d'enquête, M. Stépane Hayot, directeur général du groupe Bernard Hayot, a insisté sur les difficultés spécifiques rencontrées par les territoires ultramarins du fait de leur position géographique et de leur situation sociale qui justifient l'existence de plusieurs dispositifs territoriaux ciblés :

« La situation économique de nos territoires ultramarins est particulièrement difficile. Les taux de chômage y sont supérieurs d'environ 10 points à ceux de l'Hexagone, atteignant environ 18 % en Guadeloupe, à La Réunion et en Guyane. Les taux de pauvreté sont plus de deux fois plus élevés qu'en métropole : 14 % dans l'Hexagone contre 27 % en Martinique, 34 % en Guadeloupe et 36 % à La Réunion. Les prix sont en moyenne 10 à 15 % plus élevés que dans l'Hexagone, tous postes de dépenses confondus, et jusqu'à 40 % pour les dépenses alimentaires. Ces chiffres démontrent que les enjeux du pouvoir d'achat en outre-mer sont liés à la fois à la cherté de la vie et à l'insuffisance des revenus. Près de 20 % des foyers ultramarins vivent du RSA, contre une moyenne nationale de 6 %. Il est donc crucial de développer l'activité économique dans ces territoires. Les aides sont nécessaires pour compenser les handicaps structurels tels que l'éloignement des sources d'approvisionnement et des grands marchés de consommation, l'étroitesse des marchés locaux (le plus grand étant La Réunion avec moins d'un million d'habitants, tandis que la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe comptent entre 300 000 et 400 000 habitants), ainsi que les aléas climatiques et les risques naturels sismiques et cycloniques qui engendrent des normes spécifiques renchérissant les coûts de construction et de production

La commission d'enquête est préoccupée par la vie chère en outre-mer et considère que l'adaptation des aides publiques aux entreprises aux spécificités insulaires de ces territoires constitue un moyen à ne pas négliger par l'exécutif et le législateur.

Le second levier dont dispose les pouvoirs publics est celui de la formalisation et de l'objectivation des objectifs et du fonctionnement de toute nouvelle aide publique à travers la rédaction d'une étude d'impact complète.

En effet, les travaux de la commission d'enquête ont mis en lumière le fait que de nombreuses aides aux entreprises ont été créées par la puissance publique sans étude préalable approfondie pour garantir l'adaptation de l'instrument créé avec la défaillance de marché identifiée. Le cas le plus emblématique de cette défaillance est le CICE qui poursuivait politiquement deux objectifs antagonistes, l'amélioration de la compétitivité et la défense de l'emploi.

Lors de son audition devant la commission d'enquête le 24 mars 2025, M. Jean-Dominique Senard, président de Renault, avait recommandé qu'une étude d'impact soit « systématiquement » « menée avant de créer, modifier ou supprimer des dispositifs d'aides publiques », estimant que « nous avons trop souffert par le passé d'une absence d'analyses pertinentes. De plus, si nous voulons renforcer l'évaluation de ces dispositifs, des objectifs clairs et partagés doivent être assignés à chaque type d'aides. »

Sur le modèle des études d'impact législatives, dont le dépôt a été rendu obligatoire pour tout projet de loi par les articles 8 et 11 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009577(*), une disposition législative transversale ou à défaut une circulaire du Premier ministre pourrait rendre obligatoire la réalisation d'une étude d'impact préalable à la création de toute nouvelle aide publique aux entreprises d'un montant significatif. Le modèle de cette étude, qui devrait notamment intégrer des éléments fixant des objectifs précis et quantitatifs en matière d'efficacité de l'aide, pourrait être annexé à cette circulaire.

Les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale devraient naturellement s'inspirer des études d'impact prévues par l'État pour fixer leurs propres règles.

Enfin la réalisation d'une étude d'impact obligatoire permettrait de renforcer deux caractéristiques des aides publiques aux entreprises qui font traditionnellement l'objet d'une réflexion insuffisante de la part de l'administration.

Premièrement, l'étude d'impact permettrait de fixer une durée minimale de déploiement de l'aide, de manière à donner aux entrepreneurs une visibilité pluriannuelle sur l'application du dispositif et éviter un afflux disproportionné de demandes. Stabilité et prévisibilité du cadre normatif sont les deux impératifs constamment mis en avant par les dirigeants d'entreprise auditionnés. Il est primordial que les aides soient engagées sur une longue période, afin d'assurer la sécurité juridique des entreprises, en indiquant le cas échéant les évolutions dans le temps du niveau de l'aide. En effet, certains dispositifs ont pour principal but d'amorcer une dynamique, ce qui nécessite de la clarté sur les évolutions futures anticipées par le financeur : une telle information aurait été précieuse pour les aides à l'apprentissage lors de la réforme de 2018.

Deuxièmement, cette étude d'impact imposerait à l'administration de privilégier systématiquement, lorsque ce schéma est économiquement viable, l'instrument des avances remboursables plutôt que celui des subventions budgétaires. Toute création de subvention devrait à ce titre être spécialement motivée au regard de la possibilité de lui substituer un mécanisme d'avance remboursable, qui permet à l'État de récupérer les fonds avancés voire de bénéficier d'une plus-value.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

5

Rendre obligatoire la réalisation, en concertation avec les entreprises concernées, d'une étude d'impact préalable à la création de toute nouvelle aide publique aux entreprises d'un montant significatif.

Inclure dans cette étude d'impact un volet outre-mer ainsi qu'une obligation de justifier le recours à une subvention plutôt qu'à une avance remboursable.

Fixer à l'étude d'impact un horizon pluriannuel (au moins 4 ans) et le cas échéant les évolutions du niveau de l'aide afin d'assurer la prévisibilité de l'action publique.

Premier ministre

2e semestre 2025

Loi ou circulaire (en annexant un modèle d'étude d'impact)

2. Soutenir les PME en rendant obligatoire le « test PME » pour les aides publiques significatives et en encadrant strictement la rémunération des cabinets de conseil qui assistent ces entreprises pour constituer leurs demandes d'aide

v Le test « PME »

La plupart des dirigeants auditionnés ont déploré la grande complexité des aides publiques aux entreprises, et témoigné en conséquence de leurs inquiétudes pour les TPE et les PME qui ne sont pas dotées de services juridiques étoffés. Mais même les grandes entreprises renoncent parfois à solliciter des aides lorsque les démarches à engager apparaissent trop lourdes. Ainsi, Mme Cécile Cabanis, directrice financière de LVMH, a déclaré lors de son audition que son groupe ne sollicitait pas le bénéfice de l'IP Box car « les procédures nécessaires pour bénéficier de cette aide étaient trop complexes au regard de ce qu'elle aurait rapporté au groupe ».

Lors de son audition le 22 avril, M. Philippe Salle, président-directeur général d'Atos, a rappelé l'existence de nombreux irritants pour les chefs d'entreprises, qu'ils soient à la tête de grandes entreprises ou de PME : « En France, pour un projet subventionné, il faut produire un rapport annuel et un état final, tous deux audités par un commissaire aux comptes. Le coût de ces audits est parfois très important. Pour une subvention de 300 000 euros répartie sur trois ans, les seuls frais d'audit peuvent ainsi atteindre près de 7 % du montant, soit 20 000 euros, autant d'argent consacré à un contrôle administratif plutôt qu'au projet lui-même. À l'échelle européenne, la pratique est plus légère, tout aussi sérieuse et moins coûteuse. La règle est assez simple : un relevé de dépenses, non pas audité, mais validé, est transmis chaque année, puis un rapport d'état de dépenses audité est demandé en fin de projet. Il serait plus efficace d'aligner les procédures françaises sur ce modèle européen, en particulier lorsqu'un même projet bénéficie à la fois de financements européens et de financements français. Aujourd'hui, les entreprises se retrouvent à produire des documents redondants, à payer deux fois pour les mêmes audits et, parfois, à mobiliser des ressources importantes pour répondre à des exigences qui sont en fait parallèles. »

La commission d'enquête souhaite que les services en charge de la rédaction des régimes juridiques d'aide aux entreprises visent d'abord et avant tout à rédiger des règles les plus simples et intelligibles possibles, et évitent les doublons, ce qui facilitera le taux de recours à ces aides et les procédures de contrôle. L'expertise de l'administration ne doit plus viser l'élaboration de dispositifs complexes voire subtils : elle doit avoir comme unique objectif la rédaction de règles peu nombreuses et directement intelligibles.

La délégation sénatoriale aux entreprises a adopté à l'unanimité le 15 juin 2023 un rapport d'information La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises, sur la base duquel notre collègue Olivier Rietmann, président de la présente commission d'enquête et de ladite délégation, a déposé le 12 décembre 2023 avec plusieurs collègues une proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises ».

Cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat le 26 mars 2024 mais n'a pas été examinée par l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi la commission spéciale du Sénat chargée d'examiner le projet de loi de simplification de la vie économique a adopté en première lecture, le 28 mai 2024, un amendement du président Olivier Rietmann qui reprenait les dispositions de sa proposition de loi et qui figurait alors à l'article 27 du texte.

Pour mémoire, le dispositif proposé prévoyait la création d'un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises, chargé d'évaluer les normes applicables aux entreprises. Il devait rendre un avis sur les projets de loi, les projets de texte réglementaire, les projets d'acte de l'Union européenne, dès lors que ces différents textes ont un « impact technique, administratif ou financier ». Surtout, tout avis rendu par le Haut Conseil devait comporter une « analyse de l'impact attendu des normes concernées sur les petites et moyennes entreprises », appelée « test PME ».

Cet article 27, dans sa version remaniée, a été voté par le Sénat en séance publique, avant d'être supprimé par la commission spéciale de l'Assemblée nationale le 27 mars 2025578(*).

Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en séance publique le 17 juin 2025, le test PME a été rétabli mais dans une version fortement édulcorée : « Les travaux du comité interministériel de la transformation publique comportent notamment une analyse de l'impact attendu des normes sur les petites et moyennes entreprises ainsi que sur les autoentrepreneurs, appelée “test TPE-PME“ »

La commission d'enquête déplore la disparition du « test PME » tel que proposé par le Sénat de la navette parlementaire sur le projet de loi de simplification de la vie économique et souhaite son rétablissement.

Pour augmenter le taux de recours des PME aux aides publiques, la commission d'enquête propose de simplifier radicalement leurs régimes juridiques ainsi que les formulaires Cerfa.

La Confédération des PME, dans son livre blanc Simplification et compétitivité, faire le pari de la réconciliation à l'échelle européenne de février 2025, rappelle avoir déjà expérimenté un test PME avec 11 entreprises en 2024, afin d'évaluer le « caractère proportionné, simple et lisible » d'une norme issue d'une directive européenne579(*).

Concrètement, si le test PME voté par le Sénat n'était pas rétabli, il serait nécessaire a minima que tout dispositif d'aide publique aux entreprises, d'un montant significatif (par exemple supérieur à 10 millions d'euros pour les aides de l'État), soit soumis au préalable à l'avis d'un panel d'une dizaine de dirigeants de PME, qui examineraient les questions suivantes :

- le régime juridique de l'aide est-il simple à comprendre, sans l'aide d'un juriste ou d'un conseil extérieur ?

- ce régime est-il accessible sur un site internet où toutes les informations sont consolidées ?

- ce régime est-il cohérent avec les régimes d'aides similaires ?

- les informations demandées pour obtenir l'aide sont-elles déjà en possession de l'administration ?

- les autres conditions d'éligibilité sont-elles réduites au minimum ?

v L'encadrement de la rémunération des cabinets de conseil

Lors de son audition le 22 avril 2025, M. Patrick Martin, président du Medef, a affirmé que la situation actuelle « fait le bonheur d'un certain nombre d'officines qui montrent les dossiers de demande de crédit d'impôt recherche et qui viennent en assistance quand il y a des contrôles. Il faut bien que cela profite à quelqu'un, même si je ne suis pas certain que ce soit là la finalité du crédit d'impôt recherche... Nous estimons que sont ainsi absorbés 20 % à 30 % du montant attribué au titre du crédit d'impôt recherche. Voilà l'illustration par l'absurde de ce que peuvent générer ces complexités, y compris en termes de perte d'argent public, celui-ci aboutissant dans la poche de ces officines ».

À la fin de son audition le 6 mai 2025, M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, a indiqué qu'« aujourd'hui, des cabinets agissent comme des chasseurs de primes d'aides publiques. Les chefs d'entreprise, faute de temps, leur confient ces démarches et ces cabinets se rémunèrent à hauteur de 20 à 30 %. Le taux de commission appliqué par ces cabinets s'avère trop important, ce sont les nouveaux agents immobiliers. De plus, ces commissions sont prises sur l'argent public et il convient de s'assurer qu'il ne serve pas à financer les intérêts personnels des cabinets. À ce titre, je souhaiterais que le Sénat étudie la possibilité d'instaurer un plafond de commission pour ces cabinets, autour de 2 %, afin de s'assurer que l'argent public soit utilisé à bon escient ».

Bien avant ces deux auditions, le rapporteur avait été informé personnellement et à plusieurs reprises des agissements de cabinets de conseil chargés de préparer les dossiers de demande de crédit d'impôt recherche (CIR), ceux-ci n'hésitant pas à contacter spontanément, par exemple, des petites sociétés qui développent des systèmes innovants de paiement pendant les festivals, en contrepartie d'une rémunération égale à 30 % environ du crédit s'il était obtenu.

La commission d'enquête considère que cette rémunération est non seulement excessive, mais qu'elle constitue également une forme de captation parfaitement injustifiée de l'argent public au détriment des PME.

Déjà en 2016, le Médiateur des entreprises avait constaté « un nombre croissant de difficultés dans la relation des entreprises innovantes avec certains acteurs du conseil en CIR-CII580(*) », conduisant notamment à l'adoption d'une charte, laquelle était muette sur leurs conditions de rémunération581(*). Un référencement des acteurs du conseil en CIR-CII a également été entrepris, afin de « distinguer toutes les organisations, consultants, experts, cabinets de conseils en CIR-CII s'engageant dans une dynamique de relations durables et équilibrées avec leurs clients »582(*). Il s'agissait d'une « démarche volontaire des acteurs du conseil en CIR-CII », ne résultant « d'aucune exigence législative ou réglementaire »583(*).

Il convient néanmoins de franchir maintenant une nouvelle étape en encadrant réglementairement la rémunération de ces cabinets.

Il existe des exemples de plafonnement de rémunération pour certaines professions. Ainsi, la rémunération d'un agent artistique ne peut excéder un plafond de 10 %, voire 15 % dans certains cas, du montant brut des rémunérations perçues par un artiste584(*). De même, les rémunérations des professions réglementées du droit (notaire, commissaire de justice, mandataire judiciaire, commissaire-priseur...) sont encadrées par la loi et le règlement585(*), étant rappelé que les cabinets de conseil fiscal ne relèvent pas des professions réglementées.

La commission d'enquête n'a pas pu examiner en détail la question du plafonnement de la rémunération de ces cabinets, mais elle estime qu'il devrait être fixé à un forfait raisonnable, éventuellement augmenté de quelques pourcents de l'aide obtenue.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

6

Soutenir les PME :

- en rendant obligatoire le « test PME » lors de l'élaboration des régimes juridiques des aides publiques aux entreprises d'un montant significatif et des démarches administratives correspondantes ;

- en encadrant strictement la rémunération des cabinets de conseil qui assistent ces entreprises pour élaborer leurs demandes d'aide publique, en particulier pour bénéficier du crédit d'impôt recherche.

Toutes les personnes qui octroient des aides publiques aux entreprises

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

Immédiat

Immédiat

Loi, règlement et instruction

Règlement

v AU NIVEAU EUROPÉEN

3. Mettre l'influence de la France au service d'une meilleure reconnaissance des spécificités des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de l'outre-mer dans l'élaboration du droit européen

La commission d'enquête a constaté à plusieurs reprises lors des auditions que les spécificités de l'outre-mer et des ETI n'étaient que partiellement prises en compte dans le cadre du droit européen, et notamment en matière d'aides publiques.

· Au regard du droit européen, les régions ultrapériphériques, dont relèvent les départements français d'outre-mer, se voient donc appliquer le droit de l'Union européenne. Cependant, elles bénéficient de « mesures spécifiques », dans le cadre de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) en raison de « leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits »586(*).

Un récent rapport de la commission aux affaires européenne587(*) souligne que l'application de ce pouvoir d'adaptation « s'est toutefois révélée assez décevante en pratique ». De même, le rapport du député Serge Letchimy588(*) pointait « l'inadaptation, voire les incohérences de certaines politiques communautaires » et appelait à une application « plus ambitieuse » des dispositions de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

· Concernant les ETI, la Commission européenne a annoncé en septembre 2023, dans une communication sur le train de mesures en faveur des PME589(*), être « attentive aux besoins des entreprises qui dépassent les seuils de la définition des PME, ainsi qu'à l'éventail plus large de petites entreprises de taille intermédiaire ».

Cette annonce n'a pas encore obtenu de traduction concrète, alors que le récent rapport de Mario Draghi590(*) a souligné que « les réglementations de l'Union européenne imposent une charge proportionnellement plus élevée aux PME et aux petites entreprises de taille intermédiaire qu'aux grandes entreprises ». Il a ajouté que l'Union « ne dispose pas d'un cadre permettant d'évaluer ces coûts. Environ 80 % des points du programme de travail de la Commission concernent les PME, mais seulement la moitié environ des études d'impact se concentrent sur ces entreprises. L'UE ne dispose pas non plus d'une définition commune des petites entreprises de taille intermédiaire ni de données statistiques facilement accessibles ».

Lors de son audition le 9 avril dernier par la commission d'enquête, M. Emmanuel Puisais-Jauvin, secrétaire général aux affaires européennes, a donné espoir quant à une meilleure prise en compte des ETI :

« Nous souhaitons introduire une catégorie ETI dans la directive CSRD et dans d'autres domaines. La Commission européenne y est favorable, avec un engagement fort de sa présidente. Le débat porte maintenant sur la limite supérieure de cette catégorie. La Commission propose 500 salariés, mais nous estimons que ce seuil est trop bas. »

La commission d'enquête rejoint les conclusions de la commission des affaires européennes du Sénat591(*) qui appelle le Gouvernement à compléter l'approche européenne centrée sur les micro-entreprises et TPME592(*), afin de créer une catégorie d'ETI correspondant à la définition française.

· Plutôt que de procéder par des paquets législatifs dédiés aux ETI et à l'outre-mer comme c'est souvent la pratique, la commission d'enquête considère que la prise en compte systématique des particularités des territoires ultra-marins est indispensable lors de la conception de toute norme européenne. Cet objectif doit être poursuivi par le Gouvernement dans son action d'influence au Conseil de l'Union européenne.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

7

Faire évoluer le droit européen en consacrant la catégorie des ETI et en renforçant le mécanisme d'adaptation bénéficiant aux territoires d'outre-mer.

Gouvernement

1er semestre 2026

Instruction

4. Intégrer en amont des nouvelles aides publiques aux entreprises les règles sur les aides d'État et demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer pour que la Commission européenne simplifie résolument ces règles

Lors de son audition du 25 mars 2025, M. Patrick Pouyanné, président directeur général de TotalEnergie, a déclaré : « Il nous a fallu deux années de paperasse pour valider notre projet d'électrolyseur, nous n'avons toujours pas lancé le projet parce que nous attendons encore un papier pour confirmer les 90 millions d'euros de subventions, sur un projet à 330 millions d'euros ; avec un système comme l'IRA, nous aurions pu avancer tout de suite, avec l'engagement d'un crédit d'impôt, c'est encore mieux qu'un guichet unique ».

De fait, nombreux ont été les dirigeants d'entreprise à souligner la durée excessive des démarches pour obtenir des aides publiques en lien avec des projets d'investissement ou d'innovation.

Cette durée excessive résulte d'une succession de facteurs, comme la complexité des régimes d'aides en cause.

Toutefois, les auditions de la commission d'enquête ont fait apparaître deux autres causes à cette durée excessive.

En premier lieu, les autorités françaises qui octroient des aides publiques aux entreprises ne prennent pas suffisamment en compte en amont les règles relatives aux aides d'État, ce qui peut fragiliser juridiquement les aides soumises à la Commission européenne. En effet, M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, a indiqué lors de son audition du 14 mai 2025 : « La France reste en retrait par rapport à d'autres États membres, en ce qui concerne l'intégration, dès la conception, des contraintes liées au droit des aides d'État. Or dans la majorité des cas, ces contraintes ne posent pas de problèmes majeurs à condition d'être prises en compte en amont, lors de la phase de design de la mesure ». M. Olivier Guersent a cité en exemple l'Espagne sur ce sujet : « Les Espagnols m'impressionnent : ils ne distribuent pas moins d'aides que la moyenne européenne, mais ils le font avec méthode. Ils anticipent les contraintes juridiques et réfléchissent en amont à la manière optimale d'utiliser leurs fonds publics ».

La commission d'enquête recommande par conséquent aux autorités administratives compétentes, en s'inspirant du modèle espagnol, de prendre en compte le plus en amont possible les règles sur les aides d'État, afin de sécuriser juridiquement les dispositifs soumis à la Commission européenne et réduire les délais de mise en oeuvre des aides aux entreprises.

En second lieu, le délai maximal accordé à la Commission européenne pour décider, une fois ouverte la procédure formelle d'examen, si une aide d'État est compatible est trop long. Quand une aide est notifiée, s'ouvre une procédure préliminaire593(*) : sa durée est raisonnable car le silence de la Commission dans un délai de deux mois à compter de la notification complète de la mesure vaut décision implicite de compatibilité. En revanche, si la Commission ouvre une procédure formelle d'examen594(*) à l'issue de cette procédure préliminaire en raison de « doutes » quant à la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur, elle dispose d'un délai pouvant aller jusqu'à 18 mois avant de rendre sa décision595(*).

Ce délai de 18 mois apparaît excessif dans un contexte économique et géopolitique métamorphosé, où les décisions d'investissement et d'innovation doivent être prises rapidement, comme le montrent les exemples américain et chinois.

Plus globalement, la commission d'enquête appelle la Représentation permanente à oeuvrer pour que le régime des aides d'État soit résolument simplifié, car les règles actuelles, en particulier celles du RGEC, résultent d'une sédimentation de demandes spécifiques des États membres, dépourvues de cohérence d'ensemble.

La commission d'enquête est toutefois consciente que quels que soient les efforts de simplification entrepris, ils seront toujours insuffisants quand on compare la règlementation des aides d'État au système américain. En effet, dans l'Union européenne, une aide pourra être déclarée compatible avec le marché après un examen de plusieurs semaines voire quelques mois sur le marché pertinent et la preuve d'une défaillance du marché, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. M. Emmanuel Puisais-Jauvin, secrétaire général aux affaires européennes, avait à ce titre relevé lors de son audition du 9 avril 2025 que « contrairement aux exigences européennes, qui imposent de démontrer une défaillance de marché pour obtenir une aide d'État, le dispositif américain ne requiert aucune justification de ce type ». Dans le même sens, M. Olivier Guersent, avait indiqué qu'« il n'existe pas, aux États-Unis, de concept de défaillance de marché. Il n'y a pas, dans le cadre de l'IRA, d'évaluation préalable visant à déterminer si l'investissement aurait pu être réalisé sans aide publique ».

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

8

Intégrer en amont des nouvelles aides publiques aux entreprises les règles sur les aides d'État.

Demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer pour que la Commission européenne simplifie résolument ces règles.

Toutes les personnes qui octroient des aides publiques aux entreprises

Premier ministre, SGAE

Immédiat

Immédiat

Instruction et circulaire

Instruction

5. Demander également à la Représentation permanente française à Bruxelles de simplifier radicalement les règles sur les fonds européens et encourager le recours à ces fonds en France

• La commission d'enquête constate que les fonds européens ont été très peu mentionnés lors des auditions des dirigeants d'entreprise, à l'exception notable du fonds Horizon.

M. Philippe Salle, président-directeur général d'Atos, a dénoncé la complexité administrative du fonds Feder lors de son audition du 22 avril 2025 : « La complexité administrative constitue encore une véritable barrière à l'entrée pour de nombreuses entreprises, en particulier pour les entreprises sous-traitantes. Prenons l'exemple du Feder. Au lieu de relier les aides européennes avec fluidité, l'État ou les régions y ajoutent des conditions et des contrôles supplémentaires, rendant l'accès encore plus contraignant que dans d'autres États membres. De même, la lourdeur des procédures d'instruction - les délais sont parfois supérieurs à deux ans - est inadaptée à des projets de R&D où l'innovation est par définition rapide et évolutive. Il nous paraît urgent de raccourcir drastiquement les délais d'étude des dossiers, afin que les aides accompagnent les projets au rythme où ils se construisent. À cet égard, une réflexion sur les avances remboursables serait peut-être à mener. »

Comme indiqué précédemment, la Commission européenne envisagerait de créer un Fonds pour la compétitivité unique, qui regrouperait des initiatives telles qu'Horizon Europe et divers programmes sectoriels, comme le programme « l'UE pour la santé » et le Fonds pour l'innovation.

La commission d'enquête approuve cette orientation de rationaliser les fonds et demande en outre à la Représentation permanente, dans le cadre des futures négociations sur le cadre financier pluriannuel des fonds européens pour la période 2028-2034, d'oeuvrer à la simplification des règles actuelles en raccourcissant les délais d'instruction.

La commission d'enquête demande en outre aux régions de ne pas ajouter des règles franco-françaises à un cadre juridique déjà très complexe.

• Lors de son audition le 9 avril 2025, M. Emmanuel Puisais-Jauvin, secrétaire général aux affaires européennes, a affirmé que « le SGAE a créé une cellule de mobilisation des fonds européens il y a plus d'un an. Nous sommes convaincus que la France pourrait mieux utiliser ces fonds. Nos analyses montrent qu'une meilleure organisation pourrait nous permettre de gagner jusqu'à 2 milliards d'euros supplémentaires par an. Actuellement, nos retours sont de 15 milliards et pourraient atteindre 17 milliards. Des réflexions sont en cours pour améliorer notre organisation sur ce sujet ».

La commission d'enquête souscrit sans réserve à cet objectif afin de soutenir les entreprises françaises.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

9

Demander à la Représentation permanente française à Bruxelles d'oeuvrer en faveur d'une simplification radicale des règles sur les fonds européens.

Mieux faire connaître ces fonds en France afin d'augmenter le taux de recours.

Premier ministre, ministre chargé de l'Europe, Représentation permanente,

SGAE

2027

Immédiat

Instruction

Instruction, circulaire

v AU NIVEAU DE L'ÉTAT, DE SES AGENCES ET OPÉRATEURS

6. Fixer une doctrine de recours aux aides publiques aux entreprises pour permettre un pilotage stratégique par l'État de ces aides

Lors de son audition par la commission d'enquête le 11 février, M. Maxime Combes, économiste, a rappelé les conclusions d'un rapport de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'administration (IGA) de 2007, qui dénonçait « un fort déficit de pilotage et de régulation de la politique d'aides publiques aux entreprises »

« Nous avons besoin d'un État stratège capable de penser le long terme et de s'engager sur les grandes priorités industrielles de notre secteur » : tels sont les propos tenus le 12 mai 2025 devant la commission d'enquête par M. Rodolphe Saadé, président-directeur général de CMA-CGM.

Comme il a été rappelé précédemment, les travaux de la commission d'enquête ont permis de mettre en lumière le manque de connaissance par les services de l'État eux-mêmes des dispositifs d'aides publiques aux entreprises. Si chaque service administratif maîtrise individuellement les dispositifs d'aide dont il est responsable, et que de nombreux dispositifs font l'objet d'un contrôle rigoureux notamment dans le cadre du contrôle fiscal, les services de l'État interrogés par la commission d'enquête ont tous convergé pour constater que l'État ne disposait pas d'une vision globale et transversale des aides publiques versées chaque année aux entreprises.

En parallèle de l'amélioration de l'information dont disposent le Parlement et le Gouvernement sur les aides publiques aux entreprises, notamment en disposant d'un tableau de suivi exhaustif, les pouvoirs publics doivent formaliser leur doctrine publique de recours aux aides publiques aux entreprises pour disposer d'un instrument de pilotage stratégique des aides publiques aux entreprises.

Cette doctrine d'utilisation des aides publiques aux entreprises serait le pendant, dans le domaine économique, du guide d'action économique élaboré par le Conseil d'État qui concerne le domaine juridique.

Elle rappellerait tout d'abord qu'aucune aide ne doit être versée si le projet est rentable sans soutien extérieur, conformément à ce qu'avait rappelé M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne lors de son audition le 14 mai dernier, lorsqu'il présentait les règles sur les aides d'État : « Pourquoi diable verser de l'argent public à un projet qui générerait du profit sans subvention ? Quelle en serait la rationalité ? Notre but est de faire aboutir des projets qui n'auraient pas pu advenir seuls. » Cette doctrine établirait également les avantages et inconvénients de chaque dispositif d'aide selon l'objectif de politique publique poursuivi, en privilégiant les aides ciblées plutôt que les dispositifs transversaux. La doctrine de l'État fixerait en outre des orientations à moyen et long terme (comme l'État le fait dans le cadre du CORAC, qui est un exemple réussi de pilotage par l'État d'une filière industrielle), prodiguerait des recommandations, proposerait des modèles le cas échéant et donnerait une cohérence à l'action des autres ministères.

La commission d'enquête estime à cet égard que les avances remboursables doivent être davantage encouragées, car il s'agit d'un outil qui met sous tension le bénéficiaire et permet, en cas de bonne fortune, un retour sur investissement partiel ou total à la personne publique. Les subventions garderont en tout état de cause leur intérêt, car les projets d'investissement comportent le plus souvent un volet subventionnel conséquent afin de rassurer les banques et les autres investisseurs.

Cette doctrine devrait être élaborée par une direction générale du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, compte tenu du rôle central de ce ministère.

La direction générale du Trésor ne remplit actuellement que partiellement ce rôle de pilotage des aides publiques aux entreprises. Pourtant, l'arrêté du 18 décembre 2019 portant organisation de la direction générale du Trésor confère d'ores-et-déjà un rôle stratégique majeur à cette direction en matière d'aides publiques aux entreprises car la sous-direction des politiques macroéconomiques « fournit des analyses et des conseils sur les questions relatives à la croissance française et à la conduite de la politique macroéconomique en France », tandis que la sous-direction des politiques sectorielles, « participe à l'élaboration et à l'évaluation économique des politiques publiques » et « propose des orientations stratégiques et des évolutions de réglementations, aux niveaux national et européen, pour les politiques relatives à son champ de compétences », lequel est particulièrement vaste596(*).

La commission d'enquête estime qu'il convient de modifier l'arrêté du 18 décembre 2019 précité afin que la direction générale du Trésor fixe la doctrine d'usage des aides publiques aux entreprises et les orientations à moyen et long terme de l'État.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

10

Formaliser une doctrine de recours aux aides publiques aux entreprises en fixant des critères de choix entre les différents types d'aide et en montrant l'intérêt des avances remboursables.

Désigner une direction générale au sein du ministère de l'Économie et des Finances en charge de piloter les aides publiques de l'État et de définir et appliquer cette doctrine.

Premier ministre

2e semestre 2025

Arrêté du 18 décembre 2019

7. Mettre en place des instruments pour favoriser la mobilisation de l'épargne des Français au bénéfice des entreprises

Au-delà des aides publiques aux entreprises, les autorités publiques sont également responsables de la mise en place d'un cadre normatif et économique favorable au développement des entreprises.

À ce titre, les mécanismes d'aides publiques doivent être complétés par la mise en place d'instruments qui, n'ayant pas la nature d'aide publique, permettent néanmoins de favoriser le développement des entreprises et en particulier leur financement.

Or, comme l'a souligné M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, lors de son audition le 6 mai 2025 devant la commission d'enquête, le développement des entreprises dans le secteur industriel et en particulier des PME industrielles est souvent freiné par la difficulté d'accès au crédit bancaire :

« En France, nous avons la chance de bénéficier de Bpifrance. Cependant, lorsque les besoins en investissement, notamment pour les start-up industrielles, deviennent trop importants, les aides publiques ne suffisent plus. À ce titre, il convient d'identifier des partenaires privés qui puissent compléter l'apport financier de la puissance publique. Afin de retrouver un PIB industriel de 15 % comme en Espagne, il conviendrait d'investir 120 milliards d'euros, soit 30 milliards d'euros de plus que ce que l'économie française investit naturellement. Cependant, ce plan de réindustrialisation nécessite un investissement bancaire et les banques n'y participent pas. Il conviendrait par ailleurs de procéder à une réforme des banques et notamment du financement des PME non cotées et des entreprises en développement. Il importerait également d'amener un fonds souverain à financer ces entreprises en fonds propres. Une partie des entreprises défaillantes le sont par manque de financeurs privés »597(*).

Ce constat est étroitement lié aux caractéristiques de l'économie française et au schéma de financement de l'appareil productif qui repose largement sur la mobilisation du crédit bancaire, à la différence d'autres partenaires, au premier rang desquels les États-Unis où les entreprises sont financées à hauteur de 62 % par le marché.

Structures de financement des entreprises en France et aux États-Unis

(en pourcentage et en 2024)

Source : Commission d'enquête, d'après les données de la Fédération bancaire française

Au regard du besoin de financement des PME industrielles, qui doit être couvert par des investissements et non par des aides publiques sous forme de subvention à fonds perdus, la puissance publique a engagé des actions pour mobiliser l'épargne des Français. Cette mobilisation est d'autant plus nécessaire que l'encours de placements financiers des ménages en France représente une source majeure de financement potentiel à hauteur de 6 400 milliards d'euros. Comme l'a rappelé un article du journal Le Monde du 18 juin 2025, « Au début d'année, les Français ont épargné 18,8 % de leurs revenus, un niveau inédit depuis quarante-cinq ans, et de 5 points supérieur à celui d'avant la crise sanitaire »598(*).

Dans le sillage de la guerre d'agression russe en Ukraine et de l'effort de réarmement du continent européen qui en résulte, le Gouvernement a proposé la création d'un outil sectoriel de financement des entreprises de dépense en mobilisant l'épargne individuelle. En effet, Bpifrance a créé en mars 2025 un produit d'épargne spécifique à destination des particuliers pour souscrire au fonds « Bpifrance Défense », les sommes collectées ayant vocation à être investies dans les besoins en fonds propres des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

Sur le modèle de ce produit d'épargne à destination des ménages, la Banque publique d'investissement pourrait créer un nouveau fonds abondé par la souscription des ménages pour financer les PME industrielles.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

11

Créer un produit d'épargne proposé par Bpifrance ayant pour objet de mobiliser l'épargne des ménages au profit des besoins de financement des PME industrielles.

Bpifrance

2e semestre 2025

Produit d'épargne proposé par Bpifrance

8. Diviser par trois le nombre de dépenses fiscales et de subventions versées par l'État et ses opérateurs à horizon 2030

Une des critiques récurrentes formulées par les personnes auditionnées par la commission d'enquête concerne le manque de lisibilité du système français d'aides publiques aux entreprises.

De fait, la volonté des gouvernements successifs, et des élus locaux, de créer de nouveaux dispositifs pour valoriser leur action ou encore de renommer intégralement ou partiellement des dispositifs existants poursuivant un même objectif conduit à une sédimentation des différents dispositifs qui nuit à leur lisibilité d'ensemble.

Lors de son audition le 10 mars dernier devant la commission d'enquête, la directrice générale adjointe du Trésor, Mme Claire Cheremetinski, a souligné l'empreinte laissée par les dispositifs créés successivement qui aboutissent à un système complexe et peu lisible :

« Nos dispositifs de soutien aux entreprises sont complexes, ils résultent de l'empilement de mesures prises à différentes périodes, avec des modes opératoires différents. Nous partageons votre constat : il est très difficile d'avoir une vision d'ensemble. Il serait peut-être plus simple de partir d'une feuille blanche, mais dans les faits, nous devons nous accommoder de cette complexité et essayer de la réduire autant que possible »599(*).

Or, le rapporteur souligne que cette complexité a une incidence directe sur l'efficacité des aides aux entreprises et du soutien public apporté par les pouvoirs publics au monde économique dans son ensemble. Dans sa revue de dépenses consacrée aux aides à la transition écologique d'avril 2023, l'Inspection générale des finances (IGF) estimait en effet que la complexité administrative des aides publiques dans ce domaine avait un effet direct sur l'accès effectif des entreprises aux dispositifs d'aide et donc sur l'efficacité de ces dispositifs, en privilégiant les entreprises ayant « les moyens d'assurer une forme de veille ou d'être accompagnées »600(*).

La réduction de cette complexité administrative est un objectif difficile à atteindre mais auquel l'État ne doit pas renoncer. Lors de son audition le 7 mai 2025, M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a affirmé qu'« en sept ans, j'ai sept fois fait l'exercice d'étudier les aides aux entreprises, pour sept fois faire chou blanc, sauf sur des montants très réduits, tout simplement parce qu'à chaque fois qu'il y a une aide, elle correspond à une compensation de charges, de taxes ou de prélèvements qui sont excessifs ».

Le président de Fipeco, M. François Ecalle, a souligné à ce titre, lors de son audition devant la commission d'enquête le 1er avril dernier, la nécessité pour l'État de se fixer des objectifs ambitieux en termes de simplification au regard du niveau élevé de complexité de la situation actuelle : « Je suis en effet favorable à une réduction et à une simplification drastique des aides »601(*).

Le rapporteur relève à cet égard que la simplification et la rationalisation du système des aides publiques sont une oeuvre au long cours qui ne pourra être réalisée à brève échéance de manière brutale, au risque de perturber les entreprises. Il est du reste à relever que les experts et praticiens entendus par la commission d'enquête n'ont pas défendu l'idée d'une remise à plat intégrale et immédiate du système d'aides publiques aux entreprises, malgré leur coût majeur pour les finances publiques.

Par suite, la commission d'enquête recommande de fixer un objectif ambitieux de rationalisation consistant à diviser par trois le nombre d'aides publiques aux entreprises à horizon 2030. Au regard de la plus grande souplesse dont dispose l'administration et ses opérateurs dans la dénomination des dispositifs de subvention et la centralisation de leur gestion, cette rationalisation devrait porter dans un premier temps sur le périmètre des subventions budgétaires, en procédant dès que cela est possible au regroupement des aides ayant des objectifs communs ou proches.

Puis l'État devrait diviser d'ici 2030 par trois ses dépenses fiscales en faveur des entreprises, qui sont actuellement au nombre de 255.

Le rapporteur relève à ce titre que le crédit d'impôt recherche, qui correspond à trois aides distinctes dans leur finalité602(*), illustre la possibilité de regrouper sous un même intitulé différentes aides complémentaires.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

12

Rationaliser les aides publiques aux entreprises en divisant par trois le nombre de dépenses fiscales et de subventions budgétaires aux entreprises d'ici 2030.

Gouvernement

2e semestre 2030

Tous moyens

9. Créer un guichet unique dans chaque région sous l'égide du préfet pour attribuer les aides de l'État, et imposer aux agences et opérateurs de l'État de prévoir des conditions d'éligibilité homogènes quand les aides poursuivent un même objectif

Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a rappelé qu'« en élaborant la loi du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement, le législateur souhaitait la création d'un guichet unique ; nous l'avons fait ! » Cet engouement tient à ce que, en sa qualité d'opérateur de l'État, Bpifrance est devenue un acteur incontournable en matière d'aide publique.

Pour autant, Bpifrance ne saurait être qualifiée de guichet unique, loin s'en faut, comme l'a souligné le directeur de la gérance de Michelin, M. Florent Menegaux, lors de son audition par la commission d'enquête le 18 mars dernier :

« Rien que pour le plan France 2030, nous avons deux interlocuteurs : Bpifrance et l'Ademe. Un guichet unique permettrait de simplifier les démarches et d'alléger les coûts de gestion pour les administrations comme pour les entreprises ; l'administration pourrait aussi mieux suivre et mieux contrôler. »

Cette notion de guichet unique est d'autant plus importante qu'elle constitue un des points mis en avant pour expliquer l'efficacité de l'Inflation Reduction Act (IRA). C'est ce qu'a souligné M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies, lors de son audition le 25 mars : « Par comparaison avec l'IRA américain, notre système d'aides est particulièrement complexe. Pour les bornes de recharge électrique, par exemple, nous devons présenter nos projets à quatre guichets : le plan de relance, l'Ademe, le programme Advenir 2025 et les programmes de l'Union européenne - on pourrait simplifier avec un seul guichet, ou même aucun si l'on passe par un crédit d'impôt. » M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence de la Commission européenne, avait partagé cette analyse lors de son audition le 14 mai dernier : « Le dossier est simplifié, le guichet unique fonctionne, et, dès lors qu'il est validé, il n'y a plus d'aléa. Cela paraît plus sûr. »

La création d'un guichet unique est très souvent demandée par les chefs d'entreprise. Elle constituerait une étape logique après la mise en ligne depuis 2015 de toutes les aides publiques, quel que soit le financeur, sur des sites internet dédiés. Cette recommandation répond par ailleurs aux interrogations de la commission d'enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, constituée le 6 février dernier, et qui entend rationaliser les périmètres d'intervention de ces structures.

C'est pourquoi la commission d'enquête invite à ce que, au sein de chaque région, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités603(*) (Dreets), qui sont placées sous l'autorité du Préfet, soient l'unique point d'entrée des entreprises pour toutes les demandes d'aides publiques versées par l'État (subventions, avances remboursables, taux bonifiés, etc.). L'existence d'un guichet unique ne fera pas obstacle à ce que l'instruction soit ensuite déléguée au service le plus compétent en la matière, qu'il s'agisse d'un service déconcentré, d'une agence ou d'un opérateur de l'État.

En complément de la création de ce guichet unique de proximité, il convient de rapprocher les offres des agences et opérateurs de l'État, notamment celles de Bpifrance et de l'Ademe, en les obligeant à harmoniser les conditions d'éligibilité des aides qui poursuivent un même objectif, afin d'en accroître la visibilité pour les entreprises tout en limitant les risques de doublons.

Cette dernière proposition fait écho au souhait exprimé par M. Philippe Salle, président-directeur général d'Atos, lors de son audition le 22 avril dernier :

« Il nous paraît essentiel de mieux coordonner les pratiques d'instruction et de demandes de rapports entre les différentes agences de l'État - Bpifrance, Ademe, ANR, etc. - sur un même type d'aide. Aujourd'hui, une entreprise sollicitant une aide de type R&D auprès de ces différentes institutions est confrontée à des processus d'instruction complètement distincts, à des demandes de documents hétérogènes et à des formats de reporting spécifiques à chaque agence, parfois pour un même type de projet. Cette absence d'harmonisation entraîne des pertes d'efficacité pour l'administration, mais aussi des coûts supplémentaires, des doublons et un risque accru d'erreur pour les entreprises. Il serait pertinent de mutualiser et d'unifier les processus d'instruction, d'audit et de suivi pour des aides comparables. »

Le guichet unique régional devrait également s'accompagner de la désignation d'un seul organisme payeur, comme l'Agence de services et de paiement, ce qui permettrait à la fois de simplifier la vie des entreprises et de faciliter la collecte d'informations statistiques de la part de l'Insee.

Recommandation

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Support

13

Mettre en place un guichet unique dans chaque région, sous l'égide du préfet, pour centraliser les demandes de toutes les aides de l'État aux entreprises ainsi que celles de ses agences et opérateurs.

Imposer aux agences et opérateurs de l'État de prévoir des conditions d'éligibilité homogènes quand les aides poursuivent un même objectif.

Gouvernement

2e semestre 2026

Décret et textes instituant les aides

10. Conditionner le prolongement des principales dépenses fiscales à la production d'une évaluation pour les aides significatives et à une revue de dépenses pour les autres dispositifs

Le renforcement des dispositifs de suivi et d'évaluation des nombreux mécanismes d'aides publiques aux entreprises doit s'inscrire dans une réforme globale : seuls un suivi et une évaluation de qualité permettent de corriger des dispositifs voire de les supprimer s'ils ne présentent pas l'efficacité attendue.

Pour cette raison, l'article 7 de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027604(*) fixe un cadre rigoureux de suivi et d'évaluation des dépenses fiscales en prévoyant que les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées que pour une durée maximale de trois ans et à condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation présentée par le Gouvernement : « Les dépenses fiscales instituées par une loi promulguée après le 1er janvier 2024 sont applicables pour une durée qui est précisée par la loi les instituant et qui ne peut excéder trois ans. Les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de trois ans et à la condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l'efficacité et le coût de celles-ci. »

Le rapporteur relève cependant que cette norme, qui est de niveau législatif, n'est pas systématiquement suivie par le Gouvernement et par le Parlement lors de l'élaboration et le vote des projets de loi de finances.

Au regard de la dispersion des moyens alloués aux aides publiques aux entreprises et de la nécessité de rationaliser le système français d'aides aux entreprises, il est impératif qu'une portée effective soit donnée à cette règle. Lors de son audition le 3 mars 2025 devant la commission d'enquête, Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a souligné la nécessité d'appliquer aux dépenses fiscales un cadre de suivi et d'évaluation comparable à celui applicable aux subventions budgétaires :

« Nous devrions en outre nous obliger à évaluer régulièrement l'ensemble des aides aux entreprises. La Cour a plaidé, notamment pour les dépenses fiscales, en faveur d'une clause de revoyure systématique : après trois ans, au maximum, on évalue, et si l'évaluation n'est pas concluante, on en tire les conclusions en arrêtant ou en redéfinissant le dispositif. Pour certains dispositifs que vous avez votés, notamment dans les lois organiques relatives aux exonérations de cotisations sociales ou la loi de programmation des finances publiques, un programme d'évaluation régulier est prévu. Le cadre existe donc, mais il faut le mettre en oeuvre plus systématiquement et en tirer les conséquences en cas d'évaluation défavorable. »

Le rapporteur estime à ce titre que le Parlement et le Gouvernement doivent se saisir des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 en appliquant strictement la subordination de toute prolongation d'une dépense fiscale au-delà de trois ans à la production d'une évaluation démontrant l'utilité, la pertinence et l'efficacité de cette aide.

À terme, il conviendra de fixer des objectifs plus ambitieux dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, afin de :

- viser toutes les aides, y compris en stock, et plus seulement celles en flux comme dans le droit en vigueur ;

- maintenir l'obligation d'une évaluation publique pour les dépenses fiscales supérieures à 50 millions d'euros (soit 37 dispositifs aujourd'hui) ;

- assouplir en revanche l'obligation actuelle en imposant que les dépenses fiscales inférieures à 50 millions fasse l'objet d'une simple revue de dépenses ;

- relever de 3 à 4 ans la période de référence pour les évaluations et les revues de dépenses afin de disposer d'une durée pertinente pour apprécier l'efficacité de la dépense fiscale.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

14

Subordonner, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, la prolongation au-delà de quatre ans d'une dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros par an à la production d'une évaluation publique, et à une simple revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil.

Parlement, Gouvernement

2027

Loi

11. Rééchelonner le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) lorsque la situation des entreprises concernées le justifie

Les prêts garantis par l'État (PGE) correspondent à des prêts bancaires auxquels l'État a apporté une garantie atteignant jusqu'à 90 % pour les plus petites entreprises. Il s'agit d'une des mesures de soutien à l'économie les plus massives accordées après le déclenchement de la crise sanitaire, approuvée par le Parlement dans la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 et mise en oeuvre par un arrêté en date du même jour. Entre mars et juin 2020, cette mesure a permis aux banques d'accorder des prêts aux entreprises, étant rappelé que le montant des PGE s'est élevé à plus de 96 milliards d'euros.

Un grand nombre de grandes entreprises auditionnées ont soit refusé de solliciter un PGE, soit l'ont remboursé très rapidement.

Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 mars 2020 instituant les PGE, la durée normale du prêt « ne pourra en tout état de cause pas excéder une période de 6 ans à compter de la date du premier décaissement du prêt ». Des exceptions sont prévues quand l'entreprise est par exemple en liquidation. En général, chaque entreprise a fixé elle-même la durée du prêt avec la banque et elle avait la faculté de le rembourser de manière anticipée.

L'encours des PGE restant à rembourser atteint 37 milliards d'euros au total pour les TPE, les PME et les ETI à la fin du mois de janvier 2025, soit 25 % du montant total des prêts à ces entreprises.

Lors de son audition le 6 mai 2025 devant la commission d'enquête, M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, a souligné le fait qu'il était possible de négocier avec la Commission européenne un allongement de la durée de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) pour éviter une fragilisation du tissu économique français :

« Aujourd'hui, au terme de cinq ans, l'État doit donc procéder à des recouvrements et cette situation engendre une forte instabilité économique. La politique publique instruite par le gouvernement actuel mène à la destruction de l'économie. J'ai échangé avec le ministre de l'économie, je lui ai dit de prévoir une durée de remboursement des PGE de 10 ans car le recouvrement actuel des 18 milliards d'euros détruira l'économie. Il convient absolument d'allonger la durée de remboursement de ces prêts »605(*).

Pour tenir compte du risque qu'une approche guidée uniquement par un objectif de recouvrement ferait peser sur certaines PME qui connaissent des difficultés de trésorerie alors que leur rentabilité à moyen terme est assurée, la commission d'enquête recommande un assouplissement du cadre des prêts garantis par l'État (PGE) en allongeant à dix ans la durée maximale de remboursement. Cet assouplissement devrait être mené en bonne intelligence avec la Commission européenne et dans le cadre d'une négociation avec les autorités politiques de l'Union européenne pour garantir sa conformité avec les règles sur les aides d'État.

Les travaux d'évaluation du dispositif des prêts garanties par l'État menés par la Cour des comptes et ayant abouti à la publication en juillet 2022 du rapport « Les prêts garantis par l'État. Une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire » doivent être poursuivis et renforcés dans le cadre de la phase de remboursement de ces prêts. Ces travaux complémentaires d'évaluation devront permettre de déterminer avec précision l'usage qui a été fait par les entreprises bénéficiaires des PGE et éclairer la décision publique dans l'hypothèse d'une nouvelle crise exogène majeure provoquant un ralentissement subit de l'activité économique. Ils permettront également d'objectiver les motifs pour lesquels certaines entreprises économiquement viables ont demandé à bénéficier d'une prolongation de la durée maximale de ces prêts de trésorerie. En tout état de cause, si une nouvelle crise survient, les conditionnalités des futurs PGE devront être compatibles avec la nécessité d'une action rapide des pouvoirs publics.

Si de nouveaux PGE devaient à l'avenir être accordés aux entreprises en cas de survenance d'une nouvelle crise, la commission d'enquête préconise de fixer d'emblée un délai de remboursement sur dix ans.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

15

Allonger la durée maximale de remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) en la portant à dix ans.

Prévoir d'emblée une durée de remboursement de dix ans si de nouveaux PGE sont accordés.

Gouvernement

2e semestre 2025

Arrêté

12. Réformer la procédure de déclaration et de contrôle du crédit d'impôt recherche (CIR) pour faciliter son suivi et recentrer le dispositif

Le crédit d'impôt recherche (CIR), première dépense fiscale du budget de l'État avec un coût de 7,9 milliards d'euros en 2024, est également une aide essentielle à la vitalité de la recherche privée en France et plus largement au tissu économique au regard du nombre de bénéficiaires qui atteint 15 507 entreprises en 2024.

À ce titre, le président de La Fabrique de l'industrie M. Louis Gallois a souligné le 6 février 2025 devant la commission d'enquête le caractère stratégique du CIR pour la compétitivité des entreprises françaises :

« Le crédit d'impôt recherche (CIR) prête plus à débat. J'en suis un très ferme défenseur, peut-être par attachement historique, car il a été créé lorsque j'étais directeur de cabinet du ministre de la recherche et de la technologie. On dit qu'Airbus ne fait pas plus de recherche grâce à lui. C'est exact, mais celle-ci a lieu en France. Si l'essentiel du bureau d'études du groupe est encore dans l'Hexagone, et non en Allemagne, c'est parce que les conditions y sont plus compétitives en termes de coûts - nos ingénieurs gagnent 3 à 4 fois le Smic. Le CIR joue un rôle décisif à cet égard, même si le lancement d'un avion n'en dépendra peut-être pas. Il a un effet beaucoup plus stimulant, eu égard au volume de recherche, sur l'ensemble du tissu industriel. »606(*)

L'importance critique de cette aide dans le secteur aéronautique, qui a un caractère structurant pour la balance commerciale française, a également été soulignée par le directeur général d'Airbus M. Guillaume Faury lors de son audition le 22 avril dernier devant la commission d'enquête :

« Le CIR est une autre façon de rendre les activités de recherche et de technologie plus compétitives en France. Pour garder une activité industrielle dans notre pays, il est essentiel de s'appuyer sur ces points forts. C'est pourquoi le Corac et le CIR sont tout à fait bienvenus. Si nous n'étions pas attractifs en matière de technologies et de recherche, la phase de développement et d'industrialisation ne se ferait plus en France. En effet, c'est près de là où l'on a les technologies et le savoir-faire que l'on développe, et près de là où l'on a développé que l'on produit. L'effet démultiplicateur du Corac est absolument considérable à long terme. Le soutien à la recherche et à l'innovation est absolument consubstantiel à la capacité de la France à être exportatrice. »

Au regard de cette importance structurelle du CIR dans le tissu économique français, en particulier pour les entreprises industrielles dont l'activité est plus intensive en recherche et développement que les entreprises de service, toute réforme transversale du CIR devrait être précédée d'un travail de concertation large associant les représentants des secteurs économiques exposés à la concurrence internationale, ainsi que d'une étude d'impact, conformément à l'une des recommandations de la commission d'enquête.

La commission d'enquête estime qu'une réflexion pourrait être engagée sur plusieurs aspects de l'aide dont notamment :

- l'évolution des règles des dépenses de sous-traitance dans l'assiette du CIR (le plafond actuel pourrait être abaissé de manière significative, par exemple à 5 ou 7 millions au lieu de 10 millions, et le taux de 30 % réduit à 15 ou 20 %) ;

- l'exclusion de certains secteurs d'activité. En effet, lors de son audition par la commission d'enquête, M. Arnaud Montebourg, avait affirmé que « la Commission européenne a évolué dans sa doctrine et il nous serait possible de sectoriser le CIR. Cependant, il convient de s'assurer que cette sectorisation ne perturbe pas l'ensemble du tissu industriel français. Il n'y a pas d'innovation dans la grande distribution, ni dans la banque, et s'il y en a, ces entreprises doivent la financer seules. Je ne dissuaderai aucun parlementaire qui aurait l'idée de sectoriser le CIR, à la condition que cette réforme ne déstabilise pas les autres secteurs » ;

- l'articulation du CIR avec les aides existantes en matière d'industrialisation pour favoriser l'implémentation en France ou en Europe des solutions techniques développées grâce au CIR. Il pourrait également être envisagé de prévoir une forme de bonus au sein du CIR lorsqu'une innovation a été financée grâce à ce dispositif avant de donner lieu à une industrialisation en France ou en Europe. Un tel mécanisme aurait pu inciter une entreprise comme STMicroelectronics à industrialiser en France, et non en Chine, ses innovations financées par le CIR et développées sur le territoire national.

Parallèlement à ces chantiers structurels qui supposent une réflexion collective au long cours, les travaux de la commission d'enquête ont permis de mettre en lumière le fait que le contrôle fiscal des créances attribuées sur le fondement du CIR, à partir des données déclaratives, est complexifié par la latitude qui est laissée aujourd'hui à l'ensemble des entreprises de modifier radicalement la description des projets de recherche607(*).

C'est pourquoi la commission d'enquête estime que l'introduction de la notion d'opposabilité de la documentation déposée par les entreprises, sur le modèle de la réforme introduite par la loi de finances initiale pour 2024608(*) concernant les prix de transfert, serait de nature à réduire les éventuels recours abusifs au dispositif du CIR.

Par ailleurs, le CIR ne fait pas exception quant au défaut général de suivi régulier des effets de cette mesure d'aide aux entreprises. En effet, les obligations déclaratives actuelles des sociétés bénéficiaires du CIR répondent strictement à une logique fiscalo-comptable dans le but d'établir et de contrôler le montant de l'aide due. Si ces obligations sont naturellement nécessaires et doivent être conservées, elles ne permettent pas à l'administration de disposer d'informations plus larges sur le comportement des entreprises bénéficiant du CIR.

Pour faciliter le suivi du CIR et son évaluation, la commission d'enquête propose par conséquent de compléter la déclaration fiscale par une déclaration administrative aux seules fins de suivi de l'efficacité et de la pertinence du dispositif, qui comporterait notamment le nombre de chercheurs, cette donnée étant étrangement absente des formulaires du fisc.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

16

S'agissant du crédit d'impôt recherche (CIR), engager une réflexion portant sur la réduction du plafond de sous-traitance du CIR et du taux applicable, l'exclusion du dispositif de certains secteurs d'activité et la promotion de l'industrialisation en France et en Europe des procédés qui ont été découverts grâce à cette dépense fiscale.

Rendre opposable la documentation déposée par les entreprises lors de leur déclaration afin de faciliter le contrôle fiscal.

Réformer la procédure de déclaration du crédit d'impôt recherche pour disposer de données à des fins statistiques.

Gouvernement, Parlement

2e semestre 2025

Loi

v AU NIVEAU DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

13. Engager une réflexion sur l'efficacité des allègements de cotisations sociales par secteurs d'activité

Les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont été chargés par l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, de proposer une réforme à coût constant pour les employeurs visant à renforcer la progressivité du coût salarial. Dans leur rapport609(*), ils ont proposé un scénario « central » de réforme qui visait à réduire le niveau d'exonération au niveau du Smic de 4 points à terme, en utilisant les recettes supplémentaires pour financer une courbe plus progressive des exonérations de cotisations patronales. Ce scénario ambitieux permettrait une suppression des effets de seuil pour l'employeur et aboutirait, selon eux, à une destruction de 28 000 emplois pour les salaires compris entre 1 et 1,2 Smic, et à la création de 37 500 emplois au-dessus de 1,2 Smic. En revanche, cette réforme pourrait renchérir les coûts des entreprises où les rémunérations sont concentrées au niveau du Smic, au risque de mettre en difficulté des secteurs déjà vulnérables tels que la propreté ou le médico-social.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le Gouvernement a finalement privilégié une logique de rendement, en recherchant une baisse des allègements de cotisations patronales de 4 milliards d'euros, finalement ramenée à 1,6 milliard d'euros dans le texte adopté.

La réforme adoptée est prévue en deux temps :

- dès 2025, les bandeaux famille et maladie sont rognés, et ne s'appliquent respectivement plus que jusqu'à 2,25 et 3,3 Smic610(*), tandis que la prime de partage de la valeur (PPV) est intégrée à l'assiette de calcul de la réduction générale ;

- en 2026, les bandeaux familles et maladie seront supprimés, et les allègements généraux distribués de façon dégressive jusqu'à 3 Smic.

Ces mesures volontaristes en faveur d'une maîtrise budgétaire ne peuvent cependant pleinement satisfaire, car elles ne permettent pas de faire l'économie d'une réflexion plus générale sur l'efficacité des exonérations de cotisations sociales en fonction des spécificités de secteurs d'activité. Compte tenu de l'obligation pour toute commission d'enquête de publier son rapport dans un délai de six mois, il n'a pas été possible d'instruire plus avant ce champ d'étude.

Cependant, la commission d'enquête souhaite qu'une réflexion avec des économistes soit engagée sur les trois sujets suivants.

En premier lieu, quelles seraient les conséquences, en termes d'emplois et par secteurs d'activité, de la suppression des exonérations de cotisations sociales au-delà de 1,6 Smic ? En effet, MM. Laurent Cordonnier et Jordan Melmies, ont rappelé lors de leur audition le 13 février dernier qu'il existe « un large accord » « au sein des économistes (...) pour considérer que les exonérations sociales accordées sur des salaires dépassant 1,6 fois le Smic ne servent à rien ». M. Laurent Cordonnier avait d'ailleurs ajouté qu'il « serait donc possible de récupérer à tout le moins 20 milliards d'euros qui ne servent pas à grand-chose, voire à rien, sur les 75 milliards d'euros par an d'exonérations fiscales et sociales. ». Le rapporteur relève que lors de son audition par la commission d'enquête le 5 mai dernier, Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a affirmé que « jusqu'à 1,6 Smic, les allègements sont, clairement, un élément important d'attractivité. En revanche, il y a bien une question autour des trappes à bas salaires, on ne peut le nier ». Le risque de trappe à bas salaires a également été souligné par M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, lors de son audition le 7 mai 2025 : « La vraie difficulté, c'est le profil des allègements de charges, il faut faire attention à ne pas créer une trappe à pauvreté avec le seuil d'allègement des charges ou des cotisations ». Le rapporteur est pleinement conscient de l'extrême complexité de la question du niveau des allègements de cotisations sociales, et relève que certains secteurs d'activité comme la propreté ont développé des modèles économiques très dépendants de leurs montants. De fait, lors de son audition par la commission d'enquête le 6 mai 2025, Mme Émilie de Lombarès, présidente du directoire de la société Onet, a indiqué que « 75 % de nos salaires sont compris entre 1 et 1,6 Smic », ajoutant que « les allègements, souvent perçus comme des aides aux entreprises, sont désormais des données d'entrée pour déterminer nos prestations et nos tarifs » et concluant qu'« il est impossible de chiffrer nos prestations sans tenir compte de ces allègements, tant leur niveau est élevé par rapport à nos marges ».

En deuxième lieu, quels seraient les secteurs dans lesquels des exonérations plus généreuses devraient à l'inverse être octroyées pour préserver la compétitivité des entreprises françaises ? De fait, lors de son audition le 6 février dernier devant la commission d'enquête, M. Louis Gallois a affirmé que « c'est sur les tranches supérieures - entre 3 et 4 fois le Smic - que le désavantage compétitif de la France était le plus fort » en 2012 avec l'Allemagne, ajoutant que « chez Airbus, et cela se vérifiait dans d'autres entreprises, un cadre qui gagnait 4 fois le Smic coûtait 30 % plus cher en France qu'outre-Rhin ».

En dernier lieu, quel niveau d'exonération retenir pour les publics particulièrement fragiles en termes d'emploi ou pour les entreprises situées sur des territoires nécessitant un soutien public ?

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17

Poursuivre la réflexion sur l'efficacité des allègements de cotisations sociales par secteurs d'activité.

Gouvernement et Parlement

Immédiat

Rapport

14. Renforcer la coordination entre les régions et l'État en matière d'aides aux entreprises

Les régions constituent l'échelon de collectivités territoriales ayant la qualité de chef de file en matière d'intervention dans le domaine économique et le monopole de principe des aides publiques aux entreprises.

La commission d'enquête prend acte de l'impact des aides régionales sur certains projets : quelques millions ou dizaines millions d'euros représentent une part faible en proportion du soutien apporté par l'État, mais ces aides ont parfois un effet déterminant pour qu'un projet voie le jour ou soit développé dans une région en particulier. De fait, M. Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, a indiqué lors de son audition le 11 juin dernier, que « les collectivités locales participent à hauteur de près de 10 % à l'investissement global d'ACC. [...] si je n'avais pas proposé cet investissement de 10 %, ACC ne se serait pas installé dans ma région ! [...] ces 10 % peuvent faire toute la différence. »

Pour autant, la coexistence de la compétence des régions et de celle de l'État en matière d'aide publique aux entreprises contribue non seulement à l'illisibilité du système d'aide publique aux entreprises mais également au risque d'enchevêtrement entre les aides nationales et les aides régionales avec le risque qu'une entreprise perçoive deux aides distinctes pour un même objectif. Les conséquences de la multiplication des dispositifs d'aides et de leur enchevêtrement a été mis en lumière par l'économiste Laurent Cordonnier lors de son audition le 13 février dernier devant la commission d'enquête :

« Les aides régionales se sont multipliées. Les vecteurs et les formules d'aides ont fleuri. Par exemple, les sites internet de certaines régions font figurer le mot « aides » dans leurs trois principaux onglets. La région se présente alors un peu comme un guichet destiné à répondre aux problèmes qui se posent. Un effet de chalandise existe ; vous l'avez très bien décrit. Un expert ou un juriste sera capable de trouver une aide dans le catalogue de dispositifs disponibles. Il serait positif de délivrer les régions de ce piège »611(*).

La piste d'une « recentralisation » au niveau de l'État des aides publiques versées par les régions aux entreprises ne semble pas pertinente aujourd'hui, dans la mesure où les exécutifs régionaux accordent une place déterminante à cet outil pour promouvoir l'activité économique sur leurs territoires. Les présidents de conseils régionaux s'appuient sur une connaissance fine de leurs territoires, et témoignent d'un dynamisme salutaire et d'une vision stratégique pour relancer l'industrie en France, laquelle est hélas absente au niveau des administrations centrales.

La commission d'enquête estime en revanche que les relations entre les ministères et les présidents de conseils régionaux ne doit plus passer exclusivement par des relations interpersonnelles ponctuelles, mais par un dialogue institutionnel continu au niveau national au sein d'une structure légère. Régions de France semble de prime abord l'interlocuteur privilégié pour mettre en oeuvre ce dialogue.

Il convient en outre d'engager une réflexion sur les moyens de rationaliser les aides régionales et celles de l'État, qui font souvent doublon en matière d'investissement ou de décarbonation. Lors de l'audition de M. Xavier Bertrand du 11 juin précitée, le rapporteur a émis l'hypothèse de réserver à l'État les aides versées aux grandes entreprises, compte tenu de leur rôle stratégique pour la Nation, et de donner la compétence aux régions pour les aides versées aux autres entreprises (TPE, PME et ETI) en raison de leurs conséquences en matière d'aménagement du territoire. M. Xavier Bertrand n'a pas soutenu cette proposition, considérant qu'il n'avait pas l'assurance que l'État jouerait un rôle stratégique pour attirer des grandes entreprises et relancer l'industrie en France.

La réflexion devrait également se porter sur le monopole des régions pour attribuer des aides dans des sujets spécifiques, comme les aides aux entreprises en difficulté ou les aides à l'export. Dans cette hypothèse, l'État et ses opérateurs délégueraient leurs compétences aux régions.

Une autre piste visant à rationaliser l'action de l'État et des régions a été formulée par M. Xavier Bertrand lors de son audition : celle de la déconcentration de l'administration de l'État au profit des préfets de région. En effet, l'intéressé a déclaré : « Je plaide non seulement en faveur de la décentralisation, mais aussi pour une déconcentration forte, placée sous l'autorité des préfets de région, en partenariat étroit avec les conseils régionaux. J'y crois profondément. Trop de décisions continuent d'être prises depuis Paris. La France est un pays remarquable, mais un État qui prétend tout gérer depuis la capitale ne peut pas disposer d'une vision juste et adaptée des réalités locales. Si l'on déconcentrait une part des crédits en les plaçant à la main des préfets, on gagnerait en coordination. »

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18

Renforcer la coordination entre les régions et l'État en matière d'aides aux entreprises, notamment en prévoyant un dialogue continu au sein d'une structure nationale.

Gouvernement, Parlement

1er semestre 2026

Loi

C. UN « CHOC DE RESPONSABILISATION » DES ENTREPRISES SUR LA CONDITIONNALITÉ DES AIDES ET LE VERSEMENT DES DIVIDENDES

1. Interdire l'octroi d'aides publiques et imposer leur remboursement aux entreprises condamnées pour une infraction grave ou qui ne publient pas leurs comptes

Lors de ses travaux, la commission d'enquête a constaté qu'une interdiction d'octroyer des aides publiques à une entreprise ayant commis une infraction grave, voire une obligation de remboursement dans pareil cas, existe dans différents domaines. La professeure Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité, a ainsi souligné que « pour les fonds européens, il est impossible de prétendre à de nouvelles aides en cas d'infraction, ou si l'on doit rembourser des aides et que l'on ne l'a pas encore fait. » De même, dans le cadre de la répression du travail illégal, le remboursement des aides publiques perçues est prévu pour tout employeur condamné pour travail dissimulé612(*).

Cependant, le champ des aides et des infractions couvertes par le droit en vigueur paraît réduit, et c'est pourquoi la commission invite à l'étendre. Seraient ainsi tenues de rembourser les aides perçues, et ne pourraient plus y prétendre durant une durée suffisamment incitative, les entreprises ayant été condamnées de manière définitive en matière de fraude fiscale, de travail illégal613(*), de discrimination systémique ou de police de l'environnement.

Ce remboursement ne pourrait être prononcé que dans un délai de deux ans après la publication de la condamnation définitive, afin que la mesure soit proportionnée aux manquements constatés et prévoie une forme de « droit à l'oubli » pour les entreprises concernées une fois ce délai écoulé.

En revanche, les aides publiques ne pourraient être octroyées qu'après un délai de cinq ans après la publication des condamnations définitives précitées.

La commission d'enquête souhaite également que les sociétés qui ne publient pas leurs comptes614(*) ne puissent pas percevoir des aides publiques aussi longtemps qu'elles n'ont pas rempli leurs obligations légales : il s'agit non seulement d'une obligation juridique mais aussi d'une exigence démocratique de transparence.

Pour mémoire, lors de son audition le 27 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Stéphane Hayot, directeur général du Groupe Bernard Hayot (GBH), avait indiqué que « 80 % des entreprises en outre-mer ne déposent pas leurs comptes. Nous avons toujours déposé nos comptes auprès de l'administration chaque année et nous les fournissons aux autorités de contrôle à chaque demande. Cependant, nous ne souhaitions pas les rendre publics, ce qui a effectivement créé de la suspicion. Nous avons récemment déposé nos comptes consolidés des cinq dernières années », après une injonction du tribunal début 2025 », ajoutant « nos comptes sont maintenant déposés et accessibles. Vous pouvez les consulter. Le sujet est donc réglé ». Lors de son audition le 17 juin, M. Emmanuel Besnier, président-directeur général de Lactalis, a reconnu que le groupe n'avait pas publié ses comptes jusqu'à 2018.

Enfin, la commission d'enquête rappelle qu'il sera bientôt possible, en cas de suspicion de fraude, de suspendre l'instruction d'une demande d'aide publique aux entreprises, voire de la rejeter615(*).

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

19

Interdire l'octroi d'aides publiques et imposer leur remboursement aux entreprises condamnées de manière définitive pour une infraction grave ou qui ne publient pas leurs comptes.

Gouvernement

Parlement

Immédiat

Loi

2. Prévoir systématiquement en amont de l'octroi d'une aide de l'État ou des collectivités territoriales les conditions relatives à son remboursement partiel ou total

Afin de garantir une utilisation responsable et conforme à l'intérêt général des aides publiques octroyées aux grandes entreprises, la commission d'enquête recommande d'instaurer de manière systématique, dès l'attribution de l'aide, des conditions précises relatives à son éventuel remboursement, partiel ou total. Ces clauses doivent prévoir explicitement les cas dans lesquels une entreprise bénéficiaire serait tenue de restituer les fonds reçus.

En particulier, la commission se prononce en faveur d'une disposition législative transversale visant à permettre un remboursement automatique des aides perçues en cas de délocalisation d'un site ou d'une activité ayant justifié l'aide, dans un délai de deux ans suivant son octroi. Seraient concernées les aides versées par l'État et les régions, ainsi que celles octroyées par les communes et les EPCI qui sont compétents en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles, voire dans certains cas les aides accordées par les métropoles. Cette exigence vise à décourager les comportements opportunistes, à renforcer la transparence dans l'utilisation des fonds publics, et à assurer un juste retour sur investissement pour la collectivité. Le délai de deux ans semble approprié : au-delà, les vicissitudes de la vie économique ne permettent pas à un chef d'entreprise de bonne foi d'avoir une vision claire sur la pérennité économique d'un site.

Le suivi territorialisé de cette disposition devrait être confié aux Dreets, conjointement à leur rôle d'homologation des plans de sauvegarde de l'emploi.

Recommandation

Libellé

Destinataire

Échéancier

Support

20

Imposer le remboursement total d'une aide de l'État ou des collectivités territoriales si l'entreprise procède à une délocalisation d'un site ou d'une activité ayant justifié l'aide dans les deux années suivantes, et prévoir les autres conditions de remboursement, partiel ou total, dès l'octroi de l'aide.

Gouvernement

Collectivités territoriales

Immédiat

Loi

3. Exclure les aides publiques du périmètre du résultat distribuable, à l'exception des exonérations et allègements de cotisations sociales

Au fil de ses travaux, la commission d'enquête a pu tester auprès des personnes auditionnées l'idée d'exclure les aides publiques perçues par les entreprises du périmètre du résultat distribuable servant de base au versement de dividendes aux actionnaires.

Cette mesure de bon sens vise à garantir que l'argent public mobilisé au soutien d'une entreprise soit exclusivement affecté à l'objectif qui a motivé l'octroi de l'aide - qu'il s'agisse de préservation de l'emploi ou de la compétitivité, d'investissement productif ou bien de transition environnementale.

Cette mesure devrait, selon la commission d'enquête, s'appliquer uniquement aux aides versées par l'État, les collectivités territoriales et celles financées par des fonds européens : elle ne s'appliquerait donc pas aux allègements et cotisations sociales dont bénéficie l'entreprise. Cette recommandation suppose en pratique une adaptation du cadre comptable et fiscal afin de neutraliser l'effet des aides publiques dans la détermination du bénéfice distribuable. Elle contribuerait à renforcer la légitimité de l'action publique auprès des citoyens, en évitant que les aides contribuent au financement des dividendes, parfois en contradiction avec la situation économique de l'entreprise, ou du moins de l'un de ses sites.

La commission souligne que cette exclusion ne remet pas en cause le droit des entreprises à rémunérer leurs actionnaires, mais encadre ce droit. Par ailleurs, certains dirigeants d'entreprise auditionnés ont indiqué eux-mêmes souscrire à cette logique. M. Olivier Andriès, directeur général de Safran, a ainsi précisé lors de son audition par la commission d'enquête le 31 mars 2025 : « Nous avons déduit ces montants [d'aides] de notre résultat distribuable, ce qui a mécaniquement réduit le niveau des dividendes versés. Notre politique de distribution repose sur un taux nominal de 40 % du résultat distribuable ».

La mise en place de cette mesure nécessiterait donc de modifier la définition du bénéfice distribuable mentionnée à l'article L. 232-11 du code de commerce, afin de le définir comme « le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes antérieures, des aides publiques perçues au cours de l'exercice précédent à l'exception des exonérations et allègements de cotisations sociales, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire. »

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21

Exclure les aides publiques du périmètre du résultat distribuable, à l'exception des exonérations et allègements de cotisations sociales.

Gouvernement et Parlement

1er semestre 2026

Loi

4. Pour des raisons d'exemplarité, inviter le groupe Michelin à rembourser une partie du CICE perçue sur le site de la Roche-sur-Yon fermé en 2020

Dans une question écrite du 31 octobre 2019, le rapporteur avait interrogé M. Bruno Le Maire, alors ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, au sujet de l'utilisation faite par le groupe Michelin du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sur son site de La Roche-sur-Yon, qui a fermé ses portes quelques mois plus tard en 2020.

Le groupe Michelin avait perçu au titre du CICE 4,3 millions d'euros pour l'achat sur ce site de huit machines, dont deux seulement ont été installées, les six autres ayant été envoyées dans des établissements roumains, polonais et espagnols sans jamais être utilisées en France.

Le rapporteur demandait en conséquence si le Gouvernement envisageait « de demander un remboursement du CICE perçu pour ce site à Michelin, l'utilisation faite ne correspondant pas aux exigences en termes d'emploi, de développement et d'innovation »616(*).

La réponse apportée le 27 août 2020 par le ministre ne mentionnait pas le sujet du remboursement d'une partie du CICE.

Interrogé par le rapporteur sur ce sujet lors de son audition du 18 mars 2025 par la commission d'enquête, M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin, a indiqué ne pas connaître le « détail du dossier », mais il a considéré que « l'on devrait être capable de rembourser si le CICE n'a pas servi pour les machines restées en France », « ce ne serait pas anormal qu'on les rembourse ».

Lors de son audition le 7 mai par la commission d'enquête, M. Bruno Le Maire, ancien ministre, a indiqué : « Très honnêtement, je n'ai pas de souvenir précis de cet épisode avec Michelin. Cela illustre ce que je disais tout à l'heure : dès lors qu'il y a un mauvais emploi des fonds publics, plutôt que de changer l'intégralité du dispositif, il vaut mieux exiger de l'entreprise, y compris de manière publique, qu'elle rembourse l'argent. Et pour des raisons strictement réputationnelles, il est probable qu'effectivement, grâce à votre pression, Michelin remboursera ses six machines-outils ». Il a ajouté que « si les démarches nécessaires n'ont pas été faites à ce moment-là, c'était une erreur. L'essentiel, c'est que lorsqu'il y a de l'argent public qui a été mal employé, il puisse être remboursé grâce à la transparence que vous suggérez. Ce sera le cas en l'espèce, ce qui est une très bonne chose. »

M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a concédé, lors de son audition par la commission d'enquête le 15 mai dernier, que « cet élément » lui avait « échappé dans l'audition de Florent Menegaux » mais que ses services allaient « examiner ce sujet ». Il a ajouté : « Je suis très surpris qu'une entreprise comme Michelin ait bénéficié d'une aide sans mettre en place l'installation prévue. Mais s'ils le reconnaissent, cela doit être vrai. »

C'est pourquoi la commission d'enquête recommande au groupe Michelin de rembourser spontanément, même en l'absence de base juridique opposable, la partie du CICE perçue pour l'achat de six machines qui n'ont finalement jamais été utilisées sur le site de la Roche-sur-Yon. Le groupe Michelin ferait preuve ainsi d'exemplarité, en montrant à nos concitoyens que les grandes entreprises ont le souci de la bonne utilisation des deniers publics.

Recommandation

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22

Pour des raisons d'exemplarité, inviter le groupe Michelin à rembourser la part de CICE perçue pour l'achat de six machines qui n'ont jamais été utilisées sur le site de la Roche-sur-Yon fermé en 2020 et qui ont été transférées dans d'autres établissements en Europe.

Michelin et Gouvernement

Immédiat

Instruction

D. UN « CHOC D'ÉVALUATION » DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES

Notre pays ne doit plus avoir la passion des normes, mais celle de l'évaluation. Bien souvent les objectifs de communication politique ont primé sur la concertation, le ciblage des aides publiques et l'élaboration en amont d'un cadre sérieux d'évaluation de leurs effets.

En somme, évaluer doit devenir une « seconde nature » pour les responsables politiques et l'administration. C'est à ce prix que la confiance des citoyens dans l'action publique sera retrouvée.

1. Prévoir les conditions d'évaluation des aides dès leur création

Lors de son audition le 3 mars 2025 par la commission d'enquête, Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a abondé dans le sens de plusieurs commissaires en indiquant que selon la Cour « la qualité de ces évaluations est variable, selon, notamment, que le recueil des données nécessaires au suivi et à l'évaluation a été prévu ou non dès l'élaboration du dispositif. Les efforts doivent se poursuivre pour concevoir, dès la création d'une aide aux entreprises, le dispositif qui garantira son suivi et pour définir les indicateurs qui permettront son évaluation, et, le cas échéant, l'évolution de ces derniers. »

Cette recommandation, partagée par l'ensemble des commissaires, doit faire l'objet d'une attention particulièrement rigoureuse de la part des personnes qui octroient des aides. Elle suppose de systématiquement privilégier la mise en place d'aide publique de façon temporaire ou expérimentale, en subordonnant le maintien ou la pérennisation de l'aide à une mesure d'évaluation (ou à une revue de dépenses) communiquée au Parlement ou produite par le Gouvernement.

Le rapporteur ayant cependant constaté la difficulté de procéder à certaines évaluations, faute de données ou de volonté suffisante une fois la mesure adoptée, il préconise de fixer les conditions d'évaluation dans le texte juridique qui instaure la mesure d'aide. Ce travail a priori doit notamment permettre de bâtir un protocole expérimental robuste, et de s'assurer de la collecte des données nécessaires durant les premières années de déploiement d'une aide.

Recommandation

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23

Fixer les conditions dans lesquelles une aide publique sera évaluée dès le moment de sa création.

Gouvernement, Sécurité sociale, collectivités territoriales et Parlement

Immédiat

Instruction

2. Consolider les indicateurs de performance associés aux dépenses fiscales dans la documentation budgétaire en opérant le suivi prioritaire des plus coûteuses d'entre elles

La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 1er août 2001 avait notamment pour objectif de mettre en place des instruments de pilotage par la performance des dépenses publiques.

C'est dans ce contexte qu'ont été créés des indicateurs de performance, lesquels correspondent à des mesures quantitatives ayant pour objet d'objectiver l'efficience et l'efficacité des dépenses publiques pour les missions et programmes du budget de l'État. Selon un constat consensuel, partagé notamment par la commission des finances du Sénat et la Cour des comptes, l'appareil de suivi de la performance des dépenses publiques à travers les indicateurs de performance n'a pas permis de rationnaliser le pilotage des dépenses de l'État. De manière plus préoccupante, l'inflation des indicateurs de performance a donné lieu à l'émergence d'une « bureaucratie de la performance » qui constitue une charge substantielle pour l'ensemble des services administratifs concernés, au premier rang desquels la direction du budget.

Le cas du suivi des dépenses fiscales ne fait pas exception à ce sombre constat. La commission d'enquête relève à ce titre que l'architecture actuelle de la documentation budgétaire ne prévoit pas de rassembler les indicateurs de performance des dépenses fiscales en un document unique afin de disposer d'une vision globale. Le Gouvernement se contente de faire figurer au tome II de l'annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances une sous-partie VI « Indicateurs de performance » qui s'apparente à un index, sous forme de tableau synthétique, opérant des renvois vers différents rapports annuels de performance, c'est-à-dire vers d'autres documents budgétaires.

Ce travail d'indexation apparait comme étant largement insuffisant au regard des enjeux associés. À titre d'exemple, pour le CIR, qui constitue la première dépense fiscale du budget avec un coût estimé à 7,9 milliards d'euros en 2024, les deux sous-indicateurs dont le Parlement disposent ne sont pas satisfaisants.

En effet, le premier sous-indicateur concerne le coefficient multiplicateur du CIR sur les dépenses de R&D. Si cet indicateur est pertinent dans l'absolu, il est absolument incompréhensible qu'il soit utilisé comme instrument de pilotage de la dépense fiscale, alors même que les documents budgétaires continuent de s'appuyer sur une étude remontant à 2019 et n'ayant pas fait l'objet d'une actualisation. Le choix de l'administration de faire reposer le pilotage du CIR sur un indicateur correspondant à des données remontant six années en arrière interroge sur le sérieux avec lequel le suivi du dispositif est mis en oeuvre.

De la même manière, le second sous-indicateur, qui concerne le taux de rotation des entreprises bénéficiaires du CIR, non seulement présente le même défaut de non-actualisation des données que pour le premier sous-indicateur, mais pâtit en outre d'une cible fixée à 20 % par l'administration sans aucune justification explicite, étant précisé que cette cible a été retenue « en attente des comparaisons internationales disponibles ».

La commission d'enquête propose par conséquent que soit mené un travail de refonte complet des indicateurs de performance associés aux dépenses fiscales en recentralisant ces indicateurs au sein du tome II de l'annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances (VMT2).

Au regard de l'ampleur de ce chantier, la commission d'enquête estime qu'il est prioritaire d'effectuer ce travail pour les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses dont la liste figure chaque année dans le tome II de l'annexe « Évaluation des voies et moyens » du projet de loi de finances (VMT2).

Recommandation

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24

Compléter la documentation budgétaire en faisant figurer chaque année, dans le tome II de l'annexe relative aux « Voies et moyens » du projet de loi de finances, des indicateurs de performance rénovés pour les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses.

Gouvernement, Parlement

2e semestre 2026

Documentation budgétaire

3. Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) une mission de coordination du suivi des subventions

Si les aides publiques aux entreprises versées sous forme de subventions budgétaires font l'objet d'un contrôle étroit, notamment en cas de contractualisation entre le bénéficiaire final et la personne publiques octroyant cette aide, les dispositifs de suivi et d'évaluation de ces aides doivent être renforcés.

Il serait utile, tant pour le Gouvernement que pour le Parlement, de disposer d'une méthodologie concertée et harmonisée sur l'évaluation des aides publiques aux entreprises. Il convient de s'inspirer des dispositifs internes d'évaluation mis en place par certains opérateurs de l'État à l'image de Bpifrance, comme l'a souligné M. Nicolas Dufourcq, son directeur général, lors de son audition le 19 mars 2025 devant la commission d'enquête :

« Enfin, notre direction de l'évaluation publie chaque année un volume d'études d'impact de l'ensemble de nos métiers qui est présenté au conseil national d'orientation de Bpifrance auquel participent des parlementaires. J'ai renforcé cette tendance à l'évaluation depuis que je suis entré en fonction il y a plus de dix ans, celle-ci ayant été engagée à l'époque d'Oséo. »

Par suite, et dans le prolongement de la recommandation n° 3, la commission d'enquête propose de confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan la mission de fixer une méthodologie commune pour les évaluations des subventions publiques versées aux entreprises. Cette méthodologie serait issue d'un travail mené en concertation avec différents acteurs publics et privés. Le Haut-Commissariat serait tenu de publier et d'actualiser cette méthodologie sur son site internet.

Cette méthodologie serait ensuite étendue aux dépenses fiscales.

Recommandation

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Support

25

Confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) une mission d'harmonisation de la méthodologie d'évaluation des subventions puis des dépenses fiscales, en publiant des lignes directrices régulièrement actualisées.

Gouvernement, HCSP

1er semestre 2026

Tous moyens

4. Confier au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) le soin de réaliser tous les trois ans une évaluation pour chaque dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros, et une revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil

En complément du mandat de coordination et d'harmonisation méthodologique des évaluations qu'il est proposé de confier au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, la spécificité des dispositifs de dépense fiscale justifie de désigner une autre institution comme évaluateur de référence de ces aides publiques aux entreprises.

Dans sa revue de dépenses de mars 2024 consacrée aux aides aux entreprises, l'Inspection générale des finances avait souligné la nécessité d'une évaluation des dépenses fiscales par une cellule dédiée :

« La mission estime qu'une réflexion sur les moyens nécessaires à une évaluation plus fréquente de l'efficacité des dépenses fiscales pour atteindre l'objectif fixé devrait être engagée. Elle pourrait conduire à la création - dans une instance non opérationnelle, comme le Conseil des prélèvements obligatoires ou l'Inspection générale des finances - d'une cellule consacrée à cette évaluation, qui aurait un accès permanent aux données fiscales collectées par la direction générale des finances publiques et aux administrations pilotant les politiques publiques concernées »617(*).

La création d'une cellule dédiée permettrait d'actualiser le travail de revue exhaustive des dépenses fiscales réalisé avec l'aide de l'Inspection générale des finances en juin 2011, le « rapport Guillaume »618(*), et qui n'a pas fait l'objet d'une actualisation depuis cette date.

La commission d'enquête considère que cette cellule devrait prendre place au sein du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Créé en 2005 en substitution du Conseil des impôts, composé à parité de hauts fonctionnaires et de personnalités qualifiées et associé à la Cour des comptes619(*), cet organisme s'est vu confier une mission générale d'évaluation de l'impact de l'ensemble des prélèvements obligatoires. Ses missions sont définies aux articles L. 331-1 à L. 331-14 du code des juridictions financières.

Le fait de confier expressément au CPO la mission de réalisation d'une revue de dépenses pour chaque dépense fiscale aurait l'avantage de désigner clairement un responsable unique pour la réalisation de cette tâche essentielle à l'éclairage de la décision publique.

Au regard du nombre de dépenses fiscales en 2025, il convient de fixer des règles de sélection des dépenses à évaluer.

La commission d'enquête estime que le CPO devrait, tous les trois ans, évaluer directement ou indirectement620(*) les dépenses fiscales dont le coût est supérieur à 50 millions d'euros par an621(*), ce qui nécessiterait de modifier notamment l'article L. 331-1 du code des juridictions financières622(*).

Pour les autres dépenses fiscales, une simple revue de dépenses serait justifiée.

Recommandation

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26

Confier au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) le soin de réaliser tous les trois ans une évaluation pour chaque dépense fiscale supérieure à 50 millions d'euros, et une revue de dépenses pour les dépenses fiscales inférieures à ce seuil.

Gouvernement

1er semestre 2026

Tous moyens

OBSERVATIONS FINALES

Compte tenu des équilibres politiques au sein de la commission d'enquête, le rapporteur n'a pas soumis au vote des propositions qu'il estime particulièrement importantes.

À titre personnel, sans engager donc nullement la commission d'enquête, il considère que quatre propositions doivent être versées dans le débat en matière d'aides publiques aux entreprises.

En premier lieu, le rapporteur souhaiterait revoir la législation sur les licenciements économiques car elle ne protège plus suffisamment les salariés.

En effet, le législateur a codifié les critères pouvant être invoqués à l'appui d'un licenciement économique par l'employeur, alors que le juge les appréciait jusque-là de manière plus souple et pertinente selon la situation de l'entreprise. Les éléments pris en compte pour qualifier la situation économique de l'entreprise sont trop permissifs à l'égard des entreprises. La capacité d'une entreprise à distribuer des dividendes ou à poursuivre un programme d'actionnariat salarié en faveur de ses dirigeants trahit une absence de difficultés économiques réelles, qui doit faire obstacle à tout recours à un licenciement économique.

Plus encore que les motifs de recours au licenciement économique, c'est la restriction du périmètre d'appréciation des causes économiques à la seule entreprise qui a déséquilibré le régime du licenciement : jusqu'alors, le juge pouvait en effet considérer que la bonne santé du groupe auquel appartenait l'entreprise faisait obstacle à un licenciement économique. Par ailleurs, le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse a, dans le même temps, réduit le risque encouru par les employeurs fautifs, encourageant le recours à des licenciements économiques même en présence d'un risque contentieux avéré.

En deuxième lieu, le rapporteur souhaiterait obliger l'administration à refuser de valider ou d'homologuer un plan social lorsque l'entreprise a versé des dividendes la même année ou l'année précédant ce plan.

Cette mesure permettrait de mettre fin à une situation qui apparaît socialement inacceptable pour une majorité de la population, et qui suscite la profonde incompréhension des salariés concernés par un plan social.

Plus largement, cette mesure s'inscrit dans une logique de responsabilité sociale des entreprises, et vise à assurer une cohérence entre leur politique de distribution financière et leur recours aux dispositifs de licenciement économique. Cette proposition renforcerait le pouvoir de contrôle de l'administration, qui ne peut aujourd'hui qu'examiner la régularité formelle du PSE sans pouvoir en apprécier le bien-fondé d'un point de vue économique.

En troisième lieu, le rapporteur souhaiterait réduire les exonérations des cotisations sociales dont bénéficient les entreprises quand elles relèvent d'une branche où les salaires minima sont durablement inférieurs au Smic.

Le rapporteur estime qu'il serait opportun d'accorder un délai de 12 ou 18 mois aux branches professionnelles récalcitrantes, c'est-à-dire celles qui n'ont pas négocié sur les salaires minima depuis plusieurs années, pour actualiser ces salaires minimaux, faute de quoi les entreprises relevant de la branche ne pourraient plus bénéficier d'une partie des exonérations de cotisations sociales (cette réduction serait plafonnée à 10 % ou 20 % par exemple). La direction générale du travail (DGT) a identifié, en décembre 2023, six branches réfractaires (sur un panel de 171 branches de plus de 5 000 salariés du secteur général), soit 0,68 % des 13,76 millions de salariés du secteur général.

En dernier lieu, le rapporteur considère qu'une entreprise qui licencie devrait être fortement pénalisée si elle rachète concomitamment ses actions.

Comme l'a indiqué M. Louis Gallois lors de son audition du 6 février 2025, le rachat d'actions constitue à ses yeux « une perversion du système », ajoutant que cette opération n'a « qu'un seul but : faire monter artificiellement la valeur de l'action, dont le nombre diminue alors que la valeur de l'entreprise reste la même » et qu'aux États-Unis, les « rachats d'actions coïncident avec le moment où les dirigeants lèvent leurs stock-options ». Il convient a minima d'instaurer une taxe dissuasive sur ces opérations quand l'entreprise a licencié la même année ou l'année précédente, en complétant le dispositif prévu à l'article 96 de la loi de finance pour 2025 qui a introduit une taxe de 8 % sur les rachats d'actions.

*

Par souci de transparence, le rapporteur souhaite rappeler également les propositions que le président de la commission d'enquête entend formuler à titre personnel, et qui là encore n'engagent pas la commission, afin d'alimenter le débat public.

En premier lieu, le président de la commission d'enquête estime qu'une réduction globale du montant des aides publiques aux entreprises serait nécessaire mais devrait être accompagnée d'une réduction simultanée et à due concurrence des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises et leur compétitivité, en particulier des impôts de production. Il rappelle à cet égard que la France est le premier pays de l'OCDE en termes de pression fiscale avec un taux de prélèvements obligatoires atteignant 44 % du PIB623(*).

En deuxième lieu, le président de la commission d'enquête considère que compte tenu de la situation alarmante des finances publiques et des bouleversements actuels de notre environnement géopolitique, et notamment des plans de soutiens massifs à leur industrie mis en oeuvre par la Chine et les États-Unis, les pays européens et la France devraient revoir leurs priorités et investir autant que possible dans des dispositifs de soutien à la compétitivité. Certes, plusieurs projets de décarbonation permettent de créer immédiatement de l'emploi et de la valeur ajoutée, comme l'a montré l'audition de Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France. Mais il serait justifié de suspendre provisoirement une partie des financements liés à la décarbonation lorsque ceux-ci n'ont pas d'impact certain et à court terme sur la création de valeur. Les sommes ainsi dégagées devraient être réinvesties dans des projets orientés directement vers le soutien de notre appareil productif. Cette réallocation des fonds publics serait transitoire et apparaît nécessaire pour répondre en urgence au décrochage économique de la France.

En dernier lieu, le président de la commission d'enquête déplore les modifications trop fréquentes de nos normes juridiques et fiscales, qui entraînent une forte incertitude des décideurs économiques. Cette instabilité affecte l'attractivité de notre pays et freine les investissements des entreprises déjà présentes sur le territoire. Par suite, le président estime que le Gouvernement et le Parlement devraient prévoir que sauf circonstances exceptionnelles, une modification législative ou réglementaire substantielle applicable aux entreprises ne pourrait entrer en vigueur que dans un délai de deux ans.

*

Les travaux de la commission d'enquête ont permis d'identifier quatre sujets majeurs qui mériteraient, dans les mois qui viennent, un examen approfondi du Sénat.

Le premier sujet identifié concerne les nouvelles organisations juridiques des magasins au sein de la grande distribution. L'audition du PDG du groupe Carrefour a suscité de nombreuses réactions de salariés employés dans des magasins en location gérance sous enseigne Carrefour, qui considèrent que cette pratique comporterait des conséquences sociales néfastes. Compte tenu de son agenda contraint et de l'objet de ses travaux, la commission d'enquête n'a pas pu organiser des auditions sur la location-gérance, mais le président et le rapporteur considèrent qu'il serait opportun que le Sénat, au-delà du cas particulier de Carrefour, se penche sur la question des nouvelles formes d'organisation juridique des magasins dans le secteur de la grande distribution.

Le deuxième champ de réflexion à explorer est l'avenir de l'industrie des semi-conducteurs en France. STMicroelectronics a bénéficié en 2023 d'un accord pour une aide de l'État plafonnée à 2,9 milliards d'euros pour la construction à Crolles de sa méga-usine de semi-conducteurs, en partenariat avec GlobalFoundries. Lors de son audition, M. Jean-Marc Chéry, PDG de STMicroelectronics, a indiqué que parmi les 487 millions d'aides reçues en 2023, 334 millions d'euros sont des subventions, 119 millions d'euros correspondent au crédit d'impôt recherche (CIR) et 34 millions à des remboursements ou à des allègements de charge. Le montant de ces aides doit être mis en regard, d'une part, du montant total de la recherche et développement de cette société en France (871 millions d'euros en France en 2023), d'autre part, du montant des impôts payés en France, nul ou modeste ces dernières années selon le rapporteur624(*), enfin, de l'annonce jeudi 10 avril 2025 d'un plan de départs volontaires dans le monde de 2 800 salariés. S'il est incontestable que la France doit assurer sa souveraineté technologique en matière de semi-conducteurs, notamment dans le domaine militaire, et faire face à la concurrence acharnée que livrent les États-Unis et la Chine, le niveau de l'aide apportée à STMicroelectronics mérite cependant d'être questionné.

Le troisième sujet identifié est celui de la « détaxe TVA » dont bénéficient principalement les secteurs du luxe. L'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les achats réalisés dans l'Union européenne par les personnes non résidentes sur le territoire douanier et destinés à être emportés dans leurs bagages personnels est régie par une directive européenne625(*). Le coût total de cette détaxe pour la France est estimé à 1,4 milliard d'euros. Si ce dispositif n'est pas à proprement parler une dépense fiscale, il soutient indéniablement les secteurs concernés (mode, horlogerie, bijouterie, joaillerie, parfums et cosmétiques notamment). La « détaxe TVA » donne malheureusement lieu à des contournements inquiétants, difficiles à évaluer, mais qui diminuent les recettes fiscales de l'État.

Enfin, le dernier sujet identifié est celui de la vie chère en outre-mer, à travers essentiellement la question des marges dans la grande distribution. La commission d'enquête a entendu deux entreprises importantes dans les territoires ultra-marins, le groupe Parfait et GBH, afin de connaître le montant et l'utilisation des aides publiques perçues, mais elle n'avait pas pour mission d'identifier les facteurs à l'origine des prix élevés dans ces territoires. Elle constate avec satisfaction que la délégation sénatoriale a publié le 3 avril dernier un rapport d'information intitulé « La lutte contre la vie chère outre-mer : pansements ou vrais remèdes » : elle partage ses recommandations, qu'il s'agisse de la publication des comptes des entreprises afin de tirer les enseignements des refus réitérés de l'entreprise GBH626(*), ou de la nécessité que l'Autorité de la concurrence réalise une étude sur la concurrence outre-mer tous les cinq ans au maximum et la complète par des études spécifiques par territoire. Seule la transparence permettra d'apporter des solutions au problème de la vie chère en outre-mer.

Annexe 1 : Présentation de l'Infrastructure Investment and Jobs Act de 2021

A. LA QUALITÉ DES INFRASTRUCTURES AMÉRICAINES : UN FREIN À LA COMPÉTITIVITÉ HORS-PRIX DU PAYS

La qualité des infrastructures aux États-Unis est classée parmi les éléments les plus dissuasifs pour les investisseurs : il s'agit du talon d'Achille de la compétitivité hors-prix américaine. En 2021, seuls 27 % des Américains se disaient satisfaits des infrastructures du pays, soit 12 points de moins que la moyenne mondiale et 26 points de moins que la France627(*). 58 % des Américains considéraient que le pays n'investissait pas assez pour les infrastructures publiques et 13 % pensaient l'inverse628(*).

En 2021, l'American Society of Civil Engineers a évalué la qualité des infrastructures américaines à un C- sur une échelle de notation allant de A à F629(*). En 2019, le World Economic Forum classait les États-Unis au 23e rang mondial en termes d'infrastructures vitales (eau et électricité) et au 12e rang mondial sur les infrastructures de transports, et ce en dépit de la faiblesse de la densité ferroviaire américaine (48e place)630(*). En matière ferroviaire, le stock net réel par habitant s'est constamment réduit entre 1950 et 2020 avec une croissance annuelle négative allant de 0,5 % à 3 %631(*).

B. L'INFRASTRUCTURE INVESTMENT AND JOBS ACT : UN PLAN MASSIF, TRANSVERSAL, PLURIANNUEL ET DILIGENT

En réponse à cette crise, l'administration Biden-Harris a lancé un plan d'investissement de 1 200 milliards de dollars dans les infrastructures sur dix ans. L'Infrastructure Investment and Jobs Act a été adopté en novembre 2021 par 69 sénateurs sur 100, marquant le consensus bipartisan sur cet enjeu632(*). Ce plan devrait accroître le déficit public américain de 343 milliards de dollars sur dix ans. S'il est ajouté les dépenses liées aux effets de base sur les autoroutes, la facture monte à 398 milliards de dollars633(*).

Sur 1 200 milliards de dollars, 550 sont de nouvelles dépenses fédérales sur cinq ans avec deux priorités : le réseau de transports terrestres (ferroviaire et routier) et les infrastructures de base (eau, électricité, haut-débit, résilience climatique et restauration environnementale)634(*). Ainsi, sur la période allant de 2022 à 2026, ce plan augmente de 35,1 % les dépenses publiques dans les infrastructures de transports et de 79,4 % celles dans infrastructures de base, hors haut-débit635(*). Ces investissements se décomposent en crédits pour les programmes des agences fédérales et le Highway Trust Fund, des subventions aux États fédérés et aux collectivités locales (dont une part attribuée par appel à projets et une autre selon une formule de répartition entre États intégrant des critères comme la démographie, la densité des transports, etc.), et des prêts bonifiés.

D'un point de vue administratif, les agences et départements fédéraux bénéficient de fonds qu'ils attribuent à des programmes, des gouvernements fédérés ou locaux. Le département des transports catalyse, à lui seul, 50 % des nouveaux financements prévus par l'Infrastructure Investment and Jobs Act (274 milliards de dollars)636(*).

La principale spécificité de ce plan tient aux secteurs couverts. Historiquement, les lois américaines relatives aux infrastructures se concentraient sur un seul secteur en raison de la difficulté à faire émerger un consensus bipartisan et des moyens suffisants pour couvrir la globalité des infrastructures637(*). L'Infrastructure Investment and Jobs Act innove donc par son caractère global.

En outre, l'Infrastructure Investment and Jobs Act offre une prévisibilité et une transparence aux acteurs économiques638(*). Plan décennal, il fixe, dès sa signature, les montants alloués par secteur, par type de financement et par an. Un suivi des projets est réalisé et mis en ligne. Il permet, par exemple, de constater l'absence de politisation des crédits accordés aux États fédérés, leur montant étant relativement proportionnelle à leur poids démographique et à leur retard en termes d'infrastructures639(*). Ainsi, les fonds liés aux appels d'offre en Alaska ont conduit à un investissement équivalent à 1 946 dollars par habitant contre 165 dollars en Californie.

La célérité dans l'allocation des crédits est source d'efficacité pour cette politique et d'un renforcement de son effet levier. Après deux ans, 47 % des 647 milliards de dollars de subventions par formule ou directes ont été attribués640(*). Le versement des fonds liés aux appels à projet est toutefois plus lent : 40 milliards ont été alloués641(*).

Suivi des financements attribués par l'Infrastructure Investment
and Jobs Act
(2021-2023)

Source : Commission d'enquête, Brookings Institute, « At its two-year anniversary, the bipartisan infrastructure law continues to rebuild all of America », 2023

C. UN PLAN PROTECTIONNISTE AU BÉNÉFICE DES ENTREPRISES IMPLANTÉES AUX ÉTATS-UNIS

Indirectement, l'Infrastructure Investment and Jobs Act agit comme des aides d'État massives aux entreprises qui seront chargées de réaliser les constructions ou rénovations d'infrastructures. Selon le bureau d'analyse économique du département américain au commerce, pour 1 milliard de dollars investis dans la construction, 10 293 emplois sont créés directement et indirectement642(*). Les mesures protectionnistes incluses dans l'Infrastructure Investment and Jobs Act vise à accroître l'effet levier de cet investissement sur l'économie américaine.

Le titre IX de la loi, intitulé « Build America, Buy America », prévoit un renforcement des clauses de contenu local, habituellement implémentés dans les plans d'investissements dans les infrastructures de transports et d'eau643(*). L'Infrastructure Investment and Jobs Act étend le Buy America à tous les projets d'infrastructures financés par des fonds fédéraux (haut-débit, infrastructures électriques, transmissions, biens immobiliers, etc.). Les clauses du Buy America, initialement centrées sur l'acier et le fer entièrement produits sur le sol américain, sont désormais étendues à une large gamme de matériaux, dont les matériaux de construction et non ferreux (verre, plastique, bois, etc.). Pour être considéré comme « made in the USA », un produit manufacturé doit contenir plus de 55 % de contenu domestique et être fabriqué sur le territoire américain, tandis que pour les matériaux de construction, l'acier, le fer et les produits non ferreux, l'ensemble du processus de production doit avoir eu lieu aux États-Unis.

Des dérogations sont prévues en cas d'atteinte à l'intérêt public, d'indisponibilité en quantité ou qualité suffisantes des produits ou matériaux ou de surcoût excessif. À ce titre, un executive order de Joe Biden prévoit la création du Made in America Office dont le rôle est d'examiner toutes les demandes de dérogation au Buy America afin de centraliser les demandes, quand elles étaient auparavant gérées par chaque agence fédérale pour ses bénéficiaires644(*).

D. DES EFFETS SUR L'EMPLOI ET LA CROISSANCE DIFFICILES À MESURER

L'effet sur l'emploi de l'Infrastructure Investment and Jobs Act est difficile à évaluer. La Maison Blanche estimait en 2021 que l'Infrastructure Investment and Jobs Act créerait 2,4 millions emplois annuels sur dix ans. Toutefois, il convient de relever que la définition d'emploi annuel signifie qu'une personne ayant trouvé un travail pour deux ans compte pour deux emplois645(*). Selon Moody's, si l'investissement public a un rendement inférieur à l'investissement privé, en raison de considérations sociales, réglementaires et environnementales prises en compte par les pouvoirs publics, le contexte de taux d'intérêt bas améliore le rendement du plan d'investissements dont les bénéfices seront très supérieurs au coût. Ainsi, l'Infrastructure Investment and Jobs Act générerait jusqu'à 871 700 emplois au cours du dernier trimestre 2025, avant de voir son effet sur l'emploi progressivement diminuer jusqu'à 104 300 en 2031646(*).

Une étude micro et macroéconomique de 2025 estime que l'Infrastructure Investment and Jobs Act équivaut à une hausse de 2,55 % de l'ensemble des dépenses publiques orientées vers le secteur de la construction et des infrastructures. Un tel stimulus générerait, à court terme, à une hausse de 0,2 % du PIB par an et à la création de 600 000 à 680 000 emplois. Une fois les infrastructures fonctionnelles, cet investissement initial conduirait à une augmentation de 1,39 % du PIB et de 3,94 % des salaires réels647(*).

En 2023, deux ans après le déploiement de l'Infrastructure Investment and Jobs Act, le taux de chômage dans le secteur des transports et des infrastructures de service public (eau, électricité, etc.) se situait respectivement à 4 % et 2,5 %648(*). La capacité des États-Unis à disposer de suffisamment d'actifs qualifiés dans le secteur de la construction et des infrastructures n'est pas assurée, l'Inflation Reduction Act renforçant encore davantage les investissements en la matière.

Concernant la qualité des infrastructures, l'American Society of Civil Engineers a relevé la note américaine à C, la meilleure note obtenue par le pays depuis la création de ce rapport en 1998. L'association relève une amélioration de la qualité des infrastructures grâce aux investissements réalisés dans le cadre l'IIJA. Pour la première fois, aucune catégorie d'infrastructures n'était classée D-. Cependant, ces investissements restent insuffisants pour remettre les infrastructures américaines à niveau, un investissement de 3 700 milliards de dollars supplémentaires serait nécessaire649(*).

Annexe 2 : Présentation du Chips and Science Act de 2022

A. LE DÉCLIN AMÉRICAIN DANS LA PRODUCTION DE SEMI-CONDUCTEURS

La crise sanitaire et les différents goulets d'étranglement ont mis en lumière la forte intégration des semi-conducteurs aux chaînes de valeur mondiales. En 2021, les semi-conducteurs étaient le quatrième produit le plus échangé au monde. D'ici 2030, l'industrie des semi-conducteurs devrait représenter 1 000 milliards de dollars650(*).

Longtemps leader du secteur, les Américains ont vu leur place décliner sur ce marché stratégique au profit de l'Asie. Entre 1990 et 2021, la part américaine dans la production mondiale de semi-conducteurs s'est effondrée, passant de 40 %651(*) à 12 %652(*). Si les activités de recherche sont toujours, pour partie, implantées aux États-Unis, la production s'est délocalisée en Asie, qui représente 75 % de la production et environ 50 % de la valeur ajoutée mondiales en 2024653(*). En 2022, 56,3 % des importations américaines de semi-conducteurs viennent de la Chine (6 %) et de l'ASEAN (50,3 %)654(*). Si la part de la Chine dans les importations américaines s'est réduite d'environ 5 points depuis l'instauration de droits de douane de 25 % en 2018, elle a été partiellement compensée par des importations provenant de l'ASEAN655(*).

Répartition géographique de la fabrication des semi-conducteurs
dans le monde (1990-2020)

Source : Commission d'enquête, d'après Peterson Institute for International Economics, « Semiconductors and Modern Industrial Policy », 2024

B. LE CHIPS AND SCIENCE ACT : UN PLAN D'INVESTISSEMENTS MASSIF EN FAVEUR DE LA RECHERCHE ET DE L'INDUSTRIE DE POINTE AMÉRICAINES

Face à cette situation, l'administration Biden-Harris a promulgué, en août 2022, le Chips and Science Act. Cette loi prévoit un investissement de 278,2 milliards de dollars dans la recherche et la production de circuits intégrés aux États-Unis sur dix ans. Il revient, chaque année, au Congrès de voter le déblocage de tout ou partie de ces fonds additionnels.

Si la couverture médiatique de cette loi s'est focalisée sur les semi-conducteurs, elle s'avère plus large dans ses priorités (quantique, intelligence artificielle, exploration spatiale, etc.).

L'enveloppe de 278 milliards de dollars prévue par le Chips and Science Act comprend trois volets :

- le Chips for America Fund, un fonds piloté par le département du commerce, finançant la recherche, la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée et la fabrication de semi-conducteurs (52,7 milliards de dollars) ;

- un crédit d'impôt à hauteur de 25 % de l'investissement réalisé dans la production de circuits intégrés aux États-Unis, que ce soit dans les installations (usines) ou les équipements (24 milliards de dollars) ;

- une relance de la recherche scientifique via le financement de la R&D et une augmentation des crédits d'agences fédérales scientifiques tels que la National Science Foundation ou la NASA (169,9 milliards de dollars).

Cependant, l'évaluation des dépenses liées au Chips and Science Act apparaît comme largement sous-estimée. Selon le Peterson Institute, si le niveau des investissements dans l'industrie des semi-conducteurs se maintient, le coût du crédit d'impôt dépasserait les 73 milliards de dollars, au lieu des 24 milliards prévus656(*).

C. ENTRE PROTECTIONNISME ASSUMÉ ENVERS LA CHINE ET COLLABORATION AVEC LES ALLIÉS HISTORIQUES

Le Chips and Science Act revêt une dimension protectionniste particulièrement offensive à l'encontre de l'Asie. Pour cause, cette loi n'a pas une simple vocation économique, elle répond à un enjeu de sécurité nationale et d'autonomie stratégique pour les États-Unis. Qualifiées de guardrails (« garde-fou ») par l'administration Biden-Harris, un certain nombre de mesures ont été prévues par le département du commerce à l'égard des bénéficiaires des fonds fédéraux prévus par cette loi657(*).

Les dispositifs prévus appliquent une version actualisée de la doctrine du containment d'Harry Truman aux semi-conducteurs : les États-Unis endiguent la percée chinoise en matière de circuits intégrés par des mesures indirectes plus ou moins agressives.

Parmi les mesures peu offensives figure, par exemple, l'établissement d'une liste fédérale de semi-conducteurs considérés comme critiques pour la sécurité nationale, entravant leur production à l'étranger par des firmes implantés aux États-Unis. De même, les projets financés par le Chips and Science Act doivent être implantés sur le sol américain et ne peuvent financer des projets à l'étranger.

Plus frontalement, les bénéficiaires des fonds du Chips and Science Act s'engagent à ne pas étendre, durant dix ans, les capacités matérielles de production de semi-conducteurs de pointe dans les pays qualifiés de préoccupants (Chine, Corée du Nord, Iran, Russie658(*)). Est considérée comme une expansion matérielle toute augmentation de plus de 5 % de la capacité de production. Pour les installations de semi-conducteurs n'étant pas de pointe, il est interdit de construire de nouvelles lignes de production ou d'augmenter de plus de 10 % les capacités de production, sauf si ces semi-conducteurs sont, à pour au moins 85 % d'entre eux, destinés au marché domestique.

Sur le plan de la recherche, les entreprises bénéficiant des fonds ont interdiction d'engager des activités de R&D conjointes ou de transférer des technologies liées à la sécurité nationale américaine avec des entreprises étrangères préoccupantes (complexe militaro-industriel chinois, liste du bureau de l'industrie et de la sécurité, etc.).

Dans une volonté de découplage de l'économie américaine, et d'embarquement des pays occidentaux, le Chips and Science Act prévoit des collaborations sur les semi-conducteurs entre les États-Unis et d'autres États via l'International technology security and innovation fund (ITSI). Ainsi, les États-Unis ont noué un partenariat avec le Panama. En 2023, à l'initiative des Américains, un réseau informel d'échange sur les semi-conducteurs, comprenant 34 pays, a été créé au sein de l'OCDE659(*). Ce groupe a lancé une base de données sur les interdépendances et la répartition géographique des capacités de production de semi-conducteurs660(*).

D. UN PREMIER BILAN DU CHIPS AND SCIENCE ACT

Comme évoqué, les 278 milliards de dollars prévus par le Chips and Science Act sont des fonds additionnels que le Congrès peut débloquer annuellement. Or, entre 2022 et 2024, les fonds alloués aux agences fédérales scientifiques ont été largement inférieurs aux autorisations prévues par le Chips and Science Act. En 2023 et dans le projet de budget pour 2024, les budgets de ces agences étaient respectivement inférieurs de 3 et 5 milliards d'euros par rapport aux autorisations prévues par la loi661(*). Bien que les budgets votés ne soient pas à leur maximum, il convient de relever que les crédits dédiés aux politiques prioritaires sont en nette augmentation.

Les premières projections estiment que le Chips and Science Act devrait créer environ 115 000 emplois d'ici 2030 dans les semi-conducteurs662(*), dont 58 % seraient non pourvus en raison d'un manque d'appariement des formations avec les compétences attendues. Ainsi, entre 2023 et 2030, la croissance annuelle du nombre d'emplois dans l'industrie des semi-conducteurs serait de 4,2 %.

Selon Semiconductor industry association, le Chips and Science Act a eu un effet levier majeur sur les investissements privés dans l'industrie des semi-conducteurs aux États-Unis : 540 milliards de dollars ont déjà été investis pour 32,5 milliards de dollars de subventions et 5,8 milliards de dollars de prêts bonifiés663(*). Toutefois, cette étude ne précise pas le montant de crédits d'impôt accordé. Depuis 2022, les investissements manufacturiers dans le secteur de l'électronique et de l'informatique ont ainsi été multipliés par 20664(*).

Pour avoir une mesure plus précise des investissements réalisés grâce au Chips and Science Act, le Peterson Institute for International Economics a réalisé une étude en dollars déflaté, reprenant sa valeur de 2019665(*). Il apparaît qu'en dollars de 2019 le montant des investissements privés dans les semi-conducteurs est de 110 milliards, soit davantage que le cumul des investissements privés dans la fabrication d'électronique aux États-Unis entre 2007 et 2020. Le niveau moyen des investissements annuels dans la fabrication d'électronique est ainsi passé de 7 milliards de dollars sur la décennie 2010 à 90 milliards de dollars en 2024. La forte demande de subventions au Chips American Fund lui a permis de les conditionner à des projets plus innovants.

Plus concrètement, ce sont plus de 100 projets qui ont été financés par le Chips and Science Act, créant 500 000 emplois directs et indirects. Parmi les plus importants investissements, il peut être cité celui d'Intel, fabricant américain historique de semi-conducteurs, de 100 milliards d'euros. En mars 2025, après avoir investi 65 milliards de dollars dans deux usines en Arizona, le géant taïwanais TSMC a annoncé un nouvel investissement de 100 milliards de dollars sur quatre ans pour construire trois usines de fabrication de semi-conducteurs.

Annexe 3 : Présentation des différends concernant la France à l'OMC

La France a fait l'objet de cinq différends à l'OMC depuis 1995 : quatre ont été introduits par les États-Unis, un par la Malaisie666(*).

S'agissant des États-Unis, les quatre demandes d'ouverture de consultations avec la France portaient sur les sujets suivants :

- la possibilité, pour une entreprise française, de déduire temporairement de l'impôt sur le revenu certains frais de démarrage de ses opérations à l'étranger grâce à une provision constituée en franchise d'impôt (affaire DS 131 du 11 mai 1998) ;

- le prêt accordé à l'entreprise Sextant à des conditions préférentielles et non commerciales d'un montant de 140 millions de francs à verser en trois ans, afin de développer un système de gestion de vol adapté aux avions Airbus (affaire DS 173 du 31 mai 1999) ;

- les aides publiques accordées par la France, mais aussi l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne, à toute la famille des produits Airbus, de l'A 300 à l'A 380, comme les prêts à conditions préférentielles et des prises de participation au capital (DS 316 du 6 octobre 2004). Cette affaire a donné lieu à des développements complexes : un groupe spécial a produit un premier rapport le 20 juillet 2005, puis un second le 2 décembre 2019. Dans une communication présentée le 25 août 2020 intitulée « Communautés européennes et certains États membres - mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs », l'Union européenne a annoncé, dans un souci d'apaisement avec les États-Unis qui avaient pris des mesures de rétorsion, « deux mesures additionnelles et extraordinaires », dont l'une concernait la France : « la modification de l'accord de prêt FME français concernant l'A350XWB de façon à aligner les modalités de l'instrument financier sur un point de repère du marché existant au moment de la mesure initiale, avec effet prospectif à compter de la date de la modification »667(*) ;

- l'aide au lancement accordée par les États membres de l'Union européenne à Airbus pour le développement d'aéronefs civils gros porteurs et les prêts de la Banque européenne d'investissement accordés à Airbus (affaire DS 347 du 31 janvier 2006).

Lors de son audition le 6 février 2025 par la commission d'enquête, M. Louis Gallois, ancien président du comité exécutif d'EADS, avait indiqué qu'« Airbus ne peut lancer un avion sans avance remboursable de l'État » et que « ce soutien n'est d'ailleurs pas considéré comme une aide, contrairement à ce que pensaient les Américains. Nous nous sommes donc battus à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pendant douze ans contre leurs attaques ».

Enfin, la demande de consultations introduite par la Malaisie ne concerne pas des subventions françaises, mais les mesures européennes visant l'huile de palme et les biocarburants dérivés du palmier à huile en provenance de ce pays (affaire DS 600 du 15 janvier 2006).

Annexe 4 : Présentation des dix projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) concernant la France et approuvés
par la Commission européenne

Noms du PIIEC

Date de la decision
de la CE

Nb d'EM dans le Piiec

Nb total d'entreprises dans le Piiec

Nb de projets dans le Piiec

Nb de projets FR

Nom des entreprises FR

Microelectro-nique

18/12/2018

5

29

43

6

ST-France, Soitec, X-FAB, Ulis, Murata, Sofradir

Batteries 1

09/12/2019

7

17

23

2

ACC, Solvay

Batteries 2

26/01/2021

12

42

46

2

Arkema, Tokay Carbon Group

Hy2Tech (hydrogène)

15/07/2022

15

35

41

10

Symbio, Genvia, Hyvia (Renault+PlugPo wer), Alstom, Faurecia, McPhy, Arkema, John Cockerill, Elogen, Plastic Omnium New Energies

Hy2Use (hydrogène)

21/09/2022

14

29

35

2

Air Liquide France, Total Energies+Engie

Microelectro-nique et technologies de communications

08/06/2023

14

56

68

12

STMicroelectronics France, Soitec, Aledia, Orange, X-FAB, Continental Automotive France, Valeo, Renault, Lynred, Airbus, Vitesco Technologies, Teledyne e2v Semiconductors

Cloud

05/12/2023

7

19

19

2

Atos, Orange

Hy2Infra (hydrogène)

15/02/2024

7

32

33

1

Lhyfe

Hy2Move (hydrogène)

28/05/2024

7

11

13

4

Michelin, Airbus, ConsortHyum (Gen- Hy+Eiffage), Hydrogène de France

Med4Cure (santé)

28/05/2024

6

13

14

3

The Drug Cell, EuroAPI France, Sanofi

Total

       

44

 

Source : Commission européenne

Annexe 5 : Catégories d'aides exemptées de notification préalable
à la Commission européenne, avec indication du règlement
du Conseil concerné

Catégorie d'aides

Règlement du Conseil

Aides en faveur des petites et moyennes entreprises

Règlement (CE) n° 994/98 du 7 mai 1998

Aides en faveur de la recherche, du développement et de l'innovation

Règlement (CE) n° 994/98 du 7 mai 1998 (recherche et développement)

Règlement (UE) n° 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013 (innovation)

Aides en faveur de la protection de l'environnement

Règlement (CE) n° 994/98 du 7 mai 1998

Aides en faveur de l'emploi et de la formation

Règlement (CE) n° 994/98 du 7 mai 1998

Aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine

Règlement (UE) n° 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013

Aides en faveur de la réparation des dommages causés par des catastrophes naturelles

Règlement (UE) n° 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013

Aides en faveur de la réparation des dommages causés par certaines conditions climatiques défavorables dans le secteur
de la pêche

Règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015

Aides en faveur du secteur forestier

Règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015

Aides en faveur de la promotion des produits du secteur alimentaire non énumérés à l'annexe I du TFUE

Règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015

Aides en faveur de la conservation des ressources biologiques marines et d'eau douce

Règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015

Aides en faveur du sport

Règlement (UE) n° 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013 (infrastructures sportives)

Aides en faveur des habitants de régions périphériques, pour le transport, si cette aide est à finalité sociale et est octroyée sans discrimination liée à l'identité du transporteur

Règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015

Aides en faveur des infrastructures à haut débit de base, des petites infrastructures particulières couvrant les réseaux d'accès de nouvelle génération, des travaux de génie civil liés au haut débit et des infrastructures passives à haut débit, dans les zones ne disposant pas d'une telle infrastructure ou dans lesquelles il est peu probable qu'une telle infrastructure soit déployée dans un futur proche

Règlement (UE) n° 733/2013 du Conseil du 22 juillet 2013 (haut débit)

Aides en faveur des infrastructures qui contribuent aux objectifs poursuivis par les aides précitées et à d'autres objectifs présentant un intérêt commun, notamment ceux de la stratégie Europe 2020

Règlement (UE) 2015/1588 du 13 juillet 2015

Aides respectant la carte approuvée par la Commission pour chaque État membre pour l'octroi des aides à finalité régionale

Règlement (CE) n° 994/98 du 7 mai 1998

Aides en faveur des financements acheminés ou soutenus par les instruments financiers ou les garanties budgétaires de l'Union gérés de manière centralisée, lorsque l'aide est octroyée sous forme de financement supplémentaire au moyen de ressources d'État

Règlement (UE) 2018/1911 du Conseil du 26 novembre 2018

Aides en faveur des projets soutenus par les programmes de l'Union en matière de coopération territoriale européenne

Règlement (UE) 2018/1911 du Conseil du 26 novembre 2018

Source : Commission d'enquête et direction générale des entreprises

Annexe 6 : Principaux apports des règlements ayant modifié
le RGEC du 17 juin 2014

Règlement concerné

Principaux apports

Règlement (UE) 2017/1084 de la Commission du 14 juin 2017

La première modification du RGEC concernait l'extension aux aides en faveur des aéroports régionaux et des ports.

Règlement (UE) 2020/972 de la Commission du 2 juillet 2020

Cette modification visait à prolonger le RGEC jusqu'au 31 décembre 023 dans le contexte de la crise liée au covid-19.

Elle instaure, en outre, une dérogation permettant aux entreprises qui sont devenues « en difficulté »
entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021 de bénéficier des dispositions du RGEC, ainsi qu'une mise en correspondance temporelles avec l'encadrement des aides à finalité régionale.

Règlement (UE) 2021/452 de la Commission du 15 mars 2021

Cette modification n'a apporté aucun changement substantiel au RGEC, mais visait uniquement à corriger la version en langue roumaine du RGEC.

Règlement (UE) 2021/1237 de la Commission du 23 juillet 2021

Cette modification a permis l'extension du RGEC, d'une part, aux aides octroyées par les autorités nationales à des projets financés dans le cadre de certains programmes de l'Union au titre du nouveau cadre financier pluriannuel et, d'autre part, aux mesures d'aide d'État qui soutiennent la transition écologique et numérique, tout en étant pertinentes pour la relance à la suite des effets économiques de la pandémie de la covid-19.

Règlement (UE) 2023/197 de la Commission du 4 mai 2023

Cette modification est une rectification de la version polonaise du Règlement. L'article 2 point 103, modifie le contenu de la définition de « petite entreprise à moyenne capitalisation ».

Règlement (UE) 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023

La dernière révision du RGEC vise, d'une part, à actualiser le règlement pour qu'il complète de manière satisfaisante les lignes directrices pertinentes révisées en parallèle dans la mesure où ils constituent ensemble le corpus de la réglementation des aides d'État et, d'autre part, à veiller à ce que les règles qu'il contient tiennent compte des nouvelles priorités de la Commission, des évolutions du marché et des technologies. Le RGEC « Pacte vert » vise plus généralement à faciliter, simplifier et accélérer le soutien en faveur de la double-transition écologique et numérique de l'Union.

La modification ciblée du RGEC a été approuvée par la Commission le 9 mars 2023 - dans le contexte des annonces sur le « Plan industriel du Pacte vert » -conjointement à l'adoption de son nouvel encadrement temporaire de crise et de transition ("Temporary Crisis and Transition Framework" ou TCTF). Elle vise à :

(i) mettre en conformité le RGEC avec les nouvelles lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale ;

(ii) ainsi qu'avec les nouvelles lignes directrices relatives aux aides au financement des risques ;

(iii) et l'encadrement révisé des aides à la R&D&I 2022 ;

(iv) faciliter la mise en oeuvre de projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) dans le domaine de la R&D&I en rehaussant les intensités et seuils de notification de ces aides ;

(v) élargir le champ des exemptions en matière d'aides en faveur de la protection de l'environnement et de l'énergie, en renforçant et rationnalisant les possibilités d'aide dans ces domaines au regard, notamment, des CEEAG (Climate, Energy and Environmental Aid Guidelines) ;

(vi) faire évoluer les règles applicables aux aides en faveur des infrastructures à haut débit ;

(vii) créer de nouvelles exemptions qui contribueront à la reprise de l'économie européenne suite aux conséquences de la guerre en Ukraine en permettant aux États membres de réguler les prix de l'énergie pour les microentreprises et PME ;

(viii) prolonger la durée de validité du RGEC jusqu'au 31 décembre 2026 ;

(ix) augmenter de 10 % les seuils de notification des aides non spécifiquement ciblées par la révision pour tenir compte du contexte inflationniste.

Concrètement, cette révision avait pour objet notamment de soutenir davantage de projets en matière de protection de l'environnement (tels que les projets de capture et de stockage de carbone ou en matière de mobilité propre) pour des montants plus importants et d'accélérer significativement la mise en oeuvre des Piiec en réservant la procédure de notification aux plus gros projets.

Source : Commission d'enquête, à partir des informations de la Commission européenne et de la direction générale des entreprises

Annexe 7 : Liste des décisions initiales du « cadre temporaire » de 2020

Référence

Titre de travail

Base légale

Date de la décision

Modifié par

SA.56709

France - covid-19 : plan de sécurisation du financement des entreprises

Cadre temporaire

2020-03-21

SA.57502, SA.57989, SA.58137, SA.58475, SA.59722, SA.59897, SA.62102, SA.63043, SA.100959

SA.56823

Covid-19 : régime pour les entreprises en difficultés temporaires en raison du covid-19

Cadre temporaire

2020-03-30

SA.56887, SA.57010

SA.56765

Covid-19 : moratoire sur le paiement de taxes et redevances aéronautiques en faveur des entreprises de transport public aérien sous licences d'exploitation délivrées par la France

Article 107(2)b TFUE

2020-03-31

 

SA.56903

Covid-19 : garantie d'État pour la couverture en réassurance des risques d'assurance-crédit commercial intérieure

Article 107(3)b TFUE

2020-04-12

SA.59571, SA.63316

SA.56985

Régime cadre temporaire au soutien des entreprises dans la crise du covid-19

Cadre temporaire

2020-04-20

SA.57299, SA.58137, SA.59722, SA.62102, SA.100959, SA.103459

SA.56868

Covid-19 : garanties des préfinancements des entreprises françaises exportatrices

Cadre temporaire

2020-04-24

SA.58137, SA.59722, SA.62102

SA.57134

Covid-19 : aide sous forme de garanties de prêts au profit du groupe Renault

Cadre temporaire

2020-04-29

 

SA.57082

Covid-19: cadre temporaire 107(3)(b) - garantie et prêt d'actionnaire au bénéfice d'Air France

Cadre temporaire et Article 107(3)(b) TFUE

2020-05-04

SA.100430

SA.57219

Covid-19 : garanties des cautions

Article 107(3)b TFUE

2020-05-11

SA.58137, SA.59738, SA.62102

SA.57405

Covid-19: groupe Novares

Cadre temporaire

2020-05-26

 

SA.57367

Aide pour des projets de recherche et développement liés au Covid-19, des investissements dans les infrastructures de test et de mise à l'échelle pertinentes, et des investissements dans les capacités de production liées au covid-19

Cadre temporaire

2020-06-05

SA.58137, SA.59722, SA.62102, SA.100959

SA.57754

Covid-19 : dispositif d'activité partielle ad hoc

Cadre temporaire

2020-06-29

SA.58108, SA.58522, SA.58689, SA.58978, SA.59722, SA.60095, SA.62102, SA.100959

SA.57695

Covid-19 : régime d'aides sous la forme de prêts publics subordonnés

Cadre temporaire

2020-06-30

SA.58137, SA.59722, SA.62102, SA.100959

SA.58125

Corsair : compensation pour les dommages causés par la pandémie du covid-19

Article 107(2)b TFUE

2020-12-11

 

SA.59746

Covid-19: compensation des clubs sportifs et organisateurs d'évènements sportifs-FR

Article 107(2)b TFUE

2021-01-25

SA.63563, SA.102804

SA.60965

Covid-19 : régime d'aides sous la forme d'une compensation pour les congés payés acquis en période d'activité partielle

Cadre temporaire

2021-01-26

SA.62102

SA.58639

Covid-19 : dispositif de garantie aux fonds de prêts participatifs et d'obligations subordonnées

Cadre temporaire et Article 107(3)b TFUE

2021-03-03

SA.101947

SA.61330

Covid-19 : régime d'aides destinées à compenser les coûts fixes non couverts des entreprises

Cadre temporaire

2021-03-09

SA.100959

SA.60949

Covid-19: régime d'aides destiné à compenser les coûts d'exploitation des sociétés de remontées mécaniques

Article 107(2)b TFUE

2021-03-19

 

SA.62255

Covid-19 : compensations pour les pertes subies par les horticulteurs

Cadre temporaire

2021-03-19

 

SA.59913

Covid-19 : recapitalisation d'Air France et Air France- KLM

Cadre temporaire

2021-04-05

SA.100739

SA.62568

Covid-19 : crédit d'impôt exceptionnel d'accompagnement à la sortie du glyphosate en lien avec les difficultés rencontrées par les entreprises agricoles en raison de la crise du covid-19

Cadre temporaire

2021-05-12

SA.100959

SA.63564

Covid-19 : compensation pour les éleveurs bovins

Cadre temporaire

2021-06-28

SA.100299, SA.100959

SA.62999

Covid-19: régime d'aide sous forme d'exonérations de cotisations sociales

Cadre temporaire

2021-07-27

SA.100959, SA.102799

SA.63656

Covid-19 : fonds de transition pour certaines entreprises affectées par la pandémie de covid-19

Cadre temporaire

2021-09-14

SA.100959

SA.62193

Covid-19 : compensation du dommage subi par Brittany Ferries en raison de l'épidémie de covid-19

Article 107(2)b TFUE

2021-09-23

 

SA.62625

Covid-19 : compensation des loyers et charges locatives des commerces de détail et de certains services interdits d'accueil du public en raison de la crise covid-19

Article 107(2)b TFUE

2021-10-15

 

SA.64114

Covid-19 : compensation partielle des charges fixes des entreprises affectées par la crise covid-19 en raison des mesures administratives d'interdiction d'accueil du public

Cadre temporaire

2021-11-26

 

SA.102110

Covid-19 : compensation exceptionnelle pour les exploitations porcines

Cadre temporaire

2022-04-07

 

SA.102077

Covid-19 : régime d'aides destinées à soutenir l'investissement en vue d'une reprise durable

Cadre temporaire

2022-04-21

SA.105172

SA.103744

Air Austral : compensation pour les dommages causés par la pandémie covid-19

Article 107(2)b TFUE

2023-01-05

 

SA.104957

SA.104957 : aide sous forme de compensation à la société Air France

Article 107(2)b TFUE

2023-01-16

 

SA.108576

RATP : aide visant à compenser les dommages liés à la pandémie de covid-19

Article 107(2)b TFUE

2023-11-30

 

Source : Commission européenne

Annexe 8 : Liste des décisions de « l'encadrement temporaire de crise » de 2022

Référence

Titre de travail

Base légale

Date de la décision

Modifié par

SA.102395

TCF : prêts d'État garantis « résilience »

TCF

07/04/2022

 

SA.102783

Régime exceptionnel de réduction des cotisations sociales en faveur des entreprises des secteurs de l'agriculture, de la sylviculture et de l'aquaculture très affectées par les conséquences de l'agression russe contre l'Ukraine

TCF

16/05/2022

SA.103548, SA.105310, SA.110576, SA.114594

SA.102784

TCF : régime exceptionnel pour couvrir les coûts supplémentaires de l'alimentation animale dans les exploitations agricoles et piscicultures

TCF

10/05/2022

 

SA.102839

TCF : régime de soutien pour les entreprises de pêche afin de faire face à l'augmentation des prix des matières premières, et en particulier de l'énergie, liée à l'agression russe contre l'Ukraine

TCF

18/05/2022

SA.104067, SA.105217, SA.106802, SA.109672, SA.110526, SA.111392

SA.103240

TCF : dispositif d'indemnisation exceptionnel des exploitations agricoles et des exploitations piscicoles d'élevage dans les départements d'outre-mer et en Corse

TCF

17/06/2022

 

SA.103280

TCF : soutien aux entreprises à forte intensité énergétique

TCF

30/06/2022

SA.104325, SA.104958, SA.110836

SA.103934

TCF : régime cadre relatif aux mesures temporaires en faveur des entreprises affectées par le conflit ukrainien

TCF

01/12/2022

SA.110836

SA.104963

TCF : débridage d'installations éoliennes terrestres

TCF

21/12/2022

SA.107440

Source : Commission européenne

Annexe 9 : Liste des décisions de « l'encadrement temporaire de crise et de transition » de 2023

Référence

Titre de travail

Base légale

Date de la décision

Modifié par

SA.105134

TCF : crédit d'impôt

exceptionnel pour soutenir l'élimination du glyphosate en lien avec les difficultés rencontrées par le secteur agricole dues à l'agression russe contre l'Ukraine

TCTF

10/01/2023

 

SA.105381

France, TCTF: régime de soutien à deux parcs éoliens flottants en mer dans le golfe du Lion

TCTF

07/12/2023

 

SA.106197

TCF : régime de garantie des sûretés pour les contrats de fourniture

d'électricité et de gaz

Article 107(3)(b) TFUE

01/03/2023

 

SA.106481

TCF : régime cadre temporaire relatif aux mesures d'aides pour limiter la hausse des prix de l'électricité pour les PME en France en 2023 (« amortisseur électrique »)

TCTF

04/04/2023

SA.110832

SA.107474

TCTF : régime exceptionnel pour couvrir les pertes économiques du secteur de la lavande causées par les conséquences de l'agression militaire de la Russie contre l'Ukraine

TCTF

23/05/2023

 

SA.107668

TCTF, France : régime temporaire relatif aux aides visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables grâce aux investissements en faveur de l'utilisation de combustibles solides de récupération (CSR)

TCTF

06/10/2023

 

SA.108091

TCTF : régime exceptionnel visant à compenser les surcoûts des intrants pour les exploitations agricoles produisant des pommes de terre féculières

TCTF

06/07/2023

 

SA.108694

TCTF : régime exceptionnel visant à compenser les pertes économiques des secteurs agricoles spécialisés dans la production biologique

TCTF

03/08/2023

SA.110282

SA.108916

TCTF : régime exceptionnel pour les exploitations de fruits et légumes dans les régions ultrapériphériques françaises en raison de l'augmentation des prix des engrais et des conditionneurs de sol

TCTF

28/08/2023

SA.109962, SA.110574, SA.114594

Source : Commission européenne

Annexe 10 : La conditionnalité des aides aux entreprises en Allemagne, Espagne et Italie, étude réalisée par la division de la Législation comparée du Sénat

À la demande de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, la division de la Législation comparée du Sénat a réalisé une étude sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises dans trois pays européens ayant introduit ce type de dispositif (l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie).

En Allemagne, l'instauration d'une conditionnalité sociale dans le cadre des aides énergétiques, introduites fin 2022 à la suite de la guerre en Ukraine, représente une innovation majeure dans la politique de soutien économique. L'Espagne développe également la conditionnalité en matière de maintien de l'emploi, à travers les mécanismes de chômage partiel et, plus récemment, du projet de loi sur l'industrie et l'autonomie stratégique. En Italie, divers dispositifs de conditionnalité sociale et territoriale existent de plus longue date, notamment dans le cadre des zones économiques spéciales et des zones industrielles en crise. Dans ces trois pays, le recul et/ou les évaluations demeurent insuffisants pour mesurer l'efficacité de ces dispositifs.

1. Tableau de synthèse

Les mécanismes de conditionnalité des aides publiques aux entreprises

Pays

Dispositifs

Entreprises concernées

Conditionnalités

Conséquence en cas de non-respect

Allemagne

Lois StromPBG et EWPBG de plafonnement des prix de l'énergie

Entreprises ayant reçu un montant cumulé d'aides supérieur à 2 M€.

Préserver au moins 90 % de l'effectif total moyen jusqu'au 30 avril 2025.

Formalisation par un accord collectif ou une déclaration unilatérale d'engagement.

Remboursement total ou partiel avec intérêts, selon le niveau d'emploi maintenu (seuil minimal de remboursement de 20 % de l'aide versée).

Espagne

Projet de loi industrie et autonomie.

Entreprises ayant reçu au moins 3 M€ d'aides au cours des 5 dernières années.

Obligation de maintien de l'emploi pendant 5 à 2 ans selon la taille de l'entreprise.

Obligation non respectée si chute de la production de plus de 65 % ou baisse des effectifs de plus de 500 salariés.

Remboursement des aides perçues.

Mécanismes d'assurance chômage (exonérations de cotisations sociales)

Toute entreprise bénéficiant du mécanisme ERTE ou RED.

Maintien de l'emploi des travailleurs concernés par le chômage partiel pendant une période de 6 mois à 2 ans.

Remboursement des cotisations exonérées, majorées des intérêts et pénalités de retard.

Italie

Zones économiques spéciales (ZES), zones de crise industrielle, contrats de développement

Toute entreprise bénéficiaire.

Pour les ZES, maintien de l'activité pendant au moins 5 ans. Engagements de maintien ou de création d'emplois au cas par cas.

Remboursement des aides perçues.

Décret « Dignité »

Entreprises ayant bénéficié d'aides publiques supérieures à 10 000 €.

Obligation de maintenir l'activité sur le territoire national pendant au moins cinq ans
(ie. ni délocalisation, ni licenciements supérieurs à 50 % des effectifs).

Remboursement total ou proportionnel des aides perçues.

Projet de « code des aides »

Toute entreprise bénéficiaire d'aide publique.

Interdiction de délocalisation ou de réduction significative de l'activité (avec réduction du personnel supérieure à 40 %) dans les 5 ans.

Remboursement des aides et interdiction de bénéficier de nouvelles aides pendant une durée de 5 à 10 ans.

2. Allemagne
a) Au niveau fédéral, une politique d'aides publiques diversifiée

L'Allemagne se distingue par une politique d'aides publiques aux entreprises particulièrement structurée, diversifiée et quantitativement significative. Celle-ci repose sur une définition extensive de l'aide, incluant à la fois les subventions budgétaires, les dépenses fiscales, les exonérations de charges, les garanties publiques et les financements via des fonds extra-budgétaires. Cette architecture s'est consolidée au fil des crises récentes et de la transition énergétique.

(1) Définition et catégories des aides publiques aux entreprises

En Allemagne, la notion d'aide publique aux entreprises est entendue de manière large et structurée, selon une classification stabilisée dans les rapports bisannuels relatifs aux subventions (Subventionsberichte) établis par le gouvernement fédéral. Trois grandes catégories d'aides sont distinguées : les aides budgétaires directes (Finanzhilfen), les avantages fiscaux (Steuervergünstigungen) et les dispositifs équivalents (sonstige steuerliche Maßnahmen mit Subventionscharakter)668(*).

Les Finanzhilfen correspondent à des subventions inscrites dans le budget fédéral ou dans les budgets des fonds spéciaux (Sondervermögen). Elles visent à soutenir des secteurs spécifiques ou des projets ciblés. Pour l'année 2024, leur montant atteint 48,7 milliards d'euros, en forte hausse par rapport à 2021 où il était de 18,4 milliards669(*).

Les Steuervergünstigungen recouvrent l'ensemble des dispositions fiscales qui dérogent au régime général dans un objectif économique, social ou environnemental. Elles sont plus stables dans le temps, oscillant autour de 18 à 20 milliards d'euros par an670(*). Leur poids est cependant croissant dans certains domaines ciblés comme la fiscalité de l'énergie ou la recherche671(*).

À ces deux catégories principales s'ajoutent des dispositifs indirects comme les garanties de prêts, les bonifications de taux ou les prises de participation publiques. Bien qu'ils ne soient pas toujours comptabilisés comme des subventions stricto sensu, ils sont analysés dans les rapports pour leur effet économique équivalent672(*).

La Cour des comptes fédérale souligne que de nombreuses aides présentent un caractère pérenne, sans évaluation systématique de leur efficacité673(*). Elle appelle à renforcer les critères de sortie et à systématiser les contrôles d'impact, notamment pour les mesures fiscales, souvent mal documentées674(*).

(2) Les canaux de financement

Outre les canaux budgétaires classiques, l'Allemagne mobilise de manière croissante des instruments extra-budgétaires pour financer ses aides publiques, en particulier les Sondervermögen (fonds spéciaux). Ceux-ci permettent de contourner les règles d'équilibre du budget fédéral tout en fléchant des moyens importants vers des priorités définies, comme la transition énergétique ou la gestion des crises.

Le principal de ces fonds est le fonds pour le climat et la transition énergétique (Klima- und Transformationsfonds - KTF). Il finance notamment les investissements industriels stratégiques, les programmes de décarbonation, les infrastructures hydrogène, l'électromobilité ou les semi-conducteurs. Entre 2024 et 2027, le volume total prévu pour le KTF s'élève à 211,8 milliards d'euros, soit environ 50 milliards par an675(*). Ce fonds joue un rôle majeur dans les programmes IPCEI (Important Projects of Common European Interest), jugés compatibles avec le droit des aides d'État par la Commission européenne676(*).

Parallèlement, le fonds pour la stabilisation de l'économie (Wirtschaftsstabilisierungsfonds - WSF), mis en place initialement pour répondre à la pandémie, a été réactivé en 2022 afin de financer les aides exceptionnelles liées à la crise énergétique. C'est ce fonds qui a supporté financièrement les mesures prévues par les lois introduisant un frein à la hausse des prix du gaz naturel et de la chaleur fournis par le réseau (EWPBG) et un frein aux prix de l'électricité (StromPBG)677(*) (cf. infra). En 2023, 20,3 milliards d'euros ont été débloqués via le WSF dans ce cadre678(*).

Cette structuration par fonds permet à l'État de réagir rapidement en situation de crise tout en pilotant des politiques de transformation à long terme. Toutefois, plusieurs rapports soulignent une relative opacité de ces instruments, notamment sur la consolidation de leur impact dans la comptabilité nationale679(*)&680(*).

b) Un exemple caractéristique : les lois EWPBG et StromPBG en réponse à la crise énergétique

Face à la crise énergétique déclenchée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Allemagne a adopté, à l'automne 2022, deux lois d'ampleur inédite : la loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein aux prix de l'électricité (Strompreisbremsegesetz - StromPBG)681(*) et la loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein à la hausse des prix du gaz naturel et de la chaleur fournis par le réseau (Erdgas-Wärme-Preisbremsengesetz - EWPBG)682(*). Ces textes organisent un plafonnement temporaire des prix du gaz, de l'électricité et de la chaleur pour les ménages, les entreprises et certaines entités publiques. Leur architecture repose sur un ciblage différencié, un système de calcul normé et un financement massif par fonds public.

(1) Le cadre juridique des freins tarifaires (Preisbremsen)

Les lois StromPBG et EWPBG s'inscrivent dans le cadre du bouclier de protection (Schutzschirm) mis en place par le gouvernement fédéral pour amortir les effets de la hausse des prix de l'énergie683(*). L'objectif principal est de garantir des tarifs réduits pour une part significative de la consommation énergétique, tout en maintenant une incitation à la sobriété.

Le dispositif repose sur la fixation de prix de référence : 0,12 euro/kWh pour le gaz et 0,40 euro/kWh pour l'électricité dans le secteur domestique et les PME, et 0,07 euro/kWh pour les gros consommateurs industriels de gaz (articles 9 EWPBG et 8 StromPBG). Les textes prévoient un volume d'allègement équivalant à 80 % de la consommation annuelle pour les petits consommateurs et à 70 % pour les grands consommateurs (articles 10 EWPBG et 9 StromPBG).

Les bénéficiaires sont classés en trois groupes principaux : les ménages et petites entreprises, les entreprises industrielles à forte consommation, et des entités spécifiques comme les hôpitaux, établissements de soins ou collectivités (articles 3 StromPBG et 3 EWPBG). L'activation du dispositif est automatique, sur la base des données de consommation préexistantes.

Ces mesures s'appliquaient pour une durée initiale allant jusqu'au 31 décembre 2023, avec possibilité de prolongation par décret jusqu'au 30 avril 2024 (articles 1er StromPBG et 1er EWPBG).

(2) Les mécanismes de calcul, plafonnement et différenciation sectorielle

Le mécanisme d'aide repose sur une méthode de calcul standardisée du montant de l'allègement, fondée sur la différence entre le prix de consommation (Arbeitspreis) et un prix de référence fixé par la loi, appliquée à un volume plafonné de consommation appelé Entlastungskontingent (articles 8 à 12 EWPBG et 7 à 9 StromPBG). Le calcul s'effectue mensuellement, avec une ventilation sur les factures, sans requérir d'action spécifique du consommateur684(*)&685(*).

Le dispositif prévoit une différenciation en fonction de la catégorie du bénéficiaire. Pour les particuliers et petites entreprises, 80 % de la consommation de référence (sur la base des données de 2021 ou des prévisions de septembre 2022) bénéficie du tarif plafonné. Pour les consommateurs industriels, ce seuil est abaissé à 70 %, avec des modalités d'ajustement spécifiques en cas de consommation atypique686(*).

Le montant total de l'aide versée à un bénéficiaire est également encadré par des plafonds déterminés selon la taille, le secteur et la situation économique de l'entreprise, avec un maximum absolu de 150 millions d'euros par entité (articles 18 EWPBG et 18 StromPBG). Ces plafonds peuvent être ajustés en fonction des critères de l'encadrement temporaire de crise et de transition adopté par la Commission européenne687(*).

(3) Les modalités de financement et de contrôle

Le financement des Preisbremsen (mécanismes de plafonnement des prix) repose principalement sur le WSF, un fonds spécial initialement créé pour faire face à la crise du covid-19 et réactivé pour soutenir les mesures liées à la crise énergétique. Le WSF a été doté à cet effet de 200 milliards d'euros, dont une partie est mobilisée pour couvrir les compensations versées aux fournisseurs d'énergie688(*)&689(*). En 2023, le financement effectif des mesures s'est élevé à 20,3 milliards d'euros690(*).

Les fournisseurs d'énergie, qu'il s'agisse de distributeurs de gaz, d'électricité ou de chaleur, sont remboursés des sommes qu'ils avancent aux consommateurs sous forme d'allègement tarifaire. Ce remboursement fait l'objet d'une procédure normalisée d'avance mensuelle (Vorauszahlung) et d'une régularisation annuelle (Endabrechnung) (articles 31 à 35 EWPBG et 30 à 34 StromPBG). Les demandes sont encadrées par des formulaires et des contrôles définis par décret, sous la supervision d'une autorité de contrôle désignée par le gouvernement (articles 25 EWPBG et 25 StromPBG).

Des sociétés privées comme PwC et Aconium ont été mandatées pour agir en tant qu'organismes chargés d'une mission de puissance publique, en vertu des habilitations prévues par les lois. Ces entités assurent la vérification des déclarations et la conformité au droit de l'Union européenne.

c) La conditionnalité sociale des aides énergétiques

L'instauration d'une conditionnalité sociale dans le cadre des aides énergétiques représente une innovation majeure dans la politique de soutien économique en Allemagne. Pour la première fois, des aides publiques sont expressément subordonnées à un engagement de maintien de l'emploi. Introduite dans les articles 29 EWPBG et 37 StromPBG, cette exigence s'applique aux entreprises recevant des aides au-delà d'un certain seuil. Elle oblige les bénéficiaires à préserver 90 % de leurs effectifs jusqu'au 30 avril 2025, sous peine de devoir rembourser tout ou partie des aides perçues.

(1) La condition relative au maintien de l'emploi

La condition de maintien de l'emploi figure expressément à l'article 29 de la loi EWPBG et à l'article 37 de la loi StromPBG. Elle s'applique aux entreprises ayant perçu un montant cumulé d'aides supérieur à 2 millions d'euros. Celles-ci doivent s'engager à préserver au moins 90 % de leur effectif total moyen entre février 2022 et janvier 2023 jusqu'au 30 avril 2025.

Le respect de cette exigence doit être formalisé par l'une des deux voies prévues par la loi : soit par un accord collectif conclu avec le comité d'entreprise, soit par une déclaration unilatérale d'engagement (Selbstverpflichtungserklärung)691(*). Dans ce dernier cas, l'entreprise s'engage par écrit, selon un modèle défini par l'autorité de contrôle, à respecter la clause d'emploi pendant toute la durée prescrite.

La mesure vise à assurer que les aides perçues servent effectivement à stabiliser l'activité économique et non à financer des suppressions de postes. Elle constitue une réponse à certaines critiques antérieures sur l'absence de contreparties dans la politique de subvention. Elle a été confirmée dans les documents d'accompagnement des lois comme une condition obligatoire pour les montants élevés692(*).

(2) Les modalités d'engagement

Les modalités concrètes de mise en oeuvre de la condition de maintien de l'emploi sont encadrées par la réglementation d'exécution et les lignes directrices de l'autorité de contrôle. Le respect du seuil d'engagement (cf. infra) peut être constaté soit sur la base des effectifs globaux de l'entreprise, soit établissement par établissement.

Lorsque l'engagement prend la forme d'une déclaration unilatérale d'engagement (Selbstverpflichtungserklärung), l'entreprise doit transmettre le formulaire prévu par l'autorité de contrôle (Prüfbehörde), signé par la direction, et mentionner les effectifs de référence693(*). Cette déclaration pouvait être effectuée dès la demande d'aide ou jusqu'au 31 mai 2024 au plus tard (article 29, alinéa 4 EWPBG). Le non-respect de cette obligation dans les délais impartis entraînait la suppression rétroactive de l'aide pour les mois concernés.

Des exceptions sont prévues dans le cas où l'entreprise peut justifier de mesures d'investissement équivalentes ou d'un maintien de l'emploi malgré une baisse conjoncturelle de l'activité. Ces situations doivent être documentées et peuvent faire l'objet d'un examen au cas par cas par l'autorité de contrôle.

(3) Contrôle et sanctions

Le respect de la condition de maintien de l'emploi fait l'objet d'un contrôle a posteriori, organisé dans le cadre du décompte annuel (Jahresendabrechnung) exigé au plus tard en juin 2025. L'entreprise doit y récapituler les effectifs mensuels ainsi que l'ensemble des aides perçues694(*) (article 20 EWPBG).

En l'absence de transmission d'un accord collectif ou d'une déclaration d'engagement avant le 31 juillet 2023, le montant total des aides perçues au-delà de 2 millions d'euros devient immédiatement remboursable dans son intégralité, avec intérêts (article 29, alinéa 2).

En cas d'engagement formel mais de non-respect du seuil de 90 %, la loi prévoit un mécanisme de remboursement partiel, proportionnel au taux de non-conformité avec un seuil minimal de remboursement fixé à 20 % de l'aide perçue, sauf si l'entreprise a bénéficié d'une clause dérogatoire liée à un programme d'investissement (article 29 EWPBG). L'autorité de contrôle (Prüfbehörde) peut également tenir compte d'éventuelles restructurations juridiques ou économiques affectant les effectifs (point 2). Une réduction allant jusqu'à 50 % des effectifs peut être compensée si l'entreprise a investi au moins 50 % du total des aides reçues dans un projet conforme à certains objectifs environnementaux ou européens (point 3). Enfin, la situation économique du bénéficiaire peut justifier un ajustement de la décision de recouvrement (point 4). Les montants à restituer sont assortis d'intérêts, sauf dispense expresse de l'autorité compétente.

La vérification de ces données est assurée par des sociétés désignées comme organismes chargés d'une mission de puissance publique (beliehene Stelle), habilitées à effectuer les contrôles, examiner les justificatifs et ordonner le recouvrement des sommes indûment perçues. Ces entités peuvent également demander des pièces complémentaires ou diligenter des audits.

Le non-respect des obligations déclaratives ou la présentation de données erronées peut donner lieu à des sanctions administratives, à la suspension des versements ou au remboursement intégral de l'aide695(*). Certaines entreprises ont exprimé des réserves sur la lourdeur administrative de ces contrôles, notamment dans l'industrie, estimant que la complexité pourrait décourager le recours au dispositif696(*).

d) Débat et perspectives sur l'avenir de la conditionnalité des aides publiques

La conditionnalité sociale introduite dans les lois EWPBG et StromPBG constitue un précédent significatif dans la politique des aides publiques en Allemagne. Elle soulève désormais la question de sa généralisation à d'autres formes de soutien public, en particulier dans un contexte de transition écologique, de tensions budgétaires et de contrôle renforcé par l'Union européenne.

(1) Vers l'élargissement à de nouveaux critères ?

L'intégration de critères sociaux et environnementaux dans l'attribution des aides publiques figurait parmi les objectifs affichés du gouvernement Scholz (2021-2025). Le rapport financier fédéral annuel de 2024 (Finanzbericht 2024) souligne la volonté de renforcer la sélectivité des subventions en fonction de leur contribution à la transformation écologique, à la résilience industrielle et à la justice sociale697(*). Cette orientation s'exprime notamment dans la gestion du KTF (cfsupra), qui finance des projets liés à la décarbonation, à l'innovation technologique et à la relocalisation industrielle698(*).

Dans le 29e rapport relatif aux subventions, la question de la conditionnalité est abordée sous l'angle de la durabilité. Le rapport évoque la nécessité d'intégrer des critères de performance, de dégressivité et d'impact environnemental dans l'octroi et le renouvellement des aides699(*). Il appelle à renforcer l'évaluation ex ante et ex post des mesures de soutien et à assurer une meilleure cohérence entre les objectifs de politique industrielle et ceux de la politique climatique.

Plusieurs dispositifs déjà en place dans le cadre du KTF intègrent implicitement des conditions environnementales, notamment dans les appels à projets pour les technologies vertes ou les projets importants d'intérêt européen commun (IPCEI)700(*). Toutefois, ces critères ne sont pas encore systématisés dans l'ensemble des dispositifs d'aides.

Les dispositifs mis en oeuvre dans le cadre des lois EWPBG et StromPBG pourraient ainsi constituer un modèle pour l'extension de conditionnalités explicites à d'autres formes de soutien, qu'il s'agisse de critères sociaux (emploi, formation) ou environnementaux (empreinte carbone, efficacité énergétique)701(*).

Compte tenu du changement très récent de la majorité composant le Bundestag, les recherches n'ont pas permis d'identifier d'éventuelles intentions du nouveau gouvernement de poursuite ou de remise en cause de cette orientation.

(2) Limites et contraintes

Malgré les avancées que constitue l'introduction de la conditionnalité sociale, plusieurs limites structurelles et juridiques freinent sa généralisation. Une étude commandée par la Fédération de l'économie bavaroise (Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft - VBW) souligne que les exigences en matière de maintien de l'emploi sont perçues par certaines entreprises comme rigides et mal adaptées à la diversité des modèles économiques, en particulier dans l'industrie702(*). La même étude met en garde contre un effet dissuasif, certaines entreprises préférant renoncer aux aides plutôt que de s'exposer à des obligations administratives complexes.

Sur le plan juridique, la compatibilité avec le droit européen des aides d'État demeure une contrainte structurante. La conditionnalité imposée dans le cadre des lois EWPBG et StromPBG a dû être validée par la Commission européenne dans le cadre de l'encadrement temporaire de crise et de transition, avec des plafonds stricts et des critères de justification économique précis703(*). En dehors de ce cadre exceptionnel, l'introduction de clauses de conditionnalité pourrait exiger une notification spécifique à Bruxelles et faire l'objet de contentieux704(*).

La Cour des comptes fédérale, dans son rapport de mars 2024, souligne aussi que la multiplication des critères non économiques dans les aides publiques peut nuire à leur lisibilité et à leur efficacité, si elle n'est pas accompagnée d'une stratégie claire et de moyens de contrôle suffisants705(*). Elle recommande de concentrer les efforts sur les dispositifs où l'effet de levier est le plus élevé et les objectifs facilement vérifiables.

e) Le rôle des Länder dans la politique d'aides publiques aux entreprises : une contribution substantielle mais hétérogène

La politique d'aides publiques aux entreprises ne relève pas exclusivement de la compétence de l'État fédéral. Les seize Länder disposent de marges de manoeuvre importantes pour mettre en oeuvre, financer ou cofinancer leurs propres dispositifs d'aide économique. Cette implication régionale, historiquement ancrée dans le fédéralisme allemand, prend des formes multiples : aides budgétaires autonomes, participation à des programmes nationaux comme la tâche commune « Amélioration de la structure économique régionale » (GRW, cfinfra), ou dispositifs spécifiques aux besoins locaux. Toutefois, cette diversité s'accompagne d'une hétérogénéité dans les mécanismes de suivi et de remontée d'information, rendant parfois difficile l'évaluation globale des soutiens publics à l'échelle nationale.

(1) L'autonomie budgétaire des Länder dans l'octroi d'aides économiques directes

Les Länder allemands disposent d'une autonomie budgétaire leur permettant de financer directement des aides publiques aux entreprises, en dehors des dispositifs fédéraux. En 2021, le montant total des aides budgétaires versées par les Länder a atteint un niveau exceptionnel de 18,6 milliards d'euros, dont environ 62 % étaient destinés à l'industrie, notamment le secteur de la construction706(*). Ces aides prennent des formes diverses : subventions à l'investissement, soutiens à l'innovation, aides à la création d'entreprise ou à la transition écologique.

Une partie de ces aides est gérée via des fonds extrabudgétaires propres aux Länder, qui ne sont pas intégrés dans les statistiques consolidées de l'État fédéral, ce qui renforce leur indépendance d'action707(*). Contrairement à l'État fédéral, les Länder ne sont pas tenus de publier un rapport obligatoire sur leurs aides prévu par la loi708(*). Cette liberté institutionnelle leur permet d'adapter leurs programmes aux spécificités régionales, mais elle complique la lecture agrégée des interventions publiques à l'échelle nationale. La coopération verticale reste donc essentielle pour assurer une cohérence d'ensemble.

(2) Des mécanismes de cofinancement structurés dans les politiques fédérales : l'exemple de la GRW

L'implication des Länder dans la politique d'aides publiques s'exerce aussi dans le cadre de dispositifs de cofinancement structuré, dont l'exemple le plus emblématique est la tâche commune « Amélioration de la structure économique régionale » (Gemeinschaftsaufgabe Verbesserung der regionalen Wirtschaftsstruktur“ - GRW). Ce mécanisme, encadré par une loi de 1969709(*), repose sur une répartition des compétences entre l'État fédéral, qui définit les grandes lignes et alloue les moyens, et les Länder, qui assurent l'instruction des dossiers, la sélection des projets et la mise en oeuvre concrète710(*). Ce sont également les Länder qui fixent les taux d'aide applicables dans les différentes zones admissibles, en fonction des orientations stratégiques régionales.

La GRW vise à renforcer la compétitivité des régions structurellement défavorisées en soutenant les investissements productifs et les infrastructures économiques de base. Les Länder jouent ici un rôle central, tant dans la planification que dans l'exécution. Ils déterminent les priorités d'intervention (par exemple, innovation, numérisation, transition énergétique) et adaptent les programmes à leurs besoins territoriaux spécifiques711(*).

En 2022, le budget total alloué à la GRW s'élevait à 1,36 milliard d'euros, dont environ 50 % provenaient des Länder712(*). La répartition régionale des crédits, leur ciblage sectoriel et les critères d'éligibilité sont donc directement influencés par les politiques économiques régionales.

(3) Une coordination incomplète et des lacunes statistiques dans la remontée d'information

Malgré leur rôle significatif dans la mise en oeuvre des aides publiques, les Länder ne sont pas soumis à la même obligation de transparence statistique que l'État fédéral. Contrairement à l'État fédéral, qui est tenu de publier tous les deux ans un rapport relatif aux subventions en application de la loi de 1967 (cf. supra), les Länder ne sont astreints à aucune obligation légale de rapport comparable713(*). La plupart transmettent cependant volontairement des données à la Centrale de données des ministres des finances régionaux (Zentrale Datenstelle der Landesfinanzminister - ZDL), mais cette transmission reste partielle, non homogène, et limitée dans son champ.

Ainsi, les données agrégées disponibles sur les aides accordées par les Länder ne concernent en général que les subventions budgétaires, sans inclure les aides fiscales, les exonérations, ni les garanties publiques, qui relèvent d'autres canaux administratifs714(*). Par ailleurs, l'absence de méthodologie harmonisée entre les Länder rend difficile toute comparaison interrégionale. Les types d'aides recensées, les secteurs considérés et les modalités de calcul varient sensiblement d'un Land à l'autre.

La Cour des comptes fédérale, dans ses remarques sur les précédents rapports de subventions, a souligné cette faiblesse structurelle, appelant à une consolidation plus rigoureuse des données et à une meilleure articulation entre les niveaux fédéral et régional715(*). D'après la Cour, cette fragmentation statistique nuirait à la transparence et à l'évaluation globale de la politique d'aides publiques à l'échelle allemande.

3. Espagne
a) La répartition des compétences entre l'État et les communautés autonomes en matière de développement économique

En Espagne, la politique de développement économique est largement décentralisée au profit des communautés autonomes, même si l'État conserve une compétence en la matière.

Aux termes de l'article 149, paragraphe 1, alinéa 13 de la Constitution espagnole, l'État jouit d'une compétence exclusive pour définir « les bases et la coordination de la planification générale de l'activité économique »716(*). L'article 148 de la Constitution énumère quant à lui parmi les compétences susceptibles d'être exercées par les communautés autonomes, le « développement de l'activité économique ». Chaque communauté dispose de son propre statut d'autonomie, approuvé par le Parlement (Cortes Generales) en vertu d'une loi organique, et précisant son champ de compétences.

Les recherches n'ont pas mis en évidence de statistiques permettant d'identifier le poids respectif des financements de l'Union européenne, de l'État et des communautés autonomes dans les aides publiques aux entreprises en Espagne. Le dernier rapport annuel sur les aides publiques717(*), publié par la Commission nationale des marchés et de la concurrence, indique qu'en 2022, 17,1 milliards d'euros718(*) de mesures en faveur des entreprises ont été notifiés à la Commission européenne au titre des aides d'État, dont 10 % au titre des mesures covid-19 et 43 % dans le cadre du régime temporaire mis à la place à la suite de la crise énergétique consécutive à l'invasion russe en Ukraine.

Par ailleurs, selon les chiffres publiés par le ministère des finances en vertu de la loi de 2013 sur la transparence719(*), près de 17 500 entreprises ont bénéficié de subventions publiques (toutes origines confondues) d'un montant égal ou supérieur à 100 000 euros en Espagne en 2023, pour un montant total de 11,8 milliards d'euros720(*). Les dix premières entreprises bénéficiaires ont reçu en moyenne 153 millions d'euros d'aide721(*).

La base de données des aides et incitations aux entreprises722(*) et le système national de publicité des subventions et aides publiques (Sistema Nacional de Publicidad de Subvenciones y Ayudas Públicas)723(*), qui incluent toutes les mesures des administrations publiques en faveur des entreprises, sous forme de subventions, incitations fiscales, garanties ou autres, indiquent qu'un très grand nombre de dispositifs, notamment sectoriels, relèvent des communautés autonomes.

En effet, la plupart des communautés autonomes disposent de leur propre agence de développement économique, qui bénéficient également de financements de l'État et de l'Union européenne. À titre d'exemples :

- en Catalogne, l'agence ACCIÓ (Agència per la Competitivitat de l'Empresa) a mobilisé environ 134 millions d'euros en aides directes aux entreprises en 2023, dont une part importante dédiée à l'industrie automobile et aux projets liés à la mobilité électrique724(*) ;

- au Pays basque, l'agence basque de développement (SPRI) et le gouvernement basque communiquent sur un montant de 500 millions d'euros d'aide en faveur de l'industrie et plus particulièrement des PME de ce secteur en 2025.

b) Le projet de loi sur l'industrie et l'autonomie stratégique : l'introduction de nouveaux critères pour les aides publiques aux entreprises

Le 10 décembre 2024, le gouvernement espagnol a présenté le projet de loi sur l'industrie et l'autonomie stratégique725(*). Selon son exposé des motifs, ce texte vise à définir les grandes lignes, les instruments et les mécanismes de gouvernance permettant d'atteindre une plus grande autonomie stratégique grâce à la promotion de l'industrie et à sa transformation afin de restaurer la base industrielle en Espagne, d'accroître sa compétitivité sur la scène internationale, de progresser vers une économie circulaire et d'atteindre la neutralité climatique avant 2050. Cette initiative est étroitement liée au Plan de relance, de transformation et de résilience de l'Espagne, cofinancé par le fonds NextGenerationEU.

Le projet de loi introduit également de nouvelles conditions d'éligibilité aux aides publiques aux entreprises versées dans le cadre des programmes et mesures de soutien à l'industrie mis en oeuvre par l'État et les communautés autonomes726(*).

(1) Les nouvelles conditions d'éligibilité aux aides publiques

L'article 18 du projet de loi sur l'industrie et l'autonomie prévoit que les entreprises ayant reçu des subventions dans le cadre des programmes et mesures entrant dans le champ d'application de la loi, pour un montant global de 3 millions d'euros727(*) ou plus au cours des cinq dernières années, doivent maintenir leur activité pendant cinq ans pour les grandes entreprises, trois ans pour les entreprises moyennes et deux ans pour les petites entreprises

Cette condition s'applique à partir de la date de publication ou de notification de la décision d'octroi de la dernière aide qui a conduit au dépassement du seuil susmentionné, sans préjudice aux obligations issues des réglementations européennes. Le seuil de 3 millions d'euros de subventions est calculé au niveau du groupe d'entreprises et tient compte des subventions provenant de l'ensemble des administrations publiques.

Les termes « petite entreprise »728(*), « entreprise moyenne »729(*) et « grande entreprise »730(*) sont définis par référence à l'article 2 de l'annexe 1 du Règlement de l'Union européenne du 17 juin 2014731(*) par référence au nombre d'employés et au montant du chiffre d'affaires annuel.

L'obligation de maintien de l'activité est considérée comme non respectée lorsque la production d'une entreprise chute de plus de 65 %, ou que ses effectifs diminuent de 500 personnes ou plus pendant la période de référence. Ces données ne prennent pas en considération les effets de saisonnalité annuelle et sont calculées sur la base de données des trois derniers exercices.

(2) Les exceptions

Le paragraphe 2 de l'article 18 prévoit des exceptions à la condition de maintien de l'activité précédemment énoncée. Une entreprise concernée peut ainsi toujours prétendre à des aides publiques dans les cas suivants :

- en cas de transformation, fusion, scission ou cession globale d'actifs et de passifs de l'entreprise, à condition que l'entité acquéreuse ou l'entité issue de la fusion ou de la scission poursuive l'activité dans les conditions prévues (c'est-à-dire qu'elle ne réduise ni sa production de 65 % ou plus, ni ses effectifs de 500 employés ou plus) ;

- en cas de liquidation dans le cadre d'une procédure de faillite, à condition que cette dernière ne soit pas fautive. D'après l'article 442 de la loi sur la faillite732(*), une faillite est « fautive » (culpable) lorsque son apparition ou son aggravation est due à une négligence ou une faute grave du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de ses administrateurs ou liquidateurs, directeurs généraux ou de ceux qui ont occupé ces fonctions dans les deux ans précédant la date du début de la procédure d'insolvabilité.

(3) Les sanctions en cas de non-respect de la condition de maintien de l'activité

Aux termes de l'article 18, paragraphe 3, de la loi précitée, en cas de non-respect des nouvelles conditions d'éligibilité aux aides d'État, les aides effectivement versées en application de la loi doivent être remboursées, conformément aux dispositions de la loi générale sur les subventions (Ley General de Subvenciones) de 2003733(*).

L'article 18, paragraphe 4, prévoit une exception à la règle de remboursement pour les entreprises industrielles qui, bien qu'ayant réduit leurs effectifs de plus de 500 personnes, le font à titre temporaire pendant la recherche de nouveaux investisseurs ou pour un motif de force majeure, à condition que ce processus aboutisse à la reprise de l'activité productive de l'installation en récupérant au moins 50 % de leur niveau d'emploi antérieur dans un délai maximal d'un an.

c) La condition de maintien des emplois applicable aux mécanismes de chômage partiel

Les deux dispositifs de chômage partiel prévus par la loi sur le statut des travailleurs espagnole (Ley del Estatuto de los Trabajadores)734(*) prévoient des exonérations partielles de cotisations de sécurité sociale pour les employeurs, dont le bénéfice est soumis à une condition de maintien de l'emploi.

(1) Le mécanisme de chômage partiel ERTE

En vertu de l'article 47 de la loi sur le statut des travailleurs, le dispositif de régulation temporelle du travail (Expediente de Regulación Temporal de Empleo, ERTE) permet à une entreprise de réduire temporairement la durée du travail de ses employés ou de suspendre temporairement leur contrat de travail :

- pour des raisons économiques, techniques, organisationnelles ou sociales. La demande de recours au dispositif ERTE doit être fondée sur l'une de ces causes et est négociée avec les représentants du personnel, lors d'une phase de consultation ;

- ou en cas de force majeure. Ce motif a été introduit à la suite de la pandémie de covid-19.

Pendant la suspension des contrats de travail ou la réduction de la durée du travail, les entreprises peuvent bénéficier d'exonérations de cotisations de sécurité sociale à hauteur de 20 % pour l'ERTE admis pour des raisons économiques, techniques organisationnelles ou sociales ou de 90 % pour l'ERTE en cas de force majeure735(*).

(2) Le mécanisme RED de flexibilité et de stabilisation de l'emploi

Un mécanisme supplémentaire de chômage partiel a été mis en place à l'occasion de la réforme du marché du travail de 2022 en Espagne. L'article 47 bis de la loi sur le statut des travailleurs définit le mécanisme RED comme un « instrument de flexibilité et de stabilisation de l'emploi qui, une fois activé par le Conseil des ministres, permettra aux entreprises de faire la demande de mesures de réduction du temps de travail [entre 10 % et 70 %] et de suspension des contrats de travail ».

Le fonds RED est financé par les excédents de recettes des cotisations de sécurité sociale pour l'assurance chômage, des contributions des programmes du budget général de l'État et les ressources provenant des instruments de financement de l'Union européenne. Sa gestion relève de la responsabilité du service public de l'emploi de l'État (Servicio Publico de Empleo Estatal, SEPE), un organisme autonome rattaché au ministère du travail et de l'économie sociale.

À la différence du mécanisme classique de chômage partiel prévu à l'article 47 de la loi sur le statut du travailleur, le mécanisme RED peut être activé selon deux modalités différentes736(*) :

- modalité « cyclique » : en cas de baisse transitoire de la demande due à des causes macroéconomiques, pour éviter des licenciements. Les entreprises peuvent suspendre le contrat d'une partie de leurs travailleurs pour une durée maximale d'un an au lieu de les licencier. Pendant cette période de suspension, la formation des travailleurs est encouragée et des exonérations dégressives de cotisations sociales sont prévues. Durant les quatre premiers mois, l'entreprise bénéficiera d'une exonération de 60 %, de 30 % entre le cinquième et le huitième mois et de 20 % à partir du neuvième mois737(*) ;

- modalité « sectorielle » : dans ce cas, la suspension des contrats de travail ou la réduction du temps de travail sont accompagnées d'un plan de requalification. Cette modalité permet d'accompagner la requalification des travailleurs dans les entreprises et les secteurs en transition qui nécessitent des adaptations. L'entreprise peut alors activer ce mécanisme pour une durée maximale d'un an (six mois, avec possibilité de prolongation de six mois supplémentaires) afin de faciliter le transfert de ses salariés vers une autre entreprise, grâce à leur formation. Les exonérations de cotisations sociales s'élèvent à 40 % et conditionnées également à la réalisation d'activités de formation738(*).

L'autorité du travail fait droit à la demande si elle estime que les documents fournis démontrent que la situation conjoncturelle ou sectorielle temporaire existe dans l'entreprise dans les conditions prévues par le présent article.

Le mécanisme RED est activé par le gouvernement, sur proposition conjointe des ministres du travail et de l'économie sociale et des affaires économiques - à la suite à un rapport de la commission déléguée du gouvernement pour les affaires économiques. La demande d'activation du mécanisme RED sectoriel peut aussi être adressée aux ministres par les organisations syndicales et patronales les plus représentatives.

Le 23 décembre 2024, le Conseil des ministres espagnol a activé le mécanisme RED pour le secteur de la construction automobile. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2025, les entreprises de ce secteur et celles participant à la chaîne de production ou leur fournissant les services nécessaires peuvent demander l'autorisation de mettre en place des mesures de suspension temporaire des contrats de travail et de réduction de la journée de travail sur leurs sites739(*).

(3) La conditionnalité des exonérations de cotisations sociales dans le cadre des dispositifs de chômage partiel

Pour bénéficier des exonérations partielles de cotisations sociales prévues dans le cadre des dispositifs de chômage partiel ERTE et RED, la loi sur la sécurité sociale (44e disposition additionnelle, paragraphe 10)740(*) prévoit une condition de maintien de l'emploi.

Ainsi, les exonérations de cotisations sociales sont subordonnées au maintien des travailleurs concernés dans leur emploi pendant une période minimale de six mois et maximale de deux ans à compter de la fin de la période de validité du dossier de chômage partiel. Initialement, la période de maintien dans l'emploi était fixée à six mois. Le décret-royal du 28 janvier 2025 a précisé la durée minimale et maximale « afin de permettre une meilleure adaptation aux circonstances particulières de chaque cas et de garantir, le cas échéant, un engagement renforcé en faveur du maintien des emplois »741(*).

Les entreprises qui ne respectent pas cet engagement doivent rembourser le montant des cotisations dont elles ont été exonérées pour le travailleur concerné, majoré des pénalités et intérêts de retard correspondants, conformément aux règles de recouvrement de la sécurité sociale, après vérification du non-respect de cet engagement et détermination des montants à rembourser par l'Inspection du travail et de la sécurité sociale.

Des dérogations sont prévues en cas de fin de contrat à la suite d'un licenciement disciplinaire justifié, d'une démission, d'un décès, d'un départ à la retraite ou d'une incapacité permanente totale, absolue ou grave du travailleur, ainsi que pour les contrats temporaires prenant fin en raison de l'extinction de sa cause, ou lorsque l'activité faisant l'objet du contrat ne peut plus être réalisée.

4. Italie
a) Une architecture complexe et diversifiée des aides publiques aux entreprises

Le paysage des aides publiques aux entreprises (incentivi) en Italie se caractérise par une diversité d'objectifs et de modalités de mise en oeuvre, portés par une pluralité d'acteurs nationaux et locaux.

(1) Les différentes formes d'aides publiques

Les aides publiques aux entreprises en Italie prennent des formes multiples, permettant de répondre à des besoins diversifiés :

- les subventions directes (contributi a fondo perduto) constituent les instruments les plus courants. Elles visent à soutenir l'investissement productif, la recherche et développement ou encore la création d'entreprises, sans obligation de remboursement pour le bénéficiaire742(*) ;

- les aides fiscales occupent également une place importante, généralement sous forme de crédits d'impôt (crediti d'imposta) octroyés en fonction d'investissements réalisés, notamment dans le cadre de dispositifs tels que Transizione 4.0 (cf. infra) ;

- d'autres dispositifs reposent sur l'exonération partielle ou totale de charges sociales, en particulier pour favoriser l'embauche de jeunes, de femmes ou de travailleurs dans les régions du Sud743(*) ;

- par ailleurs, certaines aides prennent la forme d'interventions financières à travers des prêts à taux préférentiels ou des garanties publiques, destinées à faciliter l'accès au crédit bancaire pour les petites et moyennes entreprises744(*). Ces mécanismes, moins coûteux pour les finances publiques que les subventions, permettent de soutenir des projets d'investissement tout en limitant le risque pour les établissements prêteurs.

L'ensemble de ces dispositifs peut être mobilisé de manière cumulative, sous réserve du respect des plafonds prévus par la réglementation nationale et européenne sur les aides d'État745(*).

(2) Une diversité d'objectifs

Les aides publiques aux entreprises en Italie poursuivent une pluralité d'objectifs, compte tenu de la nécessité, assumée par les pouvoirs publics, de soutenir l'activité économique sous différentes formes :

- de nombreux dispositifs visent à encourager la création d'entreprises, en particulier dans les secteurs innovants ou dans les zones en difficulté économique746(*). À titre d'exemple, certaines mesures prévoient des incitations spécifiques pour les jeunes entrepreneurs ou pour les initiatives portées par des femmes747(*) ;

- la croissance des entreprises constitue également une priorité. Ce type de dispositif s'adresse principalement aux projets de grande envergure, portés par des entreprises individuelles ou par des réseaux d'entreprises opérant sur tout le territoire national ;

- les aides publiques s'attachent aussi à soutenir l'internationalisation des entreprises italiennes. Certaines mesures sont spécifiquement destinées à favoriser l'exportation de biens et de services, à travers des crédits d'impôt pour la participation à des salons internationaux ou des aides à la prospection de nouveaux marchés748(*) ;

- enfin, de nombreuses aides ont été mises en place dans une logique de relance économique à la suite de crises majeures, telles que la pandémie de covid-19 ou la hausse brutale des prix de l'énergie à partir de 2022. Certains dispositifs initialement adoptés dans ce contexte ont été prolongés ou redéployés pour répondre à des besoins persistants de soutien à l'investissement et à l'emploi.

(3) Des dispositifs pilotés par une multiplicité d'acteurs publics

La gestion des aides publiques aux entreprises en Italie repose sur une organisation institutionnelle complexe, impliquant plusieurs niveaux d'intervention.

À l'échelon national, le ministère des entreprises et du Made in Italy (Ministero delle Imprese e del Made in Italy, MIMIT) joue un rôle central dans la conception et la coordination des dispositifs d'aides749(*). Il est notamment responsable de la mise en oeuvre de programmes stratégiques tels que Transizione 4.0 et des mesures de soutien à l'innovation.

À ses côtés, Invitalia, l'Agence nationale pour l'attraction des investissements et le développement des entreprises, est chargée de la gestion opérationnelle de plusieurs dispositifs, en particulier les contrats de développement (contratti di sviluppo) et les aides destinées aux zones en difficulté (aree di crisi industriale) (cf. infra). Invitalia intervient comme organisme instructeur et souvent comme gestionnaire financier des aides.

Les régions italiennes disposent également de compétences propres en matière d'octroi d'aides publiques, en particulier pour la gestion de fonds structurels européens et la mise en oeuvre de politiques de développement économique local750(*). Certaines aides sont ainsi adaptées aux spécificités économiques territoriales et gérées directement par les administrations régionales.

Enfin, des organismes spécialisés interviennent dans des secteurs particuliers, à l'image de l'Agence pour la cohésion territoriale (Agenzia per la Coesione Territoriale) pour la gestion des zones économiques spéciales (Zone Economiche Speciali, ZES)751(*).

b) Une orientation stratégique des aides vers des objectifs d'intérêt général

Le recours aux aides publiques en Italie ne se limite pas à soutenir ponctuellement l'activité économique. Il s'inscrit dans une stratégie visant à orienter les investissements privés vers des objectifs considérés comme prioritaires par les pouvoirs publics : l'innovation, la transition écologique et numérique, l'emploi, ainsi que la cohésion territoriale.

(1) Innovation, recherche, développement et transition numérique

L'Italie mobilise plusieurs instruments pour soutenir l'innovation, la recherche industrielle et le développement expérimental. Créés par le décret ministériel du 1er juin 2016752(*), les accords pour l'innovation (Accordi per l'innovazione) constituent un dispositif central. Ils permettent de financer des projets stratégiques réalisés par des entreprises seules ou en collaboration avec des centres de recherche, en ciblant prioritairement les secteurs à haute intensité technologique753(*). Les aides octroyées dans ce cadre prennent la forme de subventions et de financements à taux réduit, attribués à des projets dépassant un seuil minimal d'investissement et comportant une part significative de dépenses de recherche et développement (R&D)754(*). La participation à ces dispositifs peut être conditionnée à l'embauche de chercheurs ou de techniciens en R&D pendant la durée du projet, ou à la consolidation d'effectifs existants dans les équipes de recherche.

En parallèle, le crédit d'impôt pour la recherche et le développement (credito d'imposta R&S)755(*) complète cet arsenal. Ce mécanisme permet aux entreprises d'obtenir une réduction d'impôt proportionnelle aux dépenses engagées dans des activités éligibles, qu'il s'agisse de recherche fondamentale, de recherche appliquée ou de développement expérimental756(*).

Ces instruments visent à stimuler l'innovation technologique, à renforcer la compétitivité des entreprises italiennes et à soutenir la montée en gamme du tissu productif dans des secteurs à forte valeur ajoutée757(*).

La politique industrielle italienne intègre de plus en plus les objectifs de transition numérique et écologique à travers des dispositifs incitatifs ciblés. Initié par la loi de finances pour 2020758(*), le cadre Transizione 4.0 constitue l'instrument principal de soutien aux investissements dans la transformation technologique des entreprises. Il repose principalement sur un système de crédits d'impôt, modulés en fonction de la nature des investissements réalisés. Les entreprises peuvent bénéficier de crédits d'impôt pour l'acquisition de biens instrumentaux technologiques, de logiciels, de dispositifs de cybersécurité ou encore pour la formation du personnel dans des domaines liés à la digitalisation des processus de production759(*). Le dispositif couvre également des investissements à composante environnementale, dans une logique de modernisation durable du tissu productif.

(2) Soutien à des catégories de personne ciblées

Certaines aides publiques sont spécifiquement orientées vers des objectifs sociaux, en particulier le soutien à l'emploi. Plusieurs dispositifs d'exonération ou de réduction des cotisations patronales sont prévus pour encourager l'embauche de jeunes de moins de 36 ans, de femmes sans emploi ou de bénéficiaires de mesures d'accompagnement actives760(*). Ces aides visent à compenser les désavantages structurels rencontrés par certaines catégories de travailleurs sur le marché du travail.

Le soutien à l'entrepreneuriat féminin figure également parmi les priorités. Des subventions directes sont proposées pour favoriser la création d'entreprise par des femmes, en particulier dans les régions du Sud ou dans les secteurs innovants761(*). Ces aides peuvent couvrir une partie des investissements initiaux, y compris l'acquisition d'équipements ou les frais de formation.

Par ailleurs, certaines mesures ciblent les personnes en situation de vulnérabilité sociale. Les incitations à l'embauche dans le cadre des politiques actives de l'emploi, gérées jusqu'en 2024 par l'ex-Agence nationale des politiques actives du travail (ANPAL), visent à favoriser l'accès durable à l'emploi pour les chômeurs de longue durée ou les bénéficiaires de revenus de citoyenneté762(*).

Ces instruments articulent politique économique et politique sociale, en conditionnant une partie des aides à des engagements concrets en matière d'emploi ou de diversité des profils recrutés763(*).

(3) Cohésion territoriale et revitalisation du Mezzogiorno

Plusieurs dispositifs d'aides publiques sont spécifiquement conçus pour réduire les écarts de développement entre les territoires, en particulier entre le Nord et le Sud du pays. L'objectif de cohésion territoriale est porté notamment par les Zone Economiche Speciali (ZES), créées par le décret-loi du 20 juin 2017764(*). Elles concernent les huit régions du Mezzogiorno (Abruzzes, Basilicate, Calabre, Campanie, Molise, Pouilles, Sardaigne et Sicile)765(*). Dans ces zones, les entreprises peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt pour les investissements en biens d'équipement, pouvant aller jusqu'à 100 millions d'euros par projet766(*).

En parallèle, le dispositif de reconversion des zones de crise industrielle (aree di crisi industriale), permet d'intervenir sur des territoires marqués par la fermeture de sites industriels stratégiques ou par une perte significative d'emplois. Introduit par la loi n° 181 du 15 mai 1989767(*) et géré par Invitalia, il prévoit des aides à l'investissement, combinant subventions et prêts à taux réduit768(*).

c) L'affirmation croissante d'une conditionnalité sociale et territoriale

La montée en puissance des dispositifs d'aide s'est accompagnée d'une exigence croissante de conditionnalité. Les pouvoirs publics cherchent à encadrer l'octroi des soutiens financiers par des obligations, notamment en matière de localisation des investissements et de maintien de l'emploi. Cette partie analyse l'évolution des mécanismes juridiques et économiques existants visant à garantir la réalisation effective des objectifs poursuivis.

(1) Le maintien de l'activité dans une zone : clauses de territorialité et dispositifs ZES

La conditionnalité territoriale est devenue un élément structurant de nombreux dispositifs d'aides publiques en Italie. Le soutien aux investissements dans les Zone Economiche Speciali (ZES) illustre particulièrement cette logique. Les entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt prévu pour les investissements productifs dans la ZES unique du Mezzogiorno doivent maintenir leur activité dans la zone pendant au moins cinq ans à compter de la date d'achèvement de l'investissement769(*). En cas de non-respect de cette obligation, les avantages fiscaux obtenus doivent être restitués.

Les investissements éligibles dans les ZES concernent l'acquisition de nouveaux équipements, l'extension ou la modernisation des sites existants ou l'implantation de nouvelles unités de production. Les projets doivent être réalisés sur des territoires spécifiquement identifiés, selon la carte des aides à finalité régionale 2022-2027, qui délimite les zones pouvant bénéficier de ces incitations770(*).

De manière analogue, les interventions dans les zones industrielles en crise (aree di crisi industriale) sont également conditionnées au maintien de l'activité économique locale. Les entreprises qui bénéficient d'aides au titre de la relance de ces zones doivent présenter un projet industriel durable, susceptible de contribuer au redressement économique et à la sauvegarde de l'emploi sur le territoire concerné771(*).

Ces clauses de territorialité traduisent une volonté explicite de garantir que les aides publiques bénéficient effectivement aux territoires ciblés, en limitant les risques de délocalisation rapide après obtention des subventions ou avantages fiscaux.

(2) Le soutien à l'emploi

La conditionnalité liée à l'emploi constitue un volet important des aides publiques aux entreprises en Italie. Plusieurs dispositifs imposent aux bénéficiaires des obligations de maintien ou de création d'emplois. Ainsi, dans le cadre de la reconversion des aree di crisi industriale, les projets soutenus doivent entraîner une augmentation nette de l'emploi local, avec des engagements précis quant au nombre de postes créés et au calendrier de réalisation772(*). Par exemple, l'appel d'offres pour la sélection des aides aux entreprises de la zone de crise industrielle du complexe de Gela (Sicile) prévoit que les entreprises bénéficiaires doivent s'engager à conclure, dans les douze mois suivant la date d'achèvement du programme d'investissement, les engagements convenus en termes d'emploi. Si l'objectif d'emploi n'est que partiellement atteint mais qu'au moins 50 % de celui-ci est réalisé, les avantages sont supprimés proportionnellement. En revanche, si plus de 50 % de l'objectif d'emploi n'est pas atteint, les aides doivent être restituées en totalité. Dans le cas d'un objectif d'augmentation de l'emploi, les travailleurs résidant dans la zone de crise, au chômage à la suite d'une procédure de licenciement collectif doivent être embauchés en priorité773(*).

De même, les aides octroyées dans le cadre des contratti di sviluppo sont subordonnées à des engagements sur l'emploi, avec des objectifs de création ou de maintien d'emplois clairement fixés dans les conventions signées avec Invitalia774(*). Le non-respect de ces engagements peut entraîner l'obligation de restituer tout ou partie des aides perçues.

Les Contratti di sviluppo, un instrument emblématique de conditionnalité en matière d'emploi

Les Contratti di sviluppo constituent l'un des principaux leviers publics de soutien aux grands projets d'investissement en Italie. Destinés à financer des investissements productifs d'envergure, ils s'adressent tant aux entreprises nationales qu'aux entreprises étrangères implantées en Italie775(*).

L'accès à ce dispositif est conditionné à un investissement minimal de 20 millions d'euros pour l'industrie manufacturière, abaissé à 7,5 millions d'euros pour l'agroalimentaire776(*). Une procédure accélérée est par ailleurs prévue pour les projets supérieurs à 50 millions d'euros777(*).

La conditionnalité en matière d'emploi est une composante essentielle des Contratti di sviluppo. Les entreprises bénéficiaires doivent s'engager soit à créer un nombre minimum d'emplois, soit à maintenir des niveaux d'emploi existants pendant plusieurs années (généralement entre 3 et 5 ans)778(*). Ces engagements sont inscrits dans la convention signée avec Invitalia, qui prévoit des sanctions en cas de non-respect, allant de la réduction proportionnelle des aides jusqu'à leur remboursement intégral779(*).

À l'échelle nationale, au 1er février 2024, 1 557 demandes avaient été présentées pour un volume total d'investissements prévus de 63,9 milliards d'euros, dont 434 grands projets financés, représentant 17,7 milliards d'euros d'investissements activés et 6 milliards d'euros d'aides publiques effectivement accordées780(*).

Selon les autorités publiques, l'impact sur l'emploi serait réel : Invitalia indique que grâce à l'ensemble des dispositifs qu'elle gère, dont les Contratti di sviluppo, 31 000 emplois auraient été créés ou sauvegardés à ce jour781(*).

La région Campanie, notamment, bénéficie largement de cet outil. Elle concentre environ 30 % du total des projets nationaux financés. Pour cette région, 41 contrats de développement auraient permis de mobiliser 1,29 milliard d'euros d'investissements et d'obtenir 689 millions d'euros d'aides publiques, contribuant à la création ou la sauvegarde de 20 000 emplois782(*).

Les principaux secteurs concernés sont l'agroalimentaire (37 %), la mécanique (25 %), le bois et le papier (10 %), l'automobile (9 %), la santé (6 %), le tourisme (5 %), le commerce (5 %) et la chimie (3 %)783(*).

Par ailleurs, le décret-loi du 12 juillet 2018784(*), dit « Decreto Dignità » (décret Dignité) a introduit des mesures de portée générale pour limiter les délocalisations et protéger l'emploi. Son article 5 prévoit notamment que les entreprises ayant bénéficié d'aides publiques supérieures à 10 000 euros doivent maintenir leurs activités dans le territoire national pendant au moins cinq ans. En cas de délocalisation avant ce terme, l'entreprise est tenue de restituer intégralement les aides perçues, assorties d'une majoration de 5 % à 15 %785(*).

L'article 6 du même décret prévoit également qu'une entreprise qui procède à des licenciements conduisant à réduire de plus de 50 % le nombre de salariés affectés à l'unité de production ou à l'activité bénéficiant de l'aide, dans les cinq ans suivant la date d'achèvement de l'investissement, perd le bénéfice de l'aide. Si les réductions d'emploi sont situées entre 10 % et 50 %, l'aide est réduite proportionnellement. Cette mesure vise à éviter les effets d'aubaine et à réserver les ressources publiques aux entreprises véritablement engagées dans une dynamique de stabilisation ou de développement. L'article 6 du même décret interdit également l'attribution d'aides aux entreprises qui ont procédé à des licenciements collectifs dans les douze mois précédents, sauf en cas de réembauche d'au moins la moitié des salariés concernés.

Compte tenu de leur manque d'efficacité786(*), les dispositions du décret Dignité ont été complétées en 2022 par un autre dispositif « antidélocalisation », introduit par le décret dit « Aiuti ter »787(*). Celui-ci renforce les sanctions pour les entreprises de plus de 250 salariés cessant définitivement leur activité ou une partie significative de celle-ci (y compris à la suite d'une délocalisation) et enregistrant une réduction concomitante de leurs effectifs de plus de 50 % en prévoyant l'obligation de restituer les aides publiques reçues au cours des dix années précédentes, au prorata du pourcentage de réduction des effectifs788(*).

d) Une mise en oeuvre encore perfectible

Si les dispositifs d'aides publiques aux entreprises se sont multipliés et sont de plus en plus encadrés en Italie, leur mise en oeuvre demeure marquée par plusieurs fragilités. L'architecture institutionnelle dispersée, les difficultés d'accès pour certaines entreprises, la faiblesse du suivi ex post et les limites des dispositifs de contrôle soulèvent des enjeux d'efficacité.

(1) Une architecture administrative fragmentée et peu lisible pour les bénéficiaires

La structuration des aides publiques aux entreprises en Italie se caractérise par une forte dispersion institutionnelle. Plusieurs administrations centrales, notamment le ministère des entreprises et du Made in Italy, interviennent dans la conception et la gestion des dispositifs. À cela s'ajoutent des agences spécialisées, telles qu'Invitalia pour les contratti di sviluppo et les mesures destinées aux aree di crisi industriale789(*). Les régions disposent également de compétences propres, en particulier pour la gestion des fonds structurels européens et de certains dispositifs de soutien territorial. Cette multiplicité d'acteurs entraîne une superposition de dispositifs aux critères parfois divergents, complexifiant l'accès à l'information pour les entreprises. L'absence d'un guichet unique centralisé, malgré quelques tentatives de rationalisation, maintient une certaine opacité dans l'offre d'aides.

(2) Un suivi limité des effets des aides et un contrôle souvent lacunaire

La multiplication des aides publiques à partir de la crise sanitaire de 2020 a mis en évidence les fragilités structurelles du système de suivi et d'évaluation, notamment en matière de coordination administrative et de contrôle a posteriori.

Le suivi ex post des effets des aides publiques aux entreprises demeure l'un des points faibles du système italien. Bien que de nombreux dispositifs imposent des obligations de reporting aux bénéficiaires, la consolidation et l'exploitation systématique de ces données restent limitées790(*). Ainsi, l'évaluation des impacts réels des aides sur l'investissement, l'innovation ou l'emploi est encore parcellaire.

La faible systématisation du suivi s'explique en partie par l'absence, jusqu'à récemment, d'une architecture informatique intégrée reliant les différentes administrations impliquées. La création progressive du Registro Nazionale degli Aiuti di Stato (registre national des aides de l'État) vise à pallier ces insuffisances, mais son usage pour le suivi analytique des aides reste encore limité791(*).

(3) Les progrès en matière de transparence

Face aux insuffisances constatées en matière de suivi et de contrôle, plusieurs initiatives ont été mises en oeuvre pour renforcer la transparence des aides publiques. La création en 2015 du Registro Nazionale degli Aiuti di Stato (RNA), cofinancé par l'Union européenne, constitue une avancée majeure. Ce registre centralise les informations relatives aux aides accordées par l'ensemble des administrations publiques italiennes, conformément aux obligations européennes issues de la modernisation des aides d'État.

Depuis le 1er juillet 2016, les administrations doivent publier sur ce registre les données essentielles relatives aux mesures d'aide exemptées et aux aides individuelles supérieures à 100 000 euros, incluant le bénéficiaire, le montant et l'élément d'aide792(*). L'accès à ces informations est ouvert sans restriction, facilitant ainsi la transparence et permettant des vérifications croisées par les autorités de contrôle ou par les citoyens793(*).

En complément, le Plan national de relance et de résilience (Piano Nazionale di Ripresa e Resilienza - PNRR) a introduit des obligations renforcées de contrôle et de reddition de comptes pour les projets financés par des fonds européens. Les lignes directrices éditées par le ministère de l'Économie et des Finances imposent aux administrations de mettre en place des dispositifs de contrôle de premier niveau, d'enregistrer toutes les opérations dans des bases de données certifiées et de procéder à des vérifications régulières auprès des bénéficiaires794(*). L'ensemble de ces mesures vise à améliorer la traçabilité de l'utilisation des ressources publiques et à renforcer la responsabilisation des entreprises bénéficiaires dans l'usage des aides perçues795(*).

e) Le projet de Codice degli incentivi : une initiative d'ampleur visant à harmoniser les règles relatives aux aides aux entreprises

En application de l'article 3 de la loi n° 160 du 27 octobre 2023796(*), le Conseil des ministres italien a présenté le 21 octobre 2024 un projet de décret législatif introduisant le « Code des aides publiques aux entreprises » (Codice degli incentivi)797(*).

Ce texte vise à réorganiser l'offre des aides publiques, à renforcer la coordination entre les administrations centrales et les collectivités locales et à simplifier les procédures et les instruments correspondants. Le texte couvre l'ensemble du processus lié à la mise en oeuvre des aides aux entreprises, défini comme le « cycle de vie de l'aide » : programmation, conception, mise en oeuvre, publicité et évaluation des résultats798(*).

Une place centrale est accordée aux outils numériques, tels que le registre national des aides de l'État (RNA) précédemment cité et le portail numérique « incentivi.gov.it », tous deux interopérables et relevant du ministère des entreprises et du Made in Italy799(*). Le registre et le portail incentivi.gov.it devront mettre à la disposition des entreprises un ensemble de services pour accéder aux aides et faciliter leur demande et leur gestion (par exemple, des fonctionnalités visant à faciliter le contrôle des titres de dépense, afin de respecter les interdictions de cumul des avantages)800(*).

En outre, le texte prévoit l'harmonisation et la rationalisation des procédures de demande et de mise en oeuvre des aides. À cet égard, des dispositions sont prévues pour uniformiser les principaux contenus des appels d'offres adoptés par les administrations compétentes, avec la mise en place d'un appel d'offres type (bando-tipo)801(*).

Afin de garantir la transparence et la connaissance des aides, chaque administration centrale adoptera tous les trois ans dans son domaine de compétence un « programme d'aides » (programma degli incentivi), précisant les objectifs, le cadre financier et le calendrier de mise en oeuvre, soumis à évaluation. À des fins de coordination, une « Table ronde permanente sur les aides » sera instituée au sein du ministère, qui servira de lieu d'échange entre les administrations responsables de l'État, des régions et des provinces autonomes802(*).

Concernant la conditionnalité des aides, l'article 16 du projet de décret législatif est consacré à la lutte contre les délocalisations et à la préservation du niveau d'emploi dans l'Union européenne. Celui-ci reprend en partie les dispositions du « décret Dignité » et du décret « Aiuti ter » en ce qu'il prévoit :

l'obligation de rembourser les aides versées en cas de délocalisation vers une autre unité de production (sur le territoire national ou dans un autre pays) dans les cinq ans suivant l'investissement. Pour les grandes entreprises délocalisant vers un pays n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, cette règle d'interdiction de délocalisation sous peine de remboursement des aides versées s'appliquerait durant dix ans ;

l'interdiction de bénéficier d'aides publiques pendant les cinq années suivantes, ou dix années dans le cas des grandes entreprises, pour les entreprises ayant préalablement dû rembourser une aide en raison d'une délocalisation ;

- sans préjudice des dispositions propres à chaque dispositif d'aide ou incitation fiscale, l'obligation de remboursement et l'interdiction d'accès aux aides publiques pendant une durée de dix ans valent également pour les entreprises cessant définitivement leur activité de production ou une partie significative de celle-ci, avec une réduction simultanée du personnel supérieure à 40 % de la moyenne de l'année précédente dans l'unité de production faisant l'objet de la fermeture.

- en ce qui concerne les dispositifs d'aide assortis de conditions en matière d'emploi, les appels d'offres doivent définir les conséquences applicables en cas de réduction d'emploi des salariés de l'unité de production ayant bénéficié de l'aide ou en cas de non-réalisation des objectifs de maintien ou de création d'emploi. Les conséquences peuvent être la réduction de l'avantage proportionnellement à la réduction du niveau d'emploi, voire la perte de l'avantage lui-même et son remboursement, sauf en cas de réduction pour motif objectif justifié.

L'article 17 du projet de décret législatif récapitule quant à lui les motifs de retrait (revoche) des aides publiques et harmonise les modalités de restitution.

Enfin, le projet de décret législatif propose des règles régissant les causes d'exclusion de l'accès aux aides, telles que l'existence d'une cause d'interdiction en matière de documentation antimafia, les violations des règles en matière de cotisations sociales et l'absence d'assurance contre les dommages causés par des catastrophes naturelles803(*).

Annexe 11 : Analyse des aides versées aux entreprises,
étude réalisée par le Pôle Science des données du Sénat

I. L'ANALYSE DES AIDES PUBLIQUES VERSÉES AUX ENTREPRISES NÉCESSITE DE S'APPUYER SUR QUATRE PRINCIPALES BASES DE DONNÉES

A. LE FICHIER APPROCHÉ DES RÉSULTATS D'ESANE (FARE) PERMET DE CONNAÎTRE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES

1. Le fichier approché des résultats d'Esane est produit chaque année par l'Insee

« Esane804(*) » est un système d'information produit par l'Insee afin d'élaborer des statistiques structurelles d'entreprises françaises. Ce système d'information s'appuie sur plusieurs sources extérieures à l'Insee, qui peuvent être administratives ou statistiques. Les sources mobilisées pour produire Esane sont les suivantes :

- l'enquête sectorielle annuelle (ESA) vise notamment à identifier les activités exercées par les entreprises ou à compléter les informations incomplètes dans les liasses fiscales, notamment sur la partie relative aux investissements. Cette enquête couvre un nombre limité de secteurs805(*) ;

- l'enquête annuelle de production (EAP) est l'équivalent de l'ESA pour le secteur de l'industrie hors agro-alimentaire ;

- les données fiscales, produites par la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui couvrent le régime normal et simplifié pour les bénéfices industriels et commerciaux, mais également les bénéfices non commerciaux et les bénéfices agricoles ;

- les données d'emploi sont estimées à partir notamment des déclarations sociales nominatives (DSN).

Le champ couvert par Esane correspond aux sociétés et entreprises individuelles non agricoles806(*) et non financières, à l'exception des auxiliaires financiers et d'assurances ainsi que des holdings qui font partie du champ depuis 2010. Seules les entreprises marchandes807(*) sont enregistrées au sein d'Esane. Le champ géographique couvert correspond à la France entière, y compris les départements et régions d'outre-mer (Drom).

Plusieurs contrôles et redressements sont réalisés par l'Insee afin de garantir la robustesse des données issues des différentes sources constituant Esane.

2. L'utilisation de la base FARE nécessite de réaliser plusieurs hypothèses et de se placer sur un champ restreint

Le fichier approché des résultats d'Esane (FARE) a été exploité pour construire des indicateurs économiques et comptables. Cette base de données est principalement utilisée pour réaliser des études sur des unités appelées « entreprises » au sens de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME)808(*). Cette notion permet notamment de définir des tailles d'entreprise ou de regrouper des unités organisationnelles ne bénéficiant pas d'une autonomie de décision en raison de détentions par d'autres unités. Néanmoins, les données « entreprises » mises à disposition ne sont pas cohérentes inter-temporellement.

Pour s'affranchir de cette contrainte, l'exploitation des données FARE a été réalisée en se plaçant sur le champ des « unités légales »809(*). Cela conduit notamment à ne pas neutraliser les flux intra-groupes. Toutefois, le classement d'une unité légale dépend de son rattachement ou non à un groupe810(*). Ce classement respecte les définitions de tailles d'entreprises issues de la LME.

De plus, le choix de se placer sur le champ « unités légales » est pertinent car il permet d'utiliser le même concept que la comptabilité nationale811(*).

Concepts utilisés par l'Insee pour l'analyse des statistiques d'entreprises

Plusieurs définitions de l'entreprise sont utilisées dans la littérature économique. L'entité juridique dénommée « unité légale » peut correspondre à des personnes morales ou physiques qui exercent une activité économique et qui détiennent un ou plusieurs établissements. Cette entité constitue le support de l'unité statistique « entreprise ».

La notion d'entreprise est définie par le règlement n° 696/93 du conseil du 15 mars 1993 relatif aux unités statistiques d'observation et d'analyse du système productif dans la Communauté. Ce règlement, appliqué par l'Insee en 2019, définit l'entreprise de la manière suivante :

« L'entreprise correspond à la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision, notamment pour l'affectation de ses ressources courantes. Une entreprise exerce une ou plusieurs activités dans un ou plusieurs lieux. Une entreprise peut correspondre à une seule unité légale. »

L'identification des contours d'une entreprise est réalisée suivant deux méthodes :

- pour les grands groupes complexes, et en lien avec eux, des experts de l'Insee réalisent des monographies afin d'identifier en leur sein les entreprises au sens économique ;

- pour les autres groupes présents sur le sol français, des méthodes automatiques, qui reposent sur des hypothèses de flux échangés entre unités légales, sont utilisées.

L'impact du passage à la définition économique de l'entreprise a deux effets majeurs :

- un effet dit de « réallocation » : pour une entreprise donnée, les résultats de l'ensemble des unités légales qui la composent vont contribuer au secteur de l'entreprise, alors que dans la vision en unités légales, elles contribuaient à leur propre secteur ;

- un effet de « consolidation » : une réduction liée aux flux intra-groupe pour les variables non additives.

À titre illustratif, selon l'Insee, la prise en compte des entreprises conduit à une baisse de 299 Md€ du chiffre d'affaires (soit environ 7 % du chiffre d'affaires total).

Enfin, le champ des micro-entrepreneurs est particulièrement peu robuste dans les données FARE. En effet, selon l'Insee, la plupart des micro-entrepreneurs ont des valeurs économiques et comptables imputées. Sur ce champ, les valeurs imputées représentent 98 % des déclarations. Par conséquent, l'Insee conseille de se placer sur un champ hors « microentreprises au sens fiscal » à partir du type de déclaration fiscale des entreprises. Cela permet, selon l'Insee, « d'ôter de l'analyse des unités très nombreuses, qui représentent un très faible poids économique, et dont les données sont très majoritairement imputées ».

B. LA DGFIP MET À DISPOSITION L'ENSEMBLE DES CRÉDITS D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS DEPUIS 2002

Les services de la DGFiP mettent à disposition, via le centre d'accès sécurisé aux données (CASD), l'ensemble des écritures comptables relatives à la gestion des crédits d'impôt accordés aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés (IS) issues de l'application métier « MEDOC »812(*).

Trois principaux types de montants peuvent être reconstitués à partir de ces données :

- le montant de la créance théorique, qui correspond à l'initialisation de la créance ;

- le montant net de la créance, qui correspond à l'initialisation de la créance augmentée et diminuée des différents montants observés au cours de l'année ;

- le montant de la dépense fiscale, qui correspond au montant imputé sur le solde d'IS auquel s'ajoute le montant restitué en fin d'exercice.

Le montant de la dépense fiscale enregistré au sein de ce fichier diverge de celui publié dans le tome II de l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances en raison d'écarts de sources et de champ, certains crédits d'impôt pouvant également porter sur des entreprises à l'impôt sur le revenu ou aux bénéfices agricoles.

Par conséquent, le choix a été fait de retenir le montant net de la créance comme montant de crédit d'impôt dont a bénéficié une entreprise.

De plus, le champ de FARE étant restreint, les montants de crédits d'impôt ventilés par taille d'entreprise ne correspondent pas aux montants bruts enregistrés dans la base mise à disposition par la DGFiP.

La créance de crédit d'impôt recherche ne correspond pas à la dépense fiscale

D'un point de vue comptable, une entreprise bénéficiant d'un crédit d'impôt génère un montant de créance fiscale en début d'exercice. Pour les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, cette créance peut être imputée sur son solde d'IS ou, si le montant d'IS dû est supérieur ou égal à la créance, être restituée à l'entreprise ou être conservée en fonction des règles fiscales en vigueur.

Pour le CIR, une entreprise peut déduire le montant de sa créance de son impôt dû au moment où l'entreprise paie le solde de l'impôt au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été effectuées. Celle-ci n'est pas obligée d'imputer la totalité de sa créance de CIR sur son solde. Elle dispose de trois années pour l'imputer. À l'issue de ces trois ans, la partie restante lui est remboursée.

Le montant de créance fiscale détenue par les entreprises ne correspond donc pas au montant de dépense fiscale. Toutefois, il est plus proche de la réalité économique car il rend compte du montant total des aides dont ont bénéficié les entreprises, indépendamment de leur comportement d'imputation.

C. LES LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES SONT ENREGISTRÉS DANS LA BASE DE DONNÉES RELATIVE AUX MOUVEMENTS DE MAIN-D'oeUVRE

La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du Ministère du travail met à disposition sur le CASD une base de données relative aux mouvements de main-d'oeuvre (MMO). Celle-ci regroupe les données sur l'ensemble des embauches et des fins de contrats de travail au niveau des établissements, pour le secteur privé hors agriculture. Cette base permet ainsi d'étudier les motifs de rupture de contrat, notamment pour licenciement économique.

De manière similaire aux montants enregistrés en crédits d'impôt, le nombre de licenciement ventilé par taille d'entreprise ne correspond pas à celui publié par la Dares, en raison du champ plus restreint de la base produite par l'Insee.

Selon la Dares, « un licenciement pour motif économique est un licenciement, individuel ou collectif, effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques sérieuses, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d'activité de l'entreprise » (article L. 1 233-3 du Code du travail). Ce type de licenciement ne peut intervenir que si tous les efforts de formation, d'adaptation et de reclassement (limité au territoire national depuis le 23 décembre 2017) au sein du groupe ou de l'entreprise ont été réalisés »813(*).

D. LES INFORMATIONS ÉCONOMIQUES ET SUR LES AIDES PUBLIQUES NE PEUVENT PAS ÊTRE DIFFUSÉES AU NIVEAU INDIVIDUEL

Les caractéristiques économiques et fiscales des entreprises sont renseignées au sein de bases de données issues de données administratives ou statistiques. Elles sont mises à disposition des chercheurs et data scientist via le centre d'accès sécurisé aux données814(*) (CASD) afin de réaliser des études statistiques.

La confidentialité des données sur les entreprises recueillies revêt un caractère central à la fois pour garantir la confiance des participants aux enquêtes de l'Insee, mais également pour s'assurer du respect du secret commercial et des affaires pour les entreprises. La confidentialité des données sur les ménages, portant notamment sur leurs ressources ou leur santé, permet également garantir la confidentialité due à la vie privée, personnelle et familiale.

L'exploitation de ces données est couverte par deux principaux types de secret qui visent à garantir le caractère anonyme des données communiquées. Ces deux types de secret sont le secret fiscal et le secret statistique :

- le secret fiscal est défini par l'article L103 du livre des procédures fiscales. Ce dernier dispose que l'obligation du secret professionnel s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. Ce secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations ;

- le secret statistique est défini par la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Celui-ci vise à garantir qu'une entreprise ou un individu ne puisse pas être réidentifié à partir des statistiques agrégées produites. Pour les entreprises, deux règles générales ont été retenues par le système statistique public :

o aucune case d'un tableau ne doit concerner moins de trois unités815(*) ;

o aucune case du tableau ne doit contenir de données pour lesquelles une entreprise représente plus de 85 % du total816(*).

Ainsi, l'analyse des aides perçues par les grandes entreprises ne peut consister en une analyse individuelle des bénéficiaires et doit reposer sur des regroupements par catégories. Une conséquence directe est que l'analyse des caractéristiques économiques moyennes de ces catégories d'entreprises ne saurait refléter l'hétérogénéité individuelle des entreprises.

D. PRÉCAUTIONS MÉTHODOLOGIQUES COMMUNES À L'ENSEMBLE DES ANALYSES RÉALISÉES

· Les tailles d'entreprises présentées en partie II correspondent à celles retenues par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI). Elles peuvent ne pas correspondre entièrement à celles calculées par l'Insee qui ont été retenues dans la partie IV. Cette remarque est également valable pour les tailles retenues par la DGFiP utilisées en partie III.

· Le choix de retenir l'unité légale comme unité statistique, nécessaire afin de réaliser une étude sur longue période, a deux principales implications :

o les agrégats statistiques ne correspondent pas à ceux publiés par l'Insee qui retient l'entreprise comme unité statistique ;

o les flux intra-groupes, notamment de dividendes ne sont pas neutralisés.

· Dans la partie IV, retenir le résultat courant avant impôts comme mesure de résultat conduit à ne pas prendre en compte le résultat exceptionnel dans la mesure de la profitabilité d'une entreprise.

· Les résultats correspondent à des moyennes agrégées et ne reflètent ainsi pas l'hétérogénéité entre entreprises.

II. LES DÉPENSES DE R&D ONT PROGRESSÉ DE 20 % EN SIX ANS

Les moyens consacrés à la recherche et développement (R&D) sont suivis par le MESRI. Plus spécifiquement, la sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (SIES) produit une enquête817(*) annuelle auprès des entreprises. Celle-ci est une enquête d'intérêt général et de qualité statistique à caractère obligatoire818(*) et couvre l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français et susceptibles d'exécuter des travaux de R&D en interne, quels que soient leur secteur d'activité et leur taille.

Le MESRI définit la R&D comme l'ensemble des travaux systématiques et de création entrepris en vue d'accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l'humanité, de la culture et de la société, et de concevoir de nouvelles applications à partir de connaissances disponibles. Pour être considérée comme une activité de R&D, celle-ci doit vérifier les critères du manuel de Frascati :

- l'activité doit comporter un élément ;

o de nouveauté ;

o de créativité ;

o d'incertitude ;

- et elle doit être ;

o systématique ;

o transférable et/ou reproductible.

Les dépenses de R&D sont ventilées entre dépenses intérieures (donc internes à l'entreprise) et extérieures (à travers la sous-traitance). Ces dernières correspondent aux sous-traitances et collaborations de travaux de R&D avec d'autres entreprises.

Le champ de la dépense en R&D correspond à la somme des rémunérations et charges, des autres dépenses courantes et des dépenses en capital819(*). Ces dépenses incluent ainsi les éléments suivants :

- les rémunérations et charges du personnel de R&D, y compris les charges fiscales et sociales ;

- les frais généraux de R&D, hors dépenses en capital. Il s'agit notamment des achats de petit matériel, de matières premières, de produits consommables ;

- les achats de terrains, constructions ou achats de bâtiments et travaux d'amélioration, de modification ou de réparation ;

- les achats de gros matériel ou équipement lourd utilisé pour les travaux de R&D ;

- les achats de logiciels immobilisés ;

- les éléments enregistrés en immobilisation au sein du compte des frais de développement (compte 203 du plan comptable général820(*)), notamment les brevets et autres produits de la propriété intellectuelle ;

- les travaux de recherche fondamentale ;

- la recherche appliquée ;

- le développement expérimental ;

- les dotations aux amortissements ou dépréciations des immobilisations sur l'année en cours.

Les dépenses de sous-traitance, ou dépenses extérieures hors taxes de R&D, correspondent aux sous-traitances et collaborations de travaux de R&D (comptes 604 et 611 du plan comptable général). Il s'agit des dépenses hors taxes de programmes complets ou partiels de R&D exécutés par un tiers, pour le compte de l'entreprise, à l'exclusion des commandes de fournitures ou de simples prestations de service liées aux travaux de R&D effectués par l'entreprise et prises en compte au titre de dépenses intérieures.

Entre 2016 et 2022, les dépenses des entreprises en recherche et développement (R&D) ont augmenté de 20 %, passant de 44 Md€ à 53 Md€. Au sein de ces dépenses, la part des dépenses extérieures (donc sous-traitées) est globalement stable et s'élève à environ 25 %, soit 14 Md€ en 2022.

Graphique 1 : Dépense en R&D ventilée entre dépense intérieure et extérieure entre 2016 et 2022

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat

Deux méthodologies distinctes sont utilisées pour ventiler la dépense en R&D par secteur d'activité :

- pour les dépenses intérieures de R&D, la ventilation sectorielle correspond aux branches d'exécution des dépenses. Ainsi, par exemple, les dépenses d'une entreprise du secteur de l'automobile réalisant de la R&D en informatique seront classées en informatique, faute de données remontant au MESRI ;

- pour les dépenses extérieures de R&D, celles-ci sont ventilées selon la branche de l'entreprise qui commande les travaux et non selon la branche d'exécution. Ainsi, par exemple, les dépenses d'une entreprise du secteur de l'automobile sous-traitées à une entreprise réalisant de la R&D en informatique seront rattachées au secteur de l'automobile.

En 2022, les dépenses totales en R&D sont principalement portées par trois secteurs d'activité qui concentrent 36 % de l'ensemble des dépenses en R&D en France :

- le secteur de la construction aéronautique et spatiale821(*) représente 7,7 Md€ de dépense en R&D, soit 15 % du montant total de la dépense en R&D ;

- les dépenses en R&D du secteur de l'industrie automobile822(*) ont atteint 5,7 Md€, soit 11 % de l'ensemble des dépenses ;

- le secteur de l'industrie pharmaceutique représente une dépense totale en R&D de 5,4 Md€, soit 10 % du montant total de dépenses en R&D ;

Graphique 2 : Dépense totale en R&D des principaux secteurs d'activité en 2022

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat

Les dépenses en R&D sous-traitées ne sont pas disponibles par taille d'entreprise. Ainsi, seules les dépenses intérieures peuvent être ventilées par taille. Sur ce champ, les grandes entreprises ont engagé un montant total de dépenses intérieures en R&D qui s'élève à 21,7 Md€, soit plus de la moitié (56 %) de l'ensemble des dépenses intérieures. Les entreprises de taille intermédiaire et les petites et moyennes entreprises ont respectivement enregistré une dépense intérieure en R&D qui atteint 9,8 Md€ et 6,3 Md€ (25 % et 16 % du total).

Graphique 3 : Dépense intérieure en R&D par taille d'entreprise en 2022

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat

Le recours à la sous-traitance est hétérogène en fonction du secteur d'activité. Deux secteurs ont un recours à la sous-traitance supérieur à la moyenne française qui s'élève à 26 % des dépenses en R&D sous-traitées :

- le secteur de la construction aéronautique et spatiale (C30C), dont 51 % des dépenses en R&D sont sous-traitées ;

- le secteur de l'industrie pharmaceutique (CF), dont la part de dépenses sous-traitées s'élève à 43 %.

À l'inverse, plusieurs secteurs ont peu recours à la sous-traitance : c'est notamment le cas des secteurs de l'édition, de l'audiovisuel et de la diffusion (JA) et des activités informatiques et services d'information (JC), dont la part de dépenses en R&D sous-traitée s'élève respectivement à 13 % et 8 %.

Graphique 4 : Taux de dépenses en R&D extérieures par secteur d'activité

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat

Les dépenses en R&D réalisées par des entreprises localisées hors de France, pour le compte d'entreprises situées en France, ont été multipliées par 2,9 en 15 ans (+ 188 %), passant de 1,7 Md€ à 4,9 Md€, soit un rythme nettement supérieur à la croissance du PIB en France sur cette période (+ 36 % en valeur). Cette croissance est principalement portée par l'évolution entre 2013 et 2014 (+ 58 %) et par les dépenses réalisées à l'étranger par une entreprise du même groupe. En effet, celles-ci ont été multipliées par 3,3 sur l'ensemble de la période, contre 2,4 pour les dépenses réalisées par des entreprises localisées hors de France et n'appartenant pas au même groupe.

Graphique 5 : Dépenses en R&D réalisées par des entreprises localisées
hors de France, pour le compte d'entreprises situées en France
en fonction de l'appartenance ou non à un même groupe

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat

L'ensemble des effectifs indiqués dans cette analyse sont exprimés en équivalent temps plein (ETP). Les ETP consacrés à la recherche sont calculés au prorata du temps consacré aux activités de R&D dans l'année. Trois types de personnels sont distingués :

- les chercheurs et ingénieurs en R&D, qui correspondent aux individus travaillant à la conception ou à la création de connaissances ;

- les techniciens de R&D qui correspondent aux personnels d'exécution placés auprès des chercheurs pour assurer le soutien technique des travaux de R&D ;

- le personnel support de R&D, qui comprend les ouvriers et les agents administratifs liés aux travaux de recherche.

En 2022, les chercheurs représentaient 72 % de l'ensemble des personnels de R&D.

Le taux de féminisation de l'ensemble des personnels de R&D s'élève à 25 %. Celui-ci est hétérogène en fonction du secteur d'activité, notamment au sein de l'industrie (C). Au sein de ce secteur :

- certains sous-secteurs ont des taux de féminisation élevés relativement à la moyenne, c'est notamment le cas de l'industrie pharmaceutique (CF) avec un taux de féminisation qui s'élève à 63 %, de l'industrie chimique (CE) avec un taux de 55 %, de la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac (CA) avec un taux de 55 % ; des textiles, cuirs et chaussures (CB) avec un taux de 41 % ; ou de la cokéfaction et du raffinage (CD) avec un taux de 37 % ;

- à l'inverse, certains sous-secteurs ont un taux de féminisation plus faible, notamment la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (CI) et la fabrication de matériels de transports (CL) avec un taux de féminisation s'élevant à environ 15 % ; ou la fabrication de machines et équipements (CK) avec un taux de 9 %.

Graphique 6 : Taux de féminisation des personnels de R&D
par secteur d'activité

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat

En 2022, le poids des dépenses de R&D dans l'économie régionale est hétérogène en fonction des territoires. Certaines régions ont ainsi une économie intensive en R&D, avec une part des dépenses de R&D dans leur PIB supérieure à 1,4 %. C'est le cas des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, au sein desquelles la part des dépenses de R&D dans le PIB s'élève à 2,2 %, et de la région Île-de-France où cette part s'élève à 2 %. À l'inverse, les autres régions ont une part de dépenses de R&D dans leur PIB comprise entre 0,7 % du PIB pour les Hauts-de-France et 1,3 % pour la Bourgogne-Franche-Comté.

Graphique 7 : Poids des dépenses de R&D dans l'économie par région

(% du PIB)

Note : discrétisation avec la méthode des seuils naturels (Jenks).

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), Insee, calculs Sénat

L'évolution de la part des dépenses de R&D dans le PIB entre 2017 et 2023 est également hétérogène en fonction des territoires.

Pour sept régions, les dépenses de R&D ont augmenté plus rapidement que leur PIB. En particulier, deux régions ont enregistré une croissance supérieure ou égale à 0,1 point de PIB :

- en Auvergne-Rhône-Alpes, la part de dépenses de R&D dans le PIB est ainsi passée de 1,8 % à 2,2 % (+ 0,4 point) ;

- en Bourgogne-Franche-Comté, la part des dépenses de R&D dans le PIB est passée de 1,25 % à 1,34 % (+ 0,1 point) ;

Six régions ont quant à elles vu la part de leurs dépenses de R&D dans le PIB diminuer entre 2017 et 2023. Dans deux d'entre elles (Provence-Alpes-Côte d'Azur et Centre-Val de Loire), la part de ces dépenses est passée de 1,3 % à 1,1% sur la période.

Graphique 8 : Variation du poids des dépenses de R&D dans le PIB
entre 2017 et 2023 (points de PIB)

Note : discrétisation avec la méthode des seuils naturels (Jenks).

Source : Enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), Insee, calculs Sénat

III. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE ET MÉCÉNAT SONT LES DEUX PRINCIPAUX CRÉDITS D'IMPÔT EN FRANCE

Les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés peuvent être soumises à deux principaux régimes en fonction de leurs caractéristiques économiques :

- le régime réel normal, qui est le régime par défaut des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes est supérieur à 840 000 euros pour les opérations de biens ou à 254 000 euros pour les activités de prestations de services ;

- le régime réel simplifié, qui nécessite un niveau de détail moins important dans les renseignements comptables exigés par l'administration fiscale.

Pour ces deux régimes, l'impôt sur les sociétés dû est calculé sur la base du résultat fiscal de l'entreprise. Si celui-ci est positif, l'entreprise a réalisé un bénéfice au sens fiscal et ce bénéfice fiscal constitue l'assiette de son impôt.

Le résultat fiscal d'une entreprise est construit à partir du résultat comptable. À partir de ce dernier, des retraitements extra-comptables, appelés réintégrations et déductions fiscales, sont appliqués afin de prendre en compte certaines spécificités fiscales. Une consolidation au niveau du groupe d'intégration fiscale est ensuite réalisée afin d'agréger les bénéfices et déficits au sein d'un même groupe. Enfin, les déficits passés sont imputés afin d'obtenir le résultat fiscal.

L'assiette de l'impôt sur les sociétés ne correspond ainsi pas au bénéfice comptable réalisé par une entreprise.

Une fois calculé l'impôt sur les sociétés dû sur la base de cette assiette, celui-ci est minoré des crédits d'impôt perçus par l'entreprise. Si l'entreprise est déficitaire, les crédits d'impôt dont elle a bénéficié peuvent lui être restituées sous certaines conditions.

Le régime d'intégration fiscale

Le régime d'intégration fiscale est un régime optionnel pouvant bénéficier aux entreprises à l'IS. Celui-ci permet à une société mère de se constituer seule redevable de l'IS pour l'ensemble du groupe qu'elle forme avec les filiales qu'elle détient à au moins 95 %.

Ce régime est avantageux car il permet à la fois d'additionner les résultats imposables à l'IS (y compris négatifs) de chacune des sociétés membres du groupe et de neutraliser les opérations intragroupes, notamment de versement de dividendes.

Un groupe d'intégration fiscale ne doit pas être confondu avec un groupe de sociétés. Ce dernier correspond à un groupe économique formé par une société contrôlante et l'ensemble des sociétés qu'elle contrôle. La notion de contrôle correspond au pouvoir de nommer la majorité des dirigeants. Le seuil de détention retenu par l'Insee pour construire le contour restreint d'un groupe correspond à un niveau de détention supérieur à 50 %823(*).

Sur le champ des entreprises assujetties à l'IS, celles-ci ont bénéficié d'environ 30 types de crédits d'impôt en 2023. Deux principaux crédits d'impôt concentrent l'essentiel de la créance nette : le crédit d'impôt recherche, dont la créance atteint 7,6 Md€ en 2023 sur ce champ, et le crédit d'impôt mécénat qui atteint 1,7 Md€.

Les crédits d'impôt ont connu une croissance soutenue depuis 2016. Sur cette période, à l'exception du crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) qui a été supprimé, seule la créance nette de prêt à taux zéro s'est repliée sur la période (- 8 %). La créance des deux principaux crédits d'impôt, le CIR et la réduction d'impôt au titre du mécénat d'entreprise, a progressé respectivement de 16 % et 65 %.

Tableau 1 : Créance nette des crédits d'impôt entre 2016 et 2023

Crédit d'impôt

Créance nette 2016 (M€)

Créance nette 2023 (M€)

Évolution (%)

Crédit d'impôt recherche

6 570

7 642

16 %

Réduction d'impôt au titre du mécénat d'entreprise

1 056

1 742

65 %

Prêt à taux zéro renforcé

766

704

- 8 %

Crédit d'impôt Outre-mer productif

107

246

131 %

Crédit d'impôt Outre-mer logement

n.c

242

n.c

Crédit d'impôt famille

106

198

87 %

Crédit d'impôt en faveur des droits et formats audiovisuels

62

196

215 %

Crédit d'impôt en faveur du cinéma international

48

193

300 %

Crédit d'impôt pour la production d'oeuvre cinématographique

192

191

0 %

Crédit d'impôt pour le prêt à taux zéro pour travaux d'amélioration de la performance énergétique

58

107

83 %

Crédit d'impôt pour l'investissement en Corse

46

100

119 %

Crédit d'impôt en faveur des créateurs de Jeux Vidéos

16

81

414 %

Crédit d'impôt en faveur des métiers d'art

25

43

72 %

Crédit d'impôt spectacle vivant

14

42

206 %

Crédit d'impôt recherche collaborative

n.c

38

n.c

Crédit d'impôt collectivités Outre-mer

n.c

33

n.c

Crédit d'impôt pour la formation

15

33

118 %

Crédit d'impôt compétitivité et emploi

17 957

31

- 100 %

Crédit d'impôt pour la production d'oeuvre phonographique

11

27

160 %

Crédit d'impôt de la catégorie des créances reportables : nouvelles créances non répertoriées

33

19

- 42 %

Crédit d'impôt de la catégorie des créances non reportables et restituables : nouvelles créances non répertoriées

98

11

- 89 %

Crédit d'impôt biologique

1

6

541 %

Crédit d'impôt pour cultures permanentes sans glyphosates

n.c

2

n.c

Crédit d'impôt pour exploitation à haute valeur environnementale

n.c

1

n.c

Crédit d'impôt en faveur des éditeurs d'oeuvres musicales

n.c

1

n.c

Total (hors CICE)

9 223

11 928

29 %

Source : DGFiP, crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS, calculs Sénat

IV. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES CRÉDITS D'IMPÔT ET DU TAUX RÉDUIT BREVET

A. LES CRÉDITS D'IMPÔT ONT ENTRAÎNÉ UNE RÉDUCTION DU TAUX D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS POUR LES GRANDES ENTREPRISES

L'impact des crédits d'impôt sur l'impôt dû par une entreprise peut être estimé en comparant l'impôt sur les sociétés brut dû au titre d'une année à l'impôt net effectivement payé par l'entreprise.

Cette approche permet uniquement de mesurer l'impact des réductions et restitutions de crédits d'impôt et non des remboursements et dégrèvements ou des dispositifs fiscaux avantageux tels que le taux réduit PME ou le taux réduit sur les produits de brevet.

Le taux d'IS net, correspondant au ratio de l'IS net sur l'IS brut, a fortement augmenté entre 2018 et 2020 (+ 18 points pour les PME par exemple, passant de 76 %, soit 24 % de réduction d'impôt, à 94 %, soit 6% de réduction d'impôt). Cette hausse s'explique notamment par la suppression du CICE. En effet, la suppression du CICE conduit à une augmentation mécanique de l'IS payé. Toutefois, cette hausse ne doit pas être interprétée comme une augmentation de charge fiscale. En effet, la suppression du CICE a été compensée par des allègements de cotisations qui diminuent les charges sociales dues par les entreprises.

En 2023, les ETI de plus de 1 000 salariés et réalisant plus de 450 M€ de chiffre d'affaires ainsi que les grandes entreprises enregistrent un taux d'IS net qui s'élève respectivement à 83 % et 80 %824(*), tandis que les micro-entreprises et les PME ont un taux d'IS net qui s'élève respectivement à 98 % et 95 %. Sur le champ des entreprises ayant un résultat fiscal positif, les grandes entreprises bénéficient ainsi davantage de réductions et crédits d'impôt que les entreprises de plus petite taille.

Graphique 9 : Taux d'IS net par taille d'entreprise depuis 2016

Source : DGFiP, données fiscales relatives à l'impôt sur les sociétés, calculs Sénat

En 2023, le manque à gagner pour les finances publiques induit par l'ensemble des crédits d'impôt sur l'IS s'est élevé à 7 Md€, principalement porté par les grandes entreprises, qui concentrent 61 % de ce montant (4,3 Md€).

En sept ans, le manque à gagner pour les finances publiques a ainsi atteint 75,7 Md€825(*), porté à près de 50 % par les grandes entreprises, qui ont réduit leur impôt dû de plus de 36 Md€ sur cette période.

Graphique 10 : Manque à gagner pour les finances publiques
induit par les crédits d'impôt accordés à des entreprises
soumises à l'impôt sur les sociétés (Md€
) sur la période 2016-2023

Source : DGFiP, données fiscales relatives à l'impôt sur les sociétés, calculs Sénat. Note : les « grandes ETI » correspondent aux ETI de plus de 1 000 salariés et réalisant plus de 450 M€ de chiffre d'affaires

Au sein des grandes entreprises, les crédits d'impôt bénéficient davantage à certains secteurs d'activités. Ainsi, en 2023, trois principales conclusions se dégagent du graphique n° 11 :

- plusieurs secteurs bénéficient peu de crédits d'impôt, comme la production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné (DZ) et la construction (FZ), où les taux d'IS net s'élèvent à 94 %, le commerce (GZ) dont le taux d'IS net s'élève à 88 %, le transport (HZ) dont le taux d'IS net atteint 88 %, l'hébergement restauration (IZ) avec un taux d'IS net de 95 % ;

- d'autres secteurs se caractérisent par une forte hétérogénéité, à l'instar de l'industrie manufacturière (C) au sein de laquelle certains sous-secteurs comme la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (CI) bénéficient d'une importante réduction d'impôts, avec un taux d'IS net de 33 %, tandis que d'autres connaissent un taux d'IS net de 91% comme le travail du bois, les industries du papier et l'imprimerie (CC) ;

- enfin, le secteur de la recherche et le développement scientifique (MB) ne paie presque pas d'impôt en raison d'un taux d'IS net de 3 % ; il en va de même, dans une moindre mesure, de la production et distribution d'eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution (EZ) avec un taux d'IS net de 24 %.

Graphique 11 : Taux d'IS net par secteur d'activité

Source : DGFiP, données fiscales relatives à l'impôt sur les sociétés, calculs Sénat

B. LE TAUX RÉDUIT BREVET A REPRÉSENTÉ UN MANQUE À GAGNER DE 1 MD€ EN 2023

Les grandes entreprises concentrent la quasi-totalité de l'assiette du taux réduit sur les brevets relativement à la valeur ajoutée qu'elles produisent. En effet, les grandes entreprises concentrent 77 % de l'assiette alors qu'elles ne représentent que 33 % de la valeur ajoutée.

À l'inverse, les micro-entreprises représentent uniquement 1 % de l'assiette, alors que leur poids dans l'économie s'élève à 18 % en termes de valeur ajoutée.

Graphique 12 : Ventilation de l'assiette du taux réduit brevet
et de la valeur ajoutée par taille d'entreprise

Source : DGFiP, calculs Sénat

Le régime optionnel applicable aux opérations portant sur les brevets
et actifs incorporels assimilés (« IP box »)

Le régime de l'IP box est un régime fiscal optionnel permettant d'imposer le résultat issu de revenus d'exploitation des actifs de propriété intellectuelle au taux de 10 %826(*). Le résultat imposable à ce taux réduit se limite au périmètre précisé par l'article 238 du code général des impôts. Celui-ci inclut notamment les brevets, les logiciels protégés par le droit d'auteur ou les procédés de fabrication industriels qui constituent le résultat d'opérations de recherche.

Ce régime avantageux permet de renforcer l'attractivité d'une juridiction fiscale : les brevets étant un actif mobile, ceux-ci peuvent être transférés d'une filiale à l'autre à des fins d'optimisation fiscale. Toutefois, ce dispositif contribue également à la concurrence fiscale, notamment entre pays européens.

Une évaluation des régimes d'IP box réalisée par Griffith, Miller et O'Connell827(*) conclut que ce type de régime n'induit pas d'augmentation du nombre de brevets déposés dans les pays l'ayant mis en oeuvre. L'innovation locale n'est ainsi pas simulée. Toutefois, les auteurs soulignent que ces régimes attirent des revenus supplémentaires en raison de raisonnements stratégiques qui répondent aux règles de la fiscalité.

L'IP box et son impact dépend également fortement des autres dispositifs fiscaux en faveur de la recherche au sein de chaque pays. En France, par exemple, le régime de l'IP box peut se cumuler avec le crédit d'impôt recherche pour l'ensemble des dépenses éligibles.

V. LES MICRO-ENTREPRISES ET LES PME BÉNÉFICIAIRES DU CIR ONT DES CARACTÉRISTIQUES ÉCONOMIQUES ATYPIQUES

A. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE A PRINCIPALEMENT BÉNÉFICIÉ AUX MICRO-ENTREPRISES ET AUX PME PAR RAPPORT À LA PART DE VALEUR AJOUTÉE GÉNÉRÉE PAR LES ENTREPRISES BÉNÉFICIANT DE CETTE DÉPENSE FISCALE

En 2022, sur le champ des entreprises à l'impôt sur les sociétés (IS) et présentes dans FARE828(*), près de 25 000 unités légales ont bénéficié d'un montant de créance nette totale de CIR s'élevant à 7,4 Md€.

Plus de 9 500 micro-entreprises ont bénéficié du CIR en 2022, soit 0,3 % de l'ensemble des unités légales de cette taille, pour un montant total de 455 M€, soit 6 % de l'ensemble des créances de CIR.

11 600 unités légales rattachées à des petites et moyennes entreprises ont bénéficié du CIR en 2022, soit 3,3 % de l'ensemble des unités légales de cette taille, pour un montant total de 2,1 Md€, soit 28 % de l'ensemble des créances de CIR.

2 700 unités légales rattachées à des entreprises de taille intermédiaires ont bénéficié du CIR en 2022, soit 3,2 % de l'ensemble des unités légales de cette taille, pour un montant total de 2,0 Md€, soit 27 % de l'ensemble des créances de CIR.

Près de 600 unités légales rattachées à des grandes entreprises ont bénéficié du CIR en 2022, soit 1,8 % de l'ensemble des unités légales de cette taille, pour un montant total de 2,8 Md€, soit 38 % de l'ensemble des créances de CIR.

Tableau 2 : Nombre de bénéficiaires du CIR et montant de la créance
par taille d'entreprise en 2022

Taille du groupe

Nombre d'UL bénéficiaires du CIR

Part de bénéficiaires

Créance nette (M€)

Part du total

Micro

9 516

0,3 %

455

6 %

PME

11 619

3,3 %

2 107

28 %

ETI

2 744

3,2 %

2 020

27 %

GE

596

1,8 %

2 826

38 %

Total

24 475

0,7 %

7 408

100 %

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Entre 2018 et 2022, la créance nette de CIR a augmenté de 500 M€, soit une hausse de 7,3 %. Celle-ci est principalement portée par les petites et moyennes entreprises (+ 24,8 %).

Graphique 13 : Créance de CIR par taille d'entreprise entre 2018 et 2022

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Graphique 14 : Créance de CIR par taille d'entreprise
entre 2018 et 2022 en base 100

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises (PME) captent davantage de CIR que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE) par rapport à la part de valeur ajoutée générée par les entreprises bénéficiant de cette dépense fiscale. Ainsi, en 2022 :

- les micro-entreprises ont bénéficié de 6,1 % de l'ensemble de la créance nette de CIR, alors qu'elles représentaient 1,1 % de la valeur ajoutée (VA) produite par les bénéficiaires du CIR ;

- de manière similaire, les PME ont perçu 28,4 % du montant total des créances de CIR, alors qu'elles représentaient 14,5 % de la VA produite par les bénéficiaires du CIR ;

- à l'inverse, la part de la créance de CIR des ETI est inférieure à leur part dans la VA produite par les bénéficiaires du CIR (27,3 % contre 29,6 %) ;

- ce déséquilibre est davantage marqué pour les GE, qui ont obtenu 38,1 % de l'ensemble du CIR alors qu'elles représentaient 54,7 % de la VA produite par les bénéficiaires du CIR.

Ces déséquilibres s'expliquent entre autres par la structure des bénéficiaires du CIR : les plus petites entreprises peuvent être davantage spécialisées dans des activités de recherche et développement, augmentant ainsi la part du CIR dans l'ensemble de leurs activités.

Graphique 15 : Part de la créance de CIR en 2022 par taille d'entreprise relativement à la valeur ajoutée produite par les entreprises bénéficiaires du CIR

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

L'intensité des recettes de CIR perçues peut être mesurée en rapportant la créance nette au nombre de personnels liés à des activités de R&D. En 2022, le montant de CIR versé par individu est compris entre 21 000 € et 31 400 € :

- les micro-entreprises ont bénéficié de 24 300 € de CIR par individu en charge d'activités de R&D, en baisse de 32 % par rapport à 2018 ;

- les PME ont bénéficié de 31 400 € de CIR par individu, montant stable depuis 2018 ;

- les ETI et les GE ont bénéficié respectivement de 24 500 € et 20 900 € par individu, ces montants étant stables depuis 2018.

Graphique 16 : Montant de la créance de CIR rapporté au nombre de personnel
de R&D par taille d'entreprise

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), enquête sur les moyens consacrés à la R&D (MESR-SIES), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Les unités légales détenues par des entreprises étrangères ont bénéficié d'un montant de CIR globalement comparable à la valeur ajoutée qu'elles ont générée. Les unités légales détenues par des entreprises étrangères représentent 22,4 % de l'ensemble des créances de CIR, pour 22,9 % de l'ensemble de la valeur ajoutée créée. Ainsi, il n'y a pas de surreprésentation des unités légales détenues par des entreprises étrangères au sein des bénéficiaires du CIR.

Graphique 17 : Part de CIR et de valeur ajoutée en fonction du lien de détention par une entreprise étrangère

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

B. ALORS QUE LEUR RÉSULTAT S'ÉLÈVE À 155 MD€, L'ÉTAT A VERSÉ 1 MD€ DE RESTITUTIONS D'IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES829(*) AUX BÉNÉFICIAIRES DU CIR EN 2022

La profitabilité d'une entreprise peut être mesurée à l'aide du taux de marge. Deux principales mesures de taux de marge peuvent être retenues d'un point de vue économique830(*) :

L'utilisation de la valeur ajoutée permet de refléter la capacité d'une entreprise à générer du résultat à partir de ce qu'elle produit en interne. En effet, la valeur ajoutée correspond au chiffre d'affaires diminué des consommations intermédiaires. Par conséquent, cet agrégat est moins sensible aux effets volumes et externalisations qui peuvent être importants en fonction du secteur d'activité. Par exemple, des secteurs comme l'agro-alimentaire ou la construction enregistrent des chiffres d'affaires élevés mais une valeur ajoutée faible, ce qui conduit à sous-estimer le taux de marge de certains secteurs en retenant le chiffre d'affaires.

De plus, l'utilisation de la valeur ajoutée comme dénominateur permet de se placer dans un cadre méthodologique proche de celui retenu par la comptabilité nationale, qui définit le taux de marge comme le rapport entre l'EBE et la VA aux coûts des facteurs831(*).

En 2022, les entreprises n'ayant pas bénéficié de CIR ont des taux de marge compris entre 24 % pour les PME et 33 % pour les micro-entreprises.

Les entreprises de taille intermédiaire ou les grandes entreprises bénéficiaires du CIR ont des taux de marge inférieurs, mais qui se situent à des niveaux relativement haut. Ainsi, les ETI et GE bénéficiaires du CIR bénéficiaient en 2022 d'un taux de marge de respectivement 19,4 % et 23,7 %.

Les bénéficiaires du CIR appartenant à la catégorie des micro-entreprises ou des PME se caractérisent par des taux de marge négatifs, ce qui indique la non profitabilité opérationnelle de leurs activités. Pour des sociétés non-financières, avoir un cycle d'exploitation non rentable traduit un modèle économique dépendant fortement d'autres sources de revenus.

Graphique 18 : Taux de marge par taille d'entreprises entre bénéficiaires
et non bénéficiaires du CIR

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail varie fortement parmi les bénéficiaires du CIR. Ce partage est globalement comparable pour les ETI et les GE, mais plus déséquilibré pour les PME et les ETI :

- au sein des GE, la masse salariale versée représente 42 % de la valeur ajoutée (VA) pour les non bénéficiaires du CIR et 48 % pour les bénéficiaires ;

- les taux sont assez proches pour les ETI car le taux s'élève à 48 % de la VA pour les non bénéficiaires du CIR et à 53 % pour les bénéficiaires ;

- au sein des PME, les taux divergent, car le taux n'est que de 55 % de la VA pour les non bénéficiaires, contre 76 % pour les bénéficiaires ;

- cet écart est majeur pour les micro-entreprises car le taux passe de 46 % pour les non bénéficiaires à 101 % pour les bénéficiaires.

Un écart supérieur à 100 % signifie que la totalité de la valeur ajoutée a été distribuée sous la forme de charges de personnel. Cette absence de profitabilité opérationnelle n'est pas tenable sur le long terme et nécessite de mobiliser des sources annexes de revenus, dont les aides publiques832(*).

Graphique 19 : Part des charges de personnel dans la valeur ajoutée par taille d'entreprise entre bénéficiaire et non bénéficiaire du CIR

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Deux mesures du résultat d'une entreprise sont disponibles au sein du FARE :

- le résultat comptable, qui correspond, pour les sociétés assujetties au régime normal de l'IS, à la case HN du formulaire n° 2053, et qui enregistre la différence entre l'ensemble des produits et des charges d'une entreprise pour un exercice donné ;

- le résultat courant avant impôt (RCAI), qui correspond, pour les sociétés assujetties au régime normal de l'IS, à la case GW du formulaire n° 2052, et qui enregistre la somme du résultat d'exploitation, des opérations en commun et du résultat financier.

Le RCAI correspond ainsi au résultat comptable extourné du résultat exceptionnel, de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et des impôts sur les bénéfices. Au sein du FARE, certaines variables sont retraitées et fiabilisées par l'Insee, qui réalise des contrôles de cohérence et des redressements afin de garantir leur qualité. Seul le RCAI est retraité par l'Insee. Par conséquent, dans la suite de cette étude, le RCAI a été retenu comme mesure du résultat.

En 2022, parmi les entreprises non-bénéficiaires du CIR, celles déficitaires au sens du RCAI représentaient entre 14,7 % du chiffre d'affaires pour les PME et 20,3 % pour les grandes entreprises.

Graphique 20 : Part du chiffre d'affaires des entreprises bénéficiaires
et déficitaires au sens du RCAI parmi les entreprises n'ayant pas bénéficié
du CIR en 2022

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales n'ayant pas bénéficié du CIR des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Si l'on observe maintenant les entreprises bénéficiaires du CIR, on constate que la proportion d'entreprises déficitaires est plus importante. En effet, toujours sur l'année 2022 :

- les micro-entreprises déficitaires au sens du RCAI représentaient 39,4 % du CA total des entreprises bénéficiant du CIR, contre 19,4 % au sein des non-bénéficiaires du CIR, soit 20 points d'écart ;

- pour les PME, ces taux sont respectivement de 29,8 % et 14,7 %, soit 15,1 points d'écart ;

- pour les ETI, ces taux atteignent 19,0 % et 17,6 %, soit 1,4 point d'écart ;

- enfin, pour les GE, ces taux s'établissent à 27,0 % et 20,3 %, soit 6,7 points d'écart.

Graphique 21 : Part du chiffre d'affaires des entreprises bénéficiaires
et déficitaires au sens du RCAI parmi les entreprises ayant bénéficié
du CIR en 2022

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales n'ayant pas bénéficié du CIR des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Les dividendes versés peuvent être mesurés à partir du formulaire n° 2058-C relatif à l'impôt sur les sociétés. Dans ce formulaire, l'affectation du résultat à des dividendes doit être renseigné dans la case « ZE ».

La soutenabilité du versement de dividendes peut être appréciée par le montant versé de dividendes dans le résultat courant avant impôts (RCAI). Ce résultat n'inclut notamment pas les crédits d'impôt dont l'entreprise a bénéficié.

Le taux de dividendes rapporté au RCAI est compris entre 37 % et 49 % pour les ETI et les GE ayant un RCAI positif, qu'elles soient ou non bénéficiaires du CIR.

Les PME ayant un RCAI positif et qui ne bénéficient pas du CIR enregistrent un taux de dividendes légèrement inférieur à celles bénéficiant du CIR. Enfin, les micro-entreprises bénéficiaires du CIR versent deux fois plus de dividendes relativement à leur RCAI que les non bénéficiaires.

Ces taux reflètent la situation moyenne de ces entreprises. Au niveau individuel, les comportements de ces entreprises peuvent être hétérogènes. De plus, les résultats étant présentés en unités légales, les flux intra-groupes ne sont pas neutralisés.

Graphique 22 : Poids des dividendes versés par rapport au résultat courant avant impôts sur le champ des entreprises bénéficiaires au sens du RCAI

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales ayant un RCAI positif des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

En 2022, sur le champ des entreprises ayant un RCAI positif, les entreprises n'ayant pas bénéficié du CIR ont payé un total d'impôt sur les bénéfices833(*) s'élevant à 58,7 Md€ pour un RCAI atteignant 535,3 Md€, soit un taux effectif de 11 %834(*). À l'inverse, alors que leur RCAI s'est élevé à 154,9 Md€, les entreprises ayant bénéficié du CIR ont un montant total d'impôt sur les bénéfices négatif, qui atteint -1,0 Md€. Cette dernière somme peut s'expliquer par des règles autres que celles du CIR.

Ce résultat ne permet pas de refléter l'hétérogénéité individuelle des entreprises : de nombreuses grandes entreprises ayant bénéficié du CIR payent des impôts sur les bénéfices.

Tableau 3 : Impôt payé et résultat courant avant impôt par taille d'entreprise entre bénéficiaires et non bénéficiaires du CIR sur le champ des entreprises ayant un RCAI positif

 

Non bénéficiaires du CIR

Bénéficiaires du CIR

Taille du groupe

Résultat courant avant impôts

Impôt sur les bénéfices

Résultat courant avant impôts

Impôt sur les bénéfices

Micro

104,2

9,1

0,4

- 0,1

PME

92,0

14,4

5,4

0,1

ETI

120,6

14,7

26,1

0,7

GE

218,5

20,5

123,0

- 1,7

Total

535,3

58,7

154,9

- 1,0

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales ayant un RCAI positif des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

C. PRINCIPAUX INDICATEURS ÉCONOMIQUES PAR TAILLE D'ENTREPRISE

En 2022, sur le champ des entreprises des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier et hors entrepreneurs individuels au sens fiscal, les unités légales appartenant à une grande entreprise ont employé 4,3 millions de salariés, soit 28 % de l'ensemble de l'emploi salarié sur ce champ.

Elles ont représenté 14 % des licenciements économiques prononcés en France en 2022.

En 2022, ces entreprises ont réalisé 11,4 milliers de licenciements économiques, soit 2,6 licenciements pour 1 000 salariés.

Les ETI ont réalisé quant à elles 16,4 milliers de licenciements, soit 4,1 licenciements pour 1 000 salariés.

Les PME ont réalisé 17,3 milliers de licenciements économiques, soit 3,7 licenciements pour 1 000 salariés.

Enfin, les micro-entreprises ont réalisé 35,9 milliers de licenciements économiques, soit 13,6 licenciements pour 1 000 salariés.

Les grandes entreprises concentrent l'essentiel du résultat courant avant impôts généré. Le RCAI de ces entreprises s'élève à 255 Md€, soit 51 % du total.

Tableau 4 : Licenciements économiques et divers indicateurs
par taille d'entreprise

Taille du groupe

Nombre de salariés (k)

Nombre de salariés (%)

Nombre de licenciements économiques (k)

Nombre de licenciements économiques (%)

Valeur ajoutée (Md€)

Valeur ajoutée (%)

RCAI (Md€)

RCAI (%)

Micro

2 633

17 %

35,9

44 %

248,8

18 %

74,8

15 %

PME

4 614

30 %

17,3

21 %

325,6

23 %

66,7835(*)

13 %

ETI

4 010

26 %

16,4

20 %

352,2

25 %

105,7

21 %

GE

4 310

28 %

11,4

14 %

460,2

33 %

255,0

51 %

Total

15 567

100 %

80,9

100 %

1386,9

100 %

502,1

100 %

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), Mouvements de main-d'oeuvre (Dares), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Sur l'ensemble du champ étudié, les grandes entreprises captent une part plus importante de CIR relativement à la valeur ajoutée totale qu'elles génèrent : alors qu'elles représentent 33 % de la valeur ajoutée, elles représentent 38 % de l'ensemble de la créance de CIR. Les micro-entreprises bénéficient de moins de CIR relativement à leur valeur ajoutée (6 % de l'ensemble de la créance de CIR, contre 18 % de la valeur ajoutée).

Les grandes entreprises ont versé 60 % de l'ensemble des dividendes versés, et représentent 32 % de l'impôt sur les bénéfices payé. À l'inverse, les PME ont versé un montant total de dividendes s'élevant à 12 %, pour une part d'impôt sur les bénéfices qui atteint 24 %.

Tableau 5 : CIR et divers indicateurs économiques par taille d'entreprise

Taille du groupe

Valeur ajoutée (Md€)

Valeur ajoutée (%)

Créance de CIR (Md€)

Créance de CIR (%)

Impôt sur les bénéfices (Md€)

Impôt sur les bénéfices (%)

Dividendes versés (Md€)

Dividendes versés (%)

Micro

248,8

18 %

0,5

6 %

9,5

18 %

15,4

6 %

PME

325,6

23 %

2,1

28 %

12,9

24 %

33,3

12 %

ETI

352,2

25 %

2,0

27 %

13,5

25 %

61,2

22 %

GE

460,2

33 %

2,8

38 %

17,2

32 %

167,4

60 %

Total

1 386,9

100 %

7,4

100 %

53,0

100 %

277,4

100 %

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), Mouvements de main-d'oeuvre (Dares), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe.

Les entreprises peuvent être partitionnées en fonction du montant de leur résultat comptable avant impôts (RCAI). Cela permet de créer des classes contenant un même nombre d'entreprises et de les ordonner de manière croissante en fonction de leur RCAI. Cette partition revient à calculer des centiles836(*) pour chaque taille d'entreprise.

Pour chaque centile, le taux implicite médian d'IS est égal à l'IS net divisé par le RCAI.

Pour les PME, la relation entre le profit et le taux médian d'IS payé est globalement strictement croissante : plus une PME génère un profit élevé, plus elle se situe à droite du graphique dans les derniers centiles, et plus elle a un taux implicite d'IS élevé.

Les ETI quant à elles commencent à avoir un taux d'IS supérieur à zéro plus tard que les PME. Par ailleurs, le taux implicite des ETI très profitable commence à décroitre à partir du 65ème centile environ. Autrement dit, les 35 % d'ETI générant le plus de profits ont un taux implicite d'IS qui baisse continûment.

Enfin, les grandes entreprises ont une décroissance nettement plus marquée de leur taux implicite sur les derniers centiles. Ainsi, alors que les entreprises modérément profitables, situées autour du 70ème centile ont un taux implicite médian qui s'élève à environ 20 %, le top 1 % des entreprises les plus profitables ont un taux implicite médian qui chute à 3 %.

Le taux implicite moyen des grandes entreprises les plus profitables atteint 8 %, ce qui illustre la forte hétérogénéité des montants d'IS payé au sein de grandes entreprises.

Si le taux implicite moyen des 1 % des grandes entreprises les plus profitable était égal à 15 %, soit le taux moyen observé pour les grandes entreprises moins profitables, cela génèrerait un gain de 10 Md€ pour les finances publiques.

La faiblesse du taux implicite des grandes entreprises très profitables peut s'expliquer par le fait que celles-ci bénéficient davantage de dispositifs fiscaux avantageux.

Graphique 23 : Taux implicite médian d'IS par centile de RCAI ventilé
par taille d'entreprise sur le champ des entreprises avec un RCAI positif

Source : Fichier approché des résultats d'Esane (Insee), Mouvements de main-d'oeuvre (Dares), crédits d'impôt pour les entreprises à l'IS (DGFiP), calculs Sénat. Champ : unités légales des secteurs principalement marchands, hors agriculture et secteur financier, hors entreprises individuelles au sens fiscal. La taille de l'UL correspond à celle du groupe. Certaines valeurs extrêmes ont été exclues par souci de lisibilité.

Tableau 6 : Intitulés des codes NAF au niveau A38

Code

Division

Intitulé

AZ

01-03

Agriculture, sylviculture et pêche

BZ

05-09

Industries extractives

CA

10-12

Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac

CB

13-15

Fabrication de textiles, industries de l'habillement, industrie du cuir et de la chaussure

CC

16-18

Travail du bois, industries du papier et imprimerie

CD

19

Cokéfaction et raffinage

CE

20

Industrie chimique

CF

21

Industrie pharmaceutique

CG

22-23

Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques

CH

24-25

Métallurgie et fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements

CI

26

Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques

CJ

27

Fabrication d'équipements électriques

CK

28

Fabrication de machines et équipements n.c.a.

CL

29-30

Fabrication de matériels de transport

CM

31-33

Autres industries manufacturières ; réparation et installation de machines et d'équipements

DZ

35

Production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné

EZ

36-39

Production et distribution d'eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution

FZ

41-43

Construction

GZ

45-47

Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles

HZ

49-53

Transports et entreposage

IZ

55-56

Hébergement et restauration

JA

58-60

Edition, audiovisuel et diffusion

JB

61

Télécommunications

JC

62-63

Activités informatiques et services d'information

KZ

64-66

Activités financières et d'assurance

LZ

68

Activités immobilières

LI

 

Dont : loyers imputés des logements occupés par leur propriétaire

MA

69-71

Activités juridiques, comptables, de gestion, d'architecture, d'ingénierie, de contrôle et d'analyses techniques

MB

72

Recherche-développement scientifique

MC

73-75

Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques

NZ

77-82

Activités de services administratifs et de soutien

OZ

84

Administration publique

PZ

85

Enseignement

QA

86

Activités pour la santé humaine

QB

87-88

Hébergement médico-social et social et action sociale sans hébergement

RZ

90-93

Arts, spectacles et activités récréatives

SZ

94-96

Autres activités de services

TZ

97-98

Activités des ménages en tant qu'employeurs ; activités indifférenciées des ménages en tant que producteurs de biens et services pour usage propre

UZ

99

Activités extra-territoriales

Source : Insee

Annexe 12 : Exemples de montants de CIR et de dépenses en recherche et développement issus des auditions publiques
de la commission d'enquête

(en millions d'euros)

Entreprise

CIR

Dépenses de R&D

Part CIR / R&D

Michelin

40,4

400

10,10 %

Renault

133,9

2 000

6,70 %

ArcelorMittal

40

150

26,67 %

Sanofi

108

2 500

4,32 %

Stellantis

63,2

2 290

2,76 %

Safran

152

2 000

7,60 %

STMicroelectronics

119

871

13,66 %

Vinci

20

62

32,26 %

Air Liquide

36,4

300

12,13 %

EDF

72

370

19,46 %

Orange

47

600

7,83 %

Thales

171

2 520

6,79 %

Danone

19

138

13,77 %

SNCF

16

52

30,77 %

Accor

1,6

70

2,29 %

EXAMEN EN COMMISSION

(Mardi 1er juillet 2025)

M. Olivier Rietmann, président. - La réunion de ce jour a pour objet l'examen du projet de rapport de notre commission d'enquête en vue de son adoption.

Je voudrais au préalable vous remercier pour la confiance que vous m'avez témoignée en m'élisant président de notre commission, vous dire le plaisir que j'ai eu à exercer mes fonctions, et saluer votre participation lors des auditions malgré vos agendas chargés. Je voudrais aussi saluer le travail considérable fourni par notre rapporteur Fabien Gay, qui a méticuleusement préparé chaque audition et dont l'état d'esprit constructif et l'humeur constante n'ont jamais été pris à défaut. En dépit de nos appartenances politiques, nous avons su former - je crois - un binôme équilibré, partageant un certain nombre de convictions, persuadés que la bonne entente n'empêche pas un travail sérieux et approfondi.

Quelques chiffres clefs sur nos travaux. Entre février et juin, nous avons organisé 58 auditions plénières, toutes publiques et diffusées en direct, soit environ 87 heures de travaux. Nous avons entendu 33 dirigeants de grandes entreprises, qui constituent les fleurons de l'économie française et internationale. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous avons également entendu deux ministres en fonction, deux anciens ministres, deux présidents de conseil régional, mais aussi des personnalités qualifiées, des journalistes, des économistes, des représentants des corps de contrôle, des directions générales des ministères, les partenaires sociaux et la Commission européenne.

Le rapporteur a également pu s'appuyer sur les réponses apportées à ses nombreux questionnaires, sur une étude de législation comparée du Sénat qui porte sur les conditionnalités des aides publiques aux entreprises en Allemagne, en Espagne et en Italie, ainsi que sur une étude du pôle science des données du Sénat sur les dépenses de recherche et développement (R&D) et les bénéficiaires du crédit d'impôt recherche (CIR).

Nos auditions ont été très suivies sur les réseaux sociaux et dans la presse, ce dont je me réjouis.

Avant de donner la parole au rapporteur, il me revient de vous rappeler les règles de procédure applicables à la présente réunion. Il est du devoir de chacun d'entre vous de contribuer au secret de nos travaux jusqu'à la publication du rapport. Ces règles strictes permettent de ne pas risquer de voir le contenu de nos réflexions divulgué de manière anticipée.

Vous avez respecté jusqu'à aujourd'hui l'obligation de secret qui pèse sur nos travaux tant que le rapport n'a pas été publié, et je vous en remercie à nouveau. Le rapporteur et moi-même avons scrupuleusement veillé à ne pas dévoiler, au cours d'échanges avec des journalistes, les travaux non publics de la commission, nous bornant à communiquer sur des éléments dépourvus de tout caractère sensible, sans empiéter sur nos constats et recommandations.

Si le rapport n'est pas adopté, ce que je ne souhaite évidemment pas, il sera réputé n'avoir jamais existé et aucune publication ne pourra lui être donnée, même partielle, sauf si la commission d'enquête prévoit un dispositif particulier.

Si le rapport est adopté, il sera sous embargo strict pendant vingt-quatre heures à compter de la fin de notre réunion. Durant cette période, il ne pourra être consulté qu'aux fins de solliciter la réunion du Sénat en comité secret, c'est-à-dire une réunion à huis clos pour statuer sur la publication ou la non-publication de l'ensemble du texte ou de certains passages.

Si aucun comité secret n'est demandé, le rapport sera publié mardi 8 juillet, date à laquelle les résultats de nos travaux seront présentés en conférence de presse, à 11 h 30 - vous y êtes cordialement invités. D'ici là, rien ne doit filtrer à l'extérieur, ce qui proscrit toute communication à la presse, à des tiers ou sur les réseaux sociaux.

Toute personne qui contreviendrait à cette règle s'exposerait à des sanctions fondées sur notre Règlement et sur le code pénal, dont l'article 226-13 prévoit des peines d'emprisonnement en cas de divulgation, dans un délai minimal de vingt-cinq ans, de toute information relative à une partie non publique des travaux d'une commission d'enquête. Le président Gérard Larcher a rappelé à plusieurs reprises l'interdiction absolue d'une publicité anticipée, même de quelques minutes, sur les rapports ou les conclusions des commissions d'enquête.

Je vous appelle donc solennellement à respecter ces règles, pour des raisons à la fois juridiques et institutionnelles.

Douze d'entre vous ont pu procéder à la consultation du projet de rapport, qui a eu lieu entre le 24 juin et le 30 juin.

Après l'exposé du contenu du rapport par notre rapporteur Fabien Gay, nous procéderons à l'examen des propositions de modification, sachant que nous en avons pour l'instant reçu quinze, dont onze du rapporteur. Nous vous avions demandé de bien vouloir nous les faire parvenir par mail hier, mais ce délai n'est pas impératif, de sorte que vous avez la possibilité de présenter toute proposition de modification que vous jugerez utile lors de notre présente réunion, en précisant la page et l'objet précis de votre demande.

Après l'examen de ces propositions de modification, nous voterons sur le rapport, puis sur son titre. Nous voterons ensuite sur sa publication. Je vous proposerai également que le compte rendu de la présente réunion soit annexé au rapport de la commission d'enquête.

Les groupes politiques ont la faculté de présenter une contribution qui sera annexée au rapport. Celle-ci doit être d'une longueur raisonnable, et être envoyée au secrétariat de la commission avant demain, à 14 heures.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous remercier pour la qualité de nos échanges depuis la création de la commission d'enquête. Nous avons montré qu'il était possible d'exprimer nos désaccords de manière constructive, en dialoguant et en échangeant. Je remercie également les collègues qui ont pu suivre un grand nombre d'auditions.

Comme la plupart d'entre vous ont pu consulter le projet de rapport, il n'est pas utile de vous le présenter en détail. J'ajoute que, à l'exception d'une nouvelle recommandation, le rapport suit fidèlement le plan détaillé qui vous avait été communiqué lors de notre réunion d'orientation le 15 mai dernier.

S'agissant de nos principaux constats, je peux les résumer en dix points, étant rappelé que nous n'avons évidemment pas épuisé le sujet tentaculaire des aides publiques aux entreprises en cinq mois de travaux.

Premièrement, l'absence de données statistiques sur les grandes entreprises, sur les sous-traitants et sur le montant des aides publiques versées a fortement entravé nos travaux.

Deuxièmement, il n'existe pas de définition juridique transversale des aides ni de consensus entre économistes sur leur périmètre.

La commission d'enquête considère qu'une aide publique à une entreprise désigne le plus souvent un soutien financier, voire un soutien non financier, accordé soit par une personne publique - État, collectivités territoriales, agence, opérateur, Union européenne par exemple - ou par une personne assimilée - soit une personne privée chargée d'une mission de service public - visant à modifier son comportement conformément à des objectifs de politique publique, qui consistent à favoriser l'investissement, l'innovation, l'emploi, l'export ou encore la transition écologique, pour ne prendre que ces exemples.

Sans prétendre à l'exhaustivité, sont considérés comme des aides les subventions, les dépenses fiscales, les exonérations et allègements de cotisations sociales, les garanties financières, les ventes de biens immobiliers à des taux inférieurs à celui du marché, ou encore les prises de participation lorsque la personne n'agit pas comme un investisseur privé normal qui recherche une rentabilité à long terme.

Troisièmement, le cadre juridique très strict sur les aides d'État, défendu par la Commission européenne, est beaucoup plus précis que les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et il a souvent servi à remédier au flou juridique sur la définition des aides.

Quatrièmement, s'agissant du panorama des aides, on en compte actuellement 2 267 sur le site de référence www.aides-entreprises.fr : les deux tiers sont des subventions, 40 % des aides sont octroyées par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et un quart par les régions.

Cinquièmement, le nombre de plans sociaux a doublé entre 2022 et 2024, tandis que celui des plans de départs volontaires, qui n'ont de volontaires que le nom, ne cesse d'augmenter, comme l'a montré l'actualité récente - c'est le cas à STMicroelectronics, notamment. La question de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises se pose légitimement quand elles sont versées à des entreprises qui simultanément licencient, voire délocalisent, et versent de confortables dividendes.

Sixièmement, la conditionnalité désigne, en amont, les conditions d'éligibilité, en aval les contreparties. Il existe quelques exemples de contreparties en termes d'emplois. Par exemple, les aides accordées dans les zones d'aide à finalité régionale incluent des clauses « anti-délocalisation » dans l'espace économique européen ; ou encore, les bénéficiaires des prêts garantis par l'État (PGE) se sont engagés à ne pas distribuer de dividendes et à ne pas racheter d'actions ; enfin, dans certaines régions, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui bénéficient d'une aide régionale doivent maintenir l'emploi pendant toute la durée du projet et les cinq années qui suivent, ainsi que l'activité sur le site soutenu pendant cinq ans à compter de la fin du projet.

Mais il n'existe pas de règle transversale sur la conditionnalité en termes d'emplois pour les aides publiques aux entreprises.

Septièmement, il est difficile de connaître le coût des aides publiques aux entreprises. Au sens large, ce coût atteignait 223 milliards d'euros en 2019 selon France Stratégie. Les économistes du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), que nous avons auditionnés, évaluaient ce coût à 205 milliards d'euros pour 2019. Le Gouvernement n'a pas été en mesure, malgré nos demandes, d'actualiser le chiffrage de France Stratégie. Selon notre propre méthodologie, nous arrivons à 211 milliards d'euros au sens large en 2023, en prenant en compte les données officielles sur les subventions de l'État, les aides fournies par Bpifrance, les allègements de cotisations sociales et les dépenses fiscales, y compris celles qui sont déclassées. Sont considérées comme déclassées les dépenses fiscales qui ne correspondent plus à la norme fiscale en vigueur : c'est le cas pour le manque de recettes qu'entraîne, par exemple, la baisse d'un impôt sur les entreprises.

À ces 211 milliards d'euros, il faudrait ajouter des estimations réalisées par des tiers et qui sont approximatives : il s'agit, par exemple, des aides européennes versées au titre des fonds structurels en gestion partagée, comme la politique agricole commune (PAC), qui représentent entre 9 milliards et 10 milliards d'euros selon l'inspection générale des finances (IGF), et en gestion directe - le montant précis n'est pas connu, mais pourrait avoisiner 1 milliard d'euros selon le secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Il s'agit aussi des aides versées par les régions, soit 2 milliards d'euros selon Régions de France, et de celles qui sont versées par le bloc communal et qui sont difficiles à mesurer actuellement selon la Cour des comptes.

Huitièmement, le rapport présente de manière détaillée la course aux aides publiques que se livrent les États-Unis et la Chine, au travers de l'Inflation Réduction Act (IRA) et le plan Made in China 2025. L'Europe n'est pas en reste, avec le plan Next Generation EU d'un montant d'environ 800 milliards d'euros.

Neuvièmement, le rapport indique également que le niveau élevé des prélèvements obligatoires sur les entreprises permet de financer notre modèle social, qui protège les droits sociaux de nos concitoyens et permet de renforcer la compétitivité hors prix de nos entreprises, en jouant sur des facteurs de long terme comme l'éducation et la santé.

Dixièmement, de manière générale, nous avons constaté que le contrôle des aides publiques aux entreprises était globalement satisfaisant, qu'il s'agisse des dépenses fiscales par le fisc, des exonérations de cotisations sociales par l'Urssaf ou des fonds européens par les autorités compétentes comme les régions. En revanche, l'évaluation des aides est le véritable talon d'Achille du système.

Certes, des progrès ont été réalisés ces dernières années, comme le comité de suivi du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le comité d'évaluation du plan France Relance ou encore les nombreuses évaluations du crédit d'impôt recherche réalisées par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (Cnepi).

Mais la majorité des 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises, dont le coût dépasse 43 milliards d'euros en 2023, échappe à une évaluation régulière par un organisme dédié et selon une méthodologie concertée et harmonisée, à l'instar du pacte Dutreil, qui joue un rôle essentiel dans la transmission des entreprises, en particulier des PME ; du crédit d'impôt pour les entreprises de création de jeux vidéo ; de la taxe au tonnage pour les transporteurs maritimes dont le coût est de 1 milliard d'euros en moyenne sur la période 2015-2025 ; du régime IP box qui consiste en un impôt sur les sociétés réduit de 25 % à 10 % pour certains actifs de propriété intellectuelle, alors que son rôle est très proche de celui du CIR.

Le projet de rapport comprend 26 recommandations, structurées autour de quatre axes qui visent à susciter un « choc de transparence » des aides publiques aux entreprises, tant à l'égard du Parlement et des élus dans les entreprises, que des chercheurs et du public ; un « choc de rationalisation », afin de rétablir l'équilibre des aides publiques aux entreprises et de retrouver du bon sens aux niveaux européen, national et local ; un « choc de responsabilisation » des entreprises, en renforçant la conditionnalité des aides pour éviter notamment les délocalisations et en encadrant le versement des dividendes ; un « choc d'évaluation » afin que celle-ci devienne enfin une seconde nature pour l'administration, au même titre que ses missions d'élaboration des normes et de contrôle.

À mes yeux, quelques recommandations fortes méritent d'être signalées.

Tout d'abord, les recommandations nos 3 et 25 visent à donner un rôle central au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan - ex-France Stratégie - en matière de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises. Il pourrait créer en son sein un observatoire, qui comprendrait a minima des parlementaires, des représentants des organisations professionnelles et syndicales, des chefs d'entreprise, des experts et des personnalités qualifiées, en s'inspirant de la composition du Conseil d'orientation des retraites (COR). La transparence est la mère des batailles à mes yeux et l'on ne peut plus se satisfaire du flou actuel. La commission d'enquête a été un exercice inédit de transparence et il faut poursuivre ce mouvement d'intérêt public à travers de nouvelles missions confiées au Haut-Commissariat.

Par ailleurs, la recommandation n° 20 est cruciale. Elle vise à imposer le remboursement total d'une aide de l'État ou des régions si l'entreprise procède à une délocalisation dans les deux années suivant l'attribution de celle-ci, et prévoit que les autres conditions de remboursement, partiel ou total, soient mentionnées dès l'octroi de l'aide dans la convention conclue entre l'entreprise et le financeur. La fermeture d'un site et sa délocalisation ne se décident pas en quelques jours, de sorte que le délai de deux ans nous semble adapté. Je vous présenterai d'ailleurs une proposition de modification visant à élargir le périmètre de la recommandation.

Enfin, je suis très attaché à la recommandation n° 21, que nous a suggérée notre collègue Daniel Fargeot, dont l'objet est d'exclure les aides publiques du périmètre du résultat distribuable, car l'argent public ne doit plus servir à financer les dividendes des actionnaires.

Il nous appartiendra de déterminer les moyens appropriés pour mettre en oeuvre les recommandations de niveau législatif. Une proposition de loi cosignée par plusieurs membres de la commission d'enquête est-elle le bon véhicule ? Ou bien faut-il privilégier des amendements ciblés quand des textes pertinents seront débattus dans l'hémicycle ? La question reste ouverte.

Je voudrais enfin vous rappeler que nous avons quelque peu innové sur la forme du rapport en mentionnant à la fin, dans la partie intitulée « Observations finales », des propositions que j'émets à titre personnel, ainsi que celles du président Rietmann. Dans les deux cas, vous l'avez compris, ces propositions n'engagent aucunement la commission d'enquête. Il s'agit seulement d'observations visant à alimenter le débat public, qui ne seront pas soumises au vote de la commission d'enquête. Le président et moi-même avons en effet considéré que cette présentation nous permettait de faire valoir nos points de vue spécifiques. Il est en effet légitime que les débats que nous avons eus au sein de la commission et avec les représentants des entreprises puissent figurer sous cette forme dans le rapport.

M. Olivier Rietmann, président. - Pour éviter toute confusion, je précise que le montant de 211 milliards d'euros concerne les aides publiques qui ont été versées à toutes les entreprises, alors que le sujet de notre commission d'enquête porte seulement sur les aides publiques aux grandes entreprises.

M. Michel Masset. - Ne peut-on pas avoir le montant correspondant spécifiquement à notre champ d'études ?

M. Olivier Rietmann, président. - Ce chiffre n'existe pas. Je rappelle que celui de 211 milliards d'euros est une estimation que nous avons faite dans le cadre de nos travaux. C'est précisément la raison pour laquelle nous faisons ressortir dans le rapport que les aides aux entreprises posent moins un problème de contrôle que de suivi et d'évaluation. Personne n'est capable de dire qui touche quoi et à quel niveau.

Avant d'examiner les propositions de modification, je voudrais abonder dans le sens du rapporteur sur l'innovation que constitue la partie intitulée « Observations finales ». Plutôt que d'exposer nos propositions spécifiques dans les contributions de nos groupes politiques reléguées à la fin du rapport, nous avons considéré qu'il était plus clair de les rassembler dans une partie présentée immédiatement après les 26 recommandations de la commission d'enquête.

Je ne fais pas mystère de mes convictions libérales en économie. C'est pourquoi je propose à titre personnel une diminution des aides à due concurrence de la baisse des prélèvements obligatoires qui pèsent exagérément sur nos entreprises, notamment les impôts de production. N'oublions pas que seules les entreprises produisent de la richesse, qui sert ensuite à financer nos services publics. Les coûts de gestion de toutes les aides publiques aux entreprises ne sont pas évalués, mais ils représentent sans doute une somme considérable quand l'on songe aux milliers de personnes mobilisées par l'administration pour instruire les demandes et réaliser les contrôles, sans compter les salariés concernés par ces démarches administratives dans les entreprises. Il y a des économies à faire et une plus grande efficacité est possible.

Je pense par ailleurs que nous devrions temporairement suspendre le financement des projets de décarbonation lorsqu'ils ne créent pas à court terme de la valeur ajoutée et de l'emploi. Par exemple, quand on subventionne la construction d'usines de batteries dans les Hauts-de-France, cela crée de la richesse et de l'emploi, et cela contribue au développement économique ; en revanche, des subventions très importantes sont versées pour encourager la décarbonation qui ne produisent aucune richesse et ne seront pas rentables avant vingt-cinq ou trente ans, voire jamais. Dans la période de crise budgétaire grave que nous traversons, je propose d'orienter ces sommes pour favoriser la réindustrialisation et la compétitivité de notre pays. Le décrochage économique de l'Europe s'accentue et la France doit tout faire pour relancer son industrie.

Enfin, je propose à titre personnel que, sauf circonstances exceptionnelles ou urgence nationale, une modification législative ou réglementaire substantielle, d'ordre juridique ou fiscal, applicable aux entreprises, ne pourrait entrer en vigueur que dans un délai de deux ans, car les entreprises ont un besoin fondamental de stabilité juridique. En effet, il est incompréhensible que l'on puisse voter en novembre ou décembre, dans le cadre du projet de loi de finances, des modifications fiscales ou juridiques que les entreprises devront appliquer un mois plus tard !

M. Fabien Gay, rapporteur. - Je vais vous présenter rapidement les trois observations finales que j'ai faites à titre personnel. Encore une fois, nous avons inscrit cette partie dans le rapport pour que les désaccords qui subsistent, malgré le chemin d'entente que nous avons trouvé quand cela était possible, soient exprimés de manière franche.

Ma première observation concerne la législation sur les licenciements économiques que je considère comme insuffisante pour protéger les salariés.

Par ailleurs, je souhaiterais obliger l'administration à refuser de valider ou d'homologuer un plan social lorsque l'entreprise a versé des dividendes l'année précédant la mise en place de ce plan.

Ma troisième observation concerne les exonérations de cotisations. En effet, nous avons eu un débat sur le fait que les exonérations sont des trappes à bas salaire : Mme Vautrin et les anciens ministres auditionnés l'ont reconnu. Au-delà de notre commission d'enquête, ce débat ressurgit chaque année quand nous examinons le budget de la sécurité sociale. Des économistes nous ont dit qu'au-delà de 1,6 smic, il y avait peu d'effet sur l'emploi. D'autres ont indiqué qu'il faudrait mettre fin à toutes les exonérations de cotisations en dessous de 2,5 smic. Le débat reste ouvert. Vous comprendrez que je ne puisse pas dire que les exonérations sont une bonne chose. Le groupe communiste défend le fait qu'elles sont une part du salaire et je persiste à le dire - je savais bien que nous n'arriverions pas à nous mettre d'accord sur ce point. Nous sommes convenus de continuer le débat à partir d'analyses et de rapports et j'ai repris cela dans le cadre de mes observations personnelles.

M. Olivier Rietmann, président. - L'essentiel reste les 26 recommandations sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord. Nous souhaitons surtout que ce rapport soit adopté pour que notre travail de six mois aboutisse. D'où la distinction que nous avons faite entre un bloc commun de recommandations communes et des préconisations portées de manière individuelle qui ne seront pas mises aux voix. En l'occurrence, je ne pourrais pas voter en faveur des préconisations du rapporteur et l'inverse est également vrai.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Je m'engage à ne pas évoquer ces préconisations personnelles dans le cadre de la conférence de presse. Elles me serviront surtout à faire vivre le rapport dans l'avenir.

Avant d'entrer dans le vif de l'examen des propositions de modification, je précise que plusieurs de celles que je présenterai prennent en compte les apports des membres de notre commission d'enquête, de manière à faire consensus.

La proposition de modification n° 1, présentée par notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian, tend à mettre en exergue le PGE et à préciser que le relèvement à dix ans doit être « exécuté dans les plus brefs délais, sans procédure de prévention avec une facilité de mise en oeuvre ».

Je vous propose de la retirer au profit de ma proposition de modification n° 5, qui vise à rédiger ainsi le sixième alinéa de la page 46 : « Si les recommandations de la commission d'enquête sont souvent transversales et concernent tous les financeurs, cinq dispositifs ont toutefois particulièrement retenu son attention : le CICE puis les exonérations de cotisations patronales à partir de 2018, le crédit d'impôt recherche, les aides à la décarbonation, les aides à l'apprentissage et le prêt garanti par l'État. » Il s'agit donc de compléter avec le PGE la liste des quatre dispositifs que nous avions ciblés.

Autre point de votre demande, vous souhaitez être plus ferme sur les conditions de remboursement, en interdisant les « procédures de prévention » afin de renflouer les caisses de l'État.

Je ne suis pas favorable à cette proposition, car l'idée est plutôt de donner de l'oxygène aux PME concernées. Je préfère que l'État leur accorde éventuellement un délai supplémentaire plutôt que de risquer leur fermeture et des licenciements à la clef.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Je voulais revenir sur les PGE d'un point de vue pratique. J'ai été effrayée de constater qu'il restait 39 milliards d'euros à rembourser par les entreprises au titre des PGE. Je rappelle qu'il est prévu que les remboursements se terminent en 2028. Un très grand nombre d'entreprises risquent de se retrouver en redressement judiciaire.

Que faire pour leur redonner un peu de souffle sans les obliger à se soumettre à une procédure collective pour pouvoir s'acquitter du remboursement à terme ? Si on laisse un délai de dix ans pour rembourser les PGE, beaucoup d'entreprises pourront le faire.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous sommes plutôt d'accord, chère collègue. En effet, le rapport précise à la page 34 que la mise en oeuvre du relèvement à dix ans se fera par arrêté au deuxième trimestre 2025. C'est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre proposition de recommandation et d'introduire le PGE parmi les dispositifs ciblés.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Par ailleurs, il ne faut pas trop mettre l'accent sur les PME, car leur situation n'est pas évidente. Si elles disent à leur banque qu'elles sont en difficulté pour rembourser leur prêt et qu'elles ont besoin d'un délai de dix ans, elles n'obtiendront plus jamais de crédit de trésorerie pour un besoin de financement quelconque. Il faut éviter qu'elles n'aient à s'inscrire dans le cadre d'une procédure collective, qu'il s'agisse d'une procédure de sauvegarde, d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation.

M. Olivier Rietmann, président. - Les PGE ont déjà quatre ou cinq ans d'existence. L'entreprise qui n'arrive pas à rembourser son prêt aujourd'hui n'y parviendra pas avant 2028. D'où notre proposition d'allonger le délai à dix ans et d'inscrire d'office ce même délai de dix ans pour les futurs PGE. Il faut arrêter de croire qu'une entreprise pourra rapidement rembourser l'argent qu'on lui prête quand elle va mal.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je m'interroge sur l'automaticité du délai à dix ans pour les nouveaux PGE. En effet, ce type de prêt n'a été ni évalué ni contrôlé. Je précise que j'en ai bénéficié à titre personnel, de sorte que je ne le critique pas, car il a permis de sauver nombre d'entreprises. Toutefois, le PGE peut avoir pour effet de mettre sous perfusion des entreprises qui vont mal. Il faudrait donc encadrer davantage le dispositif avant de prévoir automatiquement un délai à dix ans, en cas de nouvelle crise.

M. Olivier Rietmann, président. - Nous reviendrons sur ce sujet dans une autre proposition de modification.

La proposition de modification n° 1 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.

La proposition de modification n° 5 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Ma proposition de modification n° 8 vise à compléter le premier alinéa de la page 55 par les mots : « que regrette le rapporteur à titre personnel. ».

Je souhaite ainsi préciser ma position sur les risques encourus par la sécurité sociale en conséquence de la hausse du coût des exonérations de cotisations sociales.

La proposition de modification n° 8 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - À la page 162, je propose de rédiger le titre (b) ainsi : « (b) Selon le rapporteur, cet emballement des exonérations de cotisations sociales constitue déjà une difficulté pour la sécurité sociale et lui fait courir un risque important à terme ».

Il s'agit de préciser qu'il s'agit là de ma position personnelle sur les risques encourus dès aujourd'hui par la sécurité sociale. Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 9.

La proposition de modification n° 9 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Certains collègues nous ont demandé de préciser, à la page 183, que le chiffrage de 211 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises en 2023 a été réalisé par nos soins à partir de données officielles, mais qu'il faudrait y ajouter des estimations d'autres aides réalisées par des tiers comme Régions de France, l'IGF, et le secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Il faudra modifier en conséquence dans « L'Essentiel » la dernière phrase du dernier alinéa de la page 20.

M. Olivier Rietmann, président. - Il s'agit d'une modification à la marge, mais le dispositif draconien de la commission d'enquête nous oblige à la mettre aux voix.

La proposition de modification n° 12 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - À la page 196, je propose de rédiger ainsi le titre du (2) : « Le recours des entreprises à certaines opérations financières cristallise les interrogations en cas de licenciement économique et de bénéfice d'aides publiques, voire suscite incompréhension et colère ».

Il s'agit de préciser les sentiments que suscitent certains plans sociaux, par cohérence avec l'avant-propos du rapport. Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 10.

La proposition de modification n° 10 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - À la page 205, après le quatrième alinéa, je propose d'insérer un alinéa ainsi rédigé : « Le rapporteur considère que les fermetures de site résultent généralement de difficultés économiques objectives et sérieuses dans certains secteurs, mais il relève que certaines d'entre elles s'expliquent par des motifs purement financiers en raison d'une recherche de rentabilité très élevée, entraînant une compétition délétère entre travailleurs et in fine une course au moins-disant social. »

Il s'agit de préciser mon point de vue sur les causes de certains plans sociaux, étant rappelé que je n'engage pas la commission d'enquête sur ce point. Tel est l'objet de ma proposition de modification n° 11.

M. Olivier Rietmann, président. - Nous avons eu un débat concernant la rédaction de la deuxième partie de l'alinéa : alors que le rapporteur avait initialement écrit :« un nombre important d'entre elles s'explique par des motifs », j'ai souhaité corriger la rédaction en écrivant « certaines d'entre elles s'expliquent par des motifs ». Nous nous sommes accordés sur cette rédaction. Ces modifications semblent minimes, mais elles sont importantes pour la précision du discours.

La proposition de modification n° 11 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - La proposition de modification n° 4 présentée par notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian vise à « encourager la traçabilité de l'aide publique dans les chaînes de sous-traitance » et « à renforcer les obligations de transparence ».

Je partage le souhait de notre collègue de mettre l'accent sur les sous-traitants.

Vous avez tous constaté que nous manquons de données de l'Insee sur les sous-traitants et que les dirigeants d'entreprise auditionnés ont peu abordé le sujet de la sous-traitance, alors que le questionnaire écrit qui a été envoyé systématiquement en amont des auditions comportait des questions à ce sujet.

Ma chère collègue, je vous propose de retirer votre proposition de modification au profit de ma proposition de modification n° 6, qui comprend deux volets.

Premièrement, dans la présentation de la recommandation n° 1, à la page 260, je vous propose de rédiger ainsi le troisième paragraphe : « Les données devront être ventilées selon la taille des entreprises : très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises, en accordant une attention particulière aux sous-traitants à travers des enquêtes régulières et approfondies sur les filières économiques. »

Deuxièmement, dans la présentation de la recommandation n° 3 sur le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, à la page 266, je vous propose de rédiger ainsi le dernier paragraphe pour préciser que son rapport annuel devra comporter : « des études sur des questions transversales (par exemple les aides reçues par les sous-traitants dans certaines filières, les aides à l'export, les aides dans l'agriculture, dans le secteur de l'industrie ou le soutien à l'intelligence artificielle...). »

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Lors de l'audition de Lactalis, nous avons constaté que l'entreprise ne recevait pas d'aides exorbitantes, mais prenait à la gorge les producteurs sur le prix du lait. Les tarifs négociés sont tellement bas que le sous-traitant ou le fournisseur en pâtit. D'où ma proposition de modification que j'accepte de retirer au profit de celle du rapporteur.

La proposition de modification n° 4 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.

La proposition de modification n° 6 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Notre collègue Évelyne Renaud-Garabedian souhaite supprimer la recommandation n° 4 relative à l'information du comité social et économique (CSE). Tel est l'objet de sa proposition de modification n° 3

La question de la transparence est essentielle et les chefs d'entreprise que nous avons entendus en audition se sont montrés tout à fait transparents sur le nombre d'aides qu'ils recevaient et sur leur montant. Il faut continuer dans cette voie, et c'est l'objet de nos quatre premières recommandations. De plus, il faut que les informations soient transmises au CSE une fois par an dans les entreprises de plus de 50 salariés. Les chefs d'entreprise sont d'accord pour le faire.

Pour tenir compte de votre réticence, nous proposons non pas de supprimer la recommandation n° 4, ce qui acterait un recul, mais de la modifier en insérant à la page 269 neuf alinéas qui visent à rappeler le droit en vigueur des articles R. 2312-16 et R. 2312-17 du code du travail sur les informations communiquées au CSE quand aucun accord sur les modalités de ses consultations récurrentes n'a été conclu avec l'employeur, afin d'expliciter la portée de la recommandation n° 4, que nous modifions en conséquence à la marge.

Le fait que, une fois par an, dans les grandes entreprises, le CSE puisse disposer des données ne me paraît pas surabondant, mais relève d'un exercice démocratique plutôt sain. Les salariés y auront de toute façon accès. Donner le montant des aides dont bénéficie l'entreprise chaque année au CSE est plutôt de bonne méthode. Les chefs d'entreprise y sont favorables et les organisations syndicales le demandent.

La proposition de modification n° 3 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.

La proposition de modification n° 7 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Je souhaite indiquer, à la page 296, que les PGE sont actuellement limités à six ans et que des travaux d'évaluation ont été menés et doivent être poursuivis afin d'éclairer le Gouvernement et le Parlement en cas de nouvelle crise économique nécessitant l'octroi de nouveaux prêts.

Cette proposition de modification n° 13 a été inspirée par notre collègue Anne-Sophie Romagny.

Pour être tout à fait précis, il s'agit d'insérer après le premier alinéa de la page 296 un alinéa ainsi rédigé : « Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 mars 2020 instituant les PGE, la durée normale du prêt ne pourra en tout état de cause pas excéder une période de six ans à compter de la date du premier décaissement du prêt. Des exceptions sont prévues quand l'entreprise est par exemple en liquidation. En général, chaque entreprise a fixé elle-même la durée du prêt avec la banque et elle avait la faculté de le rembourser de manière anticipée. »

Il faudra également insérer avant le dernier alinéa, un alinéa ainsi rédigé : « Les travaux d'évaluation du dispositif des prêts garantis par l'État menés par la Cour des comptes et ayant abouti à la publication en juillet 2022 du rapport “Les prêts garantis par l'État. Une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire” doivent être poursuivis et renforcés dans le cadre de la phase de remboursement de ces prêts. Ces travaux complémentaires d'évaluation devront permettre de déterminer avec précision l'usage qui a été fait par les entreprises bénéficiaires des PGE et éclairer la décision publique dans l'hypothèse d'une nouvelle crise exogène majeure provoquant un ralentissement subit de l'activité économique. Ils permettront également d'objectiver les motifs pour lesquels certaines entreprises économiquement viables ont demandé à bénéficier d'une prolongation de la durée maximale de ces prêts de trésorerie. En tout état de cause, si une nouvelle crise survient, les conditionnalités des futurs PGE devront être compatibles avec la nécessité d'une action rapide des pouvoirs publics. »

M. Olivier Rietmann, président. - Madame Romagny, je ne comprends pas pourquoi le délai de dix ans pose problème. Il s'agit d'une durée maximale et l'entreprise peut très bien choisir une période de sept, huit ou neuf ans.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Il faut que le délai de dix ans soit justifié.

M. Olivier Rietmann, président. - Cette possibilité d'un délai de dix ans n'existait pas jusqu'à présent. Nous proposons de l'ouvrir.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je m'interroge sur la pertinence de prévoir automatiquement un délai de dix ans pour les futurs PGE.

M. Olivier Rietmann, président. - Ce sera à l'entreprise de décider. Ce n'est là qu'une possibilité qui lui est offerte.

M. Michel Masset. - Avec le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), nous nous interrogeons aussi sur ce délai. Si l'entreprise a besoin d'un délai de dix ans pour rembourser son prêt, c'est qu'elle est fragile.

M. Olivier Rietmann, président. - De nombreuses entreprises font des emprunts sur dix ans.

M. Michel Masset. - Nous parlons du PGE, c'est-à-dire d'un prêt qui est lié à une situation exceptionnelle. Si on le requalifiait comme un prêt de trésorerie, il n'y aurait aucun problème pour allonger le délai de remboursement à dix ou vingt ans.

M. Olivier Rietmann, président. - L'entreprise fait ce qu'elle veut du PGE. Elle peut donc décider d'investir avec une durée d'amortissement de dix ans. En outre, rien n'oblige l'entreprise à choisir ce délai. Il me semble qu'il y a une confusion entre l'utilisation du prêt et le prêt lui-même. Le PGE a été mis en place pour aider les entreprises à faire face à la crise covid. Ensuite, les entreprises ont pu faire ce qu'elles voulaient de ces PGE. Certaines s'en sont servis pour éviter de contracter un emprunt lié à l'investissement, et dans ce cas il est bien normal qu'elles bénéficient d'un délai de dix ans. Il est certain que quand elles ne s'en servent que pour les besoins de leur trésorerie, le fait qu'elles ne puissent pas rembourser le prêt avant dix ans pose question. Le délai de dix ans est un délai maximal. Il ne s'agit pas d'une obligation, mais d'une possibilité que nous offrons.

M. Daniel Fargeot. - Il y a en effet une confusion sur la nature du prêt. Peut-être faudrait-il mentionner dans le texte « quelle que soit la nature du prêt » ? Les prêts peuvent servir à l'investissement, mais il y a aussi des prêts de trésorerie et des prêts de fonctionnement.

M. Olivier Rietmann, président. - Nous ne sommes pas là pour déterminer ce que doit être la nature d'un PGE. Il s'agit simplement d'un prêt garanti par l'État et l'entreprise en fait ce qu'elle veut.

M. Daniel Fargeot. - Certes, mais il faudrait expliquer dans le texte ce qu'est la définition d'un PGE.

M. Olivier Rietmann, président. - Le principe est celui du « qui peut le plus peut le moins ». Et si la banque considère que la banque n'est pas viable sur dix ans, elle n'octroiera pas le prêt.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Les banques ne prêtent pas systématiquement, même pour un PGE. Si l'entreprise se porte mal, elle n'aura pas de prêt.

De plus, lors de la crise covid, il n'y avait pas d'intérêts pour les PGE, mais ce ne sera pas forcément le cas pour les futurs prêts. Ce sera le choix de l'entreprise que de rembourser sur dix ans. Si elle ne peut pas le faire, la banque ne lui accordera pas de prêt.

M. Daniel Fargeot. - Lors de la crise covid, l'État se portait garant pour le client de la banque. Il apportait ainsi une garantie ou une caution.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Je connais bien les PGE pour avoir repris une entreprise qui était en liquidation et à laquelle s'applique un plan de redressement sur dix ans. Pendant toute cette période, elle ne pourra pas obtenir de prêt bancaire. La banque reste donc maîtresse de décider. Les entreprises qui n'arrivent pas à rembourser leur PGE n'y parviendront pas si l'on n'allonge pas le délai. Les 39 milliards d'euros qui manquent ne seront alors jamais recouverts, ce qui pèsera sur les finances de l'État. C'est la raison pour laquelle nous tentons de leur redonner du souffle.

De plus, nous ouvrons la possibilité, en cas de nouvelle crise exceptionnelle, que les entreprises puissent rembourser sur dix ans. Après, les entreprises feront ce qu'elles voudront du PGE.

Il faudra évaluer le dispositif de la crise covid à la fin, pour déterminer combien de PGE ont été versés, combien ont été remboursés et quelles sont les entreprises qui ont plongé. Nous avons décidé collectivement d'ouvrir largement les vannes pour sauver les entreprises et les emplois. Si nous ne l'avions pas fait, nous n'aurions pas survécu. Cela a eu pour effet, il est vrai, de mettre sous oxygène des entreprises qui étaient en difficulté avant la crise covid et qui, très certainement, risquent à présent de plonger.

En l'occurrence, cette proposition porte non pas sur un montant ou sur des conditions d'attribution, mais sur la durée de remboursement. Les entreprises auxquelles la banque ne veut pas prêter sur cinq ou six ans n'obtiendront pas de PGE sur dix ans.

M. Olivier Rietmann, président. - Il ne faut pas confondre les PGE et les aides sonnantes et trébuchantes qui ont été mises en place pour les TPE-PME et qui ont permis à certaines entreprises de survivre à la crise, en étant versées gratuitement. Avant d'accorder un PGE, les banques étudient la situation de l'entreprise. Un des dirigeants que nous avons reçus nous a dit que certains PGE coûtaient plus cher qu'un prêt bancaire classique. Mais les entreprises qui n'avaient plus d'activité ont dû passer par cette voie. La garantie de l'État a un coût qui est reporté sur le taux d'intérêt.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Le délai de dix ans est essentiel. Pour une PME qui n'est pas en grande difficulté, il sera toujours plus facile de rembourser un prêt sur dix ans plutôt que sur cinq ans. L'étalement du remboursement lui redonne du souffle, surtout dans une période particulière de difficultés.

La proposition de modification n° 13 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - La proposition de modification n° 14, à la page 306 du rapport, vise à ne pas se limiter aux régions afin de permettre également aux communes et aux EPCI, entre autres, d'obtenir le remboursement d'aides versées à une entreprise qui procède à une délocalisation dans les deux ans.

M. Olivier Rietmann, président. - Cela facilitera la vie des élus, qui s'interrogent souvent sur le sort d'une aide à une entreprise si elle devait délocaliser son activité.

La proposition de modification n° 14 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - La proposition de modification n° 15 est inspirée d'un débat qui a été ouvert par notre collègue Pascale Gruny et vise la recommandation n° 21, suggérée par Daniel Fargeot, qui a pour objet d'exclure les aides publiques dans leur ensemble du périmètre du revenu distribuable pour le versement des dividendes. Nous proposons de préciser que les exonérations et allègements de cotisations sociales ne sont pas concernés par cette exclusion.

M. Olivier Rietmann, président. - Certains considèrent que les allègements et exonérations de cotisations ne font pas partie des aides publiques, d'autres non. D'où la nécessité de préciser qu'elles ne seront pas défalquées du bénéfice pour calculer le revenu distribuable.

M. Daniel Fargeot. - Je les avais inclus, car, selon moi, ils font partie des aides publiques. En effet, une grande partie des personnes que nous avons auditionnées ont indiqué que les aides publiques étaient de la compensation par rapport aux prélèvements obligatoires. Certaines entreprises bénéficient d'un montant d'exonérations et d'allègements important.

Je précise que les aides publiques qui sont neutralisées du bénéfice distribuable en année n peuvent être ensuite réintégrées, quand elles servent pour un investissement, par exemple. Le but est de permettre à l'entreprise de se créer un autofinancement sur ces aides publiques qui sont versées. Cela fera l'objet d'un amendement de ma part dans un éventuel texte de loi.

Au dernier paragraphe de la page 306, par cohérence avec la rédaction de la recommandation n° 21, je suggère d'inscrire que la mesure vaut pour « les entreprises » en général et pas simplement pour « les grandes entreprises ».

Il en est ainsi décidé.

Mme Frédérique Puissat. - Je soutiens la proposition de Pascale Gruny. Pour nous, les exonérations et allègements de cotisations sociales sont liées au coût du travail. Un certain nombre de branches, comme la branche propreté, sont particulièrement concernées par cet enjeu. Nous en avons largement discuté dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Cette précision lèvera toute ambiguïté.

M. Olivier Rietmann, président. - Les subventions servent parfois à orienter les entreprises en fonction de certaines politiques publiques : il s'agit, par exemple, de les pousser vers la décarbonation. On parle donc d'aides.

En revanche, les allègements et exonérations sont une compensation. Le rapporteur ne sera pas forcément d'accord, mais les chiffres sont têtus : le coût du travail est plus cher en France que dans les pays qui nous entourent. L'État taxe trop par rapport aux autres pays, car il n'a pas trouvé d'autres solutions pour financer son modèle social. Pour rétablir un équilibre, il prévoit des allègements et des exonérations. Encore une fois, il ne s'agit pas d'aides publiques.

M. Daniel Fargeot. - Mais les allègements et exonérations de cotisations sociales ont été comptabilisés dans le montant de 211 milliards d'euros. C'est pour cela que je les avais inclus dans ma proposition à l'origine de la recommandation n° 21.

M. Olivier Rietmann, président. - La proposition que nous faisons n'enlève rien à la force de cette recommandation. En effet, les entreprises concernées rayonnent sur le monde entier. Or il n'y a qu'en France qu'on les obligera à déduire les aides publiques pour calculer le bénéfice qui servira à déterminer le résultat distribuable. Aux États-Unis, les entreprises ne déduisent pas l'IRA de leur bénéfice.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Je cherche le compromis et je suivrai la commission sur ce point. Le combat est de nature politique. Nous en avions débattu avec le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), M. Patrick Martin, et notre désaccord est connu. Les exonérations et allègements de cotisations sociales sont inclus dans les 211 milliards d'euros et reconnus comme aides publiques par les ministres. Mais s'il faut un compromis sur la recommandation n° 21, je vous suivrai.

M. Olivier Rietmann, président. - N'oublions pas tout ce qui reste : les aides versées par l'État et les collectivités territoriales ainsi que celles qui sont financées par les fonds européens devraient être exclues du périmètre du résultat distribuable. En outre, autant il est facile de calculer une aide ou une subvention versée par l'État, autant il sera difficile de chiffrer les allègements et les exonérations.

M. Daniel Fargeot. - C'est tout simple - je le sais en tant qu'ancien expert-comptable : dans le document annuel des entreprises, figure une ligne réservée aux réductions de cotisations sociales.

Mme Antoinette Guhl. - Dans la mesure où le produit d'allègements et d'exonérations de cotisations sociales ne sort pas des caisses de l'État, mais n'y entre pas non plus, il s'agit bien d'aides publiques. Je suis favorable à la proposition initiale de Daniel Fargeot.

M. Olivier Rietmann, président. - Cela fait partie des points de divergence majeurs entre nous.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous avons déjà fait un grand pas et le compromis doit primer.

La proposition de modification n° 15 du rapporteur est adoptée.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Dans les « Observations finales », nous avons identifié des pistes de travail pour la suite.

Tout d'abord, nous avons été largement interpellés à la suite de l'audition du président-directeur général (PDG) de Carrefour : des lanceurs d'alerte et d'anciens salariés ont dit que celui-ci avait menti et voulaient que nous nous saisissions de la question de la location-gérance, alors que ce n'est pas l'objet de la commission d'enquête. Nous avons donc fait observer que le sujet pourrait être repris par la commission des affaires économiques ou par la délégation sénatoriale aux entreprises.

Ensuite, le Parlement doit se saisir du débat sur les semi-conducteurs en France.

Enfin, il doit s'emparer du débat sur la détaxe de TVA sur les produits de luxe. Nous ne proposons pas du tout d'abroger la détaxe, d'autant que M. Pinault nous a rappelé les conséquences qu'une telle mesure avait eues en Grande-Bretagne, avec la chute des achats dans une proportion de 20 à 30 %. Lors des deux auditions de M. Pinault et de M. Arnault, j'ai posé la question d'un travail à mener sur la fraude à la détaxe et ils sont d'accord pour le faire. Nous invitons donc le Gouvernement à se rapprocher des acteurs concernés sur ce sujet, mais il n'est pas question de supprimer la détaxe.

Madame Renaud-Garabedian, je vous propose donc de retirer votre proposition de modification n° 2 qui vise à supprimer le paragraphe consacré à la détaxe de TVA, à la page 318, dans les « Observations finales ».

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Je suis d'accord, mais pour moi la détaxe n'est pas une aide publique.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous n'avons pas comptabilisé la détaxe dans le montant estimé des aides publiques.

M. Olivier Rietmann, président. - Nous avons même précisé explicitement dans les « observations finales » qu'il ne s'agissait pas d'une aide publique.

M. Fabien Gay, rapporteur. - La détaxe concerne surtout les produits du luxe et représente 20 % du chiffre d'affaires des entreprises que nous avons auditionnées. Si l'on remettait en cause la détaxe, leurs clients iraient à Milan ou à Berlin plutôt qu'à Paris.

En revanche, le sujet de la fraude à la détaxe est important, car celle-ci est massive - les douaniers nous l'ont dit. La proposition avancée par M. Pinault de placer, comme en Corée du Sud, les bornes de détaxe après les bornes d'enregistrement dans les aéroports permettrait de la limiter.

M. Olivier Rietmann, président. - MM. Pinault et Arnault nous ont dit clairement que la détaxe était un système de soutien pour leur entreprise et qu'il serait catastrophique de la supprimer, car elle représente tout de même un montant de 1,4 milliard d'euros par an. En revanche, il y a de la fraude et il faut s'attaquer au problème.

La proposition de modification n° 2 de Mme Évelyne Renaud-Garabedian est retirée.

Mme Antoinette Guhl. - Vous avez indiqué dans votre propos liminaire que l'une des propositions de modification serait de supprimer les aides à la décarbonation. Qu'en est-il ?

M. Olivier Rietmann, président. - Non, il s'agit seulement d'une observation finale qui n'engage que moi et qui ne figure pas dans le bloc des 26 recommandations communes qui seront mises au vote.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous ne dirons pas un mot lors de la conférence de presse sur nos propositions personnelles formulées dans les « observations finales ».

M. Olivier Rietmann, président. - Nous avons terminé l'examen des propositions de modification et nous passons aux explications de vote.

M. Thierry Cozic. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) tient à remercier le président et le rapporteur pour la qualité des auditions ainsi que pour la tenue plus générale de cette commission d'enquête.

Au travers des nombreuses auditions qui ont été menées, nous avons pu objectiver certaines problématiques qui nous semblaient présentes depuis longtemps, mais dont nous n'avions pas la preuve matérielle. Cette commission d'enquête a eu le mérite de poser quatre questions qui structurent l'ensemble de nos investigations : combien ? Pourquoi ? Pour quels effets ? Et à quelles conditions ?

Il a d'ailleurs été édifiant de constater, durant nos auditions, que quasi systématiquement les personnes entendues ont eu de grandes difficultés à budgétiser, voire simplement à déclarer les aides que leur entreprise percevait. C'est un des enseignements majeurs de cette commission : la nécessité d'une plus grande transparence et d'une meilleure traçabilité est désormais criante. Le ministre de l'économie et des finances, M. Éric Lombard, ne disait pas autre chose lorsqu'il déclarait qu'« il y a sans doute des améliorations à faire pour plus de rationalisation et de transparence ».

Cet enseignement a donc poussé le groupe SER à proposer, dans une contribution écrite que nous avons déposée, la création d'une haute autorité de contrôle des aides publiques qui pourrait être attachée au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Cette autorité administrative indépendante (AAI) pourrait se saisir de toutes les questions que posent aujourd'hui les aides publiques aux entreprises. Pour ce faire, elle serait chargée de contrôler les subventions publiques et de réaliser des enquêtes régulières pour s'assurer que les entreprises respectent leurs engagements envers l'État et qu'elles utilisent les fonds publics de manière effective pour soutenir l'emploi et pour contribuer à la réindustrialisation du pays, tout en respectant des critères sociaux et écologiques ambitieux.

Cet organisme pourrait également avoir pour mission d'assurer la transparence des indicateurs d'évaluation, la diffusion sur le réseau des informations qui pourraient conduire l'État à exiger un remboursement de toute ou partie de l'aide reçue, et l'organisation des évaluations périodiques dont les résultats devraient être rendus publics. Autant de sujets que nous avons abordés durant nos auditions avec liberté et clarté.

Je réitère donc nos remerciements au président Rietmann pour la maîtrise et la bonne tenue des débats, ainsi qu'au rapporteur Fabien Gay pour son exigence et sa pugnacité. Votre duo nous a permis d'exploiter toutes les possibilités de cette commission d'enquête. Nous nous associons pleinement aux recommandations qui sont émises. Je ne doute pas que les conclusions de ce rapport trouveront une traduction législative dès les échéances automnales.

M. Marc Laménie. - Au nom du groupe Les Indépendants - République et Territoires, je salue sincèrement le travail du président et du rapporteur sur un sujet très sensible. Il faut mesurer le nombre de grands patrons qui ont été auditionnés. Cela représente réellement une grande responsabilité, car ils sont chargés d'un grand nombre d'emplois et d'une partie importante de l'activité économique.

Le rapport est un document très dense et les recommandations qui y figurent devraient inspirer le travail futur du législateur.

Mme Antoinette Guhl. - Je m'associe à mes collègues pour remercier le président et le rapporteur pour la qualité de leurs travaux et pour l'équilibre des propos tenus. Il a été intéressant de voir fonctionner sur un sujet comme celui-ci un duo aux visions politiques différentes. Ce travail a abouti au rapport que nous nous apprêtons à voter et je trouve que c'est un exploit.

Cette commission d'enquête a été assez exceptionnelle en ce que nous avons réussi à entendre un grand nombre de PDG de grandes entreprises françaises. Je crois que cela est inédit, d'où les réactions nombreuses que cela a dû susciter, notamment sur les réseaux sociaux ou dans les messages que vous avez dû recevoir.

Il reste à présent à voter ce rapport et à faire en sorte que toutes ces propositions voient le jour. Un grand pas a été fait en matière de transparence des aides publiques. J'ose espérer que ce rapport fera date et marquera un tournant sur ce sujet.

Je veux souligner que les entreprises ont joué le jeu, ce qui m'a rassurée. En effet, cela n'a pas été le cas dans la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés, où Nestlé Waters n'a pas répondu à nos questions. Je suis ravie de constater que cela peut se passer autrement, car cela contribue à retisser un lien de confiance avec nos concitoyens.

La question de la conditionnalité reste essentielle : il faut pouvoir la mesurer et vérifier que toutes les aides publiques sont bien conditionnées. En effet, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) considère que les aides publiques doivent toujours être conditionnées soit à l'impact environnemental, soit à l'impact social. Il faut pouvoir le mesurer si l'on veut, là encore, retisser un lien de confiance.

Le travail accompli est remarquable, car tous les types d'aides publiques sont envisagés dans le rapport, dont j'attends avec impatience la publication.

Mme Frédérique Puissat. - Si vous m'autorisez l'expression, « l'attelage » de cette commission était pour le moins éclectique, composé d'un président et d'un rapporteur qui se sont parfois affrontés dans l'hémicycle. Nous sommes parvenus néanmoins à des recommandations communes, chacun présentant ensuite des observations personnelles. Je trouve cette pratique plutôt intéressante.

Ce rapport intervient dans un contexte où nous allons devoir prendre des décisions difficiles d'un point de vue budgétaire. Au travers des recommandations qui y figurent, nous aurons matière à porter des amendements communs dans le cadre de l'examen des textes budgétaires à venir. C'est du moins le voeu que je formule.

Par ailleurs, je tiens à souligner que, malgré la sensibilité du sujet de cette commission d'enquête, nous n'avons pas succombé aux travers et nous avons su exercer notre mission de contrôle avec maîtrise, ce qui est tout à l'honneur des parlementaires.

M. Daniel Fargeot. - Au nom du groupe Union Centriste (UC), j'ai été ravi de participer à ce travail et je salue la qualité des débats et des auditions. Pour le dire brièvement : merci.

M. Fabien Gay, rapporteur. - Nous avons en effet entendu en audition 33 PDG, dont Bernard Arnault, ce qui est considérable. J'avais bien conscience que certains d'entre vous craignaient que le rapporteur communiste veuille affronter certains grands patrons. Mais j'ai voulu mener le débat politique avec sérieux et rigueur, d'autant que l'ensemble des chefs d'entreprise que nous avons auditionnés font eux-mêmes de la politique. C'est notamment le cas de Bernard Arnault et de Patrick Pouyanné.

Je partage l'avis d'Antoinette Guhl qui se félicite que les chefs d'entreprise aient joué le jeu : je pensais en effet qu'ils ne nous communiqueraient pas les chiffres des aides publiques qu'ils perçoivent. Malgré les désaccords que nous pouvons avoir, je salue Florent Menegaux qui a donné le tempo, ainsi que Patrick Pouyanné dont on connaît l'importance.

J'ai reçu des milliers de messages de syndicalistes et j'en ai rencontré beaucoup pendant la commission d'enquête qui m'ont remercié d'avoir demandé les chiffres dont ils ne disposaient pas, car cela rend possible la tenue d'un débat éclairé. Nous avons pu effacer de fausses idées, notamment sur le montant de l'argent public dans le chiffre d'affaires des entreprises, et constater que la situation était plus complexe qu'on ne l'envisageait souvent. C'est le cas, par exemple, sur le sujet des exonérations.

Il faut défendre le modèle des commissions d'enquête, qui sont quand même le dernier instrument que nous ayons pour faire de la politique, y compris dans un moment où l'on s'ennuie au Parlement. De plus, nos concitoyens, qui sont souvent très éloignés de la chose publique et qui ne votent plus, s'y intéressent et se repolitisent avec les commissions d'enquête. Évitons donc de casser le seul instrument qui nous reste !

Nous aurions pu pousser encore plus loin ce travail, car nous n'avons pas pu entendre les représentants de tous les secteurs, notamment le sectaire bancaire. Nous avons dû faire des choix.

M. Lucien Stanzione. - Je n'ai pas pu participer à toutes les auditions, mais je veux souligner la qualité du travail accompli et le sérieux dont vous avez fait preuve dans l'encadrement et l'animation de cette commission d'enquête. Le fait que le rapporteur et le président sont d'obédiences politiques différentes a enrichi le débat.

J'ai été impressionné par les auditions des chefs d'entreprise que nous avons reçus : cette commission d'enquête est sans doute inédite à cet égard. Le rapport qui en résulte n'est rien moins qu'époustouflant.

M. Olivier Rietmann, président. - Les commissions d'enquête sont le fruit d'une ordonnance de novembre 1958, qui donne au Parlement un certain pouvoir. Elles sont capitales aussi pour garantir le contrôle des politiques publiques et la transparence à nos concitoyens. Sachons les préserver en les utilisant à bon escient. Au Sénat, la commission d'enquête ne sert pas à faire valoir les sénateurs, mais à mener un travail en profondeur sur les sujets dont nous nous saisissons. Il ne s'agit pas de « faire un coup ».

Concernant les chefs d'entreprise que nous avons entendus, c'est au président qu'il revient de convoquer ceux qui seront auditionnés. Je vous raconterai, mais pas avant vingt-cinq ans, la manière dont cela s'est passé avec certains d'entre eux.

Vous avez pu lire au début du rapport un document intitulé « L'Essentiel », qui résume le rapport. Je tenais simplement à vous informer que ce document est susceptible d'être modifié par le rapporteur et moi-même avant sa présentation lors de la conférence de presse de mardi prochain, sans remettre en cause bien entendu son économie générale.

Je vous propose maintenant de voter en bloc le rapport, qui comprend la partie sur les constats et les 26 recommandations que nous avons modifiées, sans oublier les 12 annexes. Je précise à nouveau que nous ne votons pas sur les observations finales.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

M. Olivier Rietmann, président. - Pour le titre du rapport, nous vous proposons le libellé suivant : « Transparence et évaluation des aides publiques aux entreprises : une attente démocratique, un gage d'efficacité économique ».

Le titre du rapport est adopté.

La commission d'enquête adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi modifié, ainsi que les annexes, et en autorise la publication.

Il est décidé d'insérer le compte rendu de cette réunion dans le rapport.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA COMMISSION

Mardi 4 février 2025

Mme Anémone Cartier-Bresson, professeur de droit public à l'Université Paris Cité.

Jeudi 6 février 2025

M. Louis Gallois, coprésident de La Fabrique de l'industrie.

Institut national de la statistique et des études économiques : M. Sylvain Moreau, directeur des statistiques d'entreprises ; M. Pierre Biscourp, chef du département des synthèses sectorielles ; M. Vincent Hecquet, chef de la division industrie et agriculture ; M. Gérard Moreau, chef de la division profilage et traitement des grandes unités.

Mardi 11 février 2025

MM. Maxime Combes et Olivier Petitjean, coauteurs de l'ouvrage Un Pognon de dingue mais pour qui ? L'Argent magique de la pandémie (2022).

MM. Marc Auberger, inspecteur général des finances, et Ilyes Bennaceur, inspecteur des finances adjoint.

MM. Evens Salies, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, et Olivier Redoulès, économiste et directeur des études de Rexecode.

Jeudi 13 février 2025

MM. Laurent Cordonnier et Jordan Melmies, économistes et co-auteurs du rapport collectif Un capitalisme sous perfusion (2022) du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques et de l'Institut de recherches économiques et sociales.

Lundi 3 mars 2025

Cour des comptes : Mme Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre, et M. Jonathan Sapène, conseiller référendaire.

Table ronde des organisations syndicales de salariés : M. Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT ; Mme Fabienne Rouchy, secrétaire confédérale de la CGT, et M. Loïk Tange, économiste ; Mme Rachèle Barrion et M. Éric Gautron, secrétaires confédéraux de FO ; M. Nicolas Blanc, secrétaire national de la CFE-CGC ; M. Léonard Guillemot, conseiller confédéral de la CFTC.

Lundi 10 mars 2025

M. Nicolas Bouzou, économiste et directeur d'Asterès, et Mme Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP).

Direction générale du Trésor : Mme Claire Cheremetinski, directrice générale adjointe.

Mercredi 12 mars 2025

Direction générale des finances publiques : M. Olivier Touvenin, chef du service de la gestion fiscale ; Mme Carole Maudet, sous-directrice, adjointe et chef par intérim de la sécurité juridique et du contrôle fiscal ; M. Nicolas Chayvialle, sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises ; Mme Caroline Pereira, adjointe au chef de bureau animation de la fiscalité des professionnels, au service de la gestion fiscale ; M. Hugo Jacquemin, adjoint à la cheffe du bureau coordination et synthèse.

Mardi 18 mars 2025

Michelin : M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe ; M. Christophe Moriceau, directeur de la recherche avancée ; M. Alexander Law, directeur du développement social ; M. Xavier Durand, directeur des affaires fiscales et douanières ; Mme Fabienne Goyeneche, directrice des affaires publiques.

Mercredi 19 mars 2025

Auchan Retail : MM. Guillaume Darrasse, directeur général, et Guillaume Gardillou, directeur des affaires publiques.

Bpifrance : M. Nicolas Dufourcq, directeur général, et Mme Sophie Rémont, directrice de l'expertise et des programmes de la direction de l'innovation.

Lundi 24 mars 2025

Renault : M. Jean-Dominique Senard, président ; M. Bruno Vincent, directeur des affaires publiques ; M. Philippe Farge, délégué régional ; M. Nicolas Tcheng, responsable des relations institutionnelles.

Google France : MM. Sébastien Missoffe, directeur général, et Benoît Tabaka, secrétaire général.

Mardi 25 mars 2025

TotalEnergies : M. Patrick Pouyanné, président-directeur général.

Transparency International : MM. Patrick Lefas, président, et Kévin Gernier, responsable plaidoyer.

Mercredi 26 mars 2025

Sanofi : M. Charles Wolf, directeur France et directeur général vaccins France ; Mme Agnès Perré, directrice financière France ; M. Philippe Charreau, directeur industriel France ; M. Jacques Volckmann, vice-président recherche et développement France.

Jeudi 27 mars 2025

ArcelorMittal : M. Alain Le Grix de la Salle, président ; Mme Audrey Gies, directrice fiscale France ; M. Bertrand Chauvet, directeur de la coordination RH France ; M. Stéphane Delpeyroux, directeur des affaires publiques.

Direction générale des entreprises : M. Thomas Courbe, directeur général ; M. Benjamin Nefussi, sous-directeur de la prospective, des études et de l'évaluation économique ; M. Robin Baron, conseiller auprès du directeur général ; Mme Élodie Morival, secrétaire générale adjointe.

Groupe Parfait : M. Robert Parfait, président ; M. Philippe Jock, expert-comptable ; M. Stéphane Mirande, directeur administratif et financier pour la distribution alimentaire ; M. Kevin Parfait, directeur général ; M. Bernard Edouard, secrétaire général.

Groupe Bernard Hayot : M. Stéphane Hayot, directeur général ; M. Olivier Huetz de Lemps, directeur de l'audit et du développement ; M. Bruno Fuster, directeur juridique.

Lundi 31 mars 2025

Carrefour : MM. Alexandre Bompard, président-directeur général, et Laurent Vallée, secrétaire général.

Stellantis : M. Jean-Philippe Imparato, directeur général Europe.

Safran : M. Olivier Andriès, directeur général.

Mardi 1er avril 2025

STMicroelectronics : M. Jean-Marc Chéry, président-directeur général, et Mme Frédérique Le Grevès, présidente France de STMicroelectronics.

Fipeco : M. François Écalle, président.

Lundi 7 avril 2025

Vinci : MM. Xavier Huillard, président directeur général, et Christian Labeyrie, directeur général adjoint.

Mardi 8 avril 2025

ExxonMobil France : M. Charles Amyot, président-directeur général ; M. Jean-Claude Marcelin, directeur administratif et financier ; M. Jean-Philippe Petit, directeur des affaires publiques.

Mercredi 9 avril 2025

BlackRock France, Belgique et Luxembourg : M. Jean-François Cirelli, président.

Secrétariat général aux affaires européennes : M. Emmanuel Puisais-Jauvin, secrétaire général aux affaires européennes.

Jeudi 10 avril 2025

Engie : Mmes Catherine MacGregor, directrice générale, et Laurence Jaton, vice-présidente chargée de la direction financière du corporate et fiscale du groupe.

Air Liquide : M. François Jackow, directeur général.

Mardi 22 avril 2025

Conseil régional d'Occitanie : Mme Carole Delga, présidente, et M. Yoann Iacono, directeur général délégué chargé de la transformation économique, de la souveraineté industrielle, de la recherche, de l'enseignement supérieur, de l'emploi, de la formation et des métiers de demain.

Airbus : M. Guillaume Faury, directeur général ; M. Didier Loiselet, directeur comptable et consolidation ; M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques.

Atos : M. Philippe Salle, président-directeur général.

EDF : MM. Luc Rémont, président-directeur général, et M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques.

Medef : M. Patrick Martin, président ; Mmes France Henry-Labordère, directrice générale adjointe en charge des affaires sociales, et Christine Lepage, directrice générale adjointe en charge de l'économie.

Lundi 5 mai 2025

Mme Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.

Ubisoft : M. Yves Guillemot, président ; Mme Marie-Sophie de Waubert de Genlis, directrice générale des studios et du portefeuille de marques ; M. Emmanuel Martin, vice-président chargé des affaires corporatives.

Mardi 6 mai 2025

Onet : Mme Émilie de Lombarès, présidente du directoire ; Mme Julie Champourcin, directrice des comptabilités, fiscalité et financement ; M. Steve Berteaux, directeur expertises de la masse salariale.

M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.

Orange : Mme Christel Heydemann, directrice générale ; MM. Nicolas Guérin, secrétaire général, et Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques.

Mercredi 7 mai 2025

M. Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Thales : M. Patrice Caine, président-directeur général.

Lundi 12 mai 2025

Unilever France : M. Nicolas Liabeuf, président, et Mme Amélie Soriano-Johnston, directrice financière.

Danone : M. Antoine Bernard de Saint-Affrique, président-directeur général.

CMA-CGM : MM. Rodolphe Saadé, président-directeur général, et Ramon Fernandez, directeur financier.

Mardi 13 mai 2025

Kering : M. François-Henri Pinault, président-directeur général ; M. Jean-Marc Duplaix, directeur général adjoint ; Mme Marie-Claire Daveu, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles.

SNCF : M. Jean-Pierre Farandou, président-directeur général ; M. Philippe Massin, directeur financier ; Mme Carole Desnost, directrice technologies, innovation et projets

Accor : M. Sébastien Bazin, président-directeur général.

Mercredi 14 mai 2025

Direction générale de la concurrence de la Commission européenne : M. Olivier Guersent, directeur général.

Jeudi 15 mai 2025

M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Mercredi 21 mai 2025

LVMH : M. Bernard Arnault, président-directeur général ; M. Stéphane Bianchi, directeur général adjoint ; Mme Cécile Cabanis, directrice financière ; M. Marc-Antoine Jamet, secrétaire général.

Mercredi 11 juin 2025

Conseil régional des Hauts-de-France : M. Xavier Bertrand, président.

Mardi 17 juin 2025

Lactalis : M. Emmanuel Besnier, président-directeur général.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
REÇUES PAR LE RAPPORTEUR

Cette liste présente les contributions écrites transmises au rapporteur après envoi d'un questionnaire :

· Agence des participations de l'État

· Assemblée des départements de France

· Autorité nationale d'Audit pour les Fonds européens

· Commission européenne

· Direction générale des collectivités locales

· Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

· Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

· Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles

· Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI)

· Régions de France

· Représentation Permanente de la France auprès de l'Union européenne

· Secrétariat général des affaires européennes

CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE,
ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN

Tout au long de la commission d'enquête, les aides publiques aux entreprises ont toujours été présentées comme un outil indispensable au soutien de la compétitivité économique, au maintien de l'emploi et à la stimulation de l'innovation dans le cadre d'une politique de l'offre.

Diminuer la charge fiscale des entreprises présenterait, selon plusieurs études et rapports provenant à la fois de groupes de réflexion libéraux (institut Molinari, institut Montaigne et Ifrap) et du Conseil d'analyse économique, l'avantage de supprimer des distorsions observées tout au long de la chaîne de production.

Le montant des aides allouées aux entreprises n'a cessé d'augmenter au cours des dernières décennies. Cependant, malgré ces sommes considérables, leur efficacité est fréquemment remise en question de même que leur mode, voire leurs conditions d'attribution. Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, s'est même déclaré favorable, devant notre commission d'enquête, au remboursement des aides publiques perçues durant le covid-19 par les entreprises dont la santé financière s'est rétablie, au motif qu'il s'agit de « l'argent des Français ». Allant même jusqu'à déclarer que « la question pour moi, c'est que l'État devrait conditionner ces aides. »

Durant nos auditions, il est apparu que la politique industrielle, dont le soutien aux entreprises constitue l'une des formes principales, est un levier pour guider le développement économique des pays et régions, en particulier dans un contexte de mondialisation accrue et de concurrence internationale exacerbée. L'État, dans cette optique, joue un rôle essentiel dans la régulation des marchés et l'accompagnement des entreprises vers l'innovation et la compétitivité. Les aides publiques aux entreprises procurent des ressources financières et des incitations pour encourager des investissements en recherche et développement, en formation ou en infrastructures. Elles sont donc particulièrement appréciées des bénéficiaires que nous avons auditionnés et utiles aux gouvernements qui cherchent à promouvoir la croissance des économies.

Mais cette absence de conditionnalité, couplée à l'impossible traçabilité sont les deux problématiques que notre commission d'enquête a soulevées.

Car depuis des années, loin de servir l'emploi et la compétitivité, ces aides ont peu à peu entretenu une logique spéculative qui enrichit les actionnaires tout en ne préservant pas le tissu industriel national.

Cette situation n'est pas un effet de bord fortuit, elle est le fruit de choix politiques et économiques menés depuis des décennies au nom de la compétitivité et de l'attractivité économique.

Et il nous faut rappeler que ces pratiques sont rendues possibles par l'absence de conditions imposées aux entreprises bénéficiant d'aides publiques. En effet chaque année, l'État et les collectivités locales distribuent plus de 160 milliards d'euros d'aides aux entreprises sous différentes formes : crédits d'impôt, exonérations de cotisations, subventions directes. Pourtant, ces fonds ne sont ni contrôlés ni conditionnés à des engagements clairs en matière d'emploi et d'investissement en France. Le prolongement du CICE, par M. Emmanuel Macron, a coûté plus de 100 milliards d'euros, sans avoir prouvé son efficacité en matière de création d'emplois.

Cette commission d'enquête a eu le mérite de poser quatre questionnements qui structurent l'ensemble de nos investigations : combien ? Pourquoi ? Pour quels effets ? Enfin, à quelles conditions ?

Tout comme le ministre de l'Économie et des Finances Éric Lombard qui déclarait lors de son audition le 15 mai par la commission qu'il « y a sans doute des améliorations à faire pour plus de rationalisation et de transparence », nous pensons que ce travail doit être mené.

Pour ce faire, nous demandons la création d'une Haute Autorité de Contrôle des Aides publiques rattachée au Haut Conseil des finances publiques.

Cette AAI serait chargée de contrôler les subventions publiques et de réaliser des enquêtes régulières pour s'assurer que les entreprises respectent leurs engagements envers l'État et qu'elles utilisent les fonds publics de manière effective pour soutenir l'emploi et contribuer à la réindustrialisation du pays tout en respectant des critères socio-écologiques ambitieux. Cet organisme aurait aussi pour missions d'assurer la transparence des indicateurs d'évaluation, la diffusion des informations sur les raisons qui pourraient conduire l'État à exiger un remboursement de tout ou partie de l'aide reçue et l'organisation des évaluations périodiques dont les résultats devraient être rendus publics.

I. Garantir la traçabilité des aides publiques par la création d'un index des Aides Publiques aux Entreprises

Les nombreuses auditions l'ont démontré, la traçabilité des aides constitue indubitablement le noeud gordien du problème. Chaque année, plusieurs dizaines de milliards d'euros bénéficient aux entreprises sans que pour autant la puissance publique puisse indiquer avec exactitude les montants en jeu. L'Inspection générale des finances (IGF), placée sous la responsabilité du ministre, évoque de son côté une somme globale de 170 milliards d'euros. L'Insee a avancé pour sa part le chiffre de 70 milliards, quand les économistes évoquaient un haut de la fourchette allant jusqu'à 220 à 250 milliards, sommes qui incluent les aides qui transitent par les ménages, comme les aides à la rénovation énergétique.

Le problème originel réside dans le fait qu'il n'existe aucun document administratif qui unifie l'ensemble de ces aides aux entreprises, aucun cadre harmonisé unifié permettant de suivre leur évolution dans le temps. Il est donc cardinal de permettre une budgétisation exigeante pour définir l'ampleur de ces aides.

D'autant plus qu'en effectuant des recoupements sur la base de sources variées, il apparaît que les aides publiques aux entreprises peuvent représenter l'un des plus importants postes budgétaires des administrations publiques sans pour autant être explicitement présentées ainsi.

Il ressort également des travaux de la commission que les aides publiques aux entreprises n'ont cessé d'augmenter depuis le début des années 2000 : alors qu'elles oscillaient en moyenne autour de 30 milliards d'euros (courants) par an dans les années 1990, la montée en charge des aides publiques a été spectaculaire depuis 2001 pour atteindre un montant de plus de 100 milliards d'euros par an dès 2008 et « d'environ 150 milliards d'euros » cette année (selon le ministre Lombard) qui se décomposent de la manière suivante : 40 milliards d'euros de dépenses fiscales (crédits d'impôts, fiscalité réduite), 30 milliards d'euros de dépenses budgétaires (aide à l'embauche d'apprentis ou encore plan France 2030 par exemple), et surtout, les 80 milliards d'euros d'allègements généraux de cotisations sociales.

Lors de l'audition du Trésor il est apparu très difficile d'obtenir des informations statistiques sur l'ensemble des mesures d'aide aux entreprises et leur évolution dans le temps.

Pour pallier cette carence nous proposons la création d'un index, contraignant, annuel, joint en annexe du projet de loi de finances, qui répertorie toutes les aides perçues chaque année. Les entreprises auront l'obligation, sous peine de pénalités financières, de publier dans cet index les sommes qu'elles perçoivent et au titre de quelles aides.

II. Effectuer un contrôle de conditionnalité des aides distribuées

Les dispositifs de soutien aux entreprises ont été durant la commission régulièrement critiqués pour leur manque de conditionnalité et de ciblage précis. Les tenants d'une plus grande sélectivité ont dénoncé des « cadeaux » sans engagement en retour, notamment en ce qui concerne les fermetures et délocalisations d'entreprises après avoir perçu des aides. Le cas du CIR illustre également les limites des aides non conditionnées. Non seulement il n'y a pas de contrepartie, mais le droit du travail n'empêche pas les fermetures de sites de R&D visant à déplacer les salariés vers des sites « plus performants », tandis que le droit des affaires permet de fermer un établissement rentable mais insuffisamment au regard des objectifs d'une entreprise.

L'audition de Sanofi n'a que trop bien illustré ce cas de figure. En 2023, Sanofi a touché 108 millions d'euros de crédit d'impôt recherche en France, soit moins de 5 % de nos dépenses en R&D sur l'année, ainsi que 17,7 millions d'euros de crédit mécénat et crédit d'impôt famille. En exonération et allègement de cotisations, ce sont 7,4 millions d'euros, c'est-à-dire à peu près 0,4 % de la masse salariale du groupe en France, auxquels s'ajoutent les bonus apprentissage pour 12,2 millions d'euros pour environ 1 800 apprentis. Enfin, 5 millions d'euros d'aide de Bpifrance, de l'Ademe, des régions et des collectivités sont à comptabiliser.

Face à de tels chiffres la commission s'est interrogée sur l'utilité de ces plus d'un milliard d'euros pour le crédit d'impôt recherche sur une dizaine d'années, car dans le même temps les effectifs ont fondu de 3 500 suppressions en R&D.

Lors de son audition devant la commission, l'entreprise ArcelorMittal assurait avoir perçu 298 millions d'euros d'aides en 2023 dont 195 millions d'euros concernant l'énergie. L'entreprise a également reçu un accord de principe pour un montant de près de 850 millions d'euros d'aide de l'État français pour son projet initial de décarbonation de deux hauts fourneaux à 1,8 milliard d'euros.

Pourtant seulement un mois à peine après l'audition, ArcelorMittal annonçait la suppression de plus de 600 postes en France.

Pour ne pas verser dans cette vision, nous proposons l'instauration d'un cahier des charges complet, préalablement établi et critérisé ex ante, avec une évaluation tous les 3 ans pour apprécier l'utilité de ces aides afin qu'elles soient conditionnées à des objectifs socio-écologiques précis en matière d'emploi, d'innovation et de durabilité environnementale. Cette conditionnalité inclurait des engagements en matière de maintien de l'emploi, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement de pratiques sociales et environnementales responsables ou d'engagement de programmes d'éco-innovation tant en termes d'emplois créés ou préservés qu'en termes de transition écologique.

Dans le même temps, nous appelons à privilégier la subvention plutôt que l'allègement ou le crédit d'impôt afin d'améliorer l'efficacité des aides. En effet, alors que les incitations fiscales consistent à faire prendre en charge une dépense privée par la dépense publique, avec des possibilités de sélectivité et de contrôle limitées, les subventions permettent un meilleur ciblage des projets et une gouvernance plus stricte, car elles peuvent être directement liées à des objectifs spécifiques définis par la puissance publique de fait la conditionnalité pourrait être plus facilement mise en oeuvre.

De plus nous appelons à l'introduction des clauses contractuelles engageant les entreprises bénéficiaires d'aides à maintenir les emplois sur une durée déterminée (minimum 3 ans) afin d'éviter que les aides publiques financent des pratiques allant à l'encontre de l'intérêt général, telles que des licenciements ou des délocalisations injustifiées.

Enfin, nous souhaitons accompagner l'octroi d'aides d'une exigence d'encadrement des rémunérations des dirigeants ou de la distribution de dividendes. Ces types de contreparties permettent de s'assurer que les fonds distribués sont utilisés de manière juste et prioritairement pour préserver l'entreprise et ses salariés.

III. Pouvoir de signalement sur les entreprises ne devant plus bénéficier des aides

L'autorité pourrait aussi interdire tout versement du Crédit d'impôt recherche, et des exonérations de cotisations patronales qui se sont substituées, depuis 2019, au Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), pour trois ans en cas de licenciement économique qualifié d'abusif.

De manière cumulative il pourrait être prévu le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique est jugé sans cause réelle et sérieuse. L'entreprise aura l'obligation de rembourser la totalité des sommes correspondant aux exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l'ensemble des salariés initialement concernés par le licenciement ou la suppression d'emplois visés.

Par ailleurs, l'entreprise perdra le cas échéant le bénéfice ou l'opportunité de bénéficier du CIR et des exonérations de cotisations patronales qui se sont substituées, depuis 2019, au CICE.

CONTRIBUTION DU GROUPE RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

Le groupe RDSE tient tout d'abord à saluer le travail approfondi mené par la commission d'enquête. Au terme de ces cinq mois d'auditions, le rapport qu'elle remet montre la nécessité d'améliorer la politique d'aides aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, et propose un chemin pour y parvenir.

Les grandes entreprises évoluent dans une compétition internationale de plus en plus hostile, marquée notamment par une confrontation géopolitique et économique féroce entre la Chine et les États-Unis. Sur le plan commercial, la bataille qui oppose ces deux puissances a bousculé le fonctionnement d'une économie mondiale fondée sur une concurrence libre et non-faussée et organisée depuis 1995 par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une institution aujourd'hui durement affaiblie.

Après un recul de l'interventionnisme étatique observé durant les années 1990, les années 2000 ont connu un retour en force des politiques d'aides publiques aux entreprises partout dans les grandes économies. En effet, un temps critiquées dans les années 1980 et 1990 pour leur inefficacité économique, on assiste depuis plus d'une dizaine d'années à un retour en grâce des aides publiques comme modalité de soutien aux entreprises dans les principales économies mondiales.

Tout d'abord, les crises financières de 2008, sanitaire de 2020 et - en ce qui concerne l'Europe et la France - énergétique de 2022 ont créé des situations de difficultés inédites pour les entreprises, face auxquelles les États ont répondu par des régimes d'aides publiques massives et exceptionnelles.

En parallèle, et de façon plus structurelle, dans le contexte d'une Chine conquérante et d'un Occident qui cherche à ne pas perdre la bataille technologique, la normalisation des aides publiques comme outil d'intervention économique a créé une fuite en avant qui interroge sur la politique que doit adopter la France sur la question.

D'un côté, nos marges budgétaires fortement contraintes nous imposent de faire des choix plus ciblés. En effet, la maîtrise de nos finances publiques apparaît de plus en plus difficilement compatible avec une politique d'aides aux entreprises qui pèse 6,4 % du PIB aujourd'hui, contre 2,7 % du PIB il y a vingt ans.

De l'autre, en perte de vitesse ces dernières années par rapport aux autres grandes économies, la nôtre a besoin de capitaliser sur ses atouts et investir dans l'innovation pour reconquérir des parts de marché à l'échelle mondiale tout en continuant à attirer les entreprises étrangères sur son territoire.

Le constat est alarmant : le poids de la France dans les exportations mondiales a sensiblement reculé, passant de 5,2 % en 2003 à 2,6 % en 2024, et la compétitivité de l'économie française décroche depuis trois décennies par rapport à celle de l'économie américaine. Sans soutien fort à nos entreprises, en particulier aux grandes entreprises qui concentrent plus de 80 % du montant total de l'investissement et 55 % des exportations de biens, la France risque d'être encore déclassée au rang des puissances économiques, alors qu'une nouvelle révolution technologique alimentée par l'intelligence artificielle et la transition écologique est actuellement à l'oeuvre.

Si le canal des aides aux entreprises doit être un levier important de notre politique de soutien à l'offre, il est nécessaire qu'elles s'inscrivent dans une stratégie économique claire au service des politiques qu'elles servent (industrielles, aménagement du territoire, emploi, transitions numérique et écologique) et qu'elles fassent l'objet d'un processus d'évaluation socio-économique précis afin de limiter les effets économiques indésirables (effets d'aubaine, effet de décalage dans le temps, effet de substitution et de seuil).

A contrario, le maintien d'un statu quo rendrait hors d'atteinte la cible des 110 Md€ d'économies à réaliser d'ici 2029 pour passer sous le seuil de 3 % de déficit public.

Dans ce moment budgétaire, aussi délicat que décisif, la commission d'enquête propose de nombreuses pistes d'amélioration, auxquelles le groupe RDSE souscrit.

Avant toute chose, le paysage des aides publiques aux entreprises doit être rendu plus lisible, afin de mieux atteindre les secteurs ciblés tout en réduisant le coût pour les finances publiques. Avec plus de 2 000 régimes d'aides représentant 220 Md€ d'argent public attribué, les aides aux entreprises sont une forêt amazonienne luxuriante et désordonnée, loin de la symétrie et de la clarté d'un jardin à la française, qui est requise pour contrôler, évaluer et orienter le sens de l'intervention publique.

Comme le propose la commission d'enquête, le groupe RDSE estime que :

- la lisibilité des aides publiques par leur rationalisation doit être menée prioritairement ;

- les dispositifs de suivi des aides attribuées doivent être renforcés sous la direction du ministère de l'Économie ;

- la création d'une structure de contrôle externe, où seraient intégrés des parlementaires, appuierait cette oeuvre de simplification et d'évaluation.

Bien qu'il faille souligner qu'une démarche de rationalisation guidée uniquement par la recherche d'économies n'est pas souhaitable, il est utile de relever que la suppression des dispositifs les plus inefficaces et injustifiés d'un point de vue économique pourraient engendrer 3 Md€ d'économies sur les seuls régimes relevant du ministère de l'Économie (représentant environ 23 Md€ d'aides octroyées), soit un peu moins de 10 % des économies à réaliser en 2026.

Le groupe RDSE partage également les pistes avancées dans le rapport visant à augmenter les contrôles et les contreparties liées à l'attribution des aides publiques. Le groupe rappelle que ces dernières existent pour préserver l'emploi et favoriser la croissance économique, et non pour être utilisées comme une variable d'ajustement des résultats comptables des grandes entreprises. Pour inciter les entreprises à pleinement faire usage de ces aides au profit de l'économie nationale, les aides publiques aux entreprises doivent être inscrites dans un cadre juridique plus clair, reposant sur des règles d'utilisation et une méthodologie d'octroi homogénéisée, ainsi que sur une systématisation des outils de contrôle a priori et a posteriori au sein des administrations fiscales et sociales. Cette voie permettrait de réconcilier le besoin de soutenir nos entreprises dans la compétition mondiale, d'une part, et celui de définir une politique cohérente avec la réalité de nos finances publiques, d'autre part.

Enfin, le groupe RDSE sait que le leadership économique mondial de demain se trouve dans la domination des secteurs de la transition numérique et technologique ainsi que dans la formation d'une main d'oeuvre qualifiée capable de répondre aux attentes des entreprises dans ces domaines. Il partage donc l'exigence posée par la commission d'enquête d'orienter en priorité les aides aux entreprises vers ces secteurs, des crédits d'impôts aux aides à l'embauche et à l'apprentissage.

Si le groupe RDSE s'inscrit dans les orientations défendues par la commission d'enquête dans son rapport, il s'interroge à la marge sur quelques points.

Le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) sur une période allant jusqu'à 10 ans dans certains cas interroge. Ce dispositif doit se restreindre strictement aux situations les plus fragiles pour se prémunir des effets économiques indésirables.

Sur le plan de la temporalité de certaines actions à mettre en oeuvre, la date fixée au 2ème semestre 2025 apparaît prématurée pour être pleinement opérationnelle, et doit inciter à repousser vers une date ultérieure raisonnablement proche.

Sur le volet organisationnel, le rôle de premier plan des régions - et dans une moindre mesure des départements - implique de mieux associer ces échelons administratifs dans les procédures de contrôle des aides aux entreprises mentionnées précédemment.

Enfin, les régimes d'aides doivent être mieux synchronisés avec les cycles de consommation, ce qui implique de ménager une certaine flexibilité et réactivité pour s'adapter aux besoins de production des entreprises.


* 1 La somme des différentes catégories excède le nombre total de dispositifs d'aide du fait de doubles comptes liés à la possibilité de rattacher un dispositif à plusieurs financeurs différents (cofinancement) selon les données diffusées par l'établissement public CMA France.

* 2 Proposition de résolution n° 165 tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, 27 novembre 2024, exposé des motifs, p. 3.

* 3 Commissariat général du Plan, Les aides publiques aux entreprises : une gouvernance, une stratégie, avant-propos, octobre 2003.

* 4 Délai maximal fixé par l'ordonnance du 17 novembre 1958.

* 5 Op. cit., p. 130.

* 6 En retenant un PIB en 2019 égal à 2 425 milliards d'euros (Comptes de la Nation en 2019, Insee).

* 7 M. Olivier Guersent, directeur général de la concurrence à la Commission européenne, a été entendu le 14 mai 2025.

* 8 « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

* 9 Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

* 10 Directive (UE) 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859.

* 11 Proposition de résolution n° 165 tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, 27 novembre 2024.

* 12 Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

* 13 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, article 51. 

* 14 Selon les informations fournies par le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) à la commission d'enquête, les ETI sont « marquées par un fort ancrage industriel - 30 % des ETI sont industrielles, et une grande ouverture à l'international - 86 % exportent ».

* 15 Les 7 205 ETI représentent 26 % de la valeur ajoutée, 25 % de l'emploi salarié et 29 % des exports. Les 172 613 PME concentrent 23 % de la valeur ajoutée, 29 % de l'emploi salarié et 10 % des exports. Enfin, les 4,7 millions de microentreprises représentent 19 % de la valeur ajoutée, 17 % de l'emploi salarié et seulement 2 % des exports.

* 16 « Quelle est la contribution réelle des entreprises du CAC 40 à l'économie française ? », Le Monde, 16 mars 2025.

* 17  https://www.entreprises.gouv.fr/secteurs-dactivite/le-secteur-de-lindustrie-en-france/les-comites-strategiques-de-filiere. Sont concernés notamment les filières du ferroviaire, du nucléaire, de la métallurgie ou encore du luxe.

* 18 Les quatre axes prioritaires sont la transition écologique ; l'innovation et la digitalisation ; la souveraineté et la compétitivité ; le développement des compétences et de l'attractivité de l'industrie.

* 19 Commissariat général à la stratégie et à la prospective, « Quel modèle social ? », 2013.

* 20 Aurélie Dort, « La fiscalisation des ressources de la sécurité sociale, une notion à définir », Droit Social, 2022, 12, p. 965.

* 21 Bruno Ducoudré, « Tendances et cycles de productivité par grande branche marchande pour l'économie française », OFCE, 2019.

* 22 France Stratégie, « Protection sociale : le choc du vieillissement est-il (in)soutenable ? », 2022.

* 23 Aurélie Dort, op. cit.

* 24 OCDE et IZA Institute of Labor Economics, « Financing Social Protection in OECD Countries : Role and Uses of Revenu Earmking », 2024.

* 25 Dernière année avec des données complètes pour la quasi-intégralité des membres de l'OCDE.

* 26 OCDE, « Indicateurs - Dépenses sociales », 2025.

* 27 Idem.

* 28 Drees, « Les dépenses de protection sociale accélèrent en 2023 en France », 2024.

* 29 Commission européenne, « Implicit Tax Rates », 2025.

* 30 Conseil des prélèvements obligatoires, « Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises », 2023.

* 31 Tax Foundation, « Corporate Tax Rates Around the World », 2019.

* 32 Rapport général (n° 144, 2024-2025), tome II, fascicule 1, déposé le 21 novembre 2024, de M. Jean-François Husson, sur le projet de loi de finances pour 2025 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances), article 11.

* 33 Conseil des prélèvements obligatoires, « Quel taux pour l'impôt sur les sociétés en France ? », 2021.

* 34 Rapport général (n° 144, 2024-2025), tome II, fascicule 1, déposé le 21 novembre 2024, de M. Jean-François Husson, sur le Projet de loi de finances pour 2025 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances), article 11.

* 35 Conseil des prélèvements obligatoires, « Les différences d'imposition sur les bénéfices entre PME et grandes entreprises », 2023.

* 36 Idem.

* 37 Institut des politiques publiques, « L'hétérogénéité des taux d'imposition implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs », 2019.

* 38 Idem.

* 39 Institut des politiques publiques, « L'hétérogénéité des taux d'imposition implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs », 2019.

* 40 Article 48 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 41 Rapport général (n° 144, 2024-2025), tome II, fascicule 1, déposé le 21 novembre 2024, de M. Jean-François Husson, sur le projet de loi de finances pour 2025 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances), article 11.

* 42 Idem.

* 43 Idem.

* 44 Idem.

* 45 Idem.

* 46 Article 48 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 47 Rapport général (n° 144, 2024-2025), tome II, fascicule 1, déposé le 21 novembre 2024, de M. Jean-François Husson, sur le projet de loi de finances pour 2025 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances), article 11.

* 48 Idem.

* 49 Idem.

* 50 Mme Cécile Cabanis, directrice financière du groupe LVMH, audition du 21 mai 2025 devant la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.

* 51 Rexecode, « Malgré les aides publiques, les prélèvements sur les entreprises restent excessifs en France », 2023.

* 52 Banque européenne d'investissement, « De meilleures infrastructures, une économie en meilleure santé », 2016.

* 53 OCDE, « Repenser l'évaluation de la performance des systèmes de santé », 2024.

* 54 Louis Gallois, « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française », 2012.

* 55 France Stratégie, « Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales », 2020.

* 56 Cour des comptes, « Impacts du système de retraites sur la compétitivité et l'emploi », 2025.

* 57 Rexecode, « La compétitivité française en 2024 », 2025.

* 58 Idem.

* 59 Cour des comptes, « Impacts du système de retraites sur la compétitivité et l'emploi », 2025.

* 60 France Stratégie, « Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales », 2020.

* 61 Conseil d'analyse économique, « Les impôts sur (ou contre) la production », 2019.

* 62 Rexecode, « La compétitivité française en 2024 », 2025.

* 63 Idem.

* 64 U.S. Congressional Budget Office, « Summary of Cost Estimate for H.R. 5376, the Build Back Better Act », 2021.

* 65 U.S. Congressional Budget Office, « Summary of Cost Estimate for H.R. 5376, the Build Back Better Act », 2021.

* 66 White House, « The Build Back Better Framework », 2021.

* 67 Bloomberg, « Biden says he wishes Inflation Reduction Act had differend name », 10 août 2023.

* 68 U.S. Congressional Budget Office, « Estimated Budgetary Effects of H.R. 5376, the Inflation Reduction Act of 2022 », 2022.

* 69 OFCE, « L'inflation Reduction Act américain : une loi mal nommée », 2023.

* 70 OFCE, « L'inflation Reduction Act américain : une loi mal nommée », 2023.

* 71 U.S. Congressional Budget Office, « Estimated Budgetary Effects of H.R. 5376, the Inflation Reduction Act of 2022 », 2022.

* 72 L'ensemble des dispositifs du volet climat-énergie prévus par l'Inflation Reduction Act, modulo des critères ayant évolué depuis la publication de l'article, sont recensés sur ce site : https://bipartisanpolicy.org/blog/inflation-reduction-act-summary-energy-climate-provisions/.

* 73 Bipartisan Policy Center, « Inflation Reduction Act (IRA) Summary : Energy and Climate Provisions », 2022.

* 74 Internal Revenue Service, « Energy Efficient Home Improvement Credit », 2022.

* 75 Un gallon américain représente environ 3,8 litres.

* 76 Department of the Treasury, « Increased Amounts of Credit or Deduction for Satisfying Certain Prevailing Wage and Registered Apprenticeship Requirements », 2024.

* 77 U.S. Congress, « Domestic Content Requirements for Electricity Tax Credits in the Inflation Reduction Act », 2025.

* 78 U.S. Congress, « Domestic Content Requirements for Electricity Tax Credits in the Inflation Reduction Act », 2025.

* 79 Internal Revenue Service, « Clean Electricity Investment Credit », 2022.

* 80 CEPII, « L'Inflation Reduction Act - Comment l'Union européenne peut-elle répondre ? », 2023.

* 81 Bipartisan Policy Center, « IRA EV Tax Credits: Requirements for Domestic Manufacturing », 2023.

* 82 Site gouvernemental recensant l'ensemble des véhicules éligibles au crédit d'impôt pour les voitures d'occasion : https://fueleconomy.gov/feg/taxused.shtml.

* 83 U.S. Congress, « Domestic Content Requirements for Electricity Tax Credits in the Inflation Reduction Act », 2025.

* 84 Xavier Evans et al., « The US Inflation Reduction Act: Is it a Green Deal? », 2025.

* 85 Aurélien Boronat et Nadine Levratto, « Recréer une filière photovoltaïque en Europe : un enjeu industriel, énergétique et écologique », 2022.

* 86 Xavier Evans et al., « The US Inflation Reduction Act: Is it a Green Deal? », 2025.

* 87 Patrick Pouyanné, audition du 25 mars 2025 devant la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.

* 88 CEPS, « Different roads, aligned goals. How and why the Inflation Reduction Act and EU green industrial policies differ in supporting cleantech deployment », 2023.

* 89 Center for American Progress, « Understanding Direct Pay and Transferability for Tax Credits in the Inflation Reduction Act », 2023.

* 90 Center for American Progress, « Understanding Direct Pay and Transferability for Tax Credits in the Inflation Reduction Act », 2023.

* 91 Goldman Sachs, « The US is poised for an energy revolution », 2023.

* 92 Goldman Sachs, « Un an après sa promulgation, la loi IRA stimule les investissements dans les énergies propres », 2023.

* 93 Conseil d'analyse économique et German Council of Economic Experts, « Quelle réponse de l'Europe face à l'Inflation Reduction Act ? », 2023.

* 94 Idem.

* 95 CEPII, « L'Inflation Reduction Act - Comment l'Union européenne peut-elle répondre ? », 2023.

* 96 Goldman Sachs, « Un an après sa promulgation, la loi IRA stimule les investissements dans les énergies propres », 2023.

* 97 Alain Quinet, « La valeur de l'action pour le climat », 2019.

* 98 Brookings Institute, « Economic Implications of the Climate Provisions of the Inflation Reduction Act », 2023.

* 99 Idem.

* 100 CEPII, « L'Inflation Reduction Act - Comment l'Union européenne peut-elle répondre ? », 2023.

* 101 Assemblée nationale, XVIe lég., Rapport d'information n° 1913 déposé par la commission des affaires européennes sur la réponse à l'Inflation Reduction Act, 2023.

* 102 Mercator Institute for China Studies, « Controlling the innovation chain : China's strategy to become a science and technology superpower », 2023.

* 103 DG Trésor, « Le plan Made in China 2025 », 2015.

* 104 Cité par Mercator Institute for China Studies, « Controlling the innovation chain : China's strategy to become a science and technology superpower », 2023.

* 105 U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful », 2025.

* 106 McKinsey, « The China Effect on Global Innovation », 2015.

* 107 Mercator Institute for China Studies, « Made in China 2025. The making of a high-tech superpower and consequences for industrial countries », 2016.

* 108 DG Trésor, « Le plan Made in China 2025 », 2015.

* 109 Marilia Bassetti Marcato, « The Made in China 2025 amid hyperglobalization: upgrading, intangible assets, and internationalization strategies », 2022.

* 110 Idem.

* 111 U.S. Chamber of Commerce, « Made in China 2025 : Global Ambitions Built on Local Protections », 2017.

* 112 Communication de la Banque populaire de Chine, « Several Opinions on Finance to Support Industry Stable Growth, Restructuring, and Improving Profit », 16 février 2016.

* 113 Le rachat de Lattice Semiconductor par Canyon Bridge Capital Partners a été financé par le Conseil d'État chinois via une injection dans le capital-investissement de l'entreprise.

* 114 Par exemple, la société Tsinghua Unigroup a racheté ses deux principaux concurrents dans le domaine des semi-conducteurs.

* 115 Coface, « Made in China : how China can deal with its industrial overcapacity », 2024.

* 116 Idem.

* 117 Stéphanie Monjon et Éodie René, « La civilisation écologique en Chine, entre outil de contrôle domestique et projet de rayonnement mondial », 2024.

* 118 Anne Cheng, « Nuit des idées. Anne Cheng : Et si la Chine se souvenait du ciel ? », Le Monde, 2017.

* 119 Coface, « Made in China : how China can deal with its industrial overcapacity », 2024.

* 120 Agence internationale de l'énergie, « World Energy Investment 2023 », 2024.

* 121 CEPII, « Batteries lithium-ion : cartographie dynamique de la chaîne de valeur et perspectives », 2024.

* 122 Foreign Policy, « Mining the future. How China is set to dominate the next Industrial Revolution », 2019.

* 123 CEPII, « Batteries lithium-ion : cartographie dynamique de la chaîne de valeur et perspectives », 2024.

* 124 Idem.

* 125 Les Conseillers du commerce extérieur de la France, « La lettre de la Chine hors les murs n° 46 », 2022.

* 126 CEPII, « Batteries lithium-ion : cartographie dynamique de la chaîne de valeur et perspectives », 2024.

* 127 U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful », 2025.

* 128 Agence internationale de l'énergie, « World Energy Investment 2023 », 2024.

* 129 Coface, « Made in China : how China can deal with its industrial overcapacity », 2024.

* 130 Idem.

* 131 Center for Strategic and International Studies, « The Chinese EV Dilemma: Subsidized Yet Striking », 2024.

* 132 Direction générale des entreprises, « Transformations et défis de la filière automobile », 2022.

* 133 Jean-Dominique Senard, audition du 24 mars 2025 devant la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.

* 134 Jean-Philippe Imparato, audition du 31 mars 2025 devant la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.

* 135 U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful », 2025.

* 136 Idem.

* 137 Idem.

* 138 Idem.

* 139 CEPII, « Batteries lithium-ion : cartographie dynamique de la chaîne de valeur et perspectives », 2024.

* 140 U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful », 2025.

* 141 M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin, audition du 22 janvier 2025 devant la commission des affaires économiques du Sénat.

* 142 Syndicat du pneu, « Ouverture d'une enquête antidumping sur les importations de pneus VL et VUL en provenance de Chine », 2025.

* 143 Idem.

* 144 Idem.

* 145 M. Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin, audition du 22 janvier 2025 devant la commission des affaires économiques du Sénat.

* 146 Commission européenne, Avis d'ouverture d'une procédure antidumping n° C/2025/2778, 2025.

* 147 Idem.

* 148 Syndicat du pneu, « Ouverture d'une enquête antidumping sur les importations de pneus VL et VUL en provenance de Chine », 2025.

* 149 Direction générale des entreprises, « Les semi-conducteurs : un marché mondialisé et une dépendance européenne », 2025.

* 150 Mathieu Duchâtel, « Les semi-conducteurs au coeur de la rivalité Chine-USA », 2022.

* 151 SinoLink Securities, « Macrostrategy industry syndication report », 2022.

* 152 Idem.

* 153 U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful », 2025.

* 154 Idem.

* 155 Antonia Hmaidi, « Despite Huawei's progress, Nvidia continues to dominate AI chips market in China », 2025.

* 156 U.S. Chamber of Commerce et Rhodium Group, « Was Made in China 2025 Successful », 2025.

* 157 Idem.

* 158 Antonia Hmaidi, « Despite Huawei's progress, Nvidia continues to dominate AI chips market in China », 2025.

* 159 Idem.

* 160 Toutes les données citées dans la présente sous-partie sont issues du rapport de Mario Draghi, « The future of European Competitiveness », 2024.

* 161 Commission européenne, « Une feuille de route pour mettre un terme à la dépendance de l'UE à l'égard de l'énergie russe », 2025.

* 162 Christine Lavarde, Rapport d'information n° 779 (2022-2023), déposé le 27 juin 2023, « Contrôle budgétaire sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie : l'usine à gaz des aides énergie ».

* 163 Révision de la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003.

* 164 Règlement (UE) 2023/956 du 10 mai 2023.

* 165 En d'autres termes, la délocalisation des industries européennes polluantes dans des pays tiers.

* 166 Règlement (UE) 2024/1735 du 13 juin 2024.

* 167 Directive (UE) 2019/944 du 5 juin 2019.

* 168 Communication COM (2022) 230 final du 18 mai 2022.

* 169 Règlement (UE) 2024/1252 du 11 avril 2024.

* 170 Terra Nova, « Le Pacte vert européen - Un bilan », publié en ligne le 15 février 2024.

* 171 C'est-à-dire le principe de transformation climatique équitable et inclusive dit « ne laisser personne de côté » (ou « Leave no one behind » en anglais).

* 172 Règlement (UE) 2023/955 du 10 mai 2023 instituant un Fonds social pour le climat et modifiant le règlement (UE) 2021/1060.

* 173 À titre d'exemple, à la suite des manifestations d'agriculteurs en début d'année 2024, la Commission européenne a assoupli la législation de la politique agricole commune (PAC) en supprimant notamment l'obligation de mise en jachère pour les agriculteurs européens.

* 174 Par exemple, le règlement sur la déforestation qui devait entrer en vigueur au 30 décembre 2024 a été repoussé d'un an.

* 175 Discours sur l'état de l'Union 2023 de la présidente de la Commission européenne von der Leyen, prononcé le 13 septembre 2023.

* 176 Prévues par la directive dite CSRD (UE 2022/2464 du 14 décembre 2024), ainsi que celles relatives au devoir de vigilance instaurées par la directive dite CS3D (UE 2024/1760 du 13 juin 2024).

* 177 L'un d'entre eux est par exemple le règlement révisé sur l'utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie (UTCATF ou LULUCF en anglais).

* 178 Lors du vote de l'interdiction des moteurs thermiques à partir de 2035 en 2022, le Conseil de l'UE a ajouté une clause de revoyure en 2026, qui a été avancée à 2025 par la Commission européenne lors de la présentation de son plan d'action pour l'industrie automobile, le 5 mars 2025.

* 179 Règlement (UE) 2021/1119 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) 401/2009 et (UE) 2018/1999.

* 180 Article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales. La version initiale de cet article était moins large car elle visait, en application de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales, les primes régionales à la création d'entreprises, les primes régionales à l'emploi, les bonifications d'intérêts ou de prêts et les avances à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations.

* 181 Article 220 terdecies, I, du code général des impôts.

* 182 Conseil d'État, guide des outils d'action économique, fiche n° 24, « Accompagnement en matière économique », version 2024/2025.

* 183 Conseil d'État, guide des outils d'action économique, fiche n° 3, « Prêts et avances remboursables », version 2024/2025.

* 184 Conseil d'État, guide des outils d'action économique, fiche n° 5, « Garanties », version 2024/2025.

* 185 Dans sa dernière modification résultant de l'article 165 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 186 Décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l'application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, article 1er.

* 187 Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, article 1er.

* 188 Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

* 189 Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement de gaz naturel et d'électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

* 190 Évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2025, tome II, dépenses fiscales, p. 7.

* 191 Op. cit. p. 30.

* 192 Op. cit. p. 104 et suivantes.

* 193 Conseil d'État, guide des outils d'action économique, fiche n° 1, « Fiscalité incitative », version 2024/2025.

* 194 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024 », avril 2025, p. 5.

* 195 Idem, p. 25.

* 196 Cour des comptes, Les dépenses fiscales, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016, p. 3.

* 197 Le montant du CICE s'élevait à 12,61 milliards en 2016. Cour des comptes, Les dépenses fiscales, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016, p. 14.

* 198 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024, avril 2025, p. 47.

* 199 Idem.

* 200 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024, avril 2025, p. 54.

* 201 Idem.

* 202 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 203 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024, avril 2025, p. 48.

* 204 Loi n° 93-353 du 27 juillet 1993 relative au développement de l'emploi et de l'apprentissage.

* 205 Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi et loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 206 Loi n° 95-882 du 4 août 1995 relative à des mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale.

* 207 Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.

* 208 Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi et loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 209 Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale.

* 210 Lois n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 et n° 2017-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 211 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 212 La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a supprimé le CICE, et la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 a mis en place l'allègement pérenne de cotisations sociales.

* 213 Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

* 214 Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

* 215 Article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

* 216 Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

* 217 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

* 218 Les ZRR coexistent depuis le 1er juillet 2024 avec les Zones France Ruralités Revitalisation (ZFRR).

* 219 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 220 Antoine Bozio et Etienne Wasmer, Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024.

* 221 « La garantie de l'État peut être accordée aux prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement, à compter du 16 mars 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020 inclus, à des entreprises non financières immatriculées en France », article 6, I, de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 222 Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l'État aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l'article 4 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 223 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifiée, notamment par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 (article 35) et décret n° 2020-712 du 12 juin 2020 modifié relatif à la création d'un dispositif d'aides ad hoc au soutien de la trésorerie des entreprises fragilisées par la crise du covid-19 ou par l'agression de la Russie contre l'Ukraine, ce dernier décret ayant été modifié notamment par le décret n° 2022-1601 du 21 décembre 2022.

* 224 Décret n° 2024-770 du 8 juillet 2024 instituant un dispositif de prêts bonifiés aux entreprises viticoles, pris en application du règlement (UE) 1408/2013 modifié relatif aux aides de minimis applicable dans le secteur de l'agriculture.

* 225 Selon les statistiques de la Commission européenne, l'UE soutient, chaque année plus de 200 000 entreprises et entrepreneurs par le biais de prêts aux entreprises, de microfinancements, de garanties et de capital-risque.

* 226 Thierry Cornillet, Guide des aides de l'Union européenne, éditions 5000, mis à jour au 1er janvier 2019.

* 227 Le FSE+ poursuit deux objectifs :

- « aider les États membres et les régions de l'UE à atteindre des niveaux d'emploi élevés, à mettre en place des protections sociales équitables et à développer une main-d'oeuvre qualifiée et résiliente prête pour l'avenir, ainsi que des sociétés inclusives et équitables qui visent à éradiquer la pauvreté et à respecter les principes énoncés dans le socle européen des droits sociaux ;

- soutenir, compléter et apporter une valeur ajoutée aux politiques des États membres visant à garantir l'égalité des chances, l'égalité d'accès au marché du travail, des conditions de travail équitables et de qualité, la protection et l'inclusion sociales ».

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:4536659.

* 228 Par exemple, le règlement (UE) 2021/695 du 28 avril 2021 pour le programme Horizon Europe ou le règlement (UE) 2021/1153 du 7 juillet 2021 pour le mécanisme pour l'interconnexion en Europe.

* 229 Données fournies sur le site internet de la Représentation permanente de la Commission en France.

* 230 Page web du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, « Le plan national de relance et de résilience », à jour au 12 décembre 2024.

* 231 La Team France Export illustre la multiplicité des acteurs en matière d'aide à l'export car il s'agit d'un dispositif public d'accompagnement des entreprises à l'international animé par Business France, les régions, les chambres de commerce et d'industrie et Bpifrance.

* 232 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 233 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 234 Article L. 4251-12 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 235 Article L. 4251-13 du CGCT.

* 236 Article L. 1511-2 du CGCT.

* 237 Article L. 4251-13 du CGCT.

* 238 Article L. 1511-1 du CGCT.

* 239 Article L. 1511-1 du CGCT.

* 240 Article L. 1511-1-1 du CGCT.

* 241 Article L. 1511-2, I, 1er alinéa du CGCT.

* 242 Article L. 1511-3, I, 4ème alinéa du CGCT.

* 243 Article L. 3232-4 du CGCT. Après avis du conseil municipal de la commune où est située l'entreprise concernée, le département peut attribuer des subventions à des entreprises existantes ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle cinématographique. Ces subventions ne peuvent être attribuées qu'aux établissements qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 7 500 entrées ou qui font l'objet d'un classement art et essai.

* 244 Article L. 3232-1-2 du CGCT. Ces aides s'inscrivent dans un programme de développement rural et régional ou dans le cadre d'un programme opérationnel de mise en oeuvre des fonds européens liés à la pêche et aux affaires maritimes ou dans un régime d'aides existant au sens du droit européen, notifié ou exempté de notification.

* 245 Cour des comptes, « Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage inachevé », rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 216.

* 246 Article L. 1511-2 du CGCT, I, 1er alinéa.

* 247 Article L. 1511-2 du CGCT, I, 3ème alinéa.

* 248 Article L. 1511-3 du CGCT,1er alinéa.

* 249 Article L. 1511-7 du CGCT.

* 250 Article L. 1511-3 du CGCT,1er alinéa.

* 251  https://www.collectivites-locales.gouv.fr/competences/les-aides-limmobilier-dentreprise.

* 252 Article L. 1511-3 du CGCT, 2ème alinéa.

* 253 Article L. 2251-4 du CGCT.

* 254 Article L. 2251-5 du CGCT.

* 255 Article L. 1511-8 du CGCT.

* 256 Article L. 1511-9 du CGCT.

* 257 Article L. 1511-7 du CGCT.

* 258 Cour des comptes, « Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage inachevé », rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 214.

* 259 Idem, p. 226.

* 260 Idem, p. 226.

* 261 Idem, p. 227.

* 262 Idem, p. 231.

* 263 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 264 Chiffres communiqués par le SGAE à la commission d'enquête.

* 265 COM/2025/163 final.

* 266 Selon la Cour des comptes, dans son rapport annuel 2023, un montant annuel moyen de 276 millions d'euros du fonds Feder (sur un total de 717 millions d'euros) a été consacré par les collectivités territoriales aux aides aux entreprises sur la programmation 2014-2020.

* 267 La liberté d'entreprendre est la seule composante de la liberté du commerce et de l'industrie bénéficiant d'une protection constitutionnelle, le principe de non-concurrence n'ayant qu'une valeur législative. Par conséquent, contrairement à ce que pourrait laisser penser la lecture de l'article L. 2251-1 du CGCT, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'a pas la même valeur que celui d'égalité : « L'État a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale ainsi que de la défense de l'emploi. Néanmoins, sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe d'égalité des citoyens devant la loi, la commune peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent chapitre et à l'article L. 2253-1 ».

* 268 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, considérant 16.

* 269 Décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, considérant 7.

* 270 Décision n° 2016-582 QPC du 13 octobre 2016, paragraphes 10 à 13.

* 271 Décision n° 87-232 DC, 7 janvier 1988, cons. 10. Cette jurisprudence n'a jamais été remise en cause.

* 272 Décision n° 2019-771 QPC du 29 mars 2019, cons. 5.

* 273 Décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, cons. 20.

* 274 Comme le relève le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, la contribution carbone aurait porté essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone, dans la mesure où : 93 % des émissions d'origine industrielle, hors carburant, étaient exonérées de contribution carbone ; moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone.

* 275 Décision n° 2016-609 QPC du 27 janvier 2017, cons. 7.

* 276 Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, cons. 72.

* 277 Décision n° 2014-456 QPC du 6 mars 2015, cons. 7 à 9.

* 278 Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, cons. 18.

* 279 Décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, cons. 14.

* 280 Décision n° 2021-915/916 QPC du 11 juin 2021, cons. 17. « Le législateur a ainsi entendu éviter que la réalisation d'un projet d'utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général ».

* 281 Conseil d'État, 13 novembre 1974, n° 85792.

* 282 Conseil d'État, n° 440330, 17 juin 2021.

* 283  https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/scm_f.htm.

* 284  https://www.wto.org/french/res_f/booksp_f/wtoagreement_f.pdf (page 22).

* 285  https://www.ungeneva.org/fr/faqs/why-world-trade-organization-wto-list-united-nations-entities.

* 286  https://www.swissinfo.ch/fre/geneve-internationale/lomc-peut-elle-%C3%AAtre-%C3%A0-la-hauteur-de-sa-mission/89033768.

* 287  https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20250415-cor%C3%A9e-du-sud-4-9-milliards-de-dollars-d-aide-pour-les-semi-conducteurs-face-aux-droits-de-douane-am%C3%A9ricains.

* 288 CJCE, 14 octobre 1987, Allemagne c/ Commission, aff. C-248/84.

* 289 CJCE, 11 juillet 1996, SFEI c/ La Poste, aff. C-39/94.

* 290 CJCE, 13 octobre 1982, Norddeutsches Vieh - und Fleischkontor, aff. 213-81 à 215-81.

* 291 CJCE, 23 avril 1991, Höfner, aff. C-41/90.

* 292 CJCE, 27 septembre 1988, Humbel, 263/86.

* 293 CJCE, 17 février 1993, Poucet et Pistre, aff. C-159/91 et C-160/91.

* 294 CJUE, 12 juillet 2012, Datenbank GmbH, aff. C-138/11.

* 295 CJCE, 15 juin 2006, Air liquide Industries Belgium, aff. C-393/04 et C-41/05.

* 296 Décision 1999/508/CE de la Commission du 14 octobre 1998 portant approbation conditionnelle des aides accordées par la France à la Société marseillaise de crédit.

* 297 En effet, les deux autres compatibilités de plein droit ne sont pas pertinentes. Le premier cas d'ouverture concerne « les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels », le second les aides octroyées à certaines régions de la république fédérale d'Allemagne.

* 298 Parmi les régions mentionnées à l'article 349 du TFUE, figurent la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

* 299 Lors de son audition du 14 mai 2025 précitée, M. Olivier Guersent a affirmé qu'« entre les montants d'aide notifiés à la Commission par les États membres au titre des Piiec et les montants finalement autorisés, en sachant que tous les projets ont bien vu le jour, la réduction moyenne des aides publiques atteint 25 %. »

* 300 « Toutes les grandes décisions individuelles en matière d'aides d'État s'appuient généralement sur cette base. Ce fut récemment le cas pour les aides à la Française des jeux. »

* 301 Conseil d'État, 7 juin 2017, Société Le Muselet Valentin, n° 386627. Son considérant n° 4 dispose que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne prévoit « qu'une décision de la Commission européenne demandant à un État membre le recouvrement d'une aide déclarée incompatible avec les dispositions du droit de l'Union européenne prohibant les aides d'État s'impose aux autorités comme aux juridictions nationales lorsque sa validité n'a pas été contestée dans le délai devant les juridictions de l'Union européenne par le bénéficiaire de l'aide ».

* 302 Il ressort des réponses apportées par la Commission européenne au questionnaire de la commission d'enquête que trois aides d'État françaises ont été déclarées incompatibles avec le marché intérieur depuis 2015, sans toutefois donner lieu au remboursement des sommes versées : exonération de taxe au tonnage des compagnies maritimes opérant des navires affrétés à temps en 2015 (SA. 14551) ; prêts accordés à des conditions avantageuses à FagorBrandt et à son repreneur dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire en 2016 (SA. 38644) ; exonération d'impôt sur les sociétés des ports français en 2017 (SA. 38398).

* 303 Décision SA.13869 du 22 juillet 2015.

* 304 Décision SA. 38545 du 6 novembre 2015.

* 305 Décision SA.47867 du 2 août 2019.

* 306 Il s'agissait notamment des avances remboursables octroyées par la chambre de commerce et d'industrie de La Rochelle, ainsi que des contributions financières octroyées par le département de Charente-Maritime, la Communauté d'agglomération de La Rochelle et la Région Poitou-Charentes.

* 307 Décision SA.26494 du 26 juillet 2022.

* 308 Règlement (UE) 2015/1588 du Conseil du 13 juillet 2015 sur l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'aides d'État horizontales (texte codifié).

* 309 Règlement (UE) 2018/1911 du Conseil du 26 novembre 2018 modifiant le règlement (UE) 2015/1588 sur l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'aides d'État horizontales.

* 310 Le RGEC reprend la quasi-totalité des catégories identifiées par le Conseil. Comme l'indique la Commission européenne, il existe des règles distinctes et spécifiques permettant d'exempter de notification les aides dans les secteurs agricole, forestier et celui de la pêche, à savoir le règlement (UE) 2022/2472 de la Commission (pour l'agriculture et le secteur forestier) et le règlement (UE) 2022/2473 de la Commission (pour la pêche et l'aquaculture). En outre, une décision de la Commission exempte les aides pour les services d'intérêt économique général de l'obligation de notification, lorsque ces aides sont plafonnées à un montant annuel de 15 millions d'euros.

* 311 Deux autres règlements se sont bornés à corriger des erreurs de traduction.

* 312 Aux termes de l'article 2 de l'annexe II du RGEC : « La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros ».

* 313 D'autres règles complexes existent, notamment pour le fonds InvestEU, les aides dépourvues de « coûts admissibles identifiables », les aides en faveur des personnes en situation de handicap.

* 314 Ce site est accessible à l'adresse suivante : https://webgate.ec.europa.eu/competition/transparency/public?lang=fr.

* 315 Article 9, premier paragraphe, c) du RGEC.

* 316 Article 10, premier paragraphe, a) du RGEC.

* 317 Dans la version initiale du RGEC, seules les aides individuelles dépassant 500 000 euros devaient être publiées, ce seuil ayant été abaissé par le règlement (UE) 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023.

* 318 Article 10, premier paragraphe, b) du RGEC.

* 319 Par le règlement (UE) 2024/3118 de la Commission du 10 décembre 2024, le règlement de minimis agricole 1408/2013 a été assoupli, en prévoyant notamment le relèvement de 25 000 à 50 000 euros le plafond de minimis par entreprise sur une période de trois ans.

* 320 Règlement (UE) 2023/2832 de la Commission du 13 décembre 2023 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis octroyées à des entreprises fournissant des services d'intérêt économique général.

* 321 Règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture.

* 322 Règlement (UE) n° 717/2014 de la Commission du 27 juin 2014 concernant l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture.

* 323 Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis, article 6, paragraphe 2.

* 324 Le 3 mai, le 8 mai, le 29 juin et le 13 octobre 2020, puis le 28 janvier et le 18 novembre 2021.

* 325 Les mesures de soutien à l'investissement et à la solvabilité ont été prolongées jusqu'au 31 décembre 2023.

* 326 La Commission européenne a examiné ces règles soit sur le fondement du cadre temporaire, soit sur le fondement de l'article 107 du TFUE, soit sur une combinaison de ces règles.

* 327 La notion d'« élément d'aide » utilisée par la Commission européenne évalue l'avantage économique accordé à une entreprise. Dans le cas d'une subvention, l'avantage octroyé au bénéficiaire correspond normalement à la dépense budgétaire. Pour les autres instruments, tels que les prêts ou les garanties, l'avantage correspond à la différence entre les conditions du marché et les conditions fixées par l'aide.

* 328 Selon M. Olivier Guersent, ce dispositif n'a été utilisé qu'à une seule reprise à ce jour.

* 329 « L'essor des aides d'État, vers une meilleure coordination européenne ? », Billet de blog 406, Boris Julien-Vauzelle, Pauline Négrin, Banque de France, mis en ligne le 13 juin 2025.

* 330 Règlement (CE) n° 259/2008 de la Commission du 18 mars 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne la publication des informations relatives aux bénéficiaires de fonds en provenance du Fonds européen agricole de garantie (Feaga) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

* 331 Règlement européen (UE) n° 2021/2116 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (UE) n° 1306/2013, article 98.

* 332  https://www.telepac.agriculture.gouv.fr/telepac/tbp/accueil/accueil.action.

* 333  https://ec.europa.eu/economy_finance/recovery-and-resilience-scoreboard/index.html?lang=fr.

* 334  https://www.economie.gouv.fr/plan-national-relance-resilience-pnrr#.

* 335 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en oeuvre de la facilité pour la reprise et la résilience, COM (2022) 75 final, p. 10.

* 336  https://www.culture.gouv.fr/fr/thematiques/presse-ecrite/tableaux-des-titres-de-presse-aides2.

* 337 Ordonnance n° 2021-1310 du 7 octobre 2021 portant réforme des règles de publicité, d'entrée en vigueur et de conservation des actes pris par les collectivités territoriales et leurs groupements.

* 338 Les communes de moins de 3 500 habitants, les syndicats de communes et les syndicats mixtes fermés peuvent choisir entre l'affichage, la publication papier et la publication électronique.

* 339 Article 10, premier alinéa, de la loi DCRA précitée.

* 340 Livre III du code des relations entre le public et l'administration.

* 341 Décret n° 2017-779 du 5 mai 2017 relatif à l'accès sous forme électronique aux données essentielles des conventions de subvention.

* 342 Décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 précité, article 2.

* 343 Article L. 300-2 du CRPA, alinéa 1er.

* 344 Article D. 312-1-1-1 du CRPA.

* 345 Article L. 300-2 du CRPA.

* 346 C'est pourquoi ces secrets sont dits « relatifs », opposables aux tiers mais pas aux personnes intéressées, par opposition aux secrets dits « absolus », opposables à toute personne, mentionnés au 2ème alinéa de l'article L. 311-5 du CRPA.

* 347 L'article L. 311-6 du CRPA interdit également la communication à des tiers des documents administratifs « portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable » et ceux « faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ».

* 348  https://www.cada.fr/administration/la-protection-des-secrets-prevus-par-la-loi.

* 349 L. 152-1 du code de commerce.

* 350 L. 152-4 du code de commerce.

* 351 Cada, avis 20237096, séance du 11 janvier 2024, Conseil départemental des Hauts-de-Seine.

* 352 Cada, avis 20225064 du 22 septembre 2022, Transparency International France.

* 353 Cette base de données, régulièrement mise à jour, a été constituée en 2015 à partir de la base de données de l'Institut supérieur des métiers (ISM).

* 354 La somme des différentes catégories excède le nombre total de dispositifs d'aide du fait de doubles comptes liés à la possibilité de rattacher un dispositif à plusieurs natures différentes selon les données diffusées par l'établissement public CMA France.

* 355 La somme des différentes catégories excède le nombre total de dispositifs d'aide du fait de doubles comptes liés à la possibilité de rattacher un dispositif à plusieurs domaines différents selon les données diffusées par l'établissement public CMA France.

* 356 La somme des différentes catégories excède le nombre total de dispositifs d'aide du fait de doubles comptes liés à la possibilité de rattacher un dispositif à plusieurs financeurs différents (cofinancement) selon les données diffusées par l'établissement public CMA France.

* 357 Cour des comptes, « les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer », rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 238.

* 358 Délégation aux entreprises, n° 46 (2024-2025), 16 octobre 2024, « Entreprises et climat : se mobiliser pour relever le défi de la compétitivité carbone », au rapport des sénatrices Lauriane Josende et Brigitte Devésa et du sénateur Simon Uzenat.

* 359 Inspection générale des finances, avril 2023, Revue des aides à la transition écologique.

* 360 É. Cohen, J.-H. Lorenzi, 2000, Politiques industrielles pour l'Europe.

* 361 Article 2 du décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 relatif à la direction générale des entreprises.

* 362 Audition de M. Thomas Courbe, directeur général de la direction générale des entreprises, 27 mars 2025.

* 363 IGF, mars 2024, Revue de dépenses : les aides aux entreprises.

* 364 Projet de loi de finances pour 2025, annexe « Évaluation des voies et moyens », tome II : dépenses fiscales.

* 365 Ce risque existe aussi pour les subventions mais il est plus limité.

* 366 Annexe au PLFSS pour 2025.

* 367 Urssaf, « Stat'Ur Bilan », juillet 2023, n° 366.

* 368 Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994.

* 369 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2023.

* 370 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 237.

* 371 Idem, p. 238.

* 372 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 219.

* 373 Idem, p. 221.

* 374 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 224.

* 375 Analyse issue de l'Observatoire des politiques régionales de Régions de France (données 2023 croisant les chiffres d'affaires de toutes les régions et une enquête portant sur un échantillon de huit régions hexagonales et une région ultramarine : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté, Centre Val de Loire, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire, La Réunion).

* 376 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 239.

* 377 Idem.

* 378 Club finances, « Un soutien à la transition écologique, secteur en construction », publié le 6 juin 2023, https://www.lagazettedescommunes.com/884055/un-soutien-a-la-transition-ecologique-secteur-en-construction/?abo=1.

* 379 Ce fonds est situé en dehors des plafonds du CFP 2021-2027 et est alimenté par les revenus générés par la vente aux enchères des quotas d'émission sur le marché du carbone.

* 380 Données fournies par la Représentation permanente de la France auprès de l'UE en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 381 Ibid.

* 382 Chiffres et graphique transmis par le SGAE à la commission d'enquête.

* 383 Voir la question écrite de Jean-Luc Crucke, député belge, au Vice-premier ministre et ministre de l'Économie et du Travail, chargé de la Relance et des Investissements stratégiques, et de la Politique scientifique, en date du 25 octobre 2024.

https://www.stradalex.com/fr/sl_src_publ_div/document/QRcrb_56-b003-1382-0042-2024202500580.

* 384 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 229.

* 385 Inspection générale des finances, Revue des dépenses sur les aides aux entreprises, mars 2024, p. 5.

* 386 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 234.

* 387 Cour des Comptes, Garantir l'efficacité des aides de l'État aux entreprises pour faire face aux crises, juillet 2023.

* 388 Au total, 686 284 entreprises ont bénéficié d'un PGE, pour un montant total de 145,1 Md€. Entre mars 2020 et décembre 2020, 603 594 entreprises ont bénéficié d'un PGE, pour un montant de 131,7 Md€. Entre janvier 2021 et décembre 2021, 67 504 entreprises ont bénéficié d'un PGE, pour un montant de 10,2 Md€. Entre janvier 2022 et décembre 2022, 14 572 entreprises pour un montant de 3 Md€. Entre janvier 2023 et décembre 2023, 614 entreprises ont bénéficié d'un PGE dit « Résilience », pour un montant de 0,2 Md€.

* 389  Cour des comptes (2023) Analyse de l'exécution budgétaire 2022, mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire 2022

* 390 Pour l'activité partielle, les crédits de paiement inscrits dans le PLFR de 2020 qui correspondent à la part du dispositif financé par l'État sont de 5,5 Md€ avant correction (loi n° 2020-289) et 22,6 Md€ après correction (loi n° 2020-1473). Le montant prévisionnel total est calculé en ajoutant le montant financé par l'Unédic, qui finance un tiers du dispositif, soit 8,25 Md€ au total avant correction et 33,9 Md€ après correction. L'estimation en 2021 est effectuée de la même manière, en prenant en compte les deux PLFR.

* 391  Dares, données sur l'activité partielle. Les montants indiqués correspondent aux demandes d'indemnisation dans le cadre l'activité partielle (y compris activité partielle de longue durée).

* 392 Il s'agit de l'« amortisseur électricité » pour les petites et moyennes entreprises (PME) et au « sur-amortisseur électricité » pour les très petites entreprises (TPE).

* 393 Cour des Comptes, Garantir l'efficacité des aides de l'État aux entreprises pour faire face aux crises, juillet 2023.

* 394 Cour des comptes, rapport public thématique, Les prêts garantis par l'État. Une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire, juillet 2021.

* 395 Cour des comptes, rapport public thématique, Le fonds de solidarité à destination des entreprises : une mise en oeuvre rapide dans un contexte instable, 2021.

* 396 Cour des comptes, rapport public thématique, Préserver l'emploi. Le ministère du travail face à la crise sanitaire, juillet 2021.

* 397 Rapport de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, de Mme Nathalie Goulet, 18 juin 2025, page 119.

* 398 Ce périmètre 4 s'obtient en ôtant du périmètre 1 la catégorie n° 1 « participations, prêts, avances remboursables et garanties, hors régions », la catégorie n° 3 « les dépenses fiscales déclassées » et la catégorie n° 10, à savoir les allègements de charge autres que ceux sur les bas salaires.

* 399 « Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales », France Stratégie, novembre 2020, p. 161.

* 400 Idem.

* 401 Audition de MM. Evens Salies, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, et Olivier Redoulès, économiste et directeur des études de Rexecode, 11 février 2025.

* 402 « Aides aux entreprises : de quoi parle-t-on ? », Olivier Redoulès et Jade Faudemer, Repères n° 7, Rexecode, 12 juillet 2023.

* 403 Audition de M. Éric Lombard, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 15 mai 2025.

* 404 Les interventions financières retenues sont celles correspondant aux métiers « financement », « garantie », « financement de l'innovation » et « investissement » de Bpifrance.

* 405 Les principaux dispositifs retenus sont les aides aux entreprises du plan France 2030 opérés par l'Ademe, le dispositif « compensation carbone » et l'aide au guichet « énergie » opérés par la DGE.

* 406 Pour garantir l'absence de double compte avec la catégorie « interventions financières de Bpifrance ».

* 407 Article L. 1233-3 du code du travail.

* 408 Ordonnance n° 45-1030 du 24 mai 1945 relative au contrôle de l'emploi.

* 409 Loi n° 89-549 du 2 août 1989 modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion.

* 410 Article L. 1235-1 du code du travail.

* 411 Voir par exemple Cass. Soc., 5 avril 1995, Thomson Videocolor n° 93-42.690 et Cass. Soc. 16 janvier 2001, Morvant, n° 98-44.647 pour ce qui est, respectivement, de la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et de sa cessation d'activité.

* 412 Le code du travail laisse la possibilité au juge de discerner d'autres motifs.

* 413 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 414 Dans une réponse à la question écrite n° 12062 de l'Assemblée nationale, publiée au Journal officiel le 19 décembre 2023, le ministère du travail semble implicitement reconnaître le bienfondé d'une suppression de poste consécutive au recours à une solution fondée sur l'IA.

* 415 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 416 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1er février 2011, 10-30.045 10-30.046 10-30.047 10-30.048, publié au bulletin.

* 417 Ordonnance 2017-1397 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 418 Ordonnance 2017-1397 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 419 Rapport n° 194 (2017-2018) du 20 décembre 2017 de M. Alain Milon sur le projet de loi de ratification des ordonnances du 22 septembre 2017, p. 103.

* 420 Article L. 1233-16 du code du travail.

* 421 Article L. 1233-61 du code du travail.

* 422 Cour de Cassation, Chambre sociale, du 10 avril 1991, 89-18.485.

* 423 Article L. 1233-24-1 du code du travail.

* 424 Article L. 1233-24-4 du code du travail.

* 425 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

* 426 Article L. 1233-65 du code du travail.

* 427 Article L. 1233-71 du code du travail.

* 428 Article L. 1233-45 du code du travail.

* 429 DGE, 6 février 2025, Comment expliquer l'augmentation des faillites d'entreprises ?

* 430 Rapport de la DGEFP, 10 ans après la loi sur la sécurisation de l'emploi, juin 2023.

* 431 Insee, Note de conjoncture du 18 mars 2025 « Désordre mondial, croissance en berne ».

* 432 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 32e éd., 2024 : « Se dit d'un débiteur solvable, qui est encore maître de ses biens, par opposition à celui qui est en état d'insolvabilité et qui est dessaisi de ses pouvoirs de gestion, dans le cadre d'une procédure collective notamment. ».

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

* 433 Par exemple, Le Monde, 5 novembre 2024, « Plans sociaux : Michel Barnier réclame des comptes aux entreprises » et 19 avril 2025 « Les Plans sociaux se multiplient dans les enseignes du commerce ».

* 434 Propositions de résolution n° 165 (2024-2025) de Mme Cécile Cukierman, M. Fabien Gay et plusieurs de leurs collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et leurs sous-traitants.

* 435 Propositions de résolution n° 971 (2024-2025) de M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Cyrielle Chatelain et plusieurs de leurs collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciements.

* 436 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 437 Amendement n° I-1330 rect. bis du sénateur M. Bernard Delcros.

* 438 Voir par exemple la proposition de loi n° 694 visant à encadrer le recours au licenciement économique et à interdire les licenciements dits "boursiers" de MM. Yannick Monnet et André Chassaigne, ou la proposition de loi n° 665 visant à mettre fin aux licenciements économiques abusifs dans les grandes entreprises de Mmes Mathilde Panot et Aurélie Trouvé.

* 439 Proposition de loi n° 230 (2024-2025) de M. Thierry Cozic et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 8 janvier 2025 visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés.

* 440 Article L. 232-12 du code de commerce.

* 441 Finance d'entreprise, Pascal Quiry, Yann le Fur, Pierre Vernimmen, Dalloz, 2024.

* 442 Article L. 225-179 du code de commerce.

* 443 Article L. 225-197-1 du code de commerce.

* 444 Dares, Quelle place occupe l'actionnariat salarié en 2020 ?, Focus n° 7, 2 février 2023.

* 445 Article 83 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 446 Alinéa 8 du I de l'article L. 225-197-1 du code de commerce.

* 447 La loi « Pacte » du 22 mai 2019 est venue préciser que les actions qui n'ont pas été définitivement attribuées au terme de la période d'acquisition et celles qui ne sont plus soumises à obligation de conservation ne comptaient pas dans la définition de ce taux.

* 448 Loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.

* 449 Article L. 225-209-2 du code de commerce.

* 450 Exposé des motifs de la proposition de résolution n° 165 (2024-2025) de Mme Cécile Cukierman, de M. Fabien Gay et plusieurs de leurs collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et leurs sous-traitants.

* 451 Selon les annonces du groupe, ces départs concernaient principalement les fonctions support mutualisées entre l'entité France et le groupe international (784 postes), les hypermarchés subissant une réorganisation (915 postes), les dix points de vente fermés (466 postes) et la livraison à domicile (224 postes).

* 452  https://france.arcelormittal.com/actualites/arcelormittal-confirme-son-intention-d-investir-1-2-md-euros-a-dunkerque.

* 453 Selon les calculs du rapporteur.

* 454 Entre 2013 et 2023.

* 455 Entre 2013 et 2023.

* 456 Ordonnance 2017-1397 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 457 Rapport n° 194 (2017-2018) du 20 décembre 2017 de M. Alain Milon sur le projet de loi de ratification des ordonnances du 22 septembre 2017, p. 102.

* 458 Il s'agit de la définition retenue pour « l'effet incitatif » par la Commission européenne. Voir par exemple la communication de la commission sur l'encadrement des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation (2022/C 414/01) ou celle relative aux lignes directrices pour les aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture (2023/C 107/01).

* 459 Jan Tinbergen, 1952, À propos de la théorie en politique économique.

* 460 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle.

* 461 Conseil constitutionnel, décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, loi visant à reconquérir l'économie réelle.

* 462 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

* 463 Article L. 8222-2 du code du travail.

* 464 Communication de la Commission, lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale

(2021/C 153/01), paragraphe 23.

* 465 Grâce aux principales mesures qu'inclut la loi du 23 octobre 2023, une réduction de 41 millions de tonnes d'équivalent CO2 est prévue à l'horizon 2030. Cela représente 1 % de l'empreinte carbone totale de la France.

* 466 La Nouvelle entreprise, « [Plan de relance] Une initiative parlementaire de contreparties "light" pour les entreprises », publié le 26 octobre 2020, Solène Davesne.

* 467 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 468 Article L. 222-1 B du code de l'environnement.

* 469 BRDA 8/20 inf. 18 et BRDA 4/21 inf. 14.

* 470 Cour des comptes, « Les prêts garantis par l'État - une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire », juillet 2022.

* 471 Loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein aux prix de l'électricité (Strompreisbremsegesetz - StromPBG).

* 472 Loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein à la hausse des prix du gaz naturel et de la chaleur fournis par le réseau (Erdgas-Wärme-Preisbremsengesetz - EWPBG).

* 473 Article 1er de la StromPBG et de la EWPBG.

* 474 Bundesministerium der Finanzen, Finanzbericht 2024, août 2023 (rapport financier fédéral annuel, perspectives 2023-2027), p. 30.

* 475 Ibid., p. 33.

* 476 Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft (VBW), Energiepreisbremsen in Theorie und Praxis, août 2023 (étude commandée par le patronat bavarois), p. 11.

* 477 Bundesrechnungshof, Bericht nach § 88 Absatz 2 BHO zu dem 29. Subventionsbericht der Bundesregierung, mars 2024 (rapport d'évaluation critique du 29e Subventionsbericht), p. 7.

* 478  Congreso de los diputados, 121/000043 Proyecto de Ley de Industria y Autonomía Estratégica, 20 de diciembre de 2024.

* 479 Les grandes entreprises sont celles qui dépassent ces seuils.

* 480 Les entreprises moyennes emploient entre 50 et 250 employés et ont un chiffre d'affaires annuel compris entre 10 et 50 millions d'euros (ou un bilan annuel inférieur à 43 millions d'euros).

* 481 Les petites entreprises emploient entre 10 et 50 employés et ont un chiffre d'affaires annuel entre 2 et 10 millions d'euros.

* 482  Ley 38/2003, de 17 de noviembre, General de Subvenciones.

* 483 Article 43 du décret-loi n° 112 du 25 juin 2008.

* 484  https://www.regione.campania.it/imprese/it/news/primo-piano/contratti-di-sviluppo-campania-prima-regione-per-investimenti (consulté le 2 mai 2025).

* 485  https://www.invitalia.it/cosa-facciamo/sosteniamo-grandi-investimenti/contratto-di-sviluppo (consulté le 30 avril 2025).

* 486  Decreto-legge 12 luglio 2018, n. 87 - Disposizioni urgenti per la dignità dei lavoratori e delle imprese.

* 487 Università Ca' Foscari Venezia, Il Decreto Dignità: prime riflessioni, 2018, p. 5.

* 488 Si les réductions d'emploi sont situées entre 10 % et 50 %, l'aide est réduite proportionnellement.

* 489  Decreto-legge 23 settembre 2022, n. 144 Ulteriori misure urgenti in materia di politica energetica nazionale, produttivita'delle imprese, politiche sociali e per la realizzazione del Piano nazionale di ripresa e resilienza (PNRR).

* 490 Décret-législatif présenté en Conseil des ministres le 21 octobre 2024 en application de l'article 3 de la loi n° 160 du 27 octobre 2023.

* 491 Conseil d'État, 30 mars 1979, section, Secrétaire d'État aux universités et université de Bordeaux II, n° 09369.

* 492 Conseil d'État, section, 6 novembre 2002, n° 223041.

* 493 Cette règle, issue de la jurisprudence « Ternon » du Conseil d'État du 26 octobre 2001, a ensuite été codifiée à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui dispose que « l'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».

* 494 Article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration.

* 495 Conseil d'État, 9 décembre 2021, FranceAgrimer, n° 433968.

* 496 Article L. 211-2, 4°, du code des relations entre le public et l'administration.

* 497 Article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes duquel « les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix./ L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ».

* 498 Conseil d'État, guide des outils d'action économique, fiche n° 2 « subventions », version 2024/2025, p. 13.

* 499 Conseil d'État, 8 juillet 1988, Premier ministre c/ Société angérienne des bois déroulés et contreplaqués S.A.B.D.E.C., n° 69220 ; Conseil d'État, 26 novembre 1993, Ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire c/ Société industrielle française du tout terrain, n° 103579 ; Conseil d'État, 25 mai 2018, SCI Marphi, n° 412502.

* 500 Par exemple, l'article 1er du décret-loi du 25 juin 1934 relatif aux subventions aux sociétés privées, modifié par l'article 14 du décret du 2 mai 1938 prévoyait déjà que « toute association, société ou collectivité privée qui reçoit une subvention de l'État est tenue de fournir ses budgets et comptes au ministre qui accorde la subvention. Elle peut en outre être invitée à présenter les pièces justificatives des dépenses et tous autres documents dont la production serait jugée utile. Tout refus de communication entraînera la suppression de la subvention ».

* 501 Conseil d'État, 23 mars 1990, Société Multitransports A. Jamon, nos 67122, 77501 et 77502.

* 502 Droit des aides publiques aux entreprises, Thèmis droit, Presses universitaires de France, octobre 2020, p. 149.

* 503 Conseil d'État, 5 juillet 2010, CCI Indre, n° 308615.

* 504 Conseil d'État, 29 mai 2019, n° 428040, cons. 3, A.

* 505 Conseil d'État, 4 avril 2014, n° 358994.

* 506 Droit des aides publiques aux entreprises, Thèmis droit, Presses universitaires de France, octobre 2020, p. 311.

* 507 Article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales pour les communes, et article L. 4141-2 du même code pour les régions.

* 508 Article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale.

* 509 Article L. 213-1 du code de la sécurité sociale.

* 510 Urssaf, 7 mars 2025, « Communiqué de presse - Lutte contre la fraude : un niveau historique de redressements réalisés par le réseau des Urssaf en 2024 ».

* 511 Urssaf, Essentiel 2022 « Contrôle des usagers ».

* 512 Article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale.

* 513 Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur, l'AnAFe indique qu'elle ne mène pas d'audits ou de contrôles spécifiques concernant les aides aux entreprises. Elle précise que ces audits sont standardisés, indépendamment du fonds européen concerné ou du type de bénéficiaire, qu'il s'agisse d'une personne physique, d'une entreprise ou d'une collectivité publique. Des vérifications spécifiques en matière d'aides d'État sont toutefois prévues lorsque les projets impliquent des entreprises, avec des règles qui varient selon leur taille.

* 514 Voir par exemple le rapport spécial n° 10/2015 de la Cour des comptes européenne : « Les problèmes liés aux marchés publics dans le cadre des dépenses de cohésion de l'UE nécessitent des efforts supplémentaires ».

* 515 Dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, l'AnAFe rappelle qu'elle a l'obligation de signaler trimestriellement à l'OLAF, via la plateforme IMS (Irregularity Management System), toute irrégularité dépassant 10 000 euros ainsi que tous les cas de fraude ou de suspicion de fraude, indépendamment du montant (article 69 du règlement RPDC).

* 516 Dans ses réponses écrites au questionnaire du rapporteur, l'AnAFe déclare avoir audité 751 opérations en 2023 (exercice comptable allant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023).

* 517 Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience.

* 518 Cour des comptes européenne, document d'analyse 02/2025 : « Orientation sur la performance, obligation de rendre compte et transparence : quelles leçons tirer des points faibles de la FRR ? », p. 8.

* 519 Anémone Cartier-Bresson, Droit des aides publiques aux entreprises, Paris, Presses Universitaires de France, 2020, pp. 226-227.

* 520 Cour des comptes, Les compétences de développement économique des collectivités territoriales : une rationalisation inachevée, un pilotage à renforcer, rapport public annuel 2023, mars 2023, p. 236.

* 521 Exemple donné par Régions de France dans les réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

* 522 Cour des comptes, juillet 2022, Les prêts garantis par l'État. Une réponse efficace à la crise, un suivi nécessaire.

* 523 IGF, avril 2023, Revue des aides à la transition écologique.

* 524 Article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012 modifiant l'article 244 quater C.-I. du code général des impôts.

* 525 La loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a supprimé le CICE, et la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 a mis en place l'allègement pérenne de cotisations sociales.

* 526 Article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, modifié par l'article 72 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 527 France Stratégie, Rapport d'évaluation du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : synthèse des travaux d'approfondissement, 2020.

* 528 Évaluation de l'impact du CICE par une méthode hybride et utilisation de l'information macro-sectorielle, Observatoire Français des Conjonctures Économiques, Rapport pour France Stratégie, version du 7 septembre 2020, p. 48.

* 529 Bozio A., Cottet S. et Malgouyres C., Évaluation d'impact de la bascule du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègements de cotisations employeur, rapport de l'IPP, septembre 2022.

* 530 Les développements concernent le « CIR-recherche », selon la terminologie utilisée par la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI), à l'exclusion du crédit d'impôt innovation (CII) et du crédit d'impôt collection (CII). Le CIR-recherche correspond à la dépense fiscale n° 200302 selon la numérotation adoptée par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

* 531 Article 67 de la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 de finances pour 1983.

* 532 Les dépenses entrant dans le champ du sous-plafond fixé à deux millions d'euros doivent être prises en compte dans le calcul relatif au respect du plafond global fixé à dix millions d'euros.

* 533 La prise en compte de ces dépenses est soumise à un plafond général de dix millions d'euros, ramené à deux millions d'euros lorsque le sous-traitant à un lien de dépendance avec le bénéficiaire du crédit d'impôt.

* 534 OCDE, Manuel de Frascati. Lignes directrices pour le recueil et la communication des données sur la recherche et le développement expérimental, 7e édition, octobre 2015.

* 535 Projet de loi de finances pour 2025, annexe générale, « Rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures ».

* 536 Le « taux d'IS net » est calculé en divisant l'IS net (effectivement payé par la société) par l'IS brut (calculé sans prendre en compte les crédits et réductions d'impôt).

* 537 Il est toutefois à relever que ce résultat s'explique notamment par le fait que les PME peuvent se spécialiser dans les activités de recherche et développement à la différence des grandes entreprises qui ont en général un spectre d'activités plus large.

* 538 ANRT, mars 2025, Comparaison internationale sur le cours du chercheur.

* 539 Audition de Thales : M. Patrice Caine, président-directeur général, 7 mai 2025.

* 540 France Stratégie, Cnepi, mars 2019, L'impact du crédit d'impôt recherche.

* 541 A. Bozio, S. Cottet, L. Py, 2017, L'impact de la réforme de 2008 du CIR sur la R&D et l'innovation ; J. Lopez et J. Mairesse, 2018, Impacts du CIR sur les principaux indicateurs d'innovations des enquêtes CIS et la productivité des entreprises ; J.-F. Giret, B. Bernela, L. Bonnat, C. Bonnard, J. Calmand, 2018, Une évaluation des effets du dispositif jeunes docteurs sur l'accès aux emplois de R&D ; B. Mulkay, J. Mairesse, 2018, Nouveaux résultats sur l'impact du crédit d'impôt recherche.

* 542 France Stratégie, Cnepi, juin 2021, Évaluation du crédit d'impôt recherche.

* 543 IGF, mars 2024, Revue de dépenses : les aides aux entreprises, fiche n° 7.

* 544 Amendement n° I-7 du rapporteur général, M. Husson.

* 545 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 546 Bruno Coquet, OFCE, 14 juin 2023, « Apprentissage : un bilan des années folles ».

* 547 Cour des comptes, juillet 2023, Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

* 548 Il s'agit essentiellement du coût des contrats d'apprentissage, mais aussi des contrats de professionnalisation et le dispositif de promotion ou de reconversion par l'alternance des salariés, dit « Pro-A » et des aides à l'embauche d'alternants.

* 549 L'administration fiscale ne produit pas d'évaluation chiffrée des dépenses fiscales dont le coût est inférieur à 500 000 euros dans la documentation budgétaire ; l'estimation étant dans ce cas remplacée par la lettre å.

* 550 Un rapport de la Cour des comptes devrait se pencher sur le coût et l'évaluation de ce dispositif, dans le prolongement du rapport « Les droits de succession, communication à la communication des finances de l'Assemblée nationale », de juin 2024.

* 551 Rapport d'information déposé en application de l'article 146 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le crédit d'impôt en faveur des entreprises de jeux vidéo, n° 2737, de M. Denis Masséglia, rapporteur spécial, jeudi 6 juin 2024, p. 5.

* 552 Dépense fiscale n° 210326 selon la numérotation de la DGFiP.

* 553 Article 37 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 554 Audition de la société Sanofi, 26 mars 2025.

* 555 OCDE, 2024, Corporate Tax Statistics.

* 556 IGF, mars 2024, Revue de dépenses : les aides aux entreprises.

* 557 Rapport Un capitalisme sous perfusion. Mesure, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises, du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques, mai 2022, p. 13.

* 558 « L'action économique des personnes publiques », étude annuelle du Conseil d'État de 2015, p. 81.

* 559 Audition de l'Institut national de la statistique et des études économiques, 6 février 2025.

* 560 Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance :

- toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission, étant rappelé que la personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ;

- en cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables (ainsi, le témoignage mensonger fait sous serment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende).

* 561 Pour les aides à l'investissement, il sera nécessaire de détailler dans des notes ou un document spécifique leur ventilation, car les aides sont souvent versées sur une période de plusieurs années.

* 562 Rapport d'information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, Assemblée nationale, 19 juillet 2023, p. 102.

* 563 Proposition de loi n° 1851 relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 1999.

* 564 Loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, article 84, issu de l'amendement n° 64 rectifié (M. Marini avait repris à son nom l'amendement n° 64 présenté par M. Oudin, absent de l'hémicycle lors de l'examen du projet de loi, étant précisé que l'amendement initial ne comportait pas d'objet permettant de connaître les intentions de son auteur). Cet amendement a été adopté à l'issue d'un long débat.

* 565  https://www.senat.fr/seances/s200212/s20021217/sc20021217020.html.

* 566 Décret n° 2025-450 du 23 mai 2025 portant création du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan.

* 567 Décret du 23 mai 2025 précité, article 1er.

* 568 Ce « réseau », défini au I de l'article 4 du décret du 23 mai 2025, comprend également le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge ; le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ; le Haut Conseil du financement de la protection sociale ; le Centre d'études prospectives et d'informations internationales et enfin le Conseil national du numérique. Outre ce réseau, le Haut-Commissariat héberge également des structures comme le Conseil national de productivité et la plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises.

* 569 Décret du 23 mai 2025 précité, article 5.

* 570 Idem.

* 571 Article D. 114-4-0-2 du code de la sécurité sociale.

* 572 « Je serais heureux si le plan accueillait un débat entre un leader syndical et un leader patronal, pour discuter du modèle social français dans cinq ou dix ans ». Voir « Le sacerdoce de Clément Beaune, à la tête d'un Haut-Commissariat au plan attaqué de toute part », Le Monde, 30 mars 2025.

* 573 Article L. 2312-17 du code du travail.

* 574 Article L. 2312-19 du code du travail.

* 575 Articles R. 2312-16 et R. 2312-17 du code du travail.

* 576 M. Olivier Andriès a précisé que les autorisations d'engagement étant basées sur les budgets de 2021 et 2022, Safran a reçu en réalité 200 millions d'euros de subventions en 2023 en crédits de paiement.

* 577 Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

* 578 La Commission spéciale de l'Assemblée nationale a supprimé l'article 27 du projet de loi, par l'adoption des amendements CS365 de M. Charles Alloncle, CS490 de M. Thierry Tesson, CS817 de M. Thomas Lam, CS991 de M. Charles Fournier, CS1086 de Mme Sandrine Nosbé et CS1097 de M. Emmanuel Maurel, malgré l'avis défavorable du rapporteur et l'avis de sagesse du Gouvernement.

* 579  https://www.cpme.fr/espace-presse/communiques-de-presse/simplification-europeenne-la-cpme-lance-un-observatoire-de-la-surtransposition.

* 580 Crédit d'impôt innovation.

* 581  https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises/referencement-des-acteurs-conseil-en-cir-cii.

* 582  https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/mediateur-des-entreprises/PDF/4_INNOVER_ENSEMBLE/0_Dispositif_V3_06062016.pdf?v=1573205286, p. 3.

* 583 Idem, p. 4.

* 584 Article D. 7121-7 du code du travail.

* 585 Article L. 444-1 du code de commerce.

* 586 Article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 587 Rapport d'information n° 190 (2024-2025), déposé le 4 décembre 2024, sur La Dérive normative de l'Union européenne, Commission des affaires européennes du Sénat.

* 588 Serge Letchimy, 24 mai 2013, Contribution à l'application du cadre dérogatoire au service d'un projet global de développements des régions ultrapériphériques.

* 589 « Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the Regions - SME Relief Package », 12 septembre 2023.

* 590 M. Mario Draghi, « L'avenir de la compétitivité européenne », septembre 2024.

* 591 Sénat, Rapport n° 307 sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la reconnaissance par l'Union européenne de la catégorie des entreprises de taille intermédiaire, MM. Vincent Louault et Michaël Weber.

* 592 Recommandation 2003/361/CE.

* 593 Article 108, paragraphe 3, du TFUE.

* 594 Article 108, paragraphe 2, du TFUE.

* 595 Aux termes du paragraphe 6 de l'article 9 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : « La Commission s'efforce autant que possible d'adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l'ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d'un commun accord entre la Commission et l'État membre concerné ».

* 596 « Son champ de compétences couvre les secteurs de l'industrie, les activités tertiaires, les services numériques et de télécommunications, l'audiovisuel, le secteur de l'immobilier et de la construction, les professions réglementées, les transports et l'agriculture, ainsi que les politiques publiques d'éducation, d'enseignement supérieur et de recherche, la politique d'innovation et de propriété intellectuelle, la politique de concurrence, la politique relative aux aides d'État et les politiques du logement et de cohésion des territoires. »

* 597 Audition de M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, 6 mai 2025.

* 598 « L'économie française engluée dans la stagnation, selon l'Insee », Le Monde, Béatrice Madeline, 18 juin 2025.

* 599 Audition de la direction générale du Trésor - Mme Claire Cheremetinski, directrice générale adjointe, 10 mars 2025.

* 600 IGF, avril 2023, Revue des aides à la transition écologique.

* 601 Audition de M. François Ecalle, président de Fipeco, 1er avril 2025.

* 602 Le crédit d'impôt bénéficiant aux opérations de recherche (CIR-recherche), le crédit d'impôt innovation (CII) ainsi que le crédit d'impôt collection (CIC).

* 603 Les missions des Dreets sont définies à l'article 2 du décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, des directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités et des directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations.

* 604 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 605 Audition de M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, 6 mai 2025.

* 606 Audition de M. Louis Gallois, coprésident de La Fabrique de l'industrie, 6 février 2025.

* 607 Dans certains cas, les entreprises peuvent être amenées à présenter à quelques mois d'intervalles plusieurs versions radicalement différentes d'un dossier technique concernant en principe les mêmes dépenses de recherche, l'administration fiscale et le juge administratif étant tenus de se fonder sur la dernière version déposée pour fonder leur appréciation.

* 608 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 609 Antoine Bozio et Etienne Wasmer, Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, octobre 2024.

* 610 Contre 2,5 et 3,5 actuellement.

* 611 Audition de MM. Laurent Cordonnier et Jordan Melmies, économistes et co-auteurs du rapport collectif Un capitalisme sous perfusion (2022) du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques et de l'Institut de recherches économiques et sociales, 13 février 2025.

* 612 Article L. 8222-2 du code du travail.

* 613 Aux termes de l'article L. 8211-1 du code du travail, le travail illégal regroupe le travail dissimulé, mais aussi le marchandage, le prêt illicite de main-d'oeuvre, l'emploi d'étranger non autorisé à travailler, le cumul irrégulier d'emplois, la fraude et certaines fausses déclarations.

* 614 Voir les articles L. 232-21 à L. 232-26 du code de commerce, consacrés à la publicité des comptes des sociétés commerciales.

* 615 En effet, l'article 1er de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, dans sa rédaction résultant du vote du Sénat du 21 mai 2025 (lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, avant son examen par le Conseil constitutionnel) prévoit d'insérer dans le code des relations entre le public et l'administration un article L. 115-3 ainsi rédigé : « I. - En l'absence de dispositions spécifiques, en présence d'indices sérieux de manquement délibéré ou de manoeuvres frauduleuses en vue d'obtenir ou de tenter d'obtenir indûment l'octroi ou le versement d'une aide publique, les agents désignés et habilités d'une administration ou d'un établissement public industriel et commercial chargés de l'instruction, de l'attribution, de la gestion, du contrôle ou du versement d'aides publiques peuvent procéder à la suspension de l'octroi ou du versement d'une aide publique. La durée de la mesure de suspension ne peut excéder trois mois à compter de sa notification. Lorsque des éléments nouveaux laissant supposer un manquement délibéré ou des manoeuvres frauduleuses sont portés à leur connaissance durant cette période, les agents précités peuvent renouveler la mesure de suspension pour la même durée. / II. - En cas de manquement délibéré ou de manoeuvres frauduleuses, les autorités mentionnées au I peuvent rejeter la demande d'une aide publique. Elles peuvent également rejeter le versement d'une aide publique, sous réserve, le cas échéant, du retrait de la décision d'octroi de l'aide dans les conditions prévues aux articles L. 241-2 et L. 242-2. »

* 616  https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ191012934.html.

* 617 IGF, mars 2024, Revue de dépenses : les aides aux entreprises, p. 10.

* 618 Henri Guillaume, juin 2011, Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

* 619 Loi n° 2005-358 du 20 avril 2005 tendant à créer un Conseil des prélèvements obligatoires.

* 620 Aux termes de l'article L. 331-8 du code des juridictions financières, « Le Conseil des prélèvements obligatoires peut faire appel à toute compétence extérieure de son choix. En particulier, le conseil peut désigner des rapporteurs chargés de recueillir les informations nécessaires à l'exercice de ses missions. »

* 621 Il existe 37 dispositifs de dépense fiscale dont le coût annuel excède 500 millions d'euros en 2025.

* 622 « Il est institué un Conseil des prélèvements obligatoires, placé auprès de la Cour des comptes et chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires. »

* 623 OCDE, 2024, Statistiques des recettes publiques 2024.

* 624 En 2017 : 143 millions d'euros d'impôts payés dans le monde, 0 en France. En 2018 : 1,389 milliard d'euros de résultat, 96 millions d'euros d'impôts payés dans le monde, 0 en France. En 2019 : 156 millions d'euros d'impôts payés dans le monde, moins de 500 000 euros en France. En 2023 : 616 millions d'euros d'impôts payés dans le monde, moins de 100 000 euros en France.

* 625 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 626 La recommandation n° 1 du rapport a pour objet de dissuader la non-publication des comptes des entreprises en permettant la saisine du tribunal de commerce en référé par le préfet ou le président de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus dans les outre-mer, avec astreinte dissuasive.

* 627 Ipsos, « Global Infrastructure Index », 2021.

* 628 Ipsos, « Global Infrastructure Index », 2021.

* 629 Americain Society of Civil Engineers, « ASCE 2021 Infrastructure Report Card Gives U.S. `C-' Grade », 2021.

* 630 World Economic Forum, « The Global Competitiveness Report 2019 », 2019.

* 631 U.S. Department of commerce. Bureau of Economic Analysis, « Measuring Infrastructure in BEA's national economic accounts », 2021.

* 632 Infrastructure Investment and Jobs Act. Loi fédérale. États-Unis. Public Law n° 117-58, 135 Stat. 429, 15 novembre 2021.

* 633 U.S. Congressional Budget Office, « Senate Amendment 2137 to H.R. 3684, the Infrastructure Investment and Jobs Act, as Proposed on August 1, 2021 », 2021.

* 634 McKinsey & Society, « The US Bipartisan Infrastructure Law : Breaking it down », 2021.

* 635 David Suárez-Cuesta et al., « Macro and microeconomic effects of the Infrastructure Investment and Jobs Act and how financing strategy matter », 2024.

* 636 McKinsey & Society, « The US Bipartisan Infrastructure Law : Breaking it down », 2021.

* 637 Brookings Institute, « At its two-year anniversary, the bipartisan infrastructure law continues to rebuild all of America », 2023.

* 638 Idem.

* 639 Idem.

* 640 Brookings Institute, « At its two-year anniversary, the bipartisan infrastructure law continues to rebuild all of America », 2023.

* 641 Idem.

* 642 U.S. Department of commerce. Bureau of Economic Analysis, « Measuring Infrastructure in BEA's national economic accounts », 2021.

* 643 U.S. Congressional Research Service, « Congress Expands Buy America Requirements in the Infrastructure Investment and Jobs Act », 2021.

* 644 Joe Biden, « Executive Order No. 14005, Ensuring the Future Is Made in All of America by All of America's Workers », Washington D.C. : The White House, 25 janvier 2021.

* 645 Fact Check, « White House Uses `Job-Years,' Not Jobs, to Tout Infrastructure Law », 18 novembre 2021.

* 646 Moody's Analytics, « Macroeconomic Consequences of the Infrastructure Investment and Jobs Act & Build Back Better Framework », 2021.

* 647 David Suárez-Cuesta et al., « Macro and microeconomic effects of the Infrastructure Investment and Jobs Act and how financing strategy matter », 2024.

* 648 Brookings Institute, « At its two-year anniversary, the bipartisan infrastructure law continues to rebuild all of America », 2023.

* 649 Americain Society of Civil Engineers, « America's Infrastructure Scores a C », 2025.

* 650 McKinsey & Company, « The semiconductor decade : a trillion-dollar industry », 1er avril 2022.

* 651 Oxford Economics, « A unique policy-driven impact Scenario for Chips Act »,

* 652 McKinsey & Company, « The Chips and Science Act : here's what's in », 2022.

* 653 Direction générale du Trésor, « Horizon ASEAN n° 45 », 2024.

* 654 Idem.

* 655 Idem.

* 656 Peterson Institute for International, « The CHIPS Act already puts America first. Scrapping it would poison the well for US investment. », 27 mars 2025.

* 657 U.S. Department of Commerce, « Billing Code : 3510-13. Preventing the Improper Use of CHIPS Act Funding », 25 septembre 2023.

* 658 U.S. Department of Commerce, « Commerce Department Outlines Proposed National Security Guardrails for CHIPS for America Incentives Program », 21 mars 2023.

* 659 OCDE, « Réseau informel d'échange sur les semi-conducteurs », 2023.

* 660 U.S. Department of State, « U.S. State Department and the OECD Lead Efforts at Semiconductor Network Meeting to Promote Global Supply Chain Resilience and Transparency », 2024

* 661 Federation of American Scientists, « Chips and Science Funding Update : FY 2023 Omnibus, FY 2024 Budget Both Short by Billions », May 2023.

* 662 Oxford Economics, « Chipping Away : Assessing and addressing the labor market gap facing the US semiconductor industry », 25 juillet 2023.

* 663 Semiconductor Industry Association, « Semiconductor Supply Chain Investments. America's Chip Resurgence : Over $540 Billion in Semiconductor Supply Chain Investments », 7 mars 2025.

* 664 OFCE, « La politique industrielle française : démons, dieux et défis », novembre 2024.

* 665 Peterson Institute for International, « The CHIPS Act already puts America first. Scrapping it would poison the well for US investment. », 27 mars 2025.

* 666  https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dispu_by_country_f.htm.

* 667  https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/DS/316-44.pdf&Open=True, p. 3.

* 668 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 11.

* 669 Ibid., p. 18.

* 670 Ibid.

* 671 Ibid., p. 37.

* 672 Ibid., p. 13.

* 673 Bundesrechnungshof, Bericht nach § 88 Absatz 2 BHO zu dem 29. Subventionsbericht der Bundesregierung, mars 2024 (rapport d'évaluation critique du 29e rapport bisannuel relatif aux subventions), p. 4.

* 674 Ibid., p. 6.

* 675 Bundesministerium der Finanzen, Finanzbericht 2024, août 2023 (rapport financier fédéral annuel, perspectives 2023-2027), p. 30.

* 676 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 31.

* 677 Bundesregierung, Bericht zur Wirkung der Preisbremsen, juillet 2023 (rapport du gouvernement fédéral évaluant les effets des dispositifs de plafonnement des prix), p. 7.

* 678 Bundesministerium der Finanzen, Finanzbericht 2024, août 2023 (rapport financier fédéral annuel, perspectives 2023-2027), p. 8.

* 679 Bundesrechnungshof, Bericht nach § 88 Absatz 2 BHO zu dem 29. Subventionsbericht der Bundesregierung, mars 2024, p. 7.

* 680 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 13.

* 681  Loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein aux prix de l'électricité (Strompreisbremsegesetz - StromPBG).

* 682  Loi du 20 décembre 2022 sur l'introduction d'un frein à la hausse des prix du gaz naturel et de la chaleur fournis par le réseau (Erdgas-Wärme-Preisbremsengesetz - EWPBG).

* 683 Bundesregierung, Fragen und Antworten zu den Energiepreisbremsen, janvier 2024 (consulté le 24 avril 2024).

* 684 Bundesregierung, Produktion und Arbeitsplätze sichern, avril 2024

(consulté le 24 avril 2024).

* 685 Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, Gas- und Strompreisbremse, mars 2023 (consulté le 24 avril 2024).

* 686 Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, Gas- und Strompreisbremse, mars 2023 (consulté le 24 avril 2024).

* 687  https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_1563

(consulté le 25 avril 2024).

* 688 Bundesregierung, Bericht zur Wirkung der Preisbremsen, juillet 2023 (rapport du gouvernement fédéral évaluant les effets des dispositifs de plafonnement des prix), p. 7.

* 689 Bundesregierung, Überblickspapier der Bundesregierung zur Gas- und Strompreisbremse, décembre 2022 (document de synthèse gouvernemental sur les freins aux prix de l'énergie), p. 2.

* 690 Bundesministerium der Finanzen, Finanzbericht 2024, août 2023 (rapport financier fédéral annuel, perspectives 2023-2027), p. 8.

* 691 PwC, Höchstgrenzen, Selbsterklärungen sowie Überwachungen durch die Prüfbehörde nach EWPBG und StromPBG, février 2025 (FAQ juridique sur les plafonds d'aide et les obligations déclaratives), p. 5.

* 692 Haufe, Energiepreisbremsen: Zuschüsse nur bei Arbeitsplatzsicherung, janvier 2023

(consulté le 24 avril 2024).

* 693 Ibid., pp. 3-4.

* 694 PwC, Höchstgrenzen, Selbsterklärungen sowie Überwachungen durch die Prüfbehörde nach EWPBG und StromPBG, février 2025 (FAQ juridique sur les plafonds d'aide et les obligations déclaratives), p. 6.

* 695 Ibid., p. 7.

* 696 Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft (VBW), Energiepreisbremsen in Theorie und Praxis, août 2023 (étude commandée par le patronat bavarois), p. 12.

* 697 Bundesministerium der Finanzen, Finanzbericht 2024, août 2023 (rapport financier fédéral annuel, perspectives 2023-2027), p. 30.

* 698 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 15.

* 699 Ibid., p. 33.

* 700 Ibid., p. 31.

* 701 Bundesregierung, Bericht zur Wirkung der Preisbremsen, juillet 2023 (rapport du gouvernement fédéral évaluant les effets des dispositifs de plafonnement des prix), p. 24.

* 702 Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft (VBW), Energiepreisbremsen in Theorie und Praxis, août 2023 (étude commandée par le patronat bavarois), p. 11.

* 703 PwC, Höchstgrenzen, Selbsterklärungen sowie Überwachungen durch die Prüfbehörde nach EWPBG und StromPBG, février 2025 (FAQ juridique sur les plafonds d'aide et les obligations déclaratives), p. 8.

* 704 Lennart Seeger, Strom- und Gaspreisbremse entlastet Industrie und Erlösabschöpfung trifft Erneuerbaren-Branche, IKB Deutsche Industriebank AG, décembre 2022, p. 3.

* 705 Bundesrechnungshof, Bericht nach § 88 Absatz 2 BHO zu dem 29. Subventionsbericht der Bundesregierung, mars 2024 (rapport d'évaluation critique du 29e Subventionsbericht), p. 7.

* 706 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 40.

* 707 Ibid.

* 708 Article 12 de la loi du 8 juin 1967 visant à promouvoir la stabilité et la croissance de l'économie ( Gesetz zur Förderung der Stabilität und des Wachstums der Wirtschaft).

* 709  Loi du 6 octobre 1969 relative à la tâche d'intérêt commun « Amélioration de la structure économique régionale » (GRW-Gesetz - GRWG).

* 710 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 28.

* 711 Bundesministerium der Finanzen, Finanzbericht 2024, août 2023 (rapport financier fédéral annuel, perspectives 2023-2027), pp. 48-49.

* 712 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 29.

* 713 Bundesregierung, 29. Subventionsbericht der Bundesregierung (2021-2024), septembre 2023 (rapport officiel transmis au Bundestag, version longue), p. 40.

* 714 Ibid.

* 715 Bundesministerium der Finanzen, 28. Subventionsbericht der Bundesregierung, septembre 2021, p. 22.

* 716 Version officielle de la Constitution espagnole traduite en français disponible à l'adresse suivante : https://boe.es/buscar/pdf/1978/BOE-A-1978-40000-consolidado.pdf (consulté le 7 mai 2025).

* 717 Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia, Informe anual sobre ayudas públicas, 2024.

* 718 À titre de comparaison, le montant total des aides d'État en 2022 s'élève à 73,7 milliards d'euros pour l'Allemagne, 44,7 milliards d'euros pour la France et 27,6 milliards d'euros en Italie.

* 719 Selon l'article 3 de la loi 19/2013 sur la transparence, l'accès à l'information publique et au bon gouvernement, les entités privées qui reçoivent des aides ou des subventions publiques supérieures à 100 000 euros au cours d'une période d'un an ou dont au moins 40 % du revenu annuel total est sous forme d'aides ou de subventions publiques (à condition qu'elles s'élèvent à au moins 5 000 euros) sont tenues à des obligations de publicité.

* 720 Ministerio de Hacienda, Sistema Nacional de Publicidad de Subvenciones y Ayudas Públicas, Listado de Grandes Beneficiarios 2023.

* 721 Ibid.

* 722  https://plataformapyme.es/es-es/AyudasPublicas/Paginas/info-ayudas-incentivos.aspx

(consulté le 7 mai 2025).

* 723  https://www.infosubvenciones.es/bdnstrans/GE/es/inicio (consulté le 7 mai 2025).

* 724  https://www.accio.gencat.cat/web/.content/05_ACCIO/Agencia/coneix_accio/doc/ACCIO-Memoria-ACCIO-2023.pdf (consulté le 7 mai 2025).

* 725  Congreso de los diputados, 121/000043 Proyecto de Ley de Industria y Autonomía Estratégica, 20 de diciembre de 2024

* 726 Le champ d'application du projet de loi est précisé aux articles 3 et 16 et concerne à la fois les programmes en faveur de l'amélioration de la compétitivité, de l'entrepreneuriat ou encore de l'innovation, dans des secteurs liés à l'« industrie » au sens large (industries manufacturières, services d'application industrielle intellectuelle, tels que la recherche appliquée et l'ingénierie, les installations énergétiques, l'industrie de la défense, l'industrie agroalimentaire, etc.).

* 727 Il convient de noter que l'avant-projet de loi prévoyait un seuil de 6 millions d'euros.

* 728 Les petites entreprises emploient entre 10 et 50 employés et ont un chiffre d'affaires annuel entre 2 et 10 millions d'euros.

* 729 Les entreprises moyennes emploient entre 50 et 250 employés et ont un chiffre d'affaires annuel compris entre 10 et 50 millions d'euros (ou un bilan annuel inférieur à 43 millions d'euros).

* 730 Les grandes entreprises sont celles qui dépassent ces seuils.

* 731  Règlement (UE) N°651/2014 de la Commission du 17 juin 2014.

* 732  Texte consolidé de la loi sur la faillite de 2020 (Real Decreto Legislativo 1/2020, de 5 de mayo, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley Concursal).

* 733  Ley 38/2003, de 17 de noviembre, General de Subvenciones.

* 734  Ley del Estatuto de los Trabajadores (texte consolidé).

* 735  Real Decreto Legislativo 8/2015, de 30 de octubre, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General de la Seguridad Social. Disposición adicional cuadragésima cuarta. Beneficios en la cotización a la Seguridad Social aplicables a los expedientes de regulación temporal de empleo y al Mecanismo RED.

* 736  Ley del Estatuto de los Trabajadores, article 47 bis.

* 737  Real Decreto Legislativo 8/2015, de 30 de octubre, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General de la Seguridad Social. Disposición adicional cuadragésima cuarta.

* 738  Ley del Estatuto de los Trabajadores, article 47 bis.

* 739  https://www.sepe.es/HomeSepe/erte-red/erte-red-sector-automocion.html

(consulté le 9 mai 2025).

* 740  Real Decreto Legislativo 8/2015, de 30 de octubre, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General de la Seguridad Social. Disposición adicional cuadragésima cuarta.

* 741  Real Decreto-ley 1/2025, de 28 de enero, por el que se aprueban medidas urgentes en materia económica, de transporte, de Seguridad Social, y para hacer frente a situaciones de vulnerabilidad.

* 742 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024., p. 2.

* 743 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024., p. 4.

* 744  https://sprintimpresa.it/i-finanziamenti-pubblici-alle-imprese/ et https://www.invitalia.it/cosa-facciamo/sosteniamo-grandi-investimenti/contratto-di-sviluppo.

(consulté le 29 avril 2025).

* 745  https://www.invitalia.it/cosa-facciamo/sosteniamo-grandi-investimenti/contratto-di-sviluppo (consulté le 29 avril 2025).

* 746 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024., p. 3.

* 747  https://www.incentivi.gov.it/it/chi-siamo.

(consulté le 29 avril 2025).

* 748 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024., p. 5 et https://sprintimpresa.it/i-finanziamenti-pubblici-alle-imprese/

(consulté le 29 avril 2025).

* 749 Voir notamment le recensement de l'ensemble des dispositifs existants sur la page https://www.mimit.gov.it/it/incentivi

(consulté le 29 avril 2025).

* 750 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024, p. 3.

* 751  https://www.agenziacoesione.gov.it/zes-zone-economiche-speciali/ (consulté le 29 avril 2025).

* 752  Decreto ministeriale 1 giugno 2016.

* 753  Accordi per l'innovazione - Primo sportello (consulté le 29 avril 2025).

* 754 Ibid.

* 755  https://www.mimit.gov.it/it/incentivi/credito-d-imposta-r-s (consulté le 29 avril 2025). 

* 756 Ibid.

* 757 Federico Cingano et al., Granting more bang for the buck: The heterogeneous effects of firm subsidies, Labour Economics, 2023, p. 4.

* 758  LEGGE 27 dicembre 2019, n. 160 Bilancio di previsione dello Stato per l'anno finanziario 2020 e bilancio pluriennale per il triennio 2020-2022.

* 759  https://www.mimit.gov.it/it/transizione40 (consulté le 29 avril 2025).

* 760 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024, p. 4.

* 761  https://www.confcommercio.it/-/incentivi-imprese (consulté le 30 avril 2025).

* 762 Sviluppo Lavoro Italia, Guida Incentivi all'assunzione nazionali e regionali, mars 2024, p. 3.

* 763  https://www.confcommercio.it/-/incentivi-imprese (consulté le 30 avril 2025).

* 764  DECRETO-LEGGE 20 giugno 2017, n. 91 - Disposizioni urgenti per la crescita economica nel Mezzogiorno.

* 765  https://www.confcommercio.it/-/zes-mezzogiorno (consulté le 29 avril 2025).

* 766 Ibid.

* 767  LEGGE 15 maggio 1989, n. 181, Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 1 aprile 1989, n. 120, recante misure di sostegno e di reindustrializzazione in attuazione del piano di risanamento della siderurgia.

* 768  https://www.mimit.gov.it/it/incentivi/interventi-di-reindustrializzazione-delle-aree-di-crisi (consulté le 30 avril 2025).

* 769  https://www.confcommercio.it/-/zes-mezzogiorno (consulté le 30 avril 2025).

* 770 Ibid.

* 771  https://www.mimit.gov.it/it/incentivi/rilancio-aree-di-crisi-industriale-legge-181-89-precedente-normativa (consulté le 29 avril 2025).

* 772 Ibid.

* 773  https://www.mimit.gov.it/images/stories/normativa/L181_-_Avviso_area_di_crisi_di_Gela_rev_2023.pdf (consulté le 7 mai 2025).

* 774  https://www.invitalia.it/cosa-facciamo/sosteniamo-grandi-investimenti/contratto-di-sviluppo (consulté le 30 avril 2025).

* 775  https://www.regione.campania.it/imprese/it/news/primo-piano/contratti-di-sviluppo-campania-prima-regione-per-investimenti (consulté le 2 mai 2025)

* 776 Ibid.

* 777 Ibid.

* 778  https://www.invitalia.it/cosa-facciamo/sosteniamo-grandi-investimenti/contratto-di-sviluppo (consulté le 30 avril 2025).

* 779 Ibid.

* 780  https://www.invitalia.it/cosa-facciamo/sosteniamo-grandi-investimenti/contratto-di-sviluppo/risultati

(consulté le 2 mai 2025).

* 781  https://www.invitalia.it/chi-siamo/sostenibilita/bilancio-sostenibilita-2023

(consulté le 2 mai 2025).

* 782  https://www.regione.campania.it/imprese/it/news/primo-piano/contratti-di-sviluppo-campania-prima-regione-per-investimenti

(consulté le 2 mai 2025).

* 783 Ibid.

* 784  DECRETO-LEGGE 12 luglio 2018, n. 87 - Disposizioni urgenti per la dignità dei lavoratori e delle imprese.

* 785 Università Ca' Foscari Venezia, Il Decreto Dignità: prime riflessioni, 2018, p. 5

* 786  https://www.studiomarchetti.net/it/news/2022-09-20-norme-anti-delocalizzazioni-nuove-sanzioni-imprese/

(consulté le 7 mai 2025).

* 787  DECRETO-LEGGE 23 settembre 2022, n. 144 Ulteriori misure urgenti in materia di politica energetica nazionale, produttivita'delle imprese, politiche sociali e per la realizzazione del Piano nazionale di ripresa e resilienza (PNRR).

* 788  LEGGE 30 dicembre 2021, n. 234, Bilancio di previsione dello Stato per l'anno finanziario 2022 e bilancio pluriennale per il triennio 2022-2024. Article 1, paragraphes 224 à 237.

* 789  https://www.mimit.gov.it/it/incentivi/interventi-di-reindustrializzazione-delle-aree-di-crisi

(consulté le 30 avril 2025).

* 790 Federico Cingano et al., Granting more bang for the buck: The heterogeneous effects of firm subsidies, Labour Economics, 2023, p. 6 et Confindustria, Osservazioni sulle misure di politica industriale, 2023, p. 5.

* 791  https://www.rna.gov.it/trasparenza (consulté le 2 mai 2025).

* 792 Ibid.

* 793 Ibid.

* 794 Piano Nazionale per la Ripresa e la Resilienza (PNRR), Linee Guida per lo svolgimento delle attività di controllo e rendicontazione degli interventi PNRR di competenza delle Amministrazioni centrali e dei Soggetti attuatori, août 2022.

* 795 Ibid.

* 796  LEGGE 27 ottobre 2023, n. 160, Delega al Governo in materia di revisione del sistema degli incentivi alle imprese e disposizioni di semplificazione delle relative procedure nonchè in materia di termini di delega per la semplificazione dei controlli sulle attività economiche.

* 797 Schema di decreto legislativo recante « Codice degli incentivi, in attuazione dell'articolo 3 della legge 27 ottobre 2023, n. 160. Les « aides » (incentivi) sont définies dans ce texte comme toutes les mesures incitatives qui offrent des facilités aux entreprises, adoptées par les administrations chargées de soutenir l'économie.

* 798  https://www.mimit.gov.it/it/notizie-stampa/cdm-approva-il-codice-unico-degli-incentivi-urso-riforma-storica

(consulté le 7 mai 2025)

* 799  https://www.rna.gov.it/servizi/la-vetrina-incentivigov (consulté le 7 mai 2025). À la date de rédaction de la présente note, le site internet incentivi.gov.it n'était pas encore opérationnel.

* 800  SCHEMA DI DECRETO LEGISLATIVO recante « Codice degli incentivi, in attuazione dell'articolo 3 della legge 27 ottobre 2023, n. 160. Article 3.

* 801 Ibid., article 6.

* 802 Ibid., article 5.

* 803 Ibid., article 9.

* 804 Élaboration des statistiques annuelles d'entreprise.

* 805 L'ESA couvre principalement les secteurs du commerce, des services, des industries agro-alimentaires.

* 806 À l'exception des exploitations forestières enregistrées en 02.20Z.

* 807 Une entreprise est marchande si ses coûts de production sont couverts à plus de 50 % par ses ventes.

* 808 Les critères permettant de déterminer ces tailles sont définis par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

* 809 L'unité légale est une entité juridique de droit public ou privé. Cette entité juridique peut être :

- une personne morale, dont l'existence est reconnue par la loi indépendamment des personnes ou des institutions qui la possèdent ou qui en sont membres ;

- une personne physique, qui, en tant qu'indépendant, peut exercer une activité économique.

* 810 Par exemple, une unité légale X dont les caractéristiques économiques correspondent à celle d'une PME, mais qui est rattachée à un groupe classé en grande entreprise, sera également classée en grande entreprise. À l'inverse, une unité légale Y possédant les mêmes caractéristiques économiques que X mais n'appartenant pas à un groupe sera classée en PME.

* 811 La comptabilité nationale devrait néanmoins à terme utiliser l'approche « entreprises ».

* 812 Seuls les crédits d'impôt accordés aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés sont disponibles au sein de cette base.

* 813  https://dares.travail-emploi.gouv.fr/definitions-et-concepts/licenciement-pour-motif-economique.

* 814  https://www.casd.eu.

* 815 Décision du 13 juin 1980 du directeur général de l'Insee.

* 816 Règle de diffusion définie le 7 juillet 1960 par le prédécesseur du conseil national de l'information statistique (CNIS), le comité de coordination des enquêtes statistiques.

* 817  https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/enquete-rd-aupres-des-entreprises-81718.

* 818  https://www.cnis.fr/enquetes/moyens-consacres-a-la-recherche-et-au-developpement-experimental-rd-dans-les-entreprises-enquete-annuelle-sur-les-2025a005re/.

* 819 Les dépenses en capital correspondent aux dépenses engagées par l'entreprise relatives à l'acquisition de capital fixe utilisé pour des activités de R&D. D'un point de vue comptable, celles-ci correspondent aux nouveaux actifs immobilisés pour les activités de R&D.

* 820  https://www.anc.gouv.fr/files/anc/files/1_Normes_fran%C3%A7aises/Reglements/Recueils/PCG_Janvier2024/PCG--1er-janvier-2024.pdf.

* 821 Ce secteur correspond à la sous-classe 30.30Z de la nomenclature d'activités française (NAF). Il inclut la construction civile et militaire, la fabrication de parties et accessoires de ce type d'appareils et la fabrication de missiles balistiques intercontinentaux.

* 822 Ce secteur correspond à la division 29 de la NAF. Il contient à la fois la fabrication de l'ensemble des véhicules automobiles (hors véhicules agricoles et militaires), de parties et d'accessoires et de remorques ou semi-remorques.

* 823  https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1041.

* 824 Ce qui correspond ainsi respectivement à une réduction d'impôt induit par les crédits d'impôt de 17 % et 20 %.

* 825 Y compris CICE, toutes choses égales par ailleurs.

* 826 Article 219 du code général des impôts.

* 827 Rachel Griffith, Helen Miller, Martin O'Connell, Ownership of intellectual property and corporate taxation, Journal of Public Economics, volume 112, 2014, pages 12-23.

* 828 Le champ de FARE correspond aux entreprises principalement marchands hors secteurs de l'agriculture et financier, mais y compris holdings.

* 829 Impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu.

* 830 Les abréviations EBE, VA et CA désignent respectivement l'excédent brut d'exploitation, la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires.

* 831 La valeur ajoutée aux coûts des facteurs (VACF) est égale à la valeur ajoutée de laquelle on déduit les impôts sur la production (comme la contribution économique territoriale) et à laquelle on ajoute les subventions d'exploitation. Elle est aussi égale à la somme des frais de personnels et de l'excédent brut d'exploitation.

* 832 Les produits financiers peuvent également constituer une source de revenus. Toutefois, cette source ne constitue pas le coeur de l'activité pour les entreprises non financières.

* 833 Impôt sur les sociétés et sur le revenu, nets des crédits d'impôt et des remboursements et dégrèvements.

* 834 Ce taux est inférieur au taux normal de l'IS (25 %) en raison des dispositions fiscales qui viennent diminuer le RCAI. Le résultat fiscal, correspondant à l'assiette de l'IS résulte de multiples retraitements du RCAI. Certains d'entre eux sont notamment disponibles dans le formulaire n° 2058-A de la déclaration d'IS. De plus, le mécanisme d'intégration fiscale, qui permet une consolidation au niveau du groupe d'intégration fiscale, n'est pas pris en compte.

* 835 Correspond au RCAI retraité de 43 Md€ en raison de l'opération réalisée par Acheter-Louer.fr ( comptes consolidés au 31 décembre 2022 du groupe ALFR).

* 836 « Les centiles d'une variable sont les valeurs-seuils de cette variable qui, lorsque l'on ordonne la population selon les valeurs de la variable, la partitionnent en 100 sous-populations de taille égale. », Insee.

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