PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

vice-président

Art. additionnels avant l'art. 1er A ou avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières
Art. additionnels avant l'art. 1er A ou avant l'art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 140, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant l'article premier A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La souveraineté du peuple n'est pas absolue lorsque les services essentiels du pays sont entre les mains d'actionnaires privés.

L'amendement n° 142, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant l'article premier A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Toute entreprise chargée de missions de service public pour la distribution d'énergie, bien de première nécessité, ne peut voir son capital ouvert à des actionnaires privés.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour présenter ces deux amendements.

M. Jean-Pierre Bel. Nous avons évoqué hier les origines d'EDF et nous voulons, par ces amendements, reprendre les fondamentaux du Conseil national de la Résistance, qui ont été à l'origine de la loi de 1946. Revenir sur le passé ne signifie pas s'y attarder. Il est des moments importants de notre vie parlementaire où il est nécessaire de se référer aux origines : si nous ne savons pas où nous allons, souvenons-nous au moins d'où nous venons, dirai-je en reprenant une formule célèbre.

Monsieur le ministre, le Conseil national de la Résistance, qui est à l'origine du préambule de la Constitution de 1946, a voulu affirmer des principes et signifier d'une certaine manière que rien ne pouvait plus être comme avant. Car il a bien fallu constater que les intérêts privés avaient donné lieu à des dérapages lourds de conséquences.

Les idéaux de la Résistance ont été bien exprimés par le CNR, au sein duquel étaient représentés le général de Gaulle et les gaullistes, les communistes, mais aussi la SFIO et le MRP. Le CNR a voulu renforcer le rôle de l'Etat, y compris dans l'économie, parce qu'une économie nationale ne peut être la simple juxtaposition des intérêts marchands ou des intérêts particuliers. Il cherchait, me semble-t-il, à endiguer une dérive dans le laisser-aller.

Or ce débat est très actuel. Quel a été l'intitulé du dernier rapport d'information du Sénat sur les problèmes économiques ? Délocalisations : pour un néo-colbertisme européen. Il s'agit bien de cela ! Nous voulons rester fidèles à cette idée, largement gaulliste, ou gaullienne, qu'on appelle le « colbertisme » et selon laquelle l'Etat peut et doit, à certains moments, jouer son rôle, l'incarnation de la souveraineté du peuple devant se manifester pour que les intérêts essentiels du pays soient préservés.

Au travers de ces amendements, nous voulons traduire l'esprit du préambule de la Constitution de 1946, qui a présidé à la mise en place et à l'organisation d'EDF. Nous considérons que ce temps n'est pas révolu, qu'aujourd'hui plus encore qu'hier nous avons besoin de réaffirmer ces principes, parce que nous sommes soumis, avec la mondialisation et l'émergence des intérêts particuliers, au jeu du marché, lequel n'est pas forcément synonyme de service public et de service pour l'ensemble de nos concitoyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 140, je rappellerai simplement à Jean-Pierre Bel les termes de l'article 22 du projet de loi. Celui-ci dispose explicitement que la part de l'Etat dans le capital ne peut être inférieure à 70 %. Je ne vais pas le répéter indéfiniment ! Ces deux entreprises resteront donc des entreprises publiques nationales. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

A propos de l'amendement n° 142, je dirai qu'il n'y a aucune opposition entre l'actionnariat privé et les missions et obligations de service public. Ces missions et obligations vont s'imposer à tous : à nos opérateurs nationaux et aux nouveaux opérateurs qui vont entrer sur le marché. Par conséquent, cet amendement me paraît satisfait et la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ces deux amendements sont caricaturaux, et le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er A
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Art. 1er A

Articles additionnels avant l'article 1er A ou avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 141, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant l'article premier A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La mise en oeuvre des obligations de service public relève du principe de subsidiarité et laisse une marge d'appréciation à l'Etat pour imposer le respect d'obligations aux opérateurs intervenant dans les secteurs de l'énergie, de protection des consommateurs vulnérables, de cohésion sociale et territoriale ou encore de sécurité des approvisionnements.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. On a une fâcheuse tendance à se cacher derrière les directives européennes ; or ; en la circonstance, une marge de manoeuvre nous est laissée.

Notre amendement, dont la rédaction n'est pas de style très législatif, j'en conviens volontiers, vise simplement à ouvrir le débat sur la marge de manoeuvre dont dispose l'Etat pour imposer certaines obligations aux opérateurs qui interviennent dans les secteurs de l'énergie : la cohésion sociale, la cohésion territoriale, la sécurité des approvisionnements et la protection des consommateurs dits « vulnérables ».

Il faut noter que ce projet de loi ne fait aucune proposition pour améliorer le service public de l'énergie, se contentant de reprendre les textes précédents. Il était possible d'aller au-delà.

J'insisterai tout d'abord sur la disparition des contrats de plan, c'est-à-dire de la règle que fixait l'Etat à l'entreprise pour un certain nombre d'années, qui permettait effectivement la mise en oeuvre d'une politique souhaitée par l'Etat. Aujourd'hui, on ne parle plus que de contrats d'entreprise, ce qui est tout à fait différent.

Autre point : l'amélioration de la desserte gazière, sujet évoqué en toute occasion. Il conviendrait en l'occurrence de l'évoquer, car elle pourrait faire l'objet d'un contrat.

Mais je voudrais surtout insister sur le point particulier de la présence territoriale d'EDF-GDF Services. Nous croyons fondamentalement qu'elle est, de fait, remise en cause.

Pourquoi est-elle remise en cause ? Parce que la levée de la spécificité autorise EDF à vendre du gaz et GDF à vendre de l'électricité.

En conséquence, les agents d'EDF-GDF Services, qui travaillent pour l'une ou l'autre entreprise, seront amenés - situation proprement invraisemblable ! - à travailler pour deux entreprises concurrentes ! Assureront-il, en priorité, la présence territoriale d'EDF ou celle de GDF ?

Il apparaît donc clairement que le service de conseil rendu à nos concitoyens ne s'en trouvera pas renforcé !

Enfin, le ministère de l'économie, le 8 avril 2004, par décret, s'est engagé sur la voie de la protection des consommateurs vulnérables et des ménages les plus en difficulté. Pour autant, monsieur le ministre, je reste dubitatif, au vu des chiffres qui figurent en annexe à ce décret.

En effet, la consommation mensuelle autorisée est de 100 kilowattheures, ce qui permet, en hiver, de chauffer à l'électricité un logement pendant cinq jours ! Par ailleurs, le taux de réduction, pour un revenu inférieur à 5 500 euros par an, étant de 30 % pour une personne, de 40 % pour deux personnes et de 50 % pour trois personnes, je ne vois pas comment on peut parler, d'un « accès libre » à l'électricité !

M. le président. L'amendement n° 252, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les obligations de service public du gaz et de l'électricité, produits de première nécessité, priment sur le droit de la concurrence. Electricité de France et Gaz de France, entreprises publiques, sont l'instrument essentiel de la mise en oeuvre du service public.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Il n'y a pas compatibilité entre les obligations de service public et la privatisation des entreprises qui en ont la charge.

Pour éclairer nos débats, je vous donnerai lecture du discours prononcé le 27 mars 1946, lors de l'examen du projet de loi de nationalisation de l'électricité et du gaz, par Marcel Paul, ministre de la production industrielle, qui a marqué de son nom l'histoire de cette grande réalisation qu'est EDF-GDF : « La misère énergétique du pays nous interdit de nous offrir le luxe d'une utilisation irrationnelle des ses disponibilités. Il faut absolument que tous les moyens de production soient mis en commun. Un décalage d'une demi-heure dans l'organisation technique de la production peut permettre l'économie d'un délestage. Voilà pourquoi il est indispensable qu'une conception générale unique préside, sur le plan technique, à la gestion de l'ensemble de nos ressources énergétiques afin que le pays puisse mettre en oeuvre l'intégralité de ces moyens.

« Il faut également mettre de l'ordre dans le plan d'équipement. [...] Allons-nous assister à je ne sais quelle concurrence entre les entreprises d'électrochimie, les entreprises électrométallurgiques, les chemins de fer et notre mécanisme national d'électricité pour l'équipement de nos chutes d'eau ? [...] Dans ce cas, les errements du passé persisteront certainement. [...] et l'on aboutirait ainsi au prix de revient les plus élevés au détriment du consommateur.

« Il faut avoir une vue d'ensemble de ces problèmes. Notre pays ne peut s'offrir le luxe de la disparité dans ce domaine. »

Monsieur le ministre, notre pays peut-il aujourd'hui s'offrir le luxe d'un retour en arrière en mettant en place un système énergétique analogue à celui qui prévalait avant la nationalisation de 1946 ?

Les errements du passé évoqués par Marcel Paul, que certains de nos voisins européens connaissent au présent, seraient pour la France ceux du futur si ce projet de loi devait être adopté.

Mes chers collègues, comme l'a rappelé fort justement Jean-Pierre Bel à l'instant, nous devons aborder cette question non sous l'angle idéologique, mais sous l'angle technique, comme l'ont fait les communistes, les gaullistes, les socialistes et les démocrates-chrétiens, qui, en 1946, ont su se mettre d'accord en faveur de cette nationalisation.

Cet amendement tend à rappeler qu'aucun manquement aux obligations de service public ne peut être justifié sous le prétexte du respect des principes de la concurrence. Ceux-ci ne sauraient s'appliquer que sous réserve du respect des obligations de service public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Reiner, je suis d'accord avec vous sur le fond, mais je ne vois pas l'utilité qu'il y aurait à faire figurer dans ce texte ce qui se trouve déjà ailleurs.

En effet, pour ce qui concerne les obligations de service public des entreprises énergétiques, je vous renvoie à la loi du 10 février 2000 ainsi qu'à la loi du 3 janvier 2003.

Pour ce qui concerne la garantie et la sécurité de l'approvisionnement en électricité, je vous renvoie à l'article 1er de la loi de 2000.

Pour ce qui concerne la cohésion sociale, je vous renvoie à la loi de 2000, à celle de 2003 et à aux dispositions de l'article 1er de ce projet de loi qui concernent les contrats de service public. Je sais, monsieur Reiner, que vous n'aimez pas ces contrats. Cependant, comme nous, vous souhaitez défendre la cohésion sociale. C'est ce que nous faisons au travers de cet article 1er.

Pour ce qui concerne le développement équilibré du territoire en matière de desserte gazière, je vous renvoie à l'article 16 de 2003.

Autrement dit, monsieur Reiner, l'amendement n° 141 se trouve pleinement satisfait, raison pour laquelle j'y suis défavorable.

Monsieur Bret, il est évident que les obligations de service public priment sur le droit de la concurrence. C'est la raison pour laquelle la loi assigne aux entreprises du secteur énergétique les missions de service public, qui s'imposent entièrement à elles. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 252.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 143, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant l'article premier A, insérer un article ainsi rédigé :

Les établissements publics à caractère industriel et commercial Electricité de France et Gaz de France sont fusionnés au sein d'un établissement public industriel et commercial dénommé : « Energie de France ».

L'ensemble des biens, droits et obligations, contrats et autorisations de toute nature de ces établissements publics est attribué de plein droit à « Energie de France ».

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Il s'agit d'un amendement de bon sens.

Nous cherchons, paraît-il, un champion européen en matière d'énergie. Levant le principe de spécialité, le Gouvernement propose qu'EDF puisse vendre du gaz et que GDF puisse vendre de l'électricité. Eh bien, nous, nous proposons, par cet amendement, la fusion des deux EPIC en un seul, qui fournirait ainsi à la fois du gaz et de l'électricité. Un certain nombre de problèmes s'en trouveraient résolus, notamment ceux que j'ai évoqués à l'instant au sujet d'EDF-GDF Service.

M. Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, estimez depuis quelques mois que la question mériterait d'être examinée sérieusement. Une étude doit être lancée à cet effet ; nous devrions en connaître les résultats au mois de septembre.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à fait !

M. Daniel Reiner. Cela dit, M. Sarkozy a avoué, lors de la discussion générale, qu'il n'y croyait guère, ce qui n'est pas surprenant lorsque l'on sait que cette étude est placée sous le double patronage de M. Gadonneix, président de Gaz de France, et M. Roussely, président d'Electricité de France, qui sont opposés à une telle fusion ! Ce qui ne signifie d'ailleurs pas que les agents de ces deux entreprises y soient, eux, opposés.

Une occasion s'offre à nous, ici, de créer le champion européen dans le domaine énergétique. On nous objecte que Bruxelles s'y opposera et qu'il faudra abandonner des pans entiers d'EDF et de GDF. Cela reste à vérifier.

Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?

A l'échelon national, un tel établissement ferait figure de champion, c'est évident, mais à l'échelon européen, puisque c'est à cet échelon que se traite la question de l'énergie, cela reste à voir.

M. le président. L'amendement n° 249, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour répondre aux objectifs mêmes fixés par la loi d'orientation sur l'énergie n° ... du ... et afin de disposer d'un outil répondant aux exigences de service public, les établissements publics à caractère industriel et commercial Electricité de France et Gaz de France sont fusionnés et forment un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé « Electricité et Gaz de France ».

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Nous avons avancé un certain nombre des raisons pour lesquelles il nous paraît nécessaire de créer un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé « Électricité et Gaz de France », issu de la fusion des EPIC EDF et GDF.

Cette fusion nous semble nécessaire à différents points de vue.

Tout d'abord, elle est nécessaire du point de vue commercial. En effet, les entreprises énergétiques européennes, y compris EDF et GDF, mettent en évidence l'importance de l'offre multiénergies. La complémentarité d'EDF et de GDF sur ce plan n'est d'ailleurs contestée par personne.

Elle est aussi nécessaire du point de vue de l'efficacité et de la synergie. En effet, la distribution commune est un exemple unique de synergie et d'économies d'échelle. Le plus difficile, lors d'une fusion, est de réussir le rapprochement des équipes et l'acquisition d'une culture commune. Or en ce qui concerne EDF et GDF, c'est déjà fait !

Cette fusion est également nécessaire du point de vue financier. En effet, si la fusion de ces deux entreprises n'est pas retenue, chacun ira chercher de son côté un gazier et un électricien, à grand renfort de milliards d'euros, ce qui représentera le plus grand gâchis financier de l'histoire d'EDF et de GDF. Une fusion, quant à elle, ne coûterait rien.

La fusion s'impose également du point de vue social. Des fusions avec d'autres énergéticiens engendreraient les difficultés classiques inhérentes à toute fusion. Il faudrait conserver les équipes, les faire travailler ensemble, opérer des suppressions d'effectifs. Des problèmes de cultures d'entreprises divergentes se poseraient. Or, dans le cas précis d'EDF et de GDF, les agents sont largement favorables à la fusion de leurs entreprises.

Par ailleurs, au regard des enjeux à long terme, la fusion serait l'occasion de faire travailler ensemble tous les chercheurs et de renforcer les moyens, au service des enjeux énergétiques d'aujourd'hui et de demain.

Autrement dit, refuser aujourd'hui la fusion d'EDF et de GDF, ou la repousser en attendant les conclusions d'une commission ou les résultats d'un audit, c'est décider délibérément de courir tout droit à la catastrophe.

Faire, aujourd'hui, le choix de la séparation, au nom de la création de deux grands énergéticiens français, c'est aller vers la disparition d'énergéticiens français publics indépendants, vers des revers financiers et commerciaux, vers l'éclatement de la distribution commune et vers les problèmes sociaux liés à ces événements prévisibles.

Sur le plan juridique, aucun obstacle ne s'y oppose, nous y reviendrons plus tard, au regard d'une analyse juridique tout à fait sérieuse et étayée.

Sur le plan organisationnel, la fusion n'est pas à faire, car, pour l'essentiel, elle est déjà faite.

La fusion d'EDF et de GDF, avec le maintien de l'intégration verticale, est stratégique. Ne pas l'opérer mettrait en danger les deux entreprises, en les jetant dans une partie de Monopoly financier coûteuse et risquée.

Grâce à la fusion, les moyens d'EDF et de GDF pourraient être mis au service de la politique énergétique française de court et de long terme. Ce serait un bien meilleur investissement que de viser une course à la taille critique par des achats à l'international dispendieux et peu efficaces.

La fusion ne dépend que de la volonté politique : volonté politique d'éviter la mise en danger tant de GDF que d'EDF ; volonté politique de promouvoir un outil efficace au service de la politique énergétique française.

Or cette volonté politique, le Gouvernement ne l'a pas, et il se cache derrière des arguments aussi douteux les uns que les autres !

Le Gouvernement s'est résolument placé dans une position de soutien à Alstom. Il s'est également prononcé en faveur d'une fusion Sanofi-Aventis. S'agissant de l'énergie, les enjeux sont au moins aussi importants. A défaut de l'accord gouvernemental, le Parlement devrait prendre position en faveur d'une telle fusion, qui - je le rappelle - est d'autant plus facile à réaliser qu'elle est d'ores et déjà en grande partie effective sur le terrain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.

Madame Beaufils, monsieur Reiner, voulez-vous faire condamner la France par Bruxelles pour abus de position dominante ? La Commission européenne a été très précise sur ce point.

Il en résulterait, pour EDF, l'abandon de quelques centrales de production et de quelques marchés territoriaux. Idem pour Gaz de France en matière de stockage.

Autre conséquence : en cas de condamnation, une partie des salariés devra quitter EDF et GDF et devenir salariés des nouvelles entreprises qui reprendront des centrales ou des marchés.

Enfin, la CGT et FO sont peut-être favorables à la fusion, mais, je vous le rappelle, la CFDT et la CGC - je parle bien entendu des sections syndicales concernées - y sont résolument opposées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet le même avis défavorable en se fondant, non seulement sur les déclarations de M. le rapporteur, mais également sur les propos que j'ai tenus hier dans la discussion générale. Je n'y reviens donc pas.

MM. Jean-Pierre Bel et Daniel Reiner. A quoi sert, alors, la discussion des articles ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 249.

Mme Marie-France Beaufils. Je suis quand même étonnée par les réponses qui nous sont apportées !

M. Daniel Reiner. Il y a de quoi !

Mme Marie-France Beaufils. A moins que l'on ne cherche à amuser la galerie...

M. Sarkozy a annoncé dans la presse - il nous l'a également déclaré hier après-midi - que l'opportunité d'une fusion ainsi que ses conséquences seraient examinées. Aujourd'hui, on nous dit qu'il est inutile de s'engager dans une telle démarche, car celle-ci va à l'encontre des objectifs recherchés et que l'Europe nous condamnera.

J'ai donc un peu de mal à comprendre que l'on puisse évoquer le travail d'une commission sur ce sujet. On confie d'ailleurs à MM. Gadonneix et Roussely le soin de procéder à une analyse, alors que l'on sait qu'ils sont opposés à la fusion.

J'avais déjà émis des doutes sur la volonté d'étudier de plus près la possibilité d'une telle fusion. Et vous êtes en train de dire aux salariés les plus actifs dans la lutte, ceux qui se sont mobilisés pour résister à l'ouverture du capital qui est en fait une démarche vers la privatisation, que les déclarations de M. Sarkozy dans la presse n'ont aucune incidence pour l'avenir. Cette conception du débat démocratique est lamentable et regrettable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Moi aussi, je veux dire mon étonnement.

En examinant les amendements en commission, nous pensions que nous aurions largement la possibilité de nous exprimer durant le débat.

Lors de sa réponse aux orateurs, M. le ministre délégué a longuement dit tout le mal qu'il pensait du gouvernement de M. Jospin, mais il n'est pas vraiment entré dans le détail du projet de loi.

Nous sommes quand même en train de transformer en société anonyme un établissement public qui est l'un des fleurons de l'économie nationale ! Nous ne discutons pas, comme lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, de détails subtils que seuls quelques initiés peuvent comprendre. Il s'agit ici d'un problème de fond !

M. Jean-Pierre Bel. M. le ministre délégué ne répond pas à nos questions, car il estime avoir déjà tout dit dans la discussion générale. Or chaque article, chaque amendement requiert un vrai débat. Vous avez effectué un choix politique, nous ne vous le reprochons pas, mais assumez-le et expliquez-le nous !

M. Bernard Piras. Très bien !

M. Robert Bret. Faut-il encore un Parlement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je suis moi-même indigné par ces fausses indignations. Dans la discussion générale, le Gouvernement a été très clair.

M. Jean Chérioux. Tout à fait !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Premièrement, une commission étudiera la possibilité d'une fusion. A cet égard, les présidents des deux entreprises ont été consultés. Vous nous répondez qu'ils y sont opposés. Mais je vous signale que leur avis est important, car ils connaissent leur entreprise.

Même s'ils sont hostiles à une éventuelle fusion, le rapport qu'ils remettront sera éclairant. Le Gouvernement ne saurait s'en passer pour prendre sa décision, y compris s'il contient des objections.

Deuxièmement, nous devons mener une mission exploratoire auprès de la Commission de Bruxelles, car nous allons a priori nous retrouver en situation d'abus de position dominante.

Avec vos amendements, vous voulez brûler les étapes et nous mettre devant le fait accompli. On vous a expliqué qu'il y avait un processus et qu'il fallait avancer avec prudence. Vous en faites fi. Vous avez également l'audace de dire que nous ne tenons pas compte du Parlement et que les déclarations faites à la presse sont factices.

Votre méthode consiste à passer en force. La nôtre est plus raisonnable, mais elle ne saurait légitimer les fausses indignations que vous exprimez ici.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er A ou avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières
Art. additionnels avant l'art. 1er

Article 1er A

Avant le dernier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« 3° La recherche de la meilleure efficacité énergétique et économique dans les décisions de dépenses d'investissement et de fonctionnement, notamment au travers de travaux de recherche et de développement.

« La mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de distribution d'électricité consiste en outre à :

« 1° Assurer l'accueil, le conseil et la gestion clientèle des utilisateurs du réseau, dans les meilleures conditions de qualité et d'efficacité économique et sociale, en préservant la présence du service public de l'électricité sur l'ensemble du territoire et en contribuant à la politique d'aménagement du territoire et à la politique de la ville ;

« 2° Contribuer à la cohésion sociale, au moyen de la péréquation géographique nationale des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 248 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission comprend les motivations qui sous-tendent cet article, lequel vise à élargir le contenu de la mission de développement et d'exploitation des réseaux.

La partie nouvelle de ce dispositif ne présente qu'une faible portée normative puisqu'elle tend essentiellement à indiquer que les investissements réalisés sur le réseau de distribution doivent répondre à une rationalité économique.

Le reste de l'article concerne les éléments relatifs à la définition de la mission de développement et d'exploitation des réseaux de distribution d'électricité. Ces dispositions figurent intégralement dans la loi du 10 février 2000.

En vérité, l'article 1er A affaiblit presque les articles 1er et 2 du projet de loi que nous examinons, qui affirment fortement les missions de service public de l'électricité et du gaz.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 248.

M. Gérard Le Cam. Cet article vise à compléter la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Nous ne sommes bien évidemment pas défavorables à l'extension des missions de service public. Nous considérons que les exigences en matière de péréquation tarifaire sont nécessaires, car elles participent au renforcement de la cohésion sociale.

Néanmoins, nous avons eu l'occasion de développer une conception beaucoup plus riche des missions de service public au cours de ce débat et nous continuons de penser qu'il faut aller bien au-delà.

Nous observons aussi que certaines dispositions sont ambiguës ; elles pourraient avoir l'effet contraire de celui qui est recherché. En effet, l'une des dispositions qui complète la loi de février 2000 étend le domaine des missions de service public à « la recherche de la meilleure efficacité énergétique et économique dans les décisions de dépenses d'investissement et de fonctionnement, notamment au travers de travaux de recherche et de développement ».

Cette idée de rechercher la meilleure efficacité énergétique et économique dans les dépenses d'investissement ne sous-entend-elle pas la recherche systématique de la rationalisation et de la réduction des coûts ?

Il ne nous paraît pas judicieux d'orienter a priori les travaux de recherche et de développement vers une meilleure efficacité économique. Nous disons oui à l'efficacité énergétique, oui à l'efficacité environnementale, oui à l'efficacité sociale, mais nous disons non à l'efficacité économique qui conduit très souvent à des aberrations, notamment environnementales et sociales, surtout quand il s'agit de remplir les poches des actionnaires.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Démagogie !

M. le président. L'amendement n° 133, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour insérer quatre alinéas avant le dernier alinéa du II de l'article 2 de la loi n° 2000108 du 10 février 2000, après les mots :

à la cohésion sociale

insérer les mots :

et à l'égal accès de tous à l'électricité,

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 248.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er A est supprimé.

Art. 1er A
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Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 254, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le domaine énergétique, les missions de service public de l'électricité et du gaz doivent être réalisées par des agents assujettis au statut du personnel des industries électriques et gazières défini par le décret n° 461541 du 22 janvier 1946.

En particulier, le personnel nécessaire à l'exploitation, à la maintenance et aux améliorations des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire doit, dans son ensemble, être assujetti à ces dispositions statutaires.

En ce qui concerne les salariés dont l'activité sur ces centrales est occasionnelle, ils doivent disposer de garanties sociales de haut niveau dont la base minimale est constituée par le statut des industries électriques et gazières.

Les questions de conditions de travail et de santé au travail doivent être examinées au sein d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement porte sur le statut des personnels des industries électriques et gazières, notamment ceux qui travaillent dans les centrales nucléaires. Tous ces personnels, y compris ceux qui y travaillent de façon occasionnelle, doivent être assujettis aux dispositions statutaires.

Dans tous les cas, les questions de conditions de travail et de santé au travail doivent être examinées au sein d'un comité d'hygiène et de sécurité unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car les personnels employés par les sous-traitants travaillant dans des centrales nucléaires ne sont pas nécessairement des électriciens.

Votre proposition pourrait revenir à bouleverser de nombreuses conventions collectives, compte tenu des différents métiers intervenant. Il faudrait commencer par discuter longuement avec les syndicats d'un tel bouleversement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 254.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 256, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Chaque fournisseur, chaque opérateur, chaque distributeur participe au financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles (production, transformation, transport, distribution, stockage, utilisation, technologies associées). Pour chacun, l'effort financier pour l'année N doit être a minima égal à 3% de la valeur ajoutée de l'année N-1 réalisée dans leur activité gazière, dont 0,5% est consacré à la recherche fondamentale.

II. - Les fonds correspondants peuvent être utilisés à des activités de recherche sur les gaz combustibles au sein même de l'entreprise et/ou d'une de ses filiales et/ou dans un organisme de recherche créé ou géré en coopération avec d'autres entreprises gazières et/ou dans un organisme de recherche publique.

III. - La Commission de régulation de l'énergie veille au respect de ces dispositions. En cas de non-respect, elle en informe les ministres chargés de l'énergie et de la recherche qui prennent les mesures nécessaires.

IV. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Je regrette que le Sénat n'ait pas adopté notre amendement précédent, car la sécurité de nos centrales nucléaires et de tous les sous-traitants qui y travaillent est une question importante.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous y sommes aussi attachés que vous !

Mme Odette Terrade. L'amendement n° 256 porte sur le financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles.

En application des articles 2 et 3 du projet de loi du 8 avril 1946, EDF et GDF se sont vu confier des activités d'ingénierie et de recherche. Or le présent projet de loi ne précise nulle part qu'EDF et GDF exerceront des activités dans ces domaines essentiels pour l'avenir de notre pays. Cela nous semble particulièrement grave à l'heure où le ministre de l'économie entend faire en sorte que l'Etat se concentre sur les dépenses préparant l'avenir.

Par cet amendement, nous souhaitons mettre l'accent sur le rôle actuel d'EDF en matière de recherche. Ainsi, le budget consacré à la recherche par cet établissement public s'élevait, en 2003, à 450 millions d'euros, soit 1,6 % du chiffre d'affaires et 2,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise.

Cet effort de recherche global est certes important, mais il diminue, ce qui est grave. Cela se comprend dans un contexte où la direction de l'entreprise, désirant et anticipant la privatisation, n'a de cesse de confondre la raison d'être d'un EPCI, un service public, et celle d'une société anonyme. Promouvoir une culture d'entreprise pour affaiblir la culture de service public à laquelle les agents sont particulièrement attachés, tel est le projet qui se met déjà en oeuvre.

Parallèlement à cette course folle aux acquisitions externes dénuées de toute logique industrielle, le budget consacré à la recherche a diminué de 20 % depuis 1999. Une nouvelle baisse de 10 % est annoncée à l'horizon de 2006 et 250 postes devraient alors être supprimés.

Ces choix stratégiques imposés par des dirigeants spécialistes du pilotage à courte vue ont eu pour conséquence la suppression de laboratoires expérimentaux uniques en Europe, qui menaient des recherches de pointe en matière d'expérimentation sur le réseau ou de qualification des matériels de sûreté du nucléaire. Ces compétences sont ignorées.

Le Gouvernement prétend inscrire des objectifs de recherche et développement dans les contrats de service public passés avec les entreprises. Pour notre part, nous proposons que l'effort financier en matière de recherche de chaque fournisseur, de chaque opérateur et de chaque distributeur soit au moins égal pour l'année n à 3 % de la valeur ajoutée de l'année n-1.

Cette disposition permettrait, dans le cas du maintien du statut d'EPCI, non seulement de préserver les compétences d'EDF, mais également de les renforcer. En outre, elle participe de notre volonté de sauvegarder le patrimoine qui appartient à la nation, et non à l'Etat, et dont font partie ces compétences sans lesquelles nos entreprises n'auraient pas pu atteindre, dans certaines filières industrielles, un niveau d'excellence reconnu sur le plan mondial.

Se priver progressivement de telles compétences serait placer l'entreprise dans une voie sans issue. EDF et GDF ont, au contraire, besoin de recherche sur le très long terme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'avis est défavorable. Nous sommes, nous aussi, attachés à la recherche. Je tiens à le dire, ceux qui sont contre cet amendement ne sont pas contre la recherche.

Ma chère collègue, jusqu'à plus ample information, la France est un pays libre et chaque entreprise y est libre de consacrer les fonds qu'elle désire à ses activités de recherche. C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement terriblement contraignant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'avis est défavorable. Cet objectif a sa place dans les contrats de service public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières
Art. 2

Article 1er

Les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public qui sont assignées à Electricité de France et à Gaz de France par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie et la présente loi font l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises, sans préjudice des dispositions des contrats de concession mentionnés à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.

Ces contrats se substituent à l'ensemble des contrats mentionnés à l'article 140 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

Ces contrats et leurs conditions de mise en oeuvre font l'objet d'une évaluation triennale dans le cadre du rapport sur l'Etat actionnaire prévu à l'article 142 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 précitée.

Ce rapport fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Les contrats portent notamment sur :

- les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement et de qualité de la fourniture du service rendu aux consommateurs ;

- les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ;

- les modalités d'évaluation des coûts entraînés par la mise en oeuvre du contrat et de compensation des charges correspondantes ;

- l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ;

- la politique de recherche et développement des entreprises ;

- la politique de protection de l'environnement, incluant l'utilisation rationnelle des énergies et la lutte contre l'effet de serre.

Dans ces contrats sont définis, pour chacun des objectifs identifiés ci-dessus, des indicateurs de résultats. Le Parlement est informé triennalement de l'évolution de ces indicateurs.

Dans le cadre de leurs activités, en particulier de gestionnaires de réseaux, Electricité de France et Gaz de France contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs en gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution.

L'Etat peut également conclure, avec les autres entreprises du secteur de l'électricité et du gaz assumant des missions de service public, des contrats précisant ces missions.

M. le président. Je suis saisi de quarante-quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 144 est présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté.

L'amendement n° 259 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Piras, pour défendre l'amendement n° 144.

M. Bernard Piras. Fidèles à notre logique, nous proposons la suppression de cet article qui, à l'origine, était censé - du moins l'espérions-nous - renforcer le rôle d'EDF et de GDF dans la mise en oeuvre des missions de service public définies par les lois de 1946, de 2000 et de 2003.

Nous sommes finalement devant un texte qui dessaisit le Parlement d'une de ses missions premières, celle de définir les missions de service public et ses conditions de mise en oeuvre.

Les contrats de plan et de groupe qui définissaient les relations entre l'Etat et les deux EPIC sont supprimés. Ils sont remplacés par un nouveau type de contrats, aux contours imprécis, incomplets, voire dangereux.

Sur la forme, d'abord, on ne connaît pas la durée de validité de ces contrats. On ne sait pas comment ils seront élaborés. Les personnels seront-ils, comme aujourd'hui, consultés sur les contrats de plan ? Le Parlement sera-t-il destinataire des avant-projets de contrat ?

Sur le fond, ensuite, les impératifs d'aménagement du territoire ne sont pas pris en compte. Il n'est pas même prévu d'assurer un égal accès de tous en tout point du territoire au service public. Il est simplement prévu « l'accès au service public », formulation ouvrant la voie à des réorganisations.

Le dispositif de la loi d'aménagement du territoire, dite loi Voynet, qui prévoyait une consultation des collectivités locales concernées et des commissions départementales de service public dans l'hypothèse d'une réorganisation d'un service public non conforme aux objectifs de contrat de plan, ne s'appliquera plus puisque, désormais, les contrats créés par cet article se substituent aux contrats de la loi Voynet.

Nous avons confirmation de ce que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux n'est que de la poudre aux yeux et, avec cet article, le Gouvernement va autoriser EDF et GDF à fermer les agences dans des zones rurales sans pour autant imposer la création d'agences dans les zones urbaines difficiles. C'est donc le « déménagement du territoire », comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de la discussion générale !

Par conséquent, cet article s'inscrit dans une logique de banalisation des activités de service public d'EDF-GDF. Il s'agit de leur imposer le moins de contraintes possibles pour améliorer leurs performances financières et satisfaire les exigences des actionnaires à venir.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 259.

M. Robert Bret. Si nous sommes satisfaits de lire dans votre projet de réforme, monsieur le ministre, l'intitulé du titre Ier, « Le service public », force nous est de constater que les modalités et les missions de service public dont nous avons longuement discuté en 1999 et en 2000 sont totalement absentes de cet article 1er, comme de tout le texte.

La loi de 2000 dispose en effet, au troisième alinéa de son article 1er, que le service public « concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique ».

On peut comparer ce texte avec le dernier alinéa de l'article 1er du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis : « Dans le cadre de leurs activités, en particulier de gestionnaires de réseaux, Électricité de France et Gaz de France contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs en gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution. »

Dans le présent projet de loi, la définition de la cohésion sociale se réduit donc, monsieur le ministre, à la question de la péréquation tarifaire. Or l'électricité pour tous, c'est la nécessité de maintenir les tarifs sociaux mis en place par la loi de 2000 et la garantie de service pour les plus démunis.

De leur côté, on le sait, les personnels ont su s'adapter à l'évolution des besoins et des modes de vie, tout en apportant le même service sur l'ensemble du territoire national, jusqu'aux fermes les plus éloignées dans nos campagnes ou dans nos montagnes, quelles que soient les conditions météorologiques.

En fait, deux philosophies s'opposent : l'une sociale, à laquelle nous souscrivons pleinement, l'autre - la vôtre -dogmatiquement financière. Cela se confirme à la lecture de l'article 16 de la loi du 3 janvier 2003 concernant le service public du gaz, article qui se borne à énumérer des règles générales techniques, sans aucune allusion à la philosophie et à la déontologie du service public.

Devant tant d'incompatibilités entre le projet actuel et le texte de 2000, on peut se demander si l'imprécision de votre article 1er, monsieur le ministre, et, plus généralement, la prééminence du contrat ne cachent pas une abrogation implicite de l'article 1er de la loi de 2000, qui revient, dans les faits, à remettre totalement en cause le service public et ses principes.

En outre, l'essentiel est renvoyé au contrat qui, ne pouvant que privilégier les intérêts des agents économiques les plus puissants, évacue l'intérêt général. Dans le même temps, les missions de service public sont pratiquement vidées de leur substance, votre texte en témoigne.

Rien de tout cela ne saurait nous surprendre, surtout si nous nous référons à un article paru dans Le Monde du 28 avril dernier. Le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, Renaud Dutreil, y expliquait : « Nous réformons l'État pour que le service public soit avant tout le service du public. » Il y est aussi précisé que les mots « clients » et « salariés » ont remplacé les mots « usagers » et « agents ».

Ces évolutions lexicologiques n'ont rien d'anodin. Elles dénotent une vision rigoureusement opposée à la nôtre parce que totalement étrangère à la notion de service public !

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public qui sont assignés à Electricité de France, à Gaz de France et aux gestionnaires de réseau de transport d'électricité ou de gaz sont définis par la loi n° 46628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et la loi n° 20038 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Nous qui sommes tous avertis des réalités du terrain, nous avons des raisons de nous méfier compte tenu des évolutions des services publics dans nos départements, en particulier dans les zones rurales.

Dans la continuité de ce que viennent de dire Bernard Piras et Robert Bret, nous nous fixons comme objectif la préservation du pouvoir du législateur quant à la définition des missions de service public.

Il s'agit de supprimer la référence aux nouveaux contrats et de maintenir les contrats actuels.

M. le président. L'amendement n° 268, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public qui sont assignées à Electricité de France sont fixées par la loi n° 2000108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public qui sont assignées à Gaz de France sont fixées par la loi n° 20038 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Alors que le premier alinéa de l'article 1er de la loi de 2000 dispose : « Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général », le texte que nous soumet aujourd'hui le Gouvernement fait uniquement référence « aux exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement et de qualité du service rendu aux consommateurs ». Point n'est besoin d'être fort en explication de texte pour comprendre que s'expriment là deux conceptions différentes du service public !

Le quatrième alinéa de l'article 1er de la loi de 2000 était rédigé en ces termes : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. » Or dans votre texte, monsieur le ministre, tous ces principes fondamentaux du service public sont résumés en une formule lapidaire : les contrats portent notamment sur «les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ».

Le service public a, à notre avis, pour épicentre la citoyenneté. Celle-ci disparaît, comme disparaissent la tarification sociale et les garanties offertes aux usagers par le service public.

Le rôle de l'État en matière d'orientation économique, d'aménagement du territoire, de service au public, n'existe plus, gommé par cet article 1er.

Vous prétendez regretter, au fond, d'être obligé de transformer l'établissement public en société anonyme. Vous n'avez pas réussi à nous en convaincre et, une fois de plus, nous vous demandons d'abandonner vos funestes propositions.

L'article 1er risque de priver le législateur du pouvoir de définir les obligations de service public d'EDF et GDF, en particulier en ce qui concerne la péréquation nationale des tarifs de vente d'électricité et de gaz, qui ne reste réservée qu'aux consommateurs domestiques.

En indiquant qu'il y aura, pour les autres consommateurs, péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution, on laisse le champ libre à une détermination aléatoire du périmètre de la péréquation.

Pour toutes ces raisons, cet article mérite d'être supprimé. Le législateur doit conserver le pouvoir de définir le contenu des missions de service public afin que celles-ci soient respectées par l'ensemble des opérateurs.

La Commission européenne aurait-elle aujourd'hui, comme on voudrait nous le faire croire, une interprétation différente de celle qu'elle donnait il y a un an ? Notre groupe ne cessera de le démontrer tout au long de cet examen, aucun des prétextes que Mme de Palacio ou vous-même invoquez ne résiste à l'analyse : ce texte n'est pas une exigence de l'Europe. Ce n'est pas la « faute à l'Europe » ! C'est bien le résultat du choix que vous faites aujourd'hui.

Cette mise en parallèle manifeste une incompatibilité absolue entre les orientations de ces deux textes. La dimension sociale du service public qui figure dans le texte de 2000 a complètement disparu dans le projet actuel. Vous vous souciez essentiellement du coût des obligations de service public imposées aux entreprises. En clair, la rentabilité financière se substitue à « l'efficacité économique, sociale et énergétique » prévue par la loi de 2000.

Cet article 1er s'inscrit donc dans la logique d'ensemble de démolition sociale qui sous-tend le projet de loi. La présence des mots « service public » dans l'intitulé de son titre Ier relève presque de la provocation, si tant est que ce concept ait encore un sens pour vous, ce dont on peut douter à la lumière de ce débat.

M. le président. L'amendement n° 145, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

mise en oeuvre

insérer les mots :

de l'intégralité

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Cet amendement vise à préciser qu'est assignée à EDF et à GDF l'intégralité des missions de service public de l'électricité et du gaz.

A l'occasion de ce débat si important, nous pensons vraiment qu'il ne faut pas banaliser ces missions de service public qui font l'essence même de l'établissement public EDF.

Nous ne voulons pas que tout le monde puisse, demain, faire du service public. Or je considère que ce texte fait courir un grand risque de dilution du service public du fait de l'intervention de plusieurs opérateurs.

Banaliser cette mission de service public conduirait à en réduire la portée. Nous sommes, vous le savez, profondément opposés à ce qui se profile, c'est-à-dire une forme de démantèlement du service public.

M. le président. L'amendement n° 269, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

font l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises

par les mots :

sont fixés par le Parlement

II. En conséquence, supprimer les deuxième à dernier alinéas de cet article.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L'Etat entend garder la maîtrise de ses relations avec les entreprises, par le biais non de la loi, mais du contrat.

Cette place prééminente du contrat est renforcée par le fait que sa durée n'est nullement précisée.

De surcroît, l'article 140 de la loi de 2001 dispose que les contrats d'entreprise sont réputés ne contenir que des clauses contractuelles. Dans ces conditions, ils ne peuvent en aucune façon se substituer à la loi.

Par l'article 1er du présent projet de loi, l'article 140 de la loi de 2001 relatif aux contrats d'entreprise pluriannuels est expressément abrogé. Ces contrats ne s'imposent plus absolument : l'Etat « peut » en conclure.

Or, dans votre projet de loi - l'indicatif ayant valeur impérative, comme disait le général de Gaulle -, il s'agit d'une obligation absolue puisqu'il est écrit : « Les objectifs et les modalités de mise en oeuvre des missions de service public [...] font l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises. »

Nous vous proposons de supprimer la référence aux contrats entre l'Etat et chacune des entreprises, EDF et GDF, et de préciser dans la loi les missions qui sont garanties aux usagers.

Ainsi, nous souhaitons mettre en évidence les problèmes de sécurité et de continuité des approvisionnements présents et futurs.

Dans la Lettre de l'électricité, publication de l'Union française de l'électricité, on peut lire l'analyse suivante : « Le processus de libération du marché réduit le degré de sécurité du système électrique. À court terme, le nouveau cadre concurrentiel dilue les responsabilités et "désoptimise" le système. Alors que, dans le modèle intégré historique, un seul opérateur était responsable de la sécurité du système sur un territoire donné, celle-ci résulte désormais des interactions d'une multitude d'acteurs - producteurs, transporteurs, régulateurs, Bourse -, sans que l'un d'entre eux soit complètement responsable. L'indépendance de gestion des réseaux de transport et de distribution, imposée par la directive, met fin à la coordination et à l'optimisation des moyens de transport et des moyens de production. II en résulte que, pour parvenir au même niveau de sécurité, un système électrique déréglementé nécessite davantage de lignes de transport. »

Cela signifie bien qu'on entre dans une certaine insécurité.

Parlons maintenant de l'égalité d'accès au service public de l'énergie sur tout le territoire, en particulier des notions de raccordement et de services aux particuliers. Voilà quelques années, ces services étaient gratuits. Puis ils sont devenus payants et, depuis le 23 décembre 2003, ils ont littéralement explosé.

D'autres intervenants ont rappelé ces chiffres, mais il faut les répéter, car c'est la réalité quotidienne que vivent nos administrés.

Lorsque chacun d'entre nous retournera dans son département, ceux qui auront voté contre le fait de garantir la sécurité et la continuité des approvisionnements, contre l'égalité d'accès au service public, contre un prix de l'énergie et des services associés au plus près des coûts de revient, devront expliquer pourquoi.

Votre texte n'apporte pas ces garanties, monsieur le ministre, et pour cause ! A vous croire, le contrat, ce serait la liberté, et la loi, l'oppression !

C'est bien le respect des prérogatives du Parlement qui est ici en jeu. Nous souhaitons préserver les prérogatives des représentants du peuple, dans l'intérêt de ce dernier.

M. le président. L'amendement n° 271, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

font l'objet de contrats conclus entre l'Etat et chacune de ces entreprises

remplacer la fin du premier alinéa et les deuxième à derniers alinéas de cet article par les dispositions suivantes :

et garantissent aux usagers :

- la sécurité et la continuité des approvisionnements présents et futurs ;

- l'égalité d'accès au service public de l'énergie sur tout le territoire ;

- le prix de l'énergie et des services associés au plus près du coût de revient ;

- la cohésion sociale par la péréquation nationale des tarifs ;

- la poursuite d'une grande politique de recherche et de diversification des sources énergétiques.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Je reprends l'idée que nous avons évoquée lorsque nous avons défendu notre motion tendant à opposer la question préalable, selon laquelle un enregistrement dans le texte de loi des missions de service public d'EDF-GDF rendrait effectivement hommage, non seulement aux morts de la Résistance au nazisme, toutes tendances philosophiques et toutes nationalités confondues, mais aussi au programme de gouvernement qui a suivi et qui traduisait la nécessité d'une nouvelle justice humaine et sociale.

Les nationalisations réalisées en 1946 reflétaient la volonté politique de rendre à la France sa grandeur et de garantir un niveau de confort nécessaire au bien-être de la population.

Notre amendement n° 271 vise à donner des garanties aux usagers.

A titre d'exemple, le tarif actuel d'un déplacement chez un particulier est passé , pour relever un compteur, de 12,40 à 25,30 euros, soit une augmentation de 108 %, et, pour contrôler un appareil, de 29,90 à 39,47 euros, soit une augmentation de 35 %.

Notre ami Daniel Paul a déclaré fort à propos à l'Assemblée nationale : « Comme une future mariée qui souhaite séduire les prétendants revêt ses plus beaux atours, ... » - argument bien peu féministe, mais que je me permets néanmoins de reprendre ! (Sourires) - « ...l'entreprise publique EDF, pour attirer les actionnaires, cherche à montrer qu'elle peut réaliser de beaux profits. »

Nous demandons que soit garanti aux usagers un prix de l'énergie et des services associés au plus près du coût de revient.

Le prix du gaz a également fortement augmenté au cours des dernières années.

Si les tarifs ne faisaient que répercuter la hausse des coûts d'acquisition du gaz, la marge de GDF devrait être constante, à la différence près de l'augmentation des ventes.

Or, en deux ans, de 2001 à 2003, la marge a progressé de 934 millions d'euros - ce n'est pas négligeable ! -, dont 636 millions d'euros pour les seuls usagers domestiques, qui ne représentent pourtant que 23 % de la consommation. Ces derniers génèrent donc les deux tiers de la marge globale !

Sans doute est-il plus intéressant de faire payer les usagers domestiques que les grandes entreprises !

Cela n'empêchera pas l'Etat de signer un contrat avec les entreprises, s'il y tient.

Nous souhaitons donc que ce qui est garanti aux usagers des services publics soit précisé dans la loi.

M. le président. L'amendement n° 270, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le contenu de ces contrats est soumis à l'approbation du Parlement.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Nous pourrions envisager que les contrats prévus à l'article 1er définissent les modalités de mise en oeuvre des missions de service public assignées aux entreprises énergétiques et que l'exécutif joue son rôle, qui est précisément d'exécuter la volonté du législateur.

Mais ces contrats fixent également les objectifs des missions de service public. Le projet de loi introduit là une confusion inadmissible entre « objectifs » et « missions », monsieur le ministre.

A nos yeux, c'est au peuple, directement ou par l'intermédiaire de ses représentants, qu'il revient de déterminer les missions de service public.

Cependant, la substitution du contrat à la loi permet de définir une sorte d'intérêt général qui n'est plus l'intérêt de la collectivité, mais celui des agents économiques les plus puissants.

La liberté du contrat, en l'occurrence, ressemble à s'y méprendre à celle du renard dans le poulailler !

Quels sont les principes fondateurs de notre démocratie parlementaire, monsieur le ministre ? La loi, expression de la volonté générale, selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est en fait l'expression de la volonté du peuple souverain et de la collectivité. Seule cette expression permet de déterminer l'intérêt général, qui est l'intérêt de la collectivité.

Le contrat entre l'Etat et une entreprise ne peut pas exprimer l'intérêt général en tant qu'intérêt de la collectivité. L'Etat n'exprime pas la volonté de la nation : il n'en est que le dépositaire.

Forts de ce constat, nous estimons non seulement utile, mais encore nécessaire de préciser que les contrats visés à l'article 1er du projet de loi seront soumis à l'approbation du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Préalablement à leur signature, ces contrats sont soumis au conseil d'administration d'Electricité de France ou de Gaz de France.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement prévoit que, préalablement à leur signature, les contrats de service public conclus entre l'Etat et les entreprises EDF et GDF seront soumis au conseil d'administration de ces entreprises, afin de permettre la consultation, notamment, des représentants des salariés dans ces entreprises.

Une telle disposition permettra de compléter l'information de ces derniers, s'agissant tant des missions de service public que des changements qui interviendront dans le travail quotidien des salariés des entreprises concernées.

M. le président. L'amendement n° 146, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les projets de contrats sont soumis à l'avis des organisations syndicales d'Electricité de France et de Gaz de France, puis des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes sur les questions énergétiques.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Dans le prolongement de l'amendement que vient de présenter le rapporteur, nous proposons d'étendre la consultation au-delà des conseils d'administration, où les actionnaires privés représenteront 30 % des voix, selon le degré d'ouverture du capital fixé par le Gouvernement.

Tout d'abord, nous souhaitons que les projets de contrat de service public soient soumis à l'avis des organisations syndicales de ces entreprises.

Ensuite, la rédaction actuelle de l'article 1er écarte totalement le Parlement de la définition des missions de service public assignées à EDF et GDF. Il nous paraît souhaitable de le rétablir dans son rôle, au moins à travers les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes sur les questions énergétiques.

M. le président. L'amendement n° 147, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Nous ne sommes pas favorables aux contrats de service public. Nous considérons, pour notre part, que les contrats de plan couvrent un champ beaucoup plus large.

Nous estimons, en outre, que des questions aussi importantes que la stratégie de développement ne doivent pas être discutées uniquement au sein du conseil d'administration des entreprises concernées. Il importe, selon nous, que l'Etat reste maître de la politique énergétique.

M. le président. L'amendement n° 150, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Ces contrats sont définis selon les principes et conditions énoncés par les articles 1er à cinq de la loi n° 2000108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et 15 à 18 de la loi n° 20038 du 3 janvier 2003.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Cet amendement vise à rétablir les actuels contrats de groupe et de plan.

Il tend à fixer le cadre des contrats de service public signés par les opérateurs historiques avec l'Etat. A l'inverse de la rédaction actuelle de l'article 1er du présent projet de loi, qui organise le dessaisissement du pouvoir législatif et s'en remet au simple contrat pour la définition des obligations et des missions de service public, cet amendement renvoie aux articles des lois de 2000 et de 2003 qui définissent précisément le service public de l'électricité et du gaz.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Supprimer les troisième et quatrième alinéas de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les amendements nos 3, 6, 7 et 8 visent simplement à modifier l'ordre des dispositions qui ont été introduites par l'Assemblée nationale. La commission ne souhaite en aucun cas supprimer ces ajouts, qu'elle estime bons.

Le Sénat effectue là, comme d'habitude, son travail de vigilance, pour améliorer la lisibilité des textes.

M. le président. L'amendement n° 153, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa de cet article, après les mots :

en matière de sécurité d'approvisionnement

insérer les mots :

, de régularité

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa de cet article, supprimer les mots :

de la fourniture

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous approuvons l'ajout proposé par nos collègues socialistes avec l'amendement n° 153, mais nous suggérons de supprimer ces trois mots qui ont été introduits par l'Assemblée nationale et qui n'apportent rien au texte.

M. le président. L'amendement n° 265, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa de cet article, remplacer le mot :

consommateurs

par le mot :

usagers

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Je dois reconnaître que les dérives dans le vocabulaire ne sont pas forcément le fait du gouvernement actuel puisque cette terminologie tendant à faire des « usagers » des services publics des « consommateurs » ordinaires a aussi imprégné l'ancienne majorité, comme l'attestent les termes de la loi du 10 février 2000!

Les députés communistes se sont longuement exprimés pour exposer les raisons qui motivent notre rejet des dispositions inscrites dans l'article 1er du projet de loi. Il convient cependant de revenir sur deux aspects.

Tout d'abord, compte tenu de l'incertitude des missions de service public et du lien qui existe entre ces missions et le statut du personnel, nous pensons que le statut du personnel de EDF et de GDF est manifestement menacé, contrairement aux déclarations gouvernementales, d'autant que tout dépendrait du contrat et non de la loi. Mais il me semble que nous avons suffisamment fait part de nos réticences à propos de ce contrat, dont nous dénonçons la fragilité, pour ne pas revenir sur ce point.

Simplement, on peut se poser la question suivante : le juge administratif, qui contrôle la légalité du statut des agents de EDF et de GDF, pourrait-il être compétent pour contrôler la légitimité du maintien du statut de ces agents par rapport aux contrats passés entre l'Etat, d'une part, et EDF et GDF, d'autre part, contrats qui définiraient la substance des missions de service public ? C'est loin d'être certain.

Dans ces conditions, il est légitime de s'interroger - et la question est d'une très grande importance - sur le fondement du maintien du statut des agents de EDF et de GDF. Les actionnaires autres que l'Etat eux-mêmes, en cas de transformation en société anonyme et d'ouverture du capital, s'interrogeraient sans aucun doute sur l'intérêt qu'ils y trouveraient. Nous craignons de deviner leur réponse.

Vous nous mettez constamment au défi de démontrer en quoi ce texte menacerait le statut des électriciens et des gaziers. Mais comme nous ne saurions vous suspecter de duplicité, nous pensons que vous pourriez nous rassurer sur ce point.

Le second aspect qui nous préoccupe a trait à la suppression, consécutive à la mise en place du contrat qui institue une relation duale Etat-entreprises, du contrôle des citoyens sur les entreprises intervenant dans les secteurs de l'électricité et du gaz.

Autrement dit, on peut se demander si, juridiquement, le service public, au sens où on l'entend en droit français, continue à exister.

Cet article 1er sera donc source d'immenses difficultés juridiques et politiques. Substituer à la notion de consommateur celle d'usager témoignerait, de manière symbolique dans un premier temps, mais dans les faits demain, de votre volonté de conforter les principes du service public.

M. le président. L'amendement n° 266, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le sixième alinéa de cet article par les mots :

notamment dans les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le présent amendement renvoie à la constante alerte que nous déclencherons quand il s'agira de l'égalité et de la fraternité - notion que nous préférons à celle de solidarité - qui doivent présider à l'aménagement du territoire, au rôle de l'Etat dans la décentralisation et à tous les textes soumis aux parlements.

Nos services publics d'intérêt économique général, qui recouvrent aussi bien le secteur des communications - rail, poste, téléphone - que celui de l'énergie - gaz, électricité, eau -ont été construits autour du système de « péréquation tarifaire » pour permettre l'accès de tous et de chacun au réseau : les tarifs appliqués sont déconnectés des prix de revient, les services plus rentables permettant le financement des services moins rentables, tout cela étant organisé dans le cadre de monopoles publics, qui sont donc soumis essentiellement aux choix politiques.

C'est ce système de péréquation tarifaire qui est touché au coeur quand la Commission européenne veut faire entrer dans les faits le principe selon lequel les tarifs doivent tendre vers les coûts.

Pour illustrer ce propos, je prendrai l'exemple de La Poste. Il lui coûte plus cher d'envoyer une lettre en zone rurale qu'en centre-ville, où ce coût n'atteint pas le prix du timbre, qu'il s'agisse du tarif lent ou du tarif rapide. Il en résulte un équilibre qui permet d'éviter des distorsions et des différences de tarif.

C'est ce système de péréquation tarifaire dans le secteur énergétique qui est touché au coeur avec ce projet de loi qui tend à la privatisation d'EDF et de GDF.

En 1996, pourtant, dans une communication sur les services d'intérêt général en Europe, la Commission européenne reconnaissait que « les mécanismes de marché présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d'exclure une partie de la population », en particulier celle qui se trouve dans les zones de revitalisation rurale ou les zones urbaines sensibles. Cependant, elle réaffirmait aussitôt son credo libéral en indiquant que « les services d'intérêt général de caractère économique sont en principe soumis aux règles dont la Communauté s'est dotée pour établir un grand marché ».

Le 20 septembre 2000, une communication de la Commission affirme que « la Communauté protège les objectifs d'intérêt général et la mission de service public ». Mais c'est pour indiquer aussitôt que, « dans bien des cas, le marché est le meilleur mécanisme pour fournir ces services ».

Pourtant, le bilan de la déréglementation dans les télécommunications est éclairant.

Le prix des communications « longue distance » a essentiellement baissé sur les axes de trafic fortement utilisés. En revanche, le rééquilibrage tarifaire s'est fait au détriment de la grande masse des usagers.

En France, le prix de l'abonnement a été multiplié par trois depuis 1993. La présence en France de trois grands opérateurs de téléphonie n'a pas permis de couvrir l'ensemble du territoire national. En Grande-Bretagne, on assiste même à des différences de tarifs selon les axes de trafic.

Malgré tous ces exemples, le Gouvernement persiste dans cette voie et va, avec ce projet de loi, mettre fin au principe de la péréquation tarifaire dans le secteur du gaz et de l'électricité, notamment dans les zones où la densité de population est faible, où les entreprises chargées de distribuer l'électricité et le gaz seront probablement beaucoup moins enclines à investir dans des transports onéreux.

Nous pouvons donc avoir des craintes quant à la desserte des personnes habitant dans ces secteurs, à la qualité du service qui leur sera rendu et de l'énergie qu'on leur fournira.

Je vous renvoie au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, dont nous avons débattu et qui a consacré une grande innovation, à savoir de nouveaux droits pour les communes pauvres et les communes rurales.

En effet, ces communes ont maintenant le droit d'être opérateur de télécommunications lorsque aucun opérateur ne veut venir jusqu'à elles, de payer les études d'un médecin lorsque aucun médecin ne veut venir s'installer, de contribuer à l'installation d'un vétérinaire lorsque aucun vétérinaire n'accepte de venir dans le secteur.

Avec votre libéralisation et la privatisation d'EDF et de GDF, allons-nous vers un système où les communes rurales pauvres devront compenser le surcoût de l'acheminement de l'énergie vers ces territoires ?

C'est pour éviter cet écueil que nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 266.

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le septième alinéa de cet article :

- les moyens permettant d'assurer l'égal accès de tous en tout point du territoire au service public ;

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Selon le septième alinéa de l'article 1er, « les contrats portent notamment sur les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ».

Pour notre part, nous considérons que la formule est au moins un peu vague.

Une explication sur les moyens et sur l'accès serait bienvenue, monsieur le ministre. Par ailleurs, pourquoi cette rédaction est-elle en retrait par rapport aux lois existantes ?

Vous nous dites que les lois existantes sont intégralement reprises mais, en l'occurrence, ce n'est pas vrai.

Pour notre part, nous disons clairement que les contrats doivent respecter les principes du service public, c'est-à-dire l'égalité et l'universalité.

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, une rédaction beaucoup plus précise.

M. le président. L'amendement n° 264, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa de cet article, remplacer les mots :

l'accès

par les mots :

l'égalité d'accès

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Aujourd'hui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, sur l'ensemble du territoire, chacun bénéficie du même tarif pour le kilowattheure.

La desserte des zones les plus rentables aide au financement de celles qui le sont moins, conformément au principe de solidarité, qui est la base même de la notion de service public.

Demain, avec la privatisation, monsieur le ministre, la péréquation tarifaire disparaîtra.

L'opacité qui règne dans le domaine des télécommunications nous donne d'ailleurs un avant-goût de ce qui nous attend, demain, avec l'électricité, pour le kilowattheure : aujourd'hui, dans le secteur des télécommunications, le prix des abonnements ne cesse d'augmenter et les tarifs sont incompréhensibles.

Prenons un autre exemple, celui de l'eau.

Le prix du mètre cube peut varier du simple au triple d'une commune à l'autre. Ainsi, dans le Maine-et-Loire, on ne paie pas le même prix partout. En 2002, le prix d'une consommation de 120 mètres cubes a varié de 114 euros dans la commune d'Angers, prise en charge par une entreprise publique, à 181 euros dans celle de Beaufort, gérée par une entreprise privée. Il est même monté à 218 euros dans celle de Durtal et à pas moins de 249 euros dans celle de Seiches. Il y a donc des tarifs à la carte !

Avec la privatisation, c'est la fin de la péréquation.

Pour l'entreprise, il s'agira non plus de répondre aux besoins des populations, mais de vendre une prestation avec une marge bénéficiaire et aussi substantielle que possible.

De ce fait, faute de capacités financières suffisantes, le chômeur, la personne réduite au SMIC ou l'ouvrier sans qualification verront leurs conditions de vie se dégrader.

Solidarité, cohésion sociale et fraternité sont-elles compatibles avec le choix de société que le Gouvernement veut nous imposer à travers ce texte ? Nous considérons que non.

C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, que le principe de péréquation soit inscrit dans le marbre. S'agissant d'une question d'une telle importance, à savoir assurer l'égalité d'accès à l'énergie, nous ne pouvons pas nous contenter - non plus que les Françaises et les Français - de propos rassurants, monsieur le ministre, selon lesquels le changement de statut d'EDF et de GDF ne vise pas à transformer ces entreprises en sociétés anonymes.

M. le président. L'amendement n° 261, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa de cet article, après les mots :

l'accès

insérer les mots :

et notamment des plus défavorisés

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. M. Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a déclaré voilà quelques jours : « Les valeurs du service public seront maintenues, notamment l'égalité d'accès des Français à l'énergie et la solidarité avec les plus démunis. La péréquation tarifaire sera garantie. Le prix sera le même pour un client habitant à 400 kilomètres ou à 4 kilomètres d'une centrale, tout comme le tarif social et la qualité du courant. »

Pourtant, chacun le sait, la péréquation tarifaire, qui garantit, en vertu de la mission de service public de l'Etat, un tarif unique et l'égalité des usagers sur l'ensemble du territoire, ne pourra, à terme, être maintenue puisqu'il existe une contradiction fondamentale entre les objectifs d'une société anonyme et ceux d'un établissement public, qui est placé sous le contrôle de l'Etat, garant de l'intérêt général.

Dès lors que l'électricité devient une marchandise, elle est, de fait, soumise à la règle de la concurrence, et les coûts réels sont pris en compte sur chaque segment de clientèle ou de territoire.

Dans un premier temps, la péréquation va subsister, sur l'acheminement, mais pas sur la production, la commercialisation et le service, lesquels représentent tout de même près de 50 % de la facture d'électricité acquittée par un ménage.

Du reste, EDF ne s'en cache pas, et depuis quelque temps, M. Roussely ne fait plus mystère de ses convictions profondes.

Ainsi, dans une plaquette, éditée par l'entreprise à l'intention des collectivités, EDF indique : « Dans cette logique de traitement personnalisé, la notion de péréquation ne pourra plus s'appliquer au prix des services. »

M. Roussely s'inscrit donc déjà dans une nouvelle logique qui contredit la déclaration de M. Sarkozy précédemment citée et qui ne traite pas tout le monde de la même façon.

Ce texte remet en cause l'un des principes les plus importants du service public. Il enclenche un processus pernicieux qui entraînera inéluctablement des disparités de traitement entre les collectivités locales ainsi que l'accroissement des inégalités entre les territoires et entre les populations.

C'est pourquoi nous demandons le maintien du principe de la péréquation tarifaire dans le secteur énergétique, au nom de la cohésion économique, sociale et géographique, de la justice et de nos valeurs, celles qui ont inspiré nos prédécesseurs de 1946, guidés par l'esprit du Conseil national de la Résistance, dont le programme n'est pas si obsolète que cela puisqu'il est une expression de l'idéal républicain. Ce sont des références fortes dont nous sommes fiers et dont beaucoup de textes internationaux actuels sont les héritiers.

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Supprimer le neuvième alinéa de cet article.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il s'agit d'un amendement d'appel.

La rédaction du neuvième alinéa telle qu'elle est actuellement prévue fait, en réalité, perdre au Gouvernement le contrôle de l'évolution des tarifs.

Or, on le voit depuis le début de notre débat, la question de l'évolution des tarifs, notamment en qui concerne le service public, est fondamentale.

Prévoir une évolution pluriannuelle des tarifs de vente donne une marge de manoeuvre relativement considérable et signifie en tout cas une perte de contrôle de l'Etat.

Nous aurions préféré une autre rédaction permettant au ministre chargé de l'énergie, de pouvoir intervenir sur chaque hausse de tarifs, comme c'est actuellement le cas. Le président Roussely ne s'en est d'ailleurs pas caché, toute une série de hausses sont déjà prévues.

M. le président. L'amendement n° 155, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le neuvième alinéa de cet article :

- le maintien des tarifs aux usagers domestiques à un niveau abordable ;

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Nous avons déjà eu, ce matin, l'occasion d'aborder la question de la hausse du prix de l'énergie. Il s'agit là de la hausse des tarifs applicables aux usagers domestiques.

L'amendement n° 155 a pour objet d'empêcher que l'ouverture à la concurrence soit seulement synonyme de recherche du profit et, de ce fait, aboutisse à une hausse des tarifs de vente de l'électricité et du gaz.

Le Gouvernement nous a répondu tout à l'heure que, dans la mesure où les usagers domestiques ne sont pas concernés par l'ouverture à la concurrence avant 2007, les prix de l'énergie ne vont pas augmenter. Nous sommes, pour notre part, très réservés sur ce point. Nous pensons, au contraire, que, pour attirer les capitaux privés nécessaires, il faudra - c'est un peu la logique du système - rémunérer les actionnaires et, par conséquent, augmenter les tarifs.

L'amendement n° 155 vise donc à prévoir que les contrats de service public devront assurer le maintien des tarifs aux usagers domestiques à un niveau que nous qualifions d'« abordable ».

M. le président. L'amendement n° 272, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

A la fin du dixième alinéa de cet article, supprimer les mots :

des entreprises

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous nous sommes aperçus, à la lecture du projet de loi, que le huitième alinéa de l'article 1er pouvait susciter des difficultés.

En effet, cet alinéa dispose que les contrats conclus entre l'Etat et les entreprises exerçant des missions de service public portent notamment sur « la politique de recherche et développement des entreprises ».

A nos yeux, cette rédaction fort ambiguë peut être à l'origine de conflits d'interprétation. Elle mérite d'être corrigée, car elle pourrait donner lieu à une lecture particulièrement perverse. On pourrait, par exemple, en déduire que les contrats de service public visent tout autant à renforcer la politique de recherche qu'à assurer le développement des entreprises, l'un et l'autre se mélangeant sans qu'il y ait de priorité.

On le sait par expérience, service public et recherche du profit par des entreprises privées ne font pas nécessairement bon ménage. Ces dernières années, la croissance externe d'EDF, une entreprise déjà inscrite par anticipation dans la logique libérale, est allée de pair avec la fermeture d'agences en France, alors que la présence d'agences sur tout le territoire constitue, à nos yeux, le coeur des missions de service public.

Le projet de loi d'orientation sur l'énergie prévoit qu'une part de la production sera assurée par des énergies renouvelables, lesquelles dépendent des progrès de la recherche, notamment de la recherche fondamentale. Vous ne pouvez donc restreindre le principe d'une grande politique de recherche et de développement au seul secteur des entreprises, monsieur le ministre. A cet égard, les quatre ou cinq dernières années ont été très instructives, et vous devriez en tirer la leçon.

Dans le domaine des télécommunications, par exemple, les entreprises ont fait très peu d'efforts en termes de recherche fondamentale, et cette carence n'a malheureusement pas été compensée par la recherche publique, victime au même moment de restrictions de crédits.

La recherche et le développement doivent constituer une priorité non seulement dans l'entreprise, mais également dans les laboratoires : on sait bien que les premières coupes claires porteront sur les recherches à moyen et à très long terme, a fortiori lorsque vous aurez privatisé EDF et GDF. Faisons donc en sorte que la recherche publique au moins continue d'être financée. Ainsi, tout en ciblant expressément les entreprises, conformément à votre souhait, monsieur le ministre, la politique de recherche et de développement ne serait pas restreinte à celles-ci.

Par cet amendement, nous souhaitons supprimer de l'avant-dernier alinéa de cet article les mots « des entreprises » afin d'éviter toute méprise sur les intentions du législateur.

Si un contrat de service public peut comprendre des objectifs en matière de politique de recherche et de développement, en revanche, un contrat digne de ce nom n'a pas à se focaliser sur le développement des entreprises au risque de laisser croire que leur croissance, le plus souvent externe ou financière, prime sur le service public.

Quoi qu'il en soit, il semble nécessaire, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de portée purement rédactionnelle en apparence, mais qui a le mérite de permettre de lever une ambiguïté tout en montrant que votre attachement au service public ne se réduit pas aux discours, dont nos concitoyens désespèrent souvent d'observer une traduction dans les faits.

M. le président. L'amendement n° 151, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Après le dixième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

- l'établissement d'un programme d'enfouissement des réseaux publics de distribution d'électricité ;

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Mes chers collègues, quel que soit les travées sur lesquelles vous siégez, vous savez tous à quel point les collectivités locales sont attachées à l'enfouissement des réseaux publics de distribution : il convient donc de le préciser dans les objectifs assignés à EDF.

Nous nous réjouissons d'ailleurs que M. le rapporteur ait présenté un amendement ayant un objet similaire.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après le onzième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

- les objectifs pluriannuels en matière d'enfouissement des réseaux publics de distribution d'électricité.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon amendement est, lui aussi, c'est vrai, consacré à l'enfouissement des réseaux publics de distribution d'électricité, mais M. Reiner ne sera pas surpris si, tout à l'heure, j'ai une préférence pour le mien plutôt que pour le sien, qui sera toutefois satisfait.

Lors des grandes tempêtes de 1999, si les foyers allemands ont recouvré l'électricité plus rapidement que les foyers français, c'est parce que le taux d'enfouissement des lignes allemandes est beaucoup plus important que celui des lignes françaises. Il est donc important que nous rattrapions notre retard en ce domaine.

Par ailleurs, le temps annuel moyen de coupure par abonné raccordé au réseau basse tension oscille, en France, entre quarante-cinq et soixante minutes, alors qu'il n'est que de quinze à trente minutes en Allemagne, toujours pour les mêmes raisons.

Je suis sûr qu'un consensus se dégagera - cela n'a rien à voir avec la privatisation ! - pour que l'enfouissement des lignes électriques soit encouragé et accéléré.

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Après le dixième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

- l'établissement d'un programme d'amélioration de la desserte publique en gaz du territoire, établi en concertation avec les collectivités territoriales concernées.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Cet amendement est important, parce qu'il vise à contrecarrer, notamment, l'article 24 du projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui tend à abroger l'article 50 de la loi du 2 juillet 1998, lequel oblige GDF à améliorer la desserte gazière.

Rappelons que, par cette loi, a été abaissé le fameux critère de rentabilité qu'opposait GDF s'agissant de l'extension de la desserte gazière et prévue la définition d'un plan triennal de desserte.

Plus de 1 400 communes ont ainsi pu être desservies. Nous regrettons, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas voulu signer un accord avec les collectivités locales demandeuses en vue d'élaborer un nouveau plan de desserte.

D'une certaine manière, vous faites croire aux communes rurales qui ne sont pas desservies en gaz qu'il leur suffit de créer un réseau public de distribution et de le concéder à n'importe quelle entreprise pour être desservies.

Nous, nous pensons que c'est un leurre : vous savez bien que, si la rentabilité n'est pas avérée, les entreprises ne viendront pas ou que, si elles viennent, elles le feront payer cher.

Par notre amendement, nous rétablissons l'obligation faite à GDF par la loi de 1998 d'améliorer la desserte gazière, en prévoyant l'établissement d'un programme d'amélioration de la desserte publique en gaz du territoire, établi en concertation avec les collectivités territoriales concernées.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)