b) Les conséquences du développement de l'intercommunalité de projet

L'intercommunalité à fiscalité propre représente désormais 1445 établissements publics de coopération regroupant une population totale de 31,1 millions d'habitants.

Ce mouvement qui est appelé à se poursuivre peut avoir des conséquences sur les communes qui doivent demeurer les cellules de base de notre démocratie.

Ce constat conduit le groupe de travail à souligner que la coopération intercommunale doit constituer un moyen de préserver l'identité communale en développant les solidarités nécessaires entre communes et non pas viser des redécoupages administratifs dont l'expérience a mis en évidence les échecs successifs.

De même, comme votre rapporteur l'a déjà relevé, si l'utilisation de la DGF pour encourager l'intercommunalité de projet demeure nécessaire, l'arrivée de celle-ci à maturité justifiera une réflexion destinée à distinguer clairement la dotation versée aux communes de celle versée aux groupements.

Le développement de l'intercommunalité de projet peut aussi avoir des effets à terme sur la répartition des rôles entre les structures intercommunales et les départements.

M. Guy Allouche , après avoir relevé que la question du rôle du département se posait en raison du développement de l'intercommunalité, s'est interrogé sur l'avenir de cette collectivité territoriale.

Lors de son audition par le groupe de travail, Mme Martine Buron, maire de Châteaubriant, président du groupe " Décentralisation : bilans et perspectives ", constitué auprès du commissariat général du Plan par la préparation du XIè plan, a rappelé que les solidarités entre les zones urbaines et les zones rurales avaient été assurées depuis deux cents ans par le département. Elle a néanmoins fait observer que, dans les départements où existaient des clivages importants entre ces zones, les conflits étaient souvent vifs au sein du conseil général qui se comportait surtout en contrepoids de l'agglomération.

Soulignant que le développement de l'intercommunalité impliquait une réflexion sur les modalités selon lesquelles cette solidarité devrait être mise en oeuvre, Mme Martine Buron a cependant fait valoir que les structures intercommunales n'étaient pas encore suffisamment affirmées pour se substituer aux départements.

Si des ajustements sont toujours envisageables, le groupe de travail considère néanmoins que le département, comme il l'a toujours être jusqu'à présent, demeure le bon niveau pour assurer les nécessaires solidarités sociales et territoriales.

Le groupe de travail a par ailleurs examiné la suggestion qui lui a été présentée par M. Jean-Pierre Sueur, vice-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) tendant à l'élection au suffrage universel de conseils d'agglomération (soit dans le cadre d'un niveau supplémentaire d'élections, soit dans le cadre d'un système s'inspirant de la loi dite " PLM ") afin de donner une plus grande légitimité aux entités intercommunales en milieu urbain.

M. Jean-Pierre Sueur a en effet estimé que l'objectif du XXIè siècle serait d'organiser de manière plus structurée les grandes agglomérations. Il a ainsi constaté qu'il existait en France seulement trois villes de plus d'un million d'habitants, chiffre qui lui est apparu faible au regard de la situation des autres pays européens.

Constatant l'indifférence des électeurs vis-à-vis des élections cantonales en milieu urbain, il s'est demandé si des représentants des zones urbaines au conseil général ne pourraient pas être désignés par une élection au niveau de l'agglomération et si, à titre expérimental, l'agglomération ne pouvait pas exercer certaines compétences du conseil général.

Pour des raisons déjà évoquées par votre rapporteur, le groupe de travail a écarté l'idée d'une élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux. De même, l'institutionnalisation de l'agglomération pourrait avoir pour effet de mettre en cause les nécessaires solidarités entre les zones urbaines et les zones rurales, qu'il appartient au département de promouvoir.

M. Jean-Paul Delevoye a ainsi relevé que le véritable débat portait sur la capacité des structures à s'adapter aux évolutions en cours.

M. Jean-Claude Peyronnet, critiquant la suggestion d'ériger l'agglomération en collectivité territoriale, a considéré qu'une telle solution aurait pour effet de rompre les solidarités territoriales. Il a constaté la nécessité de l'existence d'un niveau départemental afin de préserver une certaine cohérence dans l'aménagement du territoire, sous réserve cependant que les départements prennent en compte la réalité urbaine.

M. Jean-Pierre Schosteck a fait valoir que l'institutionnalisation des agglomérations aurait pour effet d'éloigner le citoyen du processus de décision.

M. Patrice Gélard a mis en cause la tentation de supprimer les niveaux intermédiaires et d'ériger les villes en " principautés" ce qui constituerait à ses yeux un retour à la situation qui prévalait au Moyen-Age.

Enfin, si la notion de pays ne se confond pas avec l'intercommunalité, le groupe de travail s'est néanmoins interrogé sur les effets éventuels de l'émergence des pays -encouragée par la loi d'orientation du 4 février 1995- sur l'organisation territoriale.

Les auditions auxquelles il a procédé ont mis en évidence l'intérêt que ce concept pouvait présenter pour la conception et la mise en oeuvre de projets locaux de développement.

Néanmoins, le pays constitue un espace de réflexion pour la définition de projets de développement et a ainsi une nature très différente de celle d'un établissement public de coopération intercommunale.

Comme l'a fait fort justement observer M. Paul Masson, si la notion de pays est conçue à partir de projets et d'objectifs qui ont pour finalité de mobiliser des moyens supplémentaires, elle peut être parfaitement complémentaire avec le rôle des départements et des régions.

Mme Martine Buron a approuvé cette idée selon laquelle les pays devaient être conçus pour la réalisation de projets. Elle a considéré que les pays devraient pouvoir passer librement des conventions avec des structures intercommunales.

Conformément à la volonté clairement exprimée par le législateur, la finalité des pays ne doit pas être de créer un nouveau niveau institutionnel qui ne ferait qu'ajouter à la complexité actuelle mais de favoriser une synergie des initiatives locales dans un espace géographique cohérent.

Passée la phase de lancement des pays, les commissions départementales de la coopération intercommunale - auxquelles la loi d'orientation du 4 février 1995 ont confié la mission de constater l'existence des pays et de formuler des propositions pour leur délimitation- pourront jouer un rôle utile afin de favoriser une cohérence des différents pays.

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