3. Les assurances mutuelles

Nulle part en Europe le rôle que jouent les mutuelles d'assurance sans intermédiaires dans la distribution des produits d'assurance dommage n'est aussi élevé qu'en France 195( * ) , qui est pratiquement le seul pays où elles se soient développées à l'échelle nationale (voir tableau 59). En Belgique cependant, la société d'assurance mutuelle SMAP détient 16 % du marché en assurances dommages et se situe au 2 e ou 3 e rang selon les années. Sa part de marché en assurance-vie est également très élevée, et se situe à 25 %. En Allemagne, leur rôle est faible.

En matière de distribution, dans la plupart des pays européens, les mutuelles d'assurance ne se distinguent pas des autres acteurs puisqu'elles s'appuient elles aussi sur des réseaux d'agents généraux, de courtiers, des accords de bancassurance ou d'autres accords sur les nouveaux canaux de distribution, à l'instar en France de ce que font les mutuelles avec intermédiaires que sont les SAM affiliées à la ROAM.

En revanche, outre-Atlantique, comme le montre le tableau suivant, les mutuelles d'assurance sans intermédiaires jouent un rôle important, également dans le domaine du risque industriel. Il existe en effet aux Etats-Unis trois grandes mutuelles industrielles (Arkwright, Hartford Steamboiler, Allendale) qui opèrent à l'échelle nationale et sans intermédiaires, alors qu'elles opèrent avec intermédiaires en Europe où elles sont également présentes, notamment en France, en raison de la qualité de leurs noms et de celle de leurs services d'ingénierie de sécurité (the " Factory Mutual System "). Cela peut montrer que l'avantage donné en France par le consommateur au circuit court sur le segment des risques de masse a son pendant outre-Atlantique sur le segment des grands risques. Les deux systèmes ont en commun l'attrait pour la dimension sécurisante du service d'assurance, qui l'emporte en l'espèce sur la puissance financière de l'institution qui le propose.

Les choses s'inversent en matière d'assurance-vie, puisque la part de marché des mutuelles d'assurance françaises est très faible, alors qu'au Royaume-Uni, la part des mutelles s'élève à 30 %. Elle est encore plus importante aux Etats-Unis (37 %) et écrasante au Japon (95 %).

Tableau 59
Parts de marché des mutuelles sur plusieurs marchés nationaux 196( * )

En %

France

Royaume-Uni

Etats-Unis

Japon

Vie

4

30

37

95

Dommages

43

5

30

2

Source : estimations Société Générale Euro Research.

La comparaison des parts de marché des assurances mutuelles françaises en vie et non vie montre la différence d'implantation des assurances mutuelles sur ces deux segments du marché des particuliers (voir tableaux ci-après).

Tableau 60
Parts de marché des mutuelles en dommages (1996) 197( * )

Groupe

CA (en MF)

Classement

Part de marché (%)

GROUPAMA

23 704

2

10,0

MACIF

13 471

4

5,7

AZUR GMF

12 651

6

5,3

MMA

10 589

7

4,5

MAIF

9 094

8

3,8

MAAF

8 067

10

3,4

MATMUT

5 462

15

2,3

SMA-BTP

3 354

17

1,4

Source : Argus.

Tableau 61
Part de marché des mutuelles en assurance-vie (1996)

Groupe

CA (en MF)

Classement

Part de marché (%)

GROUPAMA

7 148

16

1,5

MMA

6 407

18

1,4

LA MONDIALE

5 215

20

1,1

Source : Argus.

Les évolutions des mutuelles d'assurance, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, vont-elles concerner le secteur français des mutuelles d'assurance françaises ?

On a en effet observé dans ces deux pays une certaine démutualisation comme dans le domaine bancaire.

En 1997, en Grande-Bretagne, deux grandes opérations de démutualisation ont eu lieu  : celle de Scottish Amicable reprise par Prudential et celle de Norwich Union par introduction en bourse. La démutualisation s'est faite par remise d'actions gratuites aux sociétaires, qu'ils pouvaient ensuite revendre. 20 millions de Britanniques auraient profité en 1997 de ces opérations, permettant aux ménages de réaliser un produit financier compris entre 30 et 35 milliards de livres (équivalent d'une baisse de 10 % de l'impôt sur le revenu) 198( * ) . La démutualisation dans l'assurance britannique ne porte que sur quelques unités et ne modifie pas significativement la statistique du nombre des mutuelles et de leur chiffre d'affaires, même si l'on a observé un succès accru des mutuelles auprès de sociétaires de la " onzième heure " spéculant sur leur éventuelle démutualisation.

Aux Etats-Unis, le processus est engagé depuis plus longtemps. La démutualisation aux Etats-Unis a concerné Guarantee Life Los, Allamerica Financial Corp, Equitable et, en 1997, American Life Holdings. La capitalisation boursière supplémentaire attendue de la démutualisation pourrait être de 20 milliards de dollars en 5 ans. Plusieurs mutuelles ont déjà annoncé leur changement de statut comme Mutual Life Insurance Co of New-York. Là aussi cependant le phénomène de démutualisation semble garder une ampleur limitée.

L'évolution française sera vraisemblablement différente, plus simple et plus diversifiée. En fait, elle est déjà largement entamée par certaines mutuelles qui ont créé des filiales commerciales, il est vrai faute d'alternative. C'est le cas par exemple de la MAAF qui a éclaté en deux sociétés en 1992 et peut désormais, grâce à une filiale commerciale, détenue à 99 %, recourir normalement au marché des capitaux.