Art. 20
Dossier législatif : projet de loi relatif au développement des territoires ruraux
Art. additionnels après l'art. 20 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 20

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 91, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les charges résultant pour les collectivités territoriales des transferts, création et extension de compétences réalisées par la présente loi sont compensées dans les conditions définies par une loi de finances.

La perte de recette résultant pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus à l'article 150 V bis A du code général des impôts.

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Nous avons délibéré tôt ce matin afin d'établir des dispositions relatives à la protection des espaces agricoles périurbains.

L'extension de compétence qui est opérée par le législateur au profit des départements est une question très importante. Les départements avaient jusqu'à présent compétence pour la protection des espaces naturels sensibles. On leur donne une compétence nouvelle dans le domaine de la protection des espaces agricoles périurbains ; il faut naturellement prévoir des moyens financiers pour qu'ils puissent l'exercer.

De ce point de vue, nous n'avons pas le choix puisque, l'an dernier, nous avons voté, à la demande du Gouvernement, une modification de la Constitution qui prévoit expressément que toute extension ou création de compétence doit s'accompagner des transferts financiers adéquats.

Cette disposition de la Constitution s'impose à tous, y compris au législateur ; nous n'avons donc pas le droit de nous en affranchir.

J'ajoute que les départements ont, pour exercer leur compétence relative à la protection des espaces naturels sensibles, des ressources financières adéquates puisqu'il existe une taxe départementale à cet effet.

Pour ce qui est de la protection des espaces agricoles périurbains, il est donc nécessaire d'envisager les moyens financiers correspondants. Il appartiendra au Gouvernement, dans la prochaine loi de finances, conformément aux dispositions constitutionnelles, de les prévoir. Mais il nous revient aujourd'hui, en tant que législateurs, d'appliquer la Constitution que nous avons révisée voilà un an, en votant l'amendement que je vous propose, qui a d'ailleurs le même objet que les quatre amendements suivants.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 145 rectifié ter est présenté par MM. Sido,  de Broissia,  Bailly,  Le Grand,  Leroy,  du Luart,  Dériot,  Vial,  Doligé,  Beaumont et  Fouché.

L'amendement n° 246 est présenté par MM. Le Cam,  Billout et  Coquelle, Mmes Demessine,  Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les charges résultant pour les collectivités territoriales des transferts, création et extension de compétences réalisées par la présente loi sont compensées dans les conditions définies par une loi de Finances.

La perte de recette résultant pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des Impôts.

La parole est à M. Eric Doligé, pour présenter l'amendement n° 145 rectifié ter.

M. Eric Doligé. Cet amendement est identique à celui de M. Mercier, si ce n'est qu'il y est fait référence à des articles différents du code général des impôts pour la compensation des charges.

Je voudrais rappeler, dans le prolongement de ce qu'a dit notre collègue Michel Mercier, qu'une des expressions peut-être les plus employées dans cet hémicycle depuis le mois de juin a été : « à l'euro près ». C'est pourquoi, par fidélité à cette très belle formule, il serait peut-être souhaitable de donner suite à cette série d'amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 246.

M. Gérard Le Cam. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 296, présenté par MM. Darniche et  Retailleau, Mme Desmarescaux et M. Masson, est ainsi libellé :

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les charges résultant pour les collectivités territoriales des transferts, création et extension de compétences réalisées par la présente loi sont compensées dans les conditions définies par une loi de finances.

La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Il est défendu également.

M. le président. L'amendement n° 299 rectifié, présenté par MM. Fortassin,  Laffitte,  Pelletier,  Thiollière,  Seillier,  Marsin et  A. Boyer, est ainsi libellé :

Après l'article 20, Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les charges résultant pour les collectivités territoriales des transferts, création et extension de compétences réalisées par la présente loi sont compensées dans les conditions définies par une loi de finances.

La perte de recette résultant pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des Impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Je rappelle que l'article 72-2 de la Constitution résultant de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République prévoit déjà que « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Même si je comprends votre préoccupation, monsieur Mercier, la précision que votre amendement tend à inscrire dans le projet de loi ne me semble pas utile, les principes ayant été suffisamment réaffirmés au sommet de notre ordre juridique, dans la Constitution.

La commission vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, ce qui, vous vous en doutez, lui serait désagréable.

La commission émet le même avis sur les amendements nos 145 rectifié ter, 246 et 296.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Mon argumentation sera valable pour l'ensemble des amendements.

Monsieur Mercier, vous proposez d'inscrire dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux que les charges nouvelles résultant, pour les collectivités territoriales, des transferts de compétences nouvellement instaurés sont compensées dans les conditions définies par une loi de finances. Vous craignez, ce que je comprends très bien car je suis moi-même élu local, que des transferts « rampants » ne soient pas compensés.

M. le rapporteur vous a bien répondu. Le Gouvernement, après avoir inscrit ce principe dans la Constitution, ne cesse de rappeler que l'objectif est que les charges nouvellement transférées soient effectivement compensées.

S'agissant plus précisément du présent texte, les transferts de compétences aux collectivités locales ainsi que la question de leurs charges et de leurs ressources ont fait l'objet d'une loi organique et ont été très largement discutés à l'occasion de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales au cours de l'année 2004. Je rappelle simplement que l'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit clairement que ce type de transferts ne peut résulter que d'une disposition d'une loi de finances.

Sur le principe, vous avez raison, monsieur le sénateur, d'attirer l'attention du Gouvernement, mais il est inutile, me semble-t-il, et je le dis à l'ensemble des sénateurs, en particulier à M. Doligé, de préciser dans le projet de loi les conditions des transferts.

J'ai bien entendu votre argumentation et votre appel, monsieur le sénateur. Toutefois, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, le Gouvernement se verrait contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 91 est-il maintenu ?

M. Michel Mercier. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, nous n'avons malheureusement pas le choix ! En effet, tous les textes qui nous ont été soumis depuis un an concernant la décentralisation ou dans lesquels ont été créées des compétences nouvelles au profit d'une collectivité territoriale - je pense, notamment, au RMI - contiennent la disposition que tendent à introduire nos amendements. Nous avons très exactement repris la formulation même du Gouvernement.

J'ajoute que nous n'avons pas le droit, nous, législateurs, de nous soustraire à une règle constitutionnelle que nous avons votée tous ensemble, voilà quelques mois, lors de la réunion du Parlement en Congrès.

Le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, présente cette modification constitutionnelle comme l'un des apports fondamentaux de la décentralisation, comme une garantie financière d'efficacité.

Chaque fois qu'un texte prévoit la création d'une compétence nouvelle, le Gouvernement lui-même y insère cette formule. Nous n'avons fait que la reprendre ! Il faut donc voter mon amendement. C'est pourquoi je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote sur l'amendement n° 91.

M. Dominique Mortemousque. J'avoue que je suis inquiet. En effet, nous sommes élus par les grands électeurs, les maires ou leurs représentants, suivant la taille de la commune.

Il faut tout de même faire un bilan de la décentralisation. Entamée sous le gouvernement Mauroy, avec les lois Defferre, elle a permis un certain nombre de réalisations. Il y a eu des dérives, des inquiétudes se sont manifestées, des problèmes se sont posés, comme récemment encore avec l'APA.

Pour la première fois est inscrit dans la Constitution le principe de la compensation à l'euro près des transferts de compétences. Nous avons mis en place hier, sous l'égide du président Christian Poncelet, un Observatoire de la décentralisation, dont la présidence a été confiée à Jean Puech, et qui sera chargé de vérifier les dérives en matière de décentralisation.

Je le dis sincèrement : si la Haute Assemblée n'a pas confiance en la Constitution, je suis très inquiet pour l'avenir des valeurs de la République et pour la compréhension que les maires pourront en avoir !

Les arguments avancés tant par M. le secrétaire d'Etat que par M. le rapporteur me paraissent tout à fait recevables. Il faut veiller très scrupuleusement à ce que les choses se passent de façon correcte et, à cet égard, le RMI est un dossier tout à fait d'actualité, j'en conviens. Cependant, cela ne nécessite pas une telle redondance. Notre crédibilité vis-à-vis des maires, croyez-moi, en prend un coup !

Sur la forme, je suis donc défavorable à cet amendement, même si, sur le fond, je partage le point de vue de Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cette précision figure dans tous les textes !

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur. Si tel est le cas, ce n'est pas la peine de la faire figurer dans celui-ci !

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.

M. Philippe Darniche. Je suis parfaitement d'accord avec notre collègue Michel Mercier. Je considère en effet que le Gouvernement devrait se réjouir du dépôt, que je trouve parfaitement légitime, de cet amendement, même si les précisions qu'il tend à introduire sont inscrites par ailleurs, puisqu'il nous a lui-même montré le chemin en d'autres circonstances en inscrivant dans l'ensemble des textes portant sur la décentralisation le principe de la compensation financière.

En revanche, je ne suis pas fondamentalement inquiet et, si l'on m'y invite, je retirerai mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je constate que quelques présidents de conseils généraux, qu'ils appartiennent à l'UMP ou à l'Union centriste, semblent être à l'origine de ces amendements. Je constate également que le groupe socialiste n'a pas pris une telle initiative. C'est sans doute qu'il considère que la Constitution suffit pour rassurer l'ensemble des élus !

Les présidents de conseils généraux de sensibilité de gauche, comme les présidents de conseils régionaux, qui avaient un peu critiqué la réforme constitutionnelle et le texte, l'approuvent aujourd'hui. En effet, qui ne dit mot consent ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. On n'a pas encore parlé !

M. Alain Vasselle. L'intervention de M. Mercier me donne le sentiment que son amendement était essentiellement un appel au Gouvernement afin que celui-ci respecte à la lettre les engagements qui ont été pris par voie constitutionnelle, comme dans un certain nombre d'autres lois.

Je souhaite de tout coeur, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que le Gouvernement ne soit pas pris en défaut lors de l'examen du prochain projet de loi de finances lorsqu'il faudra mobiliser les moyens correspondants aux engagements qui auront été pris aujourd'hui.

J'attends ce rendez-vous avant de me faire une opinion définitive. Toutefois, si les engagements n'étaient pas tenus, je serai alors aux côtés de M. Mercier pour combattre le Gouvernement, afin que les collectivités locales obtiennent les moyens dont elles ont besoin pour exercer les nouvelles compétences qui leur ont été confiées.

M. le président. Mes chers collègues, il nous faut maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, dispose de deux minutes trente, temps de parole que j'invite tous les intervenants à respecter.

Accord de paix au Soudan - Situation au Darfour

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Le drame que connaît l'Asie du Sud-Est ne doit pas nous faire oublier l'Afrique, et plus précisément le Soudan.

Si nous nous réjouissons de l'accord de paix signé entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement populaire pour la libération du Soudan, le 9 janvier dernier, mettant fin à plus de vingt années de guerre civile, nous constatons cependant que beaucoup reste à faire. En effet, le sud du Soudan est dévasté ; les persécutions menées par le régime islamiste de Khartoum ont fait 2 millions de morts et ont conduit au déplacement de 4 millions de personnes, en raison de leur couleur de peau et de leur adhésion au christianisme.

Le Darfour connaît lui aussi son lot de souffrances ; on y dénombre 80 000 morts, selon l'ONU, et plus d'un million de personnes déplacées.

Le silence de la communauté internationale a été assourdissant. Pendant des années, les organisations humanitaires, les églises se sont trouvées face à des murs d'indifférence.

La France et l'Europe ont une dette morale vis-à-vis de celles et de ceux, véritables martyrs, qui ont tant souffert et continuent d'être persécutés.

Si le Soudan n'est pas une zone fréquentée par des touristes occidentaux, il dispose d'autres atouts, notamment de réserves pétrolières assez considérables. Comme vous le savez, l'entreprise française Total dispose de la plus vaste concession pétrolière du pays. Or l'accord de paix repose sur les revenus pétroliers qui devront assurer la reconstruction du sud du Soudan. La France est donc très directement concernée.

Madame la ministre, j'en viens à mes questions.

Quels moyens la France compte-t-elle mettre en oeuvre pour participer à la reconstruction de ce pays ?

Une coordination des aides des différents pays de l'Union européenne est-elle envisagée ?

Enfin, ce traité de paix ne va-t-il pas attiser le conflit au Darfour ? Quelles actions la France compte-t-elle mettre en oeuvre pour que cette région ne soit pas oubliée ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de M. Barnier, ministre des affaires étrangères, actuellement en voyage à Moscou.

Certes, la situation humanitaire en Asie est aujourd'hui au premier plan médiatique, ce qui est bien naturel. Mais je peux vous assurer que la France et l'Union européenne sont pleinement mobilisées eu égard à la situation au Soudan, tout particulièrement au Darfour.

La signature, le 9 janvier, à Nairobi, en présence de Renaud Muselier, de cet accord de paix sur le Sud est un événement essentiel qui a mis un terme, comme vous le disiez, à la plus ancienne guerre sur le continent africain.

Le retour de la paix au Sud est le point de départ de la reconstruction de cette région, sans doute l'une des plus oubliées de la planète, c'est vrai. La communauté internationale, l'Union européenne, la France s'y sont préparées. Notre pays consacre des moyens substantiels à cette tâche de reconstruction. Monsieur le sénateur, vous savez sans doute que le retour des partenaires dans la région est en cours d'organisation.

Pour le seul Darfour, l'engagement financier de la France dépasse d'ores et déjà 60 millions d'euros.

Mais vous avez bien raison de le souligner, la crise est loin d'être réglée au Soudan. Des mouvements se précisent à l'Est, et la situation continue de se dégrader au Darfour, menaçant à terme la stabilité régionale, notamment au Tchad et en Centrafrique.

Les ruptures du cessez-le-feu sont constantes, sur l'initiative des deux parties ; les exactions contre les populations civiles se poursuivent. Il est donc essentiel de préserver la mobilisation de la communauté internationale.

De fait, la France, avec ses partenaires européens, s'active pour que soit poursuivi notre soutien à l'Union africaine, qui est en première ligne sur ce dossier et dont nous saluons les efforts sur le terrain comme sur le plan des négociations politiques.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, la France et l'Union européenne n'oublient pas l'Afrique, tout particulièrement le Darfour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Situation de La Poste

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

La Poste compte près de 17 000 bureaux, dont 60 % se trouvent en zone rurale, soit environ un bureau pour 3 500 habitants.

J'ai bien conscience que, dans certains cas, la présence postale n'est plus toujours en adéquation avec les besoins locaux. J'en veux pour preuve le fait que certains bureaux n'ouvrent en semaine qu'une ou deux heures dans la journée.

Il peut donc apparaître judicieux d'opérer une réorganisation de notre réseau, à l'image de ce qui s'est fait dans d'autres Etats européens, réorganisation tenant compte non seulement des nouvelles données démographiques -l'implantation actuelle des bureaux de poste correspond parfois à des données vieilles d'au moins cinquante ans ! -, mais aussi des évolutions technologiques, comme le développement de l'administration électronique.

Pourtant, cette réforme se doit d'être la moins brutale possible. En effet, beaucoup de chiffres fantaisistes relatifs au nombre de fermetures de bureaux circulent. Afin de dissiper tout malentendu, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer des chiffres précis ?

Le 5 janvier dernier, M. le Président de la République a demandé aux préfets de « mener une concertation avant toute adaptation des services publics », parce qu'il est nécessaire de « prendre en compte des réalités locales très diverses ».

Dans le cas de la réorganisation de La Poste, qui, mieux que les élus locaux, qui ont une parfaite connaissance de leur territoire, peut apporter un concours précieux à l'Etat ?

Toutes les réformes peuvent être comprises lorsque tous les partenaires contribuent à la réflexion. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Il est donc essentiel que les maires et les présidents de communautés de communes soient localement associés à ces concertations.

Aussi souhaiterais-je savoir, monsieur le ministre, dans quelle mesure l'information et la concertation pourront être systématiquement développées avec les élus de terrain, afin de tenir compte, avec justesse et pragmatisme, des réalités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement résumé la situation.

M. Raymond Courrière. Tout est parfait !

M. Jacques Mahéas. La situation n'est pas brillante !

M. Roland Courteau. Elle est catastrophique !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre la réforme de La Poste ; en effet, si l'on ne mène pas à bien cette réforme, La Poste est condamnée dans les dix ou quinze prochaines années ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Qui l'a condamnée ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. A partir de ce constat existent deux appréhensions possibles du problème.

On peut décider de s'opposer strictement à tout, y compris en baignant dans les contradictions et en feignant d'oublier que le mécanisme a été enclenché voilà déjà une dizaine d'années et que M. Jospin, lorsqu'il était Premier ministre, était le premier à vouloir réformer La Poste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Voilà !

M. Bernard Piras. Réformer n'est pas casser !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. On peut aussi prendre en compte la réalité. Ainsi, toutes les réformes que nous avons engagées depuis deux ans et demi, notamment celles qui concernent La Poste, reposent sur la concertation et le pragmatisme.

Vaut-il mieux un bureau de poste ouvert deux heures par jour ou des « points poste » dont l'ouverture est garantie huit heures par jour, voire davantage, y compris le samedi, et même éventuellement le dimanche (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), de manière que tous nos concitoyens puissent accéder aux services postaux ? Tel est l'enjeu !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. La prise en considération de ce fait permettra à La Poste de se moderniser et d'investir dans toutes les technologies pour l'avenir.

M. Gérard César. Très bien !

M. Bernard Piras. C'est faux !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur César, je vous garantis que les 17 000 « points poste » seront naturellement organisés et préservés sur l'ensemble du territoire.

M. Raymond Courrière. . Aux frais des communes !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est la réponse la plus moderne qui soit à une carte de géographie postale qui datait de 1914...

M. Didier Boulaud. Et alors ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et qui n'avait pas été modernisée depuis.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ces 17 000 « points poste » seront la garantie qu'un service public sera assuré sur l'ensemble du territoire. Ainsi, 90 % des habitants pourront disposer d'un « point poste » à moins de cinq kilomètres de leur domicile.

M. Jacques Mahéas. Ils s'y rendront à pied ?

Mme Hélène Luc. Pourquoi les maires de votre majorité protestent-ils comme ils le font ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est dire à quel point cette réforme est ambitieuse et exige une concertation permanente avec les élus locaux.

Nous ferons preuve d'une grande vigilance pour que, sur le terrain, sur l'initiative des préfets, grâce à la loi relative au développement des territoires ruraux, la concertation soit organisée avec les élus...

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas le cas !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...et, bien entendu, avec les habitants.

M. Jacques Mahéas. Qu'en pense M. Larcher ?

M. Didier Boulaud. M. Larcher n'est pas d'accord, mais il ne s'occupe plus de La Poste !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement, quant à lui, veillera à la solidarité par le biais du fonds de péréquation, point sur lequel M. le sénateur Pierre Hérisson travaille activement.

Il s'agit donc d'une réforme moderne, courageuse, qui doit être menée par le dialogue, l'écoute, la concertation.

M. Bernard Piras. . C'est de l'arnaque !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous ne devons avoir qu'un seul objectif à l'esprit : préserver le service public sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Etat de la pauvreté en France

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le 17 octobre 2004, à l'occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, le Sénat a tenu à exprimer sa préoccupation en accueillant dans l'hémicycle une délégation de 310 jeunes de l'association ATD Quart Monde.

L'inquiétude ne peut manquer de s'accentuer lorsque l'on prend connaissance des derniers résultats du BIP 40, le baromètre des inégalités et de la pauvreté, publiés en décembre dernier. Cet indicateur synthétique que le Réseau d'alerte sur les inégalités calcule chaque année depuis 1970 fait en effet apparaître qu'un record historique des inégalités et de la pauvreté a été atteint dans notre pays.

A vrai dire, le constat ne peut surprendre si l'on regarde du côté du réseau associatif, des Restos du Coeur à Médecins du Monde, où l'activité augmente d'au moins 10 % par an

Contestant les chiffres aseptisés de l'INSEE, les économistes les plus avertis estiment que le nombre de pauvres en France est aujourd'hui non pas de 3,5 millions mais de 6 millions de personnes, et le président d'Emmaüs France ajoute que « bon nombre des ceux qui sont au-dessus du seuil de pauvreté ne s'en sortent plus ».

Monsieur le Premier ministre, face à ce constat alarmant, les déclarations compassionnelles du Gouvernement ne peuvent nous satisfaire. La responsabilité de ce dernier est en effet manifeste dans la situation constatée.

M. Jean Bizet. Et Jospin ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Cela fait trois ans que l'on vous subit !

M. le président. Laissez l'orateur s'exprimer !

M. François Marc. Depuis 2002, tous les indicateurs de mesure de la précarité sont en effet en hausse : le RMI compte ainsi 250 000 allocataires supplémentaires tandis que le nombre d'enfants vivant dans la misère a doublé.

Selon le BIP 40, l'année 2003 a connu une véritable explosion de la pauvreté. Cette aggravation sans précédent ne s'explique pas seulement par une conjoncture médiocre ; elle est aussi le fruit d'une politique économique et sociale  - la vôtre - défavorable à l'emploi et source d'inégalités accrues.

M. André Rouvière. Et encore, on ne parle pas du commerce extérieur !

M. François Marc. Monsieur le Premier ministre, en mai prochain, cela fera dix ans que Jacques Chirac, élu Président de la République, se promettait de « réduire la fracture sociale ».

M. Didier Boulaud. Parlons-en !

M. François Marc. Le résultat est aujourd'hui accablant avec ce triste record de l'indice des inégalités et de la pauvreté.

M. le président. Monsieur Marc, posez votre question !

M. François Marc. Si on me laisse la poser ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. André Rouvière. Il est sans cesse interrompu !

M. François Marc. Monsieur le Premier ministre, malgré la situation financière et budgétaire très alarmante dans laquelle votre action a conduit notre pays, votre gouvernement envisage aujourd'hui de répondre à la demande de M. Chirac en baissant de 13 milliards d'euros les recettes provenant des contribuables les plus aisés grâce à une baisse de 20 % de l'impôt sur le revenu d'ici à 2007.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. La question !

M. François Marc. La question est simple, monsieur le Premier ministre (Ah ! sur les travées de l'UMP) : alors qu'il y a tant à faire pour soulager la misère, n'estimez-vous pas qu'une telle décision est en totale contradiction avec l'objectif sans cesse réaffirmé de réduction de la fracture sociale en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Monsieur Marc, j'ai été tolérant : je vous ai laissé trois minutes quinze !

M. Didier Boulaud. C'était une excellente question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Mesdames, messieurs les sénateurs, la pauvreté nous concerne tous et doit tous nous mobiliser. Je pense que nul sur les travées de votre assemblée ne se réjouit de la constater, mais je me permets de vous rappeler qu'elle ne date pas d'aujourd'hui.

M. Alain Gournac. Non, en effet !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Sans vouloir faire référence à l'« héritage » (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),...

M. Jacques Mahéas. La nostalgie !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. ... je vais simplement vous dire, parce que cela semble vous avoir échappé, quelles sont les actions menées par le Gouvernement : ce ne sont ni des promesses ni des paroles, ce sont des actions concrètes et largement financées.

M. Didier Boulaud. On connaît la Chiraquie !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Il n'aurait cependant pas dû vous échapper que le SMIC a été revalorisé de 11 %...

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. ... alors que, du temps du gouvernement Jospin, l'augmentation s'était établie à 0,29 %, ce qui n'est pas une gloire !

M. Didier Boulaud. Ce sont des mensonges !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. En 1999, vous avez « réussi » à construire 39 000 logements sociaux alors qu'il en fallait de 80 000 à 100 000. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, nous allons construire 80 000 logements en 2005 pour atteindre le chiffre de 500 000 en 2009.

M. Bernard Piras. Payés par qui ?

Mme Nicole Bricq. Et l'argent ?

M. Didier Boulaud. Vous ne savez plus quoi dire : vous êtes en train de faire les poubelles !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Si ma réponse ne vous intéresse pas, ne l'écoutez pas, mais laissez-moi au moins répondre à la personne qui m'a questionnée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

S'agissant de l'accès à l'emploi dont vous faites des gorges chaudes,...

M. Didier Boulaud. C'est du baratin !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. ... nous ne nous sommes pas contentés de faire des « stages parking » pour les jeunes : nous leur offrons un avenir et des emplois durables.

M. Didier Boulaud. Donnez-nous des chiffres !

M. René-Pierre Signé. Ils ne sont pas bons !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Vous n'en avez pas fait autant ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ces actions s'accompagnent d'un volet financier de 425 millions d'euros sur cinq ans, notamment pour les structures d'insertion par l'économie que vous avez laissées complètement exsangues.

M. Didier Boulaud. Nous sommes sur le terrain, nous ! Nous savons de quoi nous parlons !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Vous avez beaucoup parlé de social, mais vous avez peu agi. Gardez donc vos leçons, nous n'en avons vraiment pas besoin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Allez-le dire aux associations !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le tarif social de EDF concernera 1,5 million de ménages. Si cela ne vous intéresse pas, cela intéresse en tout cas les ménages que nous allons faire bénéficier d'une réduction, ce que vous n'aviez pas fait ! (M. Didier Boulaud s'exclame.)

Le soutien aux associations de lutte pour l'insertion a représenté 185 millions d'euros en 2004, et la déductibilité des dons en leur faveur est passée de 66 % à 75 %.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On sait ce que cela veut dire !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Quant à l'aide alimentaire, et ceci va vous toucher...

M. Didier Boulaud. A l'estomac !

M. Bernard Piras. Vous fabriquez la pauvreté !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. ... elle s'est élevée en 2004 à 18 millions d'euros. Voulez-vous le chiffre pour 2001 ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Il est lamentable : 8 millions d'euros ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Bien sûr : il y avait moins de RMIstes !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. A ces 18 millions d'euros se sont ajoutés 10 millions d'euros pour les produits carnés.

Pour l'hébergement d'urgence, dont vous avez tant parlé,...

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. ... vous n'avez rien fait, alors que nous allons créer 10 000 places d'ici à 2007 et y consacrer 525 millions d'euros. (M. Bernard Piras s'exclame.)

M. Didier Boulaud. Des promesses !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Quant à la CMU, la couverture maladie universelle, elle permet depuis le 1er janvier aux personnes les plus défavorisées l'accès aux soins.

M. Yannick Bodin. Promesse, promesse...

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Aussi, mesdames et messieurs les sénateurs de l'opposition, vous qui avez gouverné la France pendant des années...

M. Didier Boulaud. Pour vous, cela ne va plus durer longtemps !

M. Jacques Mahéas. Profitez-en !

M. Alain Vasselle. Du calme !

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. ...et qui l'avez laissée dans une situation catastrophique, vous ne devriez pas être aussi indécents dans vos propos ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)