D/ Les rejets gazeux

Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler de déchets, ce rapport ne saurait passer sous silence le problème du rejet de tritium sous forme gazeuse par les installations de la DAM.

C'est en effet la question qui préoccupe les populations proches de ces installations même si elle n'est pas spécifique aux installations militaires, les usines de retraitement étant également de plus en plus souvent mises en cause pour l'importance de leurs rejets de tritium.

Comme cela a été souligné précédemment, les déchets tritiés ont la particularité de produire, de façon continue, des effluents gazeux et le tritium gazeux a naturellement tendance à se transformer à son tour en eau tritiée, qui va contaminer l'environnement proche de la source d'émission. Il s'agit d'un phénomène physique contre lequel on ne peut rien faire, la seule solution étant de se doter d'équipements permettant de confiner le tritium sous toutes ses formes, gazeuses ou liquides.

Les installations de la DAM que nous avons visitées sont toutes équipées de barrières multiples destinées à piéger le tritium à l'intérieur du système de production ou de retraitement, et des efforts certains ont été entrepris par les responsables de la DAM pour limiter au maximum les rejets de gaz tritiés mais, selon les termes mêmes d'un de ces responsables : "On ne peut échapper aux rejets de tritium."

Les pouvoirs publics ont pris en compte cette impossibilité d'assurer un confinement total et ont par voie de conséquence autorisé, dans certaines limites, les rejets d'effluents radioactifs gazeux.

Ainsi pour le centre d'étude de Bruyères-le-Châtel, dans la région parisienne, dont les activités sont en voie de transfert à Valduc, l'arrêté du 3 mai 1995 prévoit que "l'activité annuelle des effluents gazeux rejetés par l'ensemble des installations ne doit pas dépasser 1 850 Térabecquerels (50 Kilocuries) pour le tritium" . 22 ( * )

Ces rejets ne doivent pas comporter d'émetteurs alpha et l'arrêté décrit avec précision les équipements dont doit se doter le centre ainsi que les procédures de contrôle qui doivent être mises en oeuvre.

Pour le centre de Valduc, un arrêté, également du 3 mai 1995, prévoit que "l'activité annuelle des effluents radioactifs gazeux rejetés par l'ensemble des installations du centre ne doit pas dépasser :

1 850 Térabecquerels (50 Kilocuries) pour le tritium,

40 Térabecquerels (1 Kilocurie) pour les gaz autres que le tritium,

750 Mégabecquerels (20 Millicuries) pour les halogènes gazeux et les aérosols,

75 Mégabecquerels (2 Millicuries) pour les radioéléments émetteurs alpha" . 23 ( * )

Contrairement au centre de Bruyères-le-Châtel dont les installations nucléaires sont en cours de démantèlement, le centre de Valduc, qui est lui en pleine activité, a été autorisé à rejeter sous forme gazeuse quelques émetteurs alpha, les quantités sont certes minimes mais les effets des émetteurs alpha sur la santé humaine sont beaucoup plus graves que ceux du tritium.

Bien entendu, les limites imposées par ces deux décrets doivent être considérées comme un maximum qu'il faut s'efforcer de ne pas atteindre, l'activité rejetée devant rester toujours aussi basse que possible.

Le tableau ci-après 24 ( * ) montre bien qu'heureusement, les rejets effectifs restent bien en deçà des limites autorisées, en moyenne moins de 30 % des autorisations.

La DAM s'est engagée à réduire d'un facteur 2 les rejets atmosphériques de tritium du centre de Valduc d'ici l'an 2000 par rapport aux valeurs constatées en 1995, en passant de 21 600 à 10 800 Curies par an.

La question primordiale est de savoir si ces rejets gazeux, aussi faibles soient-ils, vont avoir un impact sur l'environnement et par voie de conséquence sur la santé humaine.

Les décrets du 3 mai 1995 relatifs aux rejets des centres de Bruyères-le-Châtel et de Valduc prévoient, avec un grand luxe de détails, les conditions dans lesquelles doit se faire la surveillance de l'environnement.

Le point le plus intéressant dans cet ensemble de mesures, c'est que l'Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI) a compétence pour définir les conditions dans lesquelles s'exerceront les contrôles. Si la surveillance est assurée par l'exploitant lui-même, elle s'exerce toutefois dans le cadre d'un programme réglementé et contrôlé par l'OPRI en conformité avec les autorisations fixées par un arrêté pour chacun des centres, et cela malgré le fait que ces installations soient classées Installations Nucléaires de Base-Secrètes (INB-S) et qu'elles échappent théoriquement aux procédures applicables aux simples INB civiles.

Créé par un décret du 19 juillet 1994, l'OPRI, qui succède à l'ancien SCPRI, comme l'avait demandé à de multiples reprises l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du ministre de la Santé et du ministre du Travail. Cet organisme est chargé de toutes les missions d'expertise, de surveillance et de contrôle propres à assurer la protection des populations contre les rayonnements ionisants.

Face à des campagnes d'insinuations qui cherchent à déstabiliser l'OPRI et à jeter la suspicion sur la sincérité de ses travaux, votre rapporteur tient à réaffirmer que, jusqu'à preuve du contraire, il accorde toute sa confiance aux dirigeants et aux personnels de l'OPRI pour faire passer les impératifs de santé publique et de protection des populations avant toute autre considération.

Pour chacun des sites, le programme de surveillance mis en oeuvre par les responsables du centre sous le contrôle de l'OPRI comprend la surveillance :

- de l'atmosphère,

- des eaux de surface et des eaux réceptrices,

- de la végétation,

- du lait recueilli dans les fermes voisines.

En cas de besoin, ces analyses de routine peuvent être complétées par des mesures plus fines ou portant sur d'autres composantes de l'environnement.

Pour un centre comme celui de Valduc où sont désormais regroupées la majeure partie des activités de la DAM, les résultats en 1996 étaient les suivants :

Pour le tritium :

1996

Comparaison avec 1992

Eaux de surface
(en Becquerels par litre)

99

122

Eaux réceptrices
(en Becquerels par litre)

sans objet

300

Végétation (herbes, thym,
salade, en Becquerels par kg)

26

45

Lait
(en Becquerels par litre)

64

91

Le principal radionucléide détecté au voisinage du centre de Valduc, comme d'ailleurs autour de celui de Bruyères-le-Châtel, est le tritium, mais le niveau moyen de contamination des quatre éléments analysés décroît régulièrement au fil des années.

Si les données relatives à la présence de tritium dans les eaux réceptrices du centre de Valduc sont considérées comme sans objet, c'est que ce centre n'a pas d'autorisation de rejets d'effluents radioactifs liquides.

Comme nous avons pu le constater, un très gros effort a été réalisé à Valduc pour éviter tout rejet d'eau contaminée ou non à l'extérieur du périmètre surveillé. Deux réseaux traitant séparément les eaux contaminées et les eaux usées des bâtiments non nucléaires ont été mis en place. Les eaux susceptibles d'être contaminées sont envoyées vers des installations de retraitement, où les éléments actifs sont récupérés sous forme de boues alors que les eaux restantes sont évaporées. Les eaux d'usage commun après traitement dans une station biologique classique sont envoyées dans cinq bassins d'épandage successifs, où elles s'évaporent peu à peu. Il faut toutefois noter que les déchets gazeux qui retombent sous forme d'eau tritiée contaminent légèrement l'eau de ces bassins, de l'ordre de 300 Becquerels par litre, les eaux de pluie pouvant parfois atteindre un niveau de 10 000 Becquerels par litre.

Il y a quelque temps, une polémique avait commencé à se développer au sujet d'une prétendue décharge secrète de déchets radioactifs située à Pontailler en Côte-d'Or. Renseignements pris, il est exact que 74 tonnes de boues contaminées par différents radionucléides (Pu, Am, U...) provenant des anciens bassins de décantation de Valduc ont été déversées en 1987 dans une décharge de classe 1. Cette opération avait été autorisée par le SCPRI car elle ne concernait que des effluents très légèrement contaminés (10 Becquerels par gramme au maximum).

La décharge de Pontailler n'a rien de secret puisqu'elle figure à la page 71 de l'inventaire de l'ANDRA (édition 1997) avec la mention : "74 tonnes de boues déposées en 1987 qui contiennent des traces d'uranium et de transuraniens (< 10 Becquerels par gramme)" . En décembre 1992 et en mars 1995, des contrôles radiologiques ont conclu qu' "il n'y avait pas de contamination observée" . Ces deux contrôles ont été effectués, non pas par des services officiels dépendants de la DAM, mais par la CRII-RAD.

* 22 Arrêté du 3 mai 1995, Journal Officiel n° 111 du 12 mai 1995, page 8001.

* 23 Arrêté du 3 mai 1995, Journal Officiel n° 111 du 12 mai 1995, page 8000.

* 24 Bilan 1996 du contrôle des rejets et surveillance de l'environnement des centres du CEA, CEA Direction centrale de la sécurité

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