ANNEXE 3
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AUDITIONS PAR LA COMMISSION
DE M. JEAN-MICHEL CHARPIN,
COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU PLAN

I- AUDITION DU MERCREDI 16 DÉCEMBRE 1998

Réunie le mercredi 16 décembre 1998 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan.

M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que le Premier ministre avait chargé, par lettre en date du 29 mai 1998, M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, d'une mission de diagnostic sur l'avenir des régimes de retraite. Il a indiqué que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait déclaré devant le Sénat, lors de son intervention dans la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le 12 novembre dernier, que le commissariat général du Plan avait " déjà dressé un bilan " qui faisait " l'objet d'une concertation approfondie avec les partenaires concernés ".

M. Jean Delaneau, président, a souligné qu'il avait par conséquent souhaité que M. Jean-Michel Charpin puisse venir devant la commission présenter et commenter ce bilan.

M. Charles Descours, rapporteur des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a vivement souhaité que les documents résultant du travail d'expertise mené par le commissariat général du Plan, qui étaient communiqués aux partenaires sociaux et aux gestionnaires des régimes de retraite, puissent être également transmis aux commissions compétentes du Parlement.

Il a souhaité connaître les principaux résultats des projections démographiques et financières effectuées dans le cadre de ce travail d'expertise, ainsi que les hypothèses macro-économiques sur lesquelles le commissariat général du Plan s'était fondé. Il a interrogé M. Jean-Michel Charpin sur les informations supplémentaires que ce travail avait apportées par rapport aux résultats de l'étude sur " les perspectives à long terme des retraites ", réalisée par le commissariat général du Plan en 1995.

M. Alain Vasselle, rapporteur des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur la méthode suivie par le commissariat général du Plan pour l'élaboration de son rapport. Il s'est enquis de la signification du " diagnostic partagé " souhaité par le Premier ministre. Il a demandé à M. Jean-Michel Charpin si le processus de concertation actuellement mené était susceptible de modifier les conclusions résultant du travail d'expertise.

Il a souhaité savoir si cette mission de diagnostic pouvait aller jusqu'à formuler des propositions, comme le laissaient entendre les échos de ses travaux parus dans la presse suggérant, par exemple, que le commissariat général du Plan pencherait davantage pour un relèvement progressif de l'âge de la retraite, plutôt que pour une augmentation des prélèvements obligatoires.

En réponse aux rapporteurs, M. Jean-Michel Charpin a précisé que la mission qui lui avait été confiée avait débuté en juin 1998 et devait s'achever avec la remise de son rapport au Premier ministre avant le 31 mars 1999. Il a expliqué que le travail d'expertise n'était pas encore achevé et se poursuivait parallèlement à la phase de concertation. Il a précisé que les documents résultant de ces travaux d'experts étaient présentés aux participants aux réunions de concertation au fur et à mesure de leur achèvement.

Rappelant que le Premier ministre l'avait chargé d'élaborer un diagnostic " aussi partagé que possible ", M. Jean-Michel Charpin a souligné le caractère " interactif " de la concertation en cours. Il a indiqué que les documents résultant des travaux d'experts étaient soumis aux partenaires sociaux et aux gestionnaires des différents régimes de retraite, afin d'être discutés, complétés et éventuellement révisés. Il a souligné que les hypothèses, chiffrages et scénarios figurant dans son rapport final ne seraient pas nécessairement identiques à ceux qui apparaissaient initialement dans les documents d'experts. Après avoir regretté que ces documents aient été communiqués à la presse, il s'est déclaré disposé à les transmettre au Parlement.

Evoquant les différences qui distinguaient la mission de diagnostic actuellement menée par le commissariat général du Plan des travaux effectués en 1995 sur " Les perspectives à long terme des retraites ", M. Jean-Michel Charpin a tout d'abord expliqué que sa mission portait sur un champ beaucoup plus large de régimes de retraite, alors que, seuls, sept régimes avaient été étudiés en 1995. Il a ajouté que l'horizon de projection avait été également allongé, puisque les travaux de 1995 s'arrêtaient à 2015 et que les projections aujourd'hui effectuées couvraient une période allant jusqu'en 2040. Il a souligné que l'allongement de cet horizon de projection accroissait naturellement les difficultés et les incertitudes des prévisions.

M. Jean-Michel Charpin a jugé que la date de 2015, choisie en 1995, était un horizon trop proche pour appréhender la situation future des régimes de retraite. Pour certains régimes, tels que celui des fonctionnaires de l'Etat, 2015 ne correspondait qu'au début de la dégradation de la situation et l'extension des prévisions à l'horizon de 2040 laissait apparaître une détérioration très fortement accrue de la situation de ces régimes.

M. Jean-Michel Charpin a ajouté que sa mission comportait également une analyse des caractéristiques des différents régimes en termes de rendement, analyse qui n'était pas encore achevée.

M. Jean-Michel Charpin a souligné que son rapport comporterait des propositions portant principalement sur les ajustements des paramètres de la répartition : âge de la retraite et durée de cotisation. Il a en effet expliqué que l'âge de la retraite constituait à la fois un paramètre central des simulations effectuées et un moyen d'ajustement très puissant pour l'équilibre futur des régimes de retraite. Il a considéré que la question de l'âge de la retraite devait être abordée dans un contexte d'allongement de la durée de la vie humaine et d'entrée de plus en plus tardive dans la vie active.

Rappelant la dégradation brutale et prévisible de la situation du régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat à partir de 2015, il a considéré que toute réforme des retraites n'aurait de sens que si elle portait également sur les régimes spéciaux de retraite du secteur public.

Après avoir déclaré que le rapport remis au Premier ministre serait établi sous sa seule responsabilité, M. Jean-Michel Charpin a souligné qu'il tiendrait naturellement compte des appréciations formulées par les partenaires sociaux et les gestionnaires des régimes de retraite lors des réunions de concertation, soit en les incorporant à son diagnostic, soit, le cas échéant, en les faisant figurer en annexe sous forme de déclarations.

Evoquant les hypothèses sur lesquelles reposaient les projections effectuées, M. Jean-Michel Charpin a précisé que le commissariat général du Plan avait privilégié deux scénarios macro-économiques, se distinguant par la situation du marché du travail : dans le scénario 1, le taux de chômage convergeait vers un niveau de 9 % ; dans le scénario 2, ce taux s'établissait à 6 %, avec une hypothèse d'une augmentation exogène de la population active de 500.000 personnes.

M. Jean-Michel Charpin a considéré que le problème des retraites se résumait à une question de pénurie de main-d'oeuvre, la population des actifs devenant insuffisante pour produire les richesses permettant de subvenir aux besoins des inactifs.

S'agissant des hypothèses démographiques, M. Jean-Michel Charpin a expliqué que le commissariat général du Plan avait repris les hypothèses de fécondité figurant dans les travaux de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) effectués en 1993, avec un scénario central de 1,8 enfant par femme, encadré par un scénario de 1,5 enfant par femme et un scénario de 2,1 enfants par femme. Il a reconnu que ces hypothèses reposaient sur des informations démographiques déjà anciennes, provenant du recensement de la population effectué en 1990.

Evoquant les hypothèses macro-économiques choisies par le commissariat général du Plan, M. Jean-Michel Charpin a indiqué que les travaux actuellement menés reposaient sur une hypothèse de croissance annuelle de 1,25 % de la productivité globale des facteurs, de 1,7 % de la productivité du travail et de 1,7 % du salaire réel, soit, dans ce dernier cas, une hypothèse de distribution des revenus plus favorable aux salariés que par le passé.

Evoquant la chronologie des réformes, M. Jean-Michel Charpin a souligné qu'un travail d'approfondissement technique resterait nécessaire après la publication de son rapport, notamment s'agissant du rôle du fonds de réserve pour les retraites par répartition. Citant l'exemple canadien, il s'est interrogé sur la finalité d'un tel fonds et sur le choix des supports d'investissement en termes de risque et de rendement.

M. Jean Chérioux a considéré qu'il serait sans doute difficile d'obtenir un consensus sur la question des retraites. Il s'est interrogé sur les hypothèses de flux migratoires choisies par le commissariat général du Plan.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur la fiabilité des projections à un horizon de 2040 : il a fait valoir que les gestionnaires des différents régimes de retraite qu'il avait pu auditionner, lors de ses travaux en tant que rapporteur pour l'assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, avaient mis l'accent sur la fragilité de projections aussi lointaines. Il s'est enquis de l'attitude des partenaires sociaux lors de la phase de concertation actuellement menée.

Il a souhaité savoir si le commissariat général du Plan avait réfléchi au niveau des montants financiers que devait atteindre le fonds de réserve pour les retraites et au rôle susceptible d'être joué par des fonds de pension. Il s'est interrogé sur l'incidence sur l'emploi d'un éventuel relèvement de l'âge de la retraite.

M. Serge Franchis s'est demandé si la durée de cotisation de 40 années qui serait bientôt exigée des futurs retraités était en pratique compatible avec une entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si un éventuel relèvement de l'âge de la retraite serait suffisant pour assurer l'équilibre à long terme des régimes de retraite. Il a demandé à M. Jean-Michel Charpin si le commissariat général du Plan envisageait d'autres recommandations.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Michel Charpin a reconnu le caractère à la fois audacieux et incertain des prévisions à un horizon de 2040. Il a précisé que si les retraités de 2040 étaient déjà nés, on connaissait naturellement moins bien les personnes qui seraient cotisantes à cette date. Il a ajouté que les incertitudes étaient plus fortes au niveau des prévisions spécifiques à chaque régime de retraite qu'au niveau global.

M. Jean-Michel Charpin a précisé que les projections reposaient sur une hypothèse de flux migratoires positifs de 50.000 personnes par an.

S'agissant du fonds de réserve pour les retraites, M. Jean-Michel Charpin a indiqué qu'il n'était pas en mesure d'évaluer le montant des sommes nécessaires : il a souligné qu'il s'agissait là d'un sujet complexe et que ce montant dépendait du caractère transitoire ou pérenne du fonds, du champ couvert par ce fonds, des ajustements préalables du système par répartition et des rendements des sommes investies.

Evoquant les liens entre emploi et retraite, M. Jean-Michel Charpin a précisé que les travaux du commissariat général du Plan prévoyaient une dégradation des comptes de la branche vieillesse et une amélioration des situations de la branche famille et de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

Il a souligné que l'étude des fonds de pension, qui n'avaient pas de lien direct avec le système de retraite par répartition, ne faisait pas partie de la mission qui lui avait été confiée par le Premier ministre.

M. Jean-Michel Charpin a fait valoir que l'âge de la retraite n'était pas le seul paramètre susceptible d'influer sur la situation future des régimes de retraite : les mécanismes d'indexation et la durée de cotisation exigée pouvaient également jouer un rôle très important. Il a indiqué que l'augmentation de la durée de cotisation exigée pour une retraite à taux plein, instituée par la réforme de 1993, concernait aujourd'hui encore très peu de personnes dans la mesure où la génération arrivant actuellement à l'âge de la retraite avait souvent commencé à travailler très jeune.

Il a souligné que les pays ayant entrepris des réformes ambitieuses de leur système de retraite avaient généralement pris en compte l'évolution de l'espérance de vie, en prévoyant parfois une évolution parallèle de l'âge de départ à la retraite.

II - AUDITION DU MERCREDI 5 MAI 1999

Réunie le mercredi 5 mai 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Charpin , commissaire général du Plan , sur son rapport au Premier ministre sur les retraites .

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait déjà entendu M. Jean-Michel Charpin le 16 décembre 1998 et qu'elle avait souhaité pouvoir l'auditionner à nouveau après la remise de son rapport au Premier ministre le 29 avril dernier.

M. Jean-Michel Charpin a indiqué que le Premier ministre lui avait confié, à la fin du mois de mai 1998, la mission d'établir un diagnostic sur l'avenir des retraites aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes. Il a souligné que le rapport qui résultait de cette mission présentait deux caractéristiques originales par rapport aux travaux qui l'avaient précédé : d'une part, le diagnostic avait été établi en concertation avec les partenaires sociaux et les régimes de retraite concernés, d'autre part, il portait sur la plupart des régimes et traitait également des compensations entre régimes.

M. Jean-Michel Charpin a rappelé qu'il avait constitué une commission de concertation réunissant les sept ministères concernés, les partenaires sociaux, les gestionnaires des différents régimes de retraite et les représentants du comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA). Cette commission de concertation s'était réunie onze fois entre octobre 1998 et mars 1999 : dix réunions avaient été consacrées à l'étude des différents thèmes et la dernière réunion, en date du 25 mars 1999, avait permis de présenter aux participants le rapport établi par le Commissariat général du Plan. Il a souligné que cette démarche se distinguait de celles qui avaient prévalu lors de la rédaction du Livre blanc sur les retraites en 1991 et du rapport sur les perspectives à long terme des retraites de 1995 : à l'époque, les rapports avaient été élaborés par les experts puis rendus publics.

M. Jean-Michel Charpin a jugé que l'ambiance au sein de la commission de concertation avait été studieuse, coopérative et interactive, dans la mesure où le Commissariat général du Plan s'était efforcé de répondre aux différentes demandes de travaux complémentaires exprimées par les partenaires sociaux. Le rapport final avait cependant été rédigé sous la seule responsabilité du Commissariat général du Plan. Au vu de ce rapport, les partenaires sociaux avaient fait part de leurs observations dans des contributions écrites annexées au rapport.

Evoquant le champ d'étude très large couvert par le rapport, M. Jean-Michel Charpin a précisé qu'il était nécessaire de connaître les caractéristiques détaillées de chaque régime avant de dresser un bilan global de la situation des retraites. Il a souligné que le Commissariat général du Plan avait entendu partager toutes les informations disponibles avec les directions techniques des régimes de retraite qui avaient été étroitement associées à ses travaux.

M. Jean-Michel Charpin a présenté les principales conclusions de son rapport. Il a indiqué que ce dernier faisait le constat du succès du système par répartition qui avait permis au niveau de vie des retraités de rejoindre celui des actifs et qui avait contribué à faire diminuer très sensiblement les phénomènes de pauvreté des personnes âgées. L'allongement de la durée de la vie et l'arrivée à l'âge de la retraite, à partir de 2006, de la génération du baby-boom allaient cependant fragiliser l'équilibre économique de notre système de retraite. Entre 1998 et 2040, la population âgée de plus de 60 ans allait augmenter de 10 millions de personnes, pour atteindre 22 millions de personnes, tandis que la population des moins de 20 ans diminuerait de plus d'un million.

M. Jean-Michel Charpin a reconnu que 2040 pouvait paraître un horizon un peu lointain pour des projections financières ; il a cependant fait valoir que certains pays, tels que les Etats-Unis ou l'Italie, formulaient des prévisions à des horizons de 50 ans, voire de 70 ans. Il a également souligné que le choix de l'horizon 2040 avait permis de mieux distinguer les évolutions de certains régimes de retraite après 2015 et de démontrer que la croissance des besoins de financement pour les retraites s'apparentait davantage à une montée vers un plateau qu'au passage d'une bosse.

Reconnaissant que des projections à une échéance aussi lointaine étaient toujours incertaines, M. Jean-Michel Charpin a souligné que le rapport prévoyait précisément la création d'un dispositif de pilotage permanent qui permettrait de réévaluer régulièrement les projections et de procéder aux ajustements qui paraîtraient nécessaires.

M. Jean-Michel Charpin a précisé que les projections étaient effectuées sur la base de trois scénarios d'évolution du chômage avec respectivement trois taux de chômage : 9 %, 6 % et 3 %, ce dernier scénario ayant été introduit à la demande des partenaires sociaux. Il a observé que ces différents scénarios démontraient que la diminution du chômage améliorerait les perspectives financières sans cependant supprimer les déficits.

Evoquant le chapitre de son rapport consacré aux comparaisons entre régimes, M. Jean-Michel Charpin a considéré que cet exercice soulevait de nombreuses difficultés méthodologiques et nécessitait à l'évidence un approfondissement des outils statistiques disponibles. Il a souligné que si les retraites étaient aujourd'hui comparables entre le public et le privé, à salaires identiques, l'écart allait se creuser dans les prochaines années entre les assurés des régimes qui avaient l'objet de réformes en 1993 et les assurés des régimes spéciaux.

Après avoir indiqué que le rapport évoquait la façon dont les réformes des retraites avaient été mises en place dans les pays étrangers, M. Jean-Michel Charpin a constaté qu'une telle réforme n'était simple nulle part, et que les difficultés que rencontrait la France à réformer son système de retraite ne constituaient pas une exception. Il a également observé que les tentatives de réforme brutale avaient partout échoué.

Après avoir précisé qu'elles ne constituaient pas un projet de réforme bouclé, M. Jean-Michel Charpin a énuméré les propositions formulées dans son rapport.

Evoquant l'allongement à 170 trimestres, soit 42 années et demie, à l'horizon 2019, de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein, M. Jean-Michel Charpin a expliqué qu'une telle réforme aurait un effet progressif et ne pèserait de façon significative qu'à partir des années 2010, à un moment où la situation du marché du travail se serait vraisemblablement améliorée. Il a souligné que cette réforme devait toutefois laisser une possibilité pour les personnes concernées d'opérer un arbitrage individuel entre niveau de la retraite annuelle versée et durée d'activité. Ceci supposait la neutralité actuarielle, pour départ anticipé, des abattements sur les taux de pension. Ces abattements ne devaient pas pénaliser de façon indue, comme c'était aujourd'hui le cas pour les salariés du secteur privé, les personnes qui souhaiteraient partir avant d'avoir acquis le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier du taux plein.

M. Jean-Michel Charpin a indiqué que le rapport étudiait également la création d'un fonds de réserve pour les retraites en examinant quelles pouvaient être les finalités et les modalités de fonctionnement et de gestion d'un tel fonds. Estimant qu'il était déjà très tard pour constituer un fonds de réserve, puisque les premières difficultés financières des régimes de retraite se manifesteraient dès 2006, il a considéré que, seule, la création d'un fonds transitoire, destiné à lisser la hausse prévue des taux de cotisation, était aujourd'hui envisageable. Dans ce cas, les sommes accumulées, qui devraient s'élever à au moins trois points du produit intérieur brut (PIB), avaient vocation à être consommées progressivement, le fonds s'épuisant à terme.

Après avoir précisé que le rapport évoquait également les possibilités d'élargissement de l'assiette du financement des retraites et les questions d'indexation des pensions et des salaires portés au compte, M. Jean-Michel Charpin a conclu en formulant le souhait que ce diagnostic concerté puisse servir utilement aux réflexions ultérieures.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse des lois de financement de la sécurité sociale, a rendu hommage au travail accompli par le Commissariat général du Plan. Il a interrogé M. Jean-Michel Charpin sur la méthode suivie et sur le contenu du rapport.

Il a souhaité savoir dans quelle mesure et sur quels aspects ce diagnostic était effectivement partagé. Il s'est enquis des principales modifications apportées, à la demande des partenaires sociaux, à la version initiale du rapport et a demandé à M. Jean-Michel Charpin si la tonalité des contributions écrites des partenaires sociaux l'avait surpris.

M. Alain Vasselle s'est demandé si le retard pris dans la remise du rapport pouvait être interprété comme le signe d'une volonté du Gouvernement de se démarquer de son contenu. Il a souhaité savoir si le Commissariat général du Plan participerait à la nouvelle phase de concertation que venait d'annoncer le Premier ministre.

M. Alain Vasselle a relevé que le rapport étudiait, parmi les pistes de réformes envisagées, la constitution d'un fonds de réserve pour les retraites, sans toutefois se prononcer sur la façon dont ce fonds pourrait être alimenté. Il a demandé à M. Jean-Michel Charpin si le Commissariat général du Plan avait réfléchi sur ce point. Il s'est inquiété des conséquences du passage de la proratisation de la pension de 1/150 e à 1/170 e pour les personnes qui n'auraient pas atteint les 170 trimestres de cotisations.

M. Alain Vasselle a demandé pourquoi le commissariat général du Plan n'avait pas étudié la création d'un dispositif d'épargne retraite de type " fonds de pension " et a souhaité connaître le sentiment de M. Jean-Michel Charpin sur les récentes propositions du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) sur les retraites, notamment l'allongement de la durée de cotisation à 45 ans.

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Jean-Michel Charpin a estimé que le diagnostic était concerté et qu'il s'était contenté de prendre acte des contributions des partenaires sociaux dont certains partageaient cependant les analyses du rapport. Il a souligné qu'il s'était fait peu d'illusions quant à la possibilité d'établir un diagnostic véritablement partagé. Il a rappelé à cet égard que M. Marc Blondel, secrétaire général de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), lui avait adressé, au début du mois d'octobre 1998, une lettre ouverte dans laquelle il contestait l'objectif d'aboutir à un diagnostic partagé.

M. Jean-Michel Charpin a rappelé que les partenaires sociaux avaient apporté, sur tous les thèmes abordés, de nombreuses modifications aux travaux menés par le Commissariat général du Plan. Il a cité l'exemple du scénario à 3 % de taux de chômage qui avait été intégré dans le rapport à la demande des partenaires sociaux. Il a expliqué qu'une première version du rapport avait été communiquée aux partenaires sociaux lors de la réunion du 25 mars dernier et que ces derniers avaient ensuite fait part de propositions d'amendements compatibles avec la logique du rapport. Ces amendements avaient été presque tous intégrés dans la version finale du rapport.

M. Jean-Michel Charpin a indiqué qu'il n'avait pas été surpris par la teneur des contributions écrites transmises par les partenaires sociaux, même si certaines pouvaient refléter le décalage entre les positions des délégations participant à la commission de concertation et les positions des instances de direction des organisations syndicales.

Il a estimé que le léger retard pris dans la remise du rapport tenait avant tout aux contraintes de calendrier et aux répercussions d'une actualité internationale très chargée. Rappelant que le Premier ministre avait souhaité qu'il lui remette en mains propres le rapport et qu'il avait annoncé, dès le lendemain, dans la presse, la suite qu'il entendait lui donner, M. Jean-Michel Charpin a précisé que c'était désormais le Gouvernement qui piloterait la nouvelle phase de concertation.

Evoquant les différentes possibilités de réforme des retraites, M. Jean-Michel Charpin a expliqué que si certaines pouvaient être décidées à tout moment -une hausse des cotisations par exemple-, d'autres nécessitaient du temps et devaient être engagées sans délai. Il a souligné que la constitution d'un fonds de réserve devait par exemple se faire le plus rapidement possible, avant que la situation financière des régimes de retraite ne se dégrade.

M. Jean-Michel Charpin a souligné que le rapport proposait explicitement que toutes les personnes puissent bénéficier d'une pension à taux plein à l'âge de 65 ans, quelle que soit leur durée effective de cotisation.

Evoquant la création de fonds de pension, il a noté que cette question ne figurait pas dans le champ d'étude du rapport. Il a expliqué que les régimes de retraite auraient à l'horizon 2040 un besoin de financement équivalant à quatre points du PIB et que les fonds de pension, qui créaient des droits nouveaux autofinancés, n'apportaient aucune solution à ce problème, contrairement au fonds de réserve dont l'objet était précisément de financer les régimes de retraite par répartition. Il a considéré que les problématiques des fonds de pension et du fonds de réserve étaient radicalement différentes, même si les supports d'investissement de ces fonds pouvaient s'avérer identiques.

Estimant qu'il n'avait pas à juger de la pertinence des propositions des partenaires sociaux, M. Jean-Michel Charpin a souhaité ne pas commenter les propositions du MEDEF sur les retraites.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur les modalités d'alimentation du fonds de réserve pour les retraites. Il s'est demandé par ailleurs s'il n'était pas possible de convertir les sommes actuellement collectées au titre de l'épargne salariale en une forme d'épargne retraite.

M. Guy Fischer a rappelé que les propositions du MEDEF avaient provoqué un tollé parmi les organisations syndicales. Il a souligné que son groupe avait fait part d'un certain nombre d'interrogations lors du débat sur la création du fonds de réserve pour les retraites, à l'occasion de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il s'est interrogé sur la notion d'écarts entre régimes du secteur privé et régimes spéciaux et a souhaité savoir selon quelles modalités pourrait s'opérer le recours à la capitalisation.

Après avoir qualifié de travail sérieux et utile le rapport de M. Jean-Michel Charpin, M. Roland Huguet a souligné les difficultés que comportait toute prévision à 10 ou 20 ans. Il s'est demandé ce qu'il adviendrait lorsque les sommes accumulées au sein du fonds de réserve se seraient épuisées.

M. Charles Descours a considéré que 2040 ne constituait pas un horizon très lointain. Il a jugé que les grandes tendances de l'évolution des retraites étaient déjà connues depuis le Livre blanc de 1991 et le rapport Briet de 1995. Il s'est dit convaincu qu'il fallait réformer notre système de retraite par répartition si l'on souhaitait le sauver. Il s'est inquiété du risque que le Gouvernement ne prenne finalement aucune décision à l'issue de la nouvelle phase de concertation.

Mme Nicole Borvo a souligné les nombreuses incertitudes que comportait le rapport Charpin. Elle s'est étonnée que le rapport puisse proposer une augmentation de la durée de cotisation, alors même que le taux d'activité des plus de 50 ans était, dans notre pays, le plus faible d'Europe. Elle a regretté que le rapport ne comporte pas d'étude approfondie sur la possibilité d'un élargissement à la valeur ajoutée de l'assiette de la cotisation vieillesse.

M. Bernard Seillier a souligné les mérites de ce rapport. Il a considéré qu'il n'était pas choquant que la réglementation des retraites prévoie des avantages supplémentaires pour les familles, dans la mesure où celles-ci assuraient le renouvellement des générations et donc, la survie du système par répartition.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Michel Charpin a considéré que la question de l'alimentation du fonds de réserve pour les retraites constituait essentiellement un problème politique et ne nécessitait pas d'études techniques spécifiques. Il a souligné que la France connaissait un taux d'épargne élevé et qu'il n'était pas évident que la création de fonds de pension augmente encore ce niveau d'épargne.

M. Jean-Michel Charpin a fait observer que les régimes spéciaux étaient également concernés par le choc démographique des prochaines années et que l'écart entre ces régimes et les régimes ayant été réformés en 1993 allait se creuser d'année en année. Il a jugé que toute réforme des retraites devrait également concerner les régimes spéciaux.

M. Jean-Michel Charpin a convenu qu'il fallait être modeste en matière de prévision. Il a ajouté que c'était pour cette raison que le rapport proposait l'institution d'un dispositif de pilotage de la réforme des retraites à même de réévaluer périodiquement les estimations. Il a cependant précisé que tout n'était pas incertain et qu'une bonne part des données démographiques était déjà parfaitement connue. Après avoir rappelé que de nombreux pays formulaient des prévisions à long terme, il s'est demandé pourquoi la France serait incapable de se livrer au même exercice.

M. Jean-Michel Charpin a affirmé que toute mesure touchant à la durée de cotisation devait être très étalée dans le temps afin d'éviter de trop fortes inégalités entre les générations. Il a considéré que la proposition formulée dans le rapport devait s'accompagner d'un effort particulier en faveur du maintien dans l'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans. Constatant que la France présentait le taux d'activité des 55-65 ans le plus bas des pays industrialisés, il a jugé que cette situation ne pouvait s'expliquer par l'émergence des nouvelles technologies, qui n'était en rien une spécificité française.

M. Jean-Michel Charpin a considéré que l'extension de l'assiette de la cotisation vieillesse à la valeur ajoutée avait déjà fait l'objet de multiples études par le passé et qu'il n'apparaissait pas nécessaire de lui consacrer une étude technique supplémentaire. Il a ajouté que cette question relevait désormais d'une décision politique.

Après avoir relevé que les avantages familiaux en matière de retraite représentaient un montant considérable de 73 milliards de francs par an, M. Jean-Michel Charpin s'est interrogé sur le caractère incitatif de ces avantages et sur la possibilité d'une prise en charge de ces dépenses par la branche famille. Il a considéré que ce sujet méritait à l'évidence un véritable débat.

A l'issue de l'audition de M. Jean-Michel Charpin, M. Jean Delaneau, président , a émis le souhait, approuvé par la commission, que M. Alain Vasselle, rapporteur du volet assurance vieillesse des lois de financement de la sécurité sociale, puisse poursuivre le travail entamé par la commission sur la question fondamentale des retraites. Il lui a semblé en effet nécessaire qu'à côté de la réflexion des experts et de la concertation avec les partenaires sociaux à laquelle appelle le Gouvernement, le Parlement puisse procéder à ses propres investigations.

Il a souhaité en conséquence en accord avec le rapporteur, que ce dernier puisse présenter à la commission, avant la fin de la session, un projet de rapport mesurant notamment les apports de l'étude du commissariat général du plan au regard des travaux connus depuis une dizaine d'années, appréciant le caractère partagé ou simplement concerté du diagnostic réalisé mais également les réactions des partenaires sociaux aux propositions formulées. Il a estimé que ce travail contribuerait en amont à la réflexion de la commission sur la question des retraites que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne saurait passer sous silence.

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