SEANCE DU 5 JUIN 2001


M. le président. « Art. 5. - I. - L'article 9 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence est ainsi rédigé :
« Art. 9 . - Est soumise à des mesures de publicité ainsi qu'à des procédures de mise en concurrence définies par décret en Conseil d'Etat la passation des contrats dont le montant est égal ou supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, dont l'objet est de réaliser tous travaux de bâtiment ou de génie civil et que se propose de conclure, lorsqu'il exerce la maîtrise d'ouvrage :
« a) Soit un groupement de droit privé formé entre des collectivités publiques ;
« b) Soit un organisme de droit privé, un établissement public à caractère industriel et commercial de l'Etat ou un groupement d'intérêt public, satisfaisant un besoin d'intérêt général autre qu'industriel et commercial et répondant à l'une des conditions suivantes :
« 1° Avoir son activité financée majoritairement et d'une manière permanente par l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel ou commercial, ou encore des organismes de droit privé, des établissements publics à caractère industriel et commercial de l'Etat ou des groupements d'intérêt public, satisfaisant un besoin d'intérêt général autre qu'industriel ou commercial ;
« 2° Etre soumis à un contrôle de sa gestion par l'un des organismes mentionnés au 1° ;
« 3° Comporter un organe d'administration, de direction ou de surveillance composé majoritairement de membres désignés par des organismes mentionnés au 1°.
« Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la possibilité, pour les groupements et organismes mentionnés aux a et b , d'appliquer volontairement les règles prévues par le code des marchés publics. »
« II. - A la fin du 2° du I de l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 précitée, les mots : "de droit privé" sont supprimés. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A plusieurs reprises, j'ai attiré l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la position des groupements d'intérêt public, les GIP, et des groupements d'intérêt économique, les GIE, à l'égard du code des marchés publics. Je veux profiter de l'examen de cet article 5 pour tenter de faire clarifier la situation.
Les GIE sont reconnus, depuis l'ordonnance du 23 septembre 1967, comme des personnes morales de droit privé, tout en étant constitués de personnes publiques. Les GIP sont des personnes publiques, et même des personnes morales de droit public, dotées de l'autorité administrative et financière. Dans la pratique, les GIE et les GIP ne sont pas tenus de recourir aux appels d'offres bien que, comme j'ai pu le vérifier par exemple à Maison de la France, des marchés soient passés à l'étranger, parfois pour une durée de plusieurs années et alors qu'ils portent sur plusieurs millions de francs, sans qu'aucun appel d'offres soit lancé, alors que l'intérêt public de l'opération est évident.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous précisiez la position du Gouvernement, car elle manque toujours de clarté dans la pratique.
Le 19 avril dernier, à une question écrite que j'avais déposée le 25 janvier, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie me répondait, en faisant référence à un arrêt du tribunal des conflits en date du 14 février 2000 concernant les GIP, que ces derniers étaient des « personnes publiques soumises à un régime spécifique ». Comme exemple, M. le ministre citait une agence régionale de l'hospitalisation considérée non pas comme un établissement public de l'Etat, mais comme une personne morale de droit public constituée sous la forme d'un GIP.
Les GIP sont considérés par le tribunal des conflits - et vous-même, d'ailleurs, vous le reconnaissez, après de longues hésitations, dans plusieurs textes - comme échappant à l'assimilation à des établissements publics. Les GIP sont donc bien exclus du champ d'application du code des marchés publics puisque - et cela m'a été écrit - ils ne s'appliquent qu'à l'Etat, à ses établissements publics autres qu'industriel et commercial ainsi qu'aux collectivités locales et à leurs établissements publics.
Pourtant, vous le savez bien, des groupements d'intérêt public doivent, en application des directives européennes, justifier du respect d'obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation des marchés. Assujettissement ou intégration au code des marchés publics : il faudrait tout de même qu'une position soit clairement définie, car il ne s'agit pas d'une question mineure. Sur la centaine de groupements d'intérêt public existants, une vingtaine sont autorisés dans le domaine de la gestion publique, qu'il s'agisse de la recherche, de l'administration pénitentiaire, de la culture, de la protection de la France, de l'action sociale, de l'aide juridique, de la gestion des déchets, du tourisme, de la formation professionnelle, de la transfusion sanguine et du fractionnement du sang, de la protection de la nature et dans bien d'autres secteurs.
Vous voyez donc bien que la clarification s'impose pour le législateur. Le Conseil d'Etat s'est d'ailleurs interrogé, et les juges commencent à s'intéresser à cette question. Par conséquent, entre le texte initial, l'amendement qui a été déposé à l'Assemblée nationale et celui qui sera présenté dans quelques instants par M. Fréville, des nuances, pour ne pas dire plus, subsistent. Il serait peut-être temps, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous exprimiez un avis clair sur cette question.
M. le président. Par amendement n° 10, M. Jarlier, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 5 pour l'article 9 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, un alinéa ainsi rédigé :
« a bis) Soit la Banque de France ; ».
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Il s'agit de préciser que la Banque de France entre bien dans le champ d'application de l'article 5, qui étend aux organismes de droit public ne relevant pas du code des marchés publics les mesures de publicité et de mise en concurrence prévues par les directives communautaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'émets un avis favorable sur cet amendement.
Je vais en profiter pour répondre très rapidement à Mme Beaudeau. Les groupements d'intérêt économique ne sont pas des pouvoirs adjudicataires au sens des directives communautaires et ne sont donc pas soumis au code des marchés publics. Quant aux groupements d'intérêt public, lorsqu'ils remplissent les trois critères de l'article 5 - « avoir son activité financée majoritairement et d'une manière permanente par l'Etat, des collectivités territoriales... ; être soumis à un contrôle de sa gestion par l'un des organismes mentionnés au 1° ; comporter un organe d'administration, de direction ou de surveillance composé majoritairement de membres désignés par des organismes mentionnés au 1° - ils peuvent être soumis aux règles de concurrence des directives communautaires, mais ils n'entrent pas pour autant dans le champ d'application du code des marchés publics. Donc, les GIE et les GIP ne sont pas assujettis au respect des règles définies par le code des marchés publics.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 65 rectifié, MM. Fréville, Adnot, Turk, Valade et Huriet proposent de compléter in fine le texte présenté par le I de l'article 5 pour l'article 9 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas soumises aux dispositions de la présente loi et aux règles prévues par le code des marchés publics les fournitures à leurs membres de produits et services par les groupements d'intérêt public constitués entre des établissements d'enseignement supérieur ou de recherche, le cas échéant avec une ou plusieurs collectivités publiques, en vue de permettre à ces établissements de disposer des moyens techniques nécessaires à l'exercice de leurs compétences, lorsque ces groupements d'intérêt public font application du précédent alinéa. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Cet amendement a une certaine importance pour le bon fonctionnement de notre système d'enseignement supérieur.
Vous savez que les universités et de façon plus générale les établissements d'enseignement supérieur ont été amenés à se regrouper dans des GIP, des groupements d'intérêt public. Ceux-ci ont une mission de gestion de certains services d'intérêt commun pour leurs membres. Je citerai pour exemple les pôles européens. Il existe également une agence de modernisation qui est située près de la conférence des présidents d'université.
Ces GIP sont donc amenés à passer des marchés. Je prendrai un exemple. Supposez que les universités veuillent obtenir un logiciel de gestion financière le GIP, agence de modernisation, va tout simplement établir un cahier des charges, lancer l'appel d'offres et choisir le bénéficiaire du marché. Il est donc tout à fait normal, comme vient de le dire M. le secrétaire d'Etat, de soumettre les GIP aux règles communautaires des marchés publics - et non au code des marchés publics - tout en les considérant comme des pouvoirs adjudicataires au sens de la directive transposée par la loi de 1991. Nous sommes donc parfaitement d'accord sur ce point : le GIP est soumis aux règles communautaires. Là n'est pas le problème.
Le problème se pose pour ce qui concerne les relations entre les universités membres du GIP et le GIP lui-même. Je reprendrai l'exemple cité tout à l'heure du GIP qui a acquis un logiciel de gestion financière. Comment les universités vont-elles l'obtenir ? Selon une lecture stricte des textes, il faudrait, semble-t-il, recommencer toute la procédure, c'est-à-dire établir un cahier des charges, lancer un appel d'offres, etc., au niveau de l'université, pour que soient mis en concurrence le GIP et d'autres agents. Cela ôterait naturellement tout intérêt au système du GIP : on doublerait simplement les formalités. Toute la mécanique des GIP qui avait été organisée en 1984 n'aurait donc plus aucune utilité pour lesuniversités.
L'amendement que j'ai déposé avec d'autres collègues sensibles aux questions universitaires vise à éviter le double recours à cette procédure : si la procédure, telle que je viens de la définir, a été appliquée au niveau du GIP, il serait ridicule de l'imposer une seconde fois au niveau des universités. Il s'agit donc non pas de faire échapper les GIP et les universités aux règles des marchés, en particulier aux règles communautaires, mais de faire en sorte que, dans un souci de bonne gestion, ces règles ne soient appliquées qu'une seule fois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à exonérer les universités des obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par la loi du 3 janvier 1991 dès lors que le groupement d'intérêt public auquel elles appartiennent s'est lui-même préalablement conformé à ces obligations.
La commission des lois est favorable à cet amendement qui vise à répondre à un souci d'efficacité et de bonne gestion de la commande publique dans les universités grâce à la mise en commun des moyens au sein des groupements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Parce que M. Fréville a été très convaincant et parce que je connais les situations précises auxquelles il a fait référence dans son argumentation, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié, accepté par la commission des lois et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 5