SEANCE DU 13 JUIN 2001


M. le président. « Art. 44. - Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une loi de finances rectificative, ou dès la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets portant, d'une part, répartition par programme et par titre, pour chaque ministère, des crédits ouverts sur chaque mission et, d'autre part, répartition par programme des crédits ouverts sur chaque compte annexe.
« Ces décrets répartissent les crédits conformément aux propositions présentées par le Gouvernement dans les annexes explicatives prévues aux 5° et 6° de l'article 38, modifiées, le cas échéant, par les votes du Parlement.
« Les crédits fixés par les décrets de répartition ne peuvent être modifiés que dans les conditions prévues par la présente loi organique. »
Par amendement n° 136, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa de l'article 44 :
« Dès la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une loi de finances rectificative, ou dès la publication de l'ordonnance prévue à l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement prend des décrets portant répartition, par programme ou par dotation et par titre, des crédits et, le cas échéant, par compte spécial, des déficits autorisés. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 211, présenté par M. Charasse, et tendant, après les mots : « de la Constitution », à rédiger comme suit la fin du texte présenté par l'amendement n° 136 : « , des décrets répartissent les crédits par programme, par dotation et par titre et, le cas échéant, confirment, pour chaque compte spécial, les déficits autorisés. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 136.
M. Alain Lambert, rapporteur. Sur cet article 44, qui est relatif à la répartition des crédits ouverts par les lois de finances, je propose un amendement de conséquence des votes précédents.
Il convient en effet de répartir, d'une part, les crédits du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux dotés de crédits par programme ou par dotation et, d'autre part, les découverts autorisés entre les comptes spéciaux non dotés de crédits.
Par ailleurs, je tiens à préciser notre conception de la répartition des crédits entre les titres. Il n'est pas question, à cet égard, de revenir sur la fongibilité, qui est l'une des innovations de cette réforme. Cependant, fongibilité ne doit pas rimer avec confusion. Il est bien évident que la répartition des crédits par titre ici prévue a un caractère contraignant pour le seul titre des dépenses de personnels.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 211.
M. Michel Charasse. Ce sous-amendement est de nature rédactionnelle.
Je profite de l'occasion pour dire que la fongibilité, c'est quand même un mélange de crédits d'investissement et de crédits de fonctionnement. C'est une grosse tambouille qui mijote dans la même marmite ! (Sourires.)
Il faudra que M. le rapporteur m'explique un jour, en particulier et quand nous aurons le temps, comment peut jouer la règle d'or entre le dessus et le dessous de la ligne, puisque la ligne est brisée et fondue dans la tambouille commune qui mijote au fond de la marmite !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 211 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. J'ai trop de respect pour Michel Charasse pour laisser sans réponse son interrogation.
S'agissant de la marmite, n'étant pas cuisinier professionnel, je ne peux guère lui donner d'explications. En revanche, en ce qui concerne la règle d'or, il a assisté aux débats d'hier et il sait que nous en avons rejeté le principe.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est précisément parce que nous étions conscients que la règle d'or n'est pas compatible avec la fongibilité.
Nous avons également rejeté une proposition de notre collègue Yves Fréville - et ce n'était pas sans mérite de ma part puisque je suis membre du même groupe que lui - qui tendait à introduire la fongibilité asymétrique entre les crédits de fonctionnement et les crédits d'investissement. Nous avons considéré que ce n'était pas dans la logique de la fongibilité.
Nous sommes donc restés cohérents.
Cette cohérence, monsieur Charasse, vous la contestez avec force, talent, et parfois avec insistance, mais, pour l'instant, elle ne me paraît pas pouvoir être mise en défaut.
En ce qui concerne votre sous-amendement n° 211, que j'ai examiné avec une bienveillance que vous ne contesterez pas, j'en suis convaincu, je n'ai pas le sentiment qu'il constitue un progrès parce qu'il s'agit non d'une confirmation mais d'une répartition des crédits. Aussi bien je vous inviterai, après avoir entendu le Gouvernement, sauf s'il partageait votre avis, à retirer votre sous-amendement ou, à tout le moins, à le modifier.
M. Michel Charasse. De toute façon, je le retire car la fin de ma rédaction est mal fichue.
M. le président. Le sous-amendement n° 211 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 136 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. La question soulevée est importante.
Au-delà des problèmes posés par la suppression du caractère ministériel des programmes, la rédaction de cet alinéa, conjuguée aux dispositions du troisième alinéa, pourrait remettre en cause la réalité de la fongibilité des crédits entre les titres et priver ainsi la réforme de toute consistance.
Personne ne doit avoir de doute sur le fait que, si les décrets de répartition répartissent les crédits au niveau des titres, la limitativité s'appréciera au niveau des titres. Le Gouvernement ne pourra donc plus modifier cette répartition entre titres que par des actes expressément prévus par le texte organique. Il n'est, en effet, pas possible de prendre des décrets de répartition modificatifs puisque ces actes ont pour objet de traduire en une seule fois, par compétence liée du Gouvernement, les votes du Parlement.
On voit mal comment, de surcroît, d'un point de vue pratique, la fongibilité des moyens des administrations pourrait s'organiser sur la base d'actes aussi lourds à mettre en oeuvre que des décrets.
En tout état de cause, la hiérarchie des normes s'oppose à la mise en oeuvre d'une fongibilité au niveau des programmes si les crédits sont répartis par titre.
Je souhaite donc, monsieur le rapporteur, que vous m'éclairiez sur vos intentions. Il me semble que, s'il s'agit effectivement de prévoir une limitativité permanente au niveau des titres, votre amendement va à l'encontre de l'esprit de la réforme. Si le Sénat souhaite tout simplement que soient détaillées au niveau des titres les ouvertures de crédits, ce détail n'ayant, à l'exception des dépenses de personnel, qu'une valeur informative et indicative, je pense que nous devrions pouvoir trouver une solution à travers un document qui assurerait cette information.
Cette solution, si elle ne peut sans doute pas être définie dans l'instant, pourrait l'être dans le cours de la navette. Elle devrait, en tout cas, répondre à un double souci : satisfaire le besoin d'information exprimé par le Parlement sur le détail par titre du budget voté, mais sans que cela alourdisse de manière excessive les tâches qui devront être accomplies par les administrations.
J'espère avoir contribué à clarifier ce point de la discussion.
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Madame la secrétaire d'Etat, nous avons la même interprétation que la vôtre. La seule limitativité concernera les dépenses de personnels.
S'agissant de l'interministérialité, je rappelle que le Sénat ne l'impose pas à l'exécutif. Pour l'instant, le Sénat recommande à l'exécutif de ne pas fermer cette porte. Il ne faudrait pas que nous allions toute la journée de psychodrame en psychodrame à partir d'idées qui ne sont pas conformes à la réalité. Le Sénat ne souhaite pas imposer l'interministérialité ; il dit simplement qu'il n'est pas souhaitable de se la refuser dans la loi organique. Si nous pouvions déjà tenir cela pour acquis, nous nous éviterions bien des angoisses !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 137, M. Lambert, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa de l'article 44 :
« Ces décrets répartissent les crédits conformément aux annexes explicatives prévues aux 5° et 6° de l'article 48 quinquies et au 2° de l'article 48 sexies, modifiées, le cas échéant, par les votes du Parlement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 137.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. En ce qui concerne la règle d'or, dont nous avons beaucoup parlé hier, il faut tout de même souligner que, à l'heure actuelle, un seul coup d'oeil suffit pour savoir si l'on finance ou non les dépenses de fonctionnement avec l'emprunt. Demain, avec le système que vous nous proposez, on ne verra plus rien ! Puisque tout est fongible, on ne sera plus capable de savoir quoi que ce soit.
A en juger par la manière dont on a évacué la règle d'or hier soir - ce qui ne veut pas dire que j'étais forcément partisan de l'inscrire dans le texte - on peut dire de la règle d'or dans cette assemblée, sans doute sous l'inspiration du président Poncelet, ce qu'on disait autrefois de la ligne bleue des Vosges : pensons-y toujours, n'en parlons jamais ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 137, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 44, modifié.

(L'article 44 est adpoté.)

Article 45