COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

Etat C - Titre V (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Anciens combattants

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]

Anciens combattants

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère des anciens combattants.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'entamer la présentation des crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants proprement dits, et parce que le débat que je vais évoquer, non budgétaire, est « hors sujet » et que je refuse de participer à la polémique, je ne ferai que quelques remarques purement objectives sur une question particulière. Je veux parler - tout le monde l'aura compris - de la date commémorative de la guerre d'Algérie.

Le Gouvernement, comme il s'y était engagé, a mis en place une commission, la commission Favier, dont la mission était de réunir les parties prenantes à cette question et, après concertation, de proposer une date commune.

La concertation a effectivement eu lieu. Un vote majoritaire ayant clos ces travaux et le Président de la République ayant, par le biais d'un décret, entériné ce choix démocratique, il me semble qu'il n'y a plus lieu de poursuivre le débat.

Cependant, si différentes associations, pour des raisons qui leur sont propres, préfèrent retenir d'autres dates pour commémorer la mémoire de leurs morts, pourquoi pas ? Tous les conflits sont émaillés de dates plus ou moins symboliques pour chacun. Je pense que la multiplicité de sensibilités ne peut qu'apporter à la mémoire collective et je souhaite, plus que tout, que le monde combattant, riche de cette diversité, se réunifie à nouveau.

J'ai perdu deux bons amis : l'un avant le 19 mars, un autre qui a sauté sur une mine au mois de mai. Croyez bien que, pour les familles encore en vie, peu importe la date de commémoration pourvu qu'on ait une pensée pour eux ! Les Français ont suffisamment de sujets de division pour ne pas se déchirer devant les monuments aux morts.

Venons-en maintenant à ce qui nous préoccupe aujourd'hui.

Comme chaque année, les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants sont en diminution, en valeur absolue. Voilà neuf ans que je suis rapporteur spécial, et voilà neuf ans que je fais ce constat, quels que soient les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite. Et je crains fort, si je conserve cette délégation à l'avenir, d'être obligé de me répéter.

Toutefois, je constate que, cette année, les crédits diminuent moins que les années précédentes. Je me contenterai donc de cette petite satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat. En cette période où le Gouvernement prône la rigueur et les économies, je pense que ce n'est pas si mal. Je retiendrai donc le chiffre de 3,39 milliards d'euros.

Comme l'année passée, vous nous proposez un budget de justice et de solidarité. Nous avons tous en mémoire la mesure de décristallisation ; nous y reviendrons.

Il s'agit tout d'abord d'un budget de justice, car vous généralisez le principe des quatre mois de présence en Afrique du Nord pour l'obtention de la carte du combattant, quand douze mois étaient exigés pour l'ensemble des combattants ; votre prédecesseur avait, en effet, accordé cette dérogation aux seuls policiers et CRS. En 2001, elle avait été étendue aux rappelés. Vous nous proposez de la généraliser à l'ensemble des acteurs présents sur les territoires algérien, tunisien et marocain. Les parlementaires et le monde associatif vous en seront reconnaissants.

Ainsi, de quinze mille à vingt mille combattants devraient bénéficier de cette mesure et jouir des droits auxquels donne accès la carte du combattant, pour une somme évaluée à 3 millions d'euros en 2004. Cette disposition est inscrite dans l'article 74 du projet de loi, sur lequel nous aurons à nous prononcer à la fin du débat. Je souhaite toutefois que vous nous confirmiez que la date butoir qui sera retenue pour l'application de cette mesure sera bien le 2 juillet 1962.

Il s'agit encore d'un budget de justice, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque le Gouvernement, rejetant la discrimination créée par le décret du 13 juillet 2000, a étendu son champ d'application à l'ensemble des orphelins de déportés, quelles que soient les causes de la déportation, dans la mesure où leurs parents ont été « victimes de la barbarie nazie ».

Je ne reviendrai pas sur l'historique de ce contentieux pour lequel il y avait eu, en décembre 2001, un frileux aménagement, car aux orphelins de déportés victimes de persécutions antisémites avaient été ajoutés les orphelins dont les parents avaient été victimes de persécutions raciales.

A cet égard, je tiens à rendre hommage au travail de concertation mené par M. Philippe Dechartre et à la conclusion fort équitable à laquelle a abouti cette commission.

Il vous appartient désormais, monsieur le secrétaire d'Etat, de définir le périmètre des personnes éligibles à ce dispositif. Nous comptons sur vous pour que cette étude soit rapidement concrétisée par un décret, afin que les populations concernées ne soient pas davantage pénalisées.

Je souhaite appeler votre attention sur l'amertume que ressentent, aujourd'hui, les orphelins de guerre et pupilles de la nation, qui ont le sentiment cruel d'être les oubliés de la nation. Ayant pu apprécier vos qualités d'homme de dialogue et de concertation, je vous serais infiniment reconnaissant de leur prêter une oreille attentive en leur proposant la mise en place d'un groupe de réflexion sur les mesures qui pourraient être adoptées, à l'avenir, en leur faveur.

Il s'agit, ensuite, d'un budget de solidarité à l'égard des veuves.

Depuis quelques années, les associations qui sont particulièrement sensibilisées à ce phénomène relativement récent ont appelé l'attention des parlementaires sur la précarité, voire l'indigence, de nombre de veuves d'anciens combattants. Vos prédécesseurs avaient d'ailleurs, eux aussi, perçu et tiré les conséquences de cette évolution, en leur ouvrant les portes de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, dès 1991. L'importante progression des crédits qui leur sont consacrés prouve leur état de nécessité et la récurrence du problème.

Aujourd'hui, d'une part, vous confortez les crédits sociaux de l'ONAC en leur faveur ; d'autre part, par le biais de l'article 73, vous soumettez à notre approbation une augmentation de quinze points d'indice de toutes les pensions de veuves, pour un coût budgétaire de 11,8 millions d'euros.

Je rappellerai qu'en 2002 les pensions servies aux veuves de grands invalides avaient, quant à elles, connu une majoration de cent vingt points. L'augmentation qui nous est proposée cette année constitue une revalorisation de l'ordre de 192 euros et devrait profiter à cent trente mille veuves.

Nous ne pouvons qu'approuver cette mesure. Toutefois, votre rapporteur déposera, au nom de la commission des finances, un amendement purement technique - mais qui permettra au Parlement d'exercer son contrôle sur la mise en place effective de cette disposition en introduisant dans l'article 73 l'obligation de réaliser cette majoration par décret.

Cette nouvelle étape marque la volonté du Gouvernement de faire jouer la solidarité envers les catégories sociales les plus démunies.

A ce stade de mon intervention, je formulerai deux observations.

Tout d'abord, il serait peut-être possible de pousser plus avant cette démarche envers les veuves en instituant un fonds de solidarité en leur faveur, qui tiendrait éventuellement compte de leurs revenus et leur assurerait un revenu minimum par le biais d'une allocation différentielle. Vous le ferez certainement, mais vous le mettrez préalablement à l'étude.

Par ailleurs, il me semble que, par respect du principe de parité, il serait souhaitable d'utiliser les termes de « conjoint survivant » au lieu de « veuve », compte tenu de la différence de traitement qui existe, notamment, entre les veuves et les veufs d'amputés.

Dans ce contexte, je note que la mission de l'ONAC est fondamentale du fait, entre autres, de son action de proximité, que ce soit sous la forme d'aide financière directe, d'aide au maintien à domicile, d'aide ménagère, ou encore d'hébergement en maison de retraite.

L'action sociale de l'ONAC ne se résume pas à l'aide en faveur des anciens combattants et des veuves : elle profite également aux harkis, aux pupilles de la nation, aux victimes d'actes de terrorisme, et se manifeste aussi sous la forme de subventions aux actions sociales des associations.

Je tiens à souligner les progrès importants qui ont été accomplis, tant dans la gestion des maisons de retraite qui sont en cours de conventionnement que dans l'extension du parc d'accueil par le biais de la labellisation, ou dans la réorientation des écoles de reconversion professionnelle, du fait notamment de leur ouverture aux militaires.

Le contrat d'objectifs et de moyens mis en place après décision majoritaire du conseil d'administration ouvre la voie de l'avenir aux services départementaux de l'office, car, à ces actions sociales, il adjoint de façon remarquable une mission mémoriale qui devrait assurer sa pérennité.

Je tiens d'ailleurs, à cet instant, à rendre hommage à ceux qui, avec compétence, détermination et pugnacité, ont su mettre en place ce contrat et ainsi assurer la pérennité de l'ONAC.

Après avoir obtenu, en 2002, son accréditation hospitalière, l'Institution nationale des invalides, l'INI, mène brillamment sa politique de modernisation et d'insertion dans le service public hospitalier, en poursuivant ses efforts d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins prodigués.

Je tiens à souligner l'efficacité avec laquelle l'INI a su gérer le départ du contingent militaire, tout en maintenant le niveau de ses prestations et en élargissant le champ de ses patients. Vous abondez ses subventions de 7,1 millions d'euros, ce qui représente une hausse de près de 9 %.

Après ces brassées de félicitations, il me faut, comme chaque année, émettre des regrets.

Si je me réjouis de la prise en charge des veuves, je regrette toutefois que l'ensemble du monde combattant n'ait pas profité d'un effort du Gouvernement.

Envolé - le mot est peut-être un peu fort - le projet de retraite du combattant à soixante ans ; la plupart des bénéficiaires potentiels ont déjà atteint les soixante-cinq ans.

En revanche, l'augmentation du point d'indice s'avère de plus en plus inévitable. Figée depuis 1977 - je dis bien depuis 1977 ! - elle ne matérialise plus, à sa valeur, le sacrifice consenti. Même si elle ne constitue pas une retraite à proprement parler, la retraite du combattant, qui représente, plus que tout, le droit à réparation, est presque outrageante par sa modicité : moins de 424 euros par an, ce qui équivaut, au prix actuel des cigarettes, à quelques cartouches à peine.

Je souhaite de tout coeur que, d'ici à la fin de la législature, vous fassiez de ce projet une priorité. Conscient du coût élevé d'un tel objectif en raison du nombre important des bénéficiaires potentiels, je m'autoriserai donc à vous suggérer une revalorisation fractionnée en plusieurs étapes, afin d'atteindre, à cette date, les quarante-huit points d'indice souhaités par le monde combattant.

J'exprimerai également des regrets en ce qui concerne l'enlisement du dossier de dédommagement des Reichsarbeitsdienst-Kriegshilfäsdienst, les RAD-KHD, dont nous reparlerons tout à l'heure, puisque Mme Printz, ici présente, connaît bien le dossier.

Pour avoir assisté à la réunion qui s'est tenue à Strasbourg le 12 mai dernier - nous y étions ensemble, monsieur le secrétaire d'Etat, avec de nombreux parlementaires ici présents - je sais toute l'énergie que vous avez déployée pour obtenir l'engagement de la fondation Entente franco-allemande, mais vous nous donnerez ultérieurement de plus amples explications sur ce sujet.

S'agissant maintenant des mesures de décristallisation votées l'année passée, je regrette, même si l'avis du Conseil d'Etat n'a été rendu que le 23 septembre dernier, qu'il ait fallu attendre le 4 novembre pour voir apparaître au Journal officiel le décret d'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002.

Si des problèmes évidents de communication ou d'information des intéressés peuvent encore retarder l'entrée en application des mesures, je souhaite néanmoins attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait que les parlementaires demeurent vigilants à ce que l'Etat français respecte ses promesses envers nos anciens compagnons d'arme et ne profite pas de ces difficultés matérielles pour se désengager.

Je persiste à penser, comme je l'avais préconisé dans la proposition de loi que j'avais déposée en novembre 2000 avec quelques collègues, qu'une augmentation des seules retraites aurait été plus aisée à mettre en oeuvre dans un premier temps, car, rappelons-le, les mesures votées l'an passé n'étaient qu'une première étape dans le processus.

J'ajouterai une remarque : alors que, depuis 1998, nous échappions aux ridicules discussions de marchands de tapis concernant le plafond majorable de la rente mutualiste, la loi de finances de 2003 a rompu avec le principe d'indexation établi fort habilement par votre prédécesseur et qui conduisait, depuis lors, à une majoration systématique de cinq points.

Tout en me réjouissant qu'en seconde lecture, à l'Assemblée nationale, les crédits du titre IV aient été majorés, à titre non reconductible, de 43 600 euros, je constate une forte diminution des crédits alloués à la politique de la mémoire diminution qui trouve probablement une explication dans la sous-consommation des crédits de 2003 - 70 % des crédits seulement ont été utilisés - et dans l'importance de projets non reconductibles, tels que le Mémorial de la guerre d'Algérie, quai Branly. Le choix de laisser à l'ONAC le soin de mettre en oeuvre cette politique localement de façon plus efficace et plus économique, en partenariat avec l'éducation nationale et la culture, peut également l'expliquer.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous poursuivez votre grand projet de « mémoire partagée » avec nos alliés et adversaires d'hier, ce qui, ajouté au développement du tourisme de mémoire, ne peut que valoriser et élargir cette politique.

Avant de conclure, je souhaite vous poser trois questions précises, monsieur le secrétaire d'Etat.

En premier lieu, le principe d'une extension de la réparation, instituée par le décret du 13 juillet 2000, à tous les orphelins de victimes de la barbarie nazie a été acté par le Premier ministre. Lors de la discussion des articles de la première partie, le ministre délégué au budget avait estimé pouvoir donner une réponse avant le vote de l'article d'équilibre de la première partie quant à la date de parution de ce décret, ce qui ne fut finalement pas le cas. Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous indiquer la date à laquelle le décret étendant cette mesure de réparation sera publié, et quelle en sera la traduction budgétaire ?

En deuxième lieu, le décret pris pour l'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002, relatif à la décristallisation, est paru au Journal officiel du 4 novembre dernier : pouvez-vous nous dire quelle sera la traduction budgétaire de ce décret ?

En troisième lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est l'avancée de votre réflexion sur une possible revalorisation du point d'indice de la retraite du combattant ?

Comme je l'ai commencé, je terminerai mon propos par un constat non budgétaire.

Je déplore que le quota de décorations du secrétariat d'Etat aux anciens combattants soit si restreint. Je pense que le Gouvernement échoue dans sa mission pédagogique en n'honorant pas suffisamment des femmes et des hommes qui, au sacrifice de leur jeunesse et parfois de leur sécurité, ont tout donné à la défense de leurs idéaux. A une époque où l'on veut redonner aux jeunes générations les repères qui leur manquent, ce peu de considération pour des actes désintéressés et patriotiques est coupable. Comment demander aux jeunes de respecter ceux-là mêmes que la République ignore ?

En conclusion, dans sa large majorité, la commission des finances du Sénat a émis un avis favorable sur votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la présentation des crédits du secrétariat d'Etat est, chaque année, un moment fort pour le monde combattant ; elle permet de mesurer le chemin accompli et l'engagement du Gouvernement en faveur de ceux qui n'ont pas hésité à risquer leur vie pour la nation.

Je crois pouvoir dire, étant ancien combattant moi-même, que cet engagement ne s'est pas démenti depuis dix-huit mois. Avec ténacité, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez su progresser dans la résolution de questions depuis longtemps en suspens. C'est à l'aune de ces avancées concrètes que nous avons décidé d'apprécier le projet de budget que vous nous présentez.

Les crédits relatifs aux anciens combattants s'élèvent, pour 2004, à 3,4 milliards d'euros, en recul de 3,1 %, soit une baisse sensiblement moins importante que l'an passé.

Une telle diminution n'est, hélas ! pas nouvelle : elle s'explique mécaniquement par l'évolution de la démographie du monde combattant. Malgré la réduction des crédits, j'ai cependant le sentiment que le présent projet de budget permet des avancées importantes.

En 2004, le Gouvernement poursuivra la modernisation entreprise en 2003 en matière de réparation et de reconnaissance des services rendus, deux aspects qui constituent d'ailleurs toujours les premiers postes du budget des anciens combattants.

Je voudrais notamment saluer les efforts engagés pour la rénovation de l'Institution nationale des invalides, l'INI, qui reste un outil au service du droit à réparation auquel le monde combattant est particulièrement attaché. Forte de son nouveau projet d'établissement, cette institution devrait désormais faire profiter le plus grand nombre de son expertise, notamment en matière de prise en charge du grand handicap.

Le projet de budget pour 2004 tire les conséquences de l'accrédidation accordée à l'INI, en donnant enfin à l'Institution les moyens de faire face à ses missions : la subvention que lui verse l'Etat s'élèvera à 7,1 millions d'euros, soit une progression de 9,2 % par rapport à 2003.

Concernant la politique de solidarité, permettez-moi d'abord de constater avec satisfaction l'abandon de la pratique, ancienne et quasi rituelle, qui consistait jusqu'alors à afficher des crédits en baisse dans le projet présenté au Parlement pour les augmenter ensuite au cours de la discussion budgétaire. Cet effort de sincérité budgétaire vous honore. La stabilisation des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants lui permettra de poursuivre son action auprès de ses ressortissants, et notamment des veuves, avec des perspectives financières plus claires.

La politique de solidarité peut également s'appuyer sur le succès des rentes mutualistes du combattant. Si le contexte budgétaire contraint n'a pas permis d'atteindre dès cette année l'objectif d'un plafond majorable fixé à cent trente points, le projet de budget pour 2004 prévoit toutefois 31 millions d'euros de moyens nouveaux pour faire face à l'augmentation du nombre de bénéficiaires de ce dispositif.

S'agissant, enfin, de la politique de la mémoire, il convient de rappeler que l'année 2004 sera particulièrement riche en commémorations. Je voudrais insister sur l'une d'entre elles : la fin de la guerre d'Indochine, qui reste la grande oubliée de notre mémoire collective. Je forme le voeu que cet anniversaire soit l'occasion de rappeler à nos concitoyens, notamment aux plus jeunes d'entre eux, que la lutte alors entreprise par la France n'était pas le simple soubresaut d'un colonisateur agrippé à ses possessions, mais un véritable engagement en faveur de la démocratie et de ses valeurs.

Je ne m'attarderai pas davantage sur l'évolution générale des crédits car, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, je retiendrai surtout les avancées concrètes accordées au monde combattant, ainsi que la volonté de justice et d'équité qui a présidé au choix de ces mesures.

Je suis d'abord heureux de constater que le présent projet de budget apporte enfin des réponses à la situation, à bien des égards préoccupante, des veuves, qui attendaient, depuis longtemps, en effet, une mesure générale à leur égard. L'augmentation uniforme de quinze point des pensions est une mesure de justice qui profitera aux 131 000 veuves pensionnées.

A plus long terme, il me paraît cependant souhaitable d'assouplir les conditions de réversion des pensions pour les veuves d'invalides pensionnés entre 60 % et 85 %, pour lesquelles la réversion n'est pas automatique.

Grâce à la carte de veuve créée en 2003, un rééquilibrage des aides distribuées par l'ONAC a d'ailleurs été déjà amorcé. Ainsi, les veuves, qui représentent 43 % des ressortissants de l'ONAC, ont vu leur part des aides distribuées par l'Office passer de 24 % à 28 % entre 2000 et 2002.

La deuxième avancée permise par ce projet de budget concerne les conditions d'attribution de la carte du combattant. Je vous rappelle que le précédent gouvernement avait aligné la durée de séjour requise pour l'attribution de la carte du combattant aux policiers et CRS sur la durée fixée pour les rappelés, à savoir quatre mois, contre douze mois pour l'ensemble des autres anciens combattants.

Il est désormais proposé d'appliquer cette règle des quatre mois à l'ensemble des combattants ayant servi en Afrique du Nord. Cette mesure d'équité met fin aux polémiques qui divisaient, depuis deux ans, le monde combattant. Toutefois, si l'on voulait parfaire ce dispositif, il me paraîtrait logique de le compléter par une harmonisation des dates de fin des hostilités prises en compte pour l'attribution de la carte.

Je ne saurais conclure la présentation de ce projet de budget sans évoquer une mesure qui n'y figure pas, mais sans laquelle l'appréciation de l'action du Gouvernement en faveur du monde combattant serait incomplète : je veux parler de l'indemnisation des orphelins de déportés.

M. Baudot en a parlé, un sentiment d'injustice avait été légitimement ressenti par un grand nombre d'orphelins de victimes de la barbarie nazie lors de la parution du décret du 13 juillet 2000 qui limitait l'indemnisation à certains orphelins juifs. C'est la raison pour laquelle je me félicite de l'annonce, par le Premier ministre, de la création d'une mesure d'indemnisation équivalente pour l'ensemble des orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, victimes de la barbarie nazie.

J'approuve également la méthode adoptée par le Gouvernement qui, refusant la précipitation, a décidé de recenser préalablement les bénéficiaires potentiels de cette mesure. Il ne s'agirait pas, en effet, de susciter de nouveau un sentiment d'injustice en excluant de ce périmètre des personnes qui pourraient estimer relever du nouveau dispositif d'indemnisation.

Il reste, bien sûr, des questions en suspens ; elles sont toutefois peu nombreuses, et les recommandations que je formulerai rejoignent la réflexion d'ores et déjà entamée par le Gouvernement sur chacune d'elles. Ces recommandations sont donc un encouragement à continuer les efforts entrepris depuis dix-huit mois pour conforter la reconnaissance de la nation à l'égard du monde combattant.

Ma première recommandation vise la retraite du combattant.

Il est évident que le contexte économique et budgétaire actuel ne permet pas d'atteindre, en un an, l'objectif d'une revalorisation de quinze points demandée par le monde combattant.

En revanche, il est possible d'envisager une revalorisation échelonnée sur plusieurs années et, dans ce cadre, une augmentation, même très modeste, dans un premier temps, compte tenu de l'environnement économique, pourrait être prévue : ce serait, pour nous, une marque d'encouragement et une source de satisfaction.

Il s'agirait d'un geste particulièrement fort dans la mesure où l'indice de référence de cette retraite n'a pas été modifié depuis 1954 et qu'elle constitue, en quelque sorte, une « Légion d'honneur » pour les anciens combattants, qui y sont particulièrement attachés.

Ma deuxième recommandation concerne la réforme du fameux rapport constant.

Ce mécanisme est incontestablement utile, et personne ne peut nier que son mode de calcul actuel permet une évolution sensiblement identique à celle des traitements de la fonction publique. Son principal défaut réside dans son manque de lisibilité.

Dans le rapport sur les perspectives de revalorisation des indices de référence utilisés pour le calcul des pensions prévu par la loi de finances pour 2002, est proposée une méthode de simplification du rapport constant qui constitue une base de travail utile. Je ne peux qu'encourager le Gouvernement à mettre en oeuvre ces propositions afin de concilier, à l'avenir, lisibilité du dispositif et dynamisme des pensions.

Ma troisième et dernière recommandation porte sur l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.

Je tiens d'abord à saluer l'initiative du Gouvernement, qui, lors d'une réunion à Strasbourg, en mai dernier, a rassemblé les membres de la fondation Entente franco-allemande et la plupart des parlementaires alsaciens et lorrains afin d'engager la concertation sur un assouplissement des conditions de versement des indemnisations aux catégories d'incorporés de force qui n'en ont pas encore bénéficié.

D'après les informations transmises par le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, le règlement de cette question pourrait passer par une modification des statuts de la fondation.

Il est certain, chacun en convient, que la responsabilité de l'indemnisation des RAD-KHD n'incombe pas à la France. J'encourage toutefois le Gouvernement à poursuivre la concertation engagée à Strasbourg avec la fondation Entente franco-allemande, afin de parvenir au plus vite au règlement de cette question.

Ces trois dernières remarques ne remettent pas en cause mon appréciation sur le projet de budget pour 2004, qui permet, à mon sens, des avancées concrètes et équitables pour le monde combattant.

C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants pour 2004, ainsi qu'aux articles 73, 73 bis et 74, qui leur sont rattachés.

La commission des affaires sociales a déposé sur l'article 73 bis l'amendement n° II-18, qui tend à limiter l'objet du rapport prévu par le présent article à l'élaboration d'un état des lieux du nombre d'anciens combattants et de veuves disposant de très faibles ressources.

La rédaction actuelle de l'article visé est, en effet, trop orientée, car elle propose déjà la conclusion à laquelle le Gouvernement est censé aboutir ! (Sourires.)

La commission estime que, si un recensement des anciens combattants rencontrant des difficultés matérielles particulières est nécessaire, il est en revanche prématuré de proposer la création d'un « statut social » de l'ancien combattant, lequel aurait, de plus, pour conséquence de modifier profondément la nature du droit à réparation.

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;

Groupe socialiste, 24 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des anciens combattants doit avoir pour principal objectif de marquer la reconnaissance légitime de la nation envers toutes celles et tous ceux qui, à un moment de notre histoire, l'ont défendue avec vaillance, courage et dignité. « Ils ont des droits sur nous », disait Clemenceau.

Votre budget doit donc disposer de moyens à la hauteur de cet objectif, monsieur le secrétaire d'Etat.

Qu'en est-il pour 2004 ?

Si l'on examine l'évolution des crédits des différents ministères, quelques budgets progressent par rapport à l'année dernière, d'autres sont en diminution : le vôtre se situe à l'avant-dernière place pour la diminution des crédits, puisqu'il baisse de 3,12 %. Il faut, de plus, tenir compte de l'inflation. Il n'y a que le budget du logement qui régresse encore plus : de 8,8 %, ce qui est catastrophique !

Et encore la diminution de 3,12 % de votre budget est-elle calculée sur les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2003 et non sur ceux qui ont été réellement mis à votre disposition !

Le ministère des finances a, en effet, procédé à trois vagues d'annulations de crédits ; la dernière est très récente, puisque le collectif budgétaire a été présenté au conseil des ministres du 19 novembre dernier. Votre secrétariat d'Etat n'a pas été épargné. Nous souhaiterions connaître de façon précise, pour mieux éclairer notre débat, le montant des coupes budgétaires auxquelles vous avez dû vous soumettre.

Qu'en est-il, en particulier, des 72,5 millions d'euros qui avaient été inscrits pour mettre en route le processus de décristallisation ? C'était la mesure phare de votre projet l'année dernière. Or elle n'a pas connu le plus petit début de réalisation. Est-ce que ces crédits vont s'ajouter à ceux qui ont déjà été repris par le ministère des finances ?

Qu'en est-il aussi des crédits qui étaient prévus, en application de l'article L. 115 du code des pensions, pour des soins médicaux gratuits au bénéfice des pensionnés ? Si mes informations sont bonnes, vos services sont en situation de cessation de paiement ! Il manquerait 20 millions d'euros, qui ont été repris par le ministère des finances. C'est grave !

Si je me permets de poser ces questions, c'est parce que nous sommes devant une situation nouvelle. Les gels, puis les annulations de crédits sont devenus systématiques et, dans ces conditions, nous sommes amenés à douter de la sincérité des budgets qui nous sont présentés. Vos intentions ne sont pas en cause, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous devons juger sur la réalité des moyens qui sont engagés.

La réalité de votre budget est telle que vous ne pouvez présenter que des mesures nouvelles forcément très limitées, même si l'on doit reconnaître leur intérêt et leur utilité. Il en est ainsi de la majoration de quinze points d'indice pour les veuves pensionnées. Mais pourquoi attendre le 1er juillet pour la mettre en application ? Et, comme le fait remarquer le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, notre collègue Marcel Lesbros, si cette augmentation est une mesure juste, elle ne profite qu'aux seules veuves pensionnées, c'est-à-dire les veuves de guerre et les veuves d'invalides. Il n'en est pas de même pour les veuves non pensionnées, notamment les veuves de titulaires de la retraite du combattant. Or beaucoup d'entre elles vivent dans des conditions très modestes. Les crédits sociaux de l'ONAC, qui pourraient permettre de leur venir en aide, ne progressent pas, et rien n'est fait pour compenser la diminution de 12 % qu'ils avaient subie l'année dernière.

Pour ne plus revenir sur l'ONAC, je voudrais me faire l'écho des très vives préoccupations du monde combattant en ce qui concerne la situation difficile, parfois même critique, de l'Office national des anciens combattants et de ses services départementaux. Ceux-ci assurent un service de proximité auquel les anciens combattants sont particulièrement attachés, mais les moyens humains et matériels leur font souvent cruellement défaut.

La deuxième mesure intéressante est l'attribution de la carte du combattant pour quatre mois de présence en Afrique du Nord. C'est la dernière étape d'un long processus qui s'est étalé sur plusieurs années, le temps fort ayant été la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, trente-sept ans après la fin du conflit !

J'y reviendrai au sujet de la date commémorative.

Ce qui importe, c'est de ne pas oublier qu'il y a bien eu une guerre et non des « événements », des « actions de maintien de l'ordre », ou encore une « entreprise de pacification ». Il est temps de rendre cette guerre aux anciens combattants d'Afrique du Nord, parce qu'ils l'ont faite. Et rien ne saurait distinguer un ancien combattant d'Afrique du Nord d'un autre ancien combattant !

Une troisième mesure ne figure pas explicitement dans le texte que vous nous présentez, mais nous ne pouvons la passer sous silence car nous en avons beaucoup discuté l'année dernière, et nous nous devons de saluer les progrès accomplis. Il s'agit de l'extension du champ d'application du décret du 13 juillet 2000, qui se limitait au caractère particulier de la Shoah, par la création d'une mesure d'indemnisation équivalente pour l'ensemble des orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, victimes de la barbarie nazie.

C'est une mesure de justice et d'équité qu'il faut maintenant mettre en oeuvre en veillant à ce que son périmètre ne souffre d'aucune contestation. La question doit être également posée de la date d'effet de cette indemnisation par rapport à ceux qui, entrant dans le champ du décret du 13 juillet 2000, ont choisi la rente viagère et en bénéficient depuis maintenant trois ans.

J'en viens à présent aux questions les plus importantes qui se posent dans le cadre de ce débat.

Comme je le disais au début de mon intervention, votre budget est soumis à de fortes contraintes. Mais au moins pourriez-vous montrer la voie et manifester clairement au ministère des finances vos intentions ; mieux, vos priorités !

Il n'y a rien dans votre projet de budget pour améliorer la retraite mutualiste du combattant.

Il n'y a rien - et c'est beaucoup plus grave - pour revaloriser la retraite du combattant et la porter, par étapes, de 33 points à 48 points. Nous sommes d'autant plus déçus que vous aviez laissé entendre l'année dernière que cette revalorisation était envisagée, pour ne pas dire engagée. Nous attendions donc un geste, une avancée. Or il n'y a rien, et les propos que vous tenez ne nous incitent pas à l'optimisme.

Vous parlez du coût d'une telle mesure : environ 50 millions d'euros pour une tranche de trois points - ce serait le minimum pour une première étape. Mais vous oubliez les crédits que l'on vous a repris ! Ces crédits étaient à votre disposition, il fallait les défendre ! Ils vous auraient même permis de financer cinq points d'augmentation. Nous présenterons donc un amendement visant à ne pas différer plus longtemps cette mesure, très attendue par le monde combattant.

Je voudrais maintenant aborder une question qui n'a aucune incidence financière, mais qui revêt une profonde signification sur le plan de l'histoire et du sens moral qui s'y attache : celle du choix de la date de la « journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord ».

Sans en référer au Parlement, le Gouvernement impose par décret la date du 5 décembre. Pourquoi le 5 décembre, qui ne correspond à aucun événement connu de la guerre d'Algérie ? Uniquement parce que, l'an dernier, Jacques Chirac était libre ce jour-là et qu'il a ainsi pu inaugurer le Mémorial national de la guerre d'Algérie : l'inauguration était prévue le 27 novembre ; il y a eu un empêchement, elle a eu lieu le 5 décembre. Mais vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que, « en fonction de l'agenda du Président, cela aurait pu aussi bien être le 4 ou le 6 décembre ». En d'autres termes, c'est une date vide de sens, c'est une date illisible : le hasard a prévalu sur l'histoire de la guerre d'Algérie. Les anciens combattants de cette guerre se considèrent comme humiliés par le choix qui a été fait.

Je l'ai déjà dit, il est temps de leur rendre cette guerre, parce qu'ils l'ont faite et que personne ne pourra le nier. Il ne s'agissait pas d'une « oeuvre de colonisation à la française », comme certains nostalgiques de l'Algérie française et de l'OAS voudraient nous le faire croire. C'était bien une guerre, et nous devons l'assumer en tant que telle. C'est une justice que nous devons aux anciens combattants, et c'est leur honneur et leur dignité.

La seule date qui ait une signification historique pour cette guerre est celle du 19 mars 1962, même s'il est vrai qu'il y a eu des morts, de très nombreux morts, hélas ! après cette date.

On s'interroge actuellement sur les responsabilités. Vous avez vous-même dit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y a eu « une responsabilité collective vis-à-vis des harkis » et que la France « n'a pas été assez rigoureuse ». Nous le déplorons profondement.

Nous savons, hélas ! qu'un cessez-le-feu ou un armistice ne signifie pas un retour immédiat, instantané, à la paix ; mais il constitue la date que l'on retient, la seule que l'on ne puisse pas remettre en cause. Faut-il rappeler que le cessez-le-feu du 19 mars 1962 a été approuvé par 90,8 % des Français lors du référendum du 8 avril 1962 ? C'est faire injure au général de Gaulle que de vouloir effacer cette date de notre histoire ! Et c'est traiter par le mépris le Parlement que de ne pas en avoir référé à la représentation nationale ! C'est faire bien peu de cas de l'opinion publique, qui, dans la dernière enquête effectuée par l'IFOP, se prononce à 79 % pour le 19 mars. Le chef de l'Etat avait déclaré qu'il ne prendrait pas de décision qui ne ferait pas « l'unanimité ». Mais c'était pendant la campagne électorale !

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut des moyens financiers pour faire un bon budget des anciens combattants, mais cela ne suffit pas. Il faut forcément que la mémoire et le sens de l'histoire y impriment leur marque. Or il n'y a ni les uns ni les autres dans votre projet de budget.

Avec tristesse, car il s'agit des anciens combattants, les sénateurs socialistes seront contraints de s'y opposer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'essentiel a déjà été dit - et bien dit -, notamment par nos rapporteurs, sur ce projet de budget des anciens combattants pour 2004.

Permettez-moi de saluer les mesures positives qu'il comporte, notamment l'attribution de la carte du combattant pour quatre mois de présence en Afrique du Nord. Si le temps pris en compte est bien délimité par le début du conflit dans chaque pays concerné et par la date du 2 juillet 1962, pour sa fin, je crois que vous aurez définitivement réglé le contentieux lié à l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants en Afrique du Nord, près de trente ans après le vote de la loi de décembre 1974. Je ne peux que vous en féliciter, monsieur le secrétaire d'Etat.

L'amélioration des pensions des veuves de guerre mérite également d'être saluée, puisque vous prévoyez une majoration uniforme qui devrait permettre une revalorisation d'environ 192 euros. Ce n'est pas négligeable.

Vous vous apprêtez également à régler le douloureux problème de l'indemnisation des orphelins de déportés : Dieu sait si nous fûmes, les uns et les autres, interpellés sur ce sujet, et je regrette aujourd'hui encore que le gouvernement précédent ait cru devoir faire une distinction entre les orphelins de déportés de confession israélite et les autres.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur vous pour que le recensement des différentes victimes de la barbarie nazie soit terminé le plus rapidement possible, pour que cette mesure ait bien un effet rétroactif et pour que, désormais, nul - je dis bien nul - ne soit écarté de cette indemnisation.

Nos collègues ont déjà eu l'occasion de s'exprimer sur la décristallisation partielle des pensions et retraites des anciens combattants originaires, essentiellement, d'Afrique.

Le rapporteur spécial, Jacques Baudot, a exposé les difficultés que soulève cette mesure. Nous les comprenons, évidemment, mais nous souhaitons que cette disposition ne soit pas perdue de vue et qu'une issue favorable soit trouvée aussi vite que possible.

D'autres problèmes, malheureusement, ne sont pas réglés.

Je pense notamment à la revalorisation du montant de la retraite du combattant, qui a pourtant été envisagée voilà quelques mois. Vous connaissez l'attente des anciens combattant à ce sujet : ils souhaiteraient que, progressivement, la retraite soit calculée sur l'indice 48 des pensions militaires d'invalidité, au lieu de l'indice 33 actuellement. Je comprends, monsieur le secrétaire d'Etat, que la situation économique et budgétaire ne permette pas de satisfaire cette demande dans l'immédiat. Je souhaite néanmoins qu'elle ne soit pas perdue de vue et trouve un début de solution dès que la conjoncture s'améliorera.

Il me semble par ailleurs regrettable que le plafond majorable de la rente mutualiste des anciens combattants ne soit pas relevé.

Enfin, les associations d'anciens combattants nous ont alertés sur la nécessité de mettre en place une allocation de solidarité aux veuves d'anciens combattants les plus modestes et de majorer les crédits sociaux destinés à venir en aide aux anciens combattants les plus démunis. Elles ont également signalé que certains services départementaux de l'ONAC se trouveraient dans une situation difficile et que les moyens humains et matériels leur feraient quelquefois défaut pour assurer le service de proximité, auquel les anciens combattants sont très attachés.

Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur ces différents points, vous serez en mesure de nous apporter tous les apaisements souhaitables.

Pour terminer, il me paraît important de maintenir à un niveau élevé les crédits dédiés à la politique de mémoire : une nation qui ne connaît pas son passé est une nation sans avenir.

Comme vous le savez, le département que j'ai l'honneur de représenter au Sénat compte de nombreux lieux de mémoire dédiés au conflit 1914-1918, auquel, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois savoir que des membres de votre proche famille ont participé. La Meuse, où, précisément, des noms comme Verdun, Douaumont ou les Eparges ont une véritable signification, est évidemment très intéressée par un tel projet. J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que je serais personnellement heureux et honoré de vous accueillir à Verdun.

Mais, puisque je viens de traiter de l'impératif de mémoire, permettez-moi de conclure sur le choix du 5 décembre comme journée d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, choix qui a déjà été évoqué.

En ma qualité d'ancien d'AFN, où, comme bien d'autres - c'était le tarif, à l'époque -, j'ai passé vingt-huit mois, je trouve cette décision quelque peu dérangeante. La date retenue n'a effectivement aucun lien avec la réalité historique : il est dès lors à craindre que cette commémoration ne soit vide de sens, en particulier pour les jeunes générations.

M. Gilbert Chabroux. Absolument !

M. Claude Biwer. Ce n'est pas ainsi que l'on renforcera la politique de mémoire !

J'ajoute, pour le déplorer une fois encore, que nous nous retrouvons de moins en moins nombreux devant les monuments aux morts pour célébrer la mémoire de ceux qui sont tombés pour la France et pour la liberté au cours de toutes les guerres. Etait-il opportun d'ajouter une nouvelle date commémorative à celle du 11 novembre et du 8 mai ? Je ne répondrai pas à cette question. Seuls comptent, c'est vrai, la mémoire et le respect qui s'y attache. Le 11 novembre aurait été, à mes yeux, un jour assez significatif s'il avait été transformé en journée solennelle du souvenir à la mémoire des victimes de toutes les guerres.

Le choix du 5 décembre me paraît d'autant plus regrettable que, bien qu'exerçant à l'échelon local des responsabilités au sein des anciens combattants d'AFN, je ne pourrai être présent dans mon département ce jour-là : je serai à cette tribune, pour participer à la discussion du budget de la défense. Cette première sera donc pour moi, d'abord, une absence ! Raison de plus, peut-être, pour considérer qu'il y avait lieu de rassembler la mémoire dans sa globalité et, bien sûr, dans le respect qui s'y attache.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, je voulais dire mon accord et celui de l'Union centriste et vous indiquer que, comme il se doit, nous voterons et soutiendrons votre projet de budget, car nous considérons qu'il va dans le bons sens, compte tenu des moyens aujourd'hui disponibles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà quelques jours a été célébré le quatre-vingt-cinquième anniversaire de l'armistice de 1918, au cours duquel d'émouvantes cérémonies nous ont rassemblés sur tout le territoire de la République autour de nos derniers « poilus ». Dans quelques semaines débutera une année importante pour le devoir de mémoire puisque 2004 sera marquée par plusieurs anniversaires : les soixante ans des débarquements et de la Libération, les quatre-vingt-dix ans de la victoire de la Marne et les cinquante ans de la bataille de Diên Biên Phu.

C'est donc avec émotion que, à mon tour, je m'exprime sur le projet de budget des anciens combattants, en pensant au visage familier de tous ceux que je côtoie régulièrement à l'occasion des cérémonies du souvenir, particulièrement, bien sûr, dans mon département de Vaucluse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'année dernière, à la même époque, ici même, je m'étais réjoui de votre volonté de travailler dans un esprit de concertation et de dialogue avec les associations représentatives afin de répondre, en procédant par étapes - des étapes, il faut le souligner, clairement planifiées -, aux préoccupations catégorielles du monde combattant.

Cette méthode de travail, ce pragmatisme affiché, n'ont effectivement pas tardé à porter leurs fruits, puisque, dans un contexte économique que tout le monde a évoqué et sur lequel je ne reviendrai pas, de nombreuses avancées ont vu le jour.

Je me priverai d'autant moins, au cours de mon intervention, de revenir sur ces aspects positifs que certains de mes collègues, à cette tribune, n'ont pas hésité à en réclamer toujours davantage ! Il est dommage que, à l'époque où ils avaient la possiblité de prendre ces mesures, ils ne l'aient pas fait !

Aujourd'hui, c'est vrai, malgré les difficultés budgétaires et les évolutions démographiques inhérentes au monde des anciens combattants, nous avançons. Sans revenir sur tous vos efforts, monsieur le secrétaire d'Etat - vous-même et le rapporteur spécial, Jacques Baudot, les avez évoqués dans le détail -, je me contenterai d'insister sur les décisions du Gouvernement les plus marquantes, à mon sens, et sur votre propre action à la tête du secrétariat d'Etat.

En premier lieu, vous me permettrez d'évoquer rapidement, à l'instar de M. le rapporteur spécial, la décision de retenir la date du 5 décembre pour célébrer officiellement l'hommage de la République aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord.

Je ne reviens pas sur les différents épisodes - nous les connaissons tous très bien - qui ont marqué ce long feuilleton du choix d'une date qui emporte, si possible, l'adhésion du plus grand nombre. Il faut de nouveau souligner que vous vous êtes attaché à mener une concertation sur ce point avec l'ensemble du monde des anciens combattants.

Cette date doit permettre de rendre - enfin ! - à ces hommes, dans une sérénité retrouvée, l'hommage mérité de la nation.

Je voudrais insister sur la qualité de votre action, monsieur le secrétaire d'Etat, car le débat, souvent violent, entre les partisans des différentes dates proposées ne faisait pas toujours honneur à notre pays et entachait le devoir de mémoire que la nation doit à ses combattants d'Afrique du Nord.

Monsieur Chabroux, je ne peux pas oublier - et nous sommes nombreux à ne pas pouvoir oublier - les massacres dont de nombreux membres de la communauté harkie ont été victimes après la date du 19 mars 1962.

M. Gilbert Chabroux. Je l'ai dit ! J'ai dit aussi que l'on s'interrogeait sur les responsabilités !

M. Alain Dufaut. Personnellement, je souhaite désormais que, loin de ces débats passés, nous nous rassemblions chaque 5 décembre pour rendre aux combattants morts pour la France en Algérie, au Maroc et en Tunisie l'hommage qu'ils méritent. Et je ne pense pas, disant cela, faire injure au général de Gaulle, bien au contraire ! (Murmures dans les tribunes du public.)

L'année dernière, j'avais également noté avec satisfaction, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort portant sur la mise en oeuvre d'un véritable début de décristallisation des pensions des anciens combattants et victimes de guerre des pays devenus indépendants, tout en m'interrogeant sur les modalités de règlement de ce dossier, il est vrai relativement complexe.

Avec la publication, le 4 novembre dernier, du décret d'application du dispostif législatif adopté à la fin de l'année 2002 et avec l'arrêté portant exécution pour la comptabilité publique du versement aux ayants droit avant la fin de l'année, nous voilà totalement rassurés. Je vous remercie, car les anciens combattants concernés attendaient depuis longtemps cette reconnaissance de leurs sacrifices.

Par ailleurs, je voudrais revenir rapidement sur deux autres revendications importantes. Je veux parler, d'une part, de l'amélioration de la situation des veuves d'anciens combattants, qui permet de procéder à une augmentation de quinze points d'indice de toutes les pensions de veuves pour un coût estimé à 11,84 millions d'euros en 2004, et, d'autre part, de l'extension de l'attribution de la carte du combattant.

Cette dernière mesure retient particulièrement mon attention, puisque nous étions déjà intervenus auprès de vous pour appuyer les légitimes revendications des associations représentatives à ce sujet. Je rappelle, en effet, que les policiers et les membres des compagnies républicaines de sécurité ont bénéficié de dispositions allant dans le même sens. Je ne peux, avec eux, que m'en réjouir.

Il s'agit, me semble-t-il, d'une mesure de justice que le précédent gouvernement n'avait pas su ou pas voulu prendre. Là encore, monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous le devons, et il convient de vous en remercier.

J'en viens à l'évocation de la situation des orphelins de guerre et pupilles de la nation. J'avais déjà abordé cette question l'an dernier, et je reconnais que les choses ont considérablement avancé depuis, sur la base du rapport du député Philippe Dechartre. Il convient maintenant que ce dossier aboutisse et que tous les orphelins dont les parents ont été victimes du nazisme puissent bénéficier d'une indemnisation identique à celle qui est destinée aux orphelins des déportés de la Shoah. Nous savons pouvoir compter, à cet égard, sur votre action dans les prochains mois, monsieur le secrétaire d'Etat. Par anticipation, nous vous remercions.

C'est pourquoi, au regard de toutes les mesures positives que je viens d'énoncer, mais aussi sur la base de la confiance que nous vous accordons pour résoudre les difficultés qui demeurent, par exemple la question de la revalorisation de la retraite du combattant, le groupe UMP du Sénat votera votre projet de budget.

Je me permettrai, en conclusion, de vous exprimer à titre personnel ma reconnaissance pour la grande disponiblité et pour l'efficacité avec lesquelles vous-même et vos services mettez un point d'honneur à répondre aux sollicitations des parlementaires. C'est suffisamment rare pour que vous en soyez aujourd'hui publiquement remercié.

M. le président. La parole est M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'Etat, pour la deuxième fois, votre budget est en régression. La transition annoncée l'an dernier promet donc de durer ! Vous pouvez, certes, vous prévaloir d'une moindre régression, mais le compte n'y est pas pour autant.

Votre projet de budget ne peut satisfaire les générations du feu et leurs ayants droit, dont le nombre va augmenter compte tenu de l'arrivée des plus jeunes, avec le « papy-boom ».

De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget n'est pas sincère. Vous jouez avec les chiffres. Certes, notre collègue Marcel Lesbros a cru bon, dernièrement, de souligner la sincérité de votre budget, mais ce qui l'a amené à le qualifier ainsi n'est pour moi que la suppression d'une hypocrisie qui consistait à ne pas inscrire en totalité dans le budget les crédits sociaux de l'ONAC.

Je vais a contrario vous donner deux exemples d'insincérité budgétaire.

Vous avez annoncé l'an dernier une première étape très attendue de la décristallisation des pensions des anciens combattants de l'ex-Union française. Or - et vous ne pourrez pas me contredire, car c'est un fait - le décret a été signé il y a quelques jours, donc en ce mois de novembre, et nous ne savons même pas quel montant budgétaire est attribué. Nous craignons d'ailleurs qu'il ne se réduise à des miettes. Voilà comment l'on gagne un an en ne consommant pas des crédits !

Vous vous réjouissez par ailleurs d'avoir, en 2003, relevé de 7,5 points - au lieu des traditionnels 5 points - le plafond majorable de la rente mutualiste. Nous nous en féliciterions également si vous ne réduisiez cette année cet effort à néant en rompant avec l'objectif unanimement approuvé d'une progression devant aboutir à 130 points.

Entre glissements, gels, non-consommation, admettez que l'on peut faire à peu près dire ce que l'on veut à un budget !

M. Gilbert Chabroux. Absolument !

M. Guy Fischer. Et votre gouvernement ne s'en est pas privé tout au long de l'année 2003.

Certes, vous avez donné satisfaction à une revendication attendue : l'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant pour quatre mois de présence en Algérie, en Tunisie ou au Maroc. Nous apprécions que les périodes prises en compte pour l'Algérie, la Tunisie et le Maroc aient toutes la même date butoir, à savoir le 2 juillet 1962. Mais pourquoi commencer au 1er juillet de l'an prochain, et non au 1er janvier ? Encore une fois, c'est un tour de passe-passe budgétaire !

Certes, vous avez avancé dans la voie de l'amélioration des pensions des veuves, et j'y reviendrai dans mon propos, mais, encore une fois, vous gagnez six mois en faisant intervenir la mesure en juillet !

J'en viens à présent aux dossiers qui paraissent les plus préoccupants à mon groupe et à moi-même. Je ne serai pas exhaustif, car le temps m'est compté.

J'ai déjà évoqué la décristallisation des pensions et le plafond majorable de la rente mutualiste. Comme l'an dernier, nous sommes très inquiets pour la retraite du combattant. Une fois encore, l'histoire se répète, et c'est une triste histoire. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous suscitez une immense déception au sein du monde combattant, alors que vous aviez laissé supposer, il y a tout juste un an, que vous envisagiez une mesure de revalorisation.

C'est pourquoi, par amendement, je proposerai tout à l'heure à notre assemblée une première étape de revalorisation visant à atteindre, par paliers, l'indice 48 d'ici à la fin de la législature.

Le deuxième point de mon intervention concernera l'ONAC. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous faites des annonces qui ne reflètent de façon juste ni les réalités financières ni les réalités quotidiennes telles qu'elles sont vécues dans chaque département.

Les crédits s'élèvent à 12,135 millions d'euros, soit l'équivalent du budget de 2003. Autrement dit, c'est une baisse à niveau constant qui affectera des lignes d'action aussi importantes que l'appareillage, par exemple. Le fait que les crédits sociaux stagnent est très grave. N'oublions pas, en effet, que vous les aviez réduits de 12,5 % dans le budget précédent.

J'ai par ailleurs beaucoup de soucis pour le fonctionnement des services départementaux. Il est incontestable que les effectifs diminuent alors qu'il s'agit du service de proximité dont les anciens combattants ont le plus besoin pour se rassurer, se faire expliquer des dossiers, etc. La qualité de ce service est en baisse, et nous le déplorons sincèrement.

Parlons maintenant de la situation des veuves. Les mesures dont vous vous louez concernent en fait seulement 130 000 veuves de guerre et veuves de grands invalides, et encore à compter du 1er juillet au lieu du 1er janvier. Quant aux 400 000 autres veuves, elles ne constateront aucune amélioration de leur situation.

Je voudrais également vous parler de l'indemnisation des orphelins, hors persécutions antisémites. La décision est prise, et nous vous en remercions, de les indemniser de la même façon, mais pourquoi faut-il donc que vous atermoyiez pour définir le périmètre, prétendument afin de ne pas perpétuer des injustices ? Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, des explications précises et de la transparence sur ce point ô combien sensible !

J'en viens aux crédits et à la politique de la mémoire, pour déplorer que ces crédits soient en diminution de 186 500 euros. Je suis régulièrement les travaux de mémoire remarquables d'un collège de mon département, et je regrette sincèrement que les parents d'élèves soient parfois obligés de contribuer eux-mêmes financièrement à ces travaux.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut revoir votre politique en ce domaine. C'est fondamental. Un exemple : vous aviez promis cent emplois « mémoire » ; si je ne m'abuse, il n'y en aura que soixante-sept en activité en 2004.

Nous pourrions également parler de la collecte des témoignages sur la guerre d'Algérie. Il est important de financer de telles recherches pour la dernière génération du feu.

J'ai conscience de n'avoir pas parlé de tout, mais mon temps est compté. J'aurais dû vous interroger aussi sur le rapport constant, qui doit impérativement être simplifié, sur les STO, qui sollicitent l'attribution du titre de reconnaissance de la nation - ce sont des réfractaires qui ont refusé de participer à l'effort de guerre nazi -, sur les RAD KHD, pour lesquels il n'y a toujours pas de solution, bien que, je vous l'accorde, il y ait eu des réunions de concertation, sur l'AFANOM, l'association des fonctionnaires d'Afrique du Nord et d'outre-mer. Mais nous prolongerons le débat à l'occasion de l'examen des amendements pour tenter d'obtenir de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, des engagements.

Je vais conclure sur la mémoire, en vous exprimant mon indignation, notre indignation sur la date retenue pour la commémoration de la fin de la guerre d'Algérie.

La date du 19 mars transcendait tous les clivages partisans. J'en veux pour preuve l'excellente argumentation de notre collègue Georges Colombier, député de l'UMP, qui dénonce le choix de la date du 5 décembre comme une imposture. Il affirme, et je reprends son affirmation à mon compte, « qu'aucune date ne correspond à l'esprit de recueillement, de concorde et de réconciliation » mieux que le 19 mars. J'affirme avec lui que le 5 décembre est totalement dépourvu de sens historique. C'est un choix incompréhensible de l'avis de tous ceux, enseignants, chercheurs, qui font l'effort de faire comprendre à leurs jeunes élèves sur quels repères historiques on doit faire preuve de mémoire.

Gilbert Chabroux a dit : le hasard n'est pas mémoire. C'est très vrai, et je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut que vous le sachiez : les anciens combattants d'Algérie ont été abusés. C'est d'ailleurs en substance ce que m'ont dit dans leur grande majorité mes amis anciens combattants.

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous voterons contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans un projet de loi de finances pour 2004 marqué par la rigueur, et malgré une baisse des crédits de 3,12 %, le projet de budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants maintient pratiquement sa capacité d'intervention, redressant même légèrement la barre par rapport à l'année précédente.

Il convient en effet de mettre en regard de ces crédits l'effritement du nombre des ressortissants de ce département ministériel, qui est de l'ordre de 4 % par an. Pour exemple, les survivants de la Première Guerre mondiale ne sont plus qu'au nombre de 36, alors qu'en 2001 ils étaient encore 200.

L'essentiel - 91 % - des fonds affectés au secrétariat aux anciens combattants est consacré à la réparation de l'invalidité et à la reconnaissance des services rendus. Ces 91 % représentent 3,1 milliards d'euros. Ils tiennent compte de l'évolution démographique du monde combattant et traduisent deux mouvements contradictoires. D'une part, on enregistre une augmentation des crédits relatifs à la retraite du combattant du fait de l'arrivée à l'âge de soixante-cinq ans de contingents importants d'anciens combattants d'Afrique du Nord. D'autre part, on constate une diminution des crédits destinés au financement du droit à réparation liée à la diminution des effectifs pensionnés.

L'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant pour nos concitoyens ayant servi en Afrique du Nord était une demande continue des organisations depuis la circulaire du 23 juillet 2001. Le Gouvernement a décidé d'attribuer désormais cette carte à l'ensemble des personnes justifiant d'au moins quatre mois de séjour en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Compte tenu de la durée moyenne des séjours, ce sont de 15 000 à 20 000 anciens combattants qui pourraient désormais bénéficier de ces nouvelles dispositions. Cette mesure représente un effort de 3 millions d'euros.

Cette extension de l'attribution de la carte du combattant a réactivé la demande de la fédération nationale des anciens combattants des missions extérieures qui souhaiteraient également bénéficier de cette reconnaissance au nom de l'équité. Le nombre des intéressés étant limité, le coût de la mesure le serait aussi. Si effectivement les critères de définition sont remplis, rien ne justifierait leur éviction.

J'en reviens au conflit algérien. Il faut admettre que le dossier des rapatriés, de même que celui des harkis, attend plus de quarante ans après l'indépendance de l'Algérie d'être clos.

Le groupement national pour l'indemnisation des biens spoliés ou perdus, le GNPI, estime que les lois de 1970, 1978 et 1987 n'ont compensé que très partiellement les dépossessions et que, dans ces conditions, l'indemnisation couvre non pas 58 % des dommages subis mais seulement 22 %. Il ramène cette estimation à 10 % si l'on tient compte de la privation de jouissance.

Il y a un an, le nombre des rapatriés a été estimé à 1,5 million, auxquels ont été consacrés près de 14 milliards d'euros. Dans le rapport rédigé par M. Michel Diefenbacher, député et parlementaire en mission, il est précisé qu'il faudrait doubler l'effort de ces trente dernières années, ce qui inclurait la restitution des sommes prélevées au titre du remboursement des emprunts en les exonérant d'impôt. Il est proposé d'étendre des dispositions aux rapatriés de la Tunisie et du Maroc.

Lorsqu'on aborde ces événements, parler des harkis s'impose. Alors qu'ils s'étaient engagés au côté de la France, les massacres dont ils ont été victimes dans l'Algérie devenue indépendante et les difficultés de leur intégration personnelle et familiale en métropole n'ont été que partiellement pris en compte, et il existe toujours envers eux une dette qui n'est pas entièrement acquittée. Après beaucoup de difficultés et de controverses, on estime entre 60 000 et 80 000 le nombre des victimes.

Les harkis souhaitent être des citoyens comme les autres, et cela ne sera vraiment possible que lorsque les nécessaires mises à niveau auront été faites. Les familles de harkis doivent bénéficier d'un accompagnement renforcé et de mesures de discrimination positive en matière d'emploi et de logement, aussi longtemps que le taux de chômage constaté dans leur communauté restera anormalement élevé. La question se pose également pour ceux qui se sont installés dans les pays européens limitrophes, comme l'Allemagne ou la Belgique.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir sur ces questions des précisions sur les actions gouvernementales engagées ou à venir.

Afin de parachever le devoir de mémoire sur cet épisode douloureux de notre histoire, il convient de faire du mémorial de Marseille non seulement un haut lieu de souvenir, mais aussi un centre de recherche, d'échanges et de diffusion. Le financement de l'ensemble de ces opérations pourrait être trouvé dans les crédits consacrés aux nécropoles et à leur rénovation.

Justement, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe d'études sénatorial des anciens combattants, au nom duquel le président Cléach, absent, a bien voulu me demander de m'exprimer, s'interroge sur le taux de consommation des crédits affectés à l'entretien des nécropoles, qui plafonne à 60 % depuis plusieurs années alors qu'il est fait état de rénovations en souffrance ou inachevées.

Sur votre initiative, monsieur le secrétaire d'Etat, une enquête a été diligentée en octobre 2002 afin de dresser l'état des sépultures de guerre en France. Elle a concerné 265 nécropoles nationales et 2 800 carrés militaires, et a confirmé les estimations antérieures.

Pour l'essentiel, les lieux à remettre à niveau sont situés dans l'Aisne, la Somme, la Seine-et-Marne, la Marne, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle. Après les travaux effectués depuis le lancement du nouveau programme en 2000, il restait 12 % des nécropoles à restaurer, 13 % environ des monuments et des ossuaires à traiter, 15 % environ des murs d'enceinte, portes d'accès, allées ou escaliers à remettre aux normes de sécurité, 6 % des bâtiments annexes à réparer. Plusieurs opérations du même type sont programmées à l'étranger.

Dans quelle mesure est-il possible d'accélérer la réalisation de ces travaux, au moins à hauteur de l'enveloppe financière existante ? Bien que la manne ne soit pas sans fin, ne pourrait-on également, par redéploiement des crédits, revaloriser l'indemnité quasi symbolique versée au Souvenir français, qui entretient les sépultures ?

Les crédits consacrés aux actions de solidarité augmentent, significativement, de 7 %, sous l'effet notamment de la montée en charge des revalorisations successives des majorations des rentes mutualistes. La stabilité des fonds destinés à l'ONAC permet de mettre fin à une pratique de rétablissement des crédits à leur cours de discussion insatisfaisante. Ainsi, l'effort en faveur des veuves est renforcé par la pérennisation des crédits à leur niveau de 2003. Pour cette même catégorie, l'ensemble des pensions régies par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre seront relevées de quinze points d'indice, ce dont on peut se féliciter.

Cela amène une deuxième question, monsieur le secrétaire d'Etat : peut-on espérer les voir assortir, lors des prochains exercices, de la réversion ?

Des considérations administratives ont conduit, cette année, à renoncer au système éprouvé de la mise en place par l'ONAC, auprès de nos ambassades, des crédits d'aide sociale destinés aux anciens combattants résidant hors de France. La fin de l'année est toute proche et nombreux sont ceux, en particulier, parmi les plus démunis, qui n'ont pu recevoir le secours dont ils ont besoin.

Troisième question, serait-il possible, monsieur le secrétaire d'Etat, de remédier dans les plus brefs délais à cette situation ?

Dans le cadre de l'élargissement du champ de l'indemnisation accordée aux orphelins de la Shoah par le décret du 13 juillet 2000 aux autres catégories d'orphelins de la barbarie nazie, il est à noter que le dispositif n'apparaît pas dans le projet de loi de finances pour 2004.

D'où ma quatrième question, monsieur le secrétaire d'Etat : est-ce à dire qu'il leur faudra attendre une année supplémentaire pour bénéficier de cette réparation ?

Ce point m'amène à évoquer les droits des pupilles de la nation et orphelins de guerre ou victimes du devoir au titre des conflits mondiaux du xxe siècle. La loi du 27 juillet 1917, qui a mis en place les premières dispositions visant à répondre aux difficultés rencontrées par les foyers détruits par la Grande Guerre, doit être adaptée aux données actuelles. L'association nationale qui représente les catégories que j'ai citées souhaite être reconnue d'utilité publique, voir créer une fondation pour perpétuer la mémoire des victimes et obtenir la prise d'un certain nombre de mesures d'aide psychologique, ponctuelles, et d'ordre matériel, sur la durée, qui concrétiseraient un statut préalablement défini.

Une autre préoccupation du groupe d'études sénatorial des anciens combattants tient au relèvement de l'indice de référence de la retraite du combattant, qui n'a pas été modifié depuis 1954. Les associations qui représentent les anciens combattants souhaitent une hausse de quinze points, ce qui se traduirait par un coût non négligeable, évalué entre 16 millions et 17 millions d'euros par point supplémentaire. Ne pourrait-on, monsieur le secrétaire d'Etat - c'est là ma cinquième question - prendre en compte cette demande fondée en prévoyant une revalorisation échelonnée sur cinq exercices ?

Il reste un autre dossier en suspens, celui de l'indemnisation par la fondation Entente franco-allemande des incorporés de force dans des formations paramilitaires allemandes, les RAD et KHD, qui n'ont pas pris part aux combats, soit environ 5 600 personnes. En 1998, la fondation avait accepté d'étendre à cette catégorie le bénéfice de la réparation, à condition que la France participe au financement de la mesure. Les concertations sur cette question ont repris à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue à Strasbourg le 12 mai 2003. Vous y avez participé, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que les parlementaires alsaciens et lorrains. Un consensus s'est alors dégagé selon lequel l'indemnisation des incorporés de force au sein du RAD et du KHD n'incombe pas à la France.

Ma sixième question sera la suivante : où en est-on aujourd'hui s'agissant du règlement de cette question, monsieur le secrétaire d'Etat ?

En ce qui concerne la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, évoquée par MM. Gilbert Chabroux et Guy Fischer, jamais, moi qui étais présent en Algérie le 19 mars 1962, je n'accepterai que l'on retienne cette date ! Je me demande d'ailleurs, à l'instar de M. Dufaut, pourquoi, mes chers collègues, vous n'avez pas réglé les questions que vous avez soulevées aujourd'hui lorsque vos amis étaient au pouvoir ! (M. Gilbert Chabroux proteste.)

Considérant les avancées certaines que permettra ce projet de budget, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera ses crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les années se suivent et, hélas ! se ressemblent puisque, cette année encore, les crédits affectés aux anciens combattants sont en net recul par rapport à l'exercice précédent, avec une baisse de 3,12 %.

Depuis 2002 et le dernier budget présenté par le gouvernement de Lionel Jospin, ce sont 240 millions d'euros de moins pour les anciens combattants ! A cela, il faut ajouter les 134,6 millions d'euros d'annulations de crédits au titre du budget de 2003. Tout cela est en contradiction avec la nécessaire solidarité que la nation doit témoigner à ceux qui ont répondu à l'appel de la France lorsque celle-ci en avait besoin, mais qui ne descendent pas dans la rue manifester leur mécontentement.

Il aurait pourtant suffi de maintenir le budget des anciens combattants pendant deux ou trois ans pour satisfaire définitivement les différentes demandes relatives au droit à réparation. Mais vous ne le voulez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne laissez même pas espérer que ce règlement puisse intervenir de manière étalée sur les prochaines années.

Quant aux mesures annoncées, il faut tant de temps pour les appliquer qu'elles marquent un manque de respect. Il s'agit de pratiques politiciennes détestables, dont le Gouvernement est coutumier.

Evoquons par exemple, à cet égard, la décristallisation. Elle était la mesure phare d'un budget de 2003 en forte baisse par rapport à l'exercice précédent, très loin de permettre d'apporter des réponses utiles aux demandes du monde combattant.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en l'absence de décret d'application, la réduction des crédits au titre du budget de 2003 n'était plus de trois points, mais de six ou sept points. Cela vient juste d'être rectifié. Il est cependant regrettable que ce début de décristallisation ne soit pas prolongé en 2004.

Par ailleurs, que vont devenir les 78 millions d'euros de crédits inscrits pour 2003 et non consommés ? Seront-ils reportés sur l'exercice 2004, ou assisterons-nous à un nouveau tour de passe-passe ?

Vous annoncez - encore un effet d'annonce ! - que tous les orphelins victimes de la barbarie nazie seront traités comme les orphelins de déportés juifs dans le cadre de l'application du décret du 13 juillet 2000. Or, si le rapport de M. Philippe Decharte évoque l'attribution d'une indemnisation à l'ensemble des orphelins. Mais le Gouvernement n'en a pas défini le périmètre d'application.

Par conséquent, à qui cette décision s'appliquera-t-elle ? Aux orphelins de déportés résistants, aux orphelins des déportés politiques, aux orphelins des massacrés, aux orphelins des fusillés ? Autant de questions qui demeurent sans réponse. De l'eau va encore couler sous les ponts avant une application de la mesure, au mieux en 2005, après l'établissement de différents rapports, la conduite de diverses enquêtes et la création de commissions. Encore et toujours l'approche politicienne !

En outre, quel sort réserve-t-on aux enfants des tués à Bir Hakeim, au Monte Cassino ou ailleurs ? On devine toutes les possibilités qui s'offrent au Gouvernement pour gagner du temps...

Je voudrais maintenant évoquer la retraite du combattant, dont je rappelle le montant : 423,06 euros, soit 2 775 francs par an.

L'an dernier, en en refusant l'augmentation, vous aviez laissé entendre qu'une possibilité existait pour 2004, mais, aujourd'hui, vous n'annoncez rien, pas même l'ébauche d'une première étape ouvrant la voie à une revalorisation progressive.

Vous auriez pourtant pu récupérer les crédits jusqu'alors affectés aux anciens combattants victimes du chômage avant l'âge de soixante ans - c'était une mesure du précédent gouvernement - et faire un geste de solidarité. Mais vous appartenez à un gouvernement qui considère la solidarité comme une charge inutile.

Cependant, nombreux sont nos concitoyens sévèrement touchés par la réforme des retraites engagée par M. Balladur et durement complétée par la loi Fillon.

Un autre point très contestable tient au choix du 5 décembre comme journée nationale d'hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Cette date est sortie de votre chapeau parce qu'elle a correspondu, l'an dernier, à une disponibilité dans l'agenda du Président de la République pour inaugurer le mémorial national érigé sur l'initiative du précédent gouvernement.

Contrairement à ce que vous avez déclaré, cette date ne fait pas l'objet d'un consensus au sein du monde combattant. Vous ignorez la position des anciens combattants affiliés à la FNACA, la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, qui ont toujours milité pour le choix de la date du 19 mars.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous divisez le monde combattant devant les monuments aux morts. Or, devant les monuments aux morts, on rassemble la France, on ne la divise pas.

Il fallait maintenir les commémorations existantes, le 19 mars et le 16 octobre, les autorités participant aux deux manifestations... comme vous devriez d'ailleurs le faire en tant que secrétaire d'Etat de tous les anciens combattants.

Le dernier dossier que je souhaite ouvrir est celui des anciens du RAD et du KHD.

En mai dernier, vous êtes venu en Alsace, monsieur le secrétaire d'Etat, pour évoquer ce sujet. Vous avez alors indiqué aux parlementaires présents que vous alliez prendre des mesures pour clore ce contentieux.

Cependant, vous n'avez rien obtenu de l'Entente franco-allemande, que préside votre ami André Bord. Ce dernier vous a adressé une fin de non-recevoir, après avoir manifesté du mépris à l'endroit de la représentation nationale.

Il ne reste plus que quatre solutions : soit vous maintenez vos déclarations selon lesquelles ce n'est pas à la France d'indemniser les personnes ayant été incorporées dans le RAD et le KHD, et alors il vous faut reconnaître que plus rien ne se passera ; soit vous obtenez du président de l'Entente franco-allemande que cette fondation indemnise correctement, sur ses réserves financières, les derniers survivants ; soit vous obligez M. André Bord à changer le règlement intérieur de la fondation, puisque les autorités allemandes ont toujours démenti que l'argent versé à la France doive aller aux seuls incorporés de force dans la Wehrmacht ; soit vous revenez sur vos déclarations initiales et prenez alors en charge, sur votre budget, l'indemnisation.

Si le gouvernement auquel vous appartenez opte pour cette dernière solution, que cela ne soit pas seulement une promesse électorale de plus, à la concrétisation incertaine. La décision et l'indemnisation doivent intervenir le plus rapidement possible, avant mars 2004.

Pour ma part, j'estime que la fondation Entente franco-allemande a la possibilité et les moyens de payer.

Enfin, j'évoquerai le changement du directeur général de l'ONAC. Vous aviez le droit de prendre cette décision, même si la compétence de l'ancien directeur général faisait l'unanimité au sein du monde combattant ; vous aviez le droit de nommer à sa place un ancien directeur d'hôpital, dont je ne conteste aucunement les qualités. Mais ce choix, très orienté, ne préfigure-t-il pas une attribution au ministère des affaires sociales de la compétence s'agissant du monde combattant ?

Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques observations sur les déceptions du monde combattant qui conduisent le groupe socialiste du Sénat à vous refuser sa confiance. Nous voterons contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion du projet de budget des anciens combattants est toujours un moment particulièrement fort, pour ne pas dire émouvant.

Au-delà de l'étude stricte des crédits, au-delà des traditionnels débats entre le Gouvernement et l'opposition, c'est l'occasion, pour la représentation nationale unanime, de manifester son attention pour le monde combattant ; c'est l'occasion d'assurer les anciens combattants de la reconnaissance de la nation pour les sacrifices qu'ils ont consentis pour la patrie.

Vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ont montré, une fois de plus, votre attachement pour celles et ceux qui ont servi notre pays dans les heures les plus difficiles de son histoire.

Comme l'a souhaité le président de la commission des finances, je vais m'efforcer de répondre précisément à vos questions.

Je le ferai d'autant plus volontiers que vos rapporteurs vous ont déjà présenté les principales dispositions du projet de budget pour 2004.

Permettez-moi au préalable de remercier très sincèrement MM. Baudot et Lesbros de la chaleur de leurs propos. Je ne peux qu'être sensible, messieurs les rapporteurs, au soutien constant que vous m'apportez.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant même de répondre à vos questions, je ressens la nécessité d'aborder un sujet grave qui dépasse nos préoccupations immédiates.

Comme vous, comme l'immense majorité de nos compatriotes, j'ai été profondément choqué, heurté par les récentes agressions antisémites commises dans notre pays et par le climat d'intolérance que certains veulent y développer.

Le Président de la République a dit, avec des mots forts et justes, la réprobation absolue qu'inspirent de tels actes. Dans le combat pour la liberté, la tolérance et le respect des droits de l'homme, le monde combattant a toujours été au premier rang. Aujourd'hui, nous ne pouvons supporter ces attaques contre des valeurs pour lesquelles nos aînés ont sacrifié leur vie.

Nous ne pouvons supporter que certains veuillent récrire l'histoire et nier la réalité de la barbarie nazie. Jamais la politique de mémoire n'aura donc été aussi essentielle.

Nous n'en sommes que davantage confortés dans notre volonté de lui accorder une priorité sans cesse croissante, dont témoignent nos efforts pour donner la plus large dimension et le plus large écho à la commémoration de la sinistre rafle du Vel d'Hiv', l'institution, cette année, d'une journée d'enseignement de la Shoah, la rénovation complète du pavillon français du musée d'Auschwitz, engagée selon la décision du Premier ministre, la construction au Struthof du Centre européen du résistant déporté, la commémoration, en 2004 et en 2005, de notre libération et, par là même, le rappel de certains des pires crimes nazis. Toutes ces actions trouvent chaque jour, mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle justification. Je souhaite - et je crois - qu'elles permettront de sensibiliser nos concitoyens, notamment les plus jeunes d'entre eux, afin que plus jamais nous ne soyons confrontés à la barbarie sur notre sol.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme M. Lesbros a bien voulu le relever, l'année 2004 sera particulièrement riche dans le domaine de la mémoire, avec les célébrations du quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille de la Marne, du soixantième anniversaire des débarquements et de la libération du territoire et du cinquantième anniversaire de la bataille de Diên Biên Phu.

Les actions glorieuses de l'armée française et de nos alliés, le courage de nos combattants au cours de ces trois conflits seront ainsi mis en exergue. A l'occasion de chacune de ces célébrations, nous chercherons à sensibiliser les jeunes générations.

La politique de mémoire couvre de nombreux autres domaines. S'agissant de l'entretien des nécropoles et des carrés militaires, j'assure M. Joly et les membres du groupe des sénateurs anciens combattants d'y porter une attention personnelle. Je promets que le programme de rénovation annoncé sera respecté !

J'indique à M. Biwer que je me rendrai avec plaisir et émotion à Verdun, lieu ô combien emblématique de notre mémoire nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de mémoire doit aussi prendre une dimension internationale, afin d'être un vecteur de paix entre les peuples.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement entend promouvoir deux politiques innovantes.

Le premier axe de notre action internationale concerne la mémoire partagée, dont je vous avais parlé l'année dernière. Cette notion trouve une portée concrète. C'est ainsi que j'ai signé, voilà quelques jours, les deux premiers accords, l'un avec l'Australie, l'autre avec la République de Corée.

J'ajoute que j'ai également eu le plaisir, la semaine dernière, d'ouvrir les travaux du premier colloque franco-vietnamien sur Diên Biên Phu. C'est là un symbole fort et important !

Le second axe de notre action internationale porte sur la reconversion du combattant. L'un de vos collègues députés nous dira comment nous pouvons mettre à la disposition des pays en sortie de crise notre expérience en matière de droit à réparation, de reconnaissance et de mémoire.

Le développement de la politique de mémoire passe également par la modernisation des supports de communication.

Ainsi, le lancement sur Internet du site « Mémoire des hommes », consacré, dans un premier temps, aux « morts pour la France » de la guerre de 1914-1918, en est l'exemple le plus pertinent. Nous sommes fiers de son succès exceptionnel : en quelques jours, plus de 520 000 connexions, venant de plus de cent soixante-quinze pays, des cinq continents.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de mémoire, c'est la recherche de l'unité dans l'hommage aux morts et aux valeurs du monde combattant.

Vous m'avez quasiment tous interrogé sur l'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. Je remercie plus précisément MM. Baudot et Dufaut pour leur approche positive et constructive.

Messieurs Chabroux et Fischer, je vous le dis franchement, je m'étonne que l'on puisse polémiquer sur l'institution d'une journée d'hommage à des combattants « morts pour la France ».

Voilà quarante et un ans que la troisième génération du feu, à laquelle j'appartiens, attend que la République honore officiellement ceux des siens qui sont tombés au champ d'honneur.

Il fallait mettre fin à cette anomalie, à cette injustice. Tel a été l'esprit de notre démarche. Aucun autre ne nous a guidés. Grâce à la décision du Président de la République, évoquée tout à l'heure, cette anomalie, cette injustice ont cessé.

Oui, enfin, chaque année, notre pays va rendre officiellement hommage aux fils de France disparus en Algérie, mais aussi au Maroc et en Tunisie. Ils sont plus de 23 000.

Quand bien même une autre date aurait été retenue pour l'Algérie, aurait-il fallu en fixer une deuxième pour la Tunisie et une troisième pour le Maroc ? Telle n'est pas notre approche.

Qui peut le regretter ? Qui souhaite que le souvenir des combattants d'Afrique du Nord s'efface avec le temps ?

Quant au choix de la date pour cet hommage, je vais vous répondre très précisément.

Monsieur Biwer, le 5 décembre est le résultat d'une concertation - je dis bien « d'une concertation », et je le dis avec honnêteté, compte tenu de ma conscience à l'égard des miens, les anciens combattants - avec tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec cette date. (Murmures dans les tribunes du public.) Et, avant la prise de décision, la commission Favier a été une deuxième étape de concertation, sans que l'Etat s'en mêle et sans la présence du représentant de l'Etat.

M. Alain Dufaut. C'est vrai !

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Les échanges ont eu lieu très librement. Cette concertation a été menée pendant plusieurs mois sous l'autorité de Jean Favier, à qui je rends hommage devant votre Haute Assemblée. Il a été un président actif afin que chacun des participants puisse s'exprimer librement et donner son point de vue quant au choix d'une date.

Je souligne que la date du 5 décembre proposée par la commission Favier n'offense personne. (Nouveaux murmures dans les tribunes du public.) Ce n'est pas un choix polémique, politique ou partisan. Nul n'a jamais prétendu que le 5 décembre était une date historique. (Exclamations dans les tribunes du public.)

M. Gilbert Chabroux. C'est une date vide de sens !

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Si une date historique susceptible de rassembler tous les anciens combattants existait, depuis quarante ans, on l'aurait trouvée, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Nouvelles exclamations dans les tribunes du public.)

M. Gilbert Chabroux. Le 19 mars !

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Par ailleurs,...

M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous interrompre un instant.

Le public qui assiste à nos débats depuis les tribunes doit respecter le silence et, j'en suis sûr, les anciens combattants présents seront les premiers à le comprendre. Je compte sur leur compréhension pour que le débat puisse se poursuivre dans la sérénité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gilbert Chabroux. Ils ont le droit de ne pas être d'accord !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Le 5 décembre 2002, tout le monde combattant était rassemblé pour rendre hommage aux « morts pour la France » en Afrique du Nord. Etaient présentes toutes les associations, toutes les sensibilités politiques représentées dans nos deux assemblées parlementaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce que l'on a proposé, c'est de cesser la polémique subalterne. Cessons d'alimenter les divisions contraires à nos cofraternités du monde combattant. Elles dégradent notre image auprès de nos concitoyens. Rassemblons-nous plutôt pour honorer la mémoire de ceux qui, hélas ! ne sont plus là, ceux qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour que la France soit celle que nous souhaitons, c'est-à-dire une grande nation.

Je crois, d'ailleurs, que ce sera le cas. Hormis quelques-uns, les anciens combattants ont parfaitement compris notre démarche de bon sens et j'ai de bonnes raisons de penser que, le 5 décembre, ils se rassembleront en grand nombre.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens à vos questions sur les aspects plus strictement budgétaires.

Permettez-moi de remercier pour leur soutien à ce budget le groupe UMP, le groupe de l'Union centriste ainsi que la majorité du groupe du RDSE.

Comme l'ont rappelé vos rapporteurs, ce budget de justice et de progrès permet une progression des droits par ressortissant de 1,58 %, contre 0,68 % en 2003. Il comporte trois mesures nouvelles très attendues. Je ne ferai que les évoquer.

La première est l'augmentation de quinze points des pensions des veuves de guerre, veuves d'invalides et veuves de grands invalides.

La deuxième mesure, attendue depuis longtemps, est l'octroi à l'ensemble des combattants ayant servi en Afrique du Nord de la carte du combattant pour quatre mois de présence sur ce territoire. J'ajoute que nous sommes ouverts sur la question des dates butoirs, qui a été évoquée tout à l'heure, dans le sens d'une harmonisation et, pour être clair, nous ne sommes pas contre la date du 2 juillet 1962.

Enfin, la troisième mesure nouvelle forte est - conformément à votre demande - l'inscription en base budgétaire de l'ensemble des crédits sociaux de l'ONAC.

En 2004, la situation des deux établissements publics sous tutelle du secrétariat d'Etat aux anciens combattants sera confortée.

S'agissant de l'ONAC, l'année 2004 sera le deuxième exercice du contrat d'objectifs et de moyens, qui a été évoqué par plusieurs orateurs. Je rappelle que ce contrat était la condition de la survie de l'ONAC : c'est le premier message qui m'a été délivré lors de la première réunion du conseil d'administration de l'ONAC. En effet, le contrat d'objectifs et de moyens avait été rejeté par le gouvernement précédent. Nous avons fait en sorte qu'il soit accepté par le ministère en charge du budget et mis en application. Contrairement à certaines idées selon lesquelles ce contrat d'objectifs devait échouer dans les trois mois suivant son application, il se passe dans de bonnes conditions et on n'entend pas, ici ou là, la moindre récrimination à son encontre.

Quant à l'Institution nationale des invalides, j'insisterai sur le fait que la subvention de l'Etat retrouvera, en 2004, son niveau de 2001, après une forte baisse en 2002. Je remercie M. Lesbros de ses propos à ce sujet.

L'INI va pouvoir, à son tour, s'engager sur la voie d'un contrat d'objectifs et de moyens associé à un projet médical, un projet d'établissement, bref une gestion et un fonctionnement qui feront de cette institution un objectif phare.

L'Institution doit rester le pôle d'excellence du monde combattant en matière de traitement du grand handicap et servir plus largement de référence pour l'ensemble des établissements de notre pays concernés par le handicap.

Par ailleurs, 2004 verra la mise en oeuvre de deux mesures que vous avez tous évoquées : la décristallisation et l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie.

Sur la décristallisation, je précise à M. Baudot, mais aussi à MM. Biwer, Dufaut, Chabroux et Fischer, que les textes d'application sont désormais publiés. Les crédits sont disponibles. Il n'y a donc pas lieu d'être inquiet sur ce point.

Quant au retard pris, je rappellerai simplement que la rétroactivité de la mesure évitera, bien sûr, toute perte financière pour les intéressés.

Je rappelle que, pour les anciens combattants concernés, le relèvement des pensions prend effet au 1er janvier 1999. Ils n'ont aucune démarche à effectuer. Tout cela est en cours de règlement au niveau de l'administration.

L'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie est un sujet sur lequel on constate également un très large accord, au-delà des clivages habituels.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Sauf à Bercy !

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Le Premier ministre, par un courrier adressé au président de votre assemblée, vous a informé de sa décision d'instituer, au bénéfice des orphelins des victimes de la barbarie nazie, un régime de réparation identique à celui qui a été instauré par le décret du 13 juillet 2000 pour les orphelins des déportés de la Shoah.

La décision, dont vous mesurez tous l'importance, est donc prise, et c'est cela le plus important.

M. Baudot et plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le délai d'application de cette décision. Je sais que le président Poncelet s'en préoccupe également.

Cette mesure nécessite, en effet, la définition précise du périmètre des bénéficiaires. Cette démarche est particulièrement délicate quand il s'agit des fusillés et des massacrés.

J'ai donné toutes les explications nécessaires à une délégation qui s'est présentée spontanément à mon cabinet la semaine dernière et qui a été reçue par mon chef de cabinet, par mon conseiller chargé de cette question. Ensuite je me suis rendu personnellement auprès de ces personnes et j'ai discuté avec elles pendant plus d'une demi-heure. C'est dire notre volonté d'expliquer notre travail et, surtout, la volonté du Gouvernement de résoudre ce problème. Mais nous ne le réglerons pas dans la précipitation, nous ne voulons pas créer d'autres injustices alors que nous sommes en train de mettre fin à une iniquité. Voilà l'esprit dans lequel nous voulons résoudre ce problème.

Le Premier ministre m'a chargé de cette mission délicate et je ferai en sorte que ce travail soit conduit avec toute la célérité requise, sans compromettre pour autant la solidité et l'équité du texte, et sans perdre de temps.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, les efforts du Gouvernement en faveur des anciens combattants pour 2004 sont tangibles. Certes, ce n'est jamais assez, je le sais comme vous-mêmes.

Ces efforts sont à l'image des actions menées depuis dix-huit mois. Comme on se tourne, et c'est bien normal, plutôt vers ce qui va se faire que vers ce qui a été fait, je me permets de rappeler quelques-unes de nos actions.

Au cours de cette période sont intervenues s'il y a eu la décristallisation, même un retard pour des raisons que nous avons expliquées, et la prise en charge des cures thermales, qui avait été diminuée substantiellement, les plus démunis ne pouvant plus bénéficier de ces cures.

Parmi ces actions figurent également le relèvement du plafond majorable des rentes mutualistes. Si nous avons fait une pause, ce n'est pas pour changer de politique. Nous souhaitons atteindre les 130 points d'indice et les 7,5 points qui manquent seront repris dès le prochain exercice.

Je citerai aussi la création de l'Observatoire de santé des vétérans, l'aide à la détection des névroses traumatiques de guerre, la pérennisation de l'ONAC, la modernisation de l'INI, la majoration des pensions de veuves - c'est pour cette année - l'harmonisation de l'attribution de la carte de combattant pour quatre mois de présence - qui avait été à l'origine d'un différend au sein du monde combattant -, l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie, le choix d'une date d'hommage aux morts de France en Afrique du Nord et la consolidation de l'ensemble des crédits sociaux de l'ONAC. Telles sont quelques-unes des actions qui ont été menées.

Nous entendons poursuivre dans ce sens par une harmonisation, par une planification, mais sans maximalisme ni minimalisme. Nous suivons le cap qui a été arrêté dès notre arrivée aux responsabilités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m'avez tous interrogé sur la retraite du combattant. J'ai bien entendu votre message et je vous répondrai lors de l'examen des amendements sur ce sujet.

S'agissant du rapport constant, je rappelle à M. Lesbros ma démarche auprès de mon collègue du budget pour aboutir à une formule plus simple, mais tout aussi protectrice, bien sûr, des droits des anciens combattants. En effet, la lisibilité du dispositif est difficile à saisir, je vous l'accorde.

En ce qui concerne les décorations, M. Baudot sait que je partage son analyse et que je ne ménage pas mes efforts pour que le contingent qui nous est imparti soit augmenté.

Concernant le taux de réversion des pensions des veuves d'invalides, j'indique à M. Lesbros qu'il faut étudier techniquement cette proposition. Le Gouvernement a démontré qu'il était sensible à la situation des veuves.

S'agissant de la situation des harkis, évoquée par M. Joly, et des rapatriés anciens combattants en général, je me propose de vous répondre lorsque la déclaration du Gouvernement sur les rapatriés viendra en discussion au Sénat, à la mi-décembre.

Enfin, sur la situation des RAD-KHD, madame Printz, monsieur Hoeffel, l'année dernière, à cette même tribune, en réponse à vos questions, je m'étais engagé à promouvoir le dialogue entre toutes les parties prenantes.

Mon engagement s'est effectivement concrétisé, le 12 mai 2003, à la préfecture de Strasbourg, en présence de quasiment tous les parlementaires alsaciens et mosellans et des dirigeants de la fondation Entente franco-allemande. M. le président Hoeffel, comme Mme Printz, était présent.

Je tiens à préciser les choses, madame Printz, parce que j'ai senti une légère ambiguïté dans vos propos : la France ne saurait être impliquée dans une procédure de réparation. Il n'y aura pas de politique politicienne. Il me semble que cette position est comprise par tous, j'en veux pour preuve la correspondance des parlementaires de votre région.

Pour autant, monsieur Hoeffel, ce dossier n'est pas clos. C'est un dossier sensible qui appelle de notre part la plus grande attention, et je m'engage à ne pas relâcher mes efforts pour aboutir à une solution, qui passera très probablement par la fondation Entente franco-allemande.

Cette solution passe aussi, me semble-t-il, par la poursuite de l'étude juridique que nous avons engagée.

Elle passe enfin par la bonne volonté de chaque partie afin de trouver une solution pour ces personnes.

Quant à la polémique, elle n'ajoute rien à ce débat qui appelle esprit de responsabilité et volonté d'aboutir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'achever mon propos, je voudrais évoquer, très brièvement, la modernisation de l'organisation des services en charge du monde combattant.

Monsieur Baudot, en 2004, l'exercice des activités de mémoire au niveau local va être rationalisé entre l'ONAC et la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives. Les responsabilités de chacun seront précisées le plus clairement possible. Plus elles seront lisibles, mieux cela vaudra pour notre démarche. Les élus et les associations seront informés en temps utile.

Avec l'entrée en application de la loi organique relative aux lois de finances, l'action en faveur du monde combattant fera l'objet d'un programme spécifique. Cette action restera clairement lisible dans le document budgétaire. En outre, les activités de mémoire seront partie intégrante des programmes relatifs au lien armée-jeunesse. Voilà l'articulation qui est actuellement en train de se mettre en place. Il me semblait important pour l'avenir que ces orientations soient d'ores et déjà clairement définies et je tenais à vous en informer, même brièvement.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux axes de la politique du Gouvernement, qui entend mener en faveur du monde combattant une politique clairement affichée, une politique de concertation, une politique d'harmonisation évidemment, mais également une politique de planification des actions. C'est ce que nous sommes en train de faire.

Notre action est rarement spectaculaire. Elle n'occupe pas la une de tous les journaux. Mais nous la souhaitons, avant tout, efficace - et c'est le cas - au bénéfice de tous les anciens combattants et victimes de guerre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant à l'état B.

ÉTAT B

Anciens combattants
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 73

M. le président. « Titre III : 40 532 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 :

Nombre de votants319
Nombre de suffrages exprimés319
Majorité absolue des suffrages160
Pour205
Contre114

« Titre IV : 25 460 600 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 73, 73 bis et 74 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux anciens combattants, ainsi que, en accord avec la commission des finances, les amendements n°s II-17, II-19, II-20 et II-30 à II-35 tendant à insérer des articles additionnels avant et après l'article 74.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre des amendements n°s II-19, II-37, II-30, II-20, II-31, II-32 et II-35.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est scandaleux !

M. Guy Fischer. Il ne reste plus rien ! Le débat est clos !

M. Nicolas About. Mais si ! il en reste.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, souhaitez-vous que votre demande ait un effet immédiat, ou la représentez-vous après l'exposé de chacun de ces amendements ?

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat. Je formule cette demande dès maintenant, monsieur le président.

M. Guy Fischer. On nous bâillonne !

M. Gilbert Chabroux. Bel exemple de démocratie ! Nous ne pourrons rien dire à propos de la retraite du combattant.

M. Guy Fischer. On nous musèle !

Mme Marie-Claude Beaudeau. On ne peut plus rien dire !

M. le président. L'article 40 est-il applicable, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Il l'est, monsieur le président.

M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-19, présenté par M. Chabroux, l'amendement n° II-37, présenté par M. Fischer, l'amendement n° II-30, présenté par Mme Printz, l'amendement n° II-20, présenté par M. Chabroux, les amendements n°s II-31, II-32 et II-35, présentés par M. Fischer, ne sont pas recevables.

Anciens combattants