EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 8 juillet 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial, sur la transformation du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), un modèle de mutualisation en devenir ?
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux par un contrôle budgétaire sur la transformation du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Chers collègues, j'ai pensé qu'il serait intéressant que la commission des finances se penche sur le Cerema, et ce à plusieurs titres.
D'abord, c'est un opérateur plutôt méconnu. Il a 27 représentations en province, et est peu représenté à Paris. Rares sont ceux qui ont une vision claire de son rôle, de son positionnement ainsi que de ses missions.
Ensuite, il a été soumis à des réductions de moyens substantielles depuis sa création en 2014 et il a mené à bien une réforme structurelle remarquable dont l'État pourrait s'inspirer.
Enfin, depuis deux ans maintenant, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a fait du Cerema un outil unique, partagé entre l'État et les collectivités, autour d'un statut de quasi-régie conjointe.
Un peu plus de dix ans après la création du Cerema, j'ai considéré qu'il était nécessaire de mesurer les incidences des transformations récentes qu'il a connues et de se pencher sur ses perspectives, notamment financières.
Le Cerema est aujourd'hui l'outil d'expertise technique de référence de l'État dans les domaines de l'aménagement du territoire et des infrastructures. Dans ces domaines, il dispose de compétences de pointe uniques en France et reconnues à l'international. Dans une perspective d'efficacité, mais aussi d'efficience des finances publiques, il apparaît pertinent de concentrer ces compétences pointues au sein d'un opérateur national unique plutôt que de les saupoudrer sur le territoire.
Le Cerema est également indispensable à l'État du fait de sa capacité à projeter très rapidement son expertise après une catastrophe naturelle ou un événement climatique exceptionnel. Les conséquences du réchauffement climatique vont accentuer ces phénomènes et leur fréquence.
Depuis qu'il a développé son offre à destination des collectivités, le Cerema leur est devenu indispensable, notamment dans les phases amont de leurs projets d'aménagement ou lorsqu'une autorité locale amorce ses réflexions à propos d'un sujet complexe et pluridisciplinaire. C'est un lieu d'expertise pour les grands projets d'aménagement. Les enjeux de l'adaptation au changement climatique, qui pourraient devenir l'élément central de l'aménagement du territoire, en sont le meilleur exemple.
Par ailleurs, ses interventions permettent bien souvent de mieux maîtriser la dépense publique et d'éviter des dépenses inutiles ou résultant de défauts d'entretien d'infrastructures, grâce à des diagnostics techniques précoces.
Le Cerema a mené à bien, entre 2018 et 2022, une profonde restructuration de son organisation pour atteindre en cinq ans l'objectif d'une réduction de 20 % de sa subvention et de ses effectifs, objectif qui lui avait été fixé par l'État. Cette réforme a notamment amené l'opérateur à se questionner sur son périmètre d'intervention. À l'issue de ce processus, il a abandonné plusieurs de ses domaines d'action. Il a fait là ce que l'État ne sait pas faire ; il a réalisé la réforme que l'État n'a jamais su mener à bien.
En parallèle de cette réforme, le Cerema a aussi décidé de clarifier son positionnement stratégique en recentrant son rôle sur le conseil et l'expertise de haut niveau. Il dispose de bureaux techniques de très haut niveau, d'une expertise très pointue. De ce fait, il s'adresse plus naturellement aux collectivités de 50 000 habitants ou plus qui disposent d'un véritable service technique, sans pour autant abandonner les petites communes trop souvent dépourvues d'offre d'ingénierie de proximité.
Le virage du Cerema vers les collectivités constitue une évolution importante de son rôle et de son activité. Afin de poursuivre plus avant cette orientation, la loi 3DS a fait du Cerema un établissement partagé entre l'État et les collectivités et permis à ces dernières de recourir à ses services en quasi-régie, c'est-à-dire sans mise en concurrence. Ce nouveau statut a suscité un intérêt important de la part des collectivités. Plus de 1 000 d'entre elles ont déjà adhéré au Cerema. Désormais, le défi sera d'entretenir à long terme la confiance placée par les collectivités dans le Cerema.
Si personne ne remet en cause officiellement le nouveau statut du Cerema, j'ai néanmoins pu constater qu'il suscitait des réserves au sein de certaines administrations de l'État. Certains regrettent la perte d'influence des représentants de l'État dans les instances de gouvernance, quand bien même le budget de l'État reste largement le premier financeur du Cerema. En parallèle, des services de l'État regrettent que le développement des activités du Cerema vers les collectivités se fasse parfois au détriment des prestations qui leur sont délivrées.
S'il est encore trop tôt pour dresser un bilan exhaustif du nouveau statut, il faudra nécessairement en faire une évaluation complète après quatre à cinq années de mise en oeuvre, à l'horizon 2027.
J'en viens désormais à la situation et aux perspectives financières du Cerema.
À l'heure où je vous parle, le Cerema est financièrement en sursis. Depuis cette année, il ne peut assurer ses charges courantes qu'en puisant dans la trésorerie fléchée de programmes dont il doit reverser les fonds aux collectivités, notamment le programme Ponts. Ce n'est pas caché, le conseil d'administration le déplore, mais il n'a pas d'autres solutions. Cette méthode n'aura qu'un temps. Cette forme de « cavalerie budgétaire » n'est bien évidemment pas viable. Dès 2027, si rien n'est fait, le Cerema se retrouverait en situation de faillite virtuelle puisque son niveau de trésorerie deviendrait négatif. Lorsque l'on évoque le sujet avec les directions de Bercy, inutile de vous dire qu'elles « regardent un peu leurs chaussures », mais elles conviennent qu'elles en ont été informées et qu'il n'y avait pas d'autres solutions à court terme.
Comment a-t-on pu en arriver à pareille situation ? Depuis sa création, le Cerema a été confronté à une diminution continue de sa subvention pour charges de service public. Pour compenser cette baisse de recettes, ses tutelles l'ont incité à accroître ses ressources propres, notamment en se tournant vers les collectivités. Toutefois, « les arbres ne montent pas au ciel », et cette logique a ses limites. Nous les avons peut-être déjà atteintes, notamment car les collectivités se trouvent elles-mêmes confrontées à de fortes contraintes budgétaires.
Malgré la baisse sensible de ses effectifs, la masse salariale du Cerema, qui représente 80 % du total de ses dépenses - c'est normal, l'expertise demande des cadres de bon niveau -, est très dynamique, et ce pour deux raisons : d'une part, un phénomène exogène résultant des mesures salariales décidées par le Gouvernement ou par le ministère de la transition écologique et le plus souvent non compensées et, d'autre part, un phénomène, endogène celui-ci, qui a pour origine le repyramidage des effectifs du Cerema lié à son recentrage sur le conseil et l'expertise de pointe ; les recrutements se font principalement en catégorie A.
Depuis 2021 et la mise en place du plan de relance, s'est ajouté un autre élément qui a contribué à brouiller la lisibilité des équilibres financiers du Cerema. Celui-ci a été mobilisé pour mettre en oeuvre des programmes nationaux d'intervention à destination des collectivités pour lesquels il perçoit des financements qu'il doit redistribuer aux bénéficiaires finaux après instruction de leurs projets. Ce phénomène a conduit, momentanément et artificiellement, à gonfler la trésorerie globale de l'établissement, le rendant ainsi vulnérable aux mesures transversales d'économies budgétaires.
Le résultat est qu'aujourd'hui le Cerema affiche un déficit structurel de près de 20 millions d'euros ; il survit à la faveur d'un système de « cavalerie budgétaire » et, toute chose égale par ailleurs, il ne pourrait plus assurer ses charges courantes, c'est-à-dire la paie de ses agents, à l'horizon 2027. Cette situation regrettable résulte largement des injonctions contradictoires de l'État au Cerema et de son incapacité à lui fixer un cadre stratégique au sein duquel il pourrait déployer un modèle économique soutenable.
Pour l'avenir du Cerema, l'heure est grave et ce que j'appelle le pilotage budgétaire à vue, sans cap ni boussole, n'est plus envisageable puisqu'il conduit l'établissement dans une impasse. C'est à l'État de prendre pleinement ses responsabilités et de donner enfin au Cerema un cap stratégique clair et la visibilité financière qui lui manque.
Pour y parvenir, il faudra nécessairement renforcer la tutelle métier du Cerema. Cette tutelle est assurée par le commissariat général au développement durable (CGDD), dont ce n'est pas le coeur d'activité, et qui dispose, me semble-t-il, de moyens et d'un poids dans les arbitrages trop limité. De façon plus générale, l'exercice de la tutelle de l'État sur ses grands opérateurs se pose, notamment dans le domaine de l'écologie. La commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État présidée par M. Barros et rapportée par Mme Lavarde a également dressé ce constat et recommandé que l'État exerce une véritable tutelle sur ses opérateurs.
Cette tutelle renforcée devra d'abord déterminer le rôle qu'entend donner l'État au Cerema en définissant ses missions socles, c'est-à-dire celles qui doivent être couvertes par sa subvention. Étonnamment, ce travail n'avait jamais été réalisé et l'identification des activités essentielles de l'opérateur est aujourd'hui le résultat de négociations entre le Cerema et les directions d'administrations centrales.
Ensuite, au plus tard l'année prochaine, l'État doit fixer clairement au Cerema une stratégie de long terme assortie d'un modèle économique soutenable.
Trois scénarios pourraient être envisagés.
Le premier serait celui du statu quo organisationnel et d'une augmentation de la subvention de l'établissement pour compenser son déficit structurel. Le contexte budgétaire actuel rend cette hypothèse improbable.
Le deuxième serait au contraire celui du statu quo financier, à savoir une stabilisation en volume de la subvention de l'établissement. Ce scénario supposerait une nouvelle réforme très substantielle de l'organisation du Cerema et l'abandon de nouvelles missions. C'est alors à l'État qu'il reviendrait de lui signifier les missions auxquelles il devrait renoncer. À ce stade, je n'ai constaté aucune réflexion sérieuse de l'État à ce sujet. Aussi, cette hypothèse me paraît peu réaliste.
Le troisième scénario, hybride, consisterait à augmenter légèrement la subvention du Cerema tout en exigeant qu'il réalise des gains de performance ; des pistes ont été identifiées. Ce scénario me semble le plus prometteur. Je ne vois pas comment passer le cap de 2027 autrement.
Dans le cadre de mes travaux, je me suis aussi intéressé à la cohérence et à la lisibilité de l'offre d'ingénierie publique territoriale. Dire qu'elle est perfectible est un euphémisme. J'en veux notamment pour preuve l'articulation entre les grands opérateurs de l'État qui interviennent dans ce domaine, au premier rang desquels le Cerema, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Si une fusion entre ces opérateurs ne me paraît pas pertinente à court terme, je suis convaincu que des mutualisations de services, notamment dans le domaine des fonctions supports, sont souhaitables.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le rapporteur spécial a réalisé une analyse minutieuse, tout en exposant plus largement les principaux enjeux. Dans mon département, sur un certain nombre de chantiers, dans lesquels le Cerema intervient aux côtés des collectivités territoriales, je constate que la première des préoccupations concerne la réduction de la capacité d'ingénierie et d'expertise publique dans les territoires. En raison d'un problème d'attractivité des métiers, un certain nombre d'agents ne font plus toute leur carrière dans l'expertise publique. Ainsi, alors que nous aurions besoin de plus de compétences, nous faisons face à une carence.
Aussi, ne pourrions-nous pas mieux partager les missions entre le personnel ? Des personnels très compétents et qualifiés sur certains sujets, mais qui ne peuvent entièrement les exploiter dans leur collectivité, pourraient les mettre au service d'une autre selon des modalités à définir.
Mme Christine Lavarde. - Les réflexions du rapporteur spécial s'inscrivent dans la continuité des travaux de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Le Cerema, que nous avons auditionné, résulte de la fusion de onze structures. Lorsqu'il a été créé, l'État avait une vision assez claire de ses attentes à l'égard de cet organisme : il s'agissait notamment de réduire assez significativement les effectifs, en suivant une trajectoire sur cinq ans. Cette visibilité a permis au directeur du Cerema de remplir les objectifs assignés par l'État. Cependant, dix ans ont été nécessaires à la nouvelle entité pour recréer un esprit unique et à se penser comme Cerema, et non comme ancien Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra) ou ancien Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu).
Il est désormais urgent que l'État se ressaisisse de son véritable rôle de tutelle. Je pense également que ça ne devrait pas être au CGDD, qui assure, entre autres, la tutelle de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), de Météo France et du Cerema, de remplir cette mission.
Je veux enfin revenir sur la recommandation n° 9. Je ne jette pas la pierre au rapporteur spécial : alors que je suis moi-même rapporteur spécial du programme 217, il a fallu que je sois chargée du rapport de cette commission d'enquête pour que je découvre que, depuis octobre 2023, le ministère de l'écologie a créé un service à compétence nationale chargé de la gestion administrative et du versement des salaires de l'ensemble des agents du ministère affecté en administration centrale ou déconcentrée ! Vingt-deux services de gestion ont ainsi été agglomérés. Or il me semble que la gestion des fonctions support devrait se faire au sein de l'administration centrale plutôt qu'entre opérateurs.
C'est le troisième ministère à se doter d'un tel service. Nous pourrions en étendre les missions.
Je signale enfin que les agents publics du Cerema, en outre, sont en position normale d'activité et non en détachement. C'est un cas à part, parmi les agences que nous avons étudiées avec le président de la commission d'enquête Pierre Barros.
M. Stéphane Sautarel. - Je remercie le rapporteur spécial pour son travail. Néanmoins, à l'entendre, je m'interroge sur notre capacité à réformer le Cerema. Aucune des trois hypothèses présentées ne m'a séduit : je préfère réfléchir à une quatrième. L'État, qui a abandonné l'ingénierie aux collectivités, a voulu ensuite recréer des structures telles que le Cerema et l'ANCT, alors que des structures publiques et le secteur privé offraient déjà des solutions. Nous devrions nous questionner sur le fondement même d'une telle structure dans la sphère publique et des financements qui y sont rattachés.
En outre, on insiste souvent sur la nécessité d'offrir de l'ingénierie à nos collectivités sur nos territoires. Cependant, si nous allions réellement dans le sens de la simplification, nous aurions peut-être besoin de moins d'ingénierie. Or j'ai l'impression que nous avons souvent tendance à complexifier précisément pour justifier les besoins !
M. Claude Raynal, président. - Je pense que le système de regroupement d'agences se traduit le plus souvent par un affaiblissement : on regroupe, on fait des économies, on s'en occupe moins, le système doit trouver ses propres ressources, cela fonctionne un temps, puis finalement on observe qu'il est nécessaire que l'État affecte à l'agence des programmes permanents, tels que le programme « Ponts » pour le Cerema... En l'absence de ce type de grands programmes, l'équation se complique. Je pense que c'est un processus difficile à vivre pour les personnels de ces agences. Je ne tire donc pas tout-à-fait les mêmes conclusions que vous, mais il me semble que le mécanisme de fusion donne souvent lieu à ce résultat. Même si l'organisme fait des efforts, ceux-ci ne sont pas payés en retour.
M. Thierry Cozic. - L'utilisation de crédits fléchés pour des dépenses courantes aura-t-elle une incidence sur le programme national « Ponts » et sur les collectivités devant réaliser des travaux sur ces ouvrages ?
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Le Cerema est un peu le mouton à cinq pattes : il est doté de compétences très différentes, allant de la réflexion sur l'adaptation du bâti et des techniques de construction aux enjeux relatifs à la qualité de l'air et au confort thermique. Si la sphère publique ne dispose pas de bureaux d'études et de centres de recherche pour penser ces questions, nous risquons de rater un certain nombre de révolutions dans le domaine de la construction à l'avenir.
Le Cerema dispose d'une infinie compétence dans beaucoup de domaines, qui ont été très largement recentrés sur les sujets sur lesquels la puissance publique doit conserver une position dominante. À ce titre, on pourrait qualifier de régaliennes les activités qu'exerce le Cerema.
Le Cerema doit également garder la main sur la certification et la normalisation. Ainsi, son activité entretient des liens importants avec la compétitivité du pays et de certaines de nos industries dans les domaines qu'il couvre.
On pourrait finalement comparer le Cerema à un couteau suisse : on estime parfois qu'il n'en fait pas assez, mais à la moindre crise, on sollicite son expertise : inondations, effondrements, dommages sur des infrastructures, notamment des ponts, et les risques qui en découlent...
Pour bien calibrer un projet d'infrastructure, notamment ses fondations au regard des caractéristiques géotechniques du sol, le rôle de tiers de confiance du Cerema, qui délivre une expertise indépendante, est important. En effet, les entreprises privées ont souvent tendance, par prudence, à prendre des marges de sécurité qui peuvent être excessives et renchérir le coût de l'investissement, au risque qu'il ne soit finalement pas réalisé...
Le Cerema représente donc une expertise très importante en matière d'ingénierie publique, d'infrastructures et d'adaptation au changement climatique. Cette expertise est parfois assez mal monétisée - j'ignore, d'ailleurs, si elle est monétisable. Peut-être est-ce le cas pour son activité de normalisation, mais cela ne suffira pas à modifier la donne en matière budgétaire. La subvention a été réduite de 20 % : cela finit par produire des effets.
Par ailleurs, le Cerema s'est beaucoup réformé. Il est l'exemple d'un organisme qui a fait des choix - difficiles - pour identifier les sujets sur lesquels l'État devait garder sa compétence et qui n'étaient pas déjà traités ailleurs au sein de la sphère publique. Le Cerema a tout de même divisé par trois ses domaines d'intervention. Faut-il réduire encore aujourd'hui son périmètre d'activité ? C'est la question.
N'oublions pas, toutefois, que la fusion n'a pas été simple. Au risque de paraître provocateur, je dois souligner que la crise du covid a permis de réduire les tensions internes. Jusqu'en 2019, la période est restée difficile. Lorsque l'activité a pleinement repris après 2020, la réforme était bouclée. Mais il me paraît un peu cynique de dire que, puisque le Cerema a su s'adapter, malgré la diminution de sa subvention, nous pouvons poursuivre la dynamique. Cela ne fonctionnera pas - c'est d'ailleurs ce que disait le président Raynal.
L'attractivité des métiers est une autre problématique. Alors que l'on faisait auparavant carrière dans les directions départementales de l'équipement (DDE), puis sur le terrain, avant de devenir expert, nous devons désormais nous demander comment développer et conserver cette expertise.
Des allers-retours s'effectuent parfois, dans le respect des règles déontologiques qui prévalent : certains agents sont issus des collectivités, notamment des départements pour ce qui concerne les routes, d'autres du secteur privé, ou bien ils y poursuivent leur carrière. Pour préserver l'ingénierie, les modalités d'échanges avec le privé me semblent plutôt pertinentes.
Il existe un réseau de partage de l'expertise, notamment sur les routes, avec les départements. Faut-il aller plus loin ? Je reste assez prudent. Il est en tout cas crucial de conserver ce vivier d'expertise. Il est aussi utile que des experts nationaux ou internationaux puissent être mobilisés sur les équipements en difficulté. L'expertise, c'est aussi de la recherche, de la collaboration, des échanges, des colloques.
Madame Lavarde, un cap pluriannuel avait été donné dans le cadre de la fusion : il convient d'en fixer un nouveau, qui ne pourra se résumer en une réduction budgétaire.
Par ailleurs, nous avons hésité à intégrer la recommandation n° 9. Plutôt que le versement des salaires que vous mentionniez, nous visions principalement la mutualisation de fonctions support telles que la diffusion d'information, les publications, la communication avec la mise en place d'outils communs qui rendront les productions de ces établissements plus accessibles aux collectivités notamment.
Nous pourrions donc modifier la recommandation n° 9 pour préciser les services visés.
Monsieur Sautarel, je défends la capacité de la structure à se réformer, mais il y a une limite à tout. Le corps social risque de se heurter trop brutalement à un problème de sens. Comme l'a souligné Christine Lavarde, en outre, cette adaptation a finalement pris dix ans.
Il ne faut pas abandonner l'appui territorial. Je n'appliquerais pas la politique de la coupe à la hache sur le sujet. La réponse aux collectivités dans les domaines de l'aménagement du territoire, des risques, de l'accompagnement au changement climatique, de la mer et des littoraux, des bâtiments ou encore des infrastructures réside dans les territoires. Si nous la supprimons, il ne restera plus grand-chose. Et si les agences techniques départementales ont parfois pris le relais, elles se situent plutôt sur le premier niveau, pour les opérations d'accompagnement simple de la collectivité dans la rédaction d'un cahier des charges, par exemple. Dès lors qu'une expertise plus technique est nécessaire, le Cerema représente l'outil de très haut niveau auquel il faut faire appel.
Le président Raynal a raison : si nous ne faisons rien, la suite du scénario est prévisible. Était-ce l'intention de départ ? Je ne le crois pas. À l'occasion de mes déplacements, j'ai observé des agents mobilisés sur le terrain, au service des collectivités, experts dans de nombreux domaines difficiles à appréhender à l'échelle nationale. La tutelle doit en prendre conscience : ce rapport vise aussi à tirer le signal d'alarme. Cependant, l'obstacle est très proche de nous. Nous pourrons passer l'année 2026, à condition de ne pas sabrer les crédits. Mais pour 2027, nous devrons soit réinjecter des crédits, soit trouver un scénario mixte...
Monsieur Cozic, le programme national « Ponts » ne sera pas affecté. Le Cerema a obtenu les crédits y afférents et les décaisse sur plusieurs années. Ces crédits ont entraîné un effet d'aubaine en matière de trésorerie, mais également un effet pervers : lors de l'élaboration du budget, le Cerema semble disposer d'une trésorerie suffisante, alors qu'il s'agit seulement de crédits destinés à ce programme. Mais l'argent qui lui est alloué sera bien versé - c'est d'ailleurs à ce moment-là que la trésorerie du Cerema deviendra négative.
M. Claude Raynal, président. - Je vous propose donc de modifier la recommandation n° 9 pour tenir compte des échanges.
Il en est ainsi décidé.
La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial, ainsi modifiées, et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.