TROISIÈME PARTIE : LA SEULE MODIFICATION QUI POURRAIT ÊTRE RETENUE, SOUS RESERVE DE PROJECTIONS PROBANTES : INTRODUIRE UNE PRIME MAJORITAIRE MODERÉE

Dans l'hypothèse où il serait jugé absolument nécessaire de modifier le régime actuel des élections régionales, le groupe de travail a constaté :

- que le passage du cadre départemental au cadre régional, même s'il est souhaité par certains, compromettrait la représentation du territoire et soulèverait, de l'aveu même de ses plus fervents partisans, de réelles difficultés tenant notamment à la composition des listes et à la représentation des régions au Sénat ;

- que par ailleurs, aucune des personnalités entendues, quelles que soient leurs diverses sensibilités politiques, n'a remis en cause le principe d'un scrutin de liste.

De ce double constat, le groupe de travail déduit que deux caractéristiques du scrutin régional doivent impérativement être maintenues : le cadre départemental et la représentation proportionnelle.

Dans ces conditions, la seule modification envisageable pourrait consister à atténuer les effets de la représentation proportionnelle par l'introduction d'une dose mesurée de majoritaire, qui pourrait se traduire par l'attribution d'une prime à la liste parvenue en tête, à condition que son pourcentage ne soit pas excessif.

Sur le principe, le Président Jacques Valade s'est déclaré réservé à l'égard d'une prime majoritaire, car elle pourrait inciter certaines listes à des arrangements artificiels dans l'espoir d'en bénéficier. Il y a vu « un facteur de rassemblement de formations qui n'ont pas spontanément envie de se rassembler » .

Au surplus, force est de constater que cette modification n'offrirait que des résultats aléatoires et ne serait pas dépourvue d'inconvénients. Elle ne pourrait être envisagée qu'avec circonspection et, comme l'a souligné M. Guy Allouche, sous réserve de projections probantes.

I. TECHNIQUEMENT, UN CORRECTIF MAJORITAIRE FONDÉ SUR UNE « PRIME » N'OFFRIRAIT AUCUNE GARANTIE DE DÉGAGER UNE MAJORITÉ AU PLAN RÉGIONAL

A. DES PRIMES MAJORITAIRES ATTRIBUÉES DANS UN CADRE DEPARTEMENTAL POURRAIENT FORT BIEN S'ANNULER AU PLAN RÉGIONAL

Plusieurs des personnalités entendues par le groupe de travail ont mis l'accent sur le possible « effet d'annulation » au plan régional de primes majoritaires attribuées dans le cadre du département.

En d'autres termes, la prime attribuée à la liste parvenue en tête dans tel ou tel département risquerait fort d'être compensée par celle dont une liste adverse aurait bénéficié dans tel ou tel autre.

Le Président Jacques Larché n'a pas contesté le possible effet d'annulation mais n'y a vu que les conséquences normales du jeu démocratique. Pour autant, la crainte que des annulations d'un département à l'autre compromettent le système dans son ensemble a été exprimée par beaucoup des personnalités entendues -M. Pierre Mauroy, par exemple- le Président Valéry Giscard d'Estaing allant même jusqu'à considérer qu'une prime majoritaire départementale serait totalement inefficace.

M. Guy Allouche a souligné qu'en tout état de cause, il serait indispensable d'établir des projections probantes avant d'envisager le recours à un tel système.

B. UNE PRIME ATTRIBUÉE AU PLAN RÉGIONAL IMPOSERAIT DES MÉCANISMES D'APPARENTEMENT COMPLEXES ET MAL PERÇUS

Pour prévenir l'effet d'annulation, on pourrait également imaginer un mécanisme d'attribution de la prime au plan régional, tout en conservant le cadre départemental de l'élection.

Ce système aurait néanmoins deux inconvénients.

Tout d'abord, il ne garantirait pas plus que le précédent l'obtention d'une majorité, sauf à ce que la prime soit extrêmement élevée ou que le nombre des listes admises à la répartition des sièges dans l'ensemble des départements de la région demeure très faible. Dans le cas contraire, il serait fort possible qu'à elle seule, la formation la mieux placée n'atteigne pas la majorité absolue des sièges, en dépit de la prime.

Mais surtout, le Président Valéry Giscard d'Estaing a souligné que cette prime majoritaire au plan régional passerait nécessairement par un mécanisme d'apparentement entre les listes départementales, complexe et « peu lisible ».

La raison en tient à ce que les formations présentant des listes dans plusieurs départements d'une même région n'adoptent pas nécessairement la même stratégie d'un département à l'autre.

En 1992, par exemple, les candidats du Parti socialiste se sont présentés dans certains départements d'une même région sur des listes « Majorité présidentielle » et dans d'autres, sur des listes séparées. De même, les différentes formations de sensibilité écologiste présentent chacune des listes, selon le cas dans tous les départements d'une même région ou seulement dans ceux où l'une ou l'autre est mieux implantée qu'ailleurs.

Dans la mesure où la prime serait attribuée au plan régional, les listes qui souhaiteraient en bénéficier devraient donc déclarer un apparentement.

Des arrangements de ce type ne sont pas bien perçus dans l'électorat. En tout état de cause, le scrutin régional y perdrait encore un peu plus de sa lisibilité.

Ce mécanisme hybride pourrait également soulever une question d'ordre constitutionnel, car il aurait pour conséquence de ne plus proportionner le nombre des sièges attribué à chaque liste aux résultats qu'elle aurait obtenu dans son département.

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