COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

Art. 80 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Jeunesse, éducation nationale et recherche - I - Jeunesse et enseignement scolaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]

Jeunesse, éducation nationale et recherche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la jeunesse, l'éducation nationale et la recherche.

I. - JEUNESSE ET ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titres III et IV

M. le président. J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, MM. les ministres répondront immédiatement et successivement : au rapporteur spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devra pas dépasser cinq minutes ; le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposera d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter tant l'esprit de cette procédure, qui a été acceptée à l'unanimité par le Sénat et qui repose sur des questions précises et en nombre limité, que les temps de parole impartis.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sincérité et maîtrise des dépenses : tels sont sans doute les deux points forts de ce projet de budget.

Il se chiffre pour l'exercice 2004 à un peu plus de 24 milliards d'euros, rassemblant, il est vrai, deux masses de crédits dont les liens sont limités et l'ampleur relative très inégale puisque les crédits de la jeunesse n'en représentent que 0,26 %.

C'est un budget en progression totale de 2,83 %, compte tenu de la prochaine revalorisation du traitement de la fonction publique, ce qui correspond à une augmentation, hors frais de pensions, de 1,6 %.

Je dis « sincérité », monsieur le ministre, car plusieurs mesures permettront une meilleure appréhension des moyens réellement alloués à l'enseignement scolaire : apurement des arriérés de paiement ; révision à la baisse de chapitres faisant traditionnellement l'objet d'annulations en cours d'exercice ; mais aussi financement de la charge non provisionnée que constituait l'indemnisation du chômage des aides éducateurs, malencontreusement omise par vos prédécesseurs.

Tout cela concourt à une meilleure lisibilité de ce budget, lisibilité qu'il nous faut saluer.

Il nous faut également saluer un effort réel de maîtrise des dépenses qui, hors charges de pensions, seront stabilisées en volume, et ce malgré les transferts de charges en provenance du budget des affaires sociales, du travail et de la santé.

Cela se traduit notamment par une adaptation courageuse du nombre d'adultes aux effectifs scolaires au travers du non-remplacement d'un personnel administratif sur deux partant en retraite, ainsi que de la suppression de 2 400 postes de professeur stagiaire de l'enseignement secondaire, cette dernière mesure conduisant à une réduction du nombre de postes proposés aux concours.

Ces deux mesures ne seront sans doute pas de trop pour permettre de répondre aux besoins de notre système scolaire, dont les performances se sont « grippées » depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, et ce malgré un contexte démographique favorable, caractérisé par une hausse sensible des effectifs.

Je citerai brièvement quelques chiffres avant d'en venir à mes questions.

Aujourd'hui, 15 % des élèves entrent en classe de sixième sans maîtriser les acquis fondamentaux.

Nous n'avons toujours pas passé le cap des 70 % d'élèves atteignant le niveau du baccalauréat, malgré les engagements pris à cet égard, et 8 % des élèves quittent encore le système scolaire sans qualification.

La violence ainsi qu'une déscolarisation de plus en plus précoce minent un certain nombre d'établissements.

Les inégalités géographiques persistent et parfois se renforcent.

Ces constats conduisent à s'interroger - c'est le moins que l'on puisse dire ! - sur le collège unique et la démocratisation de l'enseignement secondaire.

Ces évolutions sont d'autant plus inquiétantes qu'elles se sont produites dans un contexte d'augmentation continuelle des dépenses consacrées à l'enseignement scolaire, de la part de l'Etat comme des collectivités locales, et alors que nous y consacrons plus d'argent que les autres pays de l'OCDE.

Il fallait donc mettre un terme à cette logique systématique du « toujours plus de moyens », tant il est vrai qu'il n'y a pas forcément de lien mécanique entre les dépenses et les résultats.

Il fallait également mettre un terme au « harcèlement textuel », à la multiplication stérile de réformes pédagogiques que nous avons connue sous les précédentes législatures et qui a beaucoup nui, notamment en raison du manque de portée desdites réformes.

Je crois que, de ces deux points de vue, votre budget, monsieur le ministre, est encourageant, car il amorce un redéploiement des moyens vers les secteurs qui en avaient le plus besoin.

Ainsi, la priorité accordée à l'école primaire se justifie pleinement : d'abord parce que les effectifs des élèves y sont en augmentation, ensuite et surtout parce que, comme vous le répétez souvent, c'est là que se noue l'échec scolaire.

Nous devons vous féliciter tout particulièrement du recentrage de l'enseignement du premier degré sur l'acquisition des savoirs fondamentaux et sur la priorité accordée à l'expérience de « dédoublement » dans les zones défavorisées, même si les premiers résultats peuvent être discutés.

L'effort en faveur de l'intégration des enfants handicapés dans l'enseignement scolaire doit également être salué. Il se traduit par la création de plus de 6 000 postes d'auxiliaire de vie scolaire, de 100 postes de professeur des écoles spécialisés et l'ouverture de 277 nouvelles unités pédagogiques, soit une augmentation de plus de 86 %.

Tout cela, monsieur le ministre, vous le faites sans accroissement sensible des dépenses, il nous fallait le souligner.

Mais, d'une manière plus générale, il me semble que l'enseignement scolaire va désormais se trouver confronté à trois défis.

En premier lieu, l'approfondissement de la décentralisation et, plus particulièrement celle qui concerne les 96 000 techniciens ouvriers de services, les TOS, constituera assurément un défi pour les départements et surtout pour les régions, dont certaines verront leurs effectifs décupler.

Cet approfondissement, à mon sens, est une chance d'accroître la cohérence du système éducatif. Sa réussite suppose toutefois que l'éducation nationale joue vraiment le jeu de la déconcentration et du partenariat avec les collectivités locales, ce qui n'est pas encore le cas, l'autonomie des établissements demeurant trop limitée par les contraintes administratives.

En deuxième lieu, il nous faudra répondre au défi que constitue la mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui est une véritable gageure culturelle pour l'éducation nationale.

Nous vous encourageons donc, monsieur le ministre, à poursuivre votre réforme de l'organisation de l'administration centrale mise en oeuvre en 2003, afin d'en améliorer l'efficacité et de permettre, à terme, un meilleur contrôle parlementaire sur les futurs programmes. La LOLF est incontestablement l'outil qui nous permettra de passer enfin à une logique de résultats et d'établir un système d'évaluation fiable des politiques poursuivies.

En troisième lieu, enfin, nous devrons être capables de répondre aux attentes sans cesse grandissantes des parents d'élèves et à la concurrence accrue de l'enseignement privé, qui, soit dit en passant, a largement bénéficié des mouvements sociaux du printemps : il n'est que de voir les inscriptions du début de cette année. Je souhaite donc que le projet de loi de finances s'accompagne à l'avenir d'indicateurs de satisfaction des personnels - cela va de soi -, mais aussi des usagers - cela va nettement moins de soi.

Tous ces points justifient l'organisation du grand débat national sur l'école que vous avez lancé, monsieur le ministre. Je souhaite qu'il affronte sans tabous, comme vous l'avez demandé, les questions relatives au recrutement, aux obligations de service, à l'adaptation des enseignants aux évolutions de leur métier, à la satisfaction des usagers.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a naturellement émis un avis favorable sur ce projet de budget.

J'en viens ainsi aux trois questions désormais rituelles que je dois vous poser, monsieur le ministre.

La première porte sur les effectifs.

Nous avons constaté les efforts réalisés par votre ministère. Se pose toujours cependant un problème dont la gestion est complexe, mais sur lequel, je le sais, vous travaillez beaucoup. Je veux parler des « sureffectifs disciplinaires ». Chaque année, nos concitoyens sont un peu choqués par des reportages - peut-être excessifs - montrant des professeurs du secondaire payés pour rester chez eux, parfois depuis des années. C'est ainsi que, au cours de l'année scolaire 2002-2003, un peu plus de 2 400 enseignants affectés pour ordre dans les académies n'enseignaient pas.

Pouvez-vous confirmer devant la Haute Assemblée les engagements de réduction de ces sureffectifs que vous avez pris devant la commission des finances, et peut-être réexpliquer une mesure qui a, semble-t-il, été mal comprise du corps enseignant ?

Mes deux autres questions intéressent plus particulièrement les élus locaux que nous sommes tous..., ou presque.

En mai dernier, le Gouvernement a annoncé l'objectif louable de porter à un ordinateur pour trois élèves l'équipement informatique dans les écoles en 2007. Il est actuellement d'environ un pour quinze.

Nous savons bien que le matériel informatique est de plus en plus coûteux. Certes, il est nécessaire, et les parents y tiennent beaucoup, mais c'est une charge qui, au total, repose de plus en plus sur les communes, les départements et les régions, le ministère étant seulement censé fournir les logiciels et former les enseignants.

Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour clarifier les compétences respectives de votre ministère et des collectivités locales en matière d'informatique scolaire ? Ne pourrait-on mettre en place un plan informatique global, défini au travers d'une convention entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités locales ?

Enfin, ma dernière question est liée au transfert aux collectivités territoriales des TOS, transfert devant concerner, je le répète, 96 000 personnes. Vous prévoyez, monsieur le ministre, de transférer les moyens actuellement utilisés pour gérer ces personnels, ce qui représente un peu plus de 900 personnes.

Cependant, on a un peu le sentiment que cette décision de transfert du personnel administratif qui gère les TOS est incertaine dans la mesure où, d'une part, il n'y a pas de correspondance stricte entre les académies et les régions et où, d'autre part, les personnels qui gèrent actuellement les TOS peuvent ne pas souhaiter être mis à disposition des collectivités locales.

Dans ces conditions, qu'en sera-t-il de la gestion réelle des TOS ? Devra-t-elle être réalisée totalement par les structures actuelles ?

De même, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, des moyens matériels - locaux, équipement informatique - actuellement affectés aux personnes qui gèrent les TOS ?

Bien entendu, monsieur le ministre, ces trois questions ne remettent nullement en cause l'accord global de notre commission sur l'ensemble du budget. Je crois cependant que, dans cette période où le monde de l'éducation est quelque peu en émoi - il est vrai que cela ne concerne aujourd'hui que l'enseignement supérieur, mais ce que nous avons connu au printemps dernier peu revenir -, elles peuvent vous donner l'occasion de vous livrer une nouvelle fois à ce travail d'explication propre à épargner à la communauté éducative des polémiques stériles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier vivement M. Karoutchi de la qualité et de l'intelligence du rapport qu'il vient de présenter, car il a très bien su dégager les grands axes de notre budget et décrire les efforts que nous avons accomplis cette année.

Je me permettrai d'indiquer brièvement ce qui a guidé les choix que traduisent les chiffres du budget.

Ce budget repose essentiellement sur une logique de redéploiement, et d'abord à l'intérieur de l'enseignement scolaire, entre secondaire et primaire, en fonction des évolutions démographiques.

Nous avons en effet choisi de supprimer 1 500 postes dans l'enseignement secondaire puisque les effectifs des élèves y sont en diminution constante depuis plusieurs années et que cette tendance va se poursuivre l'an prochain, et, en revanche, d'améliorer la situation de l'enseignement primaire, qui connaît au contraire une augmentation démographique importante.

Le redéploiement concerne également le rapport entre enseignement scolaire et enseignement supérieur, dont nous parlerons cet après-midi. Un rééquilibrage à cet égard est absolument nécessaire et il nous faut d'ores et déjà indiquer le cap qui sera suivi dans les années futures. Nous avons ainsi transféré 100 millions d'euros de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, mais en assortissant cette démarche d'un engagement public du ministère du budget selon lequel il n'y aura pas, l'année prochaine, de régulation sur l'enseignement scolaire. Au total, la transparence y gagne nettement.

Avant de répondre à vos questions, monsieur le rapporteur spécial, je veux encore souligner que nous avons, tout au long de l'année, accompli un travail dont on parle peu - et la tâche n'était pas facile ! -, mais qui explique en très grande partie le fait que la dernière rentrée scolaire ait été la meilleure depuis que le ministère établit des statistiques sur l'affectation des élèves dans les établissements et sur l'affectation de professeurs devant des élèves.

En effet, nous avons travaillé sur le stock et non pas simplement sur le flux. Nous avons décidé dès le mois de décembre 2002 de rééquilibrer le nombre de postes dans les régions en fonction du fait que, pendant des années, certaines avaient été sur-dotées et d'autres, sous-dotées. C'est, là encore, dans le fond, une logique de redéploiement qui est à l'oeuvre. Cela a permis d'obtenir une affectation quasi parfaite des postes et des élèves.

Monsieur Karoutchi, votre première question a porté sur les sureffectifs disciplinaires. Il s'agit, je le rappelle, de professeurs qui, en raison du déficit d'élèves dans leur discipline, se retrouvent sans élève devant eux. Autant dire qu'ils sont payés à rester chez eux, au moins en grande partie.

Cette situation concerne 2 500 équivalents temps plein. C'est évidemment un scandale dont il convient, à défaut de pouvoir y mettre totalement fin, de réduire au moins sensiblement l'ampleur. C'est pourquoi nous nous engageons à réduire de moitié environ, dans les deux ans qui viennent, ces sureffectifs disciplinaires.

Car il faut avoir conscience de la difficulté de l'opération dans les structures actuelles. En effet, pour supprimer totalement les sureffectifs disciplinaires, il faudrait, dans certains cas, assécher les concours de recrutement de l'agrégation et du CAPES pendant plusieurs années, ce qui aurait évidemment pour effet pervers de désespérer les filières universitaires concernées. Sans parler des complications diplomatiques qu'entraînerait le fait d'annoncer que le recrutement de professeurs de telle ou telle langue vivante déficitaire en élèves est gelé pour plusieurs années ! C'est finalement le Quai d'Orsay qui devrait gérer le problème ! Je reçois d'ailleurs souvent des ambassadeurs qui me demandent expressément de maintenir malgré tout quelques postes à l'agrégation ou au CAPES pour ne pas désespérer les étudiants qui suivent un cursus dans leur langue.

Nous allons néanmoins, en deux ans, réduire de moitié, les sureffectifs disciplinaires en jouant essentiellement sur le calibrage du nombre de postes mis aux concours.

Il est évident que la véritable solution consisterait à introduire, sous une forme ou sous une autre - mais c'est un sujet très délicat, sur lequel les organisations syndicales ne se montrent guère enthousiastes -, une certaine bivalence, notamment au collège. On me dira qu'il existe, dans le décret de 1950, la possibilité pour les chefs d'établissements de faire accomplir à un enseignant d'une discipline un complément de service dans une autre discipline.

Cela étant, l'exemple des lettres classiques pourrait servir de modèle : on peut être professeur de français et professeur de latin et de grec. Après tout, est-il inimaginable d'être professeur d'allemand et professeur de français ou professeur d'anglais et professeur de français, comme on est professeur de français, de latin et de grec ?

Je ne veux pas entrer dans le détail, parce que cette question fera partie du grand débat et qu'elle appelle des négociations, mais il est évident qu'une solution de ce type au niveau du collège aurait de très nombreux avantages. Mon prédécesseur Claude Allègre en avait rêvé ; il n'a pas réussi à la faire aboutir. C'est une hypothèse que, en tout cas, le grand débat devrait aborder.

Vous m'avez également interrogé sur les TOS et sur les personnels administratifs qui gèrent les TOS.

En ce qui concerne les TOS, la situation est claire et stabilisée. Deux éléments ont permis de dissiper l'inquiétude profonde des personnels qui ont cessé leur mouvement : tout d'abord, ils conservent le choix, soit d'intégrer directement la fonction publique territoriale, soit de rester dans la fonction publique d'Etat en étant seulement détachés dans la fonction publique territoriale. Ensuite, avec Nicolas Sarkozy, je me suis engagé à faire en sorte qu'un cadre d'emploi d'accueil leur permette que soient garanties leur présence et leur mission dans les établissements. Ces éléments ont profondément rassuré les personnels.

S'agissant des personnels administratifs qui gèrent les TOS, il est difficile de répondre pour l'instant car, vous avez raison de le souligner, monsieur le rapporteur spécial, il demeure un certain flou dans ce domaine. En effet, en raison de la possibilité qui est offerte aux personnels TOS de choisir de rester dans la fonction publique d'Etat ou d'intégrer la fonction publique territoriale, le nombre des personnels administratifs chargés de les gérer sera variable. Toutefois, j'indique qu'ils bénéficieront de la même situation et des mêmes garanties que les TOS.

Au-delà de l'aspect législatif, en termes de transferts réels de personnels, il faudra prendre le temps nécessaire pour que les départements, et surtout les régions, comme vous le disiez à juste titre, aient véritablement les moyens de gérer cet afflux de personnels dans des conditions satisfaisantes pour tous.

Enfin, en matière d'informatique et de nouvelles technologies, les collectivités territoriales ont réalisé un gros effort pour équiper les établissements. Dans deux ans, ces derniers seront tous équipés de façon suffisante. Nous avons mis en place le brevet informatique et Internet, le B2I.

A l'école primaire et au collège, les problèmes qui subsistent sont essentiellement de deux ordres : il s'agit tout d'abord de problèmes de maintenance, qui sont peut-être les plus délicats. D'ailleurs, les assistants d'éducation que nous recrutons dans le second degré, hors surveillants, sont essentiellement affectés à l'informatique et à la maintenance. Nous devons nous fixer un cap et fournir un gros effort à cet égard.

Le second problème, qui est un problème de fond, concerne l'usage pédagogique de ces nouvelles technologies. Il est bon, par rapport à la « fracture digitale », que l'école, service public, remplisse son rôle d'égalisation des conditions au service des élèves, afin que n'apparaisse pas une fracture entre les enfants qui sont privilégiés parce qu'ils ont un ordinateur à la maison et ceux qui n'en disposent pas.

C'est le rôle du service public d'égaliser les chances et les conditions entre les élèves à ce niveau. Mais, en même temps, la question des usages pédagogiques de ces nouvelles technologies reste très largement ouverte. Nous devons encore beaucoup travailler afin d'améliorer cette situation même si, sur le plan matériel - il n'y a pas de doute à ce sujet - l'effort doit être poursuivi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la jeunesse. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, l'année 2003 a été marquée par une impulsion nouvelle en faveur de la politique de la jeunesse, rattachée depuis 2002 à celles de l'éducation nationale et de la recherche.

On ne peut en effet que se réjouir du lancement de l'opération « Envie d'agir » et espérer, comme vous nous l'annoncez, monsieur le ministre, qu'elle gagnera en envergure en 2004. Elle répond de façon bienvenue et positive au désir d'engagement citoyen des jeunes et contribue, en leur proposant des projets porteurs de sens, à valoriser leur talent et leur inventivité, à les aider à prendre place au sein de notre organisation économique et sociale.

C'est bien là une opportunité de donner à notre jeunesse les moyens de s'accomplir, de se réaliser pleinement dans notre société et de lui accorder des chances supplémentaires pour la préparation de son avenir.

Fort de cette ambition nouvelle, le projet de budget consacré à la jeunesse reste pour 2004 à hauteur de 142 millions d'euros. C'est une dotation modeste, certes, au sein du budget de l'éducation nationale, mais qui, si elle est ciblée sur des actions pertinentes, peut contribuer efficacement à porter des projets partenariaux favorisant l'épanouissement de nos jeunes populations.

Mes deux questions porteront sur le rôle de soutien et d'impulsion assuré par votre ministère dans le cadre de ces partenariats, dont les objectifs sont d'occuper l'espace-temps, souvent délaissé ou mal employé, se situant hors des périodes et des enceintes de classe.

La première concerne les contrats éducatifs locaux, lesquels participent utilement, notamment dans certains quartiers difficiles, à l'encadrement des enfants et des adolescents pendant les temps périscolaires ou extrascolaires, en leur proposant des activités et des loisirs que nous savons enrichissants.

Si ces politiques locales reposent sur l'engagement d'une pluralité d'acteurs et de financeurs, au premier rang desquels les collectivités territoriales, donnant ainsi une nouvelle illustration du nécessaire partage des missions éducatives, l'orientation et le contrôle de votre administration n'en demeurent pas moins essentiels et incontournables.

En ce sens, et en réponse aux observations et recommandations formulées par l'inspection générale de l'éducation nationale dans un rapport de février 2003 sur les politiques éducatives locales, quelles sont les dispositions et les mesures qui sont envisagées, monsieur le ministre, en vue d'assurer une synergie efficiente de ces différents acteurs et de recentrer les objectifs des contrats locaux sur les actions prioritaires de l'Etat comme la prévention de l'illettrisme ou de la violence ?

L'acte II de la décentralisation pourra-t-il être considéré comme l'opportunité de renforcer les partenariats entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales en faveur des jeunes générations ?

Ma seconde question concerne le soutien au secteur associatif dans les domaines de la jeunesse et de l'éducation populaire auquel contribue votre ministère, principalement via le fonds national pour le développement de la vie associative, désormais intégré au budget.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas bon !

M. le président. Mon cher collègue, vous estimez que ce n'est pas bon : voulez-vous intervenir ?

M. Jean-Louis Carrère. J'interviendrai tout à l'heure !

M. le président. On ne parle pas en classe ! Vous le savez très bien, vous êtes enseignant ! (Rires.)

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Si l'annonce de la création de quarante postes supplémentaires au titre du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP, dans le projet de budget pour 2004, nous satisfait, il convient de reconnaître la réalité du terrain, à savoir la fragilité et la précarité de nombre de petites associations.

Quelles assurances pouvez-vous apporter, monsieur le ministre, à leurs responsables - je me réfère à la création des contrats d'insertion dans la vie sociale - en particulier sur le maintien des personnels actuellement en fonction dans le cadre des emplois-jeunes au sein de leur structure ou de leur organisation ? Je rappelle que leur nombre s'élève à près de 24 000.

Envisagez-vous d'engager, comme le monde associatif l'appelle de ses voeux, une large réflexion nationale sur l'emploi associatif, mais aussi sur la formation des bénévoles en milieu éducatif ?

En effet, si le secteur de la jeunesse repose sur le dynamisme d'acteurs divers, et en premier lieu sur l'enthousiasme et l'énergie des jeunes concernés, l'implication des pouvoirs publics demeure fondamentale.

Faire de la politique de la jeunesse un levier d'actions complémentaires, et non moins essentielles à la réussite des missions prioritaires du système éducatif, est une exigence morale et un devoir collectif.

Vos intentions et vos ambitions sont louables parce qu'elles répondent justement aux évolutions de notre temps. C'est en ce sens que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la jeunesse pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement scolaire. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le projet du budget pour l'enseignement scolaire, avec un montant de plus de 55 milliards d'euros pour 2004, marque une progression de l'ordre de 2,83 %.

Mais au-delà de ce constat quantitatif, la commission des affaires culturelles a salué les efforts de modernisation et de rationalisation engagés par le ministère afin de parvenir à une gestion plus efficace et maîtrisée du système éducatif.

En témoignent, parmi d'autres mesures, la volonté de réorganiser l'administration centrale, mais également de s'attaquer de front à certains dysfonctionnements, comme la réduction des surnombres disciplinaires ou l'amélioration du système de remplacement des enseignants absents. Autant de réformes nécessaires, mises au service de la performance de notre système scolaire, à la faveur de la réussite de tous les élèves.

En ce sens, la commission se félicite des efforts de maîtrise des emplois, par la mise en adéquation des moyens et des besoins. Ainsi, le projet de budget prévoit le redéploiement de 1 500 emplois d'enseignants du second degré vers le premier degré, pour accompagner, d'une part, l'évolution des effectifs d'élèves, et, d'autre part, la priorité assignée à la prévention de l'illettrisme. On saluera ce renforcement des moyens au niveau des stades premiers des apprentissages, une première étape de contact avec la lecture et l'écriture, que l'on sait déterminante pour le reste de la scolarité des élèves.

Cet effort s'appuie également, avec un certain courage, sur une réduction du nombre d'enseignants stagiaires, et donc sur une baisse du nombre de postes ouverts aux concours. A ce propos, ma première question sera relative aux enjeux, dans le contexte démographique actuel, du renouvellement du corps enseignant. En effet, une inquiétude particulière pèse d'ores et déjà sur les disciplines scientifiques notamment, pour lesquelles le métier d'enseignant souffre d'un manque d'attractivité.

Allez-vous, dans le cadre de la réflexion engagée sur le métier d'enseignant, prendre en compte la nécessité de rénover les statuts des professeurs du second degré, que l'on s'accorde à trouver trop rigides ? De quels outils disposez-vous aujourd'hui en vue de répondre au défi que représente la mise en oeuvre d'une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, en particulier dans les disciplines les plus déficitaires ? Cette interrogation est liée à la réduction du nombre d'enseignants stagiaires.

Ma seconde question s'inscrit autant dans la perspective du grand débat sur l'école, dont l'un des volets concernera le pilotage du système éducatif, qu'au regard du projet de loi sur les responsabilités locales, que le Sénat vient d'adopter en première lecture. Les nouveaux transferts de compétences prévus posent les fondements d'un rapprochement entre les collèges et les lycées et leur collectivité territoriale de rattachement. A n'en pas douter, la triple exigence de proximité, de souplesse et d'efficacité qui sous-tend la logique de décentralisation requiert, en parallèle, un renforcement de l'autonomie des établissements d'enseignement, gage de la performance de l'action éducatrice. Chaque établissement doit en effet bénéficier de marges de manoeuvre suffisantes pour adapter les méthodes pédagogiques à la diversité des publics scolaires qu'il accueille. Or, la surabondance d'instructions et de rigidités a pour effet de brider toute initiative.

Le premier chapitre de la circulaire de préparation de la rentrée 2003, qui s'intitule « Conforter l'autonomie des établissements », va dans le bon sens. Toutefois, au-delà de ces préconisations, dans quel cadre réglementaire, voire législatif, monsieur le ministre, cette autonomie trouvera-t-elle à s'épanouir, en vue d'insuffler une véritable dynamique de projet au sein des établissements scolaires ?

En ce sens, je tiens à souligner le rôle primordial du chef d'établissement, dont les missions gagneraient à être recentrées sur la définition et l'animation d'un projet propre à l'établissement.

M. Adrien Gouteyron. Bravo !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Alors que le plan quadriennal de repyramidage du corps arrive à son terme en 2004, que prévoyez-vous, monsieur le ministre, en vue de revaloriser la fonction de chef d'établissement, celui-ci étant le réel garant de la cohésion de l'ensemble de l'équipe éducative, celle que l'on dénomme bien souvent la « communauté éducative », et donc de l'efficacité de l'action ?

Enfin, en cette fin d'année 2003, qui a été proclamée année nationale du handicap, j'attirerai votre attention sur la scolarisation des enfants handicapés, qui reste encore, à nombre de titres, un défi pour l'école, malgré les progrès réalisés ces dernières années dans le cadre du plan Handiscol. Des lacunes que l'on ne peut guère tolérer sont en attente de réponses, que ce soit pour assurer aux enfants des parcours scolaires sans rupture ou pour leur offrir les solutions qui leur sont le mieux adaptées.

Nous nous réjouissons, bien sûr, que cette cause nationale soit placée cette année au rang des priorités de votre ministère, avec la mise en place, à partir de la présente rentrée, d'un plan quinquennal en faveur de l'intégration des élèves souffrant d'un handicap.

Dans ce cadre, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser selon quelles modalités l'expérience et le savoir-faire des associations spécialisées seront prises en compte ? En particulier, la mise à disposition de ces associations de contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, comme vous nous l'avez assuré, suffira-t-elle à assurer leur viabilité ? Enfin, en quoi la loi d'orientation sur le handicap, prévue pour 2004, contribuera-t-elle à concrétiser davantage le principe fondamental du droit à l'éducation, dans le sens des préconisations des récents rapports de la Cour des comptes ou de notre collègue député Yvan Lachaud ?

Sous réserve de ces précisions que vous ne manquerez pas de nous apporter, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2004, année qui marquera, à n'en pas douter, un tournant pour notre système éducatif. La commission a manifesté son soutien à la politique de modernisation de l'éducation nationale que vous engagez et a renouvelé sa volonté de contribuer, comme il se doit, au grand débat qui s'est ouvert ces derniers jours, pour aboutir, nous l'espérons, à l'élaboration d'une nouvelle loi d'orientation qui définira les missions que la nation assigne à son école pour les vingt ans à venir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, rapporteur pour avis.

Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement technologique et professionnel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la revalorisation de la filière technologique et professionnelle figure cette année encore au rang des priorités du ministère, priorité étroitement associée à la réalisation de l'objectif assigné à notre système éducatif, consistant à mener chaque élève sur la voie de la réussite. La commission des affaires culturelles se réjouit de ces orientations.

En effet, il est à la fois inquiétant et choquant d'observer que, chaque année, un nombre incompressible d'environ 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans qualification ni diplôme et éprouvent par la suite les plus grandes difficultés à s'insérer de façon stable et durable sur le marché du travail.

L'enseignement technologique et professionnel peut activement contribuer, tant à répondre aux besoins de notre économie qu'à relever le défi lancé à l'école de réduire la fracture scolaire. Cela suppose encore un changement des perceptions pour que l'orientation vers cette filière apparaisse effectivement comme une véritable alternative aux yeux des élèves et de leurs familles et qu'elle résulte d'un choix mûri, fondé sur un projet personnel solide, élaboré avec les conseils et l'appui des équipes éducatives.

Toutefois, il semble que ce travail d'orientation peine encore à donner ses fruits. En effet, en amont du grand débat sur l'école, les premiers éléments de diagnostic sur le système éducatif font état d'un taux de sortie au niveau V de formation, c'est-à-dire au niveau du certificat d'aptitude professionnelle, le CAP, ou du brevet d'études professionnelles, le BEP, encore beaucoup trop élevé, selon l'avis du Haut conseil de l'évaluation de l'école.

A ce titre, pour que la voie professionnelle devienne véritablement synonyme de voie d'excellence, le ministère souhaite encourager les poursuites d'études en facilitant les passerelles entre les filières.

Or - et c'est l'objet de ma première question -, il se révèle que le succès de telles ambitions repose d'abord sur la mise en place de modules spécifiques d'adaptation et de soutien des élèves. Quelles sont, en ce sens, monsieur le ministre, les modalités prévues pour apporter une aide adéquate aux élèves et les encourager à s'engager dans des études professionnelles ? En particulier, prévoyez-vous d'aménager la classe de première d'adaptation pour la rendre plus efficace et plus attractive ?

La seconde inquiétude sur laquelle je souhaite attirer votre attention porte sur les enjeux du recrutement des enseignants dans les années à venir. Je regrette à ce titre que la volonté de revaloriser l'enseignement professionnel ne se traduise pas par un effort budgétaire significatif.

En effet, le projet de budget pour 2004 prévoit la suppression de 1 500 emplois d'enseignant du second degré et de 2 400 enseignants stagiaires, parmi lesquels sont concernés 300 professeurs de lycées professionnels et 400 professeurs de lycées professionnels stagiaires.

Mais, contrairement au second degré dans son ensemble, les effectifs des lycées professionnels connaissent une hausse, en 2003 et 2004, de 0,4 % environ. Cela traduit d'ailleurs l'impact positif de la politique de revalorisation de la filière menée depuis plusieurs années.

De surcroît, si, dans le contexte démographique actuel, la question du renouvellement se pose dans les mêmes termes pour l'ensemble du corps enseignant, cet enjeu est particulièrement sensible dans les filières professionnelles. Alors que plus de 14 000 professeurs de lycées professionnels partiront à la retraite sur la période 2004-2008 et que, par ailleurs, le taux de précarité, de l'ordre de 9,5 %, est déjà beaucoup plus élevé que dans l'enseignement général, nombre de disciplines sont d'ores et déjà confrontées à des difficultés de recrutement.

Un récent rapport diffusé par l'inspection générale de l'éducation nationale a mis en évidence une situation très préoccupante pour onze disciplines professionnelles.

Or, à la session 2003 du concours externe du certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel, le CAPLP, seuls 2 878 postes ont été pourvus sur les 3 105 postes ouverts, et l'on regrettera en outre que le dispositif de prérecrutement via les cycles préparatoires aux concours mis en place en 2002 ne concerne qu'un nombre limité de candidats.

Aussi, monsieur le ministre, de quelle façon envisagez-vous de répondre, à court et à moyen terme, aux besoins importants de renouvellement du corps enseignant des lycées professionnels, en contrepartie du plan de revalorisation de la filière ? Ne serait-il pas nécessaire d'adapter les concours afin de les rendre plus attractifs pour les candidats potentiels, alors que nombre d'entre eux privilégient soit les emplois équivalents sur le marché du travail, soit le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique, le CAPET, destiné à l'enseignement technologique, dont les exigences sont plus proches des études universitaires ?

En ce sens, pensez-vous encourager le recours à la validation des acquis de l'expérience dans les procédures de recrutement des enseignants des filières professionnelles ? Cela permettrait de valoriser chez les candidats leur connaissance solide et concrète du monde de l'entreprise, qui constitue, à n'en pas douter, une plus-value pour la qualité de l'enseignement, profitable aux élèves.

Je reviendrai pour finir sur le dispositif de validation des acquis de l'expérience, le VAE, en indiquant que le développement de ce dispositif bénéficie de l'unique mesure nouvelle concernant l'enseignement professionnel pour 2004.

La montée en puissance maîtrisée de ce dispositif nécessite qu'un certain nombre d'exigences soient satisfaites, ce qui ne semble pas être encore tout à fait le cas.

Quels moyens, pédagogiques notamment, pensez-vous donc déployer en vue d'apporter un soutien aux candidats dans la constitution de leur dossier, alors que la complexité et la lourdeur de la procédure peuvent décourager nombre d'entre eux ? En outre, ne faudrait-il pas, afin d'assurer la qualité du dispositif, prévoir une formation spécifique pour les enseignants participant aux jurys, ainsi que des décharges de service garantissant leur disponibilité ?

Sous réserve de ces observations, et contre les conclusions de son rapporteur, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement technologique et professionnel pour 2004.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Cher monsieur Martin, je souhaiterais d'abord évoquer l'opération « Envie d'agir » dont, comme toujours lorsque les choses marchent bien, on parle peu. Cette opération fonctionne vraiment très bien : les 10 000 projets d'engagement que nous avons proposés aux jeunes ont tous trouvé preneur, et il y en aura 20 000 l'an prochain. Je vous invite, à ce propos, à suivre une belle émission en prime time, comme on dit en bon français, sur France 3, le 15 décembre, qui vous permettra de constater que les concours de l'engagement que nous avons organisés, tant en région qu'au niveau national, donnent des résultats véritablement admirables.

Les contrats éducatifs locaux, auxquels nous tenons tout particulièrement, doivent être recentrés sur certains objectifs. La « réconciliation » administrative de la jeunesse et de l'éducation nationale, ces deux compétences étant réunies dans un même ministère, permet un meilleur cadrage des contrats éducatifs locaux, notamment lorsqu'ils portent sur la prévention de l'illettrisme. Ce projet de budget permet d'ailleurs de créer cinquante contrats éducatifs locaux supplémentaires.

En ce qui concerne les emplois associatifs, qui ont été évoqués à deux reprises, je vous rappelle que le ministère des affaires sociales va mettre en place les contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, qui seront financés par l'Etat soit à 66 %, soit à 33 %. Ce dispositif, qui est bien adapté à l'emploi associatif, sera extrêmement utile aux associations qui s'occupent du handicap, avec la fin, que vont connaître certaines d'entre elles, des emplois-jeunes et la mise en place du statut, plus favorable pour les intéressés, des assistants d'éducation, car il ne faudrait pas que cette situation conduise à déshabiller Pierre pour habiller Paul.

En ce qui concerne la question très difficile et profonde posée par M. Richert sur le service des enseignants, nous assistons, en effet, et vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, à une crise des vocations très importante dans le second degré, et, au contraire, à une augmentation des vocations dans le premier degré.

Cela veut dire que le métier d'enseignant dans le second degré n'est plus aussi attractif qu'auparavant.

En particulier, pour dire les choses simplement, un jeune qui a passé le très difficile concours de l'agrégation, qui totalise donc en moyenne cinq années d'études après le baccalauréat, préférera parfois aller travailler dans le privé plutôt qu'être envoyé dans un collège ou un lycée public souvent éloigné de chez lui et où les conditions d'exercice sont difficiles.

Cette situation mérite attention, car elle résulte d'une absence totale d'anticipation ces dernières années, qui a pour conséquence de nous placer devant une réelle difficulté.

Pourquoi l'enseignement secondaire est-il moins attractif que jadis ? Les enquêtes très intéressantes publiées par la SOFRES sur ce sujet en 2002 révèlent que la première difficulté que rencontrent les enseignants est le manque de motivation de leurs élèves. La deuxième est afférente à l'hétérogénéité des classes et la troisième aux questions d'autorité, de sécurité et de violence. En vérité, lorsqu'on analyse ces trois réponses, on se rend compte qu'elles n'en font qu'une.

Que peut-on faire pour rendre le métier plus attractif ?

D'abord, il faut évidemment remettre le cap sur la maîtrise des compétences de base, ainsi que sur la question de l'autorité, de la violence et de l'insécurité dans les établissements. Il faut, ensuite, imaginer de nouvelles approches du service des enseignants.

Une idée extrêmement intéressante et féconde parfois avancée est la possibilité, pour les enseignants qui le souhaitent, de travailler à deux ou à trois dans une configuration moins traditionnelle que celle où l'on est devant sa classe à affronter seul toutes les difficultés.

Les dispositifs qui ont été mis en place, tels que les TPE, travaux personnels encadrés, et les IDD, itinéraires de découverte, participent de cette idée, mais ils ne vont pas assez loin et, par conséquent, tout ce qui permettra aux professeurs de travailler ensemble doit être encouragé.

L'autonomie des établissements est évidemment la réforme clé. En effet, si nous ne donnons pas plus d'autonomie aux établissements, nous rencontrerons toujours la même difficulté, à savoir qu'au niveau national - et l'on peut toujours ironiser à chaque changement de gouvernement - toute réforme un brin audacieuse suscitera des blocages immédiats.

Il me paraît donc important de mener cette réforme de l'autonomie des établissements, car il s'agit en quelque sorte de la réforme des réformes, celle qui en permettra d'autres. Il est possible de régler de nombreuses questions, même celle des surnombres disciplinaires, au niveau des établissements, mais il est quasi impossible de les aborder au plan national sans qu'aussitôt les gens descendent dans la rue. Et l'honnêteté oblige à dire que tous les ministres de l'éducation nationale, de droite comme de gauche, en font l'expérience depuis des années et des années... (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Quel sera le statut de cette réforme clé de l'autonomie des établissements ? Il devra émerger de ce grand débat que nous ouvrons, mais il faudra, comme pour les universités, être vigilant sur ce sujet.

En ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, je le disais tout à l'heure à Pierre Martin, un effort sans précédent a été consenti par le Gouvernement : 110 millions d'euros, 5 000 auxiliaires de vie scolaire, qui sont recrutés aujourd'hui, contrairement à tout ce qu'on a entendu depuis des mois, qui s'occupent de scolariser les enfants handicapés.

Nous avons également fait un très gros effort quant à la création des UPI, les unités pédagogiques d'intégration, dont le nombre a été multiplié par deux dès la rentrée de 2003.

Ce ne sont pas des mots, ce sont des faits. Il s'agit donc d'un effort extraordinairement important. Toutefois, il est un point sur lequel nous devons être très vigilants : les emplois-jeunes des associations ne doivent pas être recrutés par l'éducation nationale comme assistants d'éducation sans être remplacés par des CIVIS, et je n'ai cessé de militer pour que l'on accélère la création des CIVIS et que ceux-ci soient au maximum affectés dans les associations qui s'occupent de la prise en charge du handicap.

S'agissant de la filière technologique et professionnelle, madame David, je me réjouis de constater encore une fois que nous partageons la même préoccupation de revalorisation de la voie professionnelle.

Vous avez posé une question très précise sur les classes d'adaptation. Elles seront bien évidemment maintenues en première, pour passer des BEP aux voies technologiques, et si possible renforcées, nous y tenons beaucoup. Nous devons encore aller un peu plus loin, en permettant le passage du BAC professionnel au BTS. Il s'agit là d'un enjeu majeur. C'est pourquoi nous devons continuer à inciter les proviseurs des établissements préparant aux BTS à mettre en place des premières années de BTS qui soient de réelles classes d'adaptation pour les bacheliers professionnels.

Quant à la VAE, votre question est là encore parfaitement légitime. Quelquefois, pour certaines personnes qui méritent pleinement de profiter de ce dispositif, la constitution du dossier est plus difficile que l'examen. Il faut donc mettre en place une aide à la constitution du dossier. Il faut aussi avoir conscience que l'organisation des jurys est très lourde. Voilà pourquoi nous avons décidé de débloquer des fonds dans le projet de loi de finances 2004 pour faciliter la mise en place de ces dispositifs de validation des acquis de l'expérience.

Cela dit, la revalorisation de la voie professionnelle passera à mon avis par trois éléments que je rappellerai très rapidement.

Il faut d'abord modifier sur le fond les programmes de technologie des collèges, qui doivent être moins abstraits et mieux prendre en compte la culture professionnelle, celle des métiers. Il faut que tous les enfants, y compris ceux des VIe ou VIIe arrondissements de Paris, aient une idée de la réalité des métiers. Pour l'instant, nous sommes encore très loin de l'objectif, tant il est vrai que les cours de technologie restent extraordinairement abstraits.

Ensuite, la revalorisation de la voie professionnelle se fera - c'est ma conviction - par le développement des dispositifs en alternance au collège.

Enfin, il faut faire clairement apparaître que la voie professionnelle peut être une voie d'excellence. De ce point de vue, le réaménagement que nous avons proposé du lycée des métiers pour permettre que tous les bons lycées professionnels puissent être reconnus comme « lycées des métiers » va tout à fait dans ce sens.

C'est en travaillant à ces trois niveaux, plus qu'au niveau budgétaire, qu'on obtiendra des résultats. Au niveau budgétaire, en effet, la situation des lycées professionnels n'est pas mauvaise. Ces lycées sont bien équipés par les régions et leur problème, depuis des années, malheureusement, est davantage celui d'un déficit démographique.

C'est donc plutôt par d'autres moyens que par le seul renforcement des crédits que l'on valorisera la voie professionnelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir reconnu l'efficacité de l'intervention des régions et des départements s'agissant des lycées et des collèges. C'est un point positif.

M. Jean-Marc Todeschini. Grâce aux impôts locaux !

M. le président. Pas toujours !

M. René-Pierre Signé. Pas toujours, mais souvent !

M. le président. Une bonne gestion n'implique pas forcément une augmentation des impôts !

Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous que la santé conditionne la réussite scolaire. Aujourd'hui les enseignants constatent avec inquiétude la multiplication de situations qui révèlent une dégradation de la santé des adolescents.

Malheureusement, les chiffres ne font que confirmer ce sentiment : plus de 1 600 décès accidentels par an chez les jeunes en âge d'être scolarisés, dont 228 suicides d'élèves de dix à dix-neuf ans, plus de 16 500 demandes de contraception d'urgence émanant, pour la plupart, de mineures, et plus de 80 % des jeunes mineurs reconnaissent avoir essayé au moins une fois la drogue. La drogue circule et s'échange à la périphérie des établissements scolaires. La situation est très préoccupante pour les parents.

En 2002, 741 dealers et consommateurs ont été arrêtés dans les établissements scolaires. Les enfants et les adolescents sont des proies idéales pour les trafiquants. Aussi, l'école doit respecter le contrat qu'elle a avec l'élève et les parents.

Vous avez écrit, monsieur le ministre, dans la Lettre à tous ceux qui aiment l'école : « L'école est avant tout un lieu de travail, où l'on doit reconnaître le mérite. Trop souvent ces dernières années, une certaine démagogie a voulu faire de l'école autre chose, un lieu de vie, un espace ludique qui bannirait tout effort de l'élève en même temps que disparaîtraient toutes les formes d'acquisition d'un savoir solide... » Cette démagogie a ouvert la porte à un certain laxisme favorisant des attitudes et des comportements qui ont permis à la drogue d'entrer dans l'espace scolaire.

Dans mon département de l'Orne, les établissements scolaires ne sont, bien sûr, pas épargnés. Toutefois, il m'a été signalé par la gendarmerie qu'une forme de non-dit était de mises, et bien peu de plaintes sont déposées. Ne serait-il pas souhaitable d'améliorer la communication, afin de mesurer pleinement l'importance de ce fléau ?

Monsieur le ministre, je vous sais conscient de la situation, et ne doute pas de la sincérité de votre démarche pour enrayer ce fléau. Mais sans trop dramatiser la situation, il faut garder à l'esprit que le lien entre consommation de drogues, comme le cannabis, et échec scolaire est aujourd'hui établi.

Vous avez mis en place une politique de santé en faveur des élèves qui s'articule en trois axes : repérer et suivre les problèmes de santé des élèves sans omettre les souffrances psychiques et favoriser l'accès et le recours aux soins ; assurer tout au long de la scolarité la prévention et l'éducation à la santé ; mobiliser les efforts de tous autour du thème de la santé des élèves.

Concernant plus particulièrement la prévention et l'éducation à la santé, vous avez prévu que l'action soit menée en étroit partenariat avec la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et, le cas échéant, sur le terrain, avec la justice.

A l'heure actuelle, tout élève surpris à vendre des produits illicites peut faire l'objet d'une procédure disciplinaire immédiate, en vue de son exclusion, accompagnée d'un signalement aux autorités judiciaires.

Pour lutter contre le tabagisme, vous avez donné, monsieur le ministre, des consignes strictes pour que la loi Evin soit appliquée dans les établissements, tant par les élèves que par les personnels.

M. Jean-Louis Carrère. Ils ont seulement augmenté les taxes !

Mme Brigitte Luypaert. Les élèves et les personnels fumeurs qui souhaitent engager une démarche de sevrage peuvent désormais être aidés par les infirmières scolaires autorisées à délivrer, ponctuellement et gratuitement, des substituts nicotiniques. Vous avez ouvert vingt-deux centres d'expérimentation à la rentrée 2003, dans des établissements volontaires qui jouent un rôle de centre de ressources pour l'information et le conseil contre le tabagisme. Selon la commission d'enquête nationale de lutte contre les drogues illicites, l'éducation nationale n'assumerait pas de façon satisfaisante la mission de prévention qu'elle est censée remplir. Les instruments de prévention dont elle dispose sont-ils sous-utilisés et inefficaces ?

Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, créés en 1990, devaient constituer la structure centrale initiant et fédérant l'ensemble des actions de prévention menées dans les établissements scolaires publics, primaires comme secondaires, d'enseignement général comme d'enseignement professionnel. A cet effet, ils regroupent l'ensemble des intervenants, qu'ils soient issus du milieu scolaire ou extérieurs à celui-ci, parents d'élèves, policiers, gendarmes, magistrats, responsables d'associations.

Ils sont financés par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie et par l'éducation nationale depuis 1995. Ils ont pour objet d'adopter une approche globale des difficultés rencontrées par les jeunes.

La prévention de la violence et celle des dépendances et des conduites à risques constituent les deux axes prioritaires de leur mission. La majorité des établissements en sont dotés, même s'il existe de grandes disparités entre les académies.

Qu'en est-il actuellement, monsieur le ministre, du fonctionnement de ces comités ? Parviennent-ils à remplir leur rôle ? Nous comptons sur vous pour tout mettre en oeuvre afin d'appliquer une politique de prévention à la hauteur de l'enjeu : il en va de la santé de nos enfants, de leur réussité scolaire et de leur avenir. Sachez que notre groupe vous apportera tout son soutien.

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)