Séance du 10 juin 1998







M. le président. « Art. 13. - I. - A titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2000, et par dérogation aux limites d'âge prévues à l'article L. 980-1 du code du travail, les contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 981-1 du même code sont ouverts aux demandeurs d'emploi de vingt-six ans et plus rencontrant des difficultés sociales et professionnelles.
« Les dispositions des articles L. 980-1, L. 981-1, L. 981-2, L. 981-4, L. 981-10, L. 981-11 et L. 981-12 du code du travail ainsi que celles du IV de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984) sont applicables aux contrats signés en application de l'alinéa précédent.
« Les dispositions de l'article L. 981-3 ne leur sont pas applicables.
« Un décret fixe les autres conditions de mise en oeuvre des contrats mentionnés ci-dessus, en particulier les conditions auxquelles doivent répondre les demandeurs d'emploi susceptibles d'en bénéficier.
« II. - Les organisations syndicales représentatives de salariés et les organisations représentatives d'employeurs sont invitées à négocier au niveau national et interprofessionnel avant le 31 décembre 1999 les modalités d'une ouverture pérenne des contrats mentionnés à l'article L. 981-1 du code du travail aux demandeurs d'emploi âgés de vingt-six ans et plus. »
« III. - Un rapport d'évaluation de l'application des dispositions du présent article est présenté au Parlement avant le 31 décembre 1999. »
Sur cet article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 13 du projet de loi porte sur une expérimentation nouvelle : la pratique des contrats de qualification pour les demandeurs d'emploi âgés de plus de 26 ans et privés d'activité depuis une longue durée.
Cet article nous permet donc d'ouvrir un débat qui n'est pas sans intérêt sur la formation professionnelle.
Nous nous devons d'apprécier à leur juste valeur l'ensemble des dispositions contenues dans le projet de loi qui portent sur les questions de la formation et de l'emploi.
Le titre Ier du texte qui nous est soumis appréhende en effet, sur la base de ce qui existe déjà - et qui ne manque d'ailleurs pas d'une complexité qu'il conviendrait de notre point de vue de mesurer et de corriger - l'ensemble des dispositions susceptibles de permettre aux demandeurs d'emplois les plus en difficulté de se replacer dans un processus d'emploi passant notamment par la formation.
Il est patent que les publics traditionnellement ciblés par la politique de l'emploi - jeunes de moins de 26 ans ou demandeurs d'emploi de longue durée - peuvent, dès lors que leur parcours connaît quelques errements, risquer l'exclusion des dispositifs, ce qui conduit en fait à l'exclusion tout court.
L'une des limites des politiques pour l'emploi mises en oeuvre jusqu'ici est due au caractère pour le moins segmentaire de leur public - la diversité des actions contribuant d'ailleurs à accroître cette segmentation - et sur les contradictions que cette situation fait naître à la longue.
On nous propose donc avec cet article 13 de remédier à cette situation en autorisant, de manière expérimentale, les plus de 26 ans à s'inscrire dans un contrat de qualification.
La mise en oeuvre de tels contrats pose toutefois un certain nombre de questions.
Quant aux finalités et aux objectifs généraux, ces contrats - convient-il de le rappeler ? - procèdent, en vertu de l'article L. 933-2 du code du travail, de la négociation de branche ou interprofessionnelle.
Une des questions récurrentes posées dans ce cadre et que cette expérimentation ne manquera pas de soulever de notre point de vue est celle de la reconnaissance effective de la qualification acquise.
Le débat est en effet ouvert en ces matières depuis longtemps entre la formation tendant à favoriser, pour les personnes concernées, l'acquisition d'une formation « diplômante », notamment au travers de procédures modulaires d'acquisition de connaissances, et la formation tendant à favoriser l'employabilité dans l'entreprise, le contrat de qualification ou tout autre contrat de formation étant dès lors une sorte de période d'essai de plus longue durée.
C'est aussi cette problématique qui est au coeur de la négociation collective dans l'entreprise du plan de formation telle qu'elle résulte de l'article L. 933-3 du code du travail.
Le troisième alinéa de cet article précise en effet que « le comité d'entreprise donne en outre son avis sur les conditions d'accueil, d'insertion et de formation de jeunes dans l'entreprise, notamment de jeunes bénéficiaires des contrats d'insertion en alternance mentionnés aux articles L. 981-1, L. 981-6 et L. 981-7 ».
Cette expérimentation des contrats de qualification élargis aux plus de 26 ans devra, à notre avis, se doubler d'une réflexion plus profonde sur le devenir de ces formations, notamment sur la possibilité de faire réellement accéder à une qualification les bénéficiaires de ces contrats.
Cette démarche est d'autant plus indispensable qu'il nous souvient que le récent projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a, entre autres mesures, prévu une ponction de 500 millions de francs sur les fonds de la formation en alternance, ponction dont nous n'acceptons pas les raisons mais que l'examen du présent projet de loi semble devoir expliciter.
Tout en partageant les dispositions de l'article 13 puisqu'elles visent concrètement à ne pas rompre des processus de formation et d'insertion engagés par des chômeurs au seul motif de leur âge, nous considérons que la situation que nous venons de décrire commande la vigilance la plus attentive pour que la formation professionnelle atteigne effectivement à l'avenir des objectifs plus ambitieux de qualification des stagiaires.
Nous voterons donc cet article 13 sous ces auspices.
M. le président. Par amendement n° 281,Mme Dusseau propose de compléter le premier alinéa du paragraphe I de cet article par les mots : « et non titulaires d'un diplôme de l'enseignement général, technologique ou professionnel. »
La parole et à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cet article 13 prévoit l'extension des contrats de qualification aux demandeurs d'emploi de 26 ans et plus.
Il convient de relever que le texte proposé par le Gouvernement et non modifié par l'Assemblée nationale est relativement vague. Il y est mentionné, d'une part, que le dispositif s'applique à ceux qui « rencontrent des difficultés sociales et professionnelles » et, d'autre part, qu'un décret fixe les conditions de mise en oeuvre des contrats.
Or je voudrais attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur le fait que les contrats de qualification pour les jeunes de moins de 26 ans ont été souvent en partie détournés de leur objet initial. Des glissements ont eu lieu vers des publics plus qualifiés que ceux qui étaient prévus à l'origine.
On constate, en effet, une surqualification des personnes bénéficiant de ces contrats, un certain nombre d'employeurs ayant profité de l'aubaine pour faire embaucher sous contrats de qualification des personnes qui avaient pratiquement la qualification requise.
Animée par un souci identique à celui qui m'a amenée à déposer un amendement demandant que le programme TRACE soit exclusivement réservé à des jeunes sans qualification, je propose donc qu'il soit bien précisé, à l'article 13, que les contrats de qualification pour adultes sont réservés à des personnes non titulaires d'un diplôme de l'enseignement général, technologique ou professionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement ne vise pas à recentrer, comme le dit l'exposé des motifs, mais à axer purement et simplement les contrats de qualification adultes sur des personnes qui ne seraient pas titulaires d'un diplôme de l'enseignement général technologique ou professionnel.
Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner un amendement analogue à l'article 2.
Il nous semble qu'il ne faut pas écarter a priori du bénéfice des contrats de qualification pour adultes des personnes qui sont titulaires d'un diplôme. En effet, il peut s'agir d'un CAP, diplôme au demeurant modeste, qui ne constitue pas nécessairement une garantie efficace contre le chômage.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Pery, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je vais plaider pour le retrait de cet amendement.
Votre préoccupation, madame le sénateur, est partagée par le Gouvernement. La dérive des contrats de qualification que vous dénoncez a été effectivement constatée. Vous savez que nous souhaitons recibler les contrats vers le public en difficulté, cela figure clairement au coeur même de ce projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions.
En ce qui concerne le contrat de qualification pour adultes, l'article 13 du projet de loi prévoit qu'un décret précisera le public éligible, en réservant ce contrat aux demandeurs d'emploi de bas ou de premier niveau de qualification.
Le recours à un texte réglementaire paraît préférable à l'intégration dans la loi d'une définition du public visé par la mesure, et ce pour deux raisons.
D'abord, il permettra de mener une concertation avec les partenaires sociaux, avec lesquels ce point n'a pas encore été abordé ; ensuite, je rappelle que la mesure a, pour le moment, un caractère expérimental.
M. le président. Madame Dusseau, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Joëlle Dusseau. Vous avez bien compris, madame la secrétaire d'Etat, que mon souci était de faire en sorte que ces contrats de qualification pour adultes ne connaissent les dérives qui ont contribué à faire perdre leur substance, ou leur objectif en tout cas, aux contrats de qualification destinés aux jeunes tels que nous les avons vécus.
Je reconnais bien volontiers avec M. le rapporteur que mon amendement comporte un aspect extrêmement restrictif, mais il est lié au souci prioritaire de recibler le dispositif sur les publics en grande difficulté, notamment sur les personnes sans qualification.
Comme j'ai la garantie de Mme la secrétaire d'Etat et de Mme la ministre que le décret prendra en charge ce souci, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 281 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13 bis