OBSERVATIONS DES GROUPES POLITIQUES

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M. ROBERT PAGES

AU NOM DU GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN

Une enquête récente indique qu'une très large majorité de Français perçoivent positivement la décentralisation engagée en 1982. Il est évident que cet attachement traduit une volonté de participation, de contrôle, de proximité de la part de nos concitoyens par rapport aux décisions prises.

Cette même enquête fait part de l'inquiétude des Français pour l'avenir. Puisqu'ils estiment, à 68% des sondés, que dans 20 ans ce sera l'Europe qui décidera de leur vie quotidienne.

Il est vrai que l'Europe qui se construit influence directement l'organisation territoriale de notre pays. C'est la volonté affichée de réduire les niveaux de décisions, de réduire le nombre de communes.

Pour cela, dans le cadre de Maastricht, se met en oeuvre un type de croissance de plus en plus polarisée autour de quelques métropoles régionales, qui se conjugue avec l'assèchement des arrière-pays.

Le groupe communiste républicain et citoyen tient au contraire à renforcer les échelons au plus près des citoyens. Deux conditions essentielles doivent être remplies :

1 - La commune ne devrait pas être contrainte à de quelconques regroupements, la libre administration des communes étant, à nos yeux, la base intangible de l'organisation administrative de notre territoire. La règle de la majorité qualifiée ne devrait donc pas s'appliquer, il ne peut s'agir que de volontariat.

2 - La deuxième condition du renouveau de la décentralisation passe par l'amélioration des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Deux rapports récents de l'Observatoire des Finances Locales ont montré le décalage grandissant entre les charges et les ressources transférées, un décalage que le Pacte dit de stabilité ne peut combler. Comme l'a dit le Président de l'Association des Maires de France, le " pacte de stabilité (...) est en fait déséquilibré, car il ne garantit la stabilisation des dépenses que pour l'Etat, et non pour les collectivités territoriales. "

En fait, avec la réduction depuis quatre années consécutives de la Dotation forfaitaire de la DGF, avec la baisse du FCTVA, avec la surcompensation CNRACL... il ne s'agit pas d'un pacte de stabilité, mais d'un pacte de déstabilisation des finances des collectivités territoriales.

Le débat sur la taxe professionnelle relève de la même problématique. Instituer une taxe professionnelle de zone ou d'agglomération est un premier pas vers le transfert du produit de la taxe professionnelle de la commune vers le groupement de commune. Une telle décision aurait donc pour conséquence de retirer aux communes une grande part de leur capacité d'investissement et de fonctionnement. Cela joue contre la décentralisation.

Donner un nouveau souffle à la décentralisation passe au contraire par l'attribution de nouvelles ressources de collectivités territoriales, par exemple en intégrant tout ou partie des actifs financiers dans les bases de la taxe professionnelle.

En conséquence, les Sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen réaffirment leur attachement :

- au principe de libre administration des collectivités territoriales,

- au principe du volontariat pour l'intercommunalité,

- au principe de la compensation intégrale de tout transfert de charges,

- au principe d'une augmentation des dotations d'Etat correspondant aux besoins des populations.

M. JEAN-CLAUDE PEYRONNET

SÉNATEUR DE LA HAUTE-VIENNE

MEMBRE DU GROUPE DE TRAVAIL

La décentralisation, engagée en 1982 a été en effet l'un des grands acquis et l'une des réformes les plus profondes de ces quinze dernières années. Elle a permis de libérer les énergies et les initiatives locales et de rapprocher les décisions des citoyens. Elle a ouvert un véritable droit à l'initiative, à l'imagination et au développement.

Les grandes réformes ont souvent besoin, après quelques années de mise en pratique, d'ouverture et d'approfondissement. La décentralisation n'y échappe pas. Il convient donc de poursuivre et amplifier cette "révolution" par :

1. une clarification et une meilleure identification des compétences

Un constat s'impose : l'imbrication des structures et des compétences nuit tant à une gestion rationnelle et efficace qu'à une meilleure implication des citoyens. La question est moins celle du nombre et du niveau de collectivités que celle de leur collaboration. Il n'y a trop de niveaux de collectivités que si chacune d'elles exercent les compétences déjà dévolues à d'autres. Il est aujourd'hui nécessaire de réaliser une clarification et une meilleure identification des compétences.

Pour cela, il convient en premier lieu de procéder, à un réexamen des compétences de chacun sur la base de solides évaluations, à une meilleure identification des règles régissant les relations entre personnes publiques afin que la collectivité qui exerce réellement la compétence dispose parallèlement de tous les attributs (pouvoirs juridiques, ressources financières, moyens techniques et humains), à l'affirmation du principe de délégation de compétences, et, à l'application au niveau local du principe de subsidiarité.

En deuxième lieu, il convient de poursuivre les réformes dans quatre directions :

- l'affirmation de la commune comme pierre angulaire de la décentralisation.

- un nouvel essor de I'intercommunalité, par une simplification des différents statuts et un renforcement des incitations pour que la majeure partie du territoire soit couverte par une intercommunalité de projet et/ou de gestion. Enfin, l'encouragement à l'intercommunalité passe également par une réforme du Coefficient d'Intégration Fiscale.

- le renforcement des régions, notamment par la mise en place de nouveaux mécanismes de péréquation comme les fonds de solidarité régionaux, par la négociation et la gestion directe des fonds structurels européens, en étant attentif à ce que l'organisation administrative de la France évite cependant la tentation de l'Europe fédérale des régions, qui signifierait la fin de l'Etat et de la Nation française.

- le recentrage du département en faisant de ce dernier le partenaire des communes et des structures intercommunales pour l'action sociale et les services de proximité.

2. Un nouvel essor de la démocratie locale

Quel que soient les critiques plus ou moins orchestrées, la décentralisation a été génératrice de progrès pour la démocratie locale. Les élus doivent être conscients que beaucoup reste à faire et qu'on ne peut plus se contenter de rendre compte tous les 5 ou 6 ans de son mandat. Le contact avec les citoyens doit être permanent, par des structures adaptées.

3. une profonde rénovation des finances locales pour assurer une plus grande clarté, plus de justice, une réelle solidarité et contribuer à un développement solidaire des territoires

En premier lieu, il est indispensable de clarifier et stabiliser les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Cela implique l'amélioration de la connaissance, la présentation et la classification des données financières et des flux financiers entre l'Etat et les collectivités locales.

Ce souci de transparence doit s'accompagner d'une volonté de stabilité. Une bonne gestion exige en effet que celles-ci puissent s'engager durablement, notamment dans le cadre de programmes d'investissements pluriannuels. Elles doivent donc être assurées de leurs ressources. En conséquence, les concours de l'Etat ne doivent plus être soumis aux aléas de la politique budgétaire, et les règles d'indexation et d'attribution des dotations doivent être pérennisées sous une forme simple et durable. Cela concerne notamment la Dotation Globale de Fonctionnement et le FCTVA. Par ailleurs, il convient de définir les modalités d'un véritable partenariat, d'identifier clairement les autorités responsables des décisions fiscales et des choix d'investissements.

Enfin, il convient de faire respecter un principe clair : s'il y a transfert de compétences, il doit y avoir transfert des ressources correspondantes. C'est une condition de l'existence de relations saines entre l'Etat et les collectivités locales.

En second lieu, la réforme de la fiscalité locale est un enjeu majeur si l'on veut poursuivre la décentralisation

Les impôts locaux sont à la fois injustes et archaïques. En effet, une profonde inégalité subsiste entre les ressources fiscales des collectivités locales, les prélèvements ne sont pas répartis équitablement entre les contribuables, que ce soient les ménages ou les entreprises, les assiettes sont inadaptées et, dans le cas de la taxe professionnelle, pénalisent l'emploi et l'investissement.

Les lignes directrices de cette indispensable réforme, découlent de ce constat. Les impôts locaux doivent être plus justes, plus simples, plus clairs. Il faut moderniser les assiettes des impôts afin d'améliorer la justice fiscale et l'efficacité pour l'emploi, ce qui passe en tout premier lieu par l'application de la révision des valeurs locatives. En outre, il faudra accroître les mécanismes de péréquation afin de rééquilibrer les ressources des différentes collectivités et les charges des contribuables. Dans ce cadre, la réforme de la taxe professionnelle apparaît comme prioritaire puisqu'elle est de loin la principale responsable des écarts de ressources entre collectivités locales. Cependant, il serait effectivement dommageable de transférer l'impôt local en impôt national et, la liberté de vote de l'impôt en une dotation.

Toutefois, dans ce domaine comme dans d'autres, entre les déclarations et les actes, la majorité n'est pas exempte de contradictions. Depuis 1993, la politique suivie a consisté à réduire les concours de l'Etat aux collectivités, ce qui a accru l'effet de ciseaux subi entre des recettes malmenées et des dépenses qui augmentent, ce qui oblige les élus locaux à de fortes hausses de la fiscalité locale directe et à réduire de plus en plus leurs dépenses d'équipement.

Si nos collectivités locales doivent participer à l'effort de maîtrise des déficits publics, la rigueur qui leur est imposée depuis 1993 n'est pas justifiée. En effet, les collectivités locales ne sont aucunement responsables de la dégradation des finances publiques puisque leur besoin de financement et leur endettement sont largement maîtrisés, ce qui n'est pas le cas de l'Etat.

Par ailleurs, priver nos collectivités locales des moyens financiers nécessaires, élever jusqu'à l'insupportable les impôts locaux, apparaissent comme un non sens économique, une erreur grave, une remise en cause de la décentralisation. Nos collectivités locales contribuent à la création de la richesse nationale, assurent des missions essentielles d'équilibre social et sont au coeur de la lutte pour l'emploi, du développement équilibré du territoire, de la protection de l'environnement.

La politique suivie par les gouvernements successifs depuis 1993, si elle devait se poursuivre, risquerait en réalité de remettre en cause les acquis de la décentralisation.

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