réforme de l'assurance maladie

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie.

L'été dernier, au cours d'une nécessaire session extraordinaire, le Parlement a été mis à contribution pour examiner l'une des réformes les plus urgentes à entreprendre, celle de l'assurance maladie. Face à un déficit historique de 14 milliards d'euros pour l'ensemble des branches, il est bien évident que l'heure n'était plus aux tergiversations.

Pour répondre à une crise financière inédite, votre texte, publié au Journal officiel du 17 août dernier, avait pour objet un retour à l'équilibre des comptes de notre système de santé à l'horizon 2007.

M. Yannick Bodin. C'est mal parti !

M. Jean-Jacques Jégou. Ses principaux axes consistaient en la création du dossier médical personnel, du médecin traitant et d'un forfait d'un euro par consultation.

Aujourd'hui, après l'adoption de ces mesures, la situation est plus que jamais préoccupante. Après une diminution constatée des dépenses de santé à la fin du dernier trimestre de 2004, ces mêmes dépenses ont fortement augmenté au début de 2005. Plus grave encore, certains assureurs complémentaires ont annoncé des hausses de cotisation records - certaines étant supérieures à 10 % -, hausses, disent-ils, dues à la réforme de l'assurance maladie.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a tempéré ces annonces en jugeant que la réforme engendrerait un surcoût modéré pour les assurances complémentaires.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ne sommes-nous pas en train d'assister, d'une part, à un alourdissement des cotisations d'assurances complémentaires souscrites par les Français et, d'autre part, à une reprise inquiétante des dépenses de santé ?

M. Jean-Jacques Jégou. Ce double phénomène ne marque t-il pas les limites d'une réforme qui n'aurait pas suffisamment traité les causes du dérapage constaté depuis plusieurs années ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, vous avez cité le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Permettez-moi de le faire à mon tour : ce dernier indiquait très clairement, il y a un peu plus d'un an, que toute réforme, pour être efficace, devait viser avant tout une meilleure organisation du système de soins ainsi que la responsabilisation de tous les acteurs. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

C'est exactement ce que nous avons fait, monsieur le sénateur, et en cela nous sommes fidèles en tous points à la feuille de route tracée par le Haut conseil, qui, je le rappelle, rassemble tous les acteurs du système de santé.

Vous vous inquiétez aussi de savoir s'il y a aujourd'hui une reprise des dépenses de santé. La réponse est « non ». Par rapport à l'an dernier - vous pouvez le vérifier mois après mois -, nous nous constatons une baisse sensible des dépenses d'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. A la fin de l'année, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, qui prévoyait 3,2 % d'augmentation des dépenses d'assurance maladie, sera donc respecté.

Mme Nicole Bricq. Sauf erreur !

Mme Hélène Luc. Ce ne sont pas les chiffres qui ont été publiés !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Les assurances complémentaires augmenteront-elles ?

Monsieur le sénateur, je serai clair : tout assureur complémentaire qui augmenterait ses tarifs de plus de 5 % cette année devra s'en justifier vis-à-vis de ses adhérents et de ses clients. En effet, nous avons fait en sorte - contrairement à d'autres, qui ont été moins rigoureux en d'autres temps (Protestations sur les travées du groupe socialiste) -, d'éviter tout transfert du régime obligatoire vers le régime complémentaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les primes augmentent !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Personne ne pourra mettre sur le dos de la réforme ces velléités d'augmentation !

Les assureurs complémentaires responsables, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup sont irresponsables !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ... qui sont tout de même les plus nombreux dans notre pays, nous ont indiqué très clairement que la hausse des cotisations serait d'environ 5 %, hausse qu'il convient de rapprocher de la hausse des dépenses d'assurance maladie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles ont augmenté de 17 % !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, cette réforme est en marche : les Français font d'ores et déjà confiance, aujourd'hui, à leur médecin traitant.

L'objectif de cette réforme est avant tout de dépenser mieux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et, surtout, de sauvegarder notre régime d'assurance maladie. Nous y travaillons, et nous réussirons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

situation au liban

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Premier ministre libanais pro-syrien, Omar Karamé, a présenté lundi 28 février la démission de son gouvernement, sous la pression de la rue et de l'opposition.

M. René-Pierre Signé. Cela va vous arriver !

Mme Christiane Kammermann. Depuis l'assassinat du premier ministre Rafic Hariri, il y a deux semaines, des dizaines de milliers de Libanais se sont retrouvés, toutes tendances confondues, nuit et jour, place des Martyrs, pour réclamer l'indépendance de leur pays et la fin de l'occupation syrienne.

Je rappelle le fort attachement de la France à la souveraineté du Liban, comme en témoigne son engagement dans la résolution 1559, adoptée en septembre 2004 par le Conseil de sécurité des Nations unies sur une initiative conjointe de la France et des Etats-Unis, qui exige le retrait de l'ensemble des forces et des services qui entravent la liberté et la souveraineté de ce pays.

Lors de la conférence de Londres, notre ministre des affaires étrangères a réaffirmé, avec le secrétaire d'Etat américain, Mme Condoleezza Rice, que cette résolution « était très claire ». Tous deux ont appelé au retrait des troupes syriennes et à la tenue « d'élections libres et équitables dans ce pays ».

Cet appel franco-américain, avait déjà été lancé lors du double sommet Otan-Union européenne du 22 février, à Bruxelles.

Dans cette période d'incertitude et de grand bouleversement que traverse ce pays ami, il est important, monsieur le ministre, que la communauté internationale et le peuple libanais connaissent les premiers éléments de l'enquête sur l'assassinat de M. Rafic Hariri.

Comment protéger les opposants au pouvoir afin qu'ils ne subissent pas le même sort que ce dernier ?

Peut-on mettre en place une procédure d'application de la résolution 1559 ?

Pensez-vous que les différentes communautés libanaises soient capables de s'unir afin de former un pays moderne, en paix avec ses voisins et susceptible ainsi de contribuer à l'amélioration de la situation au Moyen-Orient ?

Enfin, monsieur le ministre, quel éclairage pouvez-vous nous apporter sur les prochaines élections législatives du mois de mai, compte tenu des contraintes constitutionnelles et confessionnelles de leur organisation ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre des affaires étrangères, M. Michel Barnier, qui est retenu en province.

M. Didier Boulaud. Avec Didier Julia ?

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Vous avez rappelé avec raison, madame Kammermann, l'attachement tout particulier qui lie la France et le Liban. Nous sommes tous très attentifs aux événements qui se sont déroulés dans ce pays au cours des dernières semaines, tragiques pour les uns, représentant un signe d'espoir pour les autres. Il en va ainsi des suites de l'attentat lâche et ignoble qui a tué Rafic Hariri et quinze autres Libanais.

L'enquête sur ce crime est menée par la justice libanaise ainsi que par une équipe internationale désignée par le secrétaire général des Nations unies, à la demande du Conseil de sécurité, car le peuple libanais et la communauté internationale ont le droit de connaître la vérité sur cet attentat : qui l'a perpétré, qui l'a commandité ?

Les manifestations populaires qui ont lieu au Liban depuis cet assassinat réclament dignement et pacifiquement la démocratie et la souveraineté pour le Liban. Elles expriment dans l'unité une aspiration légitime. Cet objectif est celui de la communauté internationale à travers la résolution 1559 qui exige le retrait de toutes les forces étrangères du Liban.

Cette résolution doit être mise en oeuvre, progressivement sans doute, mais rapidement.

Vous appelez de vos voeux, avec raison, un mécanisme permettant de vérifier l'application de cette résolution. Le Conseil de sécurité a prévu que le secrétaire général de l'ONU fasse un rapport tous les six mois sur la mise en oeuvre de la résolution. Le premier rapport, relatif aux élections, devrait être publié très prochainement.

Ces élections seront en effet un moment de vérité. Elles devront être libres, équitables et se dérouler en présence d'observateurs internationaux.

Notre seul objectif, qui est celui de la communauté internationale tout entière, c'est un Liban libre et souverain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

égalité hommes femmes

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à quelques jours de la Journée internationale des femmes et en cette année où nous célébrons le cinquantième anniversaire du droit de vote des femmes et le trentième anniversaire de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, ma question concernera la précarité que connaissent encore aujourd'hui de nombreuses femmes au sein du monde du travail et dans notre société.

Pourtant, il est reconnu que les femmes au travail constituent une richesse pour le pays. Malheureusement, leur taux de chômage est nettement supérieur à celui des hommes. Elles représentent 80 % des travailleurs pauvres : temps partiel, horaires de travail indus, bas salaires leur sont largement dévolus. Les conséquences préjudiciables en sont nombreuses, surtout sur la santé.

Chefs de famille, elles sont victimes de la crise du logement, du prix exorbitant des loyers et de l'accès aux crèches.

Malgré le discours volontariste du Gouvernement visant à combattre les discriminations à l'égard des femmes, celui-ci contribue, hélas ! à accroître les inégalités. A cause de la réforme des retraites, qui allonge la durée des cotisations, et du fait du chômage et du temps partiel, les femmes ne bénéficieront pas d'une retraite décente

Ainsi, de nombreuses femmes qui auront vécu dans la misère au cours de leur vie active continueront à la connaître durant leur retraite.

Les femmes sont aussi les premières victimes des nouvelles dispositions sur les pensions de réversion, sur l'accès à la formation professionnelle, sur la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, et sur la réforme du temps de travail dans l'entreprise.

Et que dire du sort des femmes issues de l'immigration, qui souffrent d'une double discrimination ?

Madame la ministre, il existe des lois en faveur des femmes, concernant leur situation sur le marché du travail - la loi Roudy, la loi Génisson -, mais elles sont ignorées ou ne sont pas appliquées.

N'existe-t-il pas d'obligation de résultat en cette matière ? Pourquoi ? Ne dit-on pas que nul n'est censé ignorer la loi ?

Madame la ministre, pourquoi ne vous efforcez-vous pas de faire appliquer les dispositifs existants plutôt que de proposer un arsenal de nouvelles mesures non financées dont on peut craindre qu'elles ne seront jamais appliquées ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Madame Printz, je vous rappelle que le Sénat organisera lundi prochain, le 7 mars, une manifestation pour marquer le soixantième anniversaire du droit de vote des femmes en France, décidé à l'époque par le général de Gaulle : 2 000 femmes maires seront reçues au Sénat ce jour-là et j'espère que vous serez très nombreux à les accueillir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, les inégalités sont probablement les premiers facteurs de la précarité. Et la meilleure réponse à la précarité, c'est l'emploi. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Bravo ! On le savait !

Mme Nicole Ameline, ministre. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler que l'égalité professionnelle n'a pas progressé suffisamment au cours de ces dernières années ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.) C'est pourquoi le Gouvernement, depuis deux ans, s'efforce de mobiliser les partenaires sociaux et l'ensemble du monde de l'économie autour de ce sujet si important, ...

M. Yannick Bodin. Alors allez-y !

Mme Nicole Ameline, ministre. ... qui concerne à la fois la cohésion sociale et la nouvelle dynamique de croissance et d'emploi dont notre pays a besoin.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous organisez le travail précaire ! 

Mme Nicole Ameline, ministre. Vous avez raison, madame Printz, un certain nombre de fragilités pèsent singulièrement sur certaines femmes. Je pense en particulier à celles qui sont chefs de familles monoparentales, aux femmes issues de l'immigration ou à celles qui connaissent la frontière souvent ténue entre l'activité et l'inactivité.

La réponse tient là encore dans l'engagement concernant l'égalité professionnelle. Je vous rappelle à cet égard qu'un accord national a été conclu par les partenaires sociaux, le 1er mars, suivi de la création du label « égalité des chances », d'un tour de France organisé avec l'ensemble des partenaires sociaux, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S'il y a le Tour de France, alors !

Mme Nicole Ameline, ministre. ... et de cette loi sur l'égalité salariale et professionnelle, qui va permettre enfin l'application de ce qui n'était jusqu'alors qu'un droit proclamé.

Nous allons réussir, madame Printz, là où, malheureusement, vous avez échoué. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Vous êtes en train de réussir : vous passez la barre des 10 % de chômeurs !

Mme Nicole Ameline, ministre. En effet, nous avons une méthode et une volonté. Par ailleurs, le contexte démographique ...

Mme Nicole Bricq. C'est hallucinant ! On attend les effets de la démographie !

Mme Nicole Ameline, ministre. ... nous permet aujourd'hui de considérer l'évolution de l'égalité professionnelle comme une véritable chance pour l'économie moderne.

A l'appui de cette politique, nous travaillons, d'une part, sur la formation, l'orientation professionnelle et scolaire et, d'autre part, sur la réconciliation nécessaire de la maternité et de l'emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va prendre beaucoup de temps !

Mme Nicole Ameline, ministre. Nous allons également faire en sorte que les modes de garde et l'environnement social, dans l'entreprise et en dehors de l'entreprise, favorisent effectivement l'insertion des femmes dans le monde du travail et la consolidation de leurs emplois.

Madame Printz, vous le savez, le modèle social français est bon, car les femmes travaillent tout en ayant un taux de natalité important.

Mme Nicole Bricq. A quel prix ? Tout le monde ne peut pas avoir cinq employés de maison !

Mme Nicole Ameline, ministre. Ce modèle, important en Europe, nous devons ensemble le faire progresser en résorbant les inégalités qui sont, encore une fois, facteurs de précarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

situation en côte d'ivoire

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

M. René-Pierre Signé. Il n'est pas là !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Des milices locales fidèles au président ivoirien, Laurent Gbagbo, ont attaqué lundi dernier une position des rebelles des Forces nouvelles, à 450 kilomètres au nord-ouest d'Abidjan, à proximité de la zone tampon contrôlée par les forces de maintien de la paix françaises et onusiennes, dites « forces impartiales ».

II semble que la situation soit aujourd'hui sous le contrôle de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, mais les fidèles du président Laurent Gbagbo ont promis de lancer de nouvelles offensives contre les rebelles des Forces nouvelles.

Par ailleurs, une campagne de presse particulièrement virulente se déchaîne depuis quelques jours en Côte d'Ivoire, menaçant la France de guérillas urbaines et d'un deuxième Diên Biên Phu. Selon cette presse, les populations de la zone sous contrôle des Forces nouvelles voudraient se rebeller pour reconquérir leur liberté, et les forces de l'ONU et les troupes françaises entraveraient ce mouvement en intervenant pour protéger les rebelles.

Cette campagne s'inscrit dans la suite logique de la demande appuyée des autorités ivoiriennes, selon laquelle la France devait contraindre les rebelles à désarmer, alors même que notre action là-bas ne peut être déterminée qu'avec le Conseil de sécurité des Nations unies.

Autre point d'inquiétude, les jeunes patriotes ont commis un avocat pour étudier la plainte qu'ils entendent déposer contre la France et la force Licorne après les événements de novembre. L'objectif de cette action semble clair : il tient plus à son exploitation médiatique auprès de l'opinion publique africaine qu'à l'issue de la procédure juridictionnelle.

Revenant tout juste d'un déplacement de quarante-huit heures à Abidjan, j'ai été témoin de la pugnacité des entreprises françaises et du courage de nos ressortissants dans ce pays en dépit des brimades, des vexations et d'une certaine désespérance face, par exemple, aux horribles saccages de ces écoles françaises qui firent autrefois notre fierté comme celle des Ivoiriens.

Madame le ministre, quelle est votre analyse de la situation dans l'ouest de la Côte d'Ivoire ? Pouvez-vous nous faire connaître la position de la France dans ce nouveau contexte particulièrement difficile ?

Comptez-vous, par exemple, prendre des mesures pour aider les 7 500 Français restés - ou rentrés - en Côte d'Ivoire à y reconstruire leurs moyens d'existence et à assurer la scolarité de leurs enfants, ou bien, comme le voudrait une rumeur persistante, envisagez-vous de fermer nos représentations françaises sur place en organisant une deuxième vague de rapatriements ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame le sénateur, je salue à mon tour la maîtrise et le courage de nos compatriotes. Le souci de leur sécurité et de leur avenir demeure la première priorité du Gouvernement français.

En liaison étroite avec la médiation sud-africaine comme avec nos partenaires européens, nous entendons parvenir à une solution qui préserve la légitimité démocratique, l'intégrité du territoire national et la stabilité régionale.

L'incident très préoccupant que vous évoquez se situe sur la frontière libérienne, dans une zone fragile marquée par de nombreux combats interethniques. Il succède à l'arrestation par les rebelles la semaine dernière, en zone de confiance, au Nord, d'un véhicule armé.

Dans les deux cas, l'ONUCI et Licorne sont intervenues immédiatement pour rétablir le calme et elles interviendront chaque fois que nécessaire, dans un sens comme dans l'autre.

Cette situation traduit l'exaspération croissante face à une absence de progrès depuis maintenant plusieurs semaines.

Fin décembre, sous l'impulsion du président Mbeki, l'Assemblée avait adopté la révision de l'article 35, franchissant ainsi une étape importante mais non suffisante.

Aucun progrès, en revanche, n'a été effectué en matière de désarmement. Aujourd'hui, pour éviter l'enlisement ou l'embrasement, il devient impératif de procéder désormais, dans les meilleurs délais, au cantonnement et, par la suite, au désarmement des forces rebelles comme des milices.

Le rôle des Nations unies, dans ce domaine comme dans celui de la préparation des élections, est essentiel et ses moyens doivent être conformes aux missions qui sont les siennes.

C'est dans cet esprit que Michel Barnier s'est entretenu avant-hier à Londres avec Koffi Annan et Condoleeza Rice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Merci, madame le ministre ! On a tout compris ! On est bien renseignés !

trafic des poids lourds en alsace

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.

Monsieur le secrétaire d'Etat, depuis que l'Allemagne a instauré un péage pour les poids lourds sur son territoire, le grand Est est littéralement envahi par le trafic des camions venant de l'Europe du sud vers l'Europe du nord et l'Europe de l'est.

Cela se traduit évidemment sur place par des bouchons à répétition et par une gêne considérable la nuit en raison d'un fort trafic nocturne.

Ce sont plusieurs milliers de camions qui affluent ainsi chaque jour dans notre région.

Grâce au GPS, ces chauffeurs, qui travaillent au rendement, prennent bien évidemment les petits chemins et traversent nos villages. Il s'ensuit d'énormes problèmes de sécurité, voire de dégradation des routes.

M. Robert Hue. C'est la conséquence du libéralisme !

M. Francis Grignon. Si je pose la question aujourd'hui, c'est parce que le problème est international.

Certes, j'ai bien conscience que la gêne n'est que régionale, encore que la région du grand Est vaille la peine d'être écoutée. Mais la solution réside dans une discussion entre notre gouvernement et son homologue allemand.

Je vous poserai donc deux questions, monsieur le secrétaire d'Etat.

Premièrement, discutez-vous avec les autorités allemandes pour faire en sorte qu'une solution à long terme soit trouvée ?

Je rappelle ici que l'autoroute alsacienne le long du Rhin est gratuite depuis toujours et que nous n'avons jamais pénalisé les véhicules allemands. En retour, il serait juste que les autorités allemandes fassent un effort dans notre direction en limitant le péage le long du Rhin.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous entreprendre avec vos interlocuteurs allemands une discussion dans ce sens  et nous dire à quelle échéance une solution à long terme est envisageable ?

La solution à court terme, qui serait acceptée sur place, consisterait à créer une gêne pour décourager ce transit, par exemple en ne permettant pas la circulation sur la voie de gauche. Encore faut-il avoir les moyens, tant matériels qu'humains, de faire respecter cette interdiction.

Deuxièmement,  êtes-vous prêt à donner à la direction générale de l'équipement et au préfet de région les moyens pour régler le problème à court terme ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord excuser M. Gilles de Robien, retenu par ailleurs.

Votre question est, il est vrai, tout à fait d'actualité, puisqu'elle correspond à l'entrée en vigueur du péage pour les poids lourds en Allemagne.

Adrien Zeller, président du conseil général d'Alsace, a lui-même évoqué ce sujet avec Gilles de Robien.

M. René-Pierre Signé. C'est leur seul président de région !

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat. Grâce à la mise en place d'un dispositif complet de surveillance des trafics, nous savons que le report de trafic s'établit à environ 2 600 véhicules poids lourds par jour sur l'autoroute A35, déjà fortement encombrée par un trafic quotidien d'à peu près 35 000 véhicules.

D'après nos comptages, les autres axes de circulation routiers n'ont pas subi d'augmentation sensible.

Quelles sont les solutions ? Vous avez évoqué à l'instant les solutions à court terme pour agir immédiatement. Nous devons, en effet, mettre en place des impératifs de sécurité plus efficients, telles que l'interdiction pour les poids lourds de circuler sur la voie de gauche - nous allons la décider - la limitation de vitesse sur certains tronçons, ou la restriction du transit à certaines heures.

Le mois prochain, M. de Robien va s'entretenir avec son homologue allemand sur l'ensemble des sujets qui relèvent de nos relations avec l'Allemagne.

S'agissant de la tarification sur les poids lourds, sachez-le, le droit européen empêche toute discrimination en fonction de l'immatriculation ou du lieu de provenance. Il n'est donc pas question de taxer les poids lourds en simple transit.

Ensuite, si l'on étendait tel quel le système allemand à la France, cela présenterait quelques inconvénients, notamment le risque de perte de compétitivité pour les entreprises françaises, ainsi qu'un report du trafic sur des itinéraires secondaires incapables de le supporter.

Nous pourrions, en revanche, mener une réflexion, en concertation avec les élus locaux, sur l'idée d'un péage limité à l'A35, par exemple. Cela suppose, toutefois, une différenciation entre les véhicules légers et les poids lourds plus nette qu'avec le système actuellement pratiqué sur les autoroutes.

En tout état de cause, nous sommes ouverts à toute éventualité et à toute discussion avec les élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Ils applaudissent par habitude !

conséquences de la canicule de l'été 2003

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Didier Boulaud. Pour poser une excellente question !

M. le président. Monsieur Boulaud, je vous en prie ! Ecoutez au moins votre collègue !

M. Jean-Pierre Sueur. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, concerne les centaines de milliers de Français qui ont été touchés par la sécheresse de 2003 et dont les habitations ont connu de graves dommages.

Vous le savez, mes chers collègues, 2 270 communes ont été déclarées sinistrées dans le cadre de la loi sur les catastrophes naturelles.

Vous le savez aussi, 5 000 communes ont présenté la même demande, pour des raisons tout aussi fondées que celles des 2 270 communes qui ont été prises en compte.

M. Guy Fischer. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. A examiner de près les critères géologiques ou météorologiques qui ont été retenus pour les 2 270 communes prises en compte, il apparaît qu'ils s'appliquent à un grand nombre des communes, pourtant non retenues.

M. Didier Boulaud. Ce sont plutôt des critères géopolitiques !

M. Jean-Pierre Sueur. L'un de nos collègues a posé une question à M. le ministre de l'intérieur, ici même, au Sénat, le 20 janvier dernier. Et ce dernier a répondu, convenant de l'insuffisance du chiffre des 2 270 au vu de l'ampleur des dégâts matériels, qu'il fallait évidemment, au-delà de ces zones, s'attacher aux situations personnelles. A sa demande, a-t-il alors indiqué, le Premier ministre a accepté de prendre ces dernières en compte. Il s'est donc engagé, d'ici au 15 février, à définir de nouveaux critères.

Nous sommes le 3 mars, et, dans tous les départements, des associations d'habitants attendent la réponse.

J'espère vraiment que vous nous donnerez cette réponse aujourd'hui, car ces communes ont droit à être prises en compte et nous sommes légitimement attachés au strict respect du principe d'égalité...

M. Jean-Pierre Sueur. ... entre nos concitoyens qui sont victimes de cette situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Vous avez vu comme il a été bon ! Il a tout dans la tête ! C'est un sans-papier ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous le savez, l'engagement du Gouvernement sur le douloureux problème que vous venez de soulever a été total. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Les dommages occasionnés aux maisons d'habitation, sans compter certains monuments qui ont également été affectés, n'ont cessé de nous préoccuper, Dominique de Villepin et moi-même !

Nous nous sommes efforcés jusqu'ici, monsieur le sénateur, d'apporter une réponse qui soit juste, solidaire et conforme à la loi.

Mme Nicole Bricq. Laquelle ?

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Grâce aux critères qui ont été fixés en 2004 et qui ont, vous en conviendrez, considérablement assoupli ceux que vous aviez arrêtés en 2000, ce sont 2 250 communes qui ont pu être classées au titre des catastrophes naturelles. Toutefois, j'en conviens, de très nombreuses communes, elles aussi durement touchées, ne figurent pas dans ce classement.

Pour régler définitivement cette question, le Gouvernement s'est engagé à trouver une procédure nouvelle qui s'inscrive dans le cadre de la loi, tout en respectant, bien entendu, les équilibres financiers.

Il nous fallait donc inventer un nouvel outil, une nouvelle méthode. C'est la raison pour laquelle une expertise a été conduite par l'inspection générale de l'administration.

Les résultats de ce travail sont parvenus sur le bureau de Dominique de Villepin le 15 février dernier, il y a donc aujourd'hui exactement seize jours.

M. René-Pierre Signé. Il ne les a pas lus !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Actuellement, nous procédons à l'analyse de ces conclusions pour fixer définitivement le cadre de ce réexamen, qu'a en effet annoncé ici même Dominique de Villepin.

M. Pierre-Yves Collombat. Il n'y a toujours pas de réponse !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je peux aujourd'hui vous indiquer les orientations générales retenues par Dominique de Villepin.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Seize jours, monsieur le sénateur !

La procédure qui sera ouverte aux sinistrés est soumise à une double exigence. D'abord, elle devra, bien entendu, être équitable. Il faut, en effet, s'assurer que les droits ouverts à chaque sinistré soient les mêmes. Ensuite, elle devra être simple pour épargner aux sinistrés des démarches complexes en vue de constituer leur dossier.

Monsieur le sénateur, croyez-le, le Gouvernement est déterminé à engager ce réexamen. L'étude est en cours aujourd'hui et la situation des sinistrés qui le méritent sera traitée dans les plus brefs délais.

Nous savons qu'il s'agit de répondre à l'attente légitime de ces populations qui ont été les plus gravement touchées. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de notre vigilance pour apporter la réponse la plus rapide possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Bricq. Elle n'a pas donné de réponse ! Ce n'est pas rassurant !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Philippe Richert.)