Séance du 1er décembre 1999







M. le président. « Art. 35. _ Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2000 à 98,5 milliards de francs. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les annales de l'Europe, 1998 restera une année exceptionnelle du fait de l'adoption d'une monnaie unique par onze Etats. Ce fut un de ces événements chargés de sens qui modifient le cours de l'histoire et justifient l'espérance.
Inversement, l'année 1999 ne devrait pas laisser un souvenir impérissable. Les conclusions de l'Agenda 2000, comme l'adoption de la nouvelle programmation financière pour la période 2000-2006, relèvent bien de compromis. Ces décisions ont permis d'éviter les drames redoutés et, pour ce faire, elles ont un peu contourné les difficultés. Elles ne sont donc pas marquées du signe de l'audace, de l'audace qui prépare vraiment l'avenir.
Pourtant, les occasions, et même les appels à revenir à l'essentiel, ne manquent pas. Je pense évidemment, en particulier, à l'élargissement, qui devrait nous bousculer et qui nous presse d'apporter de solides réponses aux questions fondamentales liées à la construction européenne : jusqu'où ? Pour faire quoi ? Comment ?
Notre débat sur l'article 35 du projet de loi de finances - article qui fixe à 98,5 milliards de francs le prélèvement sur ressources représentant notre contribution à un budget de l'Union lui-même assez terne - se situe donc dans un contexte sans éclat, et je le regrette.
Plutôt que d'analyser le projet en détail, je vais limiter mon propos à quelques observations de fond qui justifient de retenir notre attention. Je m'arrêterai donc sur les discussions relatives à la fameuse question dite des « soldes nets » et aux grands équilibres du budget, en commençant cependant par un vrai sujet : celui des conditions de vote de ce budget.
Nous rappelons chaque année que, sauf à ouvrir une crise, notre vote est lié, ce qui n'est pas bon. Mais il y a pire que cela. De nouvelles exigences du Parlement européen vont alourdir la contribution arrêtée par notre projet de loi de finances à 98,5 milliards de francs. Le Parlement européen demande en effet - c'est le jeu de la codécision - une réévaluation de 3,5 milliards d'euros du projet de budget européen retenu par le Conseil, lequel était sagement en retrait d'un milliard d'euros par rapport à l'avant-projet préparé par la Commission.
Ces 3,5 milliards d'euros d'augmentation demandés par le Parlement européen représentent 3,5 milliards de francs de contribution supplémentaire pour la France, ce qui portera à 102 milliards de francs le prélèvement sur ressources à prendre en compte dans notre projet de loi de finances. Notre contribution aura ainsi progressé de 9 % par rapport à celle de 1999, qui avait finalement été arrêtée non pas à 95 milliards de francs, comme nous l'avions votée, mais à 93,5 milliards de francs, les 95 milliards de francs apparaissant clairement comme faisant la part d'un certain nombre de provisions.
Mes chers collègues, nous sommes appelés à voter un prélèvement sans pouvoir vraiment le refuser et en sachant cette année qu'il est sous-estimé.
Le nouvel accord interinstitutionnel confirme que le Parlement européen dispose de marges de manoeuvre pour augmenter les crédits retenus par le Conseil. Le jeu institutionnel actuel se déroule donc normalement. Cette procédure ne convient plus. Elle mène à l'irresponsabilité - ou au moins à des risques d'accusation d'irresponsabilité - et certainement pas à la transparence. Nous qui voulons gérer avec la plus grande rigueur la dépense publique, nous qui assumons notre responsabilité, qui est aussi de voter l'impôt, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger lorsque nous voyons qu'ici ce sont des assemblées différentes qui sont appelées à voter les recettes - les parlements nationaux - et les dépenses - le Parlement européen.
Sur de telles bases, l'Europe démocratique, l'Europe des citoyens que nous appelons de nos voeux a des progrès à faire. Quelle démocratie laisserait son Parlement augmenter les charges sans assumer les conséquences politiques de ses choix ?
Ce cri d'alarme, je l'exprime parce que je crois en l'Europe, parce que je veux voir se poursuive la construction d'une union politique qui est exemplaire et qui entend compter dans le monde. Alors il est urgent de progresser aussi sur la question de la nature du budget. Le débat institutionnel qui est ouvert, monsieur le ministre, doit faire toute sa place à cette question, question pratique, question de tous les jours, mais également question au moins aussi politique que les autres.
J'en viens aux réflexions sur la question des soldes nets, chère à certains Etats membres.
Nous ne pouvons pas ne pas écouter les pays qui ont déclenché ce débat et qui estiment que l'Europe leur coûte trop cher ou qu'elle ne leur rapporte pas assez. Ces réactions qui sont manifestement anti-européennes ou qui ne sont pas directement marquées par l'esprit européen, sont d'autant plus vives que rien ne vient rassurer ces Etats membres quant aux conséquences budgétaires de l'élargissement de l'Union. Voilà bien un de ces sujets que l'on évite soigneusement, car il pourrait fâcher !
Le rapport que j'ai eu l'honneur de signer sur ce sujet en 1996 - voilà déjà trois ans ! - analysait les dépenses budgétaires liées à l'élargissement, lesquelles, je le démontrais, pouvaient assez largement être contenues, pour peu que s'exprime une volonté politique forte de profiter de l'opportunité de l'élargissement pour revoir certaines politiques.
Ce rapport décrivait aussi les retours souvent économiques plus que budgétaires dont allaient bénéficier la plupart de nos Etats du fait de l'élargissement.
Ce type de logique - retours économiques sur investissement budgétaire - montre bien qu'un investissement budgétaire peut produire un retour économique. Le solde net est alors difficile, voire impossible, à calculer. Il n'a plus de sens.
La logique du juste retour n'est au demeurant pas du tout dans l'esprit européen, lequel nous appelle non seulement à faire mieux ensemble que ce que nous aurions fait moins bien séparément, mais aussi à faire dans l'Union des choses qu'aucun Etat n'aurait fait seul. Je parle, par exemple, de ce que l'on pourrait appeler la production de paix, la production de liberté, la production de droits de l'homme, la production de démocratie.
Par définition, le chacun pour soi ne sert pas l'Union. Il faut choisir : si l'on décide d'agir ensemble, c'est que cela représente un progrès et que l'on est prêt à en payer le prix. C'est tout le débat sur la souveraineté que j'aborde au passage, mais j'en resterai là.
Politiquement irresponsable, le débat sur les retours nets est également sans fondement, ni comptable ni économique.
On compare en effet des réalités qui ne sont pas comparables : 85 % des recettes proviennent des contributions nationales - cela diminue chaque année -, mais 75 % environ seulement du budget est redistribué pour être affecté géographiquement dans tel ou tel Etat. En moyenne, le solde net est donc négatif - moins de redistribution que d'apport -, du seul fait qu'il existe des politiques qui servent directement l'Union et non ses membres. C'est la logique de la construction européenne. Il est donc normal que l'on redistribue moins que ce que l'on collecte.
N'oublions pas que le solde du Royaume-Uni dépend du taux de change entre l'euro et la livre. Les conditions d'exécution des différentes politiques sont diverses. La dépense agricole s'exécutant mieux que d'autres, la France profite davantage de celle-ci et se retrouve, de ce fait, en situation moins favorable au jeu des soldes nets.
Inversement, la Belgique et le Luxembourg oublient de comptabiliser les retombées de toutes sortes de l'installation d'institutions de l'Union sur leur territoire.
Les liens commerciaux de l'Allemagne avec l'Europe centrale font davantage profiter ce pays des programmes PHARE, même si ceux-ci apparaissent à l'Est. Plus généralement, les politiques structurelles sont souvent mises en oeuvre avec le concours d'entreprises venant d'autres Etats membres que l'Etat qui en bénéficie directement.
Les droits de douane perçus aux frontières de l'Union et qui constituent une ressource propre devraient être exclus du calcul des soldes, et l'« effet Rotterdam » est bien connu.
On pourrait multiplier les exemples qui ruinent la crédibilité de l'analyse des soldes nets.
Monsieur le ministre, nous avons dit « Europe politique », nous avons dit « Union ». Là encore, quelques progrès restent à faire pour que l'Union devienne réalité. Les pères de l'Europe ne nous ont pas engagés dans cette aventure extraordinaire pour qu'elle s'enlise dans des discussions de copropriétaires.
En fait, les contributions des Etats correspondent assez bien à leurs capacités contributives, le cas du Royaume-Uni mis à part. Si des écarts entre les contributions nettes existent, ils s'expliquent par la structure des dépenses européennes, lesquelles résultent pour l'essentiel, nous le savons, de deux politiques historiques qui ont été consacrées par les traités et qui ont, l'une et l'autre, un sens profond : la politique agricole commune et la politique de cohésion.
Nous savons à qui chacune d'elles profite, mais c'est là encore un choix initial consacré par les traités que l'équilibre actuel du budget traduit très naturellement. Il ne faut donc pas s'en étonner ; nous l'avons voulu.
Cela dit, des redéploiements peuvent et doivent aujourd'hui intervenir, si nous ne voulons pas manquer les grands rendez-vous de l'Europe avec l'histoire. J'évoque ainsi dans mon rapport - et j'y reviens - les problèmes posés par l'élargissement, qui sont maintenant devant nous, ainsi que l'absence, dans le budget européen, des moyens de régulation qui pourraient être nécessaires pour contrer, au sein de l'union monétaire, les effets d'éventuels chocs asymétriques, nous l'avons déjà dit, et c'est un sujet qu'il ne faut pas traiter par le mépris. Rien de tout cela ne figure dans la programmation de Berlin, et c'est regrettable.
Des Polonais me faisaient récemment part de leur inquiétude, face à ce qu'ils perçoivent comme des tergiversations, voire des hésitations de notre part. Ils se sentent aussi européens que nous et ils ont le sentiment d'avoir un peu payé, pendant un demi-siècle, le prix de notre prospérité et de notre liberté.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Denis Badré, rapporteur spécial. L'élargissement ne peut être une simple rubrique budgétaire ni même une politique parmi d'autres. L'élargissement, c'est ce qui donne sens et portée à une construction européenne qui appelle les peuples, tous les peuples, de notre continent à rejoindre progressivement un projet commun, un projet qui rende contagieuses la paix et la liberté. A terme, et comme ce fut toujours le cas, l'élargissement sera bénéfique pour tous, anciens et nouveaux membres, sur le plan de la prospérité comme sur celui de la sécurité.
Traiter à fond les problèmes qui se posent, c'est l'intérêt de tous et c'est toujours ainsi que, pragmatiquement, l'Union européenne a progressé. Faisons-le cependant sans frilosité. Ce ne serait ni efficace, ni, surtout, digne de ce que nous avons fait jusqu'à présent, ni digne de nos ambitions.
Dans ces conditions de bouclage un peu rapide en application de nouvelles perspectives peu satisfaisantes, le projet de budget européen pour 2000 ne pouvait pas être excellent malgré des circonstances plutôt favorables.
Celles-ci tiennent d'abord au redémarrage de l'économie européenne, qui vient beaucoup de l'assainissement budgétaire réalisé au niveau de chaque Etat membre pour entrer dans l'union monétaire.
C'est bien l'Europe qui a fait prévaloir partout une sagesse budgétaire dont chacun se trouve bien ! La reprise vient aussi de l'euro lui-même et de la réduction des taux d'intérêt qui a accompagné sa mise en place. Cela aussi, il faut en créditer l'Europe et il faut le dire.
L'Europe peut apporter la sagesse à ses membres. L'Europe a certainement contribué à la reprise de la croissance dans le monde. L'Europe a protégé ses membres contre les crises financières des deux dernières années. Sachons aussi louer l'Europe lorsque c'est le cas, alors qu'en général nous l'utilisons plutôt comme le bouc émissaire de tous nos maux.
J'en reviens à mon dernier point, beaucoup plus particulier, celui des crédits structurels.
Un élément « favorable » vient alléger les crédits inscrits au budget : le montant des crédits d'engagement liés aux dépenses structurelles diminue ! Bien entendu, je m'en félicite, mais il faut rappeler que les mêmes avaient progressé de 16 % l'an dernier pour « solder » les engagements d'Edimbourg, ce que nous avions fortement dénoncé !
Aujourd'hui, comme prévu ou redouté, les restes à liquider atteignent 45 milliards d'euros, ce qui représente un an et demi de dépenses structurelles ou encore la moitié du total du budget annuel européen. Ce n'est pas admissible, alors que la rigueur est prêchée dans chaque Etat.
J'ai déjà indiqué les années précédentes ce que je pensais des politiques structurelles. Je n'y reviens pas ici, même si une réflexion de fond reste nécessaire sur ce sujet.
Je note simplement que l'augmentation du budget de 1999 était justifiée par la progression des crédits de cette rubrique, alors que leur réduction, cette année, loin d'être à l'origine d'un tassement de l'ensemble, permet au contraire, en les masquant, des augmentations sur la plupart des autres chapitres, sans trop d'augmentation de l'ensemble.
Ce projet de budget pour 2000 active ainsi à nouveau le mécanisme d'une inflation des restes à liquider, dont la programmation décidée à Berlin porte ou confirme le germe. Les engagements inscrits ne sont en effet couverts en crédits de paiement qu'à hauteur de 30 %. Nous avons un budget à crédit. Nous retrouvons là le défaut d'ensemble de politiques structurelles qui restent évaluées beaucoup plus par le montant des crédits dépensés que par des objectifs à atteindre.
Je terminerai par deux notes positives.
En relançant l'effort réalisé pour promouvoir les réseaux européens, ce projet de budget sert l'Europe, mais également l'emploi. Construire l'Europe ; servir l'emploi : qui pourrait être contre ?
Mon second sujet de satisfaction tient au financement consacré à la reconstruction des Balkans. Sur ce point, nous sommes évidemment tous d'accord.
Ce rapide tour d'horizon m'a amené à dénoncer les risques auxquels la poursuite du débat sur les soldes nets expose l'Union. Il a souligné la nécessité de recaler les politiques structurelles sur le fond et au plan budgétaire. Il a surtout montré que, avec la disparition progressive des vraies ressources propres, on ne peut plus faire semblant de ne pas voir le principal défaut du système budgétaire européen actuel.
Comment parler de progrès de la démocratie de l'Union tant que celle-ci disposera d'un budget dont les recettes et les dépenses sont votées par des autorités différentes ?
La procédure étant ce qu'elle est, je l'ai dit, nous ne pouvons pas ne pas voter l'article 35 du projet de loi de finances qui fixe à 98,5 milliards de francs notre contribution à ce budget. Mais, pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, nous ne pouvons pas ne pas crier gare tant qu'il en est encore temps. L'Union a suffisamment grandi pour mériter un vrai budget.
En appelant à voter cet article, je demande aussi que soit d'urgence lancée une réforme de fond de la pratique actuelle, devenue totalement inappropriée.
Il en est encore temps.
L'Europe a toujours progressé pragmatiquement ; elle a toujours su traiter les vrais problèmes en leur temps et à l'heure voulue. Il arrive qu'une avancée prophétique soit utile. Nous sommes à cette date. Aujourd'hui, une avancée prophétique est nécessaire dans le domaine budgétaire.
Le temps des ajustements au fil de l'eau est dépassé.
C'est parce que je crois passionnément en l'Europe que, malgré tous les défauts que je viens de dénoncer - et je l'ai fait parce que j'aime l'Europe - je vous demande, mes chers collègues, de voter cet article 35. Mais c'est pour éviter une crise européenne dont la France porterait la responsabilité que je vous le demande.
Mais c'est pour éviter à terme une crise autrement grave que je viens de m'arrêter sur des défauts qu'il nous faut regarder en face et que nous devons corriger.
Monsieur le ministre, il vous faut demander que les réformes institutionnelles engagées concernent aussi le budget européen. Ce sera difficile et il y faudra une ferme volonté politique. Mais ce peut être l'opportunité de revenir à l'essentiel et d'apporter des réponses solides à de vraies questions.
Pour rester à cet « essentiel », je veux conclure en vous faisant partager l'émotion que j'ai ressentie le jour anniversaire de la chute du Mur en écoutant Bronislaw Geremek dire qu'il ne peut y avoir d'engagement politique qui ne comporte une part de rêve ou d'utopie, et que la Pologne, aujourd'hui, apporte à l'Europe la démonstration que le rêve peut devenir réalité.
Puissions-nous méditer cette réflexion qui me semble de nature à remettre l'élargissement dans sa vraie perspective et à donner un souffle nouveau à notre engagement politique, qui en a sans doute bien besoin aussi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre rapporteur spécial, Denis Badré, vient très brillamment de rappeler que nous allons être dans l'obligation de voter ce matin la contribution de la France au budget européen.
Pour ma part, je voudrais tout d'abord, dans cette brève intervention, exprimer l'indignation des parlementaires devant les atteintes à la démocratie représentative dont témoigne toujours la procédure budgétaire européenne.
Il est plus que temps, monsieur le ministre, au moment où se préparent de nouvelles avancées institutionnelles, de penser aux mécanismes et aux procédures qui seraient de nature à faire progresser réellement la démocratie.
Nous avons d'ailleurs été nombreux, au fil du temps, à proposer, pour équilibrer les institutions européennes, l'instauration d'un Sénat européen, représentant les parlements nationaux, qui pourrait, notamment en matière fiscale, dans le nécessaire chemin vers l'harmonisation, jouer tout son rôle. Cette proposition n'a pas été traitée comme elle le méritait ; il faudra bien la reconsidérer un jour, monsieur le ministre.
Nous devons aussi oeuvrer dans le sens d'une rationalisation du parlementarisme européen.
En matière budgétaire, dans le contexte des efforts qu'il faut consentir en vue de limiter la dépense publique, l'asymétrie est particulièrement choquante entre les prérogatives dont dispose le Parlement européen et les pouvoirs des parlements nationaux.
Il faut cesser, M. le rapporteur spécial l'a dit, d'autoriser le parlement européen à augmenter des charges dont, en vérité, nous assumons seuls la responsabilité.
Mais l'Europe, pour le budget de la France, ce n'est pas seulement une contribution considérable que nous sommes tenus de verser, c'est aussi un chemin de progrès. C'est l'application du pacte de stabilité et de croissance. C'est le cheminement vers l'édification d'une zone économique intégrée au sein de notre continent, cette zone économique intégrée qui doit être le support de l'euro. Vous savez, monsieur le ministre, que cela implique, pour les temps à venir, des efforts réels vers la convergence fiscale.
Sur ce dernier point, monsieur le ministre, je suis de ceux qui ne cessent de dire que l'unification monétaire de l'Europe réclame un mécanisme de surveillance des situations budgétaires. Je me souviens que vous avez montré quelques réticences sur ce sujet et posé quelques conditions.
Finalement, vous vous êtes rallié à cette solution de bon sens. Mais ce ralliement n'est-il que de principe ? Ne faut-il pas aller plus loin ? Ne faut-il pas vraiment prendre au sérieux le pacte de stabilité et de croissance dans toutes ses implications et ses conséquences ?
La logique du pacte est, au fond, de permettre une politique budgétaire ménageant les marges de manoeuvre nécessaires pour affronter de nouveaux cycles de l'économie ; en d'autres termes, il faut que les pays européens liés par le pacte puissent dégager, dans les périodes fastes, des excédents de financement ou, du moins, réduire dans des conditions suffisantes leur déficit, pour faire face aux périodes moins fastes qui ne manqueront pas de se présenter.
Le vent tournera en économie comme il l'a toujours fait. C'est pour cela que nous devons tendre rapidement, en France, vers des finances publiques équilibrées, voire excédentaires, compte tenu de cette belle croissance dont nous nous réjouissons tous et dont votre gouvernement, monsieur le ministre, ne fait pas l'usage qu'il faudrait.
Vous ne prenez pas le chemin du respect de cette discipline indispensable à laquelle, notamment, nous appelle l'Europe. Lors des débats que nous avons eus avec M. Sautter et M. Pierret ces derniers jours, nous avons largement évoqué les insuffisances de votre politique des finances publiques.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler les immenses efforts qui ont été consentis par notre pays au fil des années, sous plusieurs gouvernements successifs, pour parvenir à la création de l'Union économique et monétaire, pour construire l'euro, pour rassembler petit à petit, graduellement, les conditions de cet espace intégré monétaire, budgétaire et, nécessairement un jour ou l'autre, fiscal.
La voie de l'effort a été aussi celle de la croissance. L'euro a été un facteur de croissance par l'amélioration des conditions de financement, par la baisse des taux d'intérêt qu'il a engendré. L'euro est un élément objectif qui devrait concourir à l'amélioration de nos finances publiques.
Cela étant dit, faut-il simplement s'en remettre à la conjoncture mondiale ou européenne ? Ne faut-il pas faire preuve de plus de volontarisme ? C'est là, monsieur le ministre, que nos voies se séparent. Plutôt que de faire confiance aveuglément aux mécanismes de la croissance venue d'ailleurs, le Gouvernement serait bien inspiré d'éviter de nous placer, pour demain et après-demain, dans une dynamique excessive de la dépense publique, d'empiler ainsi les emplois-jeunes, la compensation des charges sociales issues de la réduction du temps de travail, sans compter les charges qui en résulteront inévitablement lorsque ce principe s'appliquera à la fonction publique.
Encore faudrait-il avoir véritablement la volonté de préparer l'avenir et de procéder aux réformes structurelles sans lesquelles la maîtrise des dépenses publiques n'est qu'une illusion et sans lesquelles la confiance que nous voulons inspirer à l'extérieur ne saurait être que volatile et momentanée.
Cette réorientation politique suppose du courage, suppose des explications claires et franches à l'opinion publique, mais c'est la seule politique qui permettra de libérer des ressources pour une croissance durable et plus dynamique. Celle-ci, à son tour, rendra possible dans l'ensemble de l'Union, en tout cas dans la zone euro, la décrue décisive du chômage et l'augmentation de l'emploi et de l'activité.
A la vérité, monsieur le ministre, c'est encore l'Europe, par la construction institutionnelle que nous nous sommes donnée, qui nous appelle à réduire la charge de nos prélèvements obligatoires. Ces derniers, vous le savez, ont atteint en France le niveau historiquement le plus élevé.
Tout récemment, la commission des finances a pris connaissance d'un rapport que j'avais l'honneur de lui présenter sur la concurrence fiscale. Celle-ci, bien entendu, n'est pas seulement européenne, mais elle a plus d'importance dans le contexte européen, et l'Union ne pourra pas, durablement, comprendre des territoires qui ne partagent pas les mêmes conceptions en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur le patrimoine.
Sur ce point, monsieur le ministre, je voudrais déclarer, à titre purement personnel, qu'il me semble inévitable d'abandonner en cette matière la règle de l'unanimité, qui est totalement paralysante, qui fige toute vraie tentative d'harmonisation, notamment en ce qui concerne les assiettes les plus mobiles, c'est-à-dire la matière fiscale, qui se délocalise en fonction de la compétitivité des territoires. Mais, à cette modification, il faudra une contrepartie institutionnelle : l'association des parlements nationaux au sein du Sénat européen, que j'évoquais au début de mon intervention.
Je voudrais aussi lancer une mise en garde : l'exception fiscale française ne saurait perdurer, comme le Gouvernement le voudrait, sans mettre en péril notre vitalité économique même et notre avenir.
Je n'ai pas seulement à l'esprit la fuite - combien regrettable ! - de certaines activités aisément délocalisables. Je pense, par exemple, à un événement récent : la localisation aux Pays-Bas du siège de la holding du nouveau groupe EADS issu de la fusion d'Aérospatiale-Matra et de DASA, groupe dans lequel, ce dont le gouvernement français s'enorgueillit, l'Etat a encore une participation importante. Et cette décision, vous l'avez approuvée en tant qu'actionnaire.
Je suis préoccupé par le handicap de compétitivité que représentent, pour notre économie et nos entreprises, les prélèvements excessifs.
J'ai enfin pour souci le sort des agents économiquess de notre pays, qui risquent de payer cher l'équation que vous nous proposez : une dépense publique toujours en expansion et une concurrence fiscale non maîtrisée, conduisant à surtaxer les contribuables qui ne peuvent s'évader, ceux qui correspondent aux assiettes fiscales les moins mobiles.
Comme cela a déjà été dit dans cet hémicycle, nous ne pouvons plus, en tant que parlementaires, si nous voulons être responsables de nos propos, aborder la question des finances publiques et de leur gestion sans la situer, notamment, dans ses dimensions européennes. Il est d'ailleurs assez étonnant qu'aucun texte financier à caractère normatif, aujourd'hui, ne nous conduise à nous prononcer sur les déficits publics au sens que leur donne le traité de Maastricht. C'est là une réflexion qui, à mon avis, vaut pour la nécessaire réforme de l'ordonnance organique de 1959 sur les lois de finances.
Nous devons plaider sans relâche, monsieur le ministre, dans cette phase préparatoire des nouvelles évolutions institutionnelles de l'Union, afin que les futures réformes permettent de recadrer les responsabilités du Parlement européen. Mais il nous faut aussi être mieux à même de prendre la messure de l'impact budgétaire des choix européens. Cela imposera des modernisations, et j'en reviens à cette idée d'associer davantage les parlementaires nationaux, via le Sénat européen mais aussi, sans doute, par le biais de certaines modalités qui sont à trouver, de manière qu'ils prennent leur part aux travaux normatifs, législatifs, du Conseil de l'Union européenne.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas plus que nous vous abstraire de cette dimension européenne qui est un fait de notre époque, car conjuguer nos engagements européens dans le sens de la dynamique, de l'activité et de la croissance, c'est véritablement servir les intérêts nationaux de la France et renforcer notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, le Parlement est appelé à approuver la contribution de la France au budget des Communautés européennes. C'est un moment que je crois important, tout en ayant conscience du caractère convenu de l'exercice.
En votant l'article 35 du projet de loi de finances, nous allons simplement prendre acte du montant de la participation de la France au budget européen, estimée à 98,5 milliards de francs pour l'exercice 2000. Mais ce prélèvement sur recettes évaluatif relève plus de la figure de style que de l'autorisation parlementaire proprement dite. Faut-il rappeler que nous n'avons aucune latitude pour modifier le montant de cette contribution, face aux engagement européens de la France ?
C'est un fait remarquable, alors que nous sommes le deuxième contributeur au budget communautaire, qu'il n'y a pas, dans notre pays, de contestation du principe même de sa participation financière, même chez les plus « eurosceptiques ».
Pour autant, monsieur le ministre, l'approbation juridiquement contrainte du Parlement ne vaut pas acceptation béate. Le débat critique que nous avons aujourd'hui en fait foi.
Cette procédure peu satisfaisante me paraît surtout révélatrice des transferts de compétences du Parlement vers le Gouvernement que la construction européenne implique, car c'est le Gouvernement, monsieur le ministre, qui a la responsabilité de déterminer au sein du Conseil les choix budgétaires de l'Europe, en accord avec les autres Etats membres et en négociation avec le Parlement européen.
En considérant la manière dont le débat budgétaire européen se présentait initialement cette année, j'aurais aimé pouvoir me féliciter. Certes, comme la commission des finances, je reste perplexe à l'égard du dynamisme marqué de la dépense européenne, qui apparait d'autant moins tenable que tous les Etats membres sont engagés dans des efforts de rigueur budgétaire.
Je ne crois pas que « plus d'Europe » signifie automatiquement « plus de crédits communautaires ».
Ainsi, les avancées du nouveau pilier « justice et affaires intérieures » sont sans conteste très importantes pour les progrès politiques de l'Europe et son rapprochement avec les citoyens. Pour autant, ce nouveau champ de la construction européenne ne nécessite pas l'engagement de dépenses d'intervention supplémentaires. Plus l'Europe sera politique, moins elle se croira tenue de justifier son existence par des interventions budgétaires à l'opportunité parfois discutable.
Sous cette réserve de principe, l'horizon apparaissait dégagé cette année, par rapport aux lourdes incertitudes qui pesaient l'an dernier à la même époque sur le débat budgétaire européen. L'accélération générale de la croissance en Europe garantit un financement sans tensions du budget communautaire. L'euro fonctionne efficacement, définissant une zone de stabilité monétaire. Le Conseil européen de Berlin du mois de mars dernier a arrêté les nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006.
Je dois vous donner acte, monsieur le ministre, que, dans la difficile négociation des perspectives financières, la France n'a cédé sur aucune des propositions qui lui paraissant inacceptables. Il n'y aura ni renationalisation des dépenses agricoles et des dépenses structurelles, ni écrêtement généralisé des soldes budgétaires.
Notre rapporteur spécial, Denis Badré, a démontré magistralement combien la notion même de « solde budgétaire national » est peu pertinente dans la logique d'une Europe économiquement intégrée. Je crois nécessaire de le rappeler sans relâche, tant que cette notion continuera de polluer inutilement le débat communautaire.
Enfin, le financement futur de l'élargissement a été inscrit dans les perspectives financières.
Pourtant, en dépit des résultats raisonnables du Conseil européen de Berlin, nous nous retrouvons aujourd'hui en pleine crise institutionnelle, comme chaque année à l'occasion de la discussion du budget européen. La distribution des rôles semble immuable : le Conseil se montre économe, le Parlement européen dépensier, et la Commission cherche à ménager la chèvre et le chou.
En première lecture, le Parlement européen a majoré de 3,5 milliards d'euros en crédits de paiement le projet arrêté par le Conseil au mois de juillet dernier. Comme l'a souligné Denis Badré, le montant de la contribution française serait de 98,5 milliards de francs dans la version du Conseil, mais de 101,5 milliards de francs dans la version du Parlement européen. Cet écart de 3 milliards de francs est impressionnant, surtout si on le compare au montant des crédits que le Parlement français peut effectivement déplacer lors de la discussion du projet de budget de l'Etat.
La procédure de concertation prévue par le nouvel accord interinstitutionnel conclu le 6 mai dernier a fait la preuve de son inefficacité. Les tentatives de conciliation de la Commission ont échoué. Chacune des deux branches de l'autorité budgétaire campe sur ses positions, et le Parlement menace de dénoncer les perspectives financières dès leur première année d'application.
Or, sur quel sujet concret achoppe la discussion du budget européen ? Les majorations de crédits voulues par le Parlement européen portaient sur toutes les rubriques du budget, mais le conflit se cristallise sur le financement de la reconstruction du Kosovo ! Cela me paraît proprement incompréhensible, car il n'y a aucun désaccord sur l'opportunité de l'implication de l'Union européenne au Kosovo, même si certains ont regretté que celle-ci se cantonne dans le rôle du financeur, en laissant la responsabilité de l'intervention à l'OTAN, sous commandement américain. Personne ne doute qu'il s'agisse d'un enjeu majeur pour l'avenir du continent. L'engagement au Kosovo est en train de jouer un rôle d'accélérateur dans la mise en place de l'Europe de la diplomatie et de la défense, et nous devons nous en féliciter.
Le désaccord entre les deux branches de l'autorité budgétaire communautaire porte donc non pas sur le principe du financement de la reconstruction du Kosovo, mais sur l'évaluation du montant des crédits nécessaires. Lors de la conférence des donateurs, l'Union européenne s'est engagée à apporter 500 millions d'euros dans une première étape. Mais l'appréciation concrète des besoins a montré que 360 millions d'euros suffiraieint largement pour 2000.
Le Conseil propose de couvrir ces dépenses essentiellement par un redéploiement des crédits au sein de la rubrique 4, consacrée aux politiques extérieures. Ce redéploiement est facilité par la sous-consommation chronique des crédits d'intervention extérieure.
De son côté, le Parlement s'en tient à une position de principe : il veut l'inscription de la totalité des 500 millions d'euros dès l'exercice 2000 et, en conséquence, la révision du plafond pluriannuel fixé pour la rubrique 4 par les perspectives financières.
Cette position est révélatrice de la logique purement quantitative de la procédure budgétaire européenne, selon laquelle tous les crédits inscrits ou simplement prévus doivent être dépensés. Elle me paraît doublement absurde.
Politiquement, il n'y a aucun doute possible sur le sérieux de l'engagement des Etats membres au Kosovo. Si nécessaire, les crédits correspondants seront ajustés en temps utile, au besoin par un budget rectificatif en cours d'année.
Pratiquement, il est non seulement inutile mais aussi dangereux de déverser des millions d'euros sur le Kosovo, dont la « capacité d'absorption », selon l'expression consacrée, est limitée ; je peux en témoigner pour m'y être rendu récemment. Les interventions extérieures de l'Union européenne sont déjà naturellement exposées au risque de gabegie. Celui-ci est particulièrement élevé au Kosovo, dont les structures économiques, administratives et politiques sont totalement désorganisées et où la délinquance internationale, pour ne pas dire la mafia, est déjà très présente et très pesante.
J'appelle d'ailleurs votre attention, mes chers collègues, sur les répercussions profondes qu'aurait dans l'opinion publique européenne un éventuel scandale dans le financement de la reconstruction du Kosovo. Nous n'avons pas le droit à l'erreur sur ce sujet particulièrement symbolique.
Dans l'immédiat, la rupture de l'accord de discipline budgétaire par le Parlement européen aurait des effets périlleux. En rendant caduques les perspectives financières, elle peut rouvrir tous les arbitrages laborieusement rendus à Berlin. J'avoue, monsieur le ministre, que j'ai du mal à saisir si ce conflit budgétaire est sérieux et, dans l'affirmative, jusqu'à quel point, ou s'il relève de la gesticulation rituelle ; je serais heureux de connaître votre appréciation sur ce point.
En toute hypothèse, le caractère fantaisiste des arguments échangés m'amène à penser qu'il existe un problème de fond dans la procédure budgétaire européenne. Son inefficacité chronique aggrave la paralysie des institutions communautaires, qui va croissant à mesure que l'Union s'élargit.
Ces « chamailleries » récurrentes sur le budget posent le problème de la crédibilité de l'Europe envers le reste du monde, notamment les pays candidats à l'adhésion. C'est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre.
Même si vous n'êtes pas partisan de « charger la barque » de la prochaine conférence intergouvernementale, je le sais, monsieur le ministre, je crois vraiment qu'il faut saisir cette occasion pour restaurer l'autorité budgétaire du Conseil.
En effet, l'équilibre initial a été rompu avec l'accroissement de la part des dépenses dites « non obligatoires », sur lesquelles le Parlement européen a le dernier mot. Ces dépenses non obligatoires constituent désormais plus de la moitié du budget communautaire. En pratique, compte tenu de l'inertie de la dépense européenne et du caractère contraignant des programmations pluriannuelles, elles n'ont plus de « non obligatoires » que le nom.
Sans dénier tout pouvoir budgétaire au Parlement européen, il me paraît nécessaire de le contraindre à une certaine modération, par exemple en lui imposant de gager toute dépense nouvelle sur une économie d'un montant équivalent. Le Parlement européen serait ainsi confronté à la responsabilité de faire de vrais choix, en se penchant sur l'opportunité des dépenses acquises. En ajoutant la « réserve de flexibilité » de 200 millions d'euros prévue par l'accord interinstitutionnel, il aurait encore des pouvoirs budgétaires bien supérieurs à ceux que confère au Parlement français l'article 40 de la Constitution.
Qu'on le veuille ou non, le consentement à l'impôt est encore le fait des Etats membres, et non pas du Parlement européen, qui ne se prononce que sur les dépenses. Plus tard, lorsque les institutions européennes auront évolué, cela pourra changer, mais, pour l'heure, la situation est bien telle que je la décris.
Ce débat sur le financement de la reconstruction du Kosovo apparaît d'autant plus surréaliste que nous vivons l'un des derniers exercices budgétaires en terrain connu, avant le prochain élargissement. En effet, la véritable priorité des perspectives financières pour la période 2000-2006 est bien l'élargissement de l'Union européenne. Cette priorité est encore mal perçue dans l'opinion publique française, parce que le débat national s'est jusqu'à présent focalisé sur la révision des zones d'intervention des fonds structurels et sur la réforme de la politique agricole commune.
Mais, en vue des futures adhésions, des montants importants de crédits prévisionnels ont été dégagés par la compression des dépenses agricoles et par la modération, certes toute relative, des crédits de politiques structurelles et de politiques internes.
Sur les sept années des perspectives financières, le cumul des crédits d'engagement au titre de l'élargissement s'élève à 58,1 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter 21,8 milliards d'euros au titre des dépenses de préadhésion.
Cet effort de solidarité entre les Etats membres actuels et les Etats candidats ou nouvellement adhérents est méritoire, même s'il n'est pas certain que les citoyens de l'Union européenne en aient encore bien conscience.
Néanmoins, comme l'observe justement Denis Badré, rapporteur spécial, les coûts de l'élargissement ont été calculés sur des bases conventionnelles. L'entrée de nouveaux Etats membres dont l'état de développement économique reste très en retrait de la moyenne communautaire implique un risque réel de dérapage des perspectives financières.
Ce sera l'honneur de l'Union européenne de faire face aux conséquences budgétaires de l'élargissement à l'Est, quelles qu'elles puissent être. Mais, en attendant, il me paraît essentiel de ne pas s'imposer des charges financières ne correspondant à aucun besoin réel et de recentrer le débat budgétaire européen sur la vraie question, qui reste le contrôle de l'opportunité de la dépense. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Bidart-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater - hélas ! une fois encore - que les années passent, mais que les méthodes restent. Je veux, bien évidemment, parler de la procédure budgétaire par laquelle la France accepte annuellement de verser une contribution - ou, plus exactement, de prélever sur les recettes de l'Etat - pour financer les actions de l'Union européenne pour un montant évalué à 98,5 milliards de francs.
Comme chaque année, les parlementaires, toutes tendances confondues, expriment, tour à tour, leur frustration et leur amertume d'être contraints d'adopter un budget dont ils n'ont eu à discuter ni du volume ni de la répartition au niveau des différentes politiques mises en oeuvre dans le cadre communautaire.
Comme chaque année, le Parlement se soumet bien volontiers au vote du budget européen, considérant qu'il n'est pas possible de déroger aux engagements de la France à l'extérieur.
Comme chaque année, les différents ministres en charge des affaires européennes reconnaissent l'absurdité de la situation et la frustration légitime des représentants de la nation, et promettent d'associer plus étroitement ceux-ci à l'élaboration du budget de l'Union européenne.
Dans les faits, rien ne change et nous sommes mis, une fois de plus, devant le fait accompli d'un budget qui représente tout de même, en importance, le sixième poste budgétaire de la nation.
Faudra-t-il attendre que cette rancoeur des parlementaires se traduise par un vote de rejet pour enfin être associés en amont - et non plus a posteriori - à la discussion sur la nature des recettes et des dépenses de l'Union européenne ? Je souhaiterais, bien sûr, que tel ne soit pas le cas.
Certes, la négociation, au printemps dernier, de l'enveloppe financière dans le cadre de l'Agenda 2000 nous a donné l'occasion d'exprimer nos appréciations sur les orientations budgétaires de la Communauté européenne. Pour autant, nous ne pouvons admettre que, durant la période de la programmation budgétaire étalée sur sept ans, toute considération des parlements nationaux soit écartée avant l'échéance de 2006.
En outre, dès lors que nous sommes sollicités sur le prélèvement communautaire d'une année sur l'autre, il est de bon sens, me semble-t-il, de prévoir un rythme plus soutenu de la discussion budgétaire.
Ainsi, pourquoi ne pas envisager une consultation du Parlement avant le vote en première lecture, par le Conseil des ministres européens, du projet de budget proposé par la Commission européenne ? Nous pourrions prévoir un débat d'orientation budgétaire à l'issue duquel le Gouvernement obtiendrait un mandat pour négocier avec ses partenaires.
J'ai bien conscience que cette proposition va à l'encontre de l'idée prônée par certains, qui se déclarent partisans d'une « République européenne », dotée d'une constitution propre.
Nous pensons, pour notre part, que l'Europe - que nous voulons - doit respecter et valoriser, au lieu de les amputer sans cesse, les souverainetés nationales. Les dernières élections européennes ont montré, de toute évidence, une volonté des peuples d'être davantage impliqués dans la construction européenne. Peut-on prétendre mieux prendre en considération leurs aspirations si leurs représentants directs à l'échelon national sont eux-mêmes ignorés, voire purement et simplement exclus ?
Aussi, je souhaite, monsieur le ministre, que ce travail de transparence et de démocratie soit mené sans attendre le début de la présidence française, le 1er juillet 2000, en informant et en sollicitant les propositions du Parlement français, Assemblée nationale et Sénat.
Le débat que nous avons aujourd'hui se situe dans un contexte tout à fait particulier : il s'agit, en effet, du premier exercice budgétaire de la période 2000-2006, pour laquelle un cadre financier a été arrêté par les Quinze, en mars 1999. Il intervient, en outre, après la démission collective de la Commission européenne, suite à une gestion déclarée douteuse des fonds communautaires. Enfin, nous ne pouvons pas, dans le cadre de notre discussion, ne pas évoquer les négociations commerciales qui ont débuté hier, à Seattle.
J'en viens, tout d'abord, aux accords de Berlin, que l'on présente, le plus souvent, comme une victoire pour la France, qui aurait préservé ses intérêts, et pour l'Europe, parce qu'elle aurait surmonté ses dissensions internes.
A vrai dire, au-delà des aménagements techniques intervenus à Berlin concernant la répartition des fonds agricoles et structurels, ces accords se distinguent par une absence totale d'engagements d'ampleur en faveur de l'emploi, de la formation, de la recherche, du développement, mais aussi se placent délibérément dans la perspective des négociations de Seattle.
S'agissant du volet agricole, il est clair que l'Europe a d'ores et déjà consenti d'importantes concessions en direction des Etats-Unis, en acceptant une baisse des prix d'intervention communautaire dans les secteurs des céréales, de la viande bovine et du lait, assortie d'une compensation partielle. En outre, les subventions globales à l'agriculture stagnent autour de 40 milliards d'euros par an.
Probablement se prépare-t-on à l'échéance de 2003, date à laquelle les subventions européennes pourront être remises en cause par l'OMC.
Ensuite, ce que l'on nous présente comme une avancée majeure de la réforme de la politique agricole commune avec la création d'un deuxième pilier consacré au développent rural n'est, en réalité, qu'un transfert des anciens objectifs de la politique structurelle 5 a et 5 b vers le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole.
Enfin, l'autre aspect clé de ces négociations agricoles, c'est la modulation des aides directes aux agriculteurs. Actuellement, 80 % des aides profitent seulement à 20 % des exploitants. La nouvelle clé de répartition concernerait dorénavant 4 % des exploitations et ne représenterait que 2 % du total des subventions.
Autant dire que les injustices de la PAC demeureront, pis, s'aggraveront, avec la poursuite de la baisse des prix, qui pénalise avant tout les petits agriculteurs.
Pour conclure sur le volet agricole, bien qu'il s'agisse d'un aspect second au regard des questions que je viens d'évoquer, j'observe que, compte tenu du décalage de deux mois entre le versement des aides par l'Etat et le remboursement au titre de la PAC, la France doit lever un emprunt pour assurer la continuité du financement de la politique agricole. Or la charge de cet emprunt, qui s'élève à plus de 200 millions de francs par an, est supportée par la France. Ne revient-il pas au budget de la Communauté européenne d'assurer cette charge supplémentaire, dès lors qu'il s'agit de subventions européennes ?
En ce qui concerne les actions structurelles, la nouvelle nomenclature a pour effet on le sait, de réduire les régions et les populations éligibles.
Avec l'élargissement envisagé de l'Europe à vingt et un membres, il est probable que le montant de ces fonds soit, une nouvelle fois, amené à décroître pour la France afin de faciliter l'intégration de nouveaux pays d'Europe centrale et orientale, qui seront des bénéficiaires nets du budget de l'Union européenne.
Ce sera donc aux politiques nationales d'assumer seules la transition pour des régions rurales ou en reconversion industrielle qui, du jour au lendemain, ne recevront plus d'aides de Bruxelles.
Ne faut-il pas voir là un certain aveu d'échec de l'objectif de cohésion sociale et économique affiché par l'Europe, qui concentre ses aides sur les régions les plus pauvres, alors que, encore à ce jour, le rattrapage de certaines régions est loin d'être acquis ?
Enfin, je l'ai évoqué, Berlin est aussi une formidable occasion manquée pour les Quinze de montrer la priorité que l'on prétend accorder à la politique de lutte contre le chômage, fléau qui frappe, vous le savez, plus de 18 millions d'Européens.
De même, les crédits alloués en faveur de la sécurité sanitaire, de l'environnement, de la recherche technologique et de la culture sont largement en deçà des exigences d'aujourd'hui.
Je veux évoquer, par ailleurs, la question de l'efficacité de la dépense communautaire, qui renvoie à celle, tout aussi fondamentale, du contrôle permanent de l'utilisation et de la gestion des fonds publics tant à l'échelon national et local que communautaire.
L'Office de lutte anti-fraude, créé à la suite des irrégularités observées au sein de la Commission européenne, disposera-t-il de suffisamment de marge de manoeuvre et de moyens humains et financiers pour être en mesure de faire son travail correctement ? Je crois que la question mérite d'être posée.
Ne faut-il pas prévoir une structure par laquelle la nouvelle Commission rendrait régulièrement des comptes au Parlement européen, qui aurait la possibilité d'enquêter et d'assurer un contrôle régulier sur l'utilisation des fonds accordés par la Commission ?
Je conclurai plus largement sur le montant de la contribution française et la dotation du budget de l'Europe.
On peut s'étonner que la contribution de la France, plus 3,8 %, progresse de façon plus importante que le volume global des dépenses budgétaires.
Certes, la part française dans le budget communautaire reste stable, 17 %, mais chacun sait qu'en volume le montant devrait atteindre très rapidement les 120 milliards de francs pour financer l'élargissement.
En outre, le retour des aides peut s'avérer inférieur aux prévisions à l'horizon de 2006, avec le resserrement des actions structurelles.
Dès lors, n'est-il pas inacceptable que la France soit amenée à financer de façon plus importante, à l'avenir, la « remise » accordée en son temps à Mme Thatcher ?
Enfin, nous ne sommes pas opposés à l'idée d'un accroissement des moyens de l'Europe dans la mesure où ils servent l'emploi et la croissance, au lieu de favoriser le productivisme agricole ou industriel.
Sans solliciter davantage les établissements, eux-mêmes contraints par le pacte de stabilité et la politique monétaire restrictive imposée par la Banque centrale européenne, nous proposons la création, dans le cadre européen, d'une taxation des transactions financières de nature spéculative. Une talle taxe, dite « taxe Tobin », aurait pour double avantage de limiter les pratiques spéculatives, d'une part, et d'apporter des moyens supplémentaires pour la réalisation des projets communautaires, d'autre part.
En conclusion, au regard des préoccupations qui sont les siennes vis-à-vis des orientations définies par l'Union européenne, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur l'article 35 de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur la contribution française au budget communautaire, au moment même où le Gouvernement est engagé dans des discussions dont les conclusions seront déterminantes pour l'avenir de notre pays sur les plans tant européen qu'international et pour tous les secteurs de notre économie.
Si l'issue de notre débat n'a, nous le savons, qu'un impact très relatif sur les orientations du budget de l'Union européenne, du moins pouvons-nous nous féliciter de ce que celui-ci soit soumis au contrôle démocratique des parlements nationaux. Cet examen contribue en effet à la crédibilité des finances communautaires pour tous les citoyens européens. Le débat nous permet, en outre, d'exprimer au Gouvernement les besoins de financement qui se font sentir dans les régions françaises, là où les apports de l'Union européenne occupent une part non négligeable.
L'examen de l'article 35 n'est donc pas anodin. Il me faut rappeler que le montant de ce poste budgétaire est proche de celui des grands ministères. Il prendra en outre une part grandissante à mesure que les deuxième et troisième piliers seront communautarisés.
L'année 1999 semble avoir concentré les échéances européennes, financières, commerciales et politiques. Les décisions prises lors de différentes réunions seront décisives pour les finances européennes.
En mars 1999, le Conseil européen de Berlin a entériné la nouvelle programmation financière de l'Union européenne pour les années 2000 à 2006.
Cette programmation se caractérise par la concentration des interventions financières européennes, la maîtrise de l'enveloppe globale et la simplification des dispositifs de gestion. Particulièrement importantes pour notre pays, ces décisions comprennent notamment la réforme de la politique agricole commune et du système des fonds structurels.
En mai 1999, la signature de l'accord interinstitutionnel Agenda 2000 a permis aux quinze Etats communautaires de mettre en place les mesures indispensables à l'entrée de nouveaux Etats dans l'Union européenne. Au demeurant, la multiplication des candidatures démontre l'attraction que l'Union européenne inspire, sans faire disparaître les craintes légitimes suscitées par cet élargissement inévitable.
En ce moment même, les représentants des cent trente-quatre pays de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, sont réunis pour tenter de faire progresser les règles des échanges économiques internationaux. Les décisions prises lors des différents sommets européens en 1999 ont préparé le terrain des négociations engagées ces derniers jours, afin de sauvegarder les intérêts vitaux de la France. J'espère que telle sera l'issue des négociations de l'OMC.
D'un volume comparable au budget du ministère de l'emploi, le montant élevé de la participation française au budget communautaire - 98,5 milliards de francs pour 2000 - résulte des décisions engagées lors de ces rencontres. Il pèse sur l'équilibre du budget général.
En hausse de 5,3 % par rapport à 1999, la contribution de la France au budget communautaire suit globalement l'augmentation des dépenses inscrites au projet de budget national. Son montant pour l'année 2000 occupe à peu près la même part dans les recettes de l'Etat qu'en 1999.
Je soulignerai, en outre, que si la part relative de la France au budget communautaire correspond à 17,5 % de l'ensemble du budget européen, la réforme du système des ressources propres de l'Union européenne, qui interviendra à partir de 2002, aura pour effet d'en alourdir encore le volume.
La contribution de notre pays au budget communautaire le place à nouveau, en 2000, au deuxième rang des contributeurs nets, après l'Allemagne, simple conséquence du volume de notre produit national brut et des performances de l'économie française.
Le budget communautaire, programmation maîtrisée par essence, comporte six grandes catégories de dépenses dont les montants ont été évalués dans la perspective des développements à venir, inévitables et voulus, de l'Union européenne, tels que l'élargissement aux Etats d'Europe centrale et les accords qui naîtront des discussions de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle.
Je remarque que les changements introduits par la nouvelle programmation financière pour les années 2000-2006 intègrent au nouveau fonds européen agricole les fonds des anciens objectifs 5 a et 5 b ainsi que les financements consacrés à la pêche. Compte tenu de l'agrégation de ces montants, il est, en conséquence, délicat d'apprécier avec précision l'évolution des financements européens pour 2000.
On peut néanmoins noter que les modifications apportées à la politique agricole commune induisent une tendance à la stagnation des retours communautaires vers nos agriculteurs, alors que les sommes allouées à la France au titre du FEOGA-garantie continuent à excéder, et dans une forte proportion, les montants qui leur sont affectés dans notre budget agricole national.
En revanche, les retours communautaires vers la France au titre des fonds structurels amorcent une réduction sensible en raison du changement de philosophie des interventions de l'Europe auprès de ses Etats membres.
Cette mutation, qui se concrétise notamment par la modification de la définition des objectifs et des critères d'attribution des fonds, rend particulièrement difficile la comparaison entre les deux générations de fonds structurels. On peut néanmoins supposer, sans grand risque de se tromper, que la diminution des fonds structurels alloués à la France devrait être plus importante que l'augmentation des financements nationaux destinés à compenser ces baisses. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter tous les éclaircissements nécessaires sur cette inquiétante possibilité.
La nouvelle programmation des fonds structurels se concentre en effet sur trois objectifs.
L'objectif 1 vise le développement et l'ajustement structurel des régions considérées comme en retard de développement, à savoir celles où les revenus par habitant sont inférieurs à 75 % de la moyenne communautaire. Les régions ultrapériphériques de l'Union européenne en bénéficieront également, notamment les départements français d'outre-mer. En revanche, les zones de France métropolitaine éligibles à l'objectif 1 dans la précédente programmation, comme la Corse ou le Valenciennois, s'en trouvent exclues à partir de 2000.
L'objectif 2 est consacré au soutien à la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle. On y retrouve, côte à côte, les zones autrefois éligibles aux objectifs 2 et 5 b relatifs aux problèmes de la mutation économique des zones en difficulté, rurales, urbaines ou dépendantes du secteur de la pêche. Compte tenu de la pluralité des zones concernées, le nouvel objectif 2 se révélera particulièrement important pour les régions françaises.
L'objectif 3 regroupe l'ensemble des actions en faveur du développement des ressources humaines. Il répond aux orientations fixées dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi, à l'occasion de la signature du traité d'Amsterdam.
Un régime transitoire a été prévu pour permettre aux régions qui perdent leur éligibilité aux anciens objectifs 1, 2 et 5 b, de trouver d'autres solutions pour leurs actions structurelles, selon un mode progressif.
Face à cet accroissement de la rigueur communautaire, les efforts pour contenir l'augmentation des dépenses dans le budget de l'Union européenne ont conduit à un affaiblissement notable des fonds réservés aux opérations d'urgence, notamment pour les actions extérieures, et je le regrette.
En revanche, je constate avec satisfaction que les montants visant à financer les grands programmes de technologies avancées n'ont pas été affectés par cette baisse. Ils ont, bien au contraire, été maintenus, comme dans le secteur de la sécurité nucléaire, voire accrus pour les réseaux transeuropéens ou le « cinquième programme cadre » dont les crédits augmentent de 5,2 %.
S'agissant des fonds réservés au financement des programmes dits d'« initiative communautaire », fonds destinés à encourager la conception et la réalisation d'actions innovantes dans l'Union européenne, on pourra regretter leur réduction de treize à quatre.
Les réalisations suscitées par ces fonds me semblaient pourtant à bien des égards - exemplaires, compte tenu du faible montant de ces financements dont le total ne pouvait excéder 1 % du budget européen - et de leur capacité à créer aussi bien des synergies financières, puisqu'elles exigeaient un cofinancement associant les sources communautaire, nationale et locale ainsi que des sources privées, que l'association d'acteurs originaires de tous les secteurs d'activité publics et privés.
Les actions mises en oeuvre dans ce cadre ont été réalisées sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, mobilisant bonne volonté et savoir-faire autour de projets de développement tout à la fois local et européen, avec un fort impact positif sur l'aménagement du territoire, pour un investissement relativement modeste.
Les quatre initiatives maintenues concernent : premièrement, le soutien de la coopération transfrontalière ; deuxièmement, la promotion du développement rural avec la continuation du programme LEADER ; troisièmement, la lutte contre la discrimination dans l'accès au marché du travail ; quatrièmement, la revitalisation économique et sociale des villes et des banlieues en crise.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget communautaire est l'outil qui a permis de faire évoluer l'ensemble des Etats membres vers une Union européenne symbole de cohésion économique et sociale. A la veille de réalisations majeures comme la monnaie unique ou l'ouverture de l'Union à plusieurs Etats de l'Est, les sénateurs du RDSE n'entendent pas perdre de vue l'objectif qu'ils se sont fixé depuis de nombreuses années.
Résolument européens, mais vigilants et pragmatiques, ils estiment que, compte tenu de ses nouvelles orientations, le budget pour 2000 de l'Union européenne et la participation de la France à ce budget devront être jugés à l'aune de leur efficacité. Les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen approuveront la participation financière de la France au budget de l'Union européenne pour 2000. (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le sentiment que, cette année, la discussion de l'article 35, qui fixe la participation française au budget des Communautés européennes, s'inscrit dans un contexte tout à fait particulier.
En effet, le budget pour 2000 des Communautés européennes me semble dominé par trois axes importants et relativement nouveaux.
Il est, d'une part, le premier budget de la nouvelle programmation financière, mais il solde les crédits d'engagement de la précédente programmation. Il est, d'autre part, à mon sens, le premier budget qui intègre aussi nettement la préparation de l'élargissement de l'Union européenne.
Enfin, on retiendra naturellement de ce budget qu'il est marqué par la volonté d'un engagement fort et exceptionnel des Etats membres en faveur de la reconstruction du Kosovo et de l'aide aux pays des Balkans.
Aussi, vous en conviendrez avec moi, mes chers collègues, le budget pour 2000 est bien un budget de transition qui se situe au carrefour d'échéances européennes essentielles pour l'avenir.
Je m'attarderai dans un premier temps sur les caractéristiques générales du budget européen.
Nous constatons tout d'abord que le projet de budget pour 2000 satisfait pleinement à la discipline financière à laquelle les Quinze se sont astreints et, en particulier, à l'augmentation mesurée de nos dépenses.
Ce n'est plus, aujourd'hui, pour nous comme pour M. le rapporteur spécial, un sujet de préoccupation majeur.
Le conseil a ainsi révisé, avec la plus grande sagesse, l'avant-projet, plus dispendieux, de la Commission, et propose une progression raisonnable de 2,8 %.
Je souscris totalement à ce souci de modération budgétaire, non par principe mais parce que nous nous faisons fort d'être vertueux en ce domaine dans nos propres budgets nationaux.
Le deuxième engagement présent dans ce budget tient à l'élargissement de l'Union.
Les dépenses de préadhésion inscrites cette année constituent, à n'en pas douter, une étape significative. Pour autant, je partage le souci de nos représentants qui souhaitent ne pas aller trop vite en la matière et adopter une démarche ambitieuse, volontaire mais aussi responsable.
Nous avons donc bien aujourd'hui, comme la France l'avait proposé au sommet européen de Vienne, « une double programmation permettant d'assurer une étanchéité entre les dépenses consacrées à la politique commune des Quinze qui doivent être préservées et les dépenses nouvelles consacrées aux nouveaux adhérents ».
Je tiens à souligner que, contrairement à ce que certains peuvent penser, la nouvelle stratégie, qui sera discutée à Helsinki et qui consiste à considérer l'ensemble des pays candidats à l'adhésion comme un seul groupe, ne devrait pas entraîner de dépenses supplémentaires.
Le souci d'équité que nous manifestons à travers cette nouvelle orientation n'implique en rien que nous voulions accélérer le processus d'élargissement.
L'avenir de la construction européenne passe, en effet, par cet équilibre délicat mais primordial entre élargissement et approfondissement communautaire.
« Faire l'Europe de la croissance et de l'emploi, tel est l'objectif que nous devons nous fixer pour les années qui viennent, celles que les citoyens attendent de nous, celui que le contexte économique né de l'euro rend possible. » Cet objectif, ainsi énoncé par Lionel Jospin, n'est plus un voeu pieux.
Les prévisions qui ont été récemment communiquées par la Commission européenne montrent une nette tendance à la baisse du taux de chômage communautaire. La diminution régulière du taux de chômage en France - les derniers chiffres du mois de novembre le confirment - contribue de manière sensible à ces bons résultats.
Toutefois, même si ces chiffres sont très encourageants, nous devons prendre en compte des réalités sociales contrastées ainsi que des disparités nationales et régionales, et donc poursuivre notre soutien à la création d'emplois. Cela a été, est toujours et restera notre priorité. Je souhaite, à ce titre, que nous reconduisions la ligne « emploi », créée à la fin de 1997, pour donner un coup de pouce aux PME innovantes.
Par ailleurs, j'ai relevé avec satisfaction, monsieur le ministre, dans votre intervention à l'Assemblée nationale, que la France sera bénéficiaire net du nouvel objectif 3 consacré à l'emploi et à la cohésion sociale.
Nul doute que nous serons amenés à intensifier nos efforts dans cette direction après le sommet de Lisbonne de mars prochain, qui sera entièrement consacré à la lutte pour l'emploi.
La politique agricole commune confirme, quant à elle, son statut de première politique européenne. Je me félicite plus particulièrment de l'importance des crédits consacrés au développement rural, qui devient le deuxième pilier de la PAC. J'y vois une constante - opportune dans le contexte des négociations difficiles de l'OMC - dans notre volonté de promouvoir en France, en Europe et dans le monde un autre modèle, soucieux de l'environnement dans lequel il s'inscrit.
En ce qui concerne les politiques internes, qui mobilisent 6,2 % des dépenses communautaires, je suis très sensible à l'augmentation des crédits consacrés aux réseaux transeuropéens, à la recherche et, plus généralement, à la formalisation de l'Europe de la connaissance.
Dans le domaine des actions extérieures, enfin, nous avons tout lieu d'être fiers que le Conseil ait proposé de mobiliser l'Union dans la reconstruction du Kosovo, ainsi que dans une aide très importante destinée à stabiliser la région des Balkans. Il en va de notre responsabilité, bien sûr, mais aussi et surtout de l'avenir de la paix sur notre continent. Nous espérons que cet effort pourra s'exercer dans la durée.
Ces quelques remarques énoncées, j'en viens à l'examen proprement dit de la contribution française, qui appelle notre attention aujourd'hui.
Le montant de cette contribution est en progression de 3,7 % par rapport aux estimations de 1999. Cette augmentation se justifie par notre aide en faveur du Kosovo et des Balkans et tient compte des reports des crédits d'engagement des fonds structurels.
La contribution européenne mobilise 6,2 % des recettes de notre pays, ce qui reste équivalent à la moyenne des années précédentes.
Il est important de noter que notre pays reste le premier bénéficiaire de la dépense communautaire, notamment, et cela ne nous étonnera pas, dans le domaine agricole.
Pour autant, nous savons tous que nous ne pouvons apprécier le montant de cette contribution en termes de juste retour. A cet égard, j'ai pris connaissance avec le plus vif intérêt de l'argumentation développée par notre collègue Badré dans son rapport.
L'évolution du calcul des ressources, privilégiant la ressource PNB à la ressource TVA, est, à ce titre, à souligner. Plus équitable, ce nouveau calcul devrait nous permettre de limiter à terme les velléités nationales et de nous concentrer sur l'essentiel.
En effet, l'essentiel, mes chers collègues, est bien de poser le débat en termes politiques.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Très bien !
M. Bernard Angels. Chacun s'accordera sur le fait que le budget européen pour 2000 reconduit largement les orientations politiques existantes.
Nous avons pourtant les moyens de nous fixer d'autres ambitions, qui nous permettront de poursuivre le processus d'intégration européenne.
Je pense à la mise en oeuvre de l'Europe de la liberté, de la sécurité et de la justice, dessinée lors du Conseil de Tampere, et en particulier à la mise en place d'Eurojust, outil de lutte contre la criminalité organisée. Je pense à l'approfondissement de la politique étrangère et de sécurité commune et, au coeur de ce dispositif, à la mise en place d'une défense européenne. Je pense aussi à notre engagement en faveur des nouvelles technologies, qui constituent tout à la fois un formidable moteur pour la croissance et un vivier d'emplois important.
Nous savons que nous devons progresser dans la voie d'une meilleure efficacité et d'une plus grande transparence de l'action communautaire. C'est à ce prix que nous pourrons au mieux préparer l'avenir. Je tiens d'ailleurs à souligner ma satisfaction concernant la création de l'Office de lutte anti-fraude, qui constitue une avancée importante dans cette direction.
Il ne faut pas confondre nos orientations politiques pour cette année et la programmation pluriannuelle définie par les perspectives financières de Berlin, en mars dernier.
Nous nous situons, en effet, actuellement à un seuil de dépenses acceptable de 1,08 % du PNB communautaire qui reste en deçà du plafond de 1,27 %, lequel, je le rappelle ici, n'a jamais été dépassé.
La France exercera au cours du second semestre 2000 la présidence de l'Union qui, jusqu'à présent, a toujours su donner une nouvelle impulsion politique à l'Union européenne.
Je sais que vous avez à coeur de promouvoir aussi bien nos engagements que nos convictions : placer l'Europe au service de la croissance et de l'emploi, des citoyens et des consommateurs, de la liberté et de la justice, de la défense des droits de l'homme et de la paix.
Le groupe socialiste votera l'article 35, relatif à la participation de la France au budget communautaire, mais, au-delà, il tenait à vous assurer de sa confiance et de son soutien dans la conduite de cette prochaine présidence. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Charasse. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellentes interventions que nous venons d'entendre, je souhaite profiter de l'occasion qu'offre ce débat pour attirer votre attention sur quelques points particuliers, mais qui me paraissent importants.
Je m'exprimerai certes au nom du groupe des Républicains et Indépendants, et il va sans dire que nous voterons l'article 35 du projet de loi de finances, mais avec la vision et la sensibilité qui sont les miennes en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France.
Le premier point que je souhaite évoquer revêt, et je suis certain que vous en conviendrez, monsieur le ministre, une importance particulière. Il s'agit de tout ce qui, dans son environnement quotidien, conduit le citoyen européen d'abord à prendre conscience que non seulement l'Europe existe, mais qu'elle a pour lui des effets positifs, voire bienveillants.
Quelque 800 000 de nos compatriotes vivent dans les autres pays de l'Europe des Quinze. Plus concernés que d'autres par ces questions, ils ont souvent, et malheureusement, des raisons de ne pas être satisfaits. Eux vivent la construction européenne au quotidien, loin de l'Agenda 2000 et des fonds structurels.
J'ai souvent eu l'occasion de les rencontrer. Je les ai écoutés me raconter cette Europe citoyenne dont nous parlons tous mais dont ils sont les premiers acteurs.
Nous pouvons être fiers du dynamisme dont ils font preuve.
Nous devons également saluer leur engagement en faveur d'une Europe plus forte dont ils mesurent si bien les enjeux pour notre pays, qu'ils soient économiques ou culturels.
Mais ce dynamisme et cet engagement se heurtent encore trop souvent à des obstacles administratifs qui révèlent le chemin qui nous reste encore à parcourir vers l'Europe que nous nous racontons.
Cela est vrai également pour nos autres compatriotes de l'étranger comme de France, et aussi, j'en suis sûr, pour les autres Européens des Quinze.
Je prendrai deux exemples dans des domaines particulièrement sensibles.
D'abord, en ce qui concerne la justice, on connaît les difficultés à s'assurer que les décisions prises dans un pays sont appliquées dans un autre. Cela conduit trop souvent à des situations particulièrement douloureuses.
Qui n'a entendu parler de ces enfants nés de couples européens de nationalités différentes dont les parents divorcent ?
Les jugements prononcés dans un pays ne sont pas appliqués dans l'autre, et les enfants deviennent l'objet de querelles qui, parfois, débouchent sur de véritables enlèvements, lesquels entraînent les traumatismes que l'on imagine. Mme le garde des sceaux s'est préoccupée de ce grave problème. Il n'est pas définitivement réglé, même si des progrès ont été accomplis.
La question de l'équivalence des diplômes et de la reconnaissance des qualifications est une autre question importante, car elle est une des clés de la libre circulation des étudiants et des travailleurs en Europe.
Il y a là, monsieur le ministre, un autre chantier concret, pratique, dont le succès montrerait à tous nos compatriotes, à l'étranger mais aussi en France, et à tous les autres Européens, que l'Europe devient une réalité.
C'est un défi que la prochaine présidence française se doit de relever.
Mais, ne nous le cachons pas, l'enjeu n'est pas seulement législatif ou contractuel : il s'agira, afin que les textes soient réellement appliqués, d'assurer la nécessaire communication et d'obtenir l'adhésion des acteurs concernés.
Je voudrais maintenant, sur un tout autre registre - et ce sera mon deuxième point - évoquer auprès du ministre délégué aux affaires européennes les responsabilités particulières de notre pays vis-à-vis des pays de la zone de solidarité prioritaire et, plus généralement, des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les pays de la zone ACP, qu'il s'agisse du renouvellement de la convention de Lomé ou des négociations qui s'ouvrent dans le cadre de l'OMC.
Je n'ai pas d'inquiétude particulière quant à l'attention que porte le ministre délégué à la coopération, votre collègue M. Josselin, à cette mission particulière qui nous incombe, mais le groupe des Républicains et Indépendants pense qu'il est naturel que soit rappelé et souligné ici le rôle privilégié de la France dans ce domaine au sein du concert européen.
Enfin, et c'est mon troisième point, je finirai en évoquant le prochain élargissement à l'Est de l'Union européenne. Le président de notre délégation vient de souligner la lourdeur des implications budgétaires de cet enjeu politique, même s'il est encore trop tôt pour les apprécier concrètement.
Ce sujet appelle un suivi minutieux, à tous les niveaux, de la part des Etats membres actuels. En ce qui la concerne, la délégation du Sénat pour l'Union européenne a décidé de nommer un rapporteur particulier pour chacun des pays candidats à l'adhésion. C'est une idée qu'avait eue le président de cette délégation, M. Michel Barnier, avant d'être nommé commissaire européen. Signe qui ne trompe pas quant à sa pertinence, elle a été reprise par la délégation de l'Assemblée nationale et elle a reçu votre approbation, monsieur le ministre.
J'ai eu l'honneur de vous accompagner à la fin du mois de juin dernier lors de votre visite dans le pays dont la délégation m'a chargé de suivre la candidature, la Slovénie.
J'ai ainsi pu mesurer à la fois le sérieux et la détermination avec lesquels les Slovènes préparaient leur entrée dans l'Union européenne, mais aussi leurs difficultés à reprendre « l'acquis communautaire », selon l'expression reçue.
Pour l'intant, la préparation de la candidature de la Slovénie est d'abord une affaire de législation et d'administration. A ce stade des négociations d'adhésion, il est encore trop tôt pour chiffrer précisément sa contribution au budget européen et sa part des dépenses agricoles et structurelles.
Je ne crois toutefois pas m'avancer beaucoup en prédisant que ce n'est pas la Slovénie qui fera « exploser » le budget communautaire. Ce pays de deux millions d'habitants seulement dispose d'une économie de marché et d'un tissu de PME exportatrices. Le niveau de vie de ses habitants, égal à 68 % de la moyenne communautaire, le place loin en tête devant les autres candidats.
Je n'en dirai pas autant d'autres pays bien plus peuplés mais moins développés économiquement. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, connaître votre appréciation quant au réalisme des montants prévus pour l'élargissement dans les perspectives financières. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, le Gouvernement, par la voix du ministre délégué chargé des affaires européennes, rend compte à la représentation nationale du projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir et de ses conséquences sur le budget de l'Etat à travers le prélèvement européen.
En ce qui me concerne, puisque le temps passe, c'est la troisième fois que je me livre à cet exercice devant la Haute Assemblée. Je vais commencer par quelques très brèves considérations sur la politique économique, puisque M. le rapporteur général m'y a en quelque sorte incité.
Je voudrais simplement rappeler à M. Marini, qui se faisait l'apôtre d'une politique vigoureuse pour l'euro, que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en juin 1997, je n'irai pas jusqu'à dire que cette perspective de la monnaie unique était dans l'ornière, mais elle était en tout cas dans une situation difficile compte tenu de la grave dérive que connaissaient alors nos déficits publics et dont convenait d'ailleurs le Premier ministre de l'époque. (M. le rapporteur spécial s'exclame.)
Quant au record des prélèvements obligatoires, j'aimerais bien que l'on reprenne un peu notre histoire pour déterminer à quel moment il se situe.
M. Jean Chérioux. Le problème est de savoir jusqu'où on remonte !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Par ailleurs, je voudrais rassurer M. le rapporteur général quant à la dynamique de croissance à la fois mondiale et française et lui indiquer que nous ne sommes pas, loin s'en faut, en train de nous reposer uniquement sur cette croissance mondiale.
Je crois que la croissance française est d'autant plus forte et durable qu'elle est aujourd'hui davantage soutenue par la consommation et l'investissement que par la demande extérieure. Cela n'empêche pas le Gouvernement - mais ainsi le veut le contexte général de la discussion du projet de loi de finances - de réduire le rythme de croissance de la dépense publique, puisque celui-ci a été fixé à 1 % en volume sur les trois prochaines années dans le document de programmation des finances publiques adressé par la France à Bruxelles voilà six mois.
Je n'ai pas l'intention de m'engager davantage dans cette discussion, mais je me devais de faire ce rappel.
S'agissant de la procédure budgétaire, j'ai bien noté que plusieurs d'entre vous, le rapporteur spécial, M. Badré, le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Haenel, et Mme Bidard-Reydet ont regretté le caractère un peu particulier et contraint de notre discussion d'aujourd'hui.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Oui !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Il est vrai que ce débat est très utile et je tiens à remercier l'ancien ministre du budget qui l'a institué.
Je conviens toutefois qu'il revêt des aspects un peu insatisfaisants, puisque le budget communautaire est en fait délibéré par l'organe législatif de l'Union européenne, c'est-à-dire par le Conseil et le Parlement européens.
Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à une association plus étroite des parlements nationaux, et donc du parlement français, à cette procédure qui me paraît souhaitable.
Au titre de l'article 88-4 de la Constitution, le Sénat et l'Assemblée nationale sont d'ailleurs destinataires de l'avant-projet préparé par la Commission et du projet de budget élaboré par le Conseil.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Mais pas par le Parlement !
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Peut-être puis-je renouveler ici une proposition que j'avais faite devant l'Assemblée nationale.
J'avais suggéré, en effet, d'étoffer le volet consacré à l'Union européenne lors du débat d'orientation budgétaire qui a eu lieu en juin dernier, donc avant l'adoption du projet de budget par le Conseil en juillet.
Je renouvelle devant la Haute Assemblée cette suggestion, qui permettra la tenue d'une discussion en amont sur ce que doivent être les priorités budgétaires de l'Union européenne.
J'en viens au fond.
Le projet de budget communautaire pour 2000 inaugure la mise en oeuvre des nouvelles perspectives financières décidées en mars dernier au Conseil européen de Berlin.
Ma première réflexion sera pour dire que ce projet de budget montre à l'évidence que le « paquet » financier de Berlin est un bon « paquet » pour la France. Je remercie le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne d'en avoir donné acte aux autorités françaises, qui ont travaillé de concert avec le Président de la République et le Gouvernement, comme il est de règle en ces matières.
Nos retours sont stabilisés, voire en légère augmentation, dans le cadre d'un budget d'ensemble qui reste maîtrisé.
Le budget de la PAC, la politique agricole commune, est stabilisé, avec néanmoins - mais j'y reviendrai - une montée en régime du « deuxième pilier » de la PAC, entièrement consacré, grâce à l'initiative française, au développement rural et à la déclinaison territoriale du concept de « multifonctionnalité », auquel nous sommes attachés et que nous défendons dans le cadre des négociations de l'OMC, l'Organisatisation mondiale du commerce.
Les fonds structurels sont globalement en augmentation de 6,5 % pour les Quinze. Je l'indique à M. Bernard Joly avant d'y revenir : les retours de la France sont stabilisés à environ 100 milliards de francs, soit exactement le volume des crédits dont la France disposait au titre de la programmation d'Edimbourg, même si la répartition de ces fonds a effectivement changé assez profondément, comme le savent tous les élus ici présents.
Enfin le budget communautaire reste globalement maîtrisé, avec une croissance limitée à 2,8 % en valeur pour 2000.
La contribution française augmentera à un rythme légèrement plus soutenu de 3,7 %, mais sans réelle discontinuité par rapport aux évolutions antérieures.
L'augmentation de notre effort, qui est significative tout en restant à mon sens raisonnable, résulte notamment de la montée en régime de la ressource assise sur le PNB, en lieu et place de la ressource dégagée par la TVA, ce qui permettra de rendre un peu plus équitable le système de ressources propres de l'Union européenne, conformément à l'esprit des décisions de Berlin sur le volet des ressources propres. Nous avons résisté à la thèse au juste retour sans pour autant la battre totalement en brèche.
A Berlin, nous avons donc remis de l'ordre dans les finances de l'Union européenne. C'était un préalable indispensable pour remettre l'Europe elle-même en ordre de marche. Je veux féliciter le chancelier Gerhard Schröder, qui a prononcé hier un beau discours européen à l'Assemblée nationale, de l'avoir compris dès le tout début de l'année.
J'apporte également mon appui à MM. Haenel et Badré, qui ont manifesté leur opposition aux demandes de modification des perspectives financières formulées par certains élus du Parlement européen.
Soyons clairs : une réouverture de l'Agenda 2000 ne pourra se faire qu'à notre détriment, il faut tous en avoir conscience.
Par ailleurs, on comprendrait mal que le Parlement européen demande à modifier l'accord interinstitutionnel sur les nouvelles perspectives financières déjà signé par le Parlement sortant en juin dernier. S'il faut assurer la continuité de l'Etat, il faut aussi veiller à garantir la continuité parlementaire.
Je réponds donc à Mme Bidard-Reydet qu'à mon sens, dans le trilogue en cours, le Parlement européen doit faire preuve d'esprit de responsabilité. Il n'est pas acceptable - et il ne sera pas accepté - que le Parlement européen prenne en quelque sorte en otage les perspectives financières de la période 2000-2006 pour obtenir une majoration des dépenses non obligatoires du budget pour 2000.
Remettre l'Europe en marche, disais-je, cela signifie d'abord que cette dernière a réussi à se donner les moyens d'assumer les responsabilités internationales nouvelles qui sont les siennes dans les Balkans à la suite de la tragédie du Kosovo.
Par ailleurs, l'Union européenne a décidé de faire face aux défis qui l'attendent.
Il s'agit d'abord, et j'y reviendrai, de la réussite du processus d'élargissement avec la proposition d'un mouvement beaucoup plus inclusif.
Il s'agit aussi de l'indispensable réforme des institutions européennes préalable à l'élargissement, selon le souhait exprimé par la représentation nationale, avec la convocation toute prochaine d'une nouvelle Conférence intergouvernementale.
Il s'agit encore des progrès vers l'Europe de la défense, avec notamment la fusion Aérospatiale-Matra-Dasa et l'approfondissement du travail franco-britannique et franco-allemand amorcé voilà un an et confirmé à travers deux sommets qui se sont tenus dans la dernière semaine.
Il s'agit également de la poursuite des efforts pour bâtir l'Europe de l'emploi et de la croissance avec le sommet spécial prévu à Lisbonne en mars prochain, afin de donner enfin de la chair, au Pacte européen pour l'emploi adopté à Cologne.
Il s'agit enfin de la préparation du prochain cycle de négociations commerciales multilatérales qui s'est ouvert à Seattle.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué ce point. Résistant pour ma part à la tentation de m'étendre sur ce sujet, je me contenterai de souligner ici que, quoi qu'il arrive, l'Union européenne aborde ce sommet de l'OMC plus unie que jamais par le passé et qu'elle est prête soit à proposer sa propre vision de la mondialisation, soit à résister à une vision de la mondialisation qui lui serait hostile.
L'avenir de l'Europe dépend évidemment de ces grands chantiers. Vous ne serez donc pas étonnés qu'ils constituent le coeur des priorités de la présidence française au second semestre de l'an 2000, priorités fixées - cela va de soi - en totale harmonie entre le Président de la République et le Premier ministre.
Avant d'entrer plus avant dans le vif du sujet, je voudrais remercier M. Philippe Marini, rapporteur général du budget de l'Etat, M. Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, ainsi que M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, qui exerce en permanence, en particulier en application de l'article 88-4 de la Constitution, la vigilance du Sénat sur les actes de l'Union européenne et leur traduction en droit interne, ainsi que sur l'action du ministre délégué chargé des affaires européennes.
Je tiens, en premier lieu, à vous donner quelques éléments d'information sur la manière dont la procédure budgétaire communautaire s'est déroulée jusqu'à aujourd'hui.
La Commission a présenté son avant-projet de budget pour 2000 en mai dernier, en progression de 4,7 % en crédits de paiement par rapport au budget de 1999. En engagements, l'avant-projet de budget marquait au contraire une baisse de 4,4 % en raison du niveau exceptionnellement élevé des crédits d'engagements des fonds structurels en 1999, dernière année de la programmation d'Edimbourg.
Lors du Conseil budget du 16 juillet dernier, les Quinze ont ramené la progression des paiements à un taux plus raisonnable de 2,8 %, soit une augmentation en volume de 0,8 %, compte tenu d'une inflation communautaire évaluée à 2 %.
Cet ajustement a été obtenu essentiellement à travers un abattement forfaitaire de 375 millions d'euros sur les dépenses de marché de la PAC, d'une part, et à travers une économie de 1 milliard d'euros sur les fonds structurels, d'autre part, qui résulte de l'adoption du nouveau règlement « fonds structurels ».
La deuxième lecture du Conseil budget, intervenue jeudi dernier, n'a apporté que des retouches marginales à ce projet de budget, en dehors de la révision des besoins au titre de la reconstruction du Kosovo pour l'an 2000, fixés désormais à 360 millions d'euros, au lieu de 500 millions d'euros en juillet dernier. Cet ajustement de 140 millions d'euros tient compte tout simplement des capacités d'absorption de l'économie kosovare, évaluées récemment par la Banque mondiale dans le cadre des travaux de la Conférence des donateurs.
Comme l'a souligné M. Haenel, il s'agit bien évidemment d'un simple ajustement technique auquel il ne faut pas donner de sens politique. Ce n'est assurément pas, mesdames, messieurs les sénateurs, une révision déchirante de notre engagement au Kosovo - il demeure intact - qui serait bien sûr choquante et même inacceptable.
Avec un taux de progression en volume de 0,8 %, le projet de budget de l'Union européenne pour 2000 évolue à un rythme compatible avec l'objectif général de stabilisation en francs constants des dépenses de l'Etat pour 2000.
Compte tenu du système de ressources de l'Union européenne, l'évaluation de notre contribution au budget de l'Union européenne s'établit à 98,5 milliards de francs. Cette contribution représentera 6,2 % du produit attendu des recettes fiscales nettes de l'Etat pour 2000, contre une estimation à ce jour de 6 % pour 1999.
J'en viens, à présent, au fond du projet de budget pour l'an 2000 adopté par le Conseil.
Les crédits de la politique agricole commune s'établissent à 40,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 0,2 % par rapport à 1999.
Au sein de cette masse financière, les crédits de développement rural s'élèvent à 3,6 milliards d'euros. Conformément aux décisions de Berlin, encouragées par la France, ces crédits regroupent de façon désormais beaucoup plus cohérente l'ensemble des actions de développement rural, y compris celles qui étaient traditionnellement financées dans le cadre de la politique structurelle. Les politiques de développement rural, véritable « deuxième pilier » de la PAC, visent à prendre pleinement en compte la ruralité dans toutes ses dimensions : non seulement la dimension agricole, mais aussi les dimensions sociale et environnementale. Ce « deuxième pilier » de la PAC était, comme vous le savez, au coeur de la réforme décidée à Berlin, centrée sur le renforcement de la multifonctionnalité. Il est normal qu'il trouve une pleine traduction budgétaire dès 2000, et nous nous en réjouissons.
Mme Bidard-Reydet est revenue sur ce que nous avons décidé en matière de PAC, à Berlin : nous avons certes accepté des baisses de prix, modérées à l'époque ; mais nous avons indiqué clairement - cela n'a d'ailleurs pas été facile à obtenir - que cette réforme de Berlin serait la base de notre position pour les négociations de l'OMC qui se sont ouvertes hier, avec les difficultés que l'on connaît. Je voudrais vous redire que, solidement appuyés sur Berlin, nous abordons ces négociations sur le volet agricole dans une bonne posture ; mais nous n'accepterons aucune offensive, qu'elle émane des Etats-Unis ou du groupe de Cairns, contre la politique agricole commune réformée pour être compatible avec les règles de l'échange mondial.
Les dépenses de marché de la PAC sont en réduction de 2,3 %, essentiellement du fait de la suppression de l'avance consentie au titre de l'aide aux oléagineux, qui entraîne une économie de 1,2 milliard d'euros dans le projet de budget pour 2000. Cette mesure technique de trésorerie résulte de l'alignement du régime des oléagineux sur celui des céréales, décidé à Berlin.
La rubrique 2 du budget communautaire, consacrée à la politique structurelle, a fait l'objet d'un accord politique à Berlin même, l'enveloppe globale des crédits pour la période 2000-2006 étant arrêtée à 213 milliards d'euros. Cette enveloppe représente une augmentation de 6,5 % par rapport à la programmation précédente, qui va se clore dans quelques semaines. Elle correspond à un effort financier important de l'Union européenne, indispensable pour maintenir la cohésion économique et sociale d'un ensemble démographique vivant désormais avec la même monnaie. Pour reprendre l'expression de Jacques Delors, les Quinze ont fait preuve « d'esprit de famille » à Berlin. Chaque pays de l'Union européenne, en particulier les pays du Sud, peut continuer à être directement intéressé au développement des actions communautaires, à travers notamment les programmes d'objectif 1 et les financements du fonds de cohésion.
La France, qui est la deuxième puissance économique de l'Union européenne, a pris sa part de cet effort de solidarité communautaire, puisqu'elle verra la population métropolitaine couverte par les zonages d'objectif 2 diminuer d'un quart.
Mais la France est aussi un pays qui, à bien des égards, a besoin que la solidarité communautaire s'exerce à son bénéfice. Ainsi, ses retours au titre des départements d'outre-mer augmenteront, pour s'établir à plus de 21 milliards de francs sur la prochaine période. Par ailleurs, elle sera le principal bénéficiaire, avec l'Allemagne, du nouvel objectif 3, consacré entièrement à l'emploi et à la cohésion sociale, et qui doit être pleinement mobilisé, en appui aux actions en faveur de l'emploi menées par l'Etat, les collectivités locales, ou encore par les acteurs de l'économie sociale.
C'est pourquoi je tenais à rassurer M. Joly sur la globalité de nos retours en fonction de l'Union européenne. On ne peut pas dire que la France dans son intégralité a été pénalisée par les décisions de Berlin, même si ces dernières impliquaient, en termes d'objectif 2, des restructurations qui ont d'ailleurs été menées en concertation avec les élus locaux.
Je souligne, par ailleurs, que le phasing out, ou périodes transitoires, sera très étalé pour la Corse et le Hainaut. Ces régions ne basculeront dans l'objectif 2, si elles satisfont aux critères, qu'au terme d'un délai de six ans. Par ailleurs, la Corse va rester intéressée par les programmes interreg et urban. Je crois que, là encore, nous nous en sortons de façon assez convenable.
En définitive, la France verra ses retours globalement reconduits de période sur période autour de 100 milliards de francs.
Le projet de budget pour 2000 fixe, au total, le montant des crédits structurels à 32,7 milliards d'euros en crédits d'engagement et 31 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,8 %. Cela permettra d'apurer la moitié environ des restes à liquider au titre du paquet Delors II, de mettre en place immédiatement l'avance de 3,5 % sur les futurs programmes et de prévoir les paiements nécessaires pour couvrir les crédits d'engagement ouverts en l'an 2000.
Les autres politiques internes, regroupées traditionnellement dans la rubrique 3 du budget communautaire, ont fait l'objet d'une attention particulière dans le cadre de la programmation de Berlin, même si cela été un peu occulté par les réformes importantes de la PAC et des fonds structurels qui constituaient le coeur de l'Agenda 2000 et dont je viens de parler.
En effet, le plafond de ces dépenses de la rubrique 3 progressera de 11,3 % en euros constants entre 2000 et 2006, notamment pour tenir compte de la communautarisation d'une partie du « troisième pilier » relatif à la justice et aux affaires intérieures, prévue par le traité d'Amsterdam et qui a reçu un début de mise en oeuvre lors du Conseil européen extraordinaire de Tampere.
J'en profite, monsieur Ferrand, pour vous dire que cette dimension de la justice et des affaires intérieures, dimension fondamentale pour l'Europe citoyenne que vous avez appelée de vos voeux, est de plus en plus prise en compte. Ainsi, les décisions prises à Tampere devront être exécutées selon un calendrier précis, d'ores et déjà établi, et la présidence française aura à coeur et à charge de leur donner une traduction extrêmement forte.
Pour l'an 2000, les crédits de la rubrique 3 seront stables, avec 5,8 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit précisément le même niveau qu'en 1999. Pour autant, les Quinze ont réaffirmé nettement les priorités que constituent, au sein de cette rubrique 3, la recherche, d'une part, les réseaux transeuropéens, d'autre part.
Les crédits de recherche augmentent ainsi de 5,2 % en engagements pour s'établir à 3,6 milliards d'euros ; les interventions seront concentrées autour de quatre priorités thématiques principales, de manière à répondre aux critiques émises, en partie par nous, sur le précédent programme cadre de recherche et développement, le PCRD.
Les réseaux transeuropéens voient leurs crédits augmenter de 12 % en engagements, pour s'établir à 656 millions d'euros, ce qui devrait permettre une politique d'investissement, avec notamment le concours de la Banque européenne d'investissement, à la hauteur de ce que nous souhaitons.
J'en viens maintenant aux actions extérieures de l'Union européenne, financées au sein de la rubrique 4, dotée de 4,6 milliards d'euros en engagements et de 3,4 milliards d'euros en paiements dans le projet de budget pour 2000.
Cette enveloppe permettra de financer l'ensemble des programmes d'action extérieure de l'Union européenne, notamment la politique méditerranéenne, la coopération avec les nouvelles républiques indépendantes issues de l'éclatement de l'Union soviétique et la coopération avec l'Amérique latine.
Mais la rubrique 4 autorise, au-delà de la continuité des actions traditionnelles de l'Union européenne, le financement d'un plan d'aide à la région des Balkans.
Sur l'initiative de la délégation française, le Conseil a décidé la création d'une réserve de 360 millions d'euros destinée à financer la reconstruction du Kosovo proprement dit, ainsi que d'une enveloppe de 420 millions d'euros pour les autres types d'intervention, notamment l'aide alimentaire et l'aide humanitaire, indispensables pour favoriser la stabilisation des Balkans dans leur ensemble.
C'est donc un effort de près de 800 millions d'euros qui était indispensable pour que l'Union européenne assume ses responsabilités nouvelles dans les Balkans. Il a été heureusement consenti.
J'ajouterai encore un mot sur l'aspect budgétaire proprement dit, pour dire, notamment à M. Badré, que le financement de l'élargissement est, comme il le sait, prévu dans les rubriques 7 et 8 du budget pour plus de 40 milliards d'euros sur la période 2000-2006. Il est prévu dans une rubrique à part en attendant une imputation plus précise dès que les adhésions interviendront effectivement. Je crois, monsieur Haenel, que nous conserverons la même structure pour l'année 2001, voire 2002.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Encore un ou deux budgets...
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je n'irai pas plus loin, car je sais qu'il y a ici de chauds partisans d'un élargissement rapide ; j'en suis d'ailleurs, même si je souhaite un élargissement maîtrisé.
Pour terminer, je resituerai, en quelques mots, la présentation du budget communautaire dans la perspective des échéances qui nous attendent, notamment la présidence française.
J'évoquais dans mon propos introductif les trois principaux chantiers qui seront au coeur de notre présidence : l'élargissement, la réforme des institutions, la stratégie européenne pour la croissance et l'emploi. J'y reviens brièvement.
Le premier chantier est la stratégie européenne pour la croissance et l'emploi.
A Cologne, sur l'initiative de la présidence allemande, qui reprenait aussi des concepts français, les Quinze ont lancé un pacte européen pour l'emploi, ce qui, madame Bidard-Reydet, allait dans le sens de la priorité que la France a donné à son action pour l'Europe depuis Amsterdam, en 1997, à savoir la réorientation de la construction européenne en faveur de la croissance et de l'emploi.
Les conclusions de Cologne ont permis de réaliser une première synthèse des engagements antérieurs de l'Union européenne. C'est leur principal mérite, mais aussi leur principale limite. En effet, à l'évidence, avec plus de 17 millions de chômeurs encore dans l'Union européenne, il nous faut faire des pas supplémentaires dans ce rééquilibrage de la construction européenne.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite travailler en étroite liaison avec le Portugal, qui assumera la présidence de l'Union européenne à partir de janvier prochain et qui a pris l'engagement de réunir un sommet social européen spécial à Lisbonne, les 23 et 24 mars prochains.
Je tiens à dire à M. Angels que, comme lui, nous avons une ambition élevée pour ce sommet : nous souhaitons en effet, dans la lignée de tout ce que nous avons fait depuis 1997, le développement d'une politique européenne pour l'emploi.
Nous avons eu des premiers échanges avec le Gouvernement portugais, notamment à l'occasion de la visite en France d'Antonio Guterres, le Premier ministre de ce pays. Pour notre part, nous considérons qu'un dépassement qualitatif de la démarche de Luxembourg sur l'emploi passe par trois initiatives.
Tout d'abord, il faut réfléchir à l'enrichissement des lignes directrices pour l'emploi adoptées à Luxembourg. Il faut aussi remettre cette démarche coordonnée sur l'emploi au coeur de la coordination des politiques économiques, et, à cet égard, je crois que nous pouvons pousser encore plus loin les actions qui ont été engagées depuis plus de deux ans et demi maintenant, notamment sur l'initiative de Dominique Strauss-Kahn.
Enfin, il nous faut créer un espace de dialogue social européen, à travers la création d'un forum économique et social associant les gouvernements des Quinze, les organisations syndicales et patronales, la Commission et la Banque centrale européenne autour d'une réflexion collective sur les mutations économiques et sociales qui travaillent en profondeur l'espace européen et qui doivent trouver, c'est vrai, une réponse plus appropriée aussi à ce niveau.
Le deuxième chantier essentiel dont plusieurs d'entre vous ont parlé est l'élargissement.
Comme vous le savez, nous sommes un peu à la croisée des chemins. Six négociations ont été engagées au mois de mars 1998, avec la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, l'Estonie, la Slovénie et Chypre. Elles se poursuivent à leur rythme, sans difficultés insurmontables à ce stade ; mais il est vrai aussi que les secteurs les plus difficiles - je pense notamment à l'agriculture, mais aussi à la politique sociale, à la fiscalité ou à l'adoption de la monnaie unique - n'ont pas encore été ouverts à la négociation. A cet égard, il nous faut reconnaître que les vraies difficultés sont devant nous.
Or, dans le même temps, la Commission européenne a publié un certain nombre de rapports concernant notamment les progrès effectués par les cinq autres pays candidats, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas encore entrés en négociation mais qui - chacun le comprend ici - aspirent à le faire le plus rapidement possible. Ce que j'en retiens, c'est que la Commission recommande au Conseil européen qui se tiendra la semaine prochaine à Helsinki d'ouvrir, en l'an 2000, les négociations avec tous ces pays, c'est-à-dire la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, mais aussi la Roumanie et la Bulgarie, ainsi que Malte.
J'observe enfin que la Commission recommande que l'Union européenne accorde à la Turquie le statut plein et entier de candidat à l'adhésion, même si, naturellement, cette candidature turque devra être appréciée au regard des efforts que ce pays doit encore accomplir, en ce qui concerne notamment le respect des droits de l'homme, des normes démocratiques et de l'état de droit.
Nous cherchons en ce moment même une solution pour permettre à la fois de reconnaître ce statut de candidat à la Turquie et aussi de donner à nos amis grecs les garanties légitimes qu'ils sont en droit d'attendre pour que cette candidature soit aussi un facteur durable d'amélioration des relations gréco-turques.
J'observe en outre qu'il n'y a pas d'accélération du calendrier de l'élargissement, mais qu'il y a une obligation que se fixe l'Union européenne à elle-même d'être prête le plus rapidement possible à accueillir en son sein de nouveaux pays. A Helsinki, ne sera pas fixé un nouveau calendrier pour l'adhésion : on ne dira pas que ce sera l'année 2003, 2004 ou 2005, mais simplement que l'Union doit être prête à accueillir ces candidats au cours de l'année 2002.
Enfin, le troisième chantier fondamental que je voulais aborder avec vous concerne la réforme des institutions.
Je viens de préciser que nous ne serions pas favorables à Helsinki à une accélération du calendrier. D'abord, je l'ai dit parce que nous récusons toute fuite en avant dans le processus d'élargissement, mais aussi parce que nous souhaitons que la réforme des institutions de l'Union, que vous avez consacrée dans l'article 2 de la loi de ratification du traité d'Amsterdam, soit conduite à son terme en préalable aux futurs élargissements de l'Union, sans y ajouter la pression du calendrier.
Je ne vais pas insister ici sur le contenu détaillé de la réforme institutionnelle que nous souhaitons, car nous aurons l'occasion d'en reparler. Je dirai simplement que nous pensons absolument indispensable que la prochaine conférence intergouvernementale trouve une réponse aux trois questions qui, justement, ont été laissées en l'état à Amsterdam : je veux parler notamment de l'extension du champ du vote à la majorité qualifiée. J'indique au passage à M. Marini que je suis très conscient des causes du blocage actuel sur la fiscalité de l'épargne, qui ressortissent à certains pays, essentiellement le Royaume-Uni, et, dans une moindre mesure, le Luxembourg. En conséquence, nous militerons résolument, tout comme lui, pour le passage au vote à la majorité qualifiée en matière fiscale à l'occasion de la prochaine conférence intergouvernementale.
Dans un autre ordre d'idée, une deuxième question touche à la réforme de la Commission et à la repondération des voix au sein du Conseil, sans laquelle une extension de l'Union européenne à plus de quinze membres serait impossible. Il reste maintenant à confirmer cette approche : ce sera l'un des enjeux du Conseil européen d'Helsinki. Il faudra entamer la négociation sous la présidence portugaise pour la conclure, nous l'espérons, sous la nôtre, en l'an 2000, à condition, comme le rappelait M. Haenel, que la barque ne soit pas trop chargée. En effet, il peut y avoir contradiction entre le fait d'avoir une ambition globale pour nos institutions et celui de souhaiter que l'on aboutisse à une réforme rapide qui permette un élargissement tout aussi rapide.
Pour conclure, je me contenterai de rappeler que tous les chantiers que je viens d'évoquer, qui sont implicitement contenus dans le projet qui vous est soumis aujourd'hui, seront naturellement au coeur des priorités de la présidence française qui s'ouvrira au 1er juillet 2000. Que pouvons-nous en attendre ? Il nous reviendra de travailler à ces chantiers de manière significative, voire, pour certains d'entre eux - je n'ai d'ailleurs pas évoqué la défense - de les mener à leur terme.
La responsabilité particulière de notre pays dans la construction européenne depuis cinquante ans devra nous amener à prendre les moyens nécessaires pour consolider les bases d'une nouvelle phase de l'intégration européenne qui, évidemment, prendra toute son ampleur dans les années 2000-2004.
Nous sommes attendus ; nous voulons être à la hauteur de cette attente, mais nous voulons aussi, dans l'approche de notre présidence, nous garder de toute forme « d'arrogance française ».
Tout en étant réalistes et ouverts au travail avec tous nos partenaires européens, nous voulons réussir ce grand rendez-vous de 2000. Nous devons être capables de concevoir, tout à la fois une Union européenne qui enrichisse les politiques communes menées à quinze, une Union qui se montre accueillante aux demandes d'adhésion de pays très proches de nous, une Union capable de maîtriser son destin et d'exister sur la scène internationale, y compris sur le plan de la défense, enfin, une Union qui puisse fonctionner comme une puissance politique, même à vingt ou vingt-cinq Etats membres.
Ce sont là des défis considérables pour notre pays. Je suis confiant, car je sais qu'il saura les relever avec les énergies de tous ceux qui voudront bien y concourir, afin de répondre aux attentes de tous ceux qui, en France, dans les autres pays de l'Union, dans les pays d'Europe centrale et orientale, n'envisagent pas leur avenir sans une Union européenne forte. (Applaudissements sur les travées socialistes et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35.

(L'article 35 est adopté.)
M. Michel Charasse. A l'unanimité !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Avec l'abstention du groupe communiste républicain et citoyen !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Allouche.)