Séance du 22 mars 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Candidatures à un organisme extraparlementaire (p. 2 ).

4. Candidature à la délégation du Sénat pour l'Union européenne (p. 3 ).

5. Convention portant statut de la Cour pénale internationale. - Adoption d'un projet de loi (p. 4 ).
Discussion générale : MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Michel Pelchat, André Rouvière, Serge Vinçon, Gérard Le Cam.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 5 )

MM. Michel Pelchat, Jacques Machet, Bernard Seillier.
Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.

6. Nomination d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (p. 6 ).

7. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire (p. 7 ).

8. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 8 ).

9. Dépôt d'un projet de loi (p. 9 ).

10. Dépôt de rapports (p. 10 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 11 ).

12. Ordre du jour (p. 12 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE
DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-huit heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
La procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 688 de M. Gouteyron est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du mardi 28 mars 2000.

3

CANDIDATURES
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des deux sénateurs appelés à siéger au sein du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Charles Descours et Alain Vasselle pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

CANDIDATURE À LA DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. L'ordre du jour appelle la désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. René Trégouët, démissionnaire.
Le groupe du Rassemblement pour la République m'a fait connaître qu'il présentait la candidature de M. Xavier Darcos.
Cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

5

CONVENTION PORTANT STATUT
DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 229, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale. [Rapport n° 259 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat va se prononcer aujourd'hui sur ce qui constitue une vraie victoire de la lutte contre l'impunité, après un siècle marqué par des horreurs qui défient la conscience humaine.
Chacun peut prendre la mesure des progrès accomplis par la lutte contre l'impunité depuis quelques années et du caractère hautement symbolique, après la création des tribunaux ad hoc sur l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, de l'adoption du statut de la Cour pénale internationale. Car cette convention internationale marque aussi le dépassement d'une conception abusive de la souveraineté des Etats - celle-ci demeure nécessaire, mais elle était parfois utilisée pour justifier l'injustifiable - face aux violations radicales des droits de l'homme, et une certaine vision de l'humanité que nous nous attachons à défendre partout dans le monde.
La convention de Rome a été adoptée le 17 juillet 1998. Cent vingt pays, dont la France et les autres membres de l'Union européenne, se sont prononcés en faveur du texte. Cependant, sept ont voté contre - les Etats-Unis, l'Inde, la Chine, Israël, Bahreïn, le Qatar, le Vietnam - et vingt et un se sont abstenus.
La France a signé ce texte dès le 18 juillet 1998, et le Gouvernement entend que notre pays fasse partie des premiers à le ratifier.
Le 24 décembre 1998, le Président de la République et le Premier ministre ont saisi conjointement le Conseil constitutionnel de la conformité du statut de la Cour pénale internationale avec les dispositions de la Constitution. Le 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision et, sur cette base, le Congrès, réuni à Versailles, a procédé, le 28 juin 1999, à une révision constitutionnelle en ajoutant l'article 53-2 qui se lit ainsi : « La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998. » Le 22 février dernier, l'Assemblée nationale a adopté à une très large majorité le projet de loi de ratification qui vous est proposé aujourd'hui.
A la date du 22 mars 2000, quatre-vingt-quinze pays ont signé la convention, dont les quinze membres de l'Union européenne. Sept pays seulement l'ont ratifiée pour le moment : le Sénégal, Trinité-et-Tobago, Saint-Marin, l'Italie, Fidji, le Ghana et la Norvège.
Comme vous le savez, pour entrer en vigueur, la convention doit avoir été ratifiée par soixante pays. Nous en sommes encore loin, trop loin, mais la France y travaille.
En Europe, une dynamique est enclenchée : après l'Italie et la Norvège, l'Allemagne a engagé le mouvement, et mon collègue allemand, M. Joshka Fischer, a rendu hommage, lors de son allocution devant les parlementaires allemands, à l'adhésion rapide de la France. J'ai également demandé à Robert Badinter, dont je salue l'engagement de toujours pour l'affirmation d'une justice pénale internationale, de se rendre dans un certain nombre de pays signataires pour convaincre les responsables de hâter les procédures de ratification.
L'idée d'une cour permanente vient de loin.
Un premier projet avait déjà été évoqué au sein de la Société des nations. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la commission du droit international des Nations unies avait été saisie de nouvelles propositions. Les vainqueurs de l'Allemagne nazie et du Japon militariste avaient alors mis en place les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ; la volonté que jamais ne se reproduise l'horreur avait conduit à l'adoption rapide de la convention sur le génocide, le 9 décembre 1948, puis, le lendemain, de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Tout semblait prêt pour une concrétisation rapide des idées exprimées notamment par notre compatriote Donnedieu de Vabres, procureur à Nuremberg, en faveur d'une cour permanente.
Hélas ! la guerre froide et les blocages qui en résultèrent brisèrent net cet élan.
Quarante ans plus tard, la disparition de l'URSS a rouvert cette perspective. C'est ainsi que le Conseil de sécurité, dans les années quatre-vingt-dix, a créé les tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie - sur proposition française, je le rappelle - et le Rwanda. En 1994, les experts de la commission du droit international ont enfin pu soumettre aux Etats membres, à la demande de l'assemblée générale des Nations unies, un avant-projet de statut.
Les débats préparatoires à la création de la Cour se sont déroulés sur des bases et selon des méthodes novatrices. De nombreuses ONG ont pu faire valoir leurs observations et propositions à toutes les étapes.
L'un des enjeux était de choisir entre l'adoption rapide d'une convention-cadre ou l'élaboration d'un statut complet.
Certains voulaient éluder les questions de fond. Une coalition de pays, autobaptisée « Etats pilotes », s'était donné pour objectif l'aboutissement très rapide des travaux. Notre tradition de droit écrit, le souci persistant que nous exprimons dans toutes les enceintes d'une meilleure régulation des rapports internationaux plaidaient plutôt pour l'élaboration sérieuse et méthodique d'un texte précis, garant d'une véritable sécurité juridique. Cette approche a prévalu.
C'est ainsi que le statut adopté à Rome doit beaucoup aux conceptions françaises : donner une vraie réponse aux aspirations à la justice et à la lutte contre l'impunité, tout en créant une institution qui s'insère harmonieusement dans le système international. Pour la France, la fin de l'impunité des criminels, c'est la dignité rendue aux victimes, dont le droit de savoir et le droit à la justice doivent être reconnus, et l'espoir d'un futur état de droit à construire ou à reconstruire dans les régions meurtries. La Cour, qui peut être saisie par le Conseil de sécurité, doit aussi participer à l'action multilatérale en faveur de la paix et de la sécurité en contribuant au dépassement des tragédies.
La France a oeuvré en faveur d'une Cour dont la composition serait la plus universelle possible et dont les procédures seraient adaptées au contexte international. Tout au long des discussions, nous avons suscité une synthèse des diverses traditions juridiques plutôt que de laisser s'imposer un seul et même modèle sur la scène juridique internationale. La France a fait de nombreuses propositions sur le droit des victimes, sur le rôle d'une chambre préliminaire pendant l'instruction et sur l'obligation de coopération des Etats.
Si le compromis final a pu se faire à Rome, c'est, sur bien des points, autour des positions et des propositions françaises.
Nous avions tout particulièrement souligné qu'on ne rendrait pas la justice internationale en l'absence des victimes, et nous avons défendu, avec le concours des experts des Etats et des ONG intéressés, au cours du séminaire organisé à Paris, en avril 1999, « l'accès des victimes à la Cour pénale internationale ».
Nos propositions visaient à mettre en place des solutions efficaces obligeant la Cour à prendre les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des témoins « en particulier lorsque le crime s'accompagne de violences sexuelles, de violences à caractère sexiste ou de violences contre les enfants ». Elles tirent parti de l'expérience des tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Il est en effet décevant qu'aujourd'hui encore ces deux tribunaux voient leur légitimité contestée par ceux-là même en faveur desquels ils rendent la justice et que ni l'opinion rwandaise ni la société civile en ex-Yougoslavie ne se sentent encore tout à fait concernées par l'action de ces tribunaux.
Nous disposons donc maintenant d'un statut précis et équilibré.
L'équilibre entre la Cour et les tribunaux nationaux est un élément important.
N'oublions pas que la Cour est complémentaire des juridictions nationales, les Etats gardant la responsabilité principale de la prévention et de la répression des crimes.
En finir avec l'engrenage incessant des revanches qui répondent aux violences antérieures - engrenage nourri par l'impunité de ceux qui violent les droits de l'homme - et créer des conditions propices à la réconciliation : tel est le double défi que doivent relever toutes les régions déchirées par des atrocités. Il est essentiel que les Etats ne se croient pas déresponsabilisés de cette mission essentielle par la création de la Cour.
C'est pourquoi les Etats sortant de crise doivent agir eux-mêmes pour s'efforcer de trouver, seuls ou avec la communauté internationale, les voies adaptées à la solution des tragédies et à la réconciliation.
Outre les voies judiciaires nationales, et désormais internationales, il existe à cet égard, comme en témoigne, parmi de nombreux autres, l'exemple de l'Afrique du Sud et de l'action du prix Nobel de la paix, Mgr Desmond Tutu, à la tête de la commission « Vérité et réconciliation », des solutions diverses.
Le système de complémentarité réserve la compétence de la Cour aux cas de défaillance avérée de l'ordre interne. La Cour ne se substitue pas aux Etats, je le répète : elle n'intervient que si les autorités nationales sont incapables de traduire ou se refusent à traduire en justice les responsables des grands crimes.
Toutefois, en cas de contestation, il faut garder à l'esprit que la décision finale appartient à la Cour pénale internationale, qui est le juge ultime de sa propre compétence. A travers cette disposition, nous avons établi la primauté de la juridiction internationale.
Les débats ont permis également d'assurer un équilibre institutionnel au sein de la Cour. Ainsi, la France est à l'origine de la création de la chambre préliminaire, organe nouveau qui va superviser l'action du procureur et garantir les droits de la défense et des victimes pendant l'instruction. Cette chambre sera compétente pour confirmer les charges avant que ne s'ouvre un procès et devrait remédier à la lenteur des procédures constatées à La Haye et à Arusha.
La Cour sera saisie par un Etat partie, par le Conseil de sécurité ou pourra s'autosaisir. C'est parce qu'il y aura une chambre préliminaire que bien des Etats ont accepté l'autosaisine : celle-ci sera collégiale, décidée conjointement par les juges de la chambre préliminaire et par le procureur.
Les dispositions relatives à la compétence de la Cour sont naturellement déterminantes.
En ratifiant la convention de Rome, les Etats acceptent la compétence obligatoire de la Cour pour les crimes contre l'humanité, les génocides et aussi les crimes de guerre. La Cour exerce sa compétence dès qu'un Etat concerné, l'Etat de la nationalité des auteurs présumés ou l'Etat sur le territoire duquel le crime a eu lieu, est partie au statut ou donne son accord exprès. Cette forme de compétence est très large. Elle a le mérite d'écarter définivement l'idée d'une compétence à la carte, d'un consentement au cas par cas.
Ce principe n'allait pas de soi. Des pays réticents à l'égard de toute intervention internationale dans les conflits internes s'opposaient à ce que les crimes de guerre relèvent de la compétence de la Cour. Le mouvement des non-alignés avait adopté une déclaration en ce sens avant la conférence de Rome. L'abstention du groupe arabe, le vote négatif de la Chine et de l'Inde le 17 juillet sont aussi significatifs.
Comme je l'ai dit, le Conseil de sécurité pourra saisir la Cour, sur la base du chapitre VII de la charte, c'est-à-dire dans des situations de menace ou d'atteinte à la paix, y compris à l'égard de pays qui n'auraient pas ratifié le statut. Cette faculté de saisine du Conseil est essentielle. Elle permettra d'éviter dans le futur la multiplication de tribunaux ad hoc. Elle constituera également la forme la plus efficace de saisine de la Cour car celle-ci n'a aucun moyen de contrainte à l'égard des Etats. La Cour, saisie par le Conseil, pourra en retour lui demander d'agir en cas de non-coopération d'un Etat.
Par ailleurs, l'article 16 du statut prévoit que le Conseil de sécurité, agissant toujours en vertu du chapitre VII, pourra demander à la Cour de ne pas engager ou de suspendre des enquêtes et des poursuites. Il faudra pour cela un vote positif de neuf membres du Conseil de sécurité, y compris le vote positif de tous les membres permanents, pour suspendre l'intervention de la Cour.
Certes, il n'y a pas de raison a priori de penser que les logiques du Conseil et de la Cour puissent être contradictoires. Mais on ne peut pas non plus écarter cette éventualité. Les négociateurs ont pensé qu'on ne pouvait exclure qu'une pause soit nécessaire dans certaines situations pour arracher en priorité une solution à un conflit inextricable et mettre fin aux violences. L'article 16 répond à une telle éventualité.
Ce bref exposé des dispositions du statut permet de mesurer les bouleversements que représente pour l'ordre international la création de la Cour pénale internationale. Ce bouleversement est sans comparaison avec les quelques adaptations rendues nécessaires par la création des tribunaux pénaux internationaux, dont la compétence géographique et temporelle est limitée et dont le fonctionnement requiert malgré tout aujourd'hui 10 % du budget ordinaire de l'ONU.
Il est trop tôt pour imaginer concrètement comment fonctionnera la Cour. Une fois le statut entré en vigueur, s'ouvrira une période au cours de laquelle s'établiront, sur la base des textes fondateurs, des pratiques et une jurisprudence.
Ainsi que vous le savez, la France a annoncé, lors de la signature de la convention, qu'elle entendait se prévaloir de l'article 124 du statut. Mme le garde des sceaux l'avait confirmé devant votre assemblée au moment de la présentation du projet de loi constitutionnelle.
Contrairement aux pays que j'ai cités voilà quelques instants, notre pays accepte la compétence de la Cour pour les crimes de guerre mais entend faire jouer la clause qui permet de reporter sa mise en oeuvre à une échéance de sept ans maximum après l'entrée en vigueur du statut.
M. Emmanuel Hamel. Et après ?
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Cela n'exonère aucunement un Français qui commettrait un crime de guerre : il sera de toute façon jugé par un tribunal français. Les autorités françaises ont demandé cette période transitoire pour pouvoir vérifier que toutes les garanties introduites dans le statut afin d'éviter les plaintes abusives sont appliquées avec efficacité.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. De telles plaintes fallacieuses ne sont naturellement pas envisageables pour des crimes contre l'humanité ou un génocide, qui ont, par définition, un caractère massif et systématique. Au contraire, les crimes de guerre, dont la définition recouvre des actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives, en tout cas tant que les pratiques futures de la Cour ne sont pas clarifiées. Or ces plaintes non fondées pourraient mettre injustement en cause des pays qui ont le mérite d'assumer plus que d'autres leurs responsabilités internationales en participant à de très délicates opérations de maintien de la paix,...
M. Emmanuel Hamel. Vous avez raison !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... et vous savez que la France y prend plus que sa part. Elles nuiraient à ces Etats, aux opérations dans lesquelles ils sont engagés, ainsi qu'à la Cour naissante dans l'hypothèse où elle serait dévoyée comme instrument politique. Cette crainte n'est pas théorique : que l'on songe aux critiques contre l'opération « Turquoise », que la France s'était décidée à faire seule parce que personne d'autre ne voulait y aller, contre nos soldats, aux attaques contre la FORPRONU, à la tension aujourd'hui à Mitrovica, dans la seule zone du Kosovo où les deux camps sont face à face. Les difficultés ne sont pas dues à la présence des soldats français ; on a mis là les soldats français parce que l'on savait que, là, ce serait plus dur qu'ailleurs.
L'expérience des tribunaux pénaux démontre également que de tels dysfonctionnements ne peuvent être exclus.
Les Etats-Unis, vous le savez, considèrent, pour leur part, que la protection offerte par l'article 124 contre les plaintes abusives reste insuffisante.
M. Emmanuel Hamel. Ils ont raison !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont rejeté le statut.
Plusieurs pays ont la même position. Mais ce n'est pas la nôtre, car nous voulons nous inscrire dans le mouvement général.
Les Etats-Unis ont d'autres raisons, peut-être moins avouées,...
M. Michel Pelchat. Moins avouables !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... et peut-être moins avouables, en effet, de ne pas signer le statut. Mais, je le répète, ce n'est pas notre position, excepté sur ce point particulier où nous entendons prendre les précautions transitoires qui s'imposent.
Pour ma part, j'ai la conviction que cette période transitoire permettra de vérifier la validité des garanties destinées à éviter les recours abusifs. Comme je l'ai indiqué à l'Assemblée nationale, et comme l'a confirmé le Premier ministre devant la Commission nationale consultative des droits de l'homme le 15 mars dernier, la France pourrait d'ailleurs, sans attendre sept ans, si ces garanties étaient vérifiées de façon convaincante à nos yeux, renoncer à cette disposition transitoire. L'essentiel est le mouvement d'ensemble, mais qui doit se faire avec toutes les garanties nécessaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je voudrais revenir devant vous sur trois points.
Première observation, la convention qui est soumise aujourd'hui à votre assemblée n'est pas parfaite. Quel texte peut l'être... même s'il est amélioré par le Sénat ? Elle ne contient notamment aucune disposition permettant d'agir contre les pays qui commettraient des crimes sur leur propre territoire et contre leurs propres citoyens. Les dirigeants de ces pays peuvent se contenter de ne pas ratifier, espérant rester tranquilles et impunis à l'intérieur de leurs frontières. Calcul illusoire à mon sens ! Le Conseil de sécurité pourra néanmoins tenter dans ces cas de les contraindre à répondre de leurs actes devant la Cour.
Le statut constitue de toute façon une avancée historique, et c'est pour cela que je crois qu'il faut le ratifier.
Ma deuxième observation concerne le chantier lancé par la ministre de la justice et par moi-même en vue d'assurer une meilleure promotion de notre droit au plan international. L'enjeu est d'envergure dans la bataille d'influence qui se livre de façon de plus en plus aiguë du fait de la mondialisation. Il est clair que les crises récentes - implosion de certains Etats, crises financières, difficultés croissantes à lutter par l'entraide judiciaire traditionnelle contre la criminalité organisée, qui s'engouffre dans les failles de la modernisation - soulignent les risques d'une dérégulation excessive.
J'ai la conviction que le droit français, dans nombre de ses composantes, peut apporter des réponses adaptées, mieux adaptées que d'autres dans certains cas. Nous l'avons trop longtemps sous-estimé, alors que, dans tel ou tel domaine - droit économique, droit financier, droit pénal - la seule common law domine progressivement. Le contenu du statut de Rome démontre que la défense et la promotion du droit romano-germanique - le nôtre - peuvent être assurés par un effort mené en amont, lors de la codification de textes internationaux. Grâce aux négociateurs français, la nouvelle juridiction fait une synthèse novatrice entre droit civil et common law, non par la voie d'un affrontement entre blocs juridiques, mais grâce à un dialogue renforcé avec les grandes démocraties, particulièrement le Royaume-Uni et l'Australie, convaincues, en définitive, que cette synthèse serait porteuse d'efficacité de la Cour. Ce n'est pas l'un des aspects les moins importants de ce statut.
Ma dernière observation concerne le rôle futur de la Cour dans le système international de prévention et de gestion des crises. Je l'ai abordé tout à l'heure.
Sans être chimérique - car il faut aussi se rappeler, malheureusement, que les massacres de Srebrenica sont intervenus après la création du tribunal pour l'ex-Yougoslavie - sans être chimérique, donc, il faut espérer que l'existence même de la Cour jouera aussi un rôle dissuasif et préventif, qu'elle pourra intervenir dès qu'il le faudra, que le procureur et les juges auront la sagesse et le courage de s'engager, aux côtés des pays en sortie de crise, pour que la justice rendue - à La Haye ou dans les pays concernés, comme en a l'intention aujourd'hui Mme Carla del Ponte - contribue effectivement à la réconciliation.
Mais je voudrais redire solennellement que la création de la Cour pénale internationale ne dispense ni la France ni les autres grands pays du monde de tout faire politiquement et diplomatiquement pour prévenir et résoudre les grandes crises internationales. Cette Cour ne devra être l'alibi d'aucune défaillance de la volonté politique.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, mesurons l'importance historique de la future Cour et poursuivons nos efforts partout dans le monde pour trouver des solutions aux situations politiques, économiques et sociales ou extirper les idéologies qui sont le terreau trop fertile des grandes tragédies.
M. Emmanuel Hamel. Et en Tchétchénie ?
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Luttons pour un développement durable et moins inégal ; renforçons les solutions pacifiques et politiques des conflits ; préservons la diversité culturelle et linguistique du monde ; consolidons pierre par pierre l'état de droit ; oeuvrons partout à la coexistence pacifique des groupes ennemis ou antagonistes et, un jour, à leur coopération et à leur réconciliation. Telles sont, vous le savez, nos priorités.
Alors que nous avons connu de longues périodes marquées par la passion aveugle des hommes, alors que de nouvelles espérances se lèvent devant nous, hâtons par cette ratification le vaste mouvement de progrès et de civilisation de la vie internationale que nous souhaitons tous léguer aux futures générations. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a fallu attendre le 17 juillet 1998 pour que la convention portant statut de la Cour pénale internationale soit votée à Rome par cent vingt Etats, malgré les nombreux cataclysmes qu'avait connus le siècle. Il y avait eu des projets antérieurs - et nous pourrons y revenir - mais cette avancée n'a été réalisée qu'à la fin du siècle.
La phase ultime de la ratification est désormais engagée et la France figurera parmi les premiers Etats à avoir signifié leur consentement à la mise en oeuvre de cette institution.
La Cour pénale internationale se veut l'instrument judiciaire répressif et dissuasif à l'égard de ceux qui entendraient commettre ou commettraient, à l'avenir, les crimes les plus odieux qui heurtent l'humanité : crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes d'agression.
L'actualité démontre à quel point l'existence d'un tribunal pénal international permanent est nécessaire, à vocation la plus universelle possible, pour que ces crimes ne puissent plus être perpétrés avec l'assurance de l'impunité pour leurs auteurs.
La future institution, qui jugera des individus, devra composer avec les Etats : le statut de la Cour traduit ces compromis entre souveraineté étatique et justice internationale, et la dépendance de celle-ci par rapport à celle-là. De même, la Cour souffrira-t-elle sans doute de l'hostilité dont ont témoigné certains pays lors de la signature de la convention de Rome, parmi lesquels figurent les Etats-Unis et la Chine, deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
La Cour pénale internationale sera une instance permanente, contrairement aux tribunaux pénaux internationaux existant à l'heure actuelle, chargés de juger, mais a posteriori, les auteurs des crimes les plus graves commis lors des conflits de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda.
Contrairement à ces tribunaux également, la CPI n'aura pas de compétence rétroactive : elle ne pourra juger que les auteurs des crimes relevant de sa compétence commis après son entrée en vigueur.
Enfin, toujours à la différence des deux tribunaux spéciaux actuels, la CPI aura une compétence à vocation universelle et non limitée a priori à un espace circonscrit, comme c'est le cas pour les tribunaux ad hoc. La compétence territoriale de la Cour sera fonction du nombre des Etats qui seront parties à son statut. Elle sera compétente pour juger l'auteur d'un crime si celui-ci a été commis sur le territoire d'un Etat partie ou s'il l'a été par le ressortissant d'un Etat partie.
Autre point important qui distingue encore la Cour des TPI existants : alors que ceux-ci ont priorité sur les tribunaux nationaux pour juger de crimes relevant de leur compétence, la CPI n'aura qu'une fonction complémentaire. En d'autres termes, la CPI ne sera compétente à l'égard de l'auteur d'un crime que si la justice nationale compétente pour le juger n'aura pu, ou n'aura pas voulu procéder aux poursuites et au jugement de l'intéressé.
Je voudrais à présent souligner, concernant la procédure suivie par la Cour, deux aspects importants de la convention de Rome au sujet desquels la France a tenu un rôle prépondérant, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre.
Le premier est l'existence d'une chambre préliminaire chargée en quelque sorte d'encadrer le procureur et d'effectuer, à sa demande, les démarches nécessaires à son travail d'enquête et de poursuites. C'est un élément important qui rapproche, vous l'avez également souligné, le droit anglo-saxon du droit romain, car les pouvoirs du procureur sont beaucoup plus importants dans le premier que dans le second. Le fait de limiter, par la constitution de cette chambre préliminaire, les pouvoirs du procureur est un progrès obtenu grâce à la France.
Le second élément - obtenu là encore grâce à l'intervention de la France- est la place reconnue aux victimes qui, bénéficiant éventuellement d'une protection spécifique, pourront intervenir à tous les stades de la procédure. Il leur est également reconnu un droit à réparation et à réhabilitation, notamment par la mise en place d'un fonds spécial destiné à leur indemnisation.
La Cour pénale internationale, chargée de juger des individus, sera malgré tout assez dépendante des Etats, notamment pour sa mise en oeuvre.
Comme toute convention internationale, l'entrée en vigueur de la convention de Rome, et donc de la Cour pénale internationale, dépend d'un nombre minimal de ratifications, en l'occurrence 60. A ce jour, 95 Etats l'ont signée et seulement 7 l'ont ratifiée.
La lenteur de ces ratifications n'est pas propre à la convention de Rome. Nous connaissons tous des processus qui ralentissent la mise en place d'organismes internationaux.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur le ministre, un certain nombre d'Etats, en particulier les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde, dont on ne peut escompter à ce jour un revirement d'attitude, n'ont pas souhaité adhérer à cette convention.
Ces absences pourraient entraîner un éventuel scepticisme parmi certains partisans de la Cour, les incitant à l'expectative et retardant d'autant l'entrée en vigueur de l'institution. Le fait que la France ratifie très rapidement cette convention mettra en évidence le rôle moteur qu'elle a su toujours jouer dans l'histoire. Nous avons une valeur d'exemple à illustrer par la mise en place de la Cour pénale internationale.
La Cour pénale internationale aura également besoin de la coopération des Etats.
En effet, pas plus que les actuels tribunaux spéciaux, la Cour ne disposera, en propre, de forces de police lui permettant une totale autonomie dans ses fonctions. C'est pourquoi le statut de la Cour prévoit la nécessaire coopération des Etats à son action.
Cette obligation générale de coopération nécessitera que les Etats parties adaptent leurs textes constitutionnels et leur législation interne pour répondre aux demandes de coopération formulées par la Cour, et prévoient en particulier, dans leurs législations pénales, l'incrimination et l'imprescriptibilité des crimes relevant de la compétence de la Cour.
Ainsi la France, qui a déjà modifié la Constitution pour tenir compte de la création de la CPI, devra-t-elle bientôt procéder à l'examen d'une loi d'adaptation unique qui recouvrira plusieurs sujets, lesquels sont détaillés dans le rapport écrit.
Enfin, le Conseil de sécurité, émanation de la société internationale, aura un double rôle. Il pourra, en vertu du statut, contribuer à élargir les compétences de la Cour et, dans l'intérêt de la paix, décider de suspendre provisoirement - pour une durée d'un an renouvelable - une action que cette dernière aurait engagée.
Enfin, pour terminer, rappelons que restent en suspens, ou en débat, plusieurs questions.
La commission préparatoire pour la Cour pénale, mise en place en 1999 et destinée à parachever et à préciser certaines dispositions du statut, doit traiter notamment deux sujets importants : l'élaboration d'un règlement de procédure et de preuve - véritable code pénal qui se met en place - et un texte sur les « éléments constitutifs des crimes ». C'est sur ce dernier point que des négociations sont en cours, négociations auxquelles participent des Etats qui se sont par ailleurs déclarés hostiles aux statuts - c'est le cas des Etats-Unis.
La première question encore en débat concerne l'intentionnalité ou l'omission.
L'intentionnalité de l'acte devrait être requise pour aboutir à la qualification de crime par la Cour. Mais un certain nombre de pays souhaitent que le concept d'omission soit réintroduit dans les éléments constitutifs, en contradiction avec les dispositions du statut. Telle n'est pas la position de la France.
Une autre question encore en débat concerne le délicat problème de l'article 124 du statut, que vous avez très largement abordé, monsieur le ministre.
Cet article permet à un Etat partie de récuser, pour une période de sept années, par une déclaration spécifique, la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Comme vous l'avez également indiqué, il s'agit là d'actes isolés.
Cette disposition et le fait que la France ait officiellement indiqué qu'elle y aurait recours pour préserver ses forces déployées dans des opérations de maintien de la paix des plaintes abusives fondées sur des motifs politiques suscitent de nombreuses critiques, lesquelles sont fondées sur plusieurs arguments.
En premier lieu, ces critiques mettent en avant le rôle de garde-fous que constituent déjà, contre les risques de dérive, le principe de complémentarité et l'institution de la chambre préliminaire.
De même, estiment les détracteurs de l'article 124, la France, en se prévalant d'une telle disposition, apparaît soucieuse de couvrir des crimes graves qui pourraient être commis par ses forces et ternir ainsi son image dans le monde - il s'agit non pas des propos de votre rapporteur, mais de ceux que nous avons recueillis auprès des organisations non gouvernementales lors de nos conditions.
Au surplus, certains font également valoir que la France risquerait d'être rejointe, sur cet article 124, par des Etats dont les intentions en la matière ne seraient pas aussi transparentes que les nôtres et dont les forces militaires seraient loin d'avoir des comportements exemplaires - l'actualité permet à chacun d'entre nous d'avoir en tête ce type d'exaction.
M. Michel Pelchat. C'est exact !
M. André Dulait, rapporteur. De leur côté, les autorités françaises font observer - vous venez de le rappeler, monsieur le ministre - qu'une plainte abusivement déposée contre un ou des militaires participant à des opérations de maintien de la paix pourrait, en dépit de l'inexistence de charges, faire l'objet d'une vaste exploitation médiatique, qui aurait des incidences dommageables graves sur le déroulement de la mission elle-même. Ce n'est pas une vue de l'esprit, c'est ce qui peut se passer aujourd'hui encore.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. André Dulait, rapporteur. Il a donc été décidé que, pour les crimes de guerre couvrant la possibilité d'actes isolés et donc ouvrant de très nombreuses potentialités de plaintes, il convenait qu'une période d'observation soit mise à profit pour apprécier justement le fonctionnement des garanties protectrices mises en place. Ce n'est que lorsque ces garanties se seront avérées probantes que notre pays pourrait, avant même les sept ans maximum prévus par l'article 124, renoncer à cette disposition ; vous l'avez également indiqué, monsieur le ministre.
Certes, tout doit être mis en oeuvre pour éviter que la Cour ne soit « instrumentalisée » - par le truchement de plaintes multiples, et en fait infondées, contre des forces de maintien de la paix - par ceux-là même qui entendraient saper la mission de ces forces et en provoquer l'échec.
Nul ne contestera par ailleurs la légitimité des préoccupations gouvernementales pour la protection des militaires investis de missions aussi difficiles et périlleuses que celles du maintien ou du rétablissement de la paix.
Il reste que notre pays, initiateur de cette disposition, risque bien - à ce jour au moins - d'être le seul à y recourir. Cela pourrait le conduire à un isolement diplomatique d'autant plus regrettable que la France est par ailleurs à la pointe du combat en faveur d'une Cour dotée de compétences réelles et efficaces, et cela placerait nos militaires dans une situation difficile par rapport à d'autres qui ne seraient pas « protégés » par l'article 124.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'institution de la Cour pénale internationale répond à un réel besoin de justice vis-à-vis des auteurs de crimes particulièrement odieux. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda ont été des jalons essentiels. La CPI, par sa vocation universelle et son caractère permanent, par les garanties de procédure qu'elle propose, par l'équilibre qu'elle maintient entre, d'une part, les compétences judiciaires élargies reconnues à la Cour et, d'autre part, le rôle des Etats et du Conseil de sécurité des Nations unies, semble constituer un instrument cohérent et nécessaire.
C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à adopter ce projet de loi.
Si certains - c'est un commentaire du rapporteur - ont pu dire que ce texte était boiteux, permettez-moi de dire qu'un boiteux avance quand même et qu'il peut compter sur la chirurgie pour le faire mieux avancer encore ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a cinquante ans de cela, l'assemblée des Nations unies demandait déjà à la commission du droit international d'étudier un projet de tribunal permanent.
Après une longue période de glaciation, dont M. le ministre nous a tout à l'heure rappelé les raisons essentielles, s'ouvrait donc, voilà seulement six ans, une négociation entre cent soixante pays.
Le statut de la Cour pénale internationale, fruit d'une longue négociation et de compromis subtils, a été adopté, le 17 juillet 1998 à Rome, par cent vingt pays.
Aujourd'hui, sept pays seulement l'ont ratifié.
La France, qui a beaucoup oeuvré pour la Cour pénale internationale, peut être fière - nous le sommes pour elle ! - d'être l'une des premières grandes nations à avoir ratifié ce traité.
Elaborée pour lutter contre l'impunité des crimes de guerre, la Cour pénale internationale, pourvu qu'elle soit dotée de moyens suffisants, pourra intervenir quasiment en temps réel.
Elle sera chargée de poursuivre et de juger les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de crimes d'agression.
La Cour pénale internationale constituera, en fait, une véritable menace permanente pour les tortionnaires de tout poil responsables d'atrocités, et, a contrario, pour les victimes, elle sera garante que justice leur sera rendue.
Cependant, malgré tous ces éléments positifs, qui m'incitent à nous féliciter - je l'ai fait - de la ratification prochaine des statuts de la Cour pénale internationale, permettez-moi, mes chers collègues, d'attirer votre attention et d'émettre quelques réserves sur un point qui me paraît important.
Sur l'initiative de la France, a été introduit de façon surprenante, in extremis, l'article 124.
Cet article prévoit qu'un Etat signataire peut, pendant une durée de sept ans, soulever l'incompétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses armées, quel que soit le théâtre des opérations extérieures.
Certes, je peux comprendre les arguments avancés par le Gouvernement pour justifier que la France soit aujourd'hui, parmi les sept pays signataires, le seul à se prévaloir de cet article, par crainte de plaintes et de mises en cause abusives des militaires français, par peur de l'écho médiatique qui leur serait donné, par angoisse de l'engorgement de la Cour, etc.
Pour moi, ces craintes sont injustifiées et ne font que jeter le doute sur le comportement de nos soldats ou sur l'action de nos forces armées.
En effet, après avoir joué un rôle très actif dans l'élaboration des statuts, la France ne peut ensuite montrer de la réserve et de la réticence devant la compétence et l'action de cette Cour pénale sans que la communauté internationale s'interroge sur ses motivations : qu'est-ce que la France a à cacher ? Pourquoi craint-elle ainsi pour ses militaires ? Quelles actions répréhensibles voudrait-elle éventuellement dissimuler ?
De plus, et je dirai même surtout, l'attitude de la France a pour conséquence de susciter la suspicion à l'encontre des actions de nos militaires engagés aujourd'hui dans de nombreuses et souvent périlleuses opérations de maintien de la paix.
C'est une idée que je ne peux accepter, un sentiment que je ne peux tolérer.
Forts d'une armée de tradition républicaine, respectueuse en tout temps des principes qui nous sont chers, nous ne pouvons qu'être fiers de l'action de nos soldats et de leur commandement.
M. Emmanuel Hamel. Très bien.
M. Michel Pelchat. Je l'affirme, ils garantissent le respect scrupuleux de la discipline et de la légalité républicaines, aujourd'hui comme hier, dans tous les conflits dans lesquels ils sont intervenus.
Nous n'avons rien à cacher, nous. Au contraire ! Et toutes les démocraties ou tous les pays qui se réclament de la démocratie ne peuvent en dire autant.
Nous ne pouvons que nous féliciter du comportement de nos soldats, et ce malgré les missions extrêmement difficiles qu'ils ont à remplir, comme c'est le cas par exemple aujourd'hui au Kosovo et plus particulièrement à Mitrovica, où les affrontements sont très difficiles à maîtriser.
Et si, par malheur, quelque dérive venait à être commise par un acteur isolé - ce qui est toujours possible - les tribunaux français auraient toujours leur compétence première pour rendre les décisions qui s'imposent, ce qu'ils n'ont jamais hésité à faire les rares fois où cela a été nécessaire.
Se prévaloir de l'article 124 ne fait que renforcer la position des détracteurs de notre armée, ce que le Gouvernement prétend précisément éviter.
Enfin, le retentissement médiatique et politique qui serait donné à une plainte, même abusive, concernant des actes de militaires français, serait sans nul doute d'autant plus grand que le France se serait prévalue de la protection de l'article 124.
Quant à la crainte d'un éventuel engorgement de la Cour pénale internationale par des plaintes injustifiées, elle me semble, elle aussi, non fondée.
En effet, monsieur le ministre, sur l'initiative de la France a été mise en place une chambre préliminaire. Cet organe nouveau supervisera l'action du procureur et garantira les droits de la défense et des victimes pendant l'instruction.
Cette chambre sera compétente pour confirmer ou infirmer les charges avant que ne s'ouvre un procès. Elle agira comme une sorte de filtre qui permettra d'éviter que la Cour pénale internationale n'ait à traiter des plaintes non fondées, de telle sorte qu'elle puisse ainsi se concentrer sur les véritables crimes.
Enfin, comment justifier qu'après avoir tant oeuvré pour la naissance de cette Cour permanente la France exprime aujourd'hui sa défiance envers elle en s'abritant derrière l'article 124 ?
Les Etats-Unis, qui n'ont pas signé la convention, estiment la portée de cet article 124 trop limitée. Cet article ne les protègerait pas. Cela signifie qu'il nous protège ; cet article est donc bien considéré comme un article protecteur, puisque certains voudraient en voir l'application plus étendue !
Comment expliquer que la nation qui se veut - et qui est - le berceau des droits de l'homme donne un si mauvais exemple et ouvre ainsi la voie à d'autres pays, dont les militaires - nous le savons - n'ont pas toujours eu le même respect scrupuleux de la légalité et de la dignité dues à chacun, même en temps de guerre ?
Comment pouvons-nous imaginer demander un jour des explications à certains militaires, et éventuellement les mettre en cause devant la Cour pénale internationale pour des actes commis aujourd'hui, si nous n'acceptons pas nous-mêmes d'être jugés pour ce que nos militaires accomplissent dans le présent ?
En conclusion, je tiens à dire que la France, en se prévalant de l'article 124, ne fait que jeter le discrédit et le doute sur notre armée. Elle vide le traité de Rome de sa substance en privant la Cour pénale internationale d'une compétence importante et ouvre la voie aux pays qui désirent continuer d'agir en toute impunité, impunité que cette Cour est justement censée combattre.
C'est pour ces différentes raisons que je demande au Gouvernement de renoncer dès maintenant à cette disposition, sans attendre la conférence de révision, et ce afin que nous puissions ratifier le traité sans doute ni arrière-pensée et avec la fierté qu'il se doit pour notre pays et pour notre armée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, notre civilisation montre clairement qu'elle est orientée vers la solidarité et la générosité. En effet, tout drame naturel ou humain mobilise les Etats, les organisations humanitaires, les bénévoles. Jamais l'entraide ne s'est manifestée aussi fréquemment, aussi universellement, et ce avec une importance sans égale dans l'histoire de l'humanité.
Et, dans le même temps, notre époque sombre périodiquement dans une barbarie qui ne le cède en rien à celle qui est rapportée par les historiens.
Des enfants, des vieillards, des femmes et des hommes sont soumis aux pires vexations, à des tortures difficilement imaginables pour des esprits normaux. Les humiliations, les tortures, les exécutions n'appartiennent pas, hélas, qu'à un passé lointain.
Leur répétition, leur multiplication, sont en grande partie liées au sentiment d'impunité que ressentent et affichent avec insolence les responsables de tels actes.
Certes, des tribunaux ad hoc ont prononcé les santions que l'on pouvait normalement attendre. On l'a déjà dit, les tribunaux de Nuremberg, de Tokyo, plus récemment ceux de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda ont révélé que l'impunité avait des limites, limites que la réprobation internationale pouvait franchir. Mais la lamentable comédie jouée par Londres et par Pinochet montre, hélas, les limites de l'influence d'une réprobation largement partagée au niveau international.
C'est donc avec enthousiasme que les défenseurs des droits de l'homme applaudissent aux premiers pas de la Cour pénale internationale,...
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. André Rouvière. ... des premiers pas difficiles malgré les compétences très importantes qui ont été imparties à cette juridiction et qui devraient nous faire espérer que, dorénavant, les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, les crimes d'agression ne seront plus impunis.
Le message est clair. Il faut espérer que cette clarté le rendra dissuasif.
Au demeurant - nous le savons - toute sanction a ses limites ; la peur du gendarme a ses limites. Mais la menace de sanctions a des limites encore plus étroites si elle n'est pas rapidement suivie d'exécution. Aussi, la crainte que peut susciter la Cour pénale internationale ne saurait suffire. Pour éviter les crimes qui salissent l'image de notre société internationale, encore faut-il que cette institution fonctionne efficacement.
Conscients de ces limites, nous ne pouvons que nous féliciter des premiers pas, même hésitants, de la Cour pénale internationale. La France les a encouragés, les a soutenus. Elle doit, monsieur le ministre, continuer dans cette voie. Comme vous l'avez dit, les obstacles sont encore nombreux. La convention de Rome du 17 juillet 1998 créant la Cour pénale n'entrera en vigueur que lorsque soixante Etats l'auront ratifiée or, pour l'instant, moins de dix Etats ont procédé à cette ratification ! La France va ajouter la sienne, certes, mais nous ne pouvons que déplorer le refus de grands et puissants Etats, comme la Chine et les Etats-Unis, tous deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies.
Je peux comprendre l'attitude de la Chine. En effet, celle-ci ne peut pas s'enfoncer dans la contradiction qui la conduirait, si je puis dire, à s'autoflageller. Son obstination à annihiler certaines de ses minorités ferait d'elle l'un des premiers pays à être cités et à devoir s'expliquer devant la juridiction internationale qu'elle aurait contribué à mettre en place. On n'a encore jamais vu de kamikaze monter son propre procès. Et sans être juriste, je suis certain de connaître a priori les conclusions d'un tribunal qui aurait à délibérer sur le comportement de la Chine, ne serait-ce qu'à propos du Tibet.
Bien sûr, je n'approuve pas le refus de la Chine de ratifier la convention, mais je comprends sa position. Je dirai même qu'à mes yeux ce refus est un aveu de culpabilité qui, un jour, rattrapera certainement les dirigeants chinois.
Pour les Etats-Unis, c'est différent : je n'approuve ni ne comprends leur attitude. Ce pays, qui joue au gendarme international, qui a participé à des tribunaux internationaux, tels que ceux de Nuremberg, de Tokyo ou d'autres plus récemment, montre par son refus de ratifier la convention de Rome qu'il ne veut pas s'appliquer ce qu'il applique aux autres.
Les Etats-Unis veulent pouvoir juger et, le cas échéant, condamner les ressortissants d'autres pays mais ils n'admettent pas la réciprocité. Les ressortissants américains doivent être au-dessus de tout tribunal, en dehors des tribunaux américains. Le gendarme du monde veut se soustraire au jugement du monde.
Cette position n'est pas acceptable car elle n'est pas cohérente. On ne peut pas vouloir faire admettre aux autres ce que l'on refuse pour soi. Cette règle est universelle, elle s'impose à l'esprit de tout individu, où qu'il soit, quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soit sa situation dans sa société. Les Etats-Unis auront de plus en plus de mal à juger les autres s'ils continuent à vouloir se dérober au jugement des autres.
M. Michel Pelchat. Et s'ils continuent d'utiliser les mines antipersonnel.
M. Raymond Courrière. Très bien.
M. André Rouvière. L'exemple que donnent les grandes puissances sera, à mon avis, déterminant pour l'avenir de la Cour pénale internationale car son effet dissuasif est étroitement lié à son action. Son action, c'est-à-dire ses jugements, doivent être au-dessus de tout soupçon de parti pris, de situation protégée, bref de tout soupçon de partialité.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, et comme l'a dit, après vous, M. le rapporteur, la France a joué un rôle important dans l'aboutissement de la convention de Rome du 17 juillet 1998. Elle doit continuer dans cette voie en encouragant les Etats hésitants, en montrant l'exemple par la confiance qu'elle manifeste envers cette institution naissante et porteuse de grandes espérances.
Oui, la France doit donner l'exemple de sa confiance dans le fonctionnement de la Cour. Or la confiance ne peut être que totale ou elle n'est pas. Lorsque quelqu'un n'accorde qu'une confiance limitée à telle chose, cela signifie qu'il n'a pas confiance.
Certains Etats pourraient être tentés d'adhérer du bout des lèvres en revendiquant, par exemple, l'application de l'article 124, qui permet à un Etat, pour une période de sept années, de récuser la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants ou perpétrés sur son territoire.
Les Etats qui, tout en adhérant à la convention de Rome, demanderaient l'application de restrictions comme celles que prévoit l'article 124, contribueraient bon gré mal gré à alimenter, selon moi, trois types de suspicion.
Suspicion, tout d'abord, à l'égard de la Cour pénale internationale, en laissant supposer, malgré leurs discours, qu'ils pourraient commettre des excès, des dérapages, bref des abus.
Suspicion, ensuite, à l'égard de leurs militaires, qui paraîtraient vouloir échapper - même si cette volonté n'est pas réelle, j'en suis convaincu - à la justice internationale, alors même que certains de leurs actes seraient susceptibles - du moins serait-on amené à le penser - d'être jugés par cette cour.
Monsieur le ministre, pensez-vous que le fait de renoncer à l'article 124 puisse empêcher des individus, des Etats, des médias d'accuser des soldats ? Nous vivons une époque où les médias ont un pouvoir que tout le monde connaît et, parfois, subit.
M. Michel Pelchat. Absolument !
M. André Rouvière. Ce n'est pas en renonçant à un article qu'on les empêchera d'accuser. En revanche, en se montrant frileux, on donne malgré soi prise aux critiques que j'ai évoquées.
Suspicion, enfin, envers les Etats qui revendiqueraient l'usage de l'article 124, car ils donneraient l'image peu glorieuse de ce qu'on appellerait sans doute, fût-ce à tort, un double langage. Ce double langage consisterait à dire : le monde a besoin d'une haute autorité judiciaire mais, moi, je souhaite n'en dépendre que dans certains domaines, en tout cas pas en ce qui concerne les crimes de guerre.
Or, depuis quelques années, quels sont, hélas ! les crimes les plus horribles et les plus répandus sinon les crimes de guerre ?
Monsieur le ministre, la France doit combattre ceux qui adopteraient ce double langage. La France doit montrer clairement qu'elle adhère sans réserve au dispositif de la Cour pénale internationale. La France doit montrer aux Etats hésitants qu'elle ne craint pas et qu'ils ne doivent pas craindre une justice internationale qu'elle a grandement contribué à mettre en place.
Le groupe socialiste du Sénat souhaite que ce langage clair et confiant soit celui du Gouvernement, c'est-à-dire celui de la France. La confiance ne peut pas se « découper en tranches ». La France doit, par la voix de ses représentants au plus niveau, exprimer sa confiance dans des termes parfaitement compréhensibles, c'est-à-dire excluant toute hésitation et toute restriction.
C'est d'ailleurs sans hésitation ni restriction, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe socialiste votera le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le xxe siècle a connu deux guerres mondiales, des régimes totalitaires, des foyers de tensions incontrôlées, de multiples conflits dus à la résurgence de nationalismes longtemps étouffés. Les crimes perpétrés ont dépassé l'entendement humain, les exactions commises n'ont cessé de heurter, puis de hanter notre conscience. Maintes fois le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a été bafoué, trop souvent la personne humaine a été l'objet d'un acharnement incompréhensible et destructeur de la part de quelques hommes avides de pouvoir, animés par la seule volonté de puissance. Ces dirigeants, responsables des crimes les plus odieux, ont trop longtemps bénéficié de l'impunité.
La communauté internationale a voulu poser les bases d'une juridiction internationale indépendante des Etats, afin que ces bourreaux de l'humanité puissent rendre compte de leurs méfaits. Cela a notamment abouti à la création des tribunaux internationaux spéciaux destinés à juger les auteurs de massacres dans l'ex-Yougoslavie et au Rwanda, tribunaux qui ont eu le mérite d'exister mais qui ont montré leurs limites.
Le projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale représente une avancée significative de la justice internationale. Le texte qui nous est soumis, après son adoption par l'Assemblée nationale, constitue une étape importante dans la prévention à l'échelle planétaire des comportements de violence dans la mesure où il permettra de sanctionner les criminels et de dissuader ceux qui ont la volonté d'adopter de tels comportements.
La Cour pénale internationale aura pour objet la sauvegarde de la dignité de la personne humaine face à toute forme d'asservissement, de dégradation, et elle est appelée à devenir un instrument essentiel de la lutte contre l'impunité des grands criminels. Elle ne peut, par là même, que contribuer au maintien de la paix dans le monde.
Le 17 juillet 1998, cent vingt pays - dont quinze pays de l'Union européenne - réunis à la conférence de Rome sous l'égide des Nations unies ont approuvé le projet de création d'une Cour pénale internationale. Sept pays ont voté contre, parmi lesquels les Etats-Unis et la Chine, membres permanent du Conseil de sécurité. Nous espérons que la Cour pénale n'aura pas à pâtir de cette hostilité, mais il est bien évident que l'absence d'un pays comme les Etats-Unis dans une instance internationale dont la crédibilité est avant tout fondée sur son universabilité ne peut que nous préoccuper.
Le 28 juin 1999, le Parlement, réuni en congrès à Versailles, a approuvé le projet de loi constitutionnelle insérant un nouvel article dans la Constitution qui reconnaît la juridiction de la Cour pénale internationale.
Rappelons que cette convention n'entrera en vigueur qu'après avoir été ratifiée par soixante pays.
Nous ne pouvons manquer de souligner le rôle que la France a joué depuis le début des négociations pour que le respect de la personne humaine soit au-dessus du droit des Etats. Son attitude a notamment abouti à ce que des dispositions constructives soient introduites dans le statut de la convention, ce qui a permis de recueillir l'accord d'Etats qui, sans cela, auraient refusé le projet final. Elle figurera, en outre, parmi les premiers pays à avoir signifié leur consentement à la mise en place de cette institution.
Nous devons également remarquer l'engagement constant du Président de la République pour que la justice soit la plus universelle possible et que les procédures soient les mieux adaptées au contexte international.
L'influence de notre pays a été grande et bon nombre de ses propositions ont été retenues dans des domaines aussi essentiels que la complémentarité, l'obligation de coopération des Etats, le rôle d'une chambre préliminaire pendant l'instruction ou encore le droit des victimes. Nous constatons que ces dernières se voient enfin reconnaître un rôle particulier dans la procédure puisqu'elles bénéficient d'un droit de participation, de protection et de réparation.
L'article 124 du statut de la Cour pénale internationale a fait l'objet de nombreux commentaires et appelle quelques éclaircissements.
Il permet à chaque Etat signataire de récuser, pour une période de sept ans, par une déclaration spécifique, la compétence de la Cour pour les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses ressortissants. La France a annoncé qu'elle se prévaudrait de cette faculté afin d'éviter que des exploitations politiques ou médiatiques, fondées sur de fausses allégations, ne mettent en cause nos forces déployées sur des théâtres d'opérations de maintien de la paix.
Il lui a été reproché d'affaiblir la Cour en excluant de sa compétence la catégorie de crimes dont relèvent les exactions les plus fréquentes et d'être en recul par rapport aux conventions de Genève.
Aussi est-il nécessaire d'énumérer les raisons qui nous conduisent à défendre cette clause.
Nul ne l'ignore, notre pays assume ses responsabilités de défenseur des droits de l'homme et il est l'un des plus engagés dans des opérations délicates de maintien de la paix. Le Président de la République a pris l'initiative de cette clause à seule fin que la Cour pénale ne soit pas le lieu où des Etats viendraient poursuivre leurs différends politiques ou militaires. Il ne voulait pas que la France soit la cible de plaintes injustifiées et abusives, qui lui nuiraient autant qu'elles porteraient préjudice aux opérations dans lesquelles elle est engagée.
Par ailleurs, nous sommes convaincus que l'article 124 ne pourrait que faciliter le succès final de la conférence de Rome en favorisant le ralliement au texte de nombreux pays, ralliement que vous avez obtenu, monsieur le ministre.
La démarche française ne saurait s'apparenter à une déclaration de refus ou à un encouragement à l'impunité ; elle s'appuie avant tout sur un principe de prudence. Les autorités françaises souhaitent en effet mettre cette période transitoire à profit pour vérifier que les garanties destinées à éviter les plaintes abusives sont bien appliquées et s'octroyer le droit d'intervenir, notamment lors de l'assemblée annuelle des états parties, pour mettre en lumière tel ou tel dysfonctionnement.
Est-il utile de rappeler à nos détracteurs que cet article 124 n'empêche nullement de traduire devant les tribunaux français les personnels français, civils ou militaires, ayant commis des crimes de guerre ?
Monsieur le ministre, lors de votre intervention à l'Assemblée nationale, le 22 février dernier, vous avez envisagé la possibilité que notre pays, une fois la vérification effectuée, et sans attendre sept ans, renonce à cette disposition transitoire. Bien que l'article 124 stipule que la clause peut, le cas échéant, être levée avant l'expiration du délai de sept ans, cette éventualité nous inquiète. Nous voulons tout au contraire garantir nos militaires contre toutes manoeuvres ou toutes plaintes abusives qui pourraient leur nuire et atteindre l'honneur de la France dans ses engagements.
Vous le reconnaissiez vous-même tout à l'heure, les opérations de maintien de la paix sont de plus en plus difficiles, et de moins en moins nombreux sont les pays acceptant d'en assumer les risques. En conséquence, nous ne voulons pas que cette éventualité, si elle devenait réalité, entrave les missions françaises et constitue un frein à ses interventions. Les résultats seraient dramatiques : d'une part, nous assisterions impuissants à des crimes odieux ; d'autre part, nous aboutirions à l'inverse de l'effet recherché à travers l'article 124.
Lors d'un entretien accordé au journal Le Monde le 21 juillet 1998, vous avez indiqué que la transition de sept ans permettrait à la Cour « de s'installer et de confirmer sa légitimité et sa crédibilité ». Nous partageons ce point de vue et nous aimerions, monsieur le ministre, obtenir l'assurance que, si cette clause venait à être levée avant sept ans, le fonctionnement des garanties mises en place par le statut lui-même a bien été apprécié. Nous demandons instamment que le Parlement soit informé dans ce domaine précis afin de pouvoir juger, au préalable et en toute connaissance de cause, de l'opportunité de raccourcir la période transitoire.
Nous adopterons ce projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale tant nous sommes convaincus qu'elle constitue un progrès considérable pour l'avenir de l'humanité.
Par ailleurs, nous tenons, par ce vote, à saluer celles et ceux, en particulier le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, qui ont oeuvré sans relâche pour que cette Cour pénale internationale devienne une réalité.
D'aucuns pourront trouver curieux que nous évoquions l'Afrique au moment d'adopter ce projet. Néanmoins, nous voulons également, par notre vote, saluer les États africains qui, malgré leur vécu, ont été d'ardents partisans de la Cour pénale internationale. Comme si ce continent, qui a connu les pires souffrances au cours des dernières années - sans que la communauté internationale puisse, ou veuille, selon le cas, y mettre un terme - plaçait tous ses espoirs dans cet instrument qui lui paraît à la fois nécessaire et plus juste ou plus cohérent que ceux qui existent aujourd'hui.
Nous l'avons dit, cette convention ouvre la voie à plus de justice. Elle nous semble être le meilleur instrument dissuasif et répressif contre des auteurs de crimes qui nous révoltent. En souhaitant vivement que la période d'observation prévue par l'article 124 permette effectivement de juger et d'apprécier l'efficacité des garanties que propose le statut contre toutes les dérives possibles, nous adopterons ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera aujourd'hui la ratification de la convention de Rome signée le 17 juillet 1998, qui tend à instituer une Cour pénale internationale.
Une fois ce vote acquis, la France sera le septième Etat à avoir ratifié la convention, sur les soixante requis pour son entrée en vigueur.
Il aura ainsi fallu moins de deux ans pour modifier la Constitution de façon à mettre en conformité notre ordre juridique avec l'institution d'une juridiction pénale internationale et l'intégrer dans notre législation nationale. Notre pays aura fait la preuve de sa volonté de mettre ses intentions en acte.
A l'occasion du débat relatif à la révision de la Constitution préalable à cette ratification, nous avions souligné combien l'institution d'une juridiction internationale était fondamentale à l'issue d'un xxe siècle marqué par des exactions plus horribles les unes que les autres.
M. Michel Pelchat. On peut le dire !
M. Gérard Le Cam. Face à des crimes qui constituent, par leur existence même, une injure et un affront pour le genre humain, l'idée d'une juridiction internationale a fait son chemin. Ebauchée pendant l'entre-deux-guerres, réalisée avec les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la justice internationale a été enterrée pendant de longues années, alors que la guerre froide s'enracinait durablement.
Il a fallu les drames bosniaque et rwandais et la constitution de tribunaux internationaux chargés de juger les responsables des exactions pour que l'idée d'une juridiction pénale permanente s'impose enfin. Ce sera en effet, par rapport à ces expériences de tribunaux ad hoc, le principal mérite de la CPI et son incontestable supériorité.
De cette qualité, on espère en effet que ressortira un effet préventif et dissuasif : tout dictateur ou chef de guerre saura désormais qu'il encourt le risque d'être personnellement mis en accusation et jugé, non plus seulement au regard de l'histoire mais à titre personnel, et de se voir privé de sa liberté. Le cas Pinochet nous montre que cette éventualité n'est plus aujourd'hui une hypothèse d'école. L'institution de la Cour pénale internationale lui donnera son sens plein et entier.
Certes, ne jouons pas les naïfs. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le ministre, ce n'est pas parce qu'existera une juridiction internationale que la paix régnera sur le monde ! D'ailleurs, un certain nombre de critiques peuvent être légitimement opposées au projet de loi. Gardons-nous donc de toute tentation d'autosatisfaction.
D'abord la mise en place définitive de la Cour n'est pas encore acquise. Nous sommes loin des soixante ratifications, même si certaines sont en cours. Les pronostics les plus optimistes évaluent à deux ans le délai de concrétisation.
La France ne doit donc pas relâcher ses efforts pour favoriser la mise en place rapide de la juridiction, sous peine de la voir se maintenir à l'état virtuel. Il serait dommage qu'après avoir eu un rôle d'impulsion décisif dans l'élaboration de la convention de Rome, cette opiniâtreté s'émousse en chemin.
Nous émettons une autre réserve : la Cour pénale internationale sera à l'image du droit international actuel, qui ne reconnaît aux pays émergents qu'un faible rôle. Elle fonctionnera en effet en partie sous la coupe du Conseil de sécurité, qui a la faculté non seulement de la saisir en cas de carence des Etats, mais aussi - et ce point est essentiel - de demander de suspendre les enquêtes et poursuites pendant une durée de douze mois.
Les cinq vainqueurs de 1945 seront donc en mesure de faire échec aux procédures engagées par la haute juridiction. Si on se réfère au conflit qui se déroule encore aujourd'hui, sous nos yeux, en Tchétchénie et aux déclarations russes d'anéantissement du « terrorisme » renouvelées encore la semaine dernière, dans cette enceinte même, par la délégation russe, on peut légitimement s'interroger sur les chances qu'aurait la Cour pénale internationale, si elle était aujourd'hui en état de fonctionnement, de faire son travail.
La question d'une réforme de l'ONU nous est donc sans doute posée à nouveau au travers de ce texte. Nous devons réfléchir particulièrement à un retour au premier plan de l'Assemblée générale.
Néanmoins, l'association de l'ONU à la procédure apparaît indispensable : elle permet d'affirmer le rôle de la solution politique, sans laquelle tout règlement durable des conflits n'est guère possible. Le cas de l'Afrique du Sud est sur ce point tout à fait exemplaire.
Autre sujet d'inquiétude partagé au sein de cet hémicycle par Michel Pelchat et André Rouvière, la France a d'ores et déjà indiqué qu'elle fera usage de la faculté qui lui est donnée par l'article 124 du traité de ne pas accepter la compétence de la Cour pour les crimes de guerre « lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants ».
Certes, monsieur le ministre, vous avez indiqué, lors du débat à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement pourrait renoncer à cette dérogation avant l'expiration du délai de sept ans. Néanmoins, nombreuses ont été les voix qui se sont élevées pour critiquer cette attitude qui risque, à l'inverse du but recherché, de jeter la suspicion sur les activités de nos ressortissants dans les forces de maintien de la paix.
Cela nous apparaît d'autant plus dommageable que, statistiquement, on le sait, les garanties de procédure sont telles que le risque qu'une plainte abusive puisse donner lieu à procès devant la Cour sont « infinitésimales », pour reprendre le qualificatif employé par le rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale, M. Pierre Brana.
Vous avez eu comme moi connaissance des allégations d' Amnesty international selon lesquelles des violations des droits de l'homme auraient été commises par la KFOR contre des Albanais, qui auraient été détenus dans des conditions inadmissibles. Nous n'avons, pour notre part, aucun élément nous permettant de les considérer comme fondées.
M. Emmanuel Hamel. Elles sont fausses !
M. Gérard Le Cam. Néanmoins, elles mettent en lumière les risques que prend le Gouvernement en persistant dans cette voie : sa volonté d'utiliser l'article 124 peut accréditer - à tort - l'idée que des crimes pourraient être commis impunément par des militaires français peu scrupuleux.
Devons-nous donc renoncer devant de tels obstacles, qui laissent penser que la CPI sera une institution inutile ? Ce serait la pire des options.
Malgré ses lacunes, le texte constitue véritablement une avancée décisive. Le refus de signature des Etats-Unis et de la Chine en sont autant de preuves a contrario . Les Américains, on le sait, n'aiment guère ce qu'ils ne contrôlent pas ; si elle ne devait être qu'une simple institution d'affichage, la Cour pénale internationale ne susciterait pas de telles réserves.
Ensuite, la mise en place d'une juridiction internationale chargée de la répression des crimes les plus graves répond à un réel besoin de justice, car toute brèche dans l'impunité des génocidaires est une victoire pour l'humanité.
On le sait, l'oubli constitue pour les victimes une seconde mort et l'indifférence, une nouvelle blessure indélébile. Le procès qui se déroule actuellement devant le TPI pour l'ex-Yougoslavie, avec la mise au grand jour des atrocités et la désignation franche des coupables du massacre de Srebrenica, apparaît essentiel pour le devoir de mémoire.
La Cour pénale internationale remplira d'autant mieux ce rôle que les victimes se sont vu, grâce à l'action de la France, reconnaître une véritable place dans la procédure : elles pourront participer aux procès et bénéficier, à ce titre, d'une protection. Elles auront également un droit véritable à réparation.
Parler d'atteinte à la souveraineté, comme l'ont fait certains, m'apparaît pour le moins abusif. Car la compétence de la future juridiction ne sera que subsidiaire : elle ne prendra le relais qu'en cas de simulacre, de défaillance ou d'impuissance de l'Etat concerné.
Telles sont les remarques que je voulais vous livrer au nom du groupe communiste républicain et citoyen sur la ratification de la convention de Rome qui a notre entier soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Je demande la parole.
M. Emmanuel Hamel. J'espère que vous allez répondre sur l'article 124 !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis qu'un consensus se dégage sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la création de la Cour.
Par ailleurs, j'ai bien noté les hommages rendus par votre Haute Assemblée aux négociateurs français, qui, en améliorant de manière substantielle les textes qui avaient été préparés, en ont purement et simplement permis l'adoption.
C'est en effet grâce aux innovations françaises que nombre d'obstacles ont été franchis et qu'un large consensus est finalement apparu, nonobstant le refus de signer opposé, pour des raisons qui leur sont propres, par quelques très grands pays, que j'ai cités dans mon propos liminaire. J'ai été sensible à tout ce que vous avez dit sur ce sujet.
Je répondrai seulement sur deux points très rapidement.
Monsieur Le Cam, s'agissant du lien entre le statut de la Cour et le Conseil de sécurité, notre raisonnement forme un tout : notre conception de la Cour est indissociable de l'idée que nous nous faisons du Conseil de sécurité. Ce raisonnement procède de notre vision des relations internationales, de la façon dont elles doivent, selon nous, évoluer.
Nous sommes bien conscients de l'insuffisante représentativité du Conseil de sécurité dans sa composition actuelle. Il doit, par conséquent, être élargi pour redevenir pleinement représentatif et conquérir une nouvelle et complète légitimité. Ce ne sont pas les positions françaises qui bloquent en quoi que ce soit les procédures de réforme du Conseil de sécurité, qui sont traitées au sein de l'ONU. Les choses sont parfaitement claires et cohérentes.
C'est sous cet éclairage qu'il faut apprécier les dispositions que j'ai rappelées tout à l'heure quant au lien entre les deux instances, soit que la Cour en appelle au Conseil de sécurité pour utiliser ses pouvoirs propres à l'encontre des Etats récalcitrants, soit que, dans certains cas extraordinaires où les différentes démarches seraient contradictoires, le Conseil puisse demander la suspension de telle ou telle poursuite.
Voilà le cadre général.
En ce qui concerne l'article 24, je tiens, tout d'abord, à ramener les choses à de plus justes proportions.
La Cour est évidemment compétente, et personne ne le conteste, en ce qui concerne les génocides et les crimes contre l'humanité. Ce point me paraît fondamental.
Quant à la possibilité pour un Etat de récuser la compétence de la Cour, il s'agit d'une mesure de transition qu'il faut apprécier à sa juste mesure.
J'ai rappelé tout à l'heure que nous avons assisté au cours des dernières années à des polémiques littéralement insensées - dont l'actualité nous montre qu'elles ne sont pas éteintes - à propos des conditions dans lesquelles se déroulent les opérations de maintien de la paix.
Je tiens à réaffirmer que ces opérations sont indispensables à la paix dans le monde et que c'est l'honneur de la France d'y participer avec une armée, des soldats à la fois expérimentés et courageux.
Malgré tout il y a bel et bien des polémiques, des interpellations, parfois dénuées de fondement, qui ne font jamais que perpétuer, cette fois sur le terrain juridique des luttes. On ne peut pas le nier.
On ne peut pas être sûr d'emblée, avant que la Cour soit installée, que nous serions protégés contre ce type d'interpellations. Il ne s'agit pas pour nous de dire par avance que nous craindrions que nos forces ne commettent tel ou tel acte contestable. C'est par rapport à l'autre côté que la précaution est prise.
De surcroît, cela viendrait engorger la Cour.
Bref, il nous a semblé que, entre ceux qui voudraient aller tout de suite plus loin et ceux qui trouvent déjà imprudent d'avancer aussi vite, nous proposions une voie raisonnable, celle d'un progrès qui s'inscrit dans ce mouvement général vers une réelle justice internationale, tout en ménageant une période de transition.
D'ailleurs, nous ajoutons que si les choses se passent très bien, nous pourrons renoncer à cette clause en cours de route. Et je précise, en réponse à une question qui m'a été posée, que je trouve tout à fait légitime que le Sénat et l'Assemblée nationale en soient alors parfaitement informés. Je ne sais pas quand cela se produira, mais je crois pouvoir prendre cet engagement. Il serait alors normal, que le Gouvernement explique pour quelles raisons, au vu de quelle expérience, il lui apparaît que le mécanisme fonctionne suffisamment bien pour qu'on puisse lever cette clause. Cette explication me paraît tout à fait utile.
Bref, entre les différentes approches, qui me semblent de l'ordre de la nuance, nous proposons la voie raisonnable de cette clause, assortie d'une période de transition.
Je rappelle que cette position, que j'avais présentée dans mon intervention liminaire, mais que je voulais éclairer, a été arrêtée au plus haut niveau de l'Etat, par les plus hautes autorités. (Applaudissements.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je donne la parole à M. Pelchat, pour explication de vote.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu l'occasion, au cours de mon intervention liminaire, d'émettre un certain nombre d'interrogations, de réserves, et de vous livrer ma propre réflexion sur les effets de ce fameux article 124.
J'ai bien noté que s'étaient exprimées dans l'assemblée, sur divers bancs, des positions conformes à la mienne et des positions qui lui étaient quasiment contraires.
Effectivement, la voie qui est aujourd'hui présentée par le Gouvernement est une voie médiane. Au-delà des interrogations et des quelques réticences qu'elle suscite chez moi, je ne saurais méconnaître la dimension, l'importance et l'intérêt du texte qui nous est soumis. Le groupe des Républicains et Indépendants votera donc unanimement pour ce texte.
A titre personnel, malgré les réserves que j'ai exprimées dans mon intervention introductive, je ne voudrais pas compromettre une approbation qui sera, je l'espère, unanime au sein de notre assemblée.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos engagements quant à l'observation tout à fait attentive de la mise en place de cette Cour et quant à l'éventuelle réduction du délai de sept ans, dont vous pourriez nous informer dans les prochaines années. Si vous décidiez de renoncer à cet article, je ne doute pas que vos raisons seraient suffisantes.
Aussi, ces engagements constituent déjà pour moi une réponse à mes interrogations. Et je répète que je serai heureux et honoré de m'associer au vote unanime de notre assemblée.
Si unanimité il y a, je souhaite qu'il soit relevé que le Sénat aura été le seul à voter unanimement pour ce texte, pour cette adhésion et pour la création de cette Cour pénale internationale. Un tel vote renforcerait la position de notre pays dans le contexte international. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous remercie de nous avoir donné toutes ces explications et tous ces éclaircissements. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Il n'y aura pas unanimité !
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel moment important nous venons de vivre ici, au Sénat !
Avec le vote de ce texte, nous abordons la dernière étape du processus historique entamé lors de la signature par la France, le 18 juillet 1998 à Rome, de la convention portant statut de la Cour pénale internationale.
Il est bon de rappeler que ce sujet d'une importance exceptionnelle a déjà nécessité une révision constitutionnelle et imposera, dans un avenir proche, l'adoption d'une loi adaptant notre droit aux modalités et mesures qu'exige l'entrée en vigueur de la Cour.
Le groupe de l'Union centriste est favorable à l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de la convention de Rome, comme il fut favorable à la révision constitutionnelle préalable du 28 juin dernier. Il considère qu'il s'agit d'un progrès déterminant du droit international en matière de répression des crimes les plus odieux qui frappent encore tant de populations à l'occasion des conflits qui déchirent le monde. En cette période de paix dans notre pays, il est bon d'y penser.
Il est important de souligner que la Cour pénale internationale ne sera pas une juridiction de circonstance. Elle sera une instance permanente, universelle et, je l'espère, dissuasive.
L'actualité démontre ô combien ! à quel point l'existence d'une telle institution s'impose, même s'il faut préciser que la convention de Rome n'entrera en vigueur que lorsque soixante Etats l'auront ratifiée. A ce jour, seulement sept pays ont procédé à cette ratification. Ils seront bientôt huit si, comme cela a été dit et ainsi que je le souhaite, notre pays ratifie cette convention.
La création de la Cour pénale internationale est incontestablement une étape décisive, qui concrétise la volonté de la société des Etats de mettre enfin un terme à l'impunité dont bénéficient, encore aujourd'hui, les auteurs de crimes d'une exceptionnelle et particulière gravité.
Enfin, je tiens à rendre un hommage appuyé au rapporteur, mon collègue et ami André Dulait, pour l'excellence et le sérieux de son travail. J'associe à cet hommage le président de la commission, M. Xavier de Villepin, expert avisé des problèmes mondiaux de sécurité et de paix.
M. Serge Vinçon. C'est vrai !
M. Jacques Machet. Les membres du groupe de l'Union centriste et moi-même voterons donc ce texte capital. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne conteste pas - je les salue même - les bonnes intentions qui sous-tendent la création de la Cour pénale internationale. Je les rejoins d'ailleurs s'agissant de la finalité.
Cependant, en conscience, je suis en désaccord avec les moyens retenus. Je considère que la mise en place d'un ordre judiciaire universel et permanent, sous la forme d'une Cour pénale internationale, avec un procureur général permanent, est trop largement anticipatoire eu égard à la qualité actuelle de l'ordre politique international.
La Cour pénale internationale permettrait-elle de mettre fin à qui se passe à l'heure actuelle en Irak et que je ne saurais qualifier, et plus généralement à toutes les hypocrisies de l'ordre international actuel ?
Aussi, malgré leurs insuffisances, je pense que la sagesse consiste provisoirement à se contenter du régime des tribunaux pénaux internationaux.
Je redoute que les élans spontanés et respectables de la bonne conscience ne nous fassent oublier la nécessité de faire progresser d'abord le niveau de la conscience tout court.
C'est pourquoi et à regret je ne voterai pas pour cette ratification.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu).
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 310
Contre 3

6

NOMINATION D'UN MEMBRE
DE LA DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. J'informe le Sénat que la candidature présentée par le groupe du Rassemblement pour la République à la délégation du Sénat pour l'Union européenne a été affichée et n'a fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Xavier Darcos membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

7

NOMINATION DE MEMBRES
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Charles Descours et Alain Vasselle membres du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse.

8

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 22 mars 2000, l'informant de l'adoption définitive des sept textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1106. - Premier programme-cadre de la Communauté européenne en faveur de la culture (2000-2004). Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument unique de financement et de programmation en faveur de la coopération culturelle : programme culture 2000 : communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au comité des régions (adopté le 14 février 2000).
N° E 1248. - Proposition d'action commune, adoptée par le Conseil sur la base de l'article K. 3, paragraphe 2, point b, du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la criminalité grave au détriment de l'environnement. Cette proposition est devenue caduque à la suite de l'initiative du Danemark en vue de l'adoption d'une décision-cadre du Conseil (cf. E 1413).
N° E 1306. - Proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres en 2000 (adopté au Conseil Travail et Affaires sociales le 13 mars 2000).
N° E 1347. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions dans le cadre d'une stratégie de préadhésion pour Chypre et Malte (adoptée au conseil ECOFIN le 13 mars 2000).
N° E 1387. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, concernant le protocole n° 2 de l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse (adoptée au conseil ECOFIN le 13 mars 2000).
N° E 1401. - Projet de décision de la Commission n° 2136/97/CECA de la Commission du 12 septembre 1997 relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération russe (adopté au conseil ECOFIN le 13 mars 2000).
N° E 1418. - Projet de recommandation du Conseil du... sur la décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1998 (adopté au conseil ECOFIN le 13 mars 2000).

9

DÉPO^T D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 285, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

DÉPO^T DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Masson un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification des amendements à la constitution de l'Organisation internationale pour les migrations (n° 171, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 280 et distribué.
J'ai reçu de M. Hubert Durand-Chastel un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la constitution de l'Organisation internationale du travail (n° 191, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 281 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Caldaguès un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam (n° 218, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 282 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Jolibois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 222, 1999-2000) ;
- la proposition de loi de M. Philippe Richert tendant à faciliter et à améliorer l'indemnisation des victimes de violences urbaines (n° 240, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 283 et distribué.

11

DÉPO^T D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la régulation financière et monétaire internationale.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 284 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 23 mars 2000 :
A neuf heures trente :
1. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 243, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Rapport (n° 269, 1999-2000) de M. Jean-Paul Delevoye, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
2. Discussion du projet de loi (n° 237, 1999-2000) organisant une consultation de la population de Mayotte.
Rapport (n° 270, 1999-2000) de M. José Balarello, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures :
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
4. Suite de l'ordre du jour du matin.
5. Discussion de la proposition de loi (n° 234, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité.
Rapport (n° 262, 1999-2000) de M. Jean-Pierre Schosteck, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'archéologie préventive (n° 239, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 mars 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (n° 222, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 28 mars 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 28 mars 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
COMITÉ DE SURVEILLANCE
DU FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE

Lors de sa séance du 22 mars 2000, le Sénat a reconduit MM. Charles Descours et Alain Vasselle dans leurs fonctions de membres du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse.

DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
DÉLÉGATION DU SÉNAT
POUR L'UNION EUROPÉENNE
(en application de l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100
du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement
des assemblées parlementaires)

Dans sa séance du mercredi 22 mars 2000, le Sénat a nommé M. Xavier Darcos membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, en remplacement de M. René Trégouët, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 22 mars 2000


SCRUTIN (n° 45)



sur l'article unique, constituant l'ensemble du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention portant statut de la Cour pénale internationale.

Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 309
Contre : 3

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Pour : 90.
Contre : 1. _ M. Christian de La Malène.
Abstention : 1. _ M. Emmanuel Hamel.
N'ont pas pris part au vote : 6. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, MM. Michel Caldaguès, Philippe de Gaulle, Paul Masson, Paul d'Ornano et Yves Rispat.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 45.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (8) :

Pour : 5.
Contre : 2. _ MM. Philippe Darniche et Bernard Seillier.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Max Marest.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle


Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber

Ont voté contre


MM. Philippe Darniche, Christian de La Malène et Bernard Seillier.

Abstention


M. Emmanuel Hamel.

N'ont pas pris part au vote


MM. Michel Caldaguès, Philippe de Gaulle, Max Marest, Paul Masson, Paul d'Ornano et Yves Rispat.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean-Claude Gaudin, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour l'adoption : 310
Contre : 3

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.