Demande de priorité

 
 
 

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, nous venons d'examiner deux amendements en une heure.

M. Guy Fischer. Non, six !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes épicier ou quoi ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La volonté commune étant d'achever aujourd'hui la discussion des articles 4 et 5, je demande la priorité sur ces articles. Nous examinerons ensuite, en fin de soirée, tous les amendements visant à insérer des articles additionnels. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. François Fillon, ministre. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. M. About vient de recourir à un artifice.

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas un artifice, c'est le règlement !

M. Guy Fischer. C'est donc un artifice réglementaire...

M. Jean Chérioux. C'est son droit !

M. Guy Fischer. ... qui vise, une fois de plus, à nous déstabiliser. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mais si, mes chers collègues ! Il s'agit de perturber le déroulement normal du débat et, surtout, de nuire à la cohérence de notre argumentation. Mon collègue Gilbert Chabroux, ce matin, l'avait d'ailleurs clairement souligné.

A la suite de la demande de priorité pour les articles 4 et 5 formulée par le président About, nous demandons une suspension de séance, afin que la conférence des présidents puisse se réunir pour étudier comment ce débat se déroulera.

M. Jean Chérioux. C'est une manoeuvre dilatoire !

M. Guy Fischer. Une demi-heure au moins sera nécessaire pour que nous puissions réorganiser notre dossier. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Claude Beaudeau. Absolument !

M. Jean Chérioux. Non ! On a perdu assez de temps comme cela !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a une cohérence dans notre propos !

M. Alain Gournac. Quelle honte pour la démocratie !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle que nous ne cherchons pas à désorganiser la discussion ; bien au contraire ! Nous cherchons à la réorganiser. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Après avoir écouté M. Fischer avec respect, je veux simplement dire que, conformément à l'article 49 alinéa 1 de notre règlement, il est plus conforme de discuter des amendements après la discussion du texte qu'ils tendent à modifier.

M. Jean Chérioux. Cela va de soi !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si le groupe CRC souhaite rattacher les amendements qui concernent l'article 4 et l'article 5 à la discussion de ces articles, quoi de plus normal et de plus conforme au règlement de notre assemblée ?

S'ils ne souhaitent pas le faire, c'est avec grand plaisir que nous en discuterions ce soir, à l'issue de la discussion des articles 4 et 5, puisque, manifestement, ces amendements tendant à insérer des articles additionnels ne les concernent pas.

Que ces amendements soient discutés avant ou après, peu importe, mais nous respecterions ainsi les engagements que nous avons pris les uns et les autres. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

M. le président. Mes chers collègues, je ne vais pas réunir la conférence des présidents, puisque cette décision relève de mon autorité.

Pour que chacun d'entre vous retrouve son calme.

Je vous propose d'interrompre nos travaux pendant dix minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. additionnels avant l'art. 4 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement

Article 4 (priorité)

M. le président. « Art. 4. - La Nation se fixe pour objectif d'assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. »

La parole est à M. Yves Coquelle, sur l'article.

M. Yves Coquelle. L'article 4 du présent projet de loi concerne le minimum contributif qui a été créé en 1983 et dont l'objectif était - je le rappelle - de garantir aux salariés relevant du SMIC une retraite égale à 95 % du dernier revenu, retraites de base et complémentaire comprises.

La réforme Balladur que nous avons combattue avec force et détermination a eu quant à elle comme effet, en indexant le minimum contributif sur les prix et non plus sur les salaires, d'affaiblir peu à peu le dispositif pour arriver au taux que nous connaissons aujourd'hui, à savoir 83 %.

On constate donc clairement que ce que propose le Gouvernement avec son projet de loi, c'est de faire passer le taux en question de 83 % à 85 % ! Quelle avancée sociale !

Et encore, il ne s'agit que d'une position de principe, d'une déclaration d'intention. En effet, la rédaction de cet article n'oblige en rien le Gouvernement puisqu'il ne parle que « d'objectif » et non de garantie. Et pour quand ? Pour 2004 ? Pas du tout ! Pour 2008 !

De plus, la référence pour calculer le minimum contributif est durcie puisque vous proposez de passer de 150 trimestres actuellement à 160 trimestres.

Et ce n'est pas fini ! En effet, les périodes d'assurance non cotisées telles que les bonifications pour enfant ou le service militaire n'auront pas le même poids dans le calcul de la retraite.

Ainsi, pour toucher ces 85 % du SMIC, net et non pas brut, il faut avoir fait une carrière complète au SMIC, c'est-à-dire, en l'espèce, avoir 42 annuités de cotisations.

Votre projet de réforme va donc pénaliser les salariés, essentiellement les femmes, qui ont, davantage que les hommes, des carrières incomplètes.

Faut-il rappeler qu'il s'agit ici de l'avenir des retraites les plus faibles et que cela concerne 4 millions de personnes, que vous allez ainsi précariser un peu plus encore ? En effet, s'il est déjà difficile de vivre avec le SMIC, qu'en est-il avec 85 % du SMIC, voire moins lorsque toutes les conditions ne seront pas remplies pour prétendre à ce taux de 85 % ?

Faut-il rappeler également que les salariés rémunérés au SMIC sont bien souvent ceux qui accomplissent les travaux les plus pénibles, les plus usants, et qui ont par conséquent l'espérance de vie la plus courte une fois leur vie professionnelle achevée ? Car l'espérance de vie est, je le précise, pour une large part déterminée par les conditions de travail et de vie. Or aucune possibilité de départ anticipé n'est prévue pour ces salariés dans votre projet de loi.

Selon nous, il est indispensable que le minimum contributif retrouve son niveau de 1983 par rapport au SMIC, soit 727 euros par mois.

En le réindexant sur les salaires et en tenant compte d'une augmentation du SMIC jusqu'à 1 365 euros sur cinq ans, le minimum contributif devrait atteindre 1 029 euros au terme de la présente législature. C'est possible et vous le savez pertinemment, chers collègues de la majorité sénatoriale. Simplement, cela nécessite quelques changements d'orientation politique de fond et de nouvelles sources de financement du fonds de réserve pour les retraites en lui affectant, par exemple, et ainsi que nous l'avons déjà proposé, le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Rehausser le niveau des retraites est une exigence de notre temps pour permettre à la fois aux retraités de vivre dans la dignité et de dégager des facteurs complémentaires de croissance économique.

Il est grand temps de considérer les retraites et les pensions non comme une charge pour l'ensemble de la collectivité, mais comme un élément du revenu des ménages non négligeable. D'ailleurs, ne représentent-elles pas plus de 20 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu ?

En ce sens, moins qu'un fardeau, les retraites sont bel et bien un facteur de croissance, par le biais de la consommation comme de l'épargne.

Telles sont les observations que je tenais à formuler sur cet article 4, sur lequel nous avons déposé des amendements que nous aurons l'occasion d'exposer en détail ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'article 4 fixe l'un des principaux objectifs du projet de loi que nous examinons, à savoir assurer plus d'équité et de justice sociale par nos régimes de retraite. Il s'agit, je le rappelle, d'un objectif minimal global qui concerne la pension de base et la pension complémentaire. Il ne s'agit aucunement du minimum contributif, lequel sera abordé à l'article 18.

Dans un souci de justice sociale, nous voulons donner des garanties aux salariés les plus modestes. L'ambition du Gouvernement est donc de leur accorder une garantie supplémentaire, je le précise une fois encore, avec un objectif comprenant les régimes de base et les régimes complémentaires, cette garantie étant égale, en 2008, à 85 % du SMIC.

Cela supposera de remplir certaines conditions : avoir travaillé à temps complet, disposer d'une durée de cotisation suffisante, c'est-à-dire avoir cotisé sur la base d'un SMIC net.

Vous le savez tous, ces dispositions sont le résultat de la négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.

Dès votre arrivée au gouvernement, vous avez voulu, monsieur le ministre, rétablir un dialogue social négligé ces dernières années. A son tour, le Sénat veut s'inscrire dans cette démarche.

Pour ma part, mes chers collègues, j'ai confiance en votre sagesse pour que le débat se déroule dans la tradition qui est la nôtre.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. L'article 4 du présent projet de loi porte sur la question essentielle de la retraite des salariés ayant connu les carrières les moins bien rémunérées.

On observera d'ailleurs que cet article fixe, pour notre régime de retraite par répartition, un objectif peu ambitieux qui consiste à faire en sorte que l'on passe, d'ici à quatre ans, d'un taux de remplacement de 83 % à un taux de remplacement de 85 % pour les salariés rémunérés au niveau du salaire minimal interprofessionnel de croissance.

Je formulerai quelques observations sur ce sujet.

Devant le développement, ce printemps, du mouvement social de mise en question des choix opérés par le Gouvernement sur la question des retraites, même s'il est aujourd'hui évident que bien des raisons pouvaient motiver ce mouvement social, le Gouvernement s'est sans doute senti obligé de se donner bonne conscience en faisant un effort particulier sur les bas salaires.

Il n'est jamais trop tard, il est vrai, en la matière, sachant que ce qui animait jusqu'à présent ce Gouvernement était plutôt le souci d'alléger les cotisations sociales des entreprises employant des salariés sous-rémunérés, le plus souvent pour des raisons liées à la non-reconnaissance des qualifications initiales ou acquises.

Il y a d'ailleurs tout lieu de penser que la mesure que nous propose d'avaliser l'article 4 est une sorte de gage donné aux organisations syndicales qui, peu après le succès de la journée d'action du 13 mai dernier, se sont senties obligées d'apposer leur paraphe sur un accord qui ne rencontre pas, et de loin, l'assentiment de la majorité du monde du travail.

Il est vrai que le Gouvernement s'y entend pour valider par voie réglementaire ou législative des accords minoritaires, comme vient de le montrer l'empressement du ministre de la culture à donner son agrément à l'accord ultraminoritaire signé sur l'annexe du régime d'assurance chômage des travailleurs intermittents du spectacle !

Il ne suffit pas de se donner bonne conscience en fixant un objectif, qui est d'ailleurs loin d'être ambitieux, pour que la question soit réglée, d'autant plus qu'une fois l'objectif fixé les pensions connaîtront, dans ce cas aussi, un lent et subtil décrochage de pouvoir d'achat lié à l'indexation sur les prix.

Ce qui sera posé comme règle en 2008 sera donc amoindri dans les années suivantes, puisque aucune garantie d'évolution spécifique ne figure dans le projet de loi.

Et la dérive que nous avons constatée depuis 1993 se matérialisera une fois de plus, d'autant que l'on nous indique, de surcroît, que la situation financière des régimes de retraite pourrait nous conduire, dans cinq ans, à réexaminer le contenu de la garantie offerte par l'article 4.

Nous ne pouvions manquer de faire ces quelques observations au moment d'engager la discussion sur l'article 4.

C'est en gardant à l'esprit les données de cette intervention que nous allons maintenant entrer dans la controverse nécessaire sur l'application du principe que cet article entend affirmer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Esneu, sur l'article.

M. Michel Esneu. Mes chers collègues, c'est bien l'absence de réforme, et non la réforme elle-même, qui conduirait à la remise en cause de la sécurité de notre régime de retraite par répartition et à la drastique diminution des montants des pensions.

Les grands perdants du statu quo seraient, bien évidemment, les salariés les plus modestes qui ne peuvent se permettre de compléter le montant de leur pension.

L'article 4 est donc l'un des articles les plus importants du projet de loi.

Il s'agit de garantir une retraite minimum aux salariés ayant perçu le SMIC tout au long de leur vie professionnelle.

A l'heure actuelle, le taux de remplacement est, pour eux, de 81 %. Sans réforme, il tomberait à 60 % en 2020. Hier, on nous a dit dans cet hémicycle qu'un grand pays voisin, l'Allemagne, n'assurerait qu'un taux de remplacement d'environ 65 %.

Cet article fixe pour objectif d'assurer en 2008, à travers les régimes légaux de base et complémentaires, un montant de pension au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance, net de prélèvements sociaux, pour une carrière complète.

Notre groupe, adhérant pleinement à cet objectif, votera cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Sur cet article 4, je souhaiterais que nous parlions bien de la même chose.

M. le rapporteur nous a dit qu'il ne fallait pas parler de minimum contributif, que l'article fixe un objectif global : assurer, en 2008, à travers les régimes légaux et complémentaires, un montant minimum de retraite de 85 % du SMIC. Il me semblait que, par là même, nous étions renvoyés très directement au problème du minimum contributif !

Ce minimum contributif, créé par M. Pierre Mauroy en 1983, garantissait un taux de remplacement de 95 %, retraite de base et retraite complémentaire comprises. Il s'agissait d'une avancée sociale de première importance, mais il est vrai qu'est intervenue, en 1993, la réforme Balladur et qu'avec l'indexation sur les prix un grave coup a été porté au montant du minimum contributif. Aujourd'hui, il ne correspond plus qu'à un taux de remplacement de 83 %. Il y a lieu effectivement d'intervenir et d'améliorer cette situation.

Vous nous proposez un taux de remplacement de 85 % au lieu de celui de 75 % prévu initialement, et vous en concluez qu'un progrès a été accompli après négociation. Ce progrès ne nous semble pas si important que cela. Il faudrait franchir un pas supplémentaire et porter le taux à 100 % du SMIC.

En fait, pour les retraites les plus faibles, au-delà des cotisations sociales, il faudrait faire appel à des éléments non contributifs. Je le répète, l'effort est demandé presque exclusivement aux salariés - à 91 % - alors que le patronat se trouve exonéré de cet effort, puisqu'il n'est pas mis à contribution.

M. François Fillon, ministre. C'est faux !

M. Gilbert Chabroux. Certes l'augmentation que nous demandons alourdirait sans aucun doute la charge du financement, car il faudrait ajouter 400 millions d'euros aux 650 millions d'euros que vous prévoyez. Mais que représente la somme de 400 millions d'euros ? Elle est inférieure à l'allégement de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui représente 500 millions d'euros. Tout de même, faisons les bonnes comparaisons !

En fait, ce que le Gouvernement présente comme une avancée sociale n'en est pas une, car le minimum contributif, aujourd'hui calculé sur 150 trimestres, le sera à l'avenir sur 160 trimestres. Pour en bénéficier, il faudra avoir travaillé 40 ans, puis 41 ans, puis 42 ans et ne pas avoir connu de périodes de recherche d'emploi, comme c'est malheureusement trop souvent le cas pour nos concitoyens.

Vous avez sans doute lu comme moi aujourd'hui, dans un grand quotidien, les récentes statistiques publiées par l'INSEE qui font état d'un taux de chômage à la hausse. Nous n'en sommes plus à 9,3 %, comme nous le disions hier, mais à 9,5 %.

Pour ne pas tomber dans l'excès, nous prévoyions, nous, comme M. le ministre, une augmentation de 100 000 chômeurs par an. Or l'INSEE indique aujourd'hui que ce chiffre est faux et qu'il faut compter en fait sur 200 000 chômeurs supplémentaires par an. C'est affligeant !

Cette enquête fait également apparaître que 67 % des chômeurs de plus de 50 ans sont à la recherche d'un emploi depuis plus d'un an. Et l'on veut allonger la durée de cotisation ! Pis encore, le chômage de très longue durée, supérieur à deux ans, est typique des chômeurs âgés : quatre chômeurs de plus de 50 ans sur dix, soit 200 000 personnes, sont à la recherche d'un emploi depuis plus de vingt-quatre mois.

Vous dites en permanence que le chômage est le fait du gouvernement précédent. De toute façon, c'est toujours le gouvernement précédent qui est responsable ! Nous aussi, nous l'avons dit en son temps ; mais vous, vous continuez à le dire alors que le nouveau gouvernement est en place depuis plus d'un an !

Or cette enquête met en lumière que c'est bien entre le premier trimestre 2002 et le premier trimestre 2003 que le chômage a fortement augmenté, beaucoup plus qu'un an plus tôt. C'est ainsi que, « après plusieurs années de baisse » - je cite l'INSEE - « et une légère remontée entre 2001 et 2002, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de plus de 200 000 entre le premier trimestre 2002 et le premier trimestre 2003 ».

Dès lors, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous demandions que le taux de remplacement soit porté à 100 % du SMIC compte tenu de la situation véritablement dramatique que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.

M. Claude Domeizel. Cet article est important à nos yeux, car il concerne les retraites les plus faibles.

Comme l'a dit Gilbert Chabroux, il nous fait penser à Pierre Mauroy, au minimum contributif... Mais, depuis, sont intervenues les mesures prises par M. Balladur en 1993.

Et aujourd'hui, 30 % des retraités de plus de 65 ans perçoivent une pension n'excédant pas 533 euros.

Par ailleurs, le COR a évoqué la possibilité d'une diminution préoccupante du taux de remplacement dans le futur, dans l'hypothèse où aucune mesure d'ajustement ne serait adoptée. A réglementation inchangée, le taux de remplacement assuré par la pension d'un salarié moyen du secteur privé tomberait de 80 % à 65 %.

Cet article appelle encore quelques observations supplémentaires.

D'abord, il est dépourvu de tout caractère normatif et contraignant. Il est très vague, puisqu'il ne s'agit que d'affirmer un objectif et qu'il ne porte pas en soi la création d'un minimum contributif global.

Deuxièmement, il ne s'adresse qu'aux salariés.

Troisièmement, le critère de l'assiette de cotisation énoncé est équivoque. Plusieurs conditions sont requises ; j'y reviendrai lors de la défense de l'amendement n° 886.

La garantie ne s'adresse pas a priori aux salariés dont la rémunération aurait pu, à un moment, varier légèrement de ce minimum et qui, de ce fait, parce qu'ils auraient momentanément cotisé sur une base supérieure au SMIC, se trouveraient exclus de la garantie. Leur pension de base serait ainsi portée au minimum, de même que leur pension complémentaire.

Enfin, cette disposition semble exclure de fait les travailleurs ayant effectué une partie, même courte, de leur carrière dans un Etat communautaire et qui, de ce fait, n'auraient pas cotisé sur le fondement du SMIC.

C'est vraiment un article très flou et extrêmement équivoque.

J'ai entendu sur ma gauche, donc à votre droite, monsieur le président, quelqu'un se plaindre de ce que mes propos étaient un peu « tordus ». Savez-vous ce que j'ai sous les yeux, mes chers collègues ? Tout simplement, le rapport de la commission des affaires sociales, pages 86 et 87.

J'ai lu exactement, au mot près, ce qui est écrit dans le rapport adopté par la commission.

Dans ce même rapport on peut lire ensuite :

« Il repose » - cet article - « assez largement sur l'effort que sauront réaliser les partenaires sociaux dans leurs fonctions de gestionnaires des régimes complémentaires appelés à compléter les minima contributifs afin de porter le niveau global de retraite à hauteur de l'objectif fixé. Cet aspect est à plusieurs titres problématique. »

Il peut être qualifié à juste titre de problématique. Mais, dans tous les cas, ce problème devra absolument être réglé, et je souhaiterais vous poser une question à ce sujet, monsieur le ministre : le minimum dont il est question sera-t-il revalorisé ? Dans l'article, il est parlé du moment de la liquidation, mais rien n'est prévu pour une revalorisation éventuelle par la suite. Evoluera-t-il avec les prix, avec le SMIC ? Cette question mérite une réponse précise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je voudrais répondre aux propos qui viennent d'être tenus.

En rappelant tout à l'heure les objectifs de l'article 4, j'ai dit clairement qu'il s'agissait d'une garantie du régime de base et du régime complémentaire. Vous savez fort bien que les régimes complémentaires sont à cotisations définies et non à prestations garanties et qu'ils sont gérés par les partenaires sociaux.

M. Claude Domeizel. J'ai bien entendu ce que vous avez dit !

M. Dominique Leclerc, rapporteur, Mon cher collègue, laissez-moi parler ! Je vous ai écouté avec attention. Il est très désagréable d'être interrompu sans cesse !

Monsieur Chabroux, vous prétendez que je vous ai interdit de parler du minimum contributif. Jamais je n'ai rien interdit !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'en a pas le droit ! (Sourires.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous me voyez interdire quoique ce soit ! Je n'en ai aucunement la compétence ! (M. Gilbert Chabroux proteste.) Mais oui, monsieur Chabroux, j'ai noté ce que vous avez dit ! Soyons donc attentifs aux mots que nous utilisons.

En réalité, j'ai tout simplement dit que la garantie, de la prestation concernée par l'article 4 n'était pas le minimum contributif, dont nous aurons l'occasion de parler à l'article 18. De grâce, faites attention à ce que vous dites. Ne nous dites pas : « veillez à ne pas tomber dans l'excès ! »

M. Gilbert Chabroux. Moi ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oui, vous l'avez dit, monsieur Chabroux !

Moi-même, j'ai terminé mon propos en disant : parlons raisonnablement ! Ne dites pas que nous vous garrotons ou que nous vous bâillonnons ! Nous sommes prêts à participer au débat de fond à condition que les mots utilisés correspondent bien à la réalité des enjeux. Ne nous laissons pas entraîner par la passion ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Sur cet article, je suis saisi de dix-huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

Je suis d'abord saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 139 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.

L'amendement n° 140 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.

L'amendement n° 141 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 139.

Mme Michelle Demessine. L'article 4 tend à valider le principe d'une pension minima, régime complémentaire compris, de 85 % pour les salariés ayant touché, durant leur vie professionnelle, l'équivalent du salaire minimum interprofessionnel de croissance.

Les dispositions de cet article se situent dans le cadre d'une programmation, le taux de 85 % étant un objectif fixé pour l'année 2008.

Bien que cela ne soit pas spécifié dans le texte de l'article, cet objectif devra être réexaminé dans cinq ans, pour tenir compte des perspectives financières des régimes et des réformes intervenues, citées dans l'exposé des motifs.

Nous sommes donc dans une situation pour le moins déroutante.

L'objectif que vise l'article 4 est finalement relativement proche de la réalité d'aujourd'hui, puisque, selon les études disponibles, les anciens smicards retraités disposent de pensions proches de 83 %, ce qui relativise largement la portée de la mesure contenue dans l'article.

Par ailleurs, au cours du processus de négociation avec les partenaires sociaux a été maintes fois évoqué le principe d'une pension équivalant à 100 % du SMIC. Cette revendication était portée par l'ensemble des organisations syndicales de salariés, y compris celles qui ont signé le protocole d'accord.

La mesure proposée dans l'article ne correspond donc aucunement aux exigences de la situation, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il convient de rendre un certain dynamisme aux retraites versées par le régime général, dynamisme que la désindexation des pensions vis-à-vis des salaires a particulièrement mis en question. Rien n'est prévu pour freiner cette dérive, puisqu'il est bien fait état dans le texte de « 85 % lors de la liquidation ».

On observera d'ailleurs que, depuis la réforme Balladur de 1993, les retraites évoluent en fonction de l'indice des prix et que le décalage entre la progression des retraites et celle du SMIC ne fera encore que s'accroître à l'avenir, quand bien même serait atteint l'objectif en 2008.

Nous l'avons déjà souligné, les pensions et retraites constituent un élément non négligeable de l'ensemble des revenus des ménages - elles représentent plus de 20 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu, par exemple - et sont donc un facteur de croissance, alimentant tant la consommation que l'épargne. Les accroître et les porter à un niveau correspondant aux exigences du temps constituerait donc aussi un facteur de croissance économique pour l'ensemble du pays.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 140.

M. Guy Fischer. L'article 4 du projet de loi assigne à la nation l'objectif suivant : à l'horizon 2008, aucune retraite versée au titre des régimes obligatoires ne devra être, pour les personnes répondant à un certain nombre de critères, inférieure à 85 % du SMIC net.

Cet engagement ne vaut qu'au moment de la liquidation. Or l'âge de la liquidation ne correspond pas forcément à l'âge de cessation d'activité. Il tend même à s'en éloigner de plus en plus dans le privé, du fait de l'exclusion des travailleurs âgés du marché du travail, en raison du chômage ou de la mise en préretraite. On estime que l'écart moyen entre le moment où un salarié du privé cesse de travailler - un peu moins de 58 ans en moyenne - et celui où il fait valoir ses droits - un peu plus de 61 ans - est actuellement de deux ans et demi.

Vous prétendez garantir le pouvoir d'achat des salariés. C'est une illusion car la seule indexation sur les prix ne permet pas aux retraités de suivre l'évolution des salaires, sensiblement plus favorable à moyen terme.

De plus, le calcul des retraites à partir des vingt-cinq meilleures années fait que, inévitablement, pour beaucoup de salariés, et en particulier pour les femmes, les mauvaises années seront prises en compte.

Ces mesures ont déjà entraîné une baisse systématique du pouvoir d'achat des pensions de retraite de plus de 12 %. Ainsi, non seulement ces personnes ont travaillé toute leur vie en étant payées au SMIC - je ne vous rappelle pas ce que cela signifie, pour une famille, de vivre avec un salaire aussi bas - mais encore, à l'âge de la retraite, elles ne percevront que 85 % de ce salaire, soit environ 600 euros. Ce n'est vraiment pas un objectif de progrès social ! C'est pourquoi nous demandons que le montant de la pension soit porté à 100 % du SMIC.

On le sait, les femmes seront les plus touchées par votre réforme. Elles sont deux fois et demie plus nombreuses que les hommes à percevoir le SMIC.

Comme le rappelle la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, les femmes disposent d'un montant de pension inférieur de 42 % à celui des hommes, ce qui s'explique par le fait qu'elles sont le plus souvent cantonnées dans les emplois rémunérés au SMIC.

Parce que ce dossier est l'un de ceux qui engagent le plus l'avenir des jeunes générations, la nécessité d'une réforme n'est guère contestée. Mais on est loin de cet objectif avec votre réforme, qui se traduit par une régression, sur tous les plans : l'âge du départ à la retraite, les taux de remplacement et les pensions les plus basses.

Et nous sommes particulièrement inquiets devant l'explosion de la précarité, avec des salaires qui sont bien souvent inférieurs au SMIC.

Nous pensons qu'il convient d'offrir à ces Français qui ont souffert tout au long de leur vie une perspective foncièrement différente.

Notre population vieillit parce que nous vivons plus vieux, et c'est tant mieux ! Face à cette situation, un véritable débat doit être organisé au niveau national, débat dans lequel les organisations syndicales doivent pouvoir réellement faire valoir leurs positions.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet, pour présenter l'amendement n° 141.

Mme Danielle Bidard-Reydet. L'article 4 du présent projet de loi porte sur la question de la retraite des salariés payés au SMIC, pour lesquels est fixé une sorte d'objectif de rattrapage, tendant à assurer dans les cinq années à venir un taux de remplacement de 85 %. Mais il nous semble plutôt que, d'une manière générale, c'est l'ensemble des pensions les plus modestes qui doit bénéficier, dans les prochaines années, d'un traitement spécifique.

Même si l'on nous dit régulièrement que les retraites sont une charge difficile à supporter pour les comptes sociaux, l'examen des situations individuelles des retraités montre que la caractéristique principale des pensions est leur modicité.

On ne peut ignorer que la pension moyenne versée aux anciens salariés est proche de 1 200 euros, tandis que celle versée aux femmes est d'environ 850 euros, c'est-à-dire à peu près 80 % du SMIC brut.

On ne peut manquer de souligner, par ailleurs, que l'indexation des retraites sur l'évolution des prix a pour conséquence, depuis dix ans, un infléchissement de la progression du revenu des ménages retraités, cette progression étant de plus en plus déconnectée de l'évolution économique générale.

Depuis le vote de la réforme Balladur, les retraités subissent de plein fouet la stagnation de leur pouvoir d'achat, d'autant que les prélèvements sociaux grevant le revenu des retraités ont également connu une sensible augmentation.

Par conséquent, dire qu'il est temps d'accorder une attention particulière au relèvement des pensions et retraites les plus faibles est tout autre chose qu'une simple déclaration de principe. C'est d'un effort de solidarité qu'il est question.

Il convient de rappeler que les retraités, compte tenu de la modicité de leurs ressources - n'oublions pas que près de la moitié d'entre eux ne touche que le minimum contributif ou le minimum vieillesse -, sont directement concernés par l'attribution d'aides sociales diverses, parce qu'il faut bien pouvoir faire face aux aléas de l'existence.

Rappelons également que 60 % des ménages retraités ne s'acquittent d'aucune cotisation au titre de l'impôt sur le revenu.

Mais c'est aussi pour des raisons de développement économique fondamental que nous nous devons de relever le niveau des pensions et retraites.

Dès lors que notre pays compte plus de 8 millions de retraités, dont 4 millions ne disposent que des minima en matière de prestations, il est raisonnable de penser que le moindre redressement de leur pouvoir d'achat aurait des conséquences positives sur l'ensemble de l'activité économique du pays. Nous devons cesser de présenter les retraités comme un poids mort, une charge pour l'ensemble de la collectivité. Nous devons au contraire les présenter comme des hommes et des femmes qui sont partie intégrante de notre société et considérer qu'ils doivent disposer de revenus leur permettant de vivre une retraite heureuse et paisible.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous invitons le Sénat à supprimer l'article 4, qui, selon nous, manque singulièrement d'ambition.

M. le président. Je vais maintenant appeler en discussion l'amendement n° 886, présenté par M. Estier, l'amendement n° 142, présenté par Mme Demessine, l'amendement n° 143, présenté par M. Fischer, l'amendement n° 144, présenté par Mme Demessine, l'amendement n° 145, présenté par Mme Borvo, l'amendement n° 146, présenté par Mme Demessine, l'amendement n° 147, présenté par M. Fischer, l'amendement n° 148, présenté par Mme Demessine, l'amendement n° 149, présenté par Mme Borvo, l'amendement n° 31, présenté par Mme Létard, l'amendement n° 150 rectifié, présenté par M. Fischer, l'amendement n° 887, présenté par M. Estier, l'amendement n° 888, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, l'amendement n° 32, présenté par Mme Létard, et l'amendement n° 151 rectifié, présenté par M. Fischer.

M. François Fillon, ministre. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. J'invoque l'article 40 de la Constitution contre les amendements n°s 886, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 31, 150 rectifié, 887, 888, 32 et 151 rectifié. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Après avoir examiné tous les amendements que vient de citer M. le ministre au regard de l'applicabilité de l'article 40, je suis en mesure, monsieur le président, de vous répondre par l'affirmative. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s 886, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 31, 150 rectifié, 887, 888, 32 et 151 rectifié ne sont pas recevables.

M. Paul Loridant. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur la base de quel article ?

M. Paul Loridant. Celui qui est relatif à l'application de l'article 40 de la Constitution.

M. le président. Vous avez la parole.

Art. 4 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Art. 4 (priorité)

M. Paul Loridant. La commission des finances a exclusivement examiné les articles de ce projet de loi concernant l'épargne retraite.

Autrement dit, le rapporteur désigné par la commission des finances pour étudier la partie du texte relative à l'épargne retraite vient de se prononcer, au nom de la commission des finances, sur l'applicabilité d'amendements qui n'ont pas été examinés par ladite commission, alors qu'il s'agit d'un sujet extrêmement sensible, et je tiens à dire que je conteste formellement la réponse qu'il a apportée.

M. Jean Chérioux. Les deux choses n'ont rien à voir !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. M. Loridant est suffisamment expert en débats parlementaires,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. ... son ancienneté dans cette maison est assez grande pour savoir que la commission des finances, jamais ô grand jamais, ne délibère sur l'applicabilité de l'article 40 à tel ou tel amendement. Ce serait strictement impossible !

En revanche, la commission des finances charge tel ou tel de ses membres d'examiner, amendement par amendement - sur ce texte, c'est le rapporteur pour avis qui a fait ce travail, et je tiens à votre disposition, monsieur Loridant, les documents qui l'attestent -, l'éventuelle applicabilité de l'article 40. Et j'affirme que, s'agissant de ces amendements - c'est une constatation, ce n'est pas un débat politique ! -, l'invocation de cet article de la Constitution par le Gouvernement est parfaitement justifiée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que, aux termes de l'article 45 de notre règlement, « l'irrecevabilité est admise de droit, sans qu'il y ait lieu à débat, lorsqu'elle est affirmée par la commission des finances ». Je n'ai donc fait qu'appliquer le règlement en déclarant ces amendements irrecevables.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 139, 140 et 141 ?

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Art. 5 (priorité)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission n'a bien évidemment pas accepté ces trois amendements et elle regrette que leurs auteurs, membres du groupe communiste républicain et citoyen, proposent une telle suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Ce qui mine la démocratie, et ce qui fait le lit de l'extrémisme, ce n'est pas le débat contradictoire entre nous, c'est l'hypocrisie. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Claude Domeizel. Attention !

M. François Fillon, ministre. Je sais ce que je veux dire !

Sur cette question du minimum contributif, si l'opposition était vierge, elle pourrait naturellement faire toutes les propositions qui lui passeraient par la tête. Mais, au cours des vingt-deux dernières années, l'opposition a gouverné notre pays pendant quinze ans.

Je voudrais dénoncer toute une série de contrevérités qui viennent d'être proférées, à propos de l'article 4, par les orateurs de l'opposition.

L'orateur du groupe communiste républicain et citoyen nous a expliqué qu'il avait combattu la réforme Balladur « avec force et détermination ». Chacun a pu mesurer à quel point cette force et cette détermination ont été efficaces puisque la réforme décidée en 1993 a été appliquée sans interruption jusqu'à aujourd'hui, y compris, donc, pendant les cinq ans où la majorité était détenue par l'actuelle opposition.

Cette réforme Balladur, en tant que telle, n'a jamais eu le moindre effet sur le minimum contributif. Le minimum contributif, dont vous réclamez la paternité puisque c'est le gouvernement de Pierre Mauroy qui l'a créé, n'a pas été revalorisé pendant les cinq années où vous étiez au gouvernement. Vous auriez pu le revaloriser chaque année pour lui permettre de remplir son rôle, de manière à mettre en place un système d'accès à une retraite minimale pour ceux qui ont perçu des bas salaires pendant toute leur carrière. Or vous ne l'avez pas fait ! Et aujourd'hui vous reprochez au Gouvernement et à sa majorité de vouloir augmenter de 9 % le minimum contributif d'ici à 2008, en le portant de 81 % - c'est le chiffre actuel - à 85 % du SMIC pour toute personne ayant perçu le SMIC tout au long de sa carrière. Pourtant, vous savez fort bien, puisque cela figure dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites, que l'absence de réforme conduirait à un taux de remplacement de 70 %.

On peut évidemment considérer que 85 %, ce n'est pas suffisant. Mais, si l'on propose d'autres chiffres, il faut naturellement prévoir les moyens de financer l'effort supplémentaire.

En tout cas, prétendre que cette réforme n'est pas une avancée sociale et s'exonérer de toute responsabilité politique quant à la non-revalorisation du minimum contributif pendant toutes ces années est bien une attitude hypocrite. J'affirme que c'est, d'une certaine manière, chercher à tromper les Français, que cela contribue à dévaloriser le débat politique.

Assumez la responsabilité de vos choix ! Nous, nous assumons la responsabilité des nôtres.

M. Jean-Pierre Schosteck. Eh oui !

M. François Fillon, ministre. Aujourd'hui, nous proposons, à l'article 18, d'augmenter à trois reprises de 3 % le minimum contributif pour porter à 85 % du SMIC la retraite minimale de ceux qui ont fait toute leur carrière au SMIC. Cet engagement que nous vous proposons de prendre dans la loi a été négocié. A cet égard, vous avez eu raison de noter que le Gouvernement avait proposé initialement un minimum de 75 % pour des raisons liées à l'équilibre des comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Nous avons finalement, après des discussions, décidé de passer à un minimum de 85 %, ce qui prouve bien, au passage, qu'il y a eu une négociation.

Autre contrevérité énoncée tout à l'heure par l'opposition : ce serait la réforme Balladur qui aurait décidé de l'indexation des retraites sur les prix. C'est faux ! Cette décision a été prise en 1987. Depuis 1987, vous avez été plusieurs fois au pouvoir et vous aviez toute faculté de revenir sur cette mesure en choisissant d'indexer les pensions sur les salaires.

M. Alain Gournac. Ils ont tout faux !

M. François Fillon, ministre. Or, pendant presque dix ans, vous avez accepté que les retraites des salariés du secteur privé soient indexées sur les prix, sans que cela vous pose apparemment le moindre problème. Et voilà que tout à coup, quinze ans après cette décision, vous faites comme si vous n'aviez aucune responsabilité dans cette indexation sur les prix.

M. Alain Gournac. C'est une petite faiblesse de mémoire !

M. François Fillon, ministre. Or, dans notre texte, nous proposons quelque chose qui est tout de même une avancée sociale sur cette question de l'indexation sur les prix. En effet, le projet de loi prévoit - c'est un résultat de la négociation, car il s'agit d'une demande forte de la CFDT - une rencontre tous les trois ans avec les partenaires sociaux en vue d'une négociation - le mot « négociation » figure dans le relevé de décisions - sur la possibilité de revoir la répartition des fruits de la croissance entre les actifs et les retraités, au bénéfice de ces derniers, de manière à donner éventuellement un « coup de pouce » à la revalorisation des retraites, au-delà de l'indexation sur les prix.

Monsieur Chabroux, il est tout à fait inexact de dire que la proratisation aurait d'une certaine manière pour conséquence d'amputer le minimum contributif, car - vous le savez bien, mais vous mélangez habilement plusieurs méthodes de calcul - le minimum contributif est accordé aujourd'hui à 60 ans sous réserve d'une retraite à taux plein. Par conséquent, il est aujourd'hui nécessaire d'avoir cotisé pendant 160 trimestres pour bénéficier du minimum contributif. La proratisation ne change rien à l'affaire.

M. Claude Domeizel, en tant que membre du Conseil d'orientation des retraites, a une connaissance encyclopédique sur ces sujets (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), ce qui laisse donc penser que, en séance, il utilise des arguments qu'il sait pertinemment être inexacts.

M. Gilbert Chabroux. Quelle hypocrisie !

M. François Fillon, ministre. Monsieur Domeizel, la législation et la réglementation de 1993 n'ont aucun effet sur le niveau de vie des retraités. La pauvreté chez les personnes âgées n'a cessé de reculer depuis 1993. La meilleure preuve en est la diminution du nombre des bénéficiaires du minimum vieillesse.

Compte tenu de l'architecture de nos régimes de retraite - composée d'un régime général et de régimes complémentaires -, il est impossible de garantir un minimum contributif global.

Toutefois, premièrement, nous nous sommes engagés à augmenter le minimum contributif, ce qui permettra d'atteindre l'objectif de 85 %. On peut donc considérer que cet objectif ne dépend pas du bon vouloir des gestionnaires des régimes complémentaires, sauf à ce qu'ils diminuent le taux de remplacement.

Deuxièmement, la plupart des partenaires sociaux qui gèrent les régimes complémentaires sont justement, pour l'essentiel, ceux qui ont apporté leur soutien à la réforme en signant le relevé de décisions. Je considère donc qu'ils se sont engagés à atteindre l'objectif de 85 %, qui est incontestablement une avancée sociale que je demande au Sénat de confirmer en rejetant les amendements de suppression de l'article 4. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote.

M. Philippe Arnaud. Je suis très surpris que ce soit le groupe communiste républicain et citoyen qui propose la suppression de cet article 4. En effet, ce faisant, mes chers collègues, vous revenez à la situation antérieure, qui était plus défavorable aux retraités, notamment aux plus modestes d'entre eux.

Il y a là un paradoxe que je n'arrive pas à m'expliquer...

M. Roland Muzeau. On va vous aider, vous allez comprendre !

M. Philippe Arnaud. ... alors même que nous souhaitons, les uns et les autres, aller un peu plus loin que ce qui est proposé dans l'article 4, même si force est de reconnaître que celui-ci constitue déjà une avancée significative, qu'il convient à tout prix de préserver. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Par voie de conséquence, le groupe de l'Union centriste refusera de voter la suppression de l'article 4. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau Passer de 150 à 160 trimestres, quel progrès, en effet, mon cher collègue !

Avec les projets gouvernementaux tels qu'ils se présentent, on va effectivement droit vers une paupérisation des retraités.

M. Alain Gournac. C'est parti !

M. Jean Chérioux. C'est reparti !

M. Roland Muzeau. En effet, on sait déjà que la réforme du système d'assurance maladie, telle qu'elle ressort des travaux ministériels, induira un recul du niveau de remboursement des médicaments.

M. Alain Gournac. Remettez des piles !

M. Roland Muzeau. Il n'y pas besoin de piles, ne vous inquiétez pas, monsieur Gournac !

Ce recul touchera en priorité, on le sait, ceux dont les revenus de subsistance sont les plus faibles. C'est pourquoi il convient de ne pas renforcer les difficultés de ces salariés et de leur assurer un niveau de pension minimum, ce que ne garantit pas cet article 4.

En effet, derrière l'amélioration générale du niveau de vie des retraités se cachent des réalités bien plus contrastées.

Comme le soulignait, dans son rapport sur les personnes âgées dans la société, le Conseil économique et social, qui n'est pas « truffé » de communistes, « cette relative aisance économique moyenne des retraités s'explique, dans une large mesure, par les revenus complémentaires tirés de leur patrimoine. Ils représentent le quart de leurs ressources courantes, contre 10 % pour les ménages en activité professionnelle. Ces chiffres moyens recouvrent cependant des disparités considérables au sein de la catégorie des retraités : l'enquête "Patrimoine des ménages, déterminants et disparités" de MM. Stéfan Lollivier et Daniel Verger montre que, même si, en moyenne, le patrimoine tend à s'accroître avec l'âge, cela n'explique qu'environ 10 % des inégalités de patrimoine, le revenu, présent mais aussi passé, étant le facteur le plus discriminant ; les inégalités internes aux classes d'âge sont donc nettement supérieures aux inégalités entre classes d'âge. S'y ajoute un écart générationnel : les plus jeunes retraités, ceux qui ont de 69 à 75 ans, touchent une pension nettement supérieure à celle des plus de 80 ans ; l'écart est en moyenne de 150 euros par mois, tous métiers confondus. Enfin, l'écart entre les sexes n'est pas négligeable : une veuve âgée sur quatre n'a jamais exercé d'activité professionnelle déclarée et ne perçoit qu'une pension de réversion, fraction de la pension de son mari défunt. »

Dans cet esprit, porter le niveau de pension des revenus les plus faibles à 100 % du SMIC constitue un calcul économiquement et socialement rentable.

Economiquement rentable, il l'est parce que les personnes âgées contribuent de façon non négligeable, tant en matière de consommation qu'en matière d'épargne, à la richesse d'un pays : telle est la conclusion d'une étude menée par l'OFCE sur ce thème. Il est donc tout à fait nécessaire d'assurer aux personnes âgées un niveau de vie tel qu'elles constituent un apport, et non une charge pour notre société, comme ont trop souvent tendance à le considérer ceux qui siègent sur les travées de la majorité.

C'est un calcul socialement rentable également, du fait de la place que peuvent et que devraient tenir les personnes âgées du point de vue de la transmission intergénérationnelle en tant qu'« aidants naturels », mais également dans le secteur associatif et bénévole.

Cette réhabilitation du rôle social des personnes âgées dépend en partie de leur capacité d'autonomie financière. Un gouvernement qui affiche la volonté de réhabiliter la place des ascendants, notamment dans un objectif de lutte contre la délinquance des jeunes, ne devrait pas faire l'impasse sur cette variable.

Comme vous le voyez, tout concourt à rendre indispensable la hausse à 100 % du salaire de référence des salariés dont la carrière s'est située au niveau du SMIC.

Tel est le sens de notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur les trois amendements identiques.

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous attribuez beaucoup au précédent gouvernement.

M. François Fillon, ministre. Non, au contraire !

M. Claude Domeizel. Vous avez dit, notamment ce matin, que le Fonds de réserve pour les retraites était l'oeuvre de votre gouvernement sous le seul prétexte que vous avez mis en place le conseil de surveillance.

M. François Fillon, ministre. Je voulais dire que vous ne vous étiez pas pressés !

M. Claude Domeizel. C'est nous qui l'avons créé. Mais à vous écouter, on pourrait presque croire que c'est vous !

Monsieur le ministre, vous attribuez beaucoup de responsabilités négatives au gouvernement précédent. Mais vous oubliez que le minimum contributif est une oeuvre de M. Pierre Mauroy.

M. François Fillon, ministre. C'est une raison supplémentaire de le revaloriser !

M. Claude Domeizel. Vous oubliez beaucoup de choses en ce qui concerne les avancées sociales. Monsieur le ministre, nous en avons assez...

M. Jean Chérioux. Nous aussi !

M. Claude Domeizel. ... nous en avons assez de vous entendre dire et répéter que tout est la faute du gouvernement précédent. Vous êtes au pouvoir depuis un an, c'est vous qui avez la responsablité de ce qui se passe dans le pays. Ce n'est pas le gouvernement précédent, c'est vous et vous seul ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean Chérioux. Ben voyons !

M. François Fillon, ministre. Quel argument de choc !

M. Claude Domeizel. Pour en revenir à mon explication de vote, j'aurais souhaité vous présenter l'amendement n° 886, ce que je n'ai pu faire en raison d'une utilisation du règlement dont nous commençons à être familiers depuis quelques jours. En effet, j'aurais aimé vous expliquer que cet amendement n° 886, tout d'abord, était mieux rédigé que le texte du projet de loi.

Par ailleurs, il tendait à supprimer la barre de 2008 et, enfin, à faire passer le taux de remplacement de 85 % à 100 %, ce qui nous paraît indispensable, ne serait-ce que parce que ceux qui vont bénéficier de ces mesures sont pour les trois quarts des femmes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que ne l'avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Claude Domeizel. Nous avons été privés de la présentation de cet amendement. C'est pourquoi nous voterons les amendements de suppression présentés par nos collègues du groupe CRC, pour la simple raison que cet article, qui s'en tient au taux de 85 %, est inacceptable. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. Vous l'auriez voté s'il avait été présenté par vous !

M. Claude Domeizel. Nous voterons donc contre l'article 4, sur lequel nous demandons d'ores et déjà un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.

M. Yves Coquelle. Ainsi que le débat sur cet article 4 l'a abondamment montré, les dispositions dont nous discutons nécessitent manifestement une sensible amélioration. Même le groupe de l'Union centriste considère que le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale n'est pas à la hauteur des attentes et des exigences de la situation.

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas ce que vient de dire M. Arnaud !

M. Yves Coquelle. Les salariés de ce pays, qui continuent de rejeter globalement les dispositions de cette réforme des retraites, sont également conscients des limites de cette prétendue avancée sociale.

M. Jean Chérioux. Votre papier n'est pas à jour, vous ne tenez pas compte de ce qu'a dit M. Arnaud ! C'est lamentable !

M. Yves Coquelle. Effet d'annonce, avons-nous dit tout à l'heure, pour ce qui concerne les mesures préconisées par cet article 4 . En effet, aucune garantie n'existe, si ce n'est celle qui est créée par l'application pleine et entière de la réforme, c'est-à-dire du principe consistant à faire payer les moins pauvres pour les plus pauvres.

Notons, une fois encore, le contenu réel de ce qui est proposé.

L'article 4 ne concerne en effet que les smicards ayant travaillé à temps plein sur une carrière complète, ce qui exclut par conséquent les salariés rémumérés sur cette base, mais à temps partiel, et plus encore ceux - et surtout celles - dont la carrière professionnelle n'a commencé que bien plus tard. On pourrait presque se demander combien de personnes sont effectivement concernées par le sujet et par le débat qui nous anime.

Ce qui est en effet en question aujourd'hui, c'est la situation de toutes ces femmes salariées qui ont dû, depuis une bonne quarantaine d'années, se décider progressivement à travailler pour des motifs divers et variés.

Dans de nombreux cas, ces femmes salariées ont d'ailleurs été amenées à exercer une activité professionnelle parce qu'elles se retrouvaient seules pour éduquer leurs enfants, et elles ont bien souvent commencé cette activité passé l'âge de trente ans.

Mais, comme nous l'avons déjà souligné, c'est aussi parce que les salaires féminins sont réduits au niveau du SMIC dans de nombreux secteurs d'activité économique que les femmes sont directement concernées par l'article 4.

Cet article ne pose qu'un objectif général. Nous avons indiqué quel problème posait l'insertion dans l'article 4 de la formule dont nous proposons la suppression.

Dans les faits, lors de la liquidation de la retraite, les salariés bénéficieraient, sous toutes les réserves posées, d'un taux de remplacement garanti de 85 % du SMIC. Mais ensuite, comme aucune garantie n'est prévue pour le pouvoir d'achat des retraites, cette pension servie lors de la liquidation subira, comme toutes les autres, les effets de l'indexation sur les prix.

Concrètement, chaque année, bon an, mal an, cette pension perdra un à deux points de pouvoir d'achat, ce qui fera une perte sèche de douze à vingt-quatre points en 2020, et ainsi de suite.

En clair, tout se passe comme si la retraite des smicardes et des smicards était placée au début à un seuil plus élevé, avant de connaître la même dévitalisation que les autres.

Quand nous supprimons cette mention du texte, nous nous plaçons dans une perspective tout à fait différente. Nous refusons donc de voter cet article 4, dont nous demandons la suppression. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.

M. Bernard Plasait. Monsieur le président, en application de l'article 38 de notre règlement, je demande la clôture de cette discussion.

M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture des explications de vote sur les amendements identiques n°s 139, 140 et 141.

Je vous rappelle que, en application de l'alinéa 1 de l'article 38, la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsque au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un amendement.

En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.

Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.

(La clôture est prononcée.)

Je mets donc aux voix les amendements identiques n°s 139, 140 et 141.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'article 4.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mon intervention a un caractère quelque peu particulier puisqu'elle concerne une catégorie de Français totalement absente du projet de loi portant réforme des retraites, à savoir les Français établis hors de France.

A l'article 4, j'avais déposé l'amendement n° 888, qui est tombé sous le coup de l'article 40 de la Constitution. Cela signifie clairement que l'Etat français ne remplit pas ses devoirs vis-à-vis des agents qu'il emploie à titre contractuel dans ses services à l'étranger, et qu'il a bien l'intention de continuer ne pas le faire.

Depuis 1993, je le rappelle, un très grand nombre de postes de fonctionnaires - plus de 1 000 - ont été supprimés au ministère des affaires étrangères. Ils ont été remplacés par des agents contractuels, dont beaucoup sont français, pour respecter, dans ces postes à haute qualification, les conditions liées à la confidentialité, au devoir de réserve et à l'obligation de permanence les week-ends, les jours fériés, ou encore la nuit.

En dépit des quelques progrès obtenus en matière de droit social ces dernières années, on continue de considérer qu'ils doivent se passer d'une retraite. L'affiliation à un régime local est le cas le moins défavorable, mais comme ces agents sont en général des femmes qui ne travaillent pas toute leur vie dans le même pays, cette affiliation ne sert à rien. Après cinq ou dix ans, elles n'ont toujours aucun droit à retraite.

L'Etat français fonctionne, à l'étranger, avec plus de 3 000 personnels français qui continueront à ne pas avoir de retraite et seront parfois contraints de cesser leur activité de façon prématurée.

En effet, à 55 ans, une femme est bonne à mettre à la corbeille. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Mieux vaut engager la gentille petite minette arrivée récemment, plus plaisante pour le regard du chef de service ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

A 55 ans, en Afrique, on nous met à la retraite d'office ! Il n'est pas question de faire travailler les seniors. Nombre de nos compatriotes se retrouvent donc sans ressources.

Or, je veux le souligner, beaucoup de ces compatriotes sont des femmes, qui ont le tort de croire ce qu'on leur a appris pendant leur enfance, c'est-à-dire qu'il convient de suivre leur mari, d'accepter de sacrifier leur vie professionnelle à celle de leur mari et de passer quelques années sans travailler pour élever leurs enfants. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.). De plus, les femmes françaises à l'étranger ont plutôt plus d'enfants - trois ou quatre - qu'en France.

Ainsi, quand on travaille pour l'Etat français, on gagne des salaires de misère, inférieurs au SMIC - et je n'évoque pas ici les simples postes d'exécution, les femmes de ménage, mais les secrétaires d'ambassade (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste) - ...

M. Jean Chérioux. Pourquoi n'avez-vous pas réglé le problème ?

Mme Hélène Luc. Elle a raison !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... et, au bout du compte, on se retrouve sans retraite, sans avoir la possibilité de rentrer en France.

M. Jean-Pierre Schosteck. Elles ont droit à la même considération !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les Français qui sont restés en Côte d'Ivoire dans les pires moments n'avaient aucun moyen de rentrer en France ; c'étaient surtout des femmes, en particulier des agents de l'Etat français.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Absolument !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Prétendre que le fait de demander que des personnels français à l'étranger soient payés au SMIC et puissent bénéficier d'une retraite équivalente à un pourcentage du SMIC tombe sous le coup de l'article 40 de la Constitution est inacceptable.

Dans ces conditions, je ne peux pas voter l'article 4 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.

Mme Hélène Luc. L'objet de cet article 4 consiste, ainsi que nous l'avons vu, à assurer aux anciens smicards un taux de remplacement supérieur de deux points à ce qu'il est aujourd'hui, en liant ce qui est fourni par le régime général de base et les régimes complémentaires obligatoires issus des branches d'activité.

On pourrait au demeurant se demander quels sont les secteurs les plus directement concernés par l'application de ce dispositif et déterminer ainsi quelles sont les professions qui recourent le plus souvent à l'application de salaires faibles, plus ou moins proches du SMIC.

On pourrait aussi se perdre en conjectures et se demander de quel SMIC l'on parle, du fait de l'existence de plusieurs salaires minima et de l'application, pour le moins diversifiée, de la réduction du temps de travail.

Mais, selon nous, deux points essentiels font débat dans cette affaire.

Dans notre pays, le SMIC, et cela n'est pas contesté, est d'abord et avant tout un salaire féminin, puisque les femmes subissent de plein fouet les discriminations quant aux niveaux de rémunération pratiqués dans nos entreprises.

Si l'on garde à l'esprit, par exemple, que les femmes cadres ont des salaires inférieurs d'un quart à un tiers à ceux de leurs collègues hommes, à qualification et responsabilité équivalentes, il est tout aussi évident que les femmes salariées occupant des emplois d'exécution sont le plus souvent rémunérées au SMIC, dans des conditions proches du SMIC ou en tout cas moins favorables que celles qui sont accordées à leurs collègues hommes.

Un autre point pose problème dans cet article.

En effet l'article 4 ne concerne que les salariés « ayant travaillé à temps complet », ce qui signifie que l'ensemble des salariés rémunérés sur la base du SMIC mais sous contrat de travail à temps partiel pourraient en être exclus.

Or est-on sûr, dans tous les cas, que le temps partiel est toujours choisi, quand on sait, par exemple, que la plupart des grands groupes de la distribution gèrent leur personnel en fonction d'impératifs de présence ne laissant que peu de chance au respect de la vie privée des salariés concernés ?

On risquerait donc d'ajouter aux discriminations fondées sur ce temps partiel imposé, course effrénée à la productivité maximale de chaque salarié dans le laps de temps le plus court possible, des contraintes nouvelles en matière de retraite, excluant les intéressés du bénéfice d'une mesure que l'on pourrait pourtant voter des deux mains, sauf, évidemment, à se demander ce qu'elle contient réellement.

Finalement, quand on examine cet article très important, on constate qu'il s'agit d'une mesure d'affichage, destinée à laisser croire qu'un geste est fait en direction des salariés les plus modestes, et payée par la solidarité collective et pas seulement par les assurés eux-mêmes.

A y regarder de plus près, on se rend compte que cette mesure manque singulièrement de souffle et qu'elle exclut de son champ d'application une part importante du salariat, victime aujourd'hui de la précarisation des conditions de travail et notamment de la gestion de personnel en flux tendu, dans la plus parfaite flexibilité.

Cela fait bien des raisons de rejeter sans la moindre ambiguïté l'article 4.

Mes chers collègues, étant donné l'importance de cet article, je demande un scrutin public afin que chacune et chacun d'entre nous prenne ses responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, pour explication de vote.

M. Philippe Arnaud. Il conviendrait, je crois, que chacun redevienne attentif. Je rappelle que, tout à l'heure, en m'exprimant au nom du groupe de l'Union centriste, j'ai été extrêmement clair, en indiquant qu'il approuvait et reconnaissait l'avancée significative que représentait l'article 4 en portant à 85 % du SMIC les retraites les plus basses.

Peut-être est-ce la fatigue qui vous a conduits à comprendre différemment !

M. Jean Chérioux. Le papier n'était pas à jour !

M. Philppe Arnaud. Donc, je le répète, l'article 4 constitue une avancée significative, même si l'on peut toujours espérer faire mieux, notamment lorsqu'il s'agit des retraites les plus modestes.

Pour ce faire, il est prévu dans le dispositif gouvernemental de nouvelles étapes de négociation d'ajustement financier du dispositif. Je souhaite, en effet, que la question des retraites les plus modestes soit prise en compte lors de la prochaine étape.

Lorsque j'entends mes collègues socialistes, évoquer la misère et l'indécence à propos de cet article qui porte les pensions à 85 % du SMIC, j'ai envie de leur demander ce qu'ils ont fait...

M. Jean Chérioux. Ils ont gaspillé l'argent qu'ils avaient !

M. Philippe Arnaud. ... pour les retraites agricoles, qui ont été portées à 75 % du SMIC, ce qu'ils estimaient à l'époque être un maximum, un cadeau royal fait aux agriculteurs !

M. Roland Muzeau. N'importe quoi !

M. Philippe Arnaud. Il eût été intéressant, à ce moment-là, qu'ils proposent 100 % du SMIC ! Nous nous serions tous accordés sur ce point si nous en avions eu les moyens financiers.

En d'autres termes, le groupe de l'Union centriste, très clairement, approuve l'article 4 et le votera.

M. Claude Domeizel. L'amendement de Mme Létard est enterré !

M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.

M. Guy Fischer. C'est de mauvais augure !

M. Bernard Plasait. Monsieur le président, en application de l'article 38 de notre règlement, je demande la clôture de cette discussion.

Mme Hélène Luc. M. Plasait remplace M. de Rohan ?

M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture des explications de vote sur l'article 4.

Je vous rappelle qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 38 la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsque au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un article.

En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.

Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.

La clôture est prononcée.

Je mets aux voix l'article 4.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 186 :

Nombre de votants318
Nombre de suffrages exprimés316
Majorité absolue des suffrages159
Pour205
Contre111