PROPOSITIONS DE LA
MISSION
Réunie, le 27 juin 2000, sous la présidence de
Mme Anne Heinis, présidente, la mission d'information du Sénat
sur les conséquences à tirer de la catastrophe de l'Erika
a adopté, à l'unanimité, les conclusions
du rapport présenté par M. Henri de Richemont.
L'ensemble de ses propositions est repris
ci-après :
SOUTENIR LE PAVILLON FRANÇAIS
- Relancer le pavillon français afin
d'accroître la voix de la France à l'OMI et
assurer une véritable politique de sécurité. A cette fin,
accorder les aides au pavillon français
-amortissement accéléré, taxe au tonnage-
analogues à celles de la plupart de nos partenaires européens,
dans le cadre des dérogations accordées par la Commission
européenne à l'interdiction des aides d'Etat.
RENFORCER LA SÉCURITÉ
MARITIME
Améliorer les
contrôles
- Militer pour la création d'une
agence européenne de sécurité maritime,
dotée à terme de ses propres inspecteurs, dans le but
d'obtenir une harmonisation des contrôles par l'Etat du
port, pour éviter les détournements de trafic ;
- Obtenir, comme le propose le gouvernement
français, que devienne obligatoire une visite en cale
sèche tous les 2,5 ans des navires de plus de quinze ans
d'âge ;
- Imposer un contrôle annuel en cale
sèche des pétroliers de plus de quinze ans
d'âge transportant régulièrement du fuel
lourd n°2 ou des hydrocarbures
chauffés ;
- Cibler les contrôles sur les navires
à risques, particulièrement sur les
pétroliers de plus de quinze ans
d'âge transportant régulièrement du fuel
lourd n°2 ou des hydrocarbures
chauffés ;
- Soutenir les initiatives de la Commission européenne
s'agissant du contrôle des sociétés de
classification. Compléter le projet de directive en cours afin
d'obliger les sociétés de classification
à souscrire une assurance garantissant un montant minimal
déterminé, avec possibilité d'action directe contre
l'assureur ;
- Modifier la législation afin de
permettre au port, dans lequel un navire a été
abandonné après avoir été retenu, de le faire
vendre rapidement aux enchères.
Sécuriser la structure des
navires
- Supprimer les risques afférents au système de
double coque américain, en obtenant de l'Union européenne de
favoriser soit la construction du pétrolier E3
à pont intermédiaire développé par les
Chantiers de l'Atlantique, soit le système de double coque
" sèche " préconisé par la
société Services et transport.
Renforcer la transparence et la
prévention
- Accroître la crédibilité du
système EQUASIS en étendant son contenu
aux recommandations des sociétés de classification, et aux
informations recueillies par les sociétés
pétrolières dans le cadre des vettings auxquels
elles procèdent. A cette fin, obtenir que l'Union
européenne n'autorise l'accès à ses ports qu'aux navires
affrétés dont la charte-partie contient l'obligation pour
l'armateur de communiquer les recommandations de la classe à
EQUASIS ;
- Obtenir une modification des conventions de l'OMI pour
obliger, en cas d'accident, les autorités de l'Etat du pavillon
à communiquer toutes les informations liées à la
certification du navire aux autorités de l'Etat du
port.
RENFORCER LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA
POLLUTION
POLMAR-MER :
- Elargir la composition de la mission
d'évaluation mise en place par le préfet maritime pour assister
un navire en difficulté à un pilote, un officier de
port, un ancien officier de la marine marchande ayant commandé un navire
du même type et à Météo-France ;
- Permettre au préfet maritime d'obliger un
port à recevoir un navire en difficulté ;
- se doter des équipements nécessaires pour la
lutte contre la pollution et disposer sur chaque littoral de
navires polyvalents capables de pomper du pétrole et de
répandre des produits dispersants, d'un navire
spécialisé pour récupérer du
pétrole à la mer, d'avions
épandeurs susceptibles d'intervenir rapidement, même par
mauvais temps ;
- Remplacer les hélicoptères Super-Frelons par
des hélicoptères NH 90 ;
- Recourir à une délégation de
service public pour les contrats d'affrètement des remorqueurs,
afin d'allonger la durée de ces
contrats et permettre que la sécurité de nos côtes
soit assurée par des navires battant pavillon français
dotés d'un équipage possédant l'expérience
requise ;
- Affréter un quatrième remorqueur de
haute mer dans le Golfe de Gascogne.
POLMAR-TERRE :
- Mettre à jour les plans
POLMAR-TERRE tous les ans et les
revoir en profondeur tous les cinq ans, en collaboration avec le
CEDRE ;
- Réaliser des exercices
préventifs, notamment en matière de pompage ;
- Renforcer la coordination entre plan POLMAR-TERRE et
POLMAR-MER ;
- Désigner, dans chaque zone de
défense, un interlocuteur unique, responsable du plan
POLMAR-TERRE, qui pourrait être le préfet de zone
de défense ;
- Identifier des sites de stockage temporaire
pour les hydrocarbures récupérés le long
de la côte.
LIMITER LES REJETS SAUVAGES EN MER
- Limiter les rejets d'hydrocarbures à la
mer en obligeant les ports français, quelle que soit leur
taille, à s'équiper de stations de
déballastage pour collecter les boues et les résidus de
cale ;
- Interdire aux navires de quitter les ports
européens s'il ne peuvent produire un certificat de
déballastage ;
- Faire adopter sous présidence
française la directive sur les installations portuaires de
réception des déchets qui sera caduque si elle ne fait
l'objet d'un accord avant la fin du mois de juillet prochain.
MOBILISER DAVANTAGE LES MOYENS DE
L'ÉTAT
- Rendre attractif le statut des inspecteurs de
la sécurité des navires, et ouvrir ce corps
à des navigants dotés d'une expérience
professionnelle pour crédibiliser la volonté des
autorités de doubler leur nombre ;
- Renforcer le rôle du Secrétariat
général de la mer en lui donnant les moyens juridiques
et budgétaires d'assurer une véritable coordination des
services des six ministères concernés.
A défaut, créer une direction
générale de la sécurité maritime au sein
des services du ministère de l'Equipement.
AMÉLIORER LE RÉGIME
D'INDEMNISATION
Agir au sein des organisations
internationales
Une amélioration du régime d'indemnisation peut
provenir soit d'une modification de la pratique du comité
exécutif du FIPOL, dont la France est membre, soit d'une
révision, dans le cadre de l'OMI, des conventions de 1992 sur la
responsabilité du propriétaire du navire et sur le FIPOL.
1.-Assurer une indemnisation plus
complète
- Soutenir l'élévation des limites de
responsabilité du propriétaire et du plafond d'indemnisation du
FIPOL (au delà des 50% qui résulteront de la procédure de
révision en cours) pour porter la limite maximale
d'indemnisation à 1 milliard d'euros,
telle que proposée par le Gouvernement français et la
Commission européenne ;
- Envisager la création d'un troisième
fonds européen si les négociations dans le cadre de
l'OMI pour rehausser le montant du fonds ne peuvent aboutir ;
- Obtenir une modification des conventions de 1992 pour
inclure, au minimum, une clause de réévaluation
automatique et périodique des montants des plafonds de
responsabilité et d'indemnisation applicables, afin de ne pas
les laisser progressivement perdre leur valeur.
- Obtenir du comité exécutif du FIPOL :
. une plus large indemnisation du
préjudice économique indirect ;
. une indemnisation des dépenses de
restauration de l'environnement effectivement
réalisées.
2.- Assurer une indemnisation plus
rapide
Pour supprimer les blocages du processus
d'indemnisation et accélérer les règlements, agir
pour que soient modifiées les conventions de 1992 afin de :
- Rendre obligatoire une
médiation avant l'introduction de toute action
en justice contre une décision du FIPOL sur une demande
d'indemnisation. A cette fin, une liste de médiateurs serait
établie dans chaque Etat-membre par le comité exécutif,
sur proposition de l'administrateur et avec l'accord de l'Etat concerné.
Le FIPOL serait lié par le résultat de la médiation, mais
non les victimes qui conserveraient le droit de saisir les tribunaux ;
- Obtenir la hiérarchisation des
créances, pour donner la priorité aux créances " de
subsistance " (revenus des professionnels de la mer, notamment)
sur les autres créances (dépenses publiques, restauration de
l'environnement) ;
- Réduire à deux ans au
lieu de trois ans après la survenance du dommage le délai
de prescription pour le dépôt des demandes d'indemnisation
après une marée noire ;
- Prévoir l'attribution
d'intérêts de retard dès que l'indemnisation effective
intervient dans un délai supérieur à six mois
à compter du dépôt d'une demande dûment
justifiée. Ces intérêts seraient accordés en dehors
de limites de responsabilité du propriétaire ou du plafond du
FIPOL ;
- Prévoir que chaque État prenne des
dispositions pour regrouper l'ensemble des contentieux
relatifs à un même sinistre devant une seule
juridiction et instituer des règles d'attribution de
compétence en cas de dommages transfrontaliers.
3.- Moduler la responsabilité du
propriétaire en fonction du danger que représente le navire et sa
cargaison
- Soutenir la modification des conventions de 1992 pour
relever les limites de responsabilité des propriétaires
de navires de plus de quinze ans d'âge transportant du fuel lourd ou des
hydrocarbures nécessitant d'être chauffés lors de
leur transport. Ce montant de responsabilité additionnelle ne
s'imputerait pas sur l'indemnisation versée par le FIPOL.
Modifier la législation française
1.- Mieux indemniser les collectivités
locales
- Modifier le plan POLMAR pour que l'Etat prenne
en charge non seulement les coûts exceptionnels supportés par les
communes du fait de la pollution, mais aussi les coûts fixes
(notamment le coût du personnel communal), à charge pour
lui de se faire rembourser par le FIPOL.
2.- Adapter la législation
française au régime international
- Supprimer l'incompatibilité entre les
dispositions de la loi française du 3 janvier 1967 et le
régime international d'indemnisation ;
- Prévoir dans la loi française le tribunal
compétent pour statuer sur les diverses contestations, qu'elles soient
relatives aux droits du propriétaire à limiter sa
responsabilité, ou qu'elles concernent la répartition du fonds de
limitation de responsabilité du navire.
***
A la veille de la Présidence française
de l'Union européenne, le moment est particulièrement
propice pour apporter une contribution aux travaux du gouvernement et de
l'Union européenne, en souhaitant que la catastrophe de l'Erika et la
gestion de la crise fassent l'objet d'un retour d'expérience tant au
niveau de la prévention que de la lutte contre la pollution.
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