14. PROFESSEUR CLAUDE GOT

La rédaction très imparfaite, voire contradictoire, des articles L 671-7 et L 671-9 provient de la longueur des débats et des compromis qu'il a fallu trouver in extremis en commission mixte paritaire pour lever les blocages qui s'étaient manifestés au cours de la navette entre les deux assemblées.

Mise à part l'affaire d'Amiens, la loi CAILLAVET n'avait créé dans le domaine des autopsies que des problèmes mineurs mais elle était entachée d'une certaine hypocrisie dans la mesure où elle n'organisait pas la manifestation du refus (lacune partiellement comblée au niveau des textes et circulaires d'application).

Le projet initial restait très proche de la loi CAILLAVET et ne présentait donc pas de difficultés particulières. Au fil des débats, s'y sont ajoutées :

o la consultation de la famille ;

o la distinction très contestable (et inopérante en pratique) entre autopsie clinique et autopsie scientifique ;

o l'information de la famille en cas d'autopsie clinique, sans que la loi précise à quel moment doit se faire cette information (les praticiens ont fait une interprétation correcte de cette disposition en assurant une information préalablement à l'autopsie).

Ce dispositif législatif n'a aucun équivalent dans d'autres pays développés. Il est vrai que les Etats-Unis imposent un accord explicite mais cette règle s'applique dans un contexte juridico-médical radicalement différent : l'autopsie est automatiquement pratiquée si le décès se produit 24 heures après l'admission dans un établissement hospitalier. D'autre part, les familles réclament une autopsie chaque fois -le phénomène est de plus en plus fréquent- qu'elles engagent une action en responsabilité devant les tribunaux.

La famille ne devrait fournir qu'un témoignage sur la volonté présumée du défunt. Mais les travaux préparatoires du Sénat lui confèrent un véritable pouvoir de décision appuyé sur la conviction qu'elle ne souhaitera pas s'opposer aux prélèvements dans l'immense majorité des cas. Or, tous les sondages menés dans les différents pays européens démentent ce pronostic, sauf en néonatalogie où le désir des parents de connaître le causes du décès reste prédominant. C'est d'ailleurs le seul domaine dans lequel le nombre des autopsies n'a pas diminué.

Dans les autres secteurs, en revanche, les chiffres ont chuté avec la mise en place d'un formulaire permettant d'appliquer strictement la loi. M. GOT indique que l'élaboration de ce formulaire s'est faite à l'initiative des hôpitaux de l'AP sans instruction précise du ministère de la Santé. On a assisté alors à la manifestation d'un phénomène d'autocensure, les médecins ne voulant pas que les familles puissent avoir connaissance d'un doute sur les causes exactes du décès.

A Ambroise-Paré où le nombre d'autopsies oscillait entre 80 et 100 par an, situation d'équilibre que l'on pouvait retrouver dans les autres hôpitaux universitaires, on est tombé à 3 autopsies pour la première année d'application effective de la loi.

Le développement des nouvelles techniques d'investigation (imagerie, biopsies) frapperait-il l'autopsie " classique " d'obsolescence ? Le professeur GOT ne le pense pas mais voit plutôt une des causes du déclin de cette pratique dans l'augmentation des problèmes médico-légaux, elle-même liée au champ croissant de l'intervention médicale. Les médecins appréhendent une mise en cause de leur responsabilité.

D'autre part, les anatomopathologistes préfèrent l'immunologie à cette activité qu'ils jugent datée, ingrate et peu rentable en termes de mesure de leur volume d'activité compte tenu de son caractère très chronophage.

Néanmoins, elle conserve un caractère irremplaçable pour assurer l'information des médecins sur des accidents inexpliqués et doit continuer à faire partie du contrôle de qualité.

Dans les faits, les hôpitaux dans lesquels elle continue à être pratiquée à un rythme soutenu sont ceux qui s'en tiennent à la loi CAILLAVET et n'appliquent pas les dispositions nouvelles. A droit inchangé, cette situation a peu de chances d'évoluer, les anatomopathologistes étant de moins en moins demandeurs d'autopsies pour les raisons indiquées précédemment.

Pour parer à cette situation, il faut que le fichier national puisse permettre à tout individu majeur d'exprimer sa volonté, d'une part, pour des prélèvements à des fins thérapeutiques, d'autre part, pour des prélèvements à des fins médico-scientifiques, dans des conditions assurant la stricte confidentialité de l'information. Les ressources de l'informatique permettent la mise en place et la gestion d'un tel fichier.

Il serait d'autre part souhaitable, pour une exacte application de la loi, qu'y figure la notion d'autopsie qui ne se confond pas avec celle de prélèvement, seule utilisée à l'heure actuelle.

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