IV. DES AMÉNAGEMENTS CRITIQUABLES SOUS CERTAINS ASPECTS, MAIS DONT L'APPROFONDISSEMENT DEVRAIT ÊTRE ENVISAGÉ SOUS D'AUTRES

Les limites du système mis en place pour animer la DGI invitent à approfondir les réflexions en cours sur la promotion d'un nouveau modèle d'administration. Avant d'en exposer quelques-unes, il convient de souligner les problèmes posés par un champ particulier d'activité des services : le traitement des demandes contentieuses des administrés.

A. LA DÉCONCENTRATION DÉCISIONNELLE EN MATIERE DE CONTENTIEUX SUSCITE QUELQUES INCERTITUDES

L'exercice des missions fiscales de la DGI repose avant tout sur la mobilisation individuelle des agents. Il existe ainsi une tension permanente entre un système où les décisions sont le plus souvent centralisées et hiérarchisées et l'exercice des métiers qui est le plus souvent solitaire.

Un domaine particulier, celui du traitement des réclamations des contribuables illustre ce paradoxe. En la matière, l e niveau de déconcentration des décisions individuelles a atteint un degré important, voire excessif.

Ces décisions sont susceptibles d'intervenir à titre gracieux ou dans le cadre de procédures contentieuses.

1. Des procédures théoriquement très formalisées

Le champ de la juridiction gracieuse est défini par l'article 247 du Livre des procédures fiscales.

Sur la demande du contribuable, l'administration peut accorder des remises totales ou partielles d'impôts directs lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence. Cette faculté n'est pas ouverte en matière de droits d'enregistrement ou de taxes sur le chiffre d'affaires. Cette dernière solution qui mériterait sans doute d'être examinée en détail est justifiée par le caractère indirect de ces impôts qui suppose que leur fait générateur met à même le contribuable de s'acquitter de son obligation fiscale mais cette justification apparaît fragile comme le montre la situation décrite dans le paragraphe suivant.

Dans le cas particulier des amendes fiscales ou des majorations de droits, et des impositions auxquelles elles s'appliquent, l'administration peut accorder des remises totales ou partielles si elles sont devenus définitives ou, dans le cas contraire, par voie de transaction, une atténuation. Pour ces pénalités, et les impositions auxquelles elles s'appliquent, les remises et atténuations ne sont pas conditionnées par la situation de gêne ou d'indigence du contribuable. En outre, ces mesures sont susceptibles de s'appliquer à tous les impôts, ce qui renforce la légitimité de l'examen sus-mentionné.

Une observation s'impose pour souligner d'abord le relatif laconisme de la condition de gêne ou d'indigence qui laisse une grande latitude d'interprétation à l'administration. Il faut, d'autre part par incidence, s'interroger sur l'apparente incohérence d'un dispositif qui contient deux régimes inégalement contraignants selon le caractère définitif ou non de l'imposition et la forme de la décision administrative -décision unilatérale ou transaction-. Cette interrogation s'impose d'autant plus que la coexistence de ces dispositifs peut être plus avantageuse pour le contribuable fautif que pour le contribuable en situation régulière.

Les conditions dans lesquelles sont instruites les décisions de remise, de modération ou de transaction sont précisées par les articles R*247-1 et suivants du Livre des procédures fiscales. Elles offrent là aussi une grande marge de manoeuvre à l'administration fiscale.

En théorie, elles doivent être précédées d'une demande présentée par le contribuable et adressée au service territorial dont dépend le lieu de l'imposition. Mais, l'administration est habilitée à prononcer d'office des remises ou des modérations ou à consentir d'office des transactions.

La demande gracieuse doit en principe être soumise à l'instruction avant l'intervention de la décision. Toutefois, le directeur des services fiscaux peut se prononcer sans instruction sur les demandes de transaction, de remise ou de modération qui ne peuvent être favorablement accueillies en l'état des procédures en cours à l'époque où elles sont formées.

La demande présentée par le contribuable en matière d'impôts directs doit être communiquée pour avis :

au maire, en ce qui concerne les impôts locaux ;

à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans le cas des majorations consécutives à des redressements relevant eux-mêmes de la compétence de la commission ;

s'il s'agit d'une proposition de transaction, l'administration doit la notifier au contribuable qui dispose d'un délai de trente jours pour l'accepter ou la refuser.

Les compétences décisionnelles sont, quant à elles, variables selon l'importance des demandes.

Les règles posées en matière de réclamations gracieuses sont les suivantes.

- Pour les impôts autres que les contributions indirectes, la taxe professionnelle et les taxes additionnelles à cette taxe, la décision est prise :

par le directeur des services fiscaux du département lorsque les sommes faisant l'objet de la demande n'excèdent pas 750.000 francs par cote, exercice ou affaire 3 ( * ) , selon la nature de l'impôt ;

par le directeur régional ou le directeur des services fiscaux chargé d'une direction spécialisée lorsque les sommes faisant l'objet de la demande ne dépassent pas 1.100.000 francs par cote, exercice ou affaire ;

par le directeur général des impôts lorsque ces sommes ne dépassent pas 1.750.000 francs par cote, exercice ou affaire ;

par le ministre si ces sommes sont supérieures au seuil précédemment indiqué.

- En matière de taxe professionnelle et de taxes additionnelles à cet impôt, la décision sur les demandes des contribuables tendant à obtenir une remise ou une modération appartient :

au directeur des services fiscaux chargé d'une direction départementale lorsque les sommes faisant l'objet de la demande n'excède pas 1.500.000 francs par cote ;

au directeur général des impôts lorsque ces sommes ne dépassent pas 2.400.000 francs par cote ;

au ministre si ces sommes sont supérieures au seuil précédemment indiqué.

On relèvera incidemment que l'avis du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes est requis avant toute décision du directeur général des impôts ou du ministre prise dans le cadre des compétences ainsi définies.

Cette déconcentration des décisions est tempérée en cas de refus . En effet, en cas de désaccord sur la décision du directeur des services fiscaux ou du directeur régional, le contribuable peut soumettre cette décision au directeur général des impôts dans le cadre de l'exercice du recours hiérarchique. En pratique, il est rarement fait usage de cette faculté.

D'autre part, la décision de l'administration prise en matière gracieuse peut, comme toute décision administrative, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Mais comme la décision de l'administration n'a pas à être motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979, il s'ensuit que l'annulation ne peut intervenir que si l'auteur de la décision était incompétent pour la prendre, ou si la décision attaquée elle-même est entachée d'un vice de forme, d'une erreur de droit ou de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou si elle est révélatrice d'un détournement de pouvoir. Dès lors, eu égard au pouvoir discrétionnaire dont dispose l'administration et au caractère restreint du contrôle du juge, l'annulation de ces décisions demeure exceptionnelle.

En matière contentieuse, l'article 408 de l'annexe II du code général des impôts réserve au directeur le pouvoir de statuer.

2. La place excessive des délégations de signature

Ces règles de répartition des compétences, qui laissent déjà une place importante à la compétence des autorités déconcentrées, sont de plus profondément amodiées par la pratique, largement utilisée, des délégations de signature.

Ainsi, 94 % des décisions contentieuses et plus de 96 % des décisions gracieuses sont prises par les agents.

Le tableau ci-après résume les conditions auxquelles sont soumises ces délégations de signature.

Tableau récapitulatif des limites de délégation de signature

I Agents exerçant leurs fonctions dans les services de direction et receveurs divisionnaires : limites laissées à l'appréciation du directeur

II Agents exerçant leurs fonctions dans les services territoriaux

Inspecteurs principaux

Inspecteurs divisionnaires

Chefs de brigade

Conservateurs des hypothèques (6)

Receveurs

Autres agents de catégorie A

Agents de catégorie B

Agents de catégorie C gérant une recette locale à compétence élargie (7)

Contentieux droits et pénalités (1)(2)

150.000 F

150.000 F

80.000 F

80.000 F

150.000 F pour les péna-lités de recou-vrement

50.000 F

30.000 F

Gracieux droits (1)(2)

150.000 F

150.000 F

80.000 F

80.000 F

50.000 F

30.000 F

30.000 F

Gracieux pénalités (1)(2)

Limites laissées à l'apprécia-tion du directeur

80.000 F

80.000 F Limites laissées à l'appréciation du directeur pour les pénalités de recouvrement

50.000 F

30.000 F

30.000 F

Pertes de récoltes (3)

Admission totale et partielle : sans limite

Admissions en non-valeur (4)

9.000 F (5)

(1) Admission totale : restitution ou dégrèvement prononcé

(2) Admission partielle ou rejet total : décision globale

(3) Centre des impôts fonciers

(4) Hors procédure d'accord tacite

(5) Dette globale du contribuable auprès du poste comptable inférieure ou égale à 9.000 francs

(6) Ou leurs intérimaires

(7) Ces recettes sont supprimées à compter du 1 er septembre 1999

Cet éclatement du pouvoir de statuer en matière gracieuse peut être justifié par le nombre important des demandes présentées et par la nécessité d'une instruction des demandes au plus près du contribuable.

Evolution du nombre des demandes gracieuses entre 1996 et 1997


Demandes reçues

Part en % dans le total des affaires gracieuses reçues

Nature des impôts

Différence

1996

1997

Nombre

%

1996

1997

I - Impôts directs

a) Impôts d'Etat et assimilés

101.468

109.593

8.125

8,0

10,2

10,5

b) Impôts locaux (1)

573.862

621.900

48.038

8,4

57,9

59,6

Total impôts directs

675.330

731.493

56.163

8,3

68,1

70,1

II - Droits d'enregistrement

47.980

48.048

68

0,1

4,8

4,6

III - Taxes sur le chiffre d'affaires

268.255

263.709

- 4.546

- 1,7

27,1

25,3

TOTAL GENERAL

991.565

1.043.250

51.685

5,2

100

100

(1) Y compris les autres impôts directs locaux (ex. taxe d'enlèvement des ordures ménagères)

Source : Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes. Rapport 1998.

Il n'empêche qu'il laisse à l'initiative individuelle des agents une large marge de manoeuvre dans l'application de loi fiscale qui doit être la même pour tous.

De fait, le tableau ci-après, qui ne concerne que l'impôt sur le revenu, indique que la pratique observée en matière de demandes gracieuses varie assez nettement selon les ressorts territoriaux.

Répartition par départements du nombre de demandes gracieuses en matière d'impôt sur le revenu reçues en 1997 et sens des décisions prises sur les affaires traitées en 1997

Direction des Services fiscaux

Nombre d'impositions à l'I.R. en 1997

Demandes gracieuses reçues en 1997

Taux de demandes gracieuses pour 1.000 impositions à l'I.R.

Taux d'acceptation

(en %)

Ain

137.004

644

4,70

60,02

Aisne

127.802

838

6,56

60,0

Allier

91.593

531

5,80

66,2

Alpes de Haute-Provence

36.390

205

5,63

63,8

Hautes Alpes

32.721

200

6,11

63,1

Alpes maritimes

323.206

2.019

6,25

59,7

Ardèche

68.642

351

5,11

59,7

Ardennes

65.724

312

4,75

61,2

Ariège

31.945

158

4,95

63,0

Aube

81.801

377

4,61

62,7

Aude

68.697

391

5,69

69,4

Aveyron

60.511

290

4,79

66,6

Marseille

262.078

1.533

5,85

42,7

Aix en Provence

218.182

1.291

5,92

50,3

Calvados

162.538

1.198

7,37

58,8

Cantal

31.567

205

6,48

59,3

Charente

85.890

706

8,22

58,4

Charente Maritime

135.372

615

4,54

68,5

Cher

87.468

350

4

51,9

Corrèze

62.489

353

5,65

59,2

Corse du Sud

26.787

541

20,20

73

Haute Corse

26.263

198

7,54

70,9

Côte d'Or

146.586

981

6,69

55,9

Côtes d'Armor

128.630

666

5,18

55,3

Creuse

28.697

155

5,4

63

Dordogne

94.717

585

6,18

66,2

Doubs

130.574

913

6,99

53,3

Drôme

109.098

736

6,75

53,6

Eure

146.316

787

5,38

55

Eure et Loir

117.016

551

4,71

65,1

Finistère

213.290

1.482

6,95

58,8

Gard

144.336

832

5,76

64,1

Haute-Garonne

289.889

1.942

6,7

52,7

Gers

37.731

321

8,51

59

Gironde

348.539

1.860

5,34

57

Hérault

202.700

1.111

5,48

60

Ille et Vilaine

206.028

1.190

5,78

71,4

Indre

62.165

303

4,87

57,4

Indre et Loire

149.747

752

5,02

53,4

Isère

300.806

1.898

6,31

54,3

Jura

67.040

242

3,61

57,9

Landes

86.865

499

5,74

66,7

Loir et Cher

89.358

581

6,5

59,7

Direction des Services fiscaux

Nombre d'impositions à l'I.R. en 1997

Demandes gracieuses reçues en 1997

Taux de demandes gracieuses pour 1.000 impositions à l'I.R.

Taux d'acceptation

(en %)

Loire

188.310

864

4,59

66,5

Haute Loire

44.404

148

3,33

65,4

Loire Atlantique

280.861

1.723

6,13

57,3

Loiret

186.617

1.153

6,18

54,6

Lot

39.133

154

3,94

49,4

Lot et Garonne

70.767

377

5,33

56,9

Lozère

17.118

57

3,33

66,2

Maine et Loire

164.597

768

4,67

56,7

Manche

117.812

770

6,54

65,1

Marne

174.903

840

4,8

52,3

Haute Marne

48.366

236

4,88

62,4

Mayenne

65.804

340

5,17

52,2

Meurthe et Moselle

184.591

1.351

7,32

55

Meuse

46.855

246

5,25

60,2

Morbihan

153.830

833

5,42

62,9

Moselle

245.512

1.571

6,40

60,9

Nièvre

62.865

316

5,03

61

Nord Lille

419.624

2.109

5,03

53,6

Nord-Valenciennes

144.514

1.021

7,07

54,9

Oise

215.081

1.285

5,97

51,4

Orne

69.961

471

6,73

56,6

Pas de Calais

287.540

1.452

5,05

60,9

Puy de Dôme

164.286

625

3,80

63,5

Pyrénées Atlantiques

160.503

1.013

6,31

59

Hautes Pyrénées

61.012

393

6,44

65,1

Pyrénées Orientales

91.709

120

4,58

62,2

Bas Rhin

308.957

1.611

5,21

46

Haut Rhin

220.687

1.148

5,20

60

Rhône

486.218

3.841

7,9

56,1

Haute Saône

53.661

282

5,26

62,8

Saône et Loire

145.167

922

6,35

68,9

Sarthe

133.059

651

4,89

60,3

Savoie

112.911

608

5,38

67,2

Haute Savoie

178.416

1.074

6,02

54,9

Paris Centre

109.350

1.445

13,21

49,6

Paris Est

265.234

2.886

10,88

51,4

Paris Nord

168.748

2.163

12,82

60,8

Paris Ouest

216.547

2.667

12,32

54,3

Paris Sud

180.940

1.285

7,10

44,2

Seine Maritime

329.451

2.232

6,77

58,6

Seine et Marne

370.448

2.191

5,91

42,5

Yvelines

489.804

3.467

7,08

48,9

Deux Sèvres

80.107

492

6,14

46,5

Somme

130.879

696

5,32

48,4

Tarn

80.809

484

5,99

56,6

Tarn et Garonne

45.426

303

6,67

70

Var

248.094

1.441

5,81

62,2

Vaucluse

123.667

810

6,55

47,5

Direction des Services fiscaux

Nombre d'impositions à l'I.R. en 1997

Demandes gracieuses reçues en 1997

Taux de demandes gracieuses pour 1.000 impositions à l'I.R.

Taux d'acceptation

(en %)

Vendée

121.833

892

7,32

64

Vienne

98.580

481

4,88

62,1

Haute Vienne

98.610

680

6,90

53,4

Vosges

95.109

479

5,04

62,5

Yonne

94.048

556

5,91

55,5

Territoire de Belfort

39.012

283

7,25

67,1

Essonne

404.911

2.641

6,52

51,1

Hauts de Seine Nord

286.805

2.424

8,45

51,3

Hauts de Seine Sud

294.558

2.142

7,27

46,6

Seine Saint Denis

421.532

3.160

7,50

38,6

Val de Marne

450.264

2.677

5,95

47,2

Val d'Oise

356.733

3.517

9,86

46,8

Guadeloupe

37.130

122

3,29

63,9

Martinique

44.411

247

5,56

52,3

Guyane

17.442

108

6,19

64,2

Réunion

57.416

691

12,03

61,06

Total

16.428.437

106.028

6,45

55,2

Les écarts observés ne sont pas jugés significatifs de dysfonctionnements administratifs par l'administration qui fait valoir qu'ils s'expliquent par des considérations objectives et indique être en mesure d'assurer l'harmonisation des décisions individuelles des agents à travers les instructions qui leur sont adressées et le contrôle des services d'inspection.

Mais, il est permis de s'interroger sur la capacité de l'administration à unifier une " jurisprudence " qui en matière d'impôt sur le revenu a produit en 1997 pas moins de 106.000 décisions. Certains écarts touchant les taux d'acceptation des demandes combinés avec ceux concernant le taux des demandes présentées dans des circonscriptions fiscales proches par leurs caractéristiques socio-économiques accréditent ce doute.

Une forme de collégialisation des décisions devrait être introduite pour contribuer à garantir une application plus uniforme de la loi fiscale.

B. UN APPROFONDISSEMENT NÉCESSAIRE

Les limites du pilotage de la direction générale des impôts suppose d'approfondir les réflexions en cours qui tournent autour de plusieurs thèmes.

Plusieurs thèmes de modernisation de l'organisation des administrations fiscales sont apparus à l'occasion des réformes promues dans les pays étrangers. L'important rapport de l'inspection générale des finances, paru au cours de l'année 1999 -le " rapport Lépine "- consistant à comparer les administrations fiscales de 9 pays développés avec notre organisation en évoque plusieurs.

1. L'Agence

Selon le " rapport Lépine ", la généralisation du modèle de " l'Agence " serait en cours. Dans ce modèle d'administration, les administrations fiscales fonctionnent de façon autonome.

Points clefs du modèle de l'agence

Organisation strictement séparée du Ministère de tutelle

Concentration sur les activités de gestion et d'administration

Octroi d'une autonomie de gestion, sur la base de contrats d'objectifs

Responsabilisation sur les objectifs et vérification ex-post du respect des objectifs

Possibilité de définir des règles de fonctionnement (ressources humaines, budget) dérogatoires au schéma d'ensemble de l'administration

Direction collégiale

Ce modèle a pour conséquence une séparation stricte entre les responsabilités de gestion de l'administration fiscale et les responsabilités de la tutelle politique : l'autorité politique ne peut en aucune manière intervenir dans la gestion courante de l'organisme, l'administration fiscale étant responsabilisée sur la réalisation des objectifs et des orientations politiques générales qui lui sont données par la tutelle, à travers une contractualisation des relations.

Ce modèle s'accompagne d'un renforcement du contrôle externe en particulier parlementaire, et du contrôle interne via l'instauration de services d'audits très développés.

En soi il constitue une forme d'externalisation des tâches régaliennes en dehors de l'administration. On ne peut pourtant parler de privatisation puisque les institutions qui bénéficient de cette délégation restent de caractère public.

On peut donc identifier ce modèle comme une réponse à un problème de gestion administrative visant à dynamiser les services et à " dépolitiser " l'administration fiscale.

En ce qui concerne le premier objectif - la recherche d'une plus grande efficacité -, il doit rester compatible avec d'autres contraintes - le respect des libertés individuelles, l'égalité devant l'impôt - et il faut s'assurer qu'il le puisse pleinement dans le cadre d'un modèle d'autonomie poussée des agences fiscales et que ce modèle soit nécessaire à sa réalisation.

En ce qui concerne la " dépolitisation " de l'administration fiscale, elle présente certainement le double-intérêt d'assurer une certaine crédibilité, et à l'administration elle-même, et au politique qui ne sont plus soupçonnables de liaisons dangereuses et de dédramatiser la gestion des moyens des administrations fiscales.

Le contrôle parlementaire sur les administrations fiscales

En même temps que le modèle de l'Agence, se développe dans de nombreuses administrations fiscales étrangères auditées par la mission Lépine un contrôle parlementaire vigilant.

Les extraits suivants du rapport Lépine méritent à ce titre d'être intégralement mentionnés :

" Presque partout, l'administration fiscale subit en outre un contrôle parlementaire étroit. Les auditions du ou des principaux dirigeants de l'administration fiscale par des commissions parlementaires sont généralisées. Ce contrôle peut d'ailleurs être extrêmement contraignant et structurant pour l'administration fiscale ; sur ce point, les auditions de contribuables mécontents par le Sénat américain ont eu un rôle majeur sur le très important plan de réorganisation de l'IRS actuellement en cours. Dans les pays nordiques, au contraire, le Parlement est plutôt perçu par l'administration fiscale comme un élément d'une communauté beaucoup plus vaste de groupes d'intérêts (stakeholders : contribuables, professionnels du droit et de la fiscalité, université et monde de la recherche).

Dans presque tous les pays visités, le Parlement reçoit en outre l'appui décisif de l'institution publique d'audit. La mission a rencontré des représentants de trois institutions d'audit (Vérificateur Général du Canada, General Accounting Office américain, National Audit Office britannique) et a été impressionnée par le niveau général des représentants rencontrés des organismes en question. Dans les faits, les contrôles et les études des institutions publiques d'audit portent sur deux domaines distincts :

- la certification des documents comptables et financiers produits par les administrations fiscales (cas général), voire de l'intégralité des informations de gestion rendues publiques par une administration fiscale (situation suédoise) ;

- la réalisation d'études externes sur l'efficacité et l'efficience des administrations fiscales (généralisation des " value for money studies ").

Pour remplir leur mandat, les institutions d'audit disposent de moyens substantiels (budget annuel de 20 années-hommes pour le contrôle du seul HM Customs & Excise britannique) et semblent en outre jouir d'une forte crédibilité et d'un grand pouvoir de contre-expertise et d'analyse. Ainsi :

- le GAO américain a refusé de certifier les comptes de l'Internal Revenue Service sur les exercices 1992 à 1995 ;

- l'étude du Vérificateur Général publié en 1994 sur le recouvrement a constitué un élément essentiel de la réforme de ce processus au sein de Revenu Canada.

Le caractère de plus en plus contraignant du contrôle externe impose de fait aux administrations fiscales une pression de plus en plus forte sur la qualité et la richesse de leur information de gestion, qui relève d'ailleurs de plus en plus du domaine public (richesse considérable des données disponibles, par exemple sur Internet ou dans les rapports publics annuels). "

Il convient assurément d'inventer dans notre pays des procédures stylisées de contrôle externe de l'administration en général et de l'administration fiscale en particulier.

Le présent rapport souhaite ouvrir un chemin dans ce sens. Il prend place dans un contexte de rénovation administrative de l'animation de la DGI qui, avec le contrat d'objectifs et de moyens conclu entre celle-ci et la direction du budget, comporte sans doute des éléments de modernisation mais traduit aussi l'un des travers de notre vie administrative, sa réticence à rendre des comptes systématiques à l'extérieur. Il est en effet hautement significatif que ledit contrat ait pu être conclu sans qu'aucune consultation avec un organe extérieur ait été organisée, sa présentation au Parlement n'ayant été que postérieure à sa conclusion.

Il convient donc d'instaurer une procédure permettant au Parlement de se prononcer chaque année sur les résultats obtenus dans le cadre d'un contrat dont il faut en outre peser soigneusement les termes. C'est en France le rôle constitutionnel de la Cour des Comptes que d'assister le Parlement dans son contrôle de l'exécution des lois de finances. Elle s'en acquitte de mieux en mieux mais de nombreuses améliorations sont nécessaires.

Si les moyens de la Cour doivent être accrus, les conditions concrètes d'exercice de sa mission d'assistance du Parlement doivent être mieux définies qu'actuellement.

Votre rapporteur souhaite contribuer à cette réflexion et d'ores et déjà appelle de ses voeux une vérification annuelle par la Cour des résultats obtenus sur le front des objectifs que la DGI s'est jusqu'ici auto-assignée sous le seul contrôle de la direction du budget.

Cette vérification ne doit être que le premier élément d'un processus plus complet de contrôle externe qui doit en outre comprendre un enrichissement du rapport d'activité annuel de la DGI. Celui-ci doit permettre d'appréhender les résultats concrets obtenus dans chacune des missions ainsi que leur évolution de même que des précisions sur le niveau et la variation des différents coûts qu'elles supposent.

Il serait également souhaitable qu'un examen annuel des performances de l'administration fiscale intervienne dans l'enceinte des commissions des finances du Parlement ainsi qu'à l'échelon départemental

2. La spécialisation des services

Le rapport Lépine a identifié trois stades d'organisation des administrations fiscales :

l'organisation initiale, par impôt, phase jugée assez largement dépassée par la plupart des administrations fiscales ;

l'organisation par compétence géographique, qui constitue à ce jour le modèle dominant ;

l'organisation par groupe de contribuables, qui pourrait bien constituer le modèle générique de demain pour la plupart des administrations fiscales.

Le rapport relève d'abord que la gestion séparée des groupes et des grandes entreprises est devenue la règle dans 5 des 9 administrations fiscales visitées par la mission (Espagne, Etats-Unis, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède).

En outre, il souligne que les réformes en cours aux Etats-Unis s'inspirant de l'organisation des Pays-Bas vont plus loin encore en privilégiant une spécialisation des services par catégories de contribuables.

Ce dernier choix peut se recommander du caractère stratégique de l' " intuitu personae " en matière fiscale. Mais, il reste concrètement confronté à la solution alternative d'une spécialisation par impôt. Cette dernière spécialisation engendre sans doute une multiplication des contacts de l'administré avec l'administration fiscale et, chez celle-ci, un éparpillement des dossiers concernant un même contribuable mais elle trouve encore souvent sa justification dans la complexification de la législation fiscale et de la matière fiscale elle-même.

Votre rapporteur ne souhaite pas trancher définitivement cette question. Il lui faut souligner qu'elle doit être résolue en tenant compte de considérations très concrètes parmi lesquelles :

le degré d'automatisation des tâches,

la structure des qualifications des effectifs,

les inconvénients en termes de gestion administrative d'une spécialisation excessive des agents,

la capacité à développer des liaisons simples entre services.

En outre, ce débat sur la spécialisation n'aurait que peu de sens si, comme c'est actuellement le cas, la volatilité des affectations administratives venait priver l'administration de l'impôt d'une spécialisation qui compte beaucoup, celle qui naît d'une connaissance intime du milieu fiscal.

Par ailleurs, la question de la spécialisation apparaît fondamentalement liée au niveau de compétence de l'ensemble de l'administration fiscale qui, à son tour, dépend sans doute de la qualification des agents mais aussi de la capacité de la DGI à développer des services experts et de soutien aptes à démultiplier l'efficacité de la gestion quotidienne de l'impôt.

Enfin, la spécialisation fonctionnelle des services peut certainement être utile s'agissant de traitements de masse susceptibles d'être automatisés ou, au contraire, de fonctions très délicates qui réclament un suivi particulier tel que le traitement contentieux ou les recouvrements complexes.

3. La centralisation des administrations, une réalité à nuancer

La centralisation des administrations fiscales tend à corriger les effets du modèle d'implantation géographique encore dominant.

Elle a, selon les auteurs du rapport, pour premier résultat une réduction importante du nombre des bureaux locaux dans les administrations fiscales à l'étranger, le caractère exceptionnel de la situation de la France se renforçant au terme de ce processus.

Densité du réseau d'unités locales généralistes

France

Allemagne

Canada

Espagne

Etats-Unis

Irlande

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suède

nombre d'unités généralistes

3.840

645

60

206

33

130

950

66

500

120

population

58,6

81,9

30,3

39,3

267,2

3,6

57,4

41,5

59

8,9

superficie

551

357

9971

505

9973

71

302

15,6

244,1

450

nombre d'unités pour 1 million d'habitants

65,5

7,9

2

5,2

0,1

36,1

16,6

1,6

8,5

13,5

nombre d'unités pour 100.000 km2

696,9

180,7

0,6

40,8

0,3

183,1

314,6

423,1

204,8

26,7

Pour la France, les 3.840 unités généralistes prises en compte sont les 840 centres des impôts et les 3.000 postes de recouvrement de la direction générale de la comptabilité publique.

Même en ne prenant pas en compte le réseau des Douanes et celui de la branche recouvrement de la sécurité sociale, la densité du réseau français est 6,5 fois supérieure à la moyenne de l'échantillon.

Le seul réseau de la DGI (840 couples CDI-recettes des impôts) est également jugé très dense puisque seules l'Irlande et l'Italie ont un réseau plus dense que la France, dont la " dispersion DGI " est 40 % supérieure à la moyenne de l'échantillon.

Ces constatations brutes appellent toutefois quelques réserves.

La première d'entre elles est qu'elles ne comportent aucun élément d'appréciation qualitative sur les performances de l'administration fiscale ni sur l'environnement socio-économique dans lequel prend place l'administration de l'impôt .

Mais si l'indicateur utilisé pour démontrer la relative densité de l'administration fiscale française -le nombre des services locaux à missions fiscales- n'est pas totalement satisfaisant, c'est aussi pour d'autres motifs.

Il faut en premier lieu souligner que lesdits services exercent des missions autres que fiscales comme c'est tout particulièrement le cas des postes comptables de la DGCP -les plus nombreux- avec, notamment, leurs missions de comptables de la dépense publique. Il faudrait à tout le moins pondérer les calculs en ne prenant en compte que les missions fiscales des services déconcentrés. La densité du réseau français en ressortirait moins établie.

Par ailleurs, l'indicateur ne prend pas en compte les organismes extérieurs chargés des missions fiscales qui sont exercées en France par l'administration elle-même. Ainsi, ne sont pas pris en compte les tiers-payants qui, étant donné la généralisation du prélèvement à la source pour l'impôt sur le revenu, se substituent de fait à l'administration fiscale dans la plupart des pays autres que le nôtre.

De la même manière, les interventions des organismes fiscaux spécialistes ne sont pas comptabilisées dans un indicateur qui ne concerne que les unités généralistes. L'exercice par des organes spécialistes des missions de fiscalité locale dans nombre des pays de l'échantillon devrait être pris en considération puisque cette mission est confiée en France aux services de la DGI et de la DGCP.

La pertinence de l'indicateur, en dehors des observations ci-dessus, est en elle-même, sujette à caution. Rapporter le nombre des services locaux à la superficie d'un pays n'a aucun sens lorsque ce pays est d'une densité de population faible mais très vaste comme c'est le cas aux Etats-Unis ou quand le pays est de petite dimension comme aux Pays-Bas.

Il est probablement plus significatif de rapprocher le nombre des services locaux avec celui des habitants mais, à son tour, cet indicateur global n'a pas le même sens selon que la population est fortement ou faiblement concentrée.

Même ainsi, un pays de faible densité au sens de l'indicateur -peu de services locaux- pourrait être de forte densité au vu d'un autre indicateur prenant en compte le nombre d'agents du fisc. Il n'y a pas de lien évident entre la densité au sens de l'indicateur et le coût de l'administration fiscale.

La globalité de l'indicateur, qui le rend incomplet, empêche d'apprécier la pertinence de la disposition géographique des services qui est bien la question principale que pose un modèle d'administration territorialisée.

Un autre aspect de la tendance à la concentration de l'administration fiscale, moins ambigu, dans sa réalité et ses effets, a déjà été relevé avec la prédominance des pays à nombre réduit d'administrations fiscales -v. supra.

Enfin, la centralisation de certains processus dont l'intérêt d'un traitement en local est faible, apparaît compatible avec une décentralisation des services dont les effets positifs sont évidents en termes de connaissance de la matière fiscale mais aussi de dissuasion des fraudes et d'accessibilité pour les administrés.

4. L'externalisation

Les administrations fiscales étudiées confient, plus que l'administration française, des tâches nécessaires à l'administration de l'impôt à des tiers.

C'est principalement le cas dans le domaine du recouvrement -et même, à la marge, de l'assiette avec la retenue à la source- avec la gestion du recouvrement spontané -v. infra- par le système bancaire.

Mais ce l'est aussi dans certains cas pour la gestion des moyens mêmes des organismes fiscaux comme l'informatique sur une base, le plus souvent, expérimentale.

L'externalisation des processus fiscaux contraste avec la tendance observée à la DGI d'une administration vivant en autarcie et devant, compte tenu de la nature de ses fonctions, assurer elle-même la totalité des ses besoins.

Pour être exact, il convient de noter que l'informatisation de la DGI a introduit une exception dans ces comportements. De la même manière, le recours à des agents temporaires pour faire face aux charges des périodes de pointe a constitué une exception au monopole organique de l'ensemble administratif que représente la DGI.

Il faut prêter une réelle attention à l'intérêt d'aller plus loin que ce qui a déjà été réalisé. En ce sens, il convient toutefois de garder à l'esprit la distinction entre les tâches susceptibles de poser des problèmes de principe -de confidentialité notamment- et les traitements de masse qui ne mettent pas en jeu de telles questions comme l'encaissement, tâche simple et répétitive, qu'il convient de distinguer sous cet angle des problèmes parfois complexes de gestion du recouvrement.

5. Apporter des solutions aux problèmes nés des limites de compétence territoriale des services

Les compétences des services déconcentrés sont limitées par la définition des ressorts territoriaux où elles s'excercent. Cela a conduit à élaborer des solutions passant par le recours à des services à compétence territoriale élargie pour leur confier la gestion de certaines situations pour lesquelles l'inadaptation des distributions territoriales de compétences actuellement en vigueur paraissaient particulièrement flagrante.

Mais les difficultés sont loin d'être résolues pour autant comme l'a montré, par exemple, une disposition récemment adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1999. Il s'agissait en l'espèce de traiter le problème de la compétence des comptables chargés des recouvrements en cas de transfert de domicile du contribuable.

Bref retour sur un problème de compétence territoriale des comptables

L'article 32 de l'annexe IV du code général des impôts dispose que " les déclarations prescrites par l'article 286 4 ( * ) et le 1 de l'article 287 5 ( * ) du code général des impôts doivent être souscrites par les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, pour l'ensemble des opérations qu'ils réalisent, autres que les importations, auprès du service des impôts auquel doit parvenir leur déclaration de bénéfice ou de revenu ".

En outre, l'article 1692 du code général des impôts sur la taxe sur le chiffre d'affaires dispose que " les redevables sont tenus d'acquitter le montant des taxes exigibles au moment même où ils déposent la déclaration de leurs opérations ".

Par ailleurs, l'article L. 256 du livre des procédures fiscales prévoit qu'un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable de la direction générale des impôts à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité.

L'administration considère qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le poste territorialement compétent est celui auprès duquel les déclarations de TVA doivent être souscrites, c'est-à-dire celui dans le ressort duquel le redevable a son lieu de résidence, son siège ou son principal établissement.

En revanche, elle a estimé que ces textes ne permettent pas de désigner le poste comptable territorialement compétent pour prendre en charge et authentifier les rappels de TVA relatifs à la période antérieure au changement de domicile.

Or, les cas se sont multipliés dans lesquels les redevables, débiteurs d'impôts impayés, transfèrent leur domicile ou le centre de leurs activités hors de la circonscription du comptable chargé du recouvrement.

Ces situations, génératrices de difficultés pour l'administration fiscale mais aussi pour les administrés, ont conduit cette dernière à élaborer une instruction du 21 juillet 1975 (BODGI 12 C-14-75) autorisant le comptable du nouveau domicile à assurer le recouvrement, à condition que le transfert de domicile soit antérieur à la prise en charge du recouvrement.

La Cour d'appel de Paris a cependant estimé dans un arrêt du 19 janvier 1999 (ministre de l'économie et des finances c/ SA Les frères Gourmands) " que seul est compétent pour mettre en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par un contribuable et lui adresser un avis à cet effet, le comptable qui avait compétence pour recevoir les déclarations afférentes à cette taxe ".

C'est pourquoi une validation préventive des avis de mise en recouvrement effectués avant le 1 er janvier 2000 qui pourraient être déclarés irréguliers en raison de l'incompétence territoriale de l'agent qui les a émis a été organisée par le texte sus-mentionné.

Un décret devrait être également publié afin de préciser que le comptable compétent pour émettre les avis de mise en recouvrement est soit le comptable public du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, le comptable compétent à l'issue de ce changement.

Le décret annoncé contribuera sans doute à apporter une solution à un problème ponctuel mais il laissera subsister les difficultés d'identification des services d'assiette compétents ainsi que, plus généralement, les cas de superposition des services compétents pour gérer les dossiers d'un même redevable.

Un exemple des difficultés suscitées par la territorialisation
de l'activité des services fiscaux, le régime de groupe

Le Conseil des impôts dans son rapport pour 1994 " Fiscalité et vie des entreprises " mentionne un cas illustrant bien l'inadéquation entre la législation fiscale et l'organisation des services susceptible de poser des problèmes de gestion et de contrôle pour l'administration, le régime de groupe.

" Les sociétés membres demeurent soumises chacune à une obligation déclarative pour l'impôt sur les sociétés. Elles doivent déterminer leur résultat comme si elles étaient imposées séparément du groupe (art. 223 L. du Code général des impôts).

La société-mère est, quant à elle, tenue de souscrire deux déclarations au titre de chaque exercice : une déclaration pour son propre résultat déterminé dans les mêmes conditions que ses filiales et une déclaration faisant apparaître le résultat d'ensemble du groupe.

Dès lors, les procédures d'assiette et de contrôle doivent être menées avec les différentes sociétés, alors que la taxation est assurée au niveau du groupe. Ce dispositif induit la mise en place de liaisons entre différents services, dont les compétences territoriales sont généralement distinctes .

Les difficultés rencontrées encore aujourd'hui par l'administration dans la gestion du régime des groupes tiennent en fait :

- aux modifications fréquentes et nombreuses des périmètres de groupe ;

- aux insuffisances ou carences des entreprises dans l'accomplissement de leurs obligations, voire à la méconnaissance de ces obligations ;

- à l'inadéquation des règles de droit commun aux sociétés membres d'un groupe.

L'ampleur de ces difficultés montre que l'administration n'avait pas envisagé toutes les conséquences de l'adoption de ce régime, lors de sa mise en place. En particulier, il a été constaté un transfert de charge, non prévue à l'origine, du service vérificateur vers le service gestionnaire ".

" En cas de contrôle, plusieurs problèmes se posent, liés à la gestion du régime, et qui reçoivent des solutions plus ou moins satisfaisantes :

- la connaissance par le service vérificateur des sociétés ayant opté pour l'intégration, du fait de la variation trop fréquente du périmètre, cela malgré le dépôt des listes ;

- la clarification des rôles de chacun (information de la société-mère en cas de contrôle d'une filiale intégrée ; déclaration rectificative dans les trois mois pour les redressements acceptés, alors que le recouvrement des redressements contestés est assuré par voie de rôle, ce qui implique des liaisons entre le service de contrôle et le service gestionnaire. "

" En cas de redressements acceptés, la société doit établir les déclarations rectificatives dans un délai de trois mois. En cas de redressements refusés, le recouvrement est assuré par l'administration par voie de rôle. Ce double système de recouvrement est très difficilement gérable (cas des acceptations en plusieurs étapes) et induit une multiplication des bordereaux de versement liée aux déclarations rectificatives successives. "

" L'administration doit concilier une approche fiscale à la fois au niveau du groupe, s'agissant du suivi du groupe intégré, et aussi au niveau des directions des services fiscaux (DSF) du lieu d'implantation des filiales, ces dernières ayant une personnalité morale autonome. La possibilité de faire varier chaque année le périmètre d'intégration ne facilite guère d'éventuelles simplifications. "

La très grande dispersion territoriale des compétences de la DGI a des aspects très positifs. Elle favorise la connaissance du tissu fiscal. Elle permet aux services d'intervenir au plus près des réalités. Elle est un élément de proximité pour les administrés. Toutefois, elle mérite d'être accompagnée d'agencements permettant de dépasser les contraintes de cette territorialisation.

Il apparaît d'abord que les tentatives en cours pour mettre au jour un correspondant fiscal unique, solution susceptible de simplifier la vie fiscale des administrés mais aussi l'efficacité des missions de l'administration sont bienvenues mais risquent de se heurter à la territorialisation de son déploiement et de ses compétences.

L'on devrait donc en parallèle réfléchir à la désignation d'un " chef de file " fiscal, unité qui serait chargée de gérer les dossiers de chaque contribuable en liaison avec les services territorialement compétents.

Il apparaît aussi qu'au niveau des services de base il y aurait intérêt à trouver des formules juridiques permettant de valider l'exercice des compétences des agents dans des ressorts territoriaux élargis quitte, fonctionnellement, à répartir en interne les compétences territoriales sur les bases paraissant le mieux convenir.

Enfin, le niveau d'exercice des compétences des actuelles directions régionales qui est en cours de définition mérite réflexion.

* 3 Selon le manuel de base des comptables publics, la notion de cote ne concerne que les impôts recouvrés par les comptables du Trésor et comprend le principal des droits et les majorations, pour un article d'un impôt. La notion d'exercice vise les taxes sur le chiffre d'affaires, la retenue à la source sur le revenu des capitaux mobiliers et les taxes recouvrées selon les mêmes modalités. La notion d'affaire concerne les droits d'enregistrement, de publicité foncière, l'ISF et les droits de timbre. Dans tous les cas, le seuil de compétence est déterminé par les montants en cause : les droits et/ou les majorations en matière d'impôts directs, les pénalités seules (acomptes exclus) pour les taxes sur le chiffre d'affaires et les droits d'enregistrement. Si, pour un même impôt, un même dossier comporte plusieurs cotes, exercices ou affaires correspondant à plusieurs années, dont une partie seulement relève d'un même niveau hiérarchique c'est le niveau hiérarchique compétent pour la cote, l'affaire ou l'exercice dont le montant est le plus élevé qui traite l'ensemble du dossier.

* 4 Il s'agit de la déclaration d'existence.

* 5 Il s'agit de la déclaration de chiffre d'affaires.

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