II. LIEUX D'EXERCICE D'UNE CITOYENNETÉ

La France métropolitaine compte plus de 36 000 communes, 95 départements et 22 régions ; le développement de l'intercommunalité a transféré des responsabilités communales à des structures de coopération au nombre de huit, avec des règles propres de création et des modalités de fonctionnement spécifiques : SIVU, SIVOM, districts, communautés urbaines, syndicats d'agglomérations nouvelles, communautés de communes, communautés de villes et syndicats mixtes.

En 1995, on recense 318 districts, 10 communautés urbaines, 9 syndicats d'agglomérations nouvelles, 894 communautés de communes et quatre communautés de villes, 1 235 groupements à fiscalité propre regroupant 13 539 communes, soit près de 40 % du total des communes.

Les membres des conseils des communes, des départements et des régions sont élus au suffrage universel direct, les membres des autres structures politiques de gestion sont désignés par les conseils municipaux concernés. À noter que les élus qui siègent aux conseils de région sont désignés sur des listes départementales.

Si tout citoyen peut connaître les conseillers élus directement, s'il peut retenir les prérogatives pour lesquelles il les a désignés, il est très rare qu'il connaisse les membres désignés pour siéger dans les structures intercommunales et encore moins leurs prérogatives.

Un choix communal peut facilement devenir inacceptable pour la réussite de projets intercommunaux sans que le citoyen électeur en soit informé.

À cet ensemble infra-national s'ajoute la participation électorale pour désigner des députés au suffrage universel direct et des sénateurs au suffrage universel indirect ainsi que des membres à l'Assemblée européenne sur des listes nationales.

Pêle-mêle, imbroglio de structures et d'élus aux fonctions différentes, à l'origine possible de choix de réalisations ou de simples gestions contradictoires ! Comment un honnête citoyen peut-il donner une cohérence politique à ses votes successifs ? « Quelles sont les limites de son ou de ses jardins civiques », formule évocatrice de Jean GLAVANY. Pour l'instant il s'ensuit une réaction d'irritation et d'incompréhension lors de la réception de sa feuille d'impôt : ne sachant à qui en imputer l'augmentation, il choisit le maire comme responsable !

Plus important est de chercher à dégager les incidences, positives ou non, de la percée fulgurante des Nouvelles Techniques d'Information et de Communication, de cette intrusion du numérique, des réseaux et plus particulièrement du réseau mondial Internet dans les comportements civiques de chaque jour. « Toute la vie politique, économique et sociale est en train de se réorganiser autour de la logique des réseaux et de la production immatérielle, qui est aux antipodes de la logique des territoires et de la production matérielle qui guidait l'humanité depuis son apparition » 116 ( * ) .

Comment, dès lors, lutter contre la désaffectation à l'égard du système représentatif dans un pays comme le nôtre, face à une situation qui se complique de plus en plus, politiquement comme administrativement ?

On a souvent présenté l'insuffisante décentralisation du pouvoir comme une des causes de la faible participation effective des citoyens. Sans doute vraie dans le passé, cette analyse a vieilli depuis quinze ans, au fur et à mesure de l'affirmation des pouvoirs locaux. Désormais, c'est la multiplicité des niveaux de décision d'une part, l'abondance des structures de regroupement d'autre part, qui frappent.

Les préoccupations de presque tous les gouvernements depuis plusieurs décennies se sont limitées à des tentatives pour améliorer les relations entre les usagers et les services publics. La SNCF l'a fait par l'idée originale d'effacer la personnalité des agents chargés d'informer le public en les contraignant à se faire identifier par un numéro matricule ! Depuis 1984, tous les gouvernements, à l'exception de celui par M. Édouard BALLADUR ont comporté un ministre chargé de la réforme administrative.

Gouvernement de Laurent FABIUS (1er juillet 1984 - 20 mars 1986) : Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et des simplifications administratives ;

Gouvernement de Jacques CHIRAC (20 mars 1986 - 10 mai 1988) : Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme administrative ;

Gouvernement de Michel ROCARD (10 mai 1988 - 15 mai 1991) : Ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives ;

Gouvernement d'Édith CRESSON (15 mars 1991 - 2 avril 1992) : Ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'Administration ;

Gouvernement d'Alain JUPPÉ (17 mai - 7 novembre 1995) : Ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Citoyenneté ;

Gouvernement d'Alain JUPPÉ (7 novembre 1995 - 2 juin 1997) : Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation ;

Gouvernement de Lionel JOSPIN (4 juin 1997) : Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation.

Dès 1981, la notion de « nouvelle citoyenneté » a fait partie du langage politique gouvernemental : Pierre MAUROY, Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement a annoncé l'avènement d'une « France responsable » et ses effets : « rendre l'État aux citoyens serait bâti sur cette nouvelle citoyenneté ».

Il entendait établir, au sein du Parlement, de nouveaux rapports entre majorité et opposition, entreprendre la réforme de la justice, conférer un nouveau rôle à la police, garantir aux citoyens, le droit à une information complète et pluraliste par des réformes de l'audiovisuel. Pour rendre l'État aux citoyens, il engagerait « une décentralisation de l'État offrant à la démocratie quotidienne, partout où ce sera possible, de nouveaux espaces de liberté et de responsabilité ».

Le mouvement associatif serait le support privilégié de la nouvelle citoyenneté, en particulier pour la mise en valeur du temps libre.

Beaucoup de ces réformes de structures -la décentralisation, la transformation de la justice, la modernisation du statut de l'audiovisuel... - sont réalisées : les rapports entre les citoyens et la « chose publique » ne sont pas changés et restent conflictuels ou inexistants !

Dans un premier rapport du Commissariat à la réforme de l'État créé par décret du 13 septembre 1995, le constat est peu optimiste : « la décentralisation a été très fortement modifiée, » l'Administration de la République déplaçant le « curseur de la décision publique » au profit des collectivités territoriales « l'État, en définitive, et de façon surprenante, n'a été que peu touché par cette importante réforme. De même, l'État national ne s'est guère transformé du fait de la construction européenne » . La Commission souligne « un allongement néfaste des procédures, un alourdissement des coûts brouillant la compréhension qu'ont nos concitoyens des responsabilités respectives des différents acteurs publics, ce qui n'est pas sain pour le bon fonctionnement de la démocratie » .

Ce débat sur la citoyenneté, nouvelle ou non, reste au centre des préoccupations politiques. La récente campagne pour les élections législatives l'a confirmé. Les candidats, la presse ont souhaité une « campagne électorale citoyenne plus proche des préoccupations des électeurs ». Au cours de son intervention télévisée et radiodiffusée du 27 Mai, le Président de la République a affirmé la nécessité « d'inventer une nouvelle méthode de gouvernement proche des Français, à l'écoute de leurs attentes et de leurs difficultés, une méthode qui passe par davantage de dialogue, qui exige une démocratie modernisée ».

La veille, M. Lionel JOSPIN, en réunion publique, à Villeurbanne plaide pour « une autre conception de l'État, qui n'est pas une propriété » , pour une autre conception de la citoyenneté.

Pour M. J.-M. THENARD, dans Libération , l'heure serait venue d'un Premier ministre « citoyen » d'un gouvernement qui en serait le prolongement dans sa forme et sur le fond ; « le gouverner citoyen n'est pas qu'une question de sexe. C'est d'abord une question de style et de méthode [...] une gauche qui n'inventerait pas une nouvelle méthode de gouvernement décevrait rapidement ».

Guy HERMET pousse plus loin l'analyse : « Partout dans les sociétés industrielles où les politiciens feignent de s'interroger sans trêve sur les besoins, les sentiments et les émotions des populations qu'ils gouvernent, le martèlement quotidien des sondages a remplacé les acclamations ou la sanction des élections partielles. En bref, l'époque des discours fastidieux dans les préaux d'écoles est dépassée. Il faut maintenant montrer que la politique est un délassement, prouver que le sévère débat démocratique s'est transformé en loterie à domicile ; à la limite, anticiper sur l'avènement d'une télédémocratie branchée sur Internet, où chacun opinera sur les affaires en cours sans avoir à se déplacer vers un bureau de vote. Cette proximité apparente aurait du bon si elle relançait la participation démocratique. Il n'en est rien malheureusement » 117 ( * ) .

Internet ou pas, la « libre communication de la pensée et des opinions » érigée en principe des Droits de l'Homme, nargue les frontières comme DIDEROT qui, dans sa lettre sur le commerce de la librairie, rédigée vers 1763, prévoyait la perméabilité des frontières les mieux gardées devant la diffusion des idées nouvelles.

Armand MATTELART 118 ( * ) rappelle les prophétiques spéculations des possibles usages civils du télégraphe-optique inventé par les frères CHAPPE. Des révolutionnaires précurseurs suggéraient de multiplier les lignes, de libérer leur langage codé et permettre à tous les citoyens de France de se « communiquer leurs informations et leurs volontés ». C'était Internet avant l'heure ou l'Agora grecque retrouvée à l'échelle nationale! L'objection de J.-J. ROUSSEAU contre la possibilité des « grandes républiques démocratiques » aurait volé en éclats ! Très tôt, les esprits inventifs et prophétiques ont pressenti que la technique de communication à longue distance pouvait avoir un rôle de garant d'une démocratie rénovée, propriété du peuple citoyen, à moins qu'elle n'en soit facteur de dérives. Une quinzaine d'années plus tard, l'usage du télégraphe électrique (1837) est autorisé au public.

« Partout dans les pays riches, la quête de l'épanouissement personnel a cessé de trouver son exutoire dans les idéologies [...] partout cette quête s'est tournée vers les « espaces de liberté » offerts par les mouvements de protection de l'environnement, les cercles féministes ou de défense des minorités sexuelles, culturelles et ethniques, les organisations humanitaires ou de lutte pour les droits de l'homme, les associations locales ou de quartier, mais surtout pas dans celles qui affichent leur vocation partisane. [...] Le nouveau civisme traduit une recherche de valeurs authentiques [...] et se veut apolitique, comme s'il risquait de se dévoyer autrement, en oubliant bien sûr que la démocratie aussi bien que la citoyenneté dont il se réclame ne peuvent qu'être avant tout politiques » 119 ( * ) .

Face à cette réalité, la responsabilité des parlementaires, des gouvernements n'est-elle pas de créer les conditions d'un recours aux NTIC pour qu'elles contribuent à un renforcement de la citoyenneté ?

Peuvent-elles aider à dépasser une situation caractérisée par les difficultés, les impossibilités même, de dialogue constant entre électeurs et élus hors des campagnes électorales ? Entre citoyens et gouvernants ?

Sans être une solution miracle, ni même parfaite, les NTIC ne pourraient-elle participer à l'avènement d'une société lieu d'échanges et de paroles entre tous ?

Ne seraient-elles qu'outils aggravant cette malédiction de fractures culturelles, sociales, économiques et politiques ?

« Il ne faut pas avoir peur des mots : les télécoms, à travers Internet et les réseaux sont en train de nous faire entrer dans une nouvelle civilisation. Se profile à l'horizon du XXIe siècle, une révolution de nos pratiques politiques, sociales, techniques, marchandes, de loisirs, administratives, intellectuelles et culturelles : tout ce qui fait une civilisation.

C'est l'ensemble de la condition humaine qui va se trouver modifier par les réseaux, l'ensemble de la société qui va devoir se réorganiser. On ne peut plus aujourd'hui penser ni l'action publique, ni l'égalité des chances, ni le travail, ni l'éducation, ni le commerce, ni la protection sanitaire, ni le gouvernement des hommes comme on le pensait avant l'invention d'Internet ». 120 ( * )

Des exemples récents d'utilisations des nouvelles technologies en direction des citoyens se multiplient : un inventaire permettra d'avoir un premier regard sur leur intérêt, leur rayon d'action comme leur valeur exemplaire.

1. Les collectivités locales sur le Web

A l'initiative de la Commission européenne, un rapport sur l'accessibilité et l'utilisation des systèmes d'information et de communication 121 ( * ) , signale un retard, en France, du nombre d'autorités locales présentes sur Internet : 1 887 pour 2 924 en Allemagne mais 885 au Royaume-Uni ; 137 collectivités locales françaises disposent d'un site Web pour respectivement 355 en Allemagne et 110 au Royaume-Uni.

D'après ce rapport « les autorités locales européennes utilisent ces systèmes pour fournir des services locaux à peu de frais et pour attirer davantage de touristes. Nombre d'entre elles cherchent également à étendre et à consolider leurs activités économiques en entrant en contact avec leurs homologues européennes. Plus de 600 autorités locales disposent déjà d'un site sur le « World Wide Web » pour fournir aux citoyens des informations en temps réel sur les services locaux, les infrastructures et les manifestations et actualités locales, renseignements sur le club de football local, offres spéciales dans les commerces, compte rendu des débats du jour du conseil municipal concernant la nouvelle réglementation du stationnement, annonce d'une exposition à la maison communale, etc. »

Les informations sur les associations, sportives, de parents d'élèves ou autres servent leur développement ; celles sur les décisions du conseil municipal éclairent les citoyens ; les unes et les autres stimulent la démocratie locale. D'autres, publicitaires et économiques, sont utiles aux commerçants, aux hôtels etc.

Ce n'est que le début « d'une prise de conscience » estime la Commission.

Peu de collectivités ont des sites créateurs d'espaces de démocratie locale ou stimulant les débats. La mise à disposition de débats lors des séances de conseil municipal comme des décisions délibérées reste une exception. L'adresse électronique des autorités locales n'est pas un signe de démocratie dynamique suffisant. Inviter à découvrir la ville de Lyon : « en famille, épicurien, amoureux ou businessman », non plus. Informations sur la vie quotidienne, sportive, culturelle, commerciale et surtout touristique témoignent seulement d'une connaissance de ce réseau et de sa possible efficacité.

Avant Internet, Montigny-le-Bretonneux, s'était dotée d'un service Minitel (3615 VILUTIL). Elle a, aujourd'hui, ouvert un serveur Web performant, diffusant, à destination des habitants, de nombreuses informations relatives à la ville (www.mairie-montigny.78.fr).

Athis-Mons propose l'exercice de la « citoyenneté athégienne » 122 ( * ) nouvelle manière, en offrant sur son site sur Internet (www.mairie-athis-mons.fr) un support aux multiples aspects de cette citoyenneté : vie associative, conseil municipal d'enfants, jeunesse, solidarité entre les générations, réunions de quartier, université du temps libre et du citoyen, jumelages. Il informe des liens entre des forums thématiques, ouverts à tous et les préoccupations des habitants. « Les sujets proposés seront en rapport avec vos préoccupations quotidiennes, la vie de nos cités et banlieues, les grandes questions de notre temps. Ils doivent être l'occasion d'échanger des points de vue, de dialoguer, de débattre où de nous enrichir chacun de l'opinion d'autrui » . Le premier thème de l'année 1997 portait sur la question suivante : « Internet peut-il contribuer au progrès social dans une planète ouverte aux échanges ? »

Pour J.-P. BRARD, maire de Montreuil-sous-bois, Internet permet effectivement de faciliter les échanges d'information avec les administrés et d'améliorer les services rendus, « pour mieux impliquer les gens dans la vie collective, accroître les solidarités ».

Outil de communication locale, Internet l'est certes, mais seuls « quelques élus pionniers ont déjà compris tout son intérêt » Annie KAHN 123 ( * ) .

Quelques collectivités locales, Saint-Agrève en Ardèche, Marly-le-Roi, dans les Yvelines, transmettent par courrier électronique leurs documents administratifs aux administrations concernées : gain de temps, économie de frais postaux, réduction des dépenses de déplacement en découlent.

Trop rares sont les collectivités locales où Internet permet un véritable accroissement de la communication accompagné d'un renforcement de la citoyenneté et de la démocratie. Le projet Iperbole à Bologne (Italie), l'expérience de Parthenay sont assez exemplaires pour en justifier une présentation développée, être sujet de réflexion et de débat.

2. Le projet Iperbole

Aux sixièmes rencontres de l'Observatoire des Télécommunications dans la ville, le 28 janvier 1997, Leda GUIDI, responsable municipale à Bologne présente un projet précurseur d'usages des multimédia dans des cités interactives: « les collectivités locales doivent soutenir et promouvoir la société de l'information. Il s'agit clairement d'une volonté politique. La société de l'information ne doit pas être abandonnée aux seules règles du marché ». En 1993, la ville de Bologne et l'agglomération ont fait leur ce projet Iperbole .

Traditionnellement active dans le secteur de la communication entre les administrations et la société civile, la ville a mis en place un « réseau citoyen afin de fournir à tous un accès gratuit à plusieurs services Internet : courrier électronique, groupes de discussion, services d'information sur la ville et ses partenaires.» A ceux-ci, s'ajoute une liaison des administrations publiques (sécurité publique, préfecture, province d'Emilie-Romagne, Parlement, ministères...) et des services d'intérêt public (poste, pompes funèbres...).

Les informations proposées par la ville sont variées ; elles traduisent la volonté de la municipalité de considérer l'information comme « la condition essentielle pour assurer la participation des citoyens à la vie sociale et politique » , elles sont souvent relatives à la vie de la cité (statistiques sur la ville, actes et décisions...) et à son organisation administrative (service de l'immigration, services municipaux....).

Il est possible de répondre à un appel d'offres en ligne concernant des projets en cours.

Le public est invité, avec insistance, à participer aux activités institutionnelles.

Ces initiatives sont le résultat d'une politique engagée de longue date; elle cherche à associer la population aux décisions ; si les référendums consultatifs ou d'initiative populaire ne sont pas propres à l'âge informatique, la mise en réseau favorise l'expression des citoyens : l'organisation en devient plus simple, la réponse plus rapide que par le vote classique.

L'administration de la ville a réorganisé et connecté 120 bureaux ou services de la mairie. 500 adresses électroniques sur le réseau permettent aux habitants d'entrer directement en relation avec les agents des services municipaux, avec les partenaires du projet métropolitain ; les responsables consultés sont tenus de rendre réponse immédiatement : éviter une longue attente habituelle est une intéressante conséquence de l'usage du réseau.

50 points de consultation et d'interrogation des services de la mairie ont été installés dans plusieurs sites publics, comme la bibliothèque, les centres de la jeunesse...leurs animateurs sont en capacité de faciliter l'usage des nouvelles techniques aux moins initiés. Des points de consultation vont être installés dans les maisons pour personnes âgées.

Après deux années de fonctionnement, le bilan est positif : environ 7.000 usagers individuels et 700 organisations publiques à but non lucratif utilisent ces services municipaux de connexion ; 2 à 4 millions de francs ont été dépensés pour la création des points d'accès à des services Internet.

Le réseau Iperbole semble contribuer à l'amélioration de la cohésion sociale, à la diffusion des connaissances et à l'augmentation de la participation des habitants à la vie collective de la cité et de l'agglomération.

3. La cité numérique de Parthenay

Deux objectifs principaux sont à l'origine de ce projet :

- créer les conditions, puis les habitudes d'une démocratie participative et organiser un réseau entre Aredo (Espagne), Weinstad et Torgau (Allemagne) ;

- inciter des industriels à s'installer dans des agglomérations de taille moyenne ;

Des initiatives ont été prises dès 1994 :

- Les petites et moyennes villes sont des lieux de vie décloisonnés, « l'anonymat n'y a pas de droit de cité » ; toute une population peut participer à des activités diverses (travail, vie civique, associative, éducative etc..) Bref, ce sont des lieux d'expérimentation bien supérieur aux villes importantes, aux métropoles. L'inventivité est plus fréquente : des projets, inattendus émergent, d'autres convergent entre eux, enrichissent et diversifient les initiatives premières.

- La prise en compte d'une demande sociale révélatrice des « besoins » des habitants fournit un moyen dynamique de les transformer en « co-créateurs de services » et d'éviter qu'ils ne restent « des consommateurs-cobayes ». Chaque habitant, par choix, peut « s'approprier » l'usage de ces nouvelles techniques en adéquation avec ses centres d'intérêts et ses compétences (activités professionnelles, sociales, culturelles, sportives et autres, activités post et périscolaires, organisation des loisirs, protection de la santé etc..).

Parthenay, « ville numérisée », est un véritable laboratoire en matière de technologies de l'information au service des citoyens. Michel HERVÉ, maire de Parthenay voudrait « que les citoyens soient des acteurs créatifs de la ville. Cela est d'autant plus nécessaire dans une commune rurale en risque de désertification. Mais, pour favoriser la créativité, il faut favoriser la diversité des rencontres pour associer les compétences. Avec Internet, les possibilités de rencontres sont démultipliées dans l'espace, mais aussi dans le temps, grâce à l'accumulation des savoirs disponibles sur le réseau. Les réseaux servent aussi à pallier le déficit d'information de proximité nécessaire pour que les gens deviennent acteurs de la vie locale, qu'ils aient l'esprit d'initiative et d'entreprise . » 124 ( * )

L'ambition du projet consiste à provoquer l'avènement d'un citoyen autoproducteur de biens dont il souhaite être autoconsommateur.

Cet apprentissage de « citoyenneté active » s'accompagne de l'acquisition du sens « des responsabilités » à l'occasion des confrontations et contradictions à la recherche d'un consensus, éventuellement avec le recours à un médiateur.

La citoyenneté de chacun participe de l'existence d'une conscience collective construite localement (au niveau du quartier puis de la commune) ; sa pratique s'étend à la dimension du globe. Les NTIC aident les citoyens à devenir plus critiques, plus avisés : « il appartient à la puissance publique, en l'espèce l'équipe municipale, de créer des espaces de création ainsi que des situations de crise, y compris au détriment des élus. Les NTIC permettent d'accélérer ce processus, elles ne le créent pas. En revanche, il est certain qu'elles favorisent la recherche d'informations nécessaires à l'émergence d'un projet et, par conséquent, en mise en oeuvre d'une citoyenneté participative. » (M. Hervé).

Fondée sur des initiatives proposées par des habitants, cette citoyenneté ne s'inscrit pas dans un concept de démocratie participative et encore moins directe, ni n'en préjuge. Interrogé, lors d'une visite à Parthenay, Michel HERVÉ exclut une participation directe des habitants aux travaux du conseil municipal. En revanche, chaque élu, dans son domaine d'attribution, et le maire, doivent faire connaître leurs projets et préoccupations.

Une « contestation démocratique » semble se développer plus spontanément que par le passé ; la municipalité ne peut plus agir sans avoir connaissances des réactions sur un projet ; il est plus facile d'adresser un message de protestation par courrier électronique que de rédiger une lettre et de l'envoyer par la poste. Chaque élu devient le porte-parole des préoccupations exprimées par le relais d'associations. De la confrontation des différents intérêts émerge un projet fédérateur.

Les initiatives prises à Parthenay s'appuient sur un équipement performant et facile d'accès. Les « espaces numérisés », salles équipées d'ordinateurs et ouvertes à tous, permettent la familiarisation aux réseaux avec l'aide d'intervenants compétents; les jeunes ne sont pas seuls à fréquenter ces espaces : personnes à la recherche d'un emploi, habitants ayant un projet à présenter ou curieux de connaître ceux des autres, quel que soit leur âge, personnes âgées en quête de voyage ou de partenaires de jeux ou de bavardage, enfants des écoles constituent également des publics utilisateurs et intéressés.

La mairie prend en charge le rôle de fournisseur d'accès : les habitants qui veulent se connecter au réseau n'ont pas à payer d'abonnement à un « provider ». Ils accèdent gratuitement au réseau. Le public peut trouver des aides auprès d'animateurs communaux ; la municipalité favorise aussi l'équipement des foyers en ordinateurs à prix modéré obtenu par négociations avec fabricants d'appareils comme des communications. 10 % de la population possède un ordinateur, un modem, une boîte aux lettres électronique ; 30 % sont passés au moins une fois dans l'un des espaces numérisés.

Dans l'un des espaces numérisés, six micro-ordinateurs sont dédiés à des travaux de longue haleine : frappe de mémoire d'étudiant, par exemple. Les enfants des écoles viennent, pendant le temps scolaire, s'initier aux NTIC bien que tous les établissements scolaires de la ville disposent d'ordinateurs et de modems. Une salle est mise à leur disposition par la mairie ; la MAFPEN détache un formateur pour aider à leur formation et, surtout, à celle des enseignants.

Malgré une réticence initiale des acteurs sociaux (l'inconnu des conséquences du projet, crainte de perte de pouvoir sur l'usager) les demandes d'échanges de savoirs et de savoir-faire ont rapidement augmenté : demandes de formation en informatique et en anglais sont un signe de l'appropriation des outils par la population.

L'établissement de liens intergénérations atténue les conséquences d'isolement, notamment celui des personnes dites du troisième âge. Des rencontres annoncées sur l' in-town net , réseau local, sur des thèmes divers et ordinaires (cuisine, jeux...) sont l'occasion d'échanges de savoir-faire dans l'espace numérisé situé en centre ville. Vient qui veut ; le lien se crée et le dialogue se noue.

Ce projet dépasse la seule ville de Parthenay ; de multiples activités sont mises en place avec un Intranet pour les entreprises, un autre dédié au monde agricole, un troisième, en projet, relatif au secteur santé.

Parthenay représente un exemple réussi d'utilisation des NTIC lié plus à la demande sociale qu'aux incitations du « marché ». Il est dû à la participation financière initiale de la commune et au soutien financier de l'Union européenne ; la volonté déterminée d'un homme et d'une équipe municipale de développer une démocratie active locale est essentielle et déterminante.

Depuis 1995, un consortium européen associe les quatre villes « partenaires en informatisation » avec des grands groupes industriels européens et des équipes de chercheurs en sciences sociales.

Deux projets ont été retenus par l'Union européenne METASA 125 ( * ) financé pour partie par la DG XIII, MIND pour partie par la DG III.

Plus récemment, « Parthenay - ville numérisée » a obtenu le label « expérimentation d'intérêt public » attribué par le comité interministériel des autoroutes de l'information et services de l'information sur proposition du Ministre François FILLON.

Parthenay contribue à l'élaboration d'une stratégie régionale de coopération en matière de NTIC au sein du projet SERISE 126 ( * ) . Au même titre que la région Poitou-Charentes, le département de la Charente, le département de la Charente-Maritime, le département de la Vienne et le département des Deux-Sèvres, Parthenay fait partie du comité de pilotage régional.

4. La télévision interactive à Issy-les-Moulineaux

« Les nouvelles technologies doivent développer des outils de démocratie locale et contribuer à réduire les inégalités. C'est la mission de tout élu d'éviter la création d'une nouvelle inégalité entre les cyber-branchés et les autres... La télévision interactive, qui est une expérience récente, permet de montrer le déroulement des séances du conseil municipal et de renforcer le dialogue avec la ville puisque les administrés peuvent poser les questions en direct ».

Cette déclaration faite par M. A. SANTINI, député-maire d'Issy-les-Moulineaux à l'ouverture des « Sixièmes rencontres de l'Observatoire des Télécommunications dans la ville » a été suivie d'une application en grandeur nature le jeudi 23 janvier 1997.

A 18 heures, les citoyens d'Issy-le-Moulineaux des 5 000 foyers de la ville reliés au réseau câblé peuvent suivre, de chez eux, la séance du conseil municipal ; elle est retransmise depuis la salle multimédia de l'Hôtel de ville, salle inaugurée en 1994 et dotée de trois caméras motorisées ; la discussion porte sur l'établissement du budget de la commune : une interruption de séance permet de donner la parole, de chez eux, à qui souhaite la prendre ; chacun peut donner son avis soit en utilisant une numéro vert spécialement mis en place, soit par Internet, la mairie disposant d'un site.

Après cette expérience, le maire en présente les difficultés de réalisation et les résultats enregistrés : « pour mettre en place le système de conseil municipal en public, nous avons dû obtenir une autorisation du CSA. France Télécom a accepté de retransmettre le premier conseil et Plein Câble a pris en charge les relations avec la régie. Nous avons reçu 216 appels. 86 % des personnes ont jugé l'expérience satisfaisante ou très satisfaisante et 98 % ont souhaité qu'elle continue. L'émission a été très suivie et les personnes étaient véritablement passionnées et heureuses de découvrir le fonctionnement du conseil. Cette télévision interactive permet d'une part de restaurer l'image du politique, et d'autre part de produire un débat de qualité » 127 ( * ) .

La retransmission des conseils municipaux pose plusieurs questions :

- un minutage très précis des débats imposé par le créneau télévisuel ne risque-t-il pas de porter préjudice à l'expression des conseillers et plus particulièrement des minoritaires ?

- ne peuvent intervenir que les habitants disposant des équipements nécessaires et d'une relative habitude de leur usage, d'une aptitude à prendre la parole. Les inégalités sont-elles réduites ou accrues? Tous les foyers n'étant pas équipés, ne risque-t-on pas une nouvelle discrimination entre citoyens et, finalement, de ne servir qu'à la promotion de l'équipe en place ?

- les différences de qualité et de capacité des équipements peuvent être à l'origine de différences de participation. Faudrait-il, est-ce possible, standardiser ceux-ci ?

- le conseil municipal ne risque-t-il pas de se déterminer en fonction de la réaction majoritaire observée en cours de mandat ?

Cette expérience, incontestablement innovante, met en évidence des interrogations qui, progressivement, concerneront l'ensemble des collectivités, quelle que soit leur taille : la démocratie directe contribue-t-elle véritablement à l'expression des citoyens ? La suppression d'échelons de représentation ne conduit-elle pas à renforcer le pouvoir central par le biais d'un rapport direct entre la contestation et une autorité décisionnelle quelle qu'elle soit : maire, président de conseil général, président de conseil régional, président de structure de coopération intercommunale, Président de la République ?

La version vertueuse de l'expression directe des citoyens interrogés par NTIC, permettrait, selon certains observateurs, de dégager des orientations consensuelles : les causes d'un déficit budgétaire soumises au peuple, par Internet, par exemple, lui donneraient l'occasion de choisir les postes d'économies ; par interactions successives, l'équilibre budgétaire serait rétabli.

La version plus pessimiste des conséquences d'un tel processus concerne l'exemple des meurtres d'enfants. Face à un tel drame, tous les responsables seraient à coup sûr submergés de messages réclamant le rétablissement de la peine de mort pour les meurtriers.

Entre ces deux extrêmes, l'utilisation des NTIC pour l'expression citoyenne est sans doute difficile à définir.

5. Internet et les administrations

Les administrations d'État ont créé des réseaux Intranet entre elles ; les ministères ont ouvert des sites sur Internet.

Une volonté d'harmonisation des initiatives s'est récemment manifestée :

- la prochaine édition de l'annuaire de l'Administration française, comportera les adresses électroniques des différents services qui en sont dotés ;

- les services du Premier ministre, devraient être réorganisés à l'occasion d'une réforme globale de l'organisation de l'État. Un arrêté du 20 février 1997 créant un site du Premier Ministre sur Internet en précise les objectifs ;

- simplification de la communication, de l'accès à l'information et à la documentation des services de l'État sur les nouveaux réseaux de télécommunications...

Ont été retenues :

- la diffusion au titre de la communication gouvernementale : informations sur la composition du gouvernement et des cabinets, les agendas ministériels, les nominations en conseil des ministres ;

- l'ouverture d'un espace de discussion pour les utilisateurs du site sur des thèmes d'intérêt général ;

- la possibilité offerte aux utilisateurs du site d'adresser un message au Premier ministre ou à ses services par courrier électronique ;

- l'organisation des jeux concours « juniors ».

Un arrêté du 16 mai 1997 portant modèle type de traitements d'informations nominatives mis en oeuvre dans le cadre d'un site Internet ministériel comporte les mêmes dispositions pour les sites Internet créés par les ministères.

La plupart des ministères disposent d'un site sur Internet. Outre différentes informations relatives au ministre (dans le cas de Matignon sous Alain JUPPÉ, le site comportait une séquence vidéo du Premier ministre en vacances dans les Landes !) et à l'organisation du ministère, les sites fournissent une documentation administrative et un espace de discussion. Le 3 juin 1997, le site du Premier ministre proposait encore cinq forums, dont l'un était consacré à la vie démocratique : qu'est-ce que la citoyenneté aujourd'hui ?

Ces initiatives restent insuffisantes et l'information disponible peu abondante.

Aucun site gouvernemental ne propose le journal officiel en ligne (nul n'est sensé ignorer la loi).

Le site de la Documentation Française ne permet pas de disposer des informations contenues dans la base Logos, (un ensemble composé à la fois d'articles de presse, de transcriptions d'émissions de radio ou de télévision , de discours d'hommes politiques, de responsables syndicaux ou professionnels).

Gratuité d'accès aux services et aux documents, pratique d'une culture de la transparence, ne sont pas encore dans les moeurs et peuvent expliquer le peu d'impact de ces initiatives.

6. Internet et les élections législatives

Les dernières élections législatives ont fait découvrir l'existence d'Internet aux partis politiques.

La plupart des partis politiques disposent d'un site de présentation sur Internet. Quelques-uns ont eu le souci de dépasser la simple carte de visite pour fournir des indications sur leurs positions politiques de fond. En revanche, aucun ne propose de forum de discussion ni de réflexions sur quelques grands thèmes de société comme les NTIC. Sollicités par courrier avec envoi de l'étude de faisabilité agréée par l'Office parlementaire, aucune réponse utile n'a été faite. J'ai eu un seul entretien avec un représentant d'un parti politique, Mme Odile LEPERRE-VERRIER, au nom du Parti Radical Socialiste. Elle m'a fait part de ses réflexions : « l'école doit donner aux élèves une véritable initiation à l'instruction civique. Cette culture de base est fondamentale, elle permettra d'accompagner les mutations provoquées dans le domaine de la citoyenneté, par le développement de la société de l'information » [...] « Les NTIC ne sont pas un axe de réflexion majeur des partis politiques ».

Un autre parti, l'Union pour la démocratie française, a transmis la plate-forme d'union UDF-RPR, avec une seule mention relative à la société de l'information : il faudrait « diffuser des technologies de pointe à tous les Français, en particulier en donnant à tous les élèves une formation à l'utilisation d'Internet et du multimédia ».

Pendant la campagne, Internet et les outils uni- ou multimédias ont été négligés. Le quotidien La Tribune a relevé cette carence d'usage : « Les partis politiques sont passés à côté d'Internet » , avec, comme intitulé du billet journalistique : « Match (très) nul ».

Des interviews recueillis sur le site Digipresse permettent d'avoir connaissance des utilisations de site par des responsables politiques :

INTERWIEWS RECUEILLIES SUR LE SITE DIGIPRESSE

La rédaction de Digipresse (actualités et reportages électroniques) présente une série d'interviews de petits et grands candidats interrogés exclusivement sur leurs vues concernant les nouvelles technologies.

D'autre part, elle organise un « vote » en ligne.

1. Front national (Guillaume VICQUET)

Pourquoi un Web pour le FN ?

Nous utilisons Internet pour lutter contre le boycott médiatique dont est victime le Front National

Internet est-il intéressant pour le FN ?

Internet est l'occasion pour nous d'avoir une vitrine internationale.

2. Génération écologie (Bruno WALTHER)

Pratiquez-vous les nouvelles technologies ?

Les nouvelles technologies sont une technologie propre qui démontrent que les avancées technologiques peuvent être du côté de l'environnement. Et c'est surtout un média libertaire ou la liberté règne en maître et c'est donc un média sur lequel les écologistes se sentent à l'aise.

J'utilise régulièrement Internet et j'utilise le Web, les systèmes de messageries et de chats-forums deux à trois heures par jour.

Pourquoi GE défend Mygale ?

Génération Ecologie a soutenu Mygale car Mygale était un espace de liberté sur le Web francophone. Le Web francophone est un peu parasité par la publicité, par la médiocrité des sites qui l'entourent. Donc on ne pouvait que soutenir Mygale d'autant que Mygale répondait aux attentes d'un service public que l'Éducation nationale se doit d'offrir à ses étudiants .

3. Parti socialiste (Dominique STRAUSS-KHAN)

Croyez-vous à l'Internet pour tous ?

On n'arrivera pas à quelque chose de sérieux tant qu'il n'y aura pas aux postes de responsabilités des gens directement immergés dans les nouvelles technologies. Jacques CHIRAC a beau parler de l'Internet pour tous à l'école, l'épisode de la souris a fait rire la planète entière, alors au delà de la plaisanterie, ce qui est important, c'est qu'on se rend compte que ce n'est pas son monde. Je parle de lui parce que vous l'évoquez, mais ce serait vrai pour d'autres hommes politiques de gauche de la même manière. De ce côté là, la droite et la gauche sont au même niveau. Mais le vrai problème, c'est que l'on ne peut pas aujourd'hui comprendre la monde dans lequel on est, surtout le monde dans lequel on sera dans 5 ans dans 10 ans, si on n'a pas une pratique courante, pas obligatoirement de la technologie au sens le plus fin (on ne demande pas à l'homme politique d'être au courant des derniers algorithmes de compression). En revanche, il faut qu'il ait une compétence suffisante, une pratique suffisante pour que cela illustre pour lui en quoi la vie change et en quoi ce qui est en train de se passer va changer la vie de demain. Alors, ce n'est pas un problème de slogan sur la démocratisation, tout ça c'est très gentil, il faut la démocratisation mais c'est du baratin. Il faut qu'un maximum de gens soient immergés dans une culture du silicium, une culture du digital.

Évangélisez-vous vos collègues ?

Il faut faire de la propagande auprès des collègues, il faut petit à petit arriver à leur montrer ce que cela veut dire. On sait aussi que c'est très difficile à partir d'un certain âge de changer son mode de pensée. C'est un mode de pensée qui est différent. Ce n'est pas simplement l'utilisation d'un stylo bille qui marcherait plus vite. Cela veut dire que la nouvelle génération politique, qui comme moi a été formée à l'école sur des vieux IBM 360, que celle-ci soit capable de comprendre que le message ne doit pas être un message politique traditionnel. C'est aussi ce message sur non pas l'entrée de la France mais la place de la France dans un monde qui demain sera entièrement un monde digital.

4. UDF (André SANTINI)

Internet et vous ?

Je suis le phénomène Internet depuis de très nombreuses années et j'ai décidé d'investir ma mairie dans ce secteur car je crois que l'élu local est très bien placé pour apprivoiser les nouvelles technologies et faire en sorte que les gens deviennent à leur tour convaincus. Le retard, de la France est considérable, on est à 15 PC en moyenne, alors qu'en Allemagne on est à 30 et aux États-Unis on est à 46. A Issy-les-Moulineaux, on est déjà à 40. Depuis les efforts déployés, les gens ont adhéré. L'autre jour, quelqu'un m'a dit « mais Monsieur le Maire, ça coûte cher un PC », je lui ai dit « Oui Madame, vous avez raison ». Et à côté de moi, il y avait un jeune internaute qui lui a dit « Madame, combien avez-vous payé le dernier scooter pour votre fils, c'est le prix d'un ordinateur et au bout de combien de temps, il se l'ai fait voler? ». Aujourd'hui, les gens devront choisir entre un scooter et un PC. Les élus locaux, eux, doivent mettre à la disposition des gens des accès Internet dans la médiathèque, dans l'espace jeunes pour la rédaction des CV, pour la recherche de stages et d'emplois. Dans les écoles, nous avons déjà ici quatre écoles équipées. Et nous allons continuer, puisque toutes les écoles d'Issy-les-Moulineaux seront équipés d'ici 98. J'ai commencé par les écoles les plus défavorisées car la nouvelle fracture sociale sera entre les élites cyber-branchées et les SDF du multimédia. En direction des familles immigrées par exemple, la médiathèque est un outil formidable car elle est ouverte le samedi et le dimanche. Ça commence comme ça l'intégration. Donc je crois que les élus locaux sont vraiment très bien placés. C'est valable pour les écoles mais aussi les collèges et les lycées.

Quel modèle proposez-vous ?

L'organisme américain, le FCC (ndlr: Commission Fédérale pour la Consommation) vient de proposer l'instauration d'une taxe sur les abonnements téléphoniques pour financer l'équipement en Internet de toutes les classes et de toutes les bibliothèques américaines. Vous croyez que nous intellectuellement, on est prêt à cela?

5. Parti communiste français (Michel LAURENT)

Participez-vous à des newsgroups ?

Oui, j'y participe notamment à celui du parti communiste mais aussi à d'autres forums de discussion sur Internet. De toute façon, je suis quelqu'un qui m'intéresse à toutes les nouvelles technologies et j'ai un ordinateur chez moi en plus du travail que j'effectue ici.

La démocratisation de l'Internet ?

Il y a des choses qui dépendent de nous et il y a des choses qui ne dépendent pas de nous. Ce qui ne dépend pas de nous c'est de permettre à tout un chacun d'avoir la formation, d'avoir le matériel, de s'acheter un ordinateur personnel etc. Pour ce qui est de notre responsabilité de « serveur ». Nous avons fait le choix d'un serveur de qualité mais qui soit accessible avec des moyens informatiques pas limités mais moyens, pour que le plus grand nombre puisse y accéder. Nous avons privilégié l'écrit, les textes courts, la simplification dans les images mais nous donnons toute l'information. Nous donnons tout le contenu de « Regards », tout le contenu de « l'Humanité ». Et nous allons mettre derrière un moteur de recherche qui va permettre de lire les textes du parti communiste et des journaux communistes en les trouvant par mots-clé.

6. Les Verts (Yves COCHET)

Votre pratique de l'Internet ?

Je suis informaticien depuis 15 ans et puis aussi à titre militant. Les Verts ont vraiment fait un effort en ouvrant une quinzaine de boîtes aux lettres électroniques voila un an et demi, puis un site Web, il y a un an. Et on utilise ses outils aussi bien vers l'extérieur qu'en interne pour échanger des informations, des documents, aussi bien d'ailleurs sons, images, textes. D'ailleurs pour les professions de foi à l'occasion de ces législatives, on a échangé des images, des photos, des textes, pour fabriquer notre journal « le Vert Contact ».

Préconisez-vous l'Internet ?

Nous le préconisons comme un outil de travail beaucoup plus rapide et efficace que le fax, le courrier postal et même le téléphone. Comme on est très informatisé depuis longtemps, ici par exemple, on a un réseau local au siège national et la plupart de nos machines sont maintenant on-line et on utilise à la fois notre site et tous les courriers électroniques que l'on a. On a plusieurs adresses évidemment, en relation avec nos régions, de telle façon que cela rendra plus efficace et productif notre travail militant et politique.

Il faut avoir la foi du charbonnier de l'Association des Utilisateurs d'Internet pour proposer un questionnaire sur Internet dans le cadre de la campagne pour les élections législatives. Pourtant, les questions méritent qu'on s'y attarde, car elles constituent un enjeu fondamental pour l'avenir 128 ( * ) . Le questionnaire s'ouvre sur une interrogation sur les enjeux politiques et sociétaux d'Internet : « Pensez-vous qu'Internet puisse avoir un impact important, à terme, sur les rapports entre les personnes, sur les rapports entre les administrés et l'administration, et enfin, sur l'exercice même de la démocratie ? »

Personne n'a eu idée ou audace d'avoir recours au logiciel EFS « d'accès à l'information et de recherche documentaire » plus connu sur le logiciel « de la chasse au mensonge » ; il a été utilisé largement par Tony BLAIR et John MAJOR :

« Grâce à cet outil, l'exploration de dizaines de milliers de pages de texte en fonction d'un besoin précis ne prend que quelques secondes. Ainsi, la réaction à la déclaration d'un candidat devient une affaire de minutes. Son adversaire peut découvrir la citation datant de plusieurs années ou le chiffre exact qui prend l'homme politique en défaut. Et cela avec une redoutable précision. De quoi chasser du débat électoral toute tentation de tricher avec l'implacable vérité » 129 ( * ) .

* 116 François Henri de Virieu, Le Monde, 12 juin 1997.

* 117 Guy Hermet, La Démocratie, op. cit.

* 118 In la Mondialisation de la communication, op. cit.

* 119 Guy Hermet, la Démocratie, op. cit.

* 120 François Henri de Virieu, Le Monde , article cité.

* 121 La société de l'information et la population.

* 122 Les habitants d'Athis-Mons sont les Athégiens.

* 123 Un outil au service des citoyens, Le Monde , jeudi 23 janvier 1997.

* 124 Le Monde, Dimanche 8-Lundi 9 décembre 1996.

* 125 Multimedia European Experimental Towns with Social-pull Approach.

* 126 Stratégie Européenne et Régionale pour l'Information dans la Société et l'économie.

* 127 Les Sixièmes rencontres de l'Observatoire des télécommunications dans la ville, in « Multimédia dans les cités interactives. Les Actes ».

* 128 L'intégralité du questionnaire figure en annexe.

* 129 Michel Albertganti Le Monde, Samedi 26 avril 1997.

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