sommaire

présidence de Mme Michèle André

1. Procès-verbal

2. Organismes extraparlementaires

3. Questions orales

Situation des vétérinaires en zone rurale

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité ; René-Pierre Signé.

Fonctionnement de la justice de proximité

Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mmes Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; Nicole Borvo Cohen-Seat.

Modalités de calcul des charges transférées et des charges nouvelles au sein des structures intercommunales

Question de M. Jean-Patrick Courtois. - Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur ; M. Jean-Patrick Courtois.

Calcul des concours financiers de l'État aux collectivités locales

Question de Mme Jacqueline Gourault. - Mmes Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur ; Jacqueline Gourault.

Nouvelles conditions de délivrance des certificats d'hébergement

Question de M. Bernard Piras. - Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur ; M. Bernard Piras.

Conséquences financières de la période hivernale sur le budget des collectivités locales

Question de M. Jean Boyer. - MM. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire ; Jean Boyer.

Mise à 2 x 2 voies de la RN 141 entre Limoges et Saint-Junien

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - MM. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire ; Jean-Pierre Demerliat.

Organisation des transports en Savoie

Question de M. Thierry Repentin. - MM. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire ; Thierry Repentin.

Réglementation relative aux départs anticipés à la retraite pour carrière longue

Question de M. Claude Domeizel. - MM. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable ; Claude Domeizel.

Gestion des déchets

Question de M. Alain Vasselle. - MM. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable ; Alain Vasselle.

Situation des otages en Colombie

Question de Mme Claire-Lise Campion. - M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation ; Mme Claire-Lise Campion.

Normes applicables en matière de sécurité incendie du mobilier

Question de M. Bernard Dussaut. - MM. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation ; Bernard Dussaut.

Mise en place de services de consigne dans la grande distribution

Question de M. Alain Milon. - MM. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation ; Alain Milon.

Réglementation relative à la sécurité des matériels forains

Question de Mme Françoise Férat. - M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation ; Mme Françoise Férat.

Fiscalité applicable aux logements intermédiaires

Question de M. Jean-Claude Carle. - MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Jean-Claude Carle.

Mise en oeuvre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé

Question de M. Jean-Pierre Sueur. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Jean-Pierre Sueur.

Création d'officines de pharmacie en milieu rural

Question de M. Georges Mouly. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Georges Mouly.

Aides à la création de maisons médicales

Question de M. Jean-Marc Juilhard. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Jean-Marc Juilhard.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

4. Droits des malades et fin de vie. - Adoption définitive d'une proposition de loi

Discussion générale : MM. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille ; Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Mme Sylvie Desmarescaux.

présidence de M. Philippe Richert

M. Alain Milon, Mme Anne-Marie Payet, François Autain, Gilbert Barbier Jean-Pierre Godefroy, André Lardeux, Guy Fischer, Bernard Seillier, Michel Dreyfus-Schmidt, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Alima Boumediene-Thiery, Bernadette Dupont, M. Jean-Pierre Michel.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

Clôture de la discussion générale.

Demande de priorité

Demande de priorité de l'article 1. - M. le président de la commission, Mme la secrétaire d'Etat. - La priorité est ordonnée.

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Guy Fischer, le président, Jean-Pierre Godefroy, François Autain.

Article 1er

MM. Gérard Delfau, Jean-Pierre Michel, Serge Lagauche, Mme Michèle San Vicente, MM. Michel Mercier, Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau.

Amendements nos 24 rectifié de M. François Autain, 20 rectifié de M. Michel Mercier, 12 de Mme Anne-Marie Payet, 7 rectifié de M. Bernard Seillier et 57 rectifié de M. Jean-Claude Etienne. - M. Guy Fischer, Mme Anne-Marie Payet, M. Bernard Seillier, Mme Bernadette Dupont, MM. le rapporteur, le ministre, François Autain, Francis Giraud, le président. - Retrait de l'amendement no 7 rectifié ; rejet des amendements nos 24 rectifié et 20 rectifié ; adoption de l'amendement no 12.

Mme Sylvie Desmarescaux, M. Josselin de Rohan.

Suspension et reprise de la séance

Retrait de l'amendement no 57 rectifié.

Amendement no 26 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 25 de M. François Autain. - MM. François Autain, le rapporteur, le ministre, Guy Fischer, Michel Dreyfus-Schmidt, Roland Muzeau. - Rejet.

Amendements nos 85 de M. Bernard Seillier et 14 de Mme Anne-Marie Payet. - M. Bernard Seillier, Mme Anne-Marie Payet, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux amendements.

Amendement no 13 rectifié de Mme Anne-Marie Payet et sous-amendement no 87 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Mme Anne-Marie Payet, MM. le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Pierre Michel, Roland Muzeau, Gérard Delfau, Michel Mercier, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Francis Giraud, François Autain. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.

M. Gérard Delfau, Mme Muguette Dini, MM. Jean-Pierre Godefroy, le ministre, Guy Fischer, le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, François Autain, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 2 ou avant l'article 3 ou avant l'article 10

Amendements nos 60, 62 de M. Michel Dreyfus-Schmidt, 30 de M. François Autain et 71 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Guy Fischer, Roger Madec, le président, le rapporteur, le ministre, Gérard Delfau, André Lardeux, François Autain, Mme Annie David, M. Jean-Pierre Godefroy. - Rejet de l'amendement no 60 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 30 ; rejet de l'amendement no 62 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 71.

Rappels au règlement

MM. Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, le président, Gérard Delfau.

Articles 2 à 4. - Adoption

Article 5

Amendement no 58 rectifié bis de M. Jean-Claude Etienne. - M. André Lardeux. - Retrait.

Adoption de l'article.

Articles 6 à 9. - Adoption

Article additionnel après l'article 9

Amendement no 59 rectifié bis de M. Jean-Claude Etienne. - Mme Bernadette Dupont, M. le ministre. - Retrait.

Articles 10 à 14 bis. - Adoption

Article 15 (supprimé)

Seconde délibération

Demande d'une seconde délibération de l'article 1er. - MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.

Suspension et reprise de la séance

Article 1er

Amendement no A-1 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Mme Isabelle Debré. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Vote sur l'ensemble

MM. Gilbert Barbier, Josselin de Rohan.

Adoption définitive, par scrutin public, de la proposition de loi.

M. le ministre.

5. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

organismes extraparlementaires

Mme la présidente. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale et du Conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites, en remplacement de M. Adrien Gouteyron, démissionnaire, ainsi que d'un sénateur au Conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, en raison de l'expiration du mandat de M. Marc Massion.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des finances à présenter des candidatures.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

Questions orales

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

situation des vétérinaires en zone rurale

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 675, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des vétérinaires en zone rurale.

Chaque année, leur nombre diminue, créant une pénurie inquiétante. Alors que 85 % des vétérinaires travaillaient en milieu rural en 1972, ils n'étaient plus que 25 % en 2002 et 18 % en 2003.

Ce métier, indispensable à la vie rurale, est un métier difficile, avec une charge de travail lourde et pénible, souvent nocturne. Aussi les jeunes vétérinaires décident-ils dans leur grande majorité de s'installer en ville et de se consacrer aux soins des animaux de compagnie.

La médecine vétérinaire rurale doit faire appel à des vétérinaires étrangers qui s'adaptent plus ou moins bien à nos régions et qui ne s'y fixent pas toujours.

Une solution plus durable passe sans doute par un recrutement plus large de vétérinaires français, en ouvrant les concours d'entrée aux écoles nationales vétérinaires, évidence qui s'impose d'ailleurs aussi - mais c'est un autre sujet - pour le recrutement du corps médical et paramédical : médecins, dentistes, infirmières. On peut, en effet, espérer que l'augmentation du nombre des praticiens entraîne une plus large implantation en zone rurale. Parallèlement, vous le savez, monsieur le ministre, d'autres formes d'incitation sont possibles.

Je souhaite que le Gouvernement soit conscient de la pénurie de vétérinaires, grave problème qui va en s'amplifiant, et qu'il prenne des mesures concrètes pour apporter une solution à ce préjudice afin de ne pas pénaliser davantage les zones rurales.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur Signé, vous avez raison d'évoquer la nécessité de maintenir un maillage vétérinaire en zone rurale.

Pour autant, je ne pense pas que l'on remédiera à la diminution du nombre de vétérinaires qui s'installent dans les zones rurales par un recrutement plus large, c'est-à-dire par une augmentation du nombre de places aux concours d'entrée dans les écoles nationales vétérinaires.

D'autres facteurs doivent être pris en compte, même si l'on constate l'attirance de certains vétérinaires formés à l'étranger, notamment en Belgique, à venir exercer sur notre territoire.

En effet, un nombre croissant de vétérinaires, souhaitant avoir une meilleure qualité de vie, choisissent d'exercer une activité de type canin eu égard aux avantages que procure l'installation dans les zones urbaines.

Comme vous l'avez souligné à juste titre dans votre intervention, il faut améliorer les conditions d'installation et de travail des vétérinaires en milieu rural.

La loi relative au développement des territoires ruraux, qui a été récemment adoptée par la Haute Assemblée, prévoit que les collectivités locales auront la faculté d'accorder une exonération de la taxe professionnelle, pendant une durée de deux ans, pour toute installation d'un vétérinaire exerçant en milieu rural, que ce soit par la création ou l'achat de clientèle, qu'il soit seul ou en groupe.

Est considéré comme exerçant en milieu rural un vétérinaire qui traite au moins 500 bovins de plus de deux ans en prophylaxie obligatoire ou l'équivalent en ovins ou caprins.

Par ailleurs, diverses dispositions ont été prises pour maintenir le réseau des vétérinaires ruraux. En ce qui concerne le fameux mandat sanitaire, l'Etat assure maintenant une meilleure prise en charge de certains actes ou de coûts liés à l'exercice de ce mandat, notamment en ce qui concerne les déplacements et la formation continue obligatoire.

En outre, le Gouvernement a récemment instauré, par un arrêté du 24 janvier 2005, une visite sanitaire annuelle des élevages bovins, qui contribue notamment à l'identification des cheptels susceptibles de présenter un risque sanitaire s'agissant des maladies réputées contagieuses comme la brucellose ou la tuberculose ovine. L'Etat, qui finance ces visites, verse à ce titre 15 millions d'euros par an aux vétérinaires sanitaires.

Enfin, sachez que le Gouvernement a décidé, en concertation avec l'ordre national des vétérinaires et diverses associations syndicales ou représentatives de la profession, de lancer une étude pour examiner la situation des vétérinaires, notamment de ceux qui exercent en zone rurale, pour recueillir le point de vue des praticiens actuels et des étudiants en médecine vétérinaire. Les nouvelles pistes de réflexion qui résulteront de ce travail commun devraient nous permettre, comme vous le souhaitez à juste titre, monsieur Signé, de maintenir et d'améliorer l'offre de soins vétérinaires en milieu rural.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, votre réponse, dont je vous remercie, montre que le Gouvernement est attentif à la situation des vétérinaires et qu'il propose des solutions.

J'observe toutefois que 68 % des élèves des écoles vétérinaires sont des filles et que, parmi les 30 % de garçons, seuls 10 % souhaitent s'installer en zone rurale.

Dans certaines régions d'élevage, la situation est préoccupante. C'est notamment le cas dans la Nièvre, où de nombreux troupeaux sont de race charolaise. Cette race, dont les qualités bouchères sont indiscutables, a le défaut de vêler difficilement et l'intervention du vétérinaire est nécessaire une fois sur quatre.

Il faut remédier à cette situation. L'augmentation du numerus clausus est un élément parmi d'autres, probablement très insuffisant, et dont la réalisation sera peut-être difficile.

Les mesures que vous proposez, monsieur le ministre, sont intéressantes. Seront-elles suffisantes ? Je n'en suis pas persuadé.

J'espère que les allégements de taxe professionnelle ne seront pas supportés par les collectivités locales et qu'ils donneront lieu à compensation.

M. Dominique Bussereau, ministre. Bien sûr !

M. René-Pierre Signé. Ne serait-il pas possible d'instaurer une sorte de conventionnement qui permettrait de lier l'octroi d'une bourse d'étude à l'engagement du futur vétérinaire de s'installer à la campagne, au moins pendant un temps donné, et de contribuer ainsi à résorber le déficit des vétérinaires en zone rurale ?

Monsieur le ministre, nous allons être confrontés à ce problème à court terme, en tout cas dans le Morvan. Dans la petite ville que j'administre, les vétérinaires sont submergés de travail. Pendant la période de vêlages qui s'étale sur trois à quatre mois, ils travaillent jour et nuit. Ces difficultés s'ajoutent à bien d'autres dans nos zones fragiles.

fonctionnement de la justice de proximité

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 690, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d'Etat, comme vous le savez, le groupe communiste républicain et citoyen s'était opposé à la création de la juridiction de proximité. M. Robert Bret et moi-même, comme d'autres sénateurs, ont ensuite confirmé à maintes reprises la position de notre groupe sur l'extension des compétences de ces juges, effectuée sans consultation des organisations professionnelles ou du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM.

Nous avons expressément demandé qu'avant toute décision le Gouvernement établisse le bilan de l'expérience en cours, conformément à l'engagement de M. le garde des sceaux.

Aujourd'hui, de nombreux magistrats et la majorité des membres du Conseil supérieur de la magistrature estiment qu'il faut cesser tout recrutement tant que le bilan de l'activité des 310 juges en fonction n'a pas été fait.

Dans la presse, le 25 février, le garde des sceaux indiquait que des bilans étaient en cours mais qu'un bilan complet ne pouvait être effectué, tous les tribunaux de grande instance n'étant pas pourvus. Je précise que l'on avait demandé un bilan portant seulement sur l'activité des 331 juges recrutés.

Faut-il attendre les 3 000 nominations, qui ne semblent d'ailleurs pas se profiler, avant de réfléchir aux problèmes qui se posent et tenter d'y remédier ?

Les questions que soulèvent les juges de proximité et l'extension de leurs compétences ne sont pas nouvelles. Elles ont été exprimées d'emblée par des parlementaires, notamment par ceux de mon groupe.

Les inquiétudes tiennent à la compétence de ces juges, notamment au pénal, d'autant qu'elle s'exerce aussi à l'égard des mineurs. Cette question a été soulevée, parmi d'autres, dans l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le 15 juillet 2002.

Les inquiétudes tiennent aussi au flou qui entoure les conditions de recrutement et de nomination, aux risques de dérapage, de recrutement de notables, à l'insuffisance de formation, à la garantie d'indépendance et d'impartialité. Le 19 septembre 2002, le Conseil supérieur de la magistrature donnait un avis critique sur les conditions de nomination et d'exercice, estimant que l'exigence d'impartialité n'était pas entièrement satisfaite.

Le garde des sceaux m'a écrit que le Conseil supérieur de la magistrature effectuait un contrôle rigoureux des candidatures préalablement sélectionnées par les chefs de cour, puis par la chancellerie.

Certains membres éminents du CSM déclarent, quant à eux, qu'il ne s'agit que d'un contrôle de légalité.

Ils confirment que la plupart des candidats sont des notables : « Le juge de proximité type est un avocat ou un huissier en exercice. »

Comment, dans ces conditions, garantir l'indépendance et l'impartialité des juges ?

J'insiste donc, madame la secrétaire d'Etat, pour que le bilan d'étape promis soit établi et communiqué aux parlementaires, auxquels on a demandé de valider ce recrutement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Madame la sénatrice, M. Dominique Perben, indisponible ce matin, vous prie de l'excuser et m'a chargé de vous répondre.

Vous avez appelé son attention sur le fonctionnement de la justice de proximité.

Je vous rappelle que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a instauré les juridictions de proximité en confiant à ces dernières une part limitée des contentieux des tribunaux d'instance.

Bien que la loi du 26 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance ait étendu les compétences des juridictions de proximité, le législateur a étroitement cantonné les contentieux qui leur sont soumis en excluant les deux types de contentieux de masse soumis au tribunal d'instance que constituent les litiges relatifs aux crédits à la consommation et aux baux d'habitation.

Sur le plan pénal, la loi du 26 janvier 2005 permet aux juges de proximité de siéger aux audiences correctionnelles en qualité d'assesseur et procède à la simplification et à la clarification des blocs de compétences en matière contraventionnelle.

Ces deux textes, largement débattus devant la représentation nationale, ont été soumis par ailleurs au contrôle du Conseil constitutionnel, qui, en fixant les exigences relatives au recrutement de ces juges, a particulièrement veillé à ce que soient garantis les principes d'indépendance et d'impartialité.

C'est ainsi que le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de la loi du 26 février 2003, qui autorisent le cumul de certaines activités professionnelles ou de certaines fonctions avec celles de juges de proximité.

En outre, le régime des incompatibilités géographiques ou fonctionnelles édictées au regard tant de l'exercice de certaines professions que de certains mandats électifs contribue au renforcement du respect de ces principes.

Enfin, la loi impose au juge de proximité de se dessaisir d'une affaire susceptible de voir naître un conflit d'intérêt.

Dans la pratique, tant la Chancellerie que le Conseil supérieur de la magistrature sont particulièrement vigilants à l'occasion de l'affectation géographique des candidats, plus particulièrement pour celle des auxiliaires de justice.

En tout état de cause, je précise que le CSM ne se borne en aucun cas au contrôle de la légalité des nominations que vous évoquiez.

Il vérifie en effet que les conditions légales d'admissibilité sont remplies. Mais il effectue en outre un contrôle rigoureux des candidatures qui lui sont soumises et qui ont été préalablement sélectionnées par les chefs de cour, puis par la mission « juges de proximité ».

A cet égard, il peut toujours solliciter cette dernière et obtenir toute explication souhaitée ou tout complément d'instruction nécessaire à sa prise de décision.

J'ajoute enfin que la possibilité réservée au CSM de pouvoir astreindre un candidat à un stage probatoire vient encore renforcer les garanties offertes en matière de nomination et lui permet de statuer en pleine connaissance de cause.

Le recrutement des juges de proximité s'effectue donc dans des conditions d'exigence qui offrent les garanties nécessaires quant à la compétence de ces juges.

La sécurité juridique due au justiciable implique en effet qu'il soit fait appel à des candidats de qualité, qui font preuve d'une grande compétence juridique et qui, pour la plupart, exercent des responsabilités à un niveau élevé.

Par ailleurs, je rappelle que ces juges sont impérativement soumis, avant leur prise de fonctions, à une formation de cinq jours à l'Ecole nationale de la magistrature, suivie d'un stage en juridiction de huit ou douze semaines suivant que le candidat a été astreint à un stage de formation préalable ou à un stage probatoire.

Je rappelle à ce propos que la nature du stage auquel est soumis le candidat relève de l'appréciation souveraine du CSM, appréciation qui s'impose à l'autorité de nomination, et qu'à de rares exceptions près seuls les magistrats de l'ordre judiciaire sont dispensés du stage en juridiction.

Le ministère de la justice poursuit donc le recrutement annoncé.

En ce qui concerne la formation de ces juges, la Chancellerie et l'Ecole nationale de la magistrature mènent de concert une réflexion qui porte tant sur la formation initiale que sur la formation continue, dispensée notamment dans un cadre déconcentré.

Il convient d'élaborer un système de formation qui concilie à la fois les exigences de qualité et les contraintes professionnelles des candidats.

Enfin, depuis la mise en oeuvre de la réforme, en juillet 2003, le Conseil supérieur de la magistrature a déjà été saisi, à six reprises, de 847 dossiers de candidatures au total, et plus de 310 juges de proximité sont déjà installés dans leurs fonctions près les 33 cours d'appel de la métropole et des départements d'outre-mer.

Le CSM a déjà statué sur 108 rapports de stage probatoire. A ce jour, le taux d'avis conforme est supérieur à 73 %, ce qui traduit le niveau de qualité des candidatures retenues.

De nombreux juges de proximité n'ont pris leurs fonctions que depuis quelques semaines ; il serait donc prématuré aujourd'hui de tirer des conclusions définitives dans le cadre d'une évaluation qualitative.

A cet égard, M. Dominique Perben a décidé de mettre en place un groupe de suivi de la réforme qui aura pour mission d'apprécier les conditions de fonctionnement des juridictions de proximité.

Le rapprochement de la justice et du citoyen a donc déjà pu largement s'opérer.

La dernière réforme intervenue va permettre d'atteindre l'objectif que le législateur s'était initialement assigné pour ces nouvelles juridictions et qui est de décharger substantiellement les tribunaux d'instance tout en permettant un meilleur ancrage de ces nouveaux juges dans l'institution judiciaire en les faisant siéger aux audiences correctionnelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d'Etat, je ne peux me satisfaire de votre réponse, sans doute parce que je suis absolument opposée à la création des juges de proximité.

Vous nous répondez qu'il est trop tôt pour établir un bilan. Puis-je attendre du groupe de suivi qu'il établisse un bilan et le présente à la représentation nationale, comme le garde des sceaux s'y est engagé ?

Le recrutement des juges de proximité était supposé décharger les tribunaux d'une partie de leur tâche et être plus facile que le recrutement de juges classiques.

Or, depuis 2004, les services de l'ANPE n'ont recruté que 310 juges de proximité. Je ne partage pas votre opinion sur leur efficacité. Cela pose de nombreux problèmes dans les juridictions. Comment arrivera-t-on à recruter les 3 000 juges de proximité attendus ? Certains parlementaires souhaitaient que les moyens des juridictions d'instance soient accrus, mais on ne les a pas entendus.

Il est aujourd'hui démontré qu'il aurait été préférable et plus efficace de pourvoir 310 postes de juges classiques par concours.

Quant aux garanties d'indépendance et de qualité des juges de proximité, elles ne me semblent pas avoir été apportées.

Je renouvelle ma demande d'un bilan de la réforme. La représentation nationale qui l'a votée doit pouvoir évaluer l'utilité des juges de proximité.

Modalités de calcul des charges transférées et des charges nouvelles au sein des structures intercommunales

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 709, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Jean-Patrick Courtois. Madame la ministre, j'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, que vous avez l'amabilité de représenter aujourd'hui, sur les modalités de calcul des charges transférées et des charges nouvelles des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, dotés de la taxe professionnelle unique, la TPU.

En effet, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a précisé le mode de calcul des charges liées au transfert d'un équipement à une structure intercommunale dotée de la TPU.

Cette loi indique que, lorsqu'il y a transfert d'un équipement d'une commune à l'établissement public de coopération intercommunale, l'allocation compensatrice de taxe professionnelle de la commune est minorée du montant des dépenses dudit équipement.

Cela se comprend facilement lorsqu'il n'y a qu'un seul équipement dit « structurant » dans l'agglomération. Cela pose toutefois problème lorsqu'un équipement de même nature est par la suite créé par la structure intercommunale.

En effet, la commune d'origine pâtit toujours de la déduction de son attribution de compensation pour l'équipement transféré précédemment mentionné. De plus, elle contribue, dans le cadre du budget général de la structure intercommunale, au financement du nouvel équipement. La commune centre paie ainsi deux fois.

Un tel mode de calcul pénalise grandement les villes centres qui sont principalement concernées par les transferts d'équipements.

Cette situation va à l'encontre de la philosophie de l'intercommunalité qui vise notamment à répartir de manière plus équitable les charges dites « de centralité ».

Je voudrais donc vous demander dans quelle mesure le Gouvernement entend modifier les dispositions relatives au calcul des charges liées au transfert d'équipement à un établissement public de coopération intercommunale doté de la TPU notamment en octroyant aux communes, avec l'accord de l'EPCI naturellement, les facultés soit de transférer à titre onéreux un équipement à la structure intercommunale lorsque celle-ci décide de créer un équipement de même nature - ce qui s'explique si l'équipement génère des recettes - soit de supprimer la déduction des dépenses de fonctionnement de l'allocation compensatrice au titre d'un équipement, lorsque l'EPCI décide par la suite de créer un équipement de même type, ou tout autre dispositif susceptible d'être arrêté, notamment par un conventionnement entre commune centre et EPCI.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, selon le code général des impôts, le groupement de communes qui perçoit la taxe professionnelle en lieu et place de ses communes membres, dans le cas de la taxe professionnelle unique, est tenu de leur verser une attribution de compensation.

Cette attribution a pour objet d'assurer la neutralité budgétaire du passage à la taxe professionnelle unique pour la communauté et pour ses communes membres au moment du changement de régime fiscal.

Elle n'a donc absolument pas pour objectif de mutualiser les charges dites « de centralité » entre les communes membres. Ce rôle revient en effet au budget général du groupement.

Les règles d'évaluation des transferts de charges ont été modifiées dans le sens d'une plus grande équité par l'article 183 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Les dépenses de fonctionnement qui ne sont pas liées à un équipement sont évaluées d'après leur coût réel dans les budgets communaux lors de l'exercice qui précède le transfert de compétences ou d'après leur coût réel dans les comptes administratifs des exercices qui précèdent ce transfert. Dans ce dernier cas, la période de référence est déterminée par la commission.

Le montant des dépenses liées à des équipements qui concernent les compétences transférées est calculé sur la base d'un coût moyen annualisé. Ce coût intègre le coût de réalisation ou d'acquisition de l'équipement ou, en tant que de besoin, son coût de renouvellement. Il intègre également les charges financières et les dépenses d'entretien. L'ensemble de ces dépenses est pris en compte pour une durée normale d'utilisation et ramené à une seule année.

Le montant des dépenses transférées est réduit, le cas échéant, du montant des ressources afférentes à ces charges.

Cette évaluation est déterminée à la date de leur transfert par délibérations concordantes de la majorité qualifiée des conseils municipaux, adoptées sur rapport de la commission locale d'évaluation des transferts.

Dans ces conditions, monsieur le sénateur, le Gouvernement n'envisage pas de modifier cette nouvelle méthode d'évaluation des transferts de charges.

Toutefois, le code général des collectivités territoriales permet d'apporter des solutions au problème que vous soulignez.

En effet, le conseil communautaire, statuant à l'unanimité, est autorisé à définir librement le montant et les conditions de révision de l'attribution de compensation.

Cette faculté est également ouverte pour une durée de trois ans à compter de la publication de la loi, soit jusqu'au 16 août 2007, aux établissements publics de coopération intercommunale qui percevaient déjà la taxe professionnelle unique en 2004.

Les élus communautaires sont donc en mesure soit de s'écarter du rapport de la commission d'évaluation des transferts de charges, soit de programmer la révision de l'attribution de compensation lorsque l'établissement public de coopération intercommunale décide de créer un équipement du même type.

En outre, le code général des impôts autorise les établissements publics intercommunaux à taxe professionnelle unique autres que les communautés urbaines à verser à leurs communes membres une dotation de solidarité communautaire dont le principe et les critères de répartition sont fixés à la majorité des deux tiers du conseil communautaire.

Depuis la loi du 13 août 2004, l'établissement public de coopération intercommunale doit tenir compte en priorité de l'importance de la population et du potentiel fiscal par habitant lors de la définition de ces critères de répartition. La combinaison de ces deux éléments permet de définir une situation désavantageuse et, par conséquent, l'éligibilité au versement d'une dotation de solidarité, dont l'objectif demeure la réduction des inégalités économiques constatées sur le territoire communautaire.

Les autres critères, vous le savez, sont définis librement par le conseil communautaire, notamment ceux qui permettent d'appréhender les charges des communes membres et, ainsi, de tenir compte des charges particulières de la commune centre.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, les dispositions en vigueur permettent d'ores et déjà de tenir compte des éventuelles inégalités entre les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale, même s'il est à taxe professionnelle unique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Je vous remercie, madame la ministre, des paroles que vous avez prononcées. Cependant, le problème de la différence entre un équipement nouveau et un équipement ancien transféré n'est pas réglé pour autant.

L'équipement ancien transféré donne effectivement droit à la récupération par la commune centre des sommes qu'elle payait auparavant. Toutefois, elle continuera d'assumer éternellement les dépenses de fonctionnement de l'équipement central, alors que les charges liées au nouvel équipement seront supportées par l'ensemble de la communauté d'agglomération : les contribuables de la commune centre payeront donc à un double titre.

L'attribution d'une dotation spécifique devant être décidée à l'unanimité, le risque que nous courons, madame la ministre, est de voir les communes centres ne percevant pas de taxe professionnelle s'opposer systématiquement à toute dotation spécifique, parce qu'elles n'y auront aucun intérêt. Si j'étais le maire d'une telle commune, j'agirais de la même manière !

A terme, cela conduira à empêcher la construction de tout équipement nouveau et à bloquer les investissements de la communauté d'agglomération, ce que je trouve regrettable.

calcul des concours financiers de l'état aux collectivités locales

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, auteur de la question n° 695, transmise à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Mme Jacqueline Gourault. Madame la ministre, voilà quelques semaines, j'ai pu constater qu'un projet de décret portant sur les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, élaboré en application de la loi de finances pour 2005 et soumis à l'avis du comité des finances locales, posait un problème pour un certain nombre de communes.

En effet, il est envisagé d'indiquer dans l'article relatif à la dotation forfaitaire que sont prises en compte dans le calcul de cette dotation, prévue à l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, les superficies cadastrées « hors eaux ».

Elue d'un territoire qui comporte une part non négligeable de surfaces en eaux sous la forme d'étangs, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur les conséquences qu'aurait la mise en oeuvre du décret dans sa forme actuelle - j'avoue ignorer s'il a déjà été publié ou non.

En effet, pour bon nombre de communes de Sologne - c'est tout aussi vrai dans d'autres régions, mais je me limite à ce que je connais -, la part des superficies en eaux représente plus de 10 % des surfaces totales cadastrées ; toujours en région Centre, c'est également le cas, par exemple, de la Brenne. La mesure envisagée dans le projet de décret reviendrait donc à lourdement pénaliser les finances de ces communes, alors que les surfaces visées, où se sont développées des activités piscicoles, font partie intégrante des surfaces agricoles.

A titre d'exemple, la commune de Saint-Viâtre, dans le département de Loir-et-Cher, compte 1 300 hectares d'étangs sur 9 900 hectares au total : elle se trouverait pénalisée de plus de 3 000 euros, somme importante pour une commune d'un peu plus de 1 000 habitants.

Je souhaiterais donc connaître les raisons qui ont présidé à cette décision, alors que la présence de surfaces en eaux, dont chacun s'accorde à reconnaître la haute valeur écologique et paysagère, n'est pas sans conséquence sur les finances des communes, qui doivent faire face à l'entretien des fossés et des abords, à l'assainissement, etc.

Compte tenu de ces éléments, ne pensez-vous pas plus opportun, madame la ministre, de modifier ce décret ou ce projet de décret afin que les communes concernées ne soient pas pénalisées dans la prise en compte de la part superficie dans la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Madame la sénatrice, comme vous le savez, la loi de finances pour 2005 a profondément réformé la dotation globale de fonctionnement. Le décret relatif aux dotations de l'Etat aux communes et aux départements, publié au Journal officiel du 1er avril 2005, précise les conditions d'application des innovations introduites par cette loi de finances.

Conformément au souhait du comité des finances locales, le Gouvernement a mis en place une dotation forfaitaire désormais répartie en quatre parts : une dotation de base variant de 60 euros à 120 euros par habitant en fonction de la taille des communes ; une part proportionnelle à la superficie égale à 3 euros par hectare ; une part correspondant à l'ancienne compensation « part salaires » de la taxe professionnelle ainsi qu'à la compensation des baisses de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, incluses depuis 2004 dans la dotation forfaitaire ; enfin, un complément de garantie versé aux communes pour lesquelles la somme de la dotation de base et de la part « superficie » est inférieure à la dotation forfaitaire perçue en 2004, indexée de 1 %.

S'agissant de la dotation de superficie, le décret précise que la surface prise en compte correspond à la superficie cadastrée et non cadastrée hors eaux, ce qui n'exclut en réalité, madame la sénatrice, que les étangs, lacs et glaciers de plus de 100 hectares. Cette définition correspond par ailleurs à celle qu'a retenue l'Institut national de la statistique et des études économiques pour le calcul de la densité de population.

Comme je le rappelais, la mise en oeuvre de la réforme a été accompagnée par la mise en place d'un complément de garantie qui assure à chaque commune qu'elle percevra en 2005 un montant de dotation forfaitaire égal à celui de 2004, majoré de 1 %. Tel sera le cas, en particulier, de la commune de Saint-Vîatre, que vous évoquez dans votre question.

Il n'est donc pas envisagé de modifier le décret. En effet, la définition retenue pour l'évaluation de la surface ne peut pas aboutir à pénaliser réellement les finances des communes sur le territoire desquelles se trouvent d'importantes surfaces d'eau. D'ailleurs, l'intégration des surfaces d'eau qui ne sont pas prises en compte conduirait en réalité, dans la grande majorité des cas, à accroître le montant de la part proportionnelle à la superficie, mais à réduire d'autant le complément de garantie.

Enfin, il ne s'agit bien évidemment pas de nier la valeur écologique et paysagère des surfaces d'eau ni, bien sûr, les charges financières que celles-ci peuvent éventuellement représenter. Néanmoins, la dotation globale de fonctionnement n'a pas vocation à soutenir une politique en faveur de l'environnement ni à compenser toutes les charges d'une collectivité : elle constitue une dotation globale, libre d'emploi et non ciblée sur telle ou telle politique sectorielle.

Vous le constatez, madame la sénatrice, le système mis en place par la loi de finances pour 2005 a bien été conçu pour préserver l'égalité entre les territoires.

Mme Jacqueline Gourault. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse précise.

nouvelles conditions de délivrance des certificats d'hébergement

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 638, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Bernard Piras. Madame la ministre, je tiens à attirer l'attention du ministre de l'intérieur sur certaines dispositions de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, notamment sur ses décrets d'application et sur la circulaire qui vient d'être adressée aux maires par les préfets.

Ma question concerne plus particulièrement les conditions de délivrance des certificats d'hébergement, la nouvelle procédure soulevant un certain nombre de problèmes tant sur le fond que sur la forme.

Tout d'abord, les personnes souhaitant accueillir un ressortissant étranger doivent fournir dans leur dossier des informations portant sur leur vie privée, en particulier sur leurs conditions de ressources et de logement, et doivent s'acquitter d'un droit de timbre. La mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions suscite déjà de vives réactions de la part des accueillants, qui, habitués à l'ancienne procédure et, pour beaucoup, l'ayant toujours respectée, vivent cette évolution, marquée par l'insertion de mesures arbitraires, comme un signe de défiance.

Ensuite, ce nouveau dispositif confie aux maires la responsabilité de s'assurer, d'une part, de la véracité des informations fournies et, d'autre part, de vérifier que derrière la demande n'existe pas une volonté cachée de détourner la procédure pour faciliter une immigration illégale. Cette situation conduira inéluctablement à une grande disparité d'appréciation en fonction du maire saisi.

Je vous demande donc, madame la ministre, si vous êtes en mesure d'apporter une réponse rassurante aux reproches adressés à la nouvelle procédure.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du Gouvernement sur le nouveau dispositif de délivrance des attestations d'accueil mis en place par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ainsi que par son décret d'application du 17 novembre 2004.

Vous mettez plus particulièrement l'accent sur les informations que doit fournir le demandeur qui souhaite accueillir un étranger pour un séjour à caractère familial ou privé et sur la responsabilité qui vient d'être confiée aux maires par le législateur.

Nul ne peut contester, monsieur le sénateur, les détournements de procédure constatés antérieurement à 2004. Les autorités habilitées à valider les certificats d'hébergement ne pouvaient en effet refuser de valider ce document qu'en l'absence d'une ou de plusieurs des pièces requises. Cette situation était inadmissible, car elle contribuait à faciliter l'entrée en France de personnes décidées à s'y maintenir irrégulièrement et, en l'absence d'éléments permettant de distinguer les situations normales des abus de droit, faisait peser une suspicion équivalente sur l'ensemble des hébergeants et des personnes accueillies.

Le législateur, conscient de ce problème que signalaient de très nombreux maires, a entendu mettre un terme à ces détournements. La représentation nationale a donc adopté de nouvelles dispositions.

Désormais, le maire peut refuser de délivrer un certificat d'hébergement non seulement si le demandeur ne peut pas présenter les pièces justificatives requises, mais également, et c'est là la nouveauté, s'il apparaît que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales de logement, si les mentions portées sur l'attestation sont inexactes, ou si les attestations antérieurement signées par l'hébergeant ont fait apparaître un détournement de procédure.

Les justificatifs de ressources constituent pour le maire des documents essentiels, car ils lui permettent d'apprécier le bien-fondé de l'engagement de l'hébergeant à prendre en charge les frais de séjour de l'étranger pendant toute la durée du séjour de la personne accueillie, cet engagement étant requis par la loi.

De même, le maire est tenu de demander la production de documents relatifs au domicile de l'hébergeant afin de pouvoir apprécier si l'étranger peut être accueilli dans des conditions normales de logement. Il peut même, après s'être assuré du consentement du demandeur, demander à ses services ou à ceux de l'Office des migrations internationales, l'OMI, de procéder à des vérifications sur place. En l'absence de consentement, le maire sera fondé à porter une attention toute particulière au caractère probant des justificatifs qui lui seront fournis.

Ces diverses vérifications, monsieur le sénateur, je tiens à le souligner, ne constituent nullement des mesures arbitraires ou vexatoires : les maires ne font en la matière qu'agir dans le respect de la loi. Quant à l'instauration de la taxe de 15 euros par demande de validation d'attestation d'accueil, d'ailleurs perçue au profit de l'OMI, elle résulte également de la volonté du législateur.

Enfin, monsieur le sénateur, je tiens à répondre à votre souci lié au risque de disparité d'appréciation en fonction du maire saisi. Je vous rappelle que le demandeur dont l'attestation d'accueil n'est pas validée par le maire dispose de voies de recours, d'abord un recours administratif auprès du préfet, car le maire agit ici au nom de l'Etat, puis un recours contentieux.

La circulaire diffusée le 23 novembre 2004 aux préfets, qu'ils ont eu instruction de transmettre aux maires, leur indique par ailleurs qu'ils peuvent être conduits à réformer les décisions des maires, indépendamment de tout recours administratif porté devant eux, en fonction de la connaissance qu'ils peuvent avoir de la façon dont les maires instruisent les demandes d'attestation d'accueil.

Vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, toutes les précautions ont été prises pour que cette réforme des attestations d'accueil, qui répond à la demande d'une grande majorité d'élus locaux, soit un succès. Ce succès conditionnera celui de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière que nous menons avec fermeté, vous le savez, et que l'opinion attend.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Madame la ministre, vous avez bien noté mon souci d'équité entre les maires.

Maire comme moi, vous savez que les maires ont des difficultés pour appliquer cette nouvelle procédure et qu'ils n'aiment pas se transformer en policier.

conséquences financières de la période hivernale sur le budget des collectivités locales

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 694, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Jean Boyer. Ma question vise à attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur les conséquences financières liées à la période hivernale exceptionnelle vécue dans nos territoires de montagne, particulièrement en Auvergne.

Oui, en effet, depuis bientôt quatre mois, voire plus, la Haute-Loire, comme d'autres départements situés en altitude, connaît des situations très pénalisantes sur le plan non seulement de l'activité économique, mais également de l'entretien et de l'état des chaussées. La situation était encore d'actualité il y a quelques jours.

L'ensemble des moyens matériels et humains a été fortement mobilisé dans ces départements, parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, provoquant une suractivité et des coûts particulièrement élevés et non maîtrisés.

En effet, les fortes perturbations climatiques, marquées par un enneigement important et accompagnées d'un froid persistant, en sont les principales responsables.

Mes chers collègues, vous avez certainement lu dans la presse que, dans la Haute-Loire, la température était descendue à moins trente-deux un certain mardi soir et à moins trente la nuit suivante.

Il faut savoir que le principal responsable de ces surcoûts est le vent. En effet, cette année, la neige était très poudreuse et, en quelques heures, voire parfois quelques minutes, la chaussée était recouverte.

Ici le réseau, qu'il soit national ou départemental, est très dense sur des territoires le plus souvent accidentés, nécessitant une mobilisation permanente, compte tenu de l'habitat très dispersé dans ces espaces fragiles.

Dans bien des cas, ce phénomène n'a pas été prévu sur une période aussi longue et continue, et il a aggravé les disparités de nos territoires ruraux, accentuant de nombreux handicaps.

Actuellement, l'état des chaussées ne nous permet pas de nous rendre compte avec justesse des dommages subis sur l'ensemble du réseau routier quel qu'il soit. Ce constat risque d'être particulièrement dramatique à la sortie des périodes de dégel, principalement sur les terrains instables et argileux.

Comment le Gouvernement pense-t-il pouvoir accompagner l'effort exceptionnel des conseils généraux et des communes afin de compenser le surcoût lié à la surcharge d'activité pour les personnels, mais aussi pour les matériels, ainsi que les conséquences sur les chaussées ?

Conscient des difficultés financières et de la situation de notre pays, monsieur le secrétaire d'Etat - il ne faut pas dire : « il n'y a qu'à » ou « il faut que » - je pense qu'il serait bon d'engager une réflexion et de prendre en compte la situation des communes qui sont au-dessus de 1 000 mètres ou de 1 100 mètres.

Je relaie l'inquiétude des élus. D'ailleurs, la presse régionale hier a publié ces surcoûts sur une demi-page. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous prie d'excuser mon égoïsme en parlant du département dans lequel je vis.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Gilles de Robien, qui ne peut être parmi nous ce matin.

La dernière période hivernale que nous venons de connaître a été particulièrement rigoureuse, et j'insiste sur le fait que l'Auvergne a été très touchée, votre département, comme vous le disiez, aussi.

D'après les statistiques, la DDE de la Haute-Loire n'avait pas connu un tel hiver depuis plus de cinq ans. Nous avons su que des villages, des exploitations agricoles avaient été isolés pendant plusieurs jours parce que la neige avait bloqué les routes. Il a même été signalé qu'au-delà de 1 100 mètres actuellement la neige était encore présente.

Tout cela s'est traduit par un doublement des quantités de sel consommées et des temps d'intervention. C'est donc bien une mobilisation sans précédent récent que nous avons connue cet hiver en Haute-Loire, mais aussi dans bon nombre de départements. Et l'Ile-de-France elle-même, qui n'en a pas l'habitude, n'était pas en reste. Nous avons été très proches, vous le savez, monsieur le sénateur, de la rupture en approvisionnement de sel et il a été nécessaire pour l'éviter de réquisitionner les sociétés productrices ainsi que Fret-SNCF.

II faut d'ailleurs rendre un hommage particulier au travail qu'ont effectué les personnels de l'Etat et des collectivités locales pour permettre à l'ensemble de nos territoires ruraux d'être toujours mieux desservis en termes de services publics.

Il n'est donc pas anormal que les chaussées aient eu à souffrir d'un hiver aussi rude.

J'ai bien noté votre préoccupation et, en tant qu'élu local, je ne peux que la partager, mais il reviendra à chaque maître d'ouvrage d'effectuer les constats précis de l'état des chaussées au sortir de la période de dégel et de tirer les enseignements de cette période hivernale.

En fonction des résultats de cette analyse, les maîtres d'ouvrage que sont les départements et les communes devront alors apprécier l'opportunité de saisir le préfet pour faire valoir l'ampleur des charges au regard de leur capacité financière.

S'agissant de la proposition que vous venez de faire et qui concernerait les communes situées à plus de 1 100 mètres d'altitude, je suis pour ma part tout à fait prêt à en discuter avec vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux ni prolonger ce débat, ni polémiquer. Mais on peut faire dire n'importe quoi à des statistiques.

Si vous aviez vécu en Haute-Loire, vous auriez pu constater qu'une telle situation ne s'était pas produite depuis plusieurs décennies. Les statistiques qui ont été données par les services de l'équipement sont mathématiques et ne prennent pas en compte le facteur aggravant qu'est le vent. Le plateau de la Haute-Loire, où l'habitat moyen est le plus élevé de France, a plus de prise au vent.

Monsieur le secrétaire d'Etat, connaissant votre délicatesse et votre volonté, j'ai apprécié l'attention que vous portiez à ma question, mais j'ai considéré qu'il était nécessaire d'apporter ces éléments qui n'étaient pas quantifiés dans les statistiques.

mise à 2 x 2 voies de la rn 141 entre limoges et saint-junien

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 685, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite évoquer les retards d'exécution des travaux de mise à 2 x 2 voies de la RN 141 entre Limoges et le département de la Charente.

L'avant-projet sommaire d'itinéraire Limoges-Angoulême-Saintes-Royan, une des branches de la route Centre Europe Atlantique, la RCEA, a été approuvé dès 1992. Les premières réalisations -  et jusqu'à ce jour les seules - dans le département de la Haute-Vienne ont été la déviation du lieu-dit « La Barre » en 1996 et celle de Saint-Junien fin 2000.

Il reste encore deux sections à aménager entre Limoges et Saint-Junien, l'une dite « Le Breuil-La Barre », l'autre « La Barre-les Séguines ». Cette dernière fait l'objet d'engagements dans le contrat de plan Etat-région 2000-2006.

A l'origine, le plan de financement des 25 millions d'euros nécessaires à la réalisation de ce tronçon prévoyait une participation de l'Etat de 17 millions d'euros, soit 67 %, et du conseil général de la Haute-Vienne de 8 millions d'euros, soit 33 %.

La réévaluation financière de 2004 porte l'opération à près de 34 millions d'euros. Pour financer cette augmentation, le département de la Haute-Vienne a été contraint de rajouter un million d'euros supplémentaires et la région Limousin a dû apporter son concours à hauteur de la même somme, alors que sa participation, à l'origine, n'était pas prévue.

Mais, au-delà de l'aspect financier de l'opération, ce sont les délais d'exécution qui sont aujourd'hui les plus préoccupants. En effet, selon les termes du contrat de plan Etat-région, le segment « La Barre-Les Séguines » aurait dû être terminé fin 2006. Or, on parle maintenant de fin 2009, voire 2010. Pourtant le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 18 décembre 2003 a fait de la RCEA une priorité !

Je souhaiterais également que le nécessaire aménagement à 2 x 2 voies du segment « Le Breuil-La Barre » puisse être financé en totalité lors du prochain contrat de plan Etat-région ou même plus tôt si d'aventure le contrat de plan actuel devait être prolongé de plusieurs années.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez, la Haute-Vienne ne possède pas encore toutes les infrastructures nécessaires à son essor économique. Sa position centrale en fait pourtant le point de passage obligé de nombreux itinéraires. La partie de la RN 141 qui relie Limoges et Saint- Junien - qui sont les deux premiers pôles économiques du département et pratiquement de la région - est la plus empruntée de cette branche de la RCEA avec près de 14 000 véhicules par jour, dont plus de 1 600 poids lourds.

Sa mise en sécurité par une liaison de type autoroutier est donc une nécessité absolue. Je ne vous infligerai pas la lecture de la longue liste des accidents, très souvent mortels, qui se sont produits sur cet itinéraire. Les retards d'exécution des travaux n'en sont que plus insupportables.

Le report de la mise à 2 x 2 voies des quatorze kilomètres de ces sections ne pourrait que provoquer l'incompréhension et la colère des riverains, des usagers, des acteurs économiques et des élus. Aussi ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, est simple : pouvez-vous m'indiquer à quelle date le parcours entre Limoges et le département de la Charente par une route à 2 x 2 voies sera mis en service ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, concernant l'aménagement de la RCEA dans le département de la Haute-Vienne et en direction de la Charente, vous le savez, en 2000, 37,6 millions d'euros ont été inscrits au volet complémentaire du contrat de plan Etat-région 2000-2006 afin d'achever la déviation de Saint-Junien et de réaliser la plus grande partie des travaux de la section comprise entre La Barre et les Séguines. L'Etat assure à hauteur de 30 millions d'euros le financement de ces travaux, le conseil général de la Haute-Vienne prenant à sa charge le solde.

Je voudrais vous indiquer, monsieur le sénateur, que ce niveau d'engagement de l'Etat dans les contrats de plan Etat-région est relativement inhabituel. En général, son taux d'intervention ne dépasse pas 50 %, ce qui aurait conduit, en l'occurrence, à n'engager que 19 millions d'euros Il est donc difficile de faire valoir un défaut d'engagement de l'Etat qui obligerait la région et le département à faire des efforts complémentaires.

Je note à cet égard que, pour le moment, les apports que vous évoquez ne sont que des intentions, car ils dépendent entièrement des conclusions de la discussion en cours sur un schéma d'ensemble de révision du contrat de plan, schéma dans lequel l'Etat est, bien sûr, lui aussi sollicité pour prendre des engagements complémentaires.

Très concrètement, sur l'avancement de la RCEA, la déviation de Saint-Junien, qui a marqué, vous le disiez, une première étape importante, est en service. Sur la section La Barre-Les Séguines, les études de détail ont été réalisées dans la première partie du contrat de plan et ont permis d'obtenir l'année dernière la maîtrise foncière. Les travaux préparatoires ont été engagés en fin d'année dernière et le ministre de l'équipement a inscrit 5,4 millions d'euros de crédits d'Etat dans la programmation 2005 pour la poursuite de cette opération.

Les travaux de la dernière section à aménager dans votre département, c'est-à-dire entre Le Breuil et La Barre ne sont pas inscrits au contrat de plan actuel. Dans la mesure où la mise à 2 x 2 voies de la RCEA constitue une priorité forte de l'Etat, il conviendra, je vous le dis très clairement, que nous puissions l'inscrire dans le prochain contrat de plan, c'est-à-dire après la période 2000-2006.

Je voudrais enfin vous indiquer que l'Etat, via l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'AFITF, propose aux collectivités locales de s'engager sur le tronçon Gouzon-Allier - ce n'est pas sur la partie ouest que vous évoquez, mais sur la partie est, c'est-à-dire dans la Creuse - selon la même clé de financement : 84 % pour l'Etat et 16 % pour les collectivités, afin de parachever le tronçon central de la RCEA situé entre l'A20 et l'A71.

Voilà très concrètement l'implication de l'Etat sur la RCEA et sa volonté d'accélérer les travaux de son aménagement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. L'Etat a certes donné plus qu'il n'était prévu dans le contrat de plan actuellement en cours, monsieur le secrétaire d'Etat, mais puisqu'il s'était engagé, il lui appartient de tenir ses promesses.

Sans vouloir polémiquer, je rappellerai l'abandon du projet POLT de ligne à grande vitesse entre Paris, Orléans, Limoges et Toulouse. Ce projet avait été décidé lors d'un CIAT, un comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, et son financement avait été prévu par l'Etat. Le Gouvernement auquel vous appartenez n'a pas cru bon de devoir tenir les promesses faites par le gouvernement précédent, ce qui s'apparente tout de même à une entorse à la tradition républicaine.

Je ne voudrais pas qu'il en soit de même en ce qui concerne la RCEA. Vous prétendez que le dernier tronçon sera inscrit au prochain contrat de plan Etat-région, mais nous ignorons quand celui-ci sera signé. Selon certaines rumeurs l'actuel contrat de plan pourrait être prolongé jusqu'en 2010. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Je n'ose y croire !

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sans doute l'occasion de vous rendre vous-même à Vaulry ou au Dorat. Vous devez donc savoir que ce tronçon routier est très accidentogène. Je suis donc prêt à vous faire confiance, mais ce sera une confiance attentive !

organisation des transports en savoie

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 693, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Thierry Repentin. Je me réjouis de la présence de M. le ministre de l'écologie et du développement durable, car la réponse qui me sera donnée l'intéressera sans doute également.

Les maires de trois communes riveraines du tunnel routier du Fréjus ont récemment été conviés à la sous-préfecture de Saint-Jean-de-Maurienne pour se voir présenter par des responsables de la Société française du tunnel routier du Fréjus, la SFTRF, le projet de galerie de secours, qui serait parallèle au tunnel actuel. Cette galerie, rendue nécessaire par les exigences de sécurité nées du drame de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc, doit faire l'objet d'une procédure de déclaration d'utilité publique. Les différents gouvernements français ont ainsi successivement affiché leur volonté de voir cette future galerie affectée aux seules mesures de secours, respectant en cela les dispositions du protocole Transport de la convention alpine ratifiée par la France.

Cependant, du côté de nos voisins transalpins, et en particulier à la SITAF, qui est l'homologue italien de la SFTRF, certaines voix se font entendre pour demander un doublement pur et simple du tunnel du Fréjus, alors même que le trafic routier a baissé de 7 % ces deux dernières années sur l'ensemble des deux tunnels français et que la priorité des investissements des deux Etats concernés et de la Communauté européenne doit continuer à être donnée à la réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l'Italie.

La commune italienne de Bardonecchia a déjà pris une délibération pour s'opposer à cette volonté « routière », et plusieurs communes du côté français s'interrogent sur l'opportunité d'une démarche similaire.

Monsieur le secrétaire d'Etat, face à ces inquiétudes légitimes, il s'agit, sans tarder, de rassurer les élus des deux Savoie, les habitants de la vallée de la Maurienne et de la cluse de Chambéry, ainsi que les partisans du ferroutage quant à vos engagements sur la réalisation de cette future galerie dédiée aux seules nécessités en matière de secours.

De fait, tout nouvel ouvrage visant à accroître les capacités de circulation routière dans les Alpes serait en complète contradiction non seulement avec nos engagements internationaux, que j'ai cités, avec l'expérience Modalhor en cours dans la vallée de la Maurienne menée avec la SNCF, avec la charte de l'environnement adoptée le 28 février 2005 par le Congrès réuni à Versailles, mais aussi avec l'aspiration des populations riveraines des axes d'accès à cette vallée - avant-pays savoyard, cluse de Chambéry, combe de Savoie - à voir diminuer la circulation de transit.

A ce moment de mon propos, je ne peux pas ne pas rappeler les engagements successifs pris par écrit depuis 2001 par les ministres Gayssot et de Robien, afin d'engager les travaux de protection phonique de la voie rapide urbaine qui traverse l'agglomération de Chambéry. Cette voie est empruntée quotidiennement par 100 000 véhicules, dont, parfois, 10 000 poids lourds. Les travaux ont été inscrits au contrat de plan Etat-région, mais n'ont pas débuté à ce jour.

Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est d'actualité puisque nous sommes à la veille d'une réunion de travail sur ce dossier que présidera Gilles de Robien, et à quelques jours de la rencontre qu'il aura avec son homologue italien, M. Lunardi, le 18 avril. Pouvez-vous nous confirmer que la position de M. de Robien s'inscrira dans la continuité de celle qu'ont prise ses prédécesseurs, rejetant ainsi la proposition émergente chez nos voisins italiens, qui n'ont pas ratifié le protocole Transport de la convention alpine, à propos d'un nouveau percement routier sous les Alpes ?

Les élus et les populations du massif des Alpes souhaitent pouvoir faire état d'un choix clair et définitif, à savoir à la fois l'abandon de toute solution qui, en matière de transport routier, conduirait à un accroissement du trafic, mais aussi la mobilisation financière prioritaire pour des solutions alternatives, plus particulièrement ferrées, pour les traversées alpines.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur de la Savoie, vous évoquez certaines voix en Italie qui avanceraient l'idée d'un second tube pour le tunnel routier du Fréjus. Il est exact que notre homologue italien, Pietro Lunardi, s'est ouvert d'une telle idée à plusieurs reprises auprès de Gilles de Robien, avec insistance d'ailleurs. Dans son esprit, cependant, il s'agit, avant tout, de permettre une séparation des trafics pour éviter ainsi tout risque de choc ou de collision frontale.

Son objectif n'est donc pas, me semble-t-il, d'accroître le trafic routier sur cet axe. Comme vous venez de le souligner, cela irait bien sûr à l'encontre d'autres engagements internationaux, notamment la réalisation de la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, et serait d'ailleurs inutile au regard de la stagnation des trafics routiers dans le nord des Alpes, constatée depuis plus de dix ans.

Compte tenu de la demande de Pietro Lunardi, Gilles de Robien lui a proposé que des experts français et italiens leur remettent un rapport dressant les avantages et les inconvénients de cette nouvelle solution, pour les confronter à ceux de la galerie de sécurité retenue par la conférence intergouvernementale de 2001. C'est d'ailleurs ce projet de galerie, dont l'étude n'a pas été interrompue et qui est aujourd'hui presque prêt à être engagé, que les responsables vous ont récemment présenté.

Le rapport des experts vient de nous être remis. Lors de la rencontre programmée à Modane le 18 avril, à laquelle vous avez fait référence, nous aborderons la question pour laquelle nous avons maintenant toutes les cartes en main afin de faire le bon choix.

Gilles de Robien souhaite qu'il n'y ait, en tout état de cause, aucune ambiguïté dans ce dossier. Son souci, celui de l'Etat, c'est, bien sûr, la sécurité des usagers.

Il faut ainsi rappeler que, depuis la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, les conditions de sécurité dans le tunnel du Fréjus ont fait l'objet d'améliorations significatives : augmentation du nombre des abris, suivi renforcé du tunnel par caméra, détection automatisée d'incidents, réglementation plus draconienne des conditions de circulation, implantation de radars automatisés et mise à disposition d'engins de secours dédiés et adaptés.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, l'Etat n'est donc pas resté inactif. Il faut maintenant conclure sur un dispositif pérenne. Nous sommes à la croisée des chemins et Gilles de Robien sera en mesure de vous en dire plus après le 18 avril, c'est-à-dire après la rencontre de Modane.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y avait pas d'ambiguïté dans mes propos. Je n'ai pas dit que l'Etat était resté inactif sur ce dossier.

Il est de la responsabilité de l'Etat, et tous les élus peuvent le comprendre, d'entreprendre des travaux pour améliorer la sécurité sous les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. Mais l'Etat ne peut pas passer sous silence l'inquiétude des élus qui redoutent les conséquences d'un doublement des capacités du tunnel du Fréjus : finalement, la construction d'un second tube prévue pour éviter le croisement des véhicules aboutirait immanquablement à accroître l'attractivité de ce tunnel, qui, vous le savez, au cours des dernières années, a vu son trafic augmenter, notamment à la suite de la catastrophe dans le tunnel du Mont-Blanc.

Or tous les élus et l'ensemble de la population du département de la Savoie espéraient un rééquilibrage des trafics entre la France et l'Italie, dès lors que le tunnel du Mont-Blanc serait rouvert.

Un tel rééquilibrage n'a pas eu lieu. Si, d'aventure, il y avait un second percement du tunnel du Fréjus, l'axe reliant la France à l'Italie par la vallée de la Maurienne deviendrait encore plus attractif et nous assisterions alors, malheureusement, à un accroissement du trafic sur cet axe. Pour le vivre au quotidien, je vous assure que la situation actuelle, c'est-à-dire la traversée de l'agglomération de Chambéry par 100 000 véhicules chaque jour, devient insupportable et inacceptable en matière de sécurité.

réglementation relative aux départs anticipés à la retraite pour carrière longue

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 689, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Claude Domeizel. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat sur l'inégalité de traitement entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé créée par l'extension du dispositif de départs anticipés à la retraite pour les carrières longues, c'est-à-dire pour ceux qui ont commencé à travailler à seize ans, à quinze ans, voire à quatorze ans.

L'article 23 de la loi portant réforme des retraites et son décret d'application du 30 octobre 2003 ont ouvert la faculté d'un départ anticipé avant 60 ans pour les salariés du secteur privé ayant commencé leur activité très jeunes. Depuis le 1er janvier 2004, ces assurés peuvent bénéficier de cette mesure dès lors qu'ils réunissent l'ensemble des conditions prévues en fonction des trois possibilités offertes.

Avec un an de retard, l'article 57 de la loi du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 a étendu ce dispositif aux fonctionnaires. Cependant, à la différence des salariés du secteur privé, ils ne pourront tous y recourir d'emblée au 1er janvier 2005. La loi introduit une progressivité obligeant certains d'entre eux, qui remplissent d'ores et déjà les conditions, à attendre le 1er juillet 2006, voire le 1er janvier 2008. Ce qui paraît en soi une double pénalisation critiquable devient insupportable pour les futurs retraités ayant exercé alternativement dans le public et dans le privé.

En conséquence, je souhaiterais savoir si, à la lecture de la législation actuelle, un assuré ayant commencé sa carrière dans le privé pour la terminer dans la fonction publique sera, à la veille de sa retraite, traité comme celui qui aura accompli une carrière identique mais selon un cursus inversé.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. Renaud Dutreil, qui est retenu par les assises de la simplification administrative et qui m'a chargé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

L'article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 a instauré, à compter du 1er janvier 2005, une possibilité de départ anticipé à la retraite en faveur des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ayant accompli une carrière longue. L'article 119 de la loi de finances initiale pour l'année 2005 a prévu une disposition identique pour les fonctionnaires de l'Etat et les ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

A l'origine, ce dispositif n'était prévu que pour les salariés du secteur privé. Son extension à la fonction publique a été décidée dans un souci d'équité, tout en tenant compte de ses spécificités, puisqu'un nombre non négligeable de fonctionnaires disposait déjà de la possibilité de partir à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de 60 ans.

Le Gouvernement a toutefois souhaité permettre aux fonctionnaires n'ayant pas la possibilité d'un départ anticipé de faire valoir leurs droits à retraite avant l'âge de 60 ans dès lors qu'ils pouvaient se prévaloir d'une carrière longue.

Cette mesure d'équité à l'égard de ces personnels devait toutefois tenir compte des contraintes budgétaires et du bon fonctionnement du service public.

C'est pourquoi les départs seront progressifs, en privilégiant les fonctionnaires les plus proches de l'âge de 60 ans : seront ainsi concernés les agents qui ont atteint l'âge de 59 ans à compter du 1er janvier 2005, puis les agents âgés de 58 ans à partir du 1er juillet 2006 et, enfin, les agents âgés de 57 ans ou de 56 ans à partir du 1er janvier 2008.

Les autres éléments de ce dispositif sont identiques dans le régime général de sécurité sociale et dans les régimes de retraite des fonctionnaires territoriaux, hospitaliers ou de l'Etat.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, même si j'aurais préféré vous entendre à propos du loup, plutôt que sur la fonction publique.

Si les contraintes budgétaires et le souci d'un bon fonctionnement du service public sont compréhensibles, il existe, de toute évidence, une inégalité de traitement. A cet égard, monsieur le ministre, vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question : une personne commençant sa carrière dans le secteur privé et la poursuivant dans la fonction publique sera-t-elle traitée, au moment où elle demandera la liquidation de sa pension, de la même manière qu'un fonctionnaire terminant sa carrière dans le secteur privé ?

Lors de votre intervention, j'ai cru comprendre que tel serait le cas. J'espère donc que votre réponse permettra d'aider les futurs retraités au moment de la liquidation de leur pension.

gestion des déchets

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 706, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, ma question porte sur les relations qu'entretiennent les collectivités locales avec Eco-Emballages, société agréée chargée de valoriser le tri sélectif auprès des collectivités.

L'arrêté du 30 décembre 2004 portant agrément de la société Eco-Emballages pour la prise en charge des emballages usagés dans les conditions prévues par le décret n° 92-377 du 1er avril 1992 indique, dans son annexe 2 consacrée au « barème aval », plus précisément dans le paragraphe relatif aux « papiers-cartons issus de collectes sélectives », que les procédures de caractérisation amont, c'est-à-dire soit celles qui sont en vigueur dans de nombreuses collectivités, soit celles qui seront définies par la norme expérimentale XP X 30-437, constitueront l'une des obligations du contrat. Il est indiqué plus loin que les « caractérisations aval continueront à être réalisées ».

La société Eco-Emballages effectue depuis 2001-2002 des caractérisations de balles de cartons dans les centres de tri. Ces caractérisations, qui avaient pour but, à l'origine, une meilleure connaissance du gisement des cartons, ont rapidement servi de base à l'établissement de réfactions de tonnages, donc de performance et donc de soutiens financiers au détriment des collectivités locales.

Certes, Eco-Emballages a rencontré quelques difficultés sur le plan financier, mais l'entreprise a trouvé là un bon moyen pour se refaire une santé, sur le dos des collectivités locales !

Bien qu'imparfaite dans sa conception et contestable dans sa mise en oeuvre sur le terrain, la méthode utilisée par Eco-Emballages pour ces analyses de balles a été validée, semble-t-il, par le Laboratoire national d'essais. Pour autant, alors que le contrat qui lie les collectivités locales avec la société agréée est particulièrement précis dans son ensemble, il est des plus incertain quant à la valeur contractuelle que revêtent les caractérisations pratiquées. Cette incertitude conduit d'ailleurs Eco-Emballages à négocier au cas par cas avec les collectivités locales réfractaires pour définir un pourcentage de réfaction qualifié d'« acceptable ». Il s'agit d'une véritable négociation de marchands de tapis, ce qui est un peu surprenant compte tenu de la nature des relations qui doivent exister sur le plan contractuel entre les collectivités et les établissements publics.

Si les collectivités locales ne peuvent bien sûr que se féliciter de la démarche engagée dans le cadre de l'arrêté susmentionné, elles s'inquiètent cependant de l'absence de précision et de référence normative quant aux caractérisations aval qui continueront à être réalisées. Seront-elles les mêmes que celles dont elles pâtissent depuis quelques années ? Par voie de conséquence, elles s'interrogent sur le caractère national des stipulations du contrat telles qu'elles sont présentées par Eco-Emballages lorsqu'elles doivent négocier au cas par cas un taux de réfaction incertain et non fondé.

Face à une situation qui ne cesse de se détériorer, monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer la valeur contractuelle des caractérisations pratiquées dans le cadre du barème C et me préciser la signification de la notion de « caractérisation aval » figurant dans l'arrêté du 30 décembre 2004, ainsi que les conséquences induites par cette pratique dans la mise en oeuvre du contrat liant les collectivités locales avec la société Eco-Emballages dans futur contrat barème D ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Vasselle, vous appelez mon attention sur une question technique mais effectivement importante pour les collectivités qui effectuent la collecte sélective des déchets d'emballages ménagers : il s'agit de la question de la valeur contractuelle de la caractérisation des balles de papiers-cartons avant leur entrée en centre de tri et à leur sortie de ces centres.

La caractérisation à l'entrée des centres de tri, ou caractérisation amont, vise à vérifier la provenance des papiers-cartons.

En effet, seules les personnes mettant sur le marché des produits destinés aux ménages contribuent au dispositif mis en place par le décret du 1er avril 1992. Or il n'est pas rare de trouver dans les balles de papiers-cartons à l'entrée des centres de tri des déchets d'emballages provenant d'autres origines. Par exemple, des artisans ou des commerçants peuvent déposer en déchetterie des déchets d'emballages en carton utilisés pour des produits à destination des professionnels.

Les sociétés agréées, Eco-emballages et Adelphe, ne reçoivent pas de contribution des industriels pour ces emballages : leur collecte sélective n'a pas à être soutenue dans le cadre du dispositif.

La mise en place de la redevance spéciale permet aux communes de disposer d'un financement pour les personnes qui remettent des tonnages importants.

Afin de s'assurer que le tonnage qui bénéficie d'un soutien sera précisément défini, le cahier des charges annexé aux arrêtés du 30 décembre 2004 portant agrément d'Eco-emballages et d'Adelphe rend obligatoire, dans le contrat passé entre la collectivité et la société agréée, la mention de la méthode utilisée pour cette caractérisation amont. Il peut s'agir soit de la norme élaborée à cet effet, soit d'autres méthodes, dès lors qu'elles sont largement utilisées.

Cependant, j'ai bien conscience que le champ d'application prévu par le décret du 1er avril 1992 n'est pas défini de façon totalement satisfaisante : certains déchets d'emballages de produits non destinés aux ménages se retrouveront toujours dans les ordures ménagères et la redevance spéciale ne peut pas résoudre tous les cas.

Les pouvoirs publics ont mandaté un audit sur le sujet. Au vu de ses conclusions, la question d'un élargissement modéré du champ d'application du dispositif sera examinée.

La caractérisation à la sortie du centre de tri, ou caractérisation aval, vise, quant à elle, à s'assurer que les balles de papiers-cartons triées respectent les prestations techniques minimales, c'est-à-dire les caractéristiques techniques permettant leur acceptation pour recyclage en papeterie.

Je profite de cette occasion pour souligner une nouveauté introduite par le nouvel agrément : auparavant, seules les tonnes collectées sélectivement et respectant ces prestations techniques minimales ouvraient droit au versement du soutien à la tonne triée ; désormais, les tonnes triées respectant les standards du secteur, c'est-à-dire des exigences bien moindres que les prestations techniques minimales, bénéficieront du soutien à la tonne triée.

Certes, pour les collectivités qui ont choisi le système de la garantie de reprise, le respect des prestations techniques minimales s'imposera toujours.

En revanche, ce ne sera pas nécessairement le cas pour celles qui ont opté pour la reprise garantie offerte par les professionnels du déchet et de la récupération ou pour un contrat direct avec un repreneur.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments de réponse, qui viennent apporter quelque éclairage, pour l'avenir, à la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Cependant, pour le présent, je suis confronté, en qualité de président d'un syndicat qui représente la moitié de la population du département de l'Oise, à une négociation de marchands de tapis avec Eco-Emballages en ce qui concerne le taux de réfaction.

Monsieur le ministre, je veux bien admettre que ces balles contiennent des cartons qui proviennent des artisans ou des commerçants, lesquels ne peuvent pas bénéficier, de la part d'Eco-Emballages, du soutien à la tonne triée. Quoi qu'il en soit, cette société, dans le cadre de la caractérisation des balles, conteste même la présence de certains cartons portant son estampille. En effet, Eco-Emballages possède un logo qui est imprimé sur les emballages.

Aujourd'hui, le taux de réfaction sur les balles de cartons est de l'ordre de 8 % alors que, selon nous, il devrait être d'environ 4 %.

Monsieur le ministre, je fais appel à votre arbitrage pour le différend qui m'oppose à Eco-Emballages, afin de sortir d'une telle situation.

Il est tout de même invraisemblable que, en tant que président d'une structure intercommunale, je sois obligé de mener des négociations de marchands de tapis avec Eco-Emballages ! Je suis en effet confronté à une situation résultant du fait que le centre de tri ne fait pas son travail correctement et que la filière agréée par Eco-Emballages accepte des balles qui contiennent des cartons non conformes. J'ai d'ailleurs appris que celle-ci réussissait à recycler une partie de ces cartons et à en tirer un revenu supérieur à ce que donne Eco-Emballages !

Il s'agit donc, je le répète, d'une situation complètement invraisemblable. Il était plus que temps de faire le tri dans les dispositions réglementaires qui fixent les relations entre les collectivités et Eco-Emballages.

Concernant la structure que je préside, j'insiste pour que vous m'aidiez dans les négociations que je mène actuellement avec Eco-Emballages. Je suis d'ailleurs persuadé que, compte tenu de vos fonctions, vous arriverez à faire entendre raison à la direction d'Eco-Emballages.

Mme la présidente. Nous l'espérons pour vous, monsieur Vasselle !

situation des otages en colombie

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 699, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.

Mme Claire-Lise Campion. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation des otages en Colombie.

En effet, depuis plus de quatre ans, plusieurs milliers de personnes sont détenues en otage par les Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC.

Parmi elles, se trouvent Ingrid Betancourt, l'une de nos citoyennes et ancienne candidate verte à l'élection présidentielle colombienne, ainsi que sa collègue Clara Rojas.

Afin de tenter de libérer ces otages, plusieurs actions internationales, notamment françaises, ont été menées successivement en 2002, en 2003 et, plus récemment, en 2004.

Se sont mobilisées non seulement de nombreuses instances gouvernementales, mais aussi des instances intergouvernementales, comme l'Organisation des Nations unies, ou l'Union européenne, sans oublier l'Eglise catholique, dont l'influence est très importante en Colombie.

Néanmoins, tout cela n'a pas abouti pour le moment et, aujourd'hui, les négociations semblent au point mort.

C'est pourquoi je demande à M. le ministre des affaires étrangères de bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de libérer les otages en Colombie. Par ailleurs, serait-il possible de créer, si ce n'est déjà fait, une véritable cellule de crise ? Cette cellule de crise pourrait être composée d'un conseiller du Président de la République, d'un collaborateur du ministre des affaires étrangères et d'un collaborateur du ministre de l'intérieur.

Cela permettrait de mener une réflexion au quotidien pour établir un vrai bilan et examiner ce qui peut encore être fait ? Cela permettrait également d'aboutir rapidement à un accord humanitaire absolument indispensable avec le gouvernement colombien et le Président de la République de Colombie.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Madame le sénateur, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de M. Michel Barnier, qui m'a chargé de porter à votre connaissance les éléments de réponse suivants.

La séquestration prolongée de personnes par les guérillas est, vous avez raison, l'un des aspects les plus dramatiques du conflit colombien. Le gouvernement français a constamment souligné sa ferme condamnation de la pratique des enlèvements et sa vive préoccupation au sujet de la situation des otages. Il reste en particulier mobilisé en vue d'obtenir la libération de notre compatriote Ingrid Betancourt, séquestrée depuis plus de trois longues années par la principale guérilla colombienne, les FARC.

Le président Uribe, que la France soutient dans ses efforts pour rétablir l'autorité de l'Etat dans son pays, connaît toute l'importance que les autorités françaises attachent à cette affaire. Il sait qu'elles appuient la conclusion d'un accord à caractère humanitaire qui permettrait la libération des personnes séquestrées, dont Mme Ingrid Betancourt, en échange de celle de membres des FARC emprisonnés. Il revient aux parties concernées de trouver les conditions d'un tel accord, avec l'aide éventuelle de l'Eglise catholique et de la communauté internationale.

La France exprime sa disponibilité à aider les Colombiens dans cette voie. Elle reste en permanence mobilisée, notamment à travers son réseau diplomatique et, à Paris, avec tous les services concernés. Elle espère une issue favorable qui signifierait la fin d'une épreuve terrible pour les otages et leurs proches et qui pourrait également être le signe d'une volonté de s'engager enfin vers une solution négociée du conflit colombien.

Instruit par l'expérience, le peuple colombien appuie, dans sa majorité, la politique de fermeté du président Uribe à l'égard des groupes armés illégaux. Cependant, aucune solution durable au conflit ne pourra être trouvée sans la négociation d'accords permettant la réinsertion des membres des groupes armés illégaux dans la société colombienne. L'accord humanitaire que la France appelle de ses voeux serait effectivement un pas dans cette direction.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir communiqué la réponse de M. le ministre des affaires étrangères.

Je vous ai entendu avec intérêt rappeler l'engagement du gouvernement français, engagement que nous connaissons tous et qui est effectivement nécessaire pour que la situation évolue. Vous le confirmez aujourd'hui, des négociations sont nécessaires ; le président Uribe est soutenu dans son action par le peuple colombien ; il faut envisager, à terme, la réinsertion des membres des FARC.

J'insiste néanmoins pour redire à M. le ministre des affaires étrangères, et je vous remercie par avance de bien vouloir lui transmettre ce message, que nous devrions aller plus loin : la France a déjà fait beaucoup, mais elle doit faire plus encore. Je proposais une mobilisation de moyens supplémentaires autour du Président de la République, Jacques Chirac, autour de M. le ministre des affaires étrangères lui-même et de M. le ministre de l'intérieur, et la création d'une cellule très resserrée qui permette de suivre la situation de très près et, le cas échéant, d'adapter nos réactions, ici, à Paris, en fonction des évolutions constatées au jour le jour sur place.

Je le répète, je compte absolument sur vous, monsieur le ministre, pour mobiliser le Gouvernement, et singulièrement M. le ministre des affaires étrangères, sur cette proposition, qui me semblerait de nature à nous permettre de faire beaucoup plus encore que ce que nous faisons aujourd'hui, bien sûr dans le respect des positions des différents gouvernements concernés, notamment celui de M. Uribe, donc à notre place, mais d'une manière plus pressante encore.

L'essentiel est d'aboutir à la libération d'Ingrid Betancourt et de favoriser une prise de conscience générale de ce que vivent tous les otages qui sont, comme elle, retenus par les FARC depuis de nombreuses années.

Mme la présidente. Madame Campion, unis dans l'inquiétude et dans l'espérance, nous sommes de tout coeur avec notre collègue sénatrice retenue en otage, que nous assurons de notre soutien.

normes applicables en matière de sécurité incendie du mobilier

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Dussaut, auteur de la question n° 700, adressée à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le ministre, en décembre dernier, dans le bourg de Cavignac, en Gironde, une maison de 200 mètres carrés a été en partie détruite à la suite d'un feu de canapé déclenché par la chute d'une bougie manipulée par un enfant de quatre ans.

Ce fait divers, qui aurait pu être plus dramatique encore - une adolescente a été légèrement brûlée -, illustre parfaitement la nécessité de mettre en place des normes draconiennes en matière de sécurité du mobilier au regard des risques d'incendie.

En effet, la plupart des incendies domestiques se propagent très rapidement à cause des matériaux synthétiques qui servent au rembourrage de certains meubles, les canapés, les fauteuils et les matelas, notamment.

Depuis vingt-cinq ans, le nombre d'incendies et de victimes n'a cessé d'augmenter du fait de l'utilisation croissante de ces matériaux : les meubles prennent feu en quelques secondes et se transforment en parfaits propagateurs de flammes laissant peu de temps aux occupants pour s'échapper.

Pourtant, des normes sur la résistance des meubles aux cigarettes et à la flamme d'une allumette ont été établies au début des années quatre-vingt-dix, et elles ont été homologuées par l'AFNOR, l'Agence française de normalisation.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le respect de ces normes relève du volontariat, c'est-à-dire que les industriels du meuble choisissent de les appliquer ou non : autant dire qu'elles sont peu suivies par l'industrie française du meuble ! Nous ne pouvons continuer de nous contenter de cette situation.

Au mois d'octobre dernier, une campagne de prévention des risques d'incendie domestique a été lancée par le Gouvernement ; elle associait plusieurs ministères ainsi que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

Trois objectifs étaient fixés : apprendre les règles de base pour éviter de déclencher un incendie ; informer sur les moyens d'être averti dès le début de l'incendie ; apprendre les bons comportements face à un incendie.

Dépliants, affichettes et spots radios ont été diffusés.

Cette campagne était bienvenue, mais sans doute serait-il souhaitable que l'on s'attache en amont à la problématique posée en prenant des dispositions réglant la question des vecteurs de propagation des incendies domestiques eux-mêmes.

Il paraîtrait qu'un projet de décret soit à l'étude pour garantir une protection des meubles rembourrés à usage domestique contre le risque d'incendie. Pouvez-vous, monsieur le ministre, me confirmer cette information, me préciser si ce décret requerra bien que les meubles rembourrés à usage domestique soient résistants à la cigarette, à l'allumette ou à d'autres sources d'allumage et m'indiquer quel est le délai prévu pour sa mise en application ? La question est d'autant plus d'actualité que vous avez lancé récemment auprès des enfants une campagne de prévention contre les accidents de la vie courante.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, l'inflammation des meubles rembourrés est, il est vrai, à l'origine d'un grand nombre d'incendies dans les habitations ; sa prévention s'inscrit dans une démarche générale du Gouvernement pour prévenir les accidents de la vie courante.

Aussi les services de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes, ont-ils été chargés de soumettre à une consultation interministérielle un projet de décret relatif à la sécurité de certains meubles rembourrés.

Ce projet de décret prévoit que ces meubles devront respecter une exigence de résistance à l'allumage par une cigarette incandescente. La conformité aux normes permettra d'attester le respect de cette exigence de sécurité. Ces normes peuvent être d'ores et déjà utilisées par les industriels dans la conception de leurs produits. Compte tenu des incertitudes toxicologiques qui pèsent encore sur l'ignifugation des tissus - on suspecte l'éventualité d'émanations toxiques particulièrement dangereuses -, il a été décidé de renoncer dans un premier temps à l'exigence du test à la flamme d'allumette et de ne retenir que le test de la cigarette incandescente.

Les administrations consultées ont fait part de leurs observations, qui seront prises en compte dans le texte. Ce document sera ensuite soumis aux professionnels concernés et à la Commission de la sécurité des consommateurs, la CSC. Le texte finalisé sera ensuite notifié à la Commission européenne, comme il se doit.

La mobilisation des pouvoirs publics en matière de lutte contre les incendies passe aussi par une campagne d'information et de sensibilisation en matière d'incendies domestiques. Cette campagne, menée en 2004 dans le cadre du plan gouvernemental sur la prévention et la réduction des accidents de la vie courante, prévoit en particulier la diffusion de conseils de vigilance - comportements à risque à proscrire pour prévenir les incendies, gestes à adopter en cas d'incendie, vérification des installations de gaz, d'électricité et de chauffage -, ainsi que des incitations en faveur de l'équipement des habitations en détecteurs avertisseurs de fumées. La diffusion des dépliants de cette campagne se poursuit en 2005.

J'ajoute que M. le premier ministre doit présider dans les prochaines semaines un conseil interministériel consacré précisément à ce plan de prévention des accidents domestiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. J'ai bien compris qu'un texte réglementaire était actuellement en cours de finalisation. Je souhaite que ces normes soient mises en oeuvre rapidement, ce qui exige que l'on se donne les moyens de les faire appliquer par les entreprises car, aujourd'hui, nous connaissons quelques problèmes sur ce plan !

mise en place de services de consigne dans la grande distribution

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 697, adressée à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

M. Alain Milon. Monsieur le ministre, les maires, les élus locaux et les responsables des services municipaux sont confrontés depuis des années à un phénomène qui, malheureusement, a tendance à se pérenniser, celui des canettes de bière et des bouteilles de verre vides jetées sur la voie publique et jonchant parfois les espaces verts de nos communes.

Cette augmentation constante des déchets d'emballages représente désormais un véritable fléau car elle pose aujourd'hui des problèmes non seulement de propreté et de nuisance, mais surtout de sécurité, chacun d'entre nous pouvant être blessé par un morceau de verre laissé sur une pelouse.

Naturellement, les collectivités se doivent de faire ramasser ces bouteilles et d'enlever les bris de verre. Tout maire sait combien il est difficile d'organiser des passages réguliers sur tous les sites. Au surplus, ce travail de collecte de déchets d'emballages a un coût, qui est actuellement à la charge des contribuables, puisqu'il s'inscrit dans le budget de nos communes ou groupements de communes et, par conséquent, a un effet direct sur le calcul des impôts locaux.

Pour tenter de remédier à ce véritable problème de pollution moderne, certains pays européens, l'Allemagne en particulier, ont mis en place un système de consignes qui devrait entraîner progressivement une réduction des déchets d'emballages « sauvages ».

Si un système identique devait être appliqué en France, le consommateur, lorsqu'il achèterait des bouteilles d'alcool, paierait une consigne dont le montant lui serait bien évidemment remboursé lorsqu'il ramènerait la bouteille vide. Il appartiendrait alors aux producteurs et aux distributeurs d'assumer financièrement le coût de cette consigne et d'organiser la logistique d'un système de reprise uniforme.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre point de vue et savoir si vous pensez que la mise en place de ce type de consigne, tant attendue par les élus locaux, serait un instrument efficace qui permettrait d'espérer, parallèlement au développement du tri sélectif effectué dans nombre de communes, un retour à une situation plus calme, plus sereine et, surtout, moins coûteuse pour les collectivités locales.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, les entreprises qui mettent sur le marché des produits destinés à la consommation des ménages doivent soit pourvoir à la collecte et à l'élimination des déchets issus des emballages de ces produits, soit contribuer financièrement à un dispositif prenant en charge ces opérations. Ces conditions sont fixées par le décret n° 92-377 du 1er avril 1992.

Dans la quasi-totalité des cas, c'est la seconde de ces deux voies qui est retenue. Les entreprises « productrices » d'emballages ménagers qui la choisissent sont tenues de verser une contribution financière à l'un ou l'autre des deux organismes agréés par les pouvoirs publics, Eco-Emballages ou Adelphe. Ceux-ci reversent des soutiens financiers aux collectivités locales pour compenser les surcoûts résultant du tri des déchets.

Les professionnels ont également la possibilité de procéder eux-mêmes à la collecte ou à l'élimination des déchets résultant de la consommation de leurs produits ; c'est l'article 10 du décret précité. Les pouvoirs publics ne peuvent les contraindre à choisir tel ou tel mode de traitement de leurs déchets. En revanche, les professionnels s'exposent à une condamnation judiciaire s'ils ne respectent pas cette obligation.

Le recours à un organisme agréé est de loin préférable, car il réduit les coûts financiers à la charge des contribuables, des soutiens financiers étant redistribués aux collectivités locales.

De plus, l'intervention des organismes agréés présente l'avantage, par rapport au système de consignation, d'impliquer les collectivités locales, qui apportent de bonnes garanties quant à la protection du cadre de vie de leurs administrés. A contrario, un système de consigne à la charge des professionnels pourrait n'être que partiellement utilisé par les consommateurs, ce qui accroîtrait encore la charge d'élimination pesant sur les collectivités locales.

Telles sont les raisons qui ont conduit à faire ce choix. Cela dit, étant moi-même élu local, je mesure toute la pertinence de votre question, monsieur le sénateur...

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Comme vous pouvez l'imaginer aisément, elle ne me satisfait pas complètement. Je ferai en sorte, avec mes collègues maires, notamment au sein de l'Association des maires de France, d'examiner avec vous ce dossier plus avant.

réglementation relative à la sécurité des matériels forains

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 701, transmise à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur les inquiétudes qui se font jour parmi les élus locaux concernant le vide juridique qui entoure la sécurité des matériels forains.

En l'occurrence, les seules dispositions applicables sont l'article L. 221-1 du code de la consommation relatif à l'obligation de sécurité des produits proposés aux consommateurs et à l'exercice des pouvoirs de police du premier magistrat de la commune.

Or si, en théorie, ce dernier peut prendre un arrêté d'expulsion à l'encontre d'un professionnel refusant de produire un certificat de conformité et une preuve de son inscription au registre du commerce, en pratique, il se trouve souvent obligé de s'abstenir de toute procédure.

Pourtant, les services du ministère de l'intérieur ont élaboré un projet de décret qui devait être soumis à une large consultation à la fin de l'année 2002. Or, à ce jour, aucune publication au Journal officiel n'est venue apporter les précisions impatiemment attendues par les maires.

Monsieur le ministre, avec les beaux jours, les fêtes communales vont se multiplier avec le spectre de l'incident éventuel. Soucieuse de rassurer de nombreux maires, en particulier ceux qui gèrent seuls ces situations délicates, je vous serais donc reconnaissante de bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour apporter à court terme toutes les informations utiles et publier à moyen terme cet acte réglementaire indispensable à l'intervention des commissions de sécurité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation. Madame la sénatrice, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de Dominique de Villepin, qui aurait souhaité vous répondre lui-même et qui, ne pouvant être présent ce matin, m'a chargé de vous transmettre les éléments suivants.

Les services du ministère de l'intérieur, en collaboration avec d'autres administrations, ont repris l'initiative d'un projet de décret susceptible de répondre aux attentes dont vous faites état en mettant en place une réglementation homogène. Une large concertation a eu lieu avec les associations d'élus, les professionnels du monde forain et les organisations de contrôle technique. Or la complexité des mesures de contrôle à définir pour les différents types de manèges et d'attractions foraines n'a pas encore permis de valider le dispositif envisagé.

Toutefois, en l'absence d'une réglementation spécifique, de nombreux maires, dans le cadre notamment des autorisations qu'ils accordent pour les manifestations foraines, s'assurent d'ores et déjà que les manèges dont ils autorisent l'installation ont fait l'objet d'un contrôle de sécurité.

En tout état de cause, il revient aux propriétaires et exploitants des manèges forains de faire respecter l'article L. 221-1 du code de la consommation, qui impose aux professionnels une obligation générale de sécurité des produits destinés à l'usage des consommateurs.

En cas de danger grave ou immédiat, l'activité d'un manège peut également, en application des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code de la consommation, être suspendue. Tel fut le cas d'un manège appelé « roue enfantine » en 2000 et, plus récemment, en décembre 2004, d'un manège équipé d'une très forte soufflerie.

Enfin, en application des dispositions de l'article L. 221-7 du code de la consommation, des lettres de mise en garde peuvent être adressées aux exploitants forains en cas de doute sur la sécurité des installations afin de demander la mise en conformité de celles-ci avec l'obligation générale de sécurité précitée.

Sur le plan européen, une norme globale a été arrêtée par le comité européen de normalisation. Les éléments relatifs à la sécurité des matériels pourront être repris par les professionnels pour s'assurer de la meilleure sécurité possible de leurs installations.

Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que Dominique de Villepin m'a chargé de vous transmettre. Je vous rappelle qu'un projet de décret susceptible de répondre à vos attentes est en cours d'examen pour mettre en place une réglementation qui soit la plus homogène possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, j'ai écouté attentivement les précisions que vous m'avez apportées.

Ce que vous avez déclaré est tout à fait juste, même si, concrètement, au moment de l'installation des forains, cela ne se passe pas tout à fait de cette manière, vous le savez bien, puisque vous êtes vous-même un élu local.

Je vais moi-même devoir, dans les prochains jours, accorder ou non l'autorisation à une fête foraine de s'installer dans ma commune. Je dois dire que je suis personnellement favorable à une telle manifestation, tant il est vrai qu'au-delà d'une fête patronale que l'on pourrait considérer comme non prioritaire, cela permet, compte tenu du peu d'animation dans nos communes, à l'ensemble de la population de se rassembler.

Or je sais qu'en donnant une telle autorisation, je prendrai une lourde responsabilité, car, dans les faits, la situation n'est pas aussi simple que vous le dites, monsieur le ministre.

Par conséquent, nous attendons vraiment la parution de ce décret. Le précédent projet datait de 2002. Monsieur le ministre, je vous le dis solennellement, il y a urgence !

fiscalité applicable aux logements intermédiaires

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 688, transmise à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Claude Carle. Le logement est l'une des priorités du Gouvernement. Toutes les collectivités doivent participer à cette priorité nationale, afin de répondre aux besoins de nos compatriotes.

Si le déficit en matière de logement social est important, le manque de logements intermédiaires est, lui aussi, patent dans plusieurs zones de notre territoire ; c'est le cas en particulier en Haute-Savoie, département frontalier avec la Suisse.

Ce déficit constitue un frein au développement économique, car nombreux sont ceux qui, s'ils trouvent un emploi dans notre département, éprouvent parfois les plus grandes difficultés pour trouver un logement.

De nombreuses communes accueillent ou souhaitent accueillir ces travailleurs dont les revenus dépassent les seuils leur permettant de prétendre à un logement aidé.

De ce point de vue, les logements intermédiaires sont bien adaptés à cette situation. Plusieurs communes sont prêtes à assurer la maîtrise d'ouvrage de construction ou de rénovation de ce type de logements.

Or contrairement à ce qui se pratique pour les programmes sociaux, ces collectivités ne bénéficient d'aucune aide de l'Etat et celui-ci encaisse la TVA à taux réduit. Cette situation contraint nombre de communes à ne pas pouvoir engager de programmes de logements intermédiaires, et ce malgré la forte demande.

Je voudrais, pour illustrer mon propos, mentionner l'exemple d'une petite commune de mon département, qui a souhaité s'associer à l'effort de l'Etat, en lançant une opération de construction de huit logements.

Pour commencer, elle a dû acquérir le terrain, d'un coût de 150 000 euros, ce qui représente un engagement important pour une commune de 400 habitants. L'investissement lui-même atteindra 750 000 euros, sur lesquels l'Etat percevra une TVA à taux plein, soit près de 150 000 euros, alors qu'il ne participe en aucune manière au projet. La commune, pour sa part, est chargée d'effectuer les investissements, d'assurer la gestion de l'équipement et d'en supporter les charges, directes et induites, sans, je le répète, disposer d'aucune aide. Cette situation me semble donc particulièrement illogique.

Monsieur le ministre, à l'heure de la décentralisation, du respect du principe de subsidiarité auquel nous sommes tous attachés, l'attitude de l'Etat est très mal vécue par nos collectivités et s'apparente à une cruelle injustice.

Certes, les collectivités ont la possibilité de s'adresser au secteur privé pour engager ce type de programmes, mais la réalisation, comme la gestion, leur échappe alors totalement.

Par conséquent, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour favoriser la réalisation de logements intermédiaires et, en particulier, s'il entend permettre aux communes ou EPCI maîtres d'ouvrage de telles opérations de pouvoir récupérer la TVA et, le cas échéant, appliquer le taux réduit de 5,5 %, comme c'est le cas pour les logements sociaux.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur la construction de logements intermédiaires et vous lui soumettez deux pistes de réflexion en matière fiscale pour encourager les collectivités locales à construire sur ce segment.

Tout d'abord, je tiens à vous confirmer, si besoin est, que le logement, en particulier le logement social, constitue l'une des priorités du Gouvernement. J'en veux pour preuve l'ambitieux volet logement du plan de cohésion sociale.

C'est ainsi que 560 millions d'euros de dépenses supplémentaires sont programmés pour la construction de logements locatifs sociaux entre 2005 et 2009. Près de 500 000 logements seront ainsi financés en cinq ans, soit un rythme de constructions qui s'établira à 100 000 par an, à comparer aux 53 000 logements sociaux construits annuellement au cours des six dernières années.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par ailleurs, le Gouvernement travaille à la préparation d'un projet de loi dit « habitat pour tous » afin de faciliter l'accès au logement de nos concitoyens.

S'agissant des mesures fiscales que vous évoquez, je tiens à vous apporter les informations suivantes.

Tout d'abord, le taux réduit ne peut être appliqué, conformément aux dispositions du point 9 de l'annexe H de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, qu'aux « logements fournis dans le cadre de la politique sociale ». Or sont principalement considérés comme des logements sociaux, au sens de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, les logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré et les autres logements conventionnés dans les conditions définies à l'article L. 351-2, ce qui, par conséquent, exclut les logements intermédiaires.

En revanche, dès lors qu'une commune ou un EPCI prend la position d'un promoteur assurant la livraison d'un immeuble neuf, il peut bénéficier de la déduction de la TVA d'amont dans les conditions de droit commun.

Au-delà de ces éléments, je tiens à vous rassurer sur la volonté du Gouvernement de répondre à la problématique spécifique de la Haute-Savoie.

En matière de logement locatif social, le zonage a été adapté en matière d'aides à la pierre à proximité de l'agglomération de Genève. Soixante-seize communes, dont cinquante-huit situées en Haute-Savoie, ont ainsi été reclassées, par un arrêté du 29 novembre 2004, de zone III en zone II. Grâce à ce reclassement, les bailleurs sociaux bénéficient de conditions d'équilibre locatif plus favorables, et les bénéficiaires d'aides personnelles au logement voient le montant de leur aide augmenter.

En matière de logements intermédiaires en particulier, les plafonds de loyers et de ressources du PLI, le prêt locatif intermédiaire, sont modulés suivant les zones du dispositif d'amortissement fiscal d'aide à l'investissement locatif, plus communément appelé dispositif Robien.

Ces zones A, B et C ont été établies de façon à refléter les tensions s'exerçant sur les marchés immobiliers. En particulier, les communes de l'Ain et de la Haute-Savoie situées à proximité de l'agglomération de Genève ont été classées en zone A, c'est-à-dire dans la même zone que les communes appartenant à l'agglomération de Paris.

Soixante-treize communes sont concernées en Haute-Savoie, communes dans lesquelles les bailleurs peuvent ainsi équilibrer plus facilement les opérations locatives intermédiaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Je tiens, à mon tour, à saluer l'effort fait par le Gouvernement en matière de logements sociaux.

Concernant la Haute-Savoie, sa requalification en vue de son alignement sur la région parisienne est une mesure très intéressante.

Bien sûr, monsieur le ministre, je ne m'attendais pas à une réponse très précise sur les deux propositions que j'ai faites, d'abord parce qu'elles se heurtent, vous l'avez dit, à la réglementation européenne et, ensuite, parce qu'elles ne sont pas sans conséquence sur le budget de l'Etat. Cela dit, elles ont au moins le mérite d'être claires et lisibles, ce qui n'est pas toujours le cas de certaines mesures, notamment en matière de politique du logement.

En outre, si ces propositions ont effectivement des conséquences sur les finances de l'Etat, le manque à gagner, notamment en matière de TVA, pourrait être largement comblé par le développement économique, car celui-ci est créateur d'emplois.

mise en oeuvre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 698, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'Etat, ma question porte sur l'application de l'article 33 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, qui dispose : « Les assurés sociaux élevant un enfant ouvrant droit, en vertu des premier et deuxième alinéas de l'article L. 541-1, à l'allocation d'éducation spéciale et à son complément bénéficient, sans préjudice, le cas échéant, de l'article L. 351-4, d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois dans la limite de huit trimestres. »

Comme vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, cette formulation a été modifiée par la loi du 11 février 2005 qui a substitué à l'expression « allocation d'éducation spéciale » la formulation « allocation d'éducation de l'enfant handicapé ».

Ma question est la suivante : alors que ce dispositif est applicable en l'état à toutes les personnes concernées dont les pensions ont pris effet à compter du 1er septembre 2003, à ce jour, soit près de deux ans plus tard, les caisses régionales d'assurance maladie ne l'ont toujours pas mis en oeuvre.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous m'indiquiez les raisons de cette situation très pénalisante pour les intéressés, les délais dans lesquels vous comptez y mettre fin et les conditions dans lesquelles les assurés, notamment ceux dont les pensions ont été liquidées depuis le 1er septembre 2003 sans que cette majoration soit prise en compte, pourront être rétablis dans leurs droits.

Mme la présidente. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur la mise en oeuvre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, portée, comme vous l'avez dit, par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

L'article 33 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a effectivement amélioré les droits à la retraite des parents ayant élevé un enfant handicapé ouvrant droit à l'allocation d'éducation spéciale et à son complément. Ces assurés sociaux bénéficient désormais d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de huit trimestres.

Cette mesure est entrée en vigueur en même temps que la loi, sans qu'il soit besoin d'un texte réglementaire. Du fait des règles relatives à l'entrée en jouissance des pensions, elle s'applique aux pensions ayant pris effet après le 31 août 2003.

Les dispositions nécessaires à l'application de cette mesure ont été précisées aux caisses nationales par une lettre ministérielle en date du 25 janvier 2005, qui a été diffusée par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS, auprès des caisses régionales par une circulaire du 23 février 2005.

Cette circulaire est accessible sur le site Internet de la CNAVTS, qui prépare d'ailleurs, pour les caisses régionales, des instructions complémentaires sur les adaptations informatiques que la mise en oeuvre de cette mesure implique.

Monsieur le sénateur, j'ai donc le plaisir de vous annoncer que les parents d'enfants handicapés dont la pension aura pris effet après le 31 août 2003 et avant le 31 décembre 2005 pourront naturellement demander la « reliquidation » de cette pension avec rattrapage des sommes non perçues, sans que le délai de prescription de deux ans applicable aux dettes de prestations leur soit opposé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. La loi portant réforme des retraites a suscité, vous le savez, l'attente légitime de tous les parents d'enfants handicapés, qui ont bien compris qu'ils avaient droit à cette majoration de leurs droits à retraite. Mais lorsque ces personnes se sont rendues au siège des caisses régionales d'assurance maladie, les CRAM, on leur a répondu que les caisses n'avaient pas reçu les instructions permettant d'appliquer cette disposition, pourtant inscrite dans la loi.

Madame la secrétaire d'Etat, il est très important que vous ayez annoncé aujourd'hui devant le Sénat l'application rétroactive de cette mesure à toutes les personnes concernées ayant liquidé leur retraite depuis le 31 août 2003. (Mme la secrétaire d'Etat fait un signe d'approbation.) Elles y seront certainement très sensibles.

Vous l'admettrez, le délai entre la promulgation de la loi le 21 août 2003 et l'envoi de la lettre aux caisses nationales le 25 janvier 2005, qui a précédé la circulaire du 23 février 2005, a été un peu long. C'est le problème de l'application des lois. Madame la secrétaire d'Etat, vous venez de préciser que des instructions complémentaires sont en préparation. J'exprime ici le voeu qu'elles soient délivrées très rapidement afin que, dans les prochains jours, les personnes concernées puissent obtenir la prise en compte de leurs droits par les CRAM. (Mme la secrétaire d'Etat opine.) Je vous en remercie par avance.

création d'officines de pharmacie en milieu rural

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 704, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Georges Mouly. Une personne pharmacien de mon département a reçu l'autorisation de créer une officine de pharmacie, en application des dispositions de la loi du 27 juillet 1999. Cette autorisation, délivrée par le préfet de la Corrèze en 2001, a été annulée par le tribunal administratif de Limoges en 2003 à la suite d'un recours déposé par les pharmaciens d'une commune voisine de plus de 2 500 habitants. Ce jugement a été déféré devant la Cour d'appel de Bordeaux par le ministre de la santé lui-même : cette juridiction a rejeté le sursis à exécution mais n'a pas jugé sur le fond de la légalité de l'arrêté mis en cause.

J'ai mis l'accent à plusieurs reprises sur les incohérences d'une telle situation. En effet, la loi du 27 juillet 1999 a eu le mérite de donner un cadre clair et sans ambiguïté au délicat problème des créations d'officine de pharmacie, recueillant la satisfaction globale, au point que le Gouvernement a précisé qu'« il n'est pas envisagé de revoir à court terme la législation applicable dans les communes de moins de 2 500 habitants ».

En réponse à une question orale posée en 2004, le ministre d'alors insistait d'ailleurs sur les bienfaits de cette loi, qui a permis « un maillage satisfaisant des officines de pharmacie sur le territoire national en intervenant à deux niveaux, d'une part, en permettant de dresser un état des lieux de la desserte des communes de moins de 2 500 habitants, et, d'autre part, en supprimant - ce n'est pas négligeable - la voie dérogatoire de création d'officines de pharmacie, source de multiples et douloureux contentieux ».

Ce même ministre ajoutait : « La France dispose donc d'un maillage national de qualité, dans un cadre juridique sécurisé », précisant que « l'exemple de cette pharmacienne illustre l'une des dernières difficultés nées de la réglementation précédente ». Sur ce point, j'ai fait part de mon incompréhension, car l'arrêté du préfet du 27 septembre 2001 relève bien de la nouvelle réglementation, issue de la loi de 1999, et non de la loi précédente.

Depuis, en attente d'une décision se faisant attendre, cette pharmacienne, qui avait constitué sa clientèle en quelques mois, a été contrainte de fermer son officine, avec toutes les conséquences humaines, psychologiques et financières que l'on peut imaginer. Cette fermeture n'a évidemment pas favorisé l'aménagement du territoire et la « bonne santé » du milieu rural !

Il est aussi incompréhensible que le « maillage satisfaisant » permis par la loi du 1999 soit aujourd'hui remis en cause par le nombre croissant des recours contre les pharmacies autorisées dans ce cadre : l'arrêt du tribunal administratif de Limoges, actuellement contesté, ferait jurisprudence - c'est un comble ! -, alors qu'il est fondé sur le motif exclusif d'une erreur d'appréciation du préfet.

On est très loin du cadre juridique sécurisé pour ces pharmacies qui, pour certaines d'entre elles, fonctionnent depuis plusieurs années et répondent donc a priori à des besoins avérés.

Aujourd'hui, il est quasiment impossible d'ouvrir une nouvelle pharmacie en milieu rural à la suite des lois de 1999 et 2002. Mais les habitudes sont tenaces et l'acharnement mis à entraver toute initiative semble bien relever - je pèse mes mots ! - d'une culture d'un autre temps. L'arrêt du tribunal administratif de Limoges ferait référence, alors que, en tout état de cause, l'appréciation des besoins tout comme les critères relatifs à la distance sont exclus de la loi de 1999. Le ministre de la santé a d'ailleurs repris cette argumentation dans son mémoire du 23 janvier 2004 en indiquant : « Ce jugement repose sur une erreur de droit, car il prononce l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 septembre au motif exclusif d'une erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet. ».

Ma question est la suivante : quelle va être l'attitude du ministre de la santé et du Gouvernement face à ces nouveaux contentieux, qui sont de plus en plus nombreux ? Quelles mesures peut-on envisager pour permettre l'application effective des dispositions de la loi du 27 juillet 1999 et donner la possibilité aux officines qui en ont bénéficié de fonctionner normalement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous interrogez Philippe Douste-Blazy sur la création d'officines de pharmacie en milieu rural.

Bien que les dispositions de la loi du 27 juillet 1999 continuent à générer un nombre relativement important de recours hiérarchiques et contentieux contre les arrêtés préfectoraux autorisant les créations et transferts d'officines de pharmacie, il n'en reste pas moins que la suppression de la création des officines par voie dérogatoire a contribué à diminuer significativement leur nombre global.

Les contentieux actuels naissent principalement de l'application des dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, qui prévoient que toute création d'officine doit, comme tout transfert, répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil de ces officines.

Le préfet a la faculté, si la demande ne lui paraît pas répondre aux dispositions précitées, d'imposer un autre secteur au demandeur ou de fixer une distance minimale par rapport à l'officine la plus proche.

Cette condition de réponse optimale aux besoins est parfois d'application délicate, selon le cas d'espèce, pour le préfet comme pour les services du ministère de la santé, en cas de recours hiérarchique, en l'absence, à ce jour, d'une jurisprudence homogène sur ce point ; ce critère peut effectivement s'avérer bloquant pour les créations puisqu'il s'ajoute à la condition imposée en matière de quotas de population.

Toutefois, le réseau des officines permet actuellement d'assurer une bonne couverture du territoire, y compris dans les zones rurales, et le Gouvernement, qui demeure très attaché au maintien des pharmacies de proximité, n'envisage pas de modifier à court terme les dispositions de l'article L. 5125-3, qui donnent globalement satisfaction à la profession.

Voilà, monsieur le sénateur, la seule réponse que je puis apporter à la question que vous posez.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, vous l'avez bien compris, ma question tenait à une incompréhension face à une situation quelque peu paradoxale, liée au fait que la loi n'est pas toujours respectée. Je vous remercie de votre réponse, que je relirai soigneusement.

aides à la création de maisons médicales

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard, auteur de la question n° 702, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Jean-Marc Juilhard. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite attirer à nouveau l'attention du Gouvernement sur la situation des professions de santé sur les territoires ainsi que sur leur organisation et leur présence efficiente pour tous nos concitoyens.

En 2003 et en 2004, le ministre de la santé et vous-même avez eu le courage de mener à bien la réforme de l'assurance maladie. Ce texte a permis d'aborder la situation de la médecine et, plus largement, des professionnels de santé sur les territoires. De nombreux départements se caractérisent par un vieillissement de leur population, mais aussi par un vieillissement des médecins, et donc, à terme, un risque de diminution de leur nombre.

En outre, la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a été récemment adoptée, apporte un certain nombre de réponses à ce constat préoccupant. Des incitations, notamment financières, faciliteront l'installation de médecins en zones rurales.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question porte sur la présence et l'organisation des professionnels et des services de santé sur les territoires. Le rural dit « profond » n'est pas seul concerné. Les zones urbaines ou périurbaines sont également confrontées à cette question.

Des projets de maisons médicales voient le jour sur ces différents types de territoires. Dans le Puy-de-Dôme, par exemple, un projet est en cours de définition sur le canton de Saint Amant-Tallende, plus largement sur la communauté de communes Les Cheires. Il est porté par une douzaine de professionnels, parmi lesquels des médecins, des kinésithérapeutes, des infirmiers et des dentistes. Conseiller général de ce secteur, je participe avec les professionnels à l'élaboration de ce projet.

Madame la secrétaire d'Etat, j'aimerais connaître les intentions gouvernementales pour ce type de projets. Comment et avec quels moyens peut-on inciter à la création de maisons médicales et accompagner de tels projets ? Plus précisément, pouvez-vous nous informer sur la situation et le devenir du fonds d'aide à la qualité des soins de ville, le FAQSV ?

Enfin, dans le contexte de la décentralisation, des collectivités telles que les régions et les départements, les communautés de communes et les communes pourront-elles aussi mettre en place des dispositifs destinés à faciliter la création de maisons médicales ?

Mme la présidente. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attaché à l'égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Il considère comme une priorité le maintien et le développement de l'activité des professions de santé dans les zones qui sont déficitaires ou qui risquent de le devenir.

Il n'y a pas de réponse unique à ce difficile problème. Le Gouvernement est convaincu qu'il ne peut être réglé que par des actions et des initiatives multiples, touchant à la rémunération des professionnels, à leurs conditions de vie et aux conditions d'exercice de leur art.

A cet égard, la création de maisons médicales, qui permettent de regrouper plusieurs professionnels de qualification diverse, de faciliter la coordination des soins et d'alléger les charges de structure, est une réponse pertinente.

Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville a pleinement vocation à financer le développement de ce type de structures. Je vous invite par conséquent à le solliciter en ce sens, par l'intermédiaire des unions régionales des caisses d'assurance maladie, les URCAM, qui le gèrent à l'échelon régional.

Je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a abondé ce fonds de 60 millions d'euros, pour le porter à un peu plus de 103 millions d'euros. Je rappelle également que l'existence du fonds a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2007, ce qui laisse une réelle marge de manoeuvre. Nous réfléchissons par ailleurs à rendre sa création pérenne.

Concernant votre dernière question, qui porte sur les possibilités d'aide ouvertes aux collectivités locales, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit bien explicitement, en son article 108, la possibilité pour les collectivités locales de financer des maisons médicales.

Enfin, le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, et le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, Xavier Bertrand, présenteront, avant la fin du présent semestre, un plan d'ensemble relatif à la démographie des professions de santé, qui sera soumis à une large concertation, tout particulièrement avec les élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que m'avez apportées sur un sujet qui intéresse l'ensemble des Français.

Vous avez notamment évoqué le FAQSV et plus précisément les URCAM qui, si elles ne gèrent pas ce fonds, tout au moins y donnent accès. Toutefois, jusqu'à présent, les URCAM étaient bloquées sur ce point en raison d'un arrêt provisoire du FAQSV. Vous venez de nous indiquer que ce fonds a été abondé et que son existence sera prolongée jusqu'en 2007. C'est un élément important, que nous pourrons transmettre aux médecins.

Permettez-moi d'ajouter un autre point que je n'ai pas évoqué dans ma question : les médecins, les kinésithérapeutes ou les autres professionnels de santé n'ont pas réellement la formation juridique qui les aiderait à constituer des maisons médicales. Il ne serait pas inintéressant de le noter, afin de réfléchir aux possibilités de leur en proposer une.

Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Discussion générale (suite)

Droits des malades et fin de vie

Adoption définitive d'une proposition de loi

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Demande de priorité

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits des malades et à la fin de vie (nos 90, 281).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l'origine du monde, la naissance est considérée comme un événement heureux, entourée de mille attentions. A l'inverse, dans l'inconscient collectif, la mort est considérée comme un scandale absolu - pour reprendre l'expression du philosophe Vladimir Jankélévitch -, que l'on arrive difficilement à apprivoiser.

La fin de vie nous pose des difficultés, elle nous dérange. Nous méditons sur elle. Il est temps que la société française comprenne et accepte qu'elle doit la même considération à celui qui va mourir et à celui qui va naître. C'est le respect de la dignité de la personne, de toute la personne, à tous les âges de la vie, qui est ici en jeu.

De la même façon que nous assurons à celui qui naît les conditions de son développement, nous devons à celui qui s'en va un accompagnement éclairé, dans le respect de ses convictions.

Ainsi, il ne devrait pas y avoir, d'un côté, des soins curatifs et, de l'autre, des soins palliatifs. C'est une même médecine qui est à l'oeuvre, pour la satisfaction de l'ensemble des besoins de la personne, à tous les âges de la vie et à tous les stades de la maladie. Les soins palliatifs et l'accompagnement donnent un sens à cette phase terminale de notre vie.

Je suis heureux de défendre aujourd'hui devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, un texte de loi d'origine parlementaire. La représentation nationale s'est mise unanimement d'accord pour légiférer sur le droit des malades en fin de vie. C'est à l'unanimité que l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le 30 novembre 2004, la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Cette proposition de loi, fruit du travail d'une commission spéciale présidée par le député Gaëtan Gorce et animée par le député Jean Leonetti, s'appuyait sur le rapport remarquable de Marie de Hennezel, réalisé à la demande du ministère. Permettez-moi tout d'abord de les remercier tous les trois.

Cette proposition de loi honore notre démocratie. Les parlementaires ont su proposer une loi qui dépasse tous les clivages politiques, car elle met l'homme au coeur du sujet. Le législateur, dans le courage et la persévérance du juste, a su parfaitement exprimer ce que la société attendait de lui.

La mort n'est pas un sujet auquel nous pensons avec facilité. Pourtant, si nous l'avons apprivoisée, elle finit toujours par imposer sa volonté. C'est l'un des paradoxes les plus troublants de notre existence et probablement la réalité la plus révoltante qui soit.

C'est une question que nos sociétés modernes se plaisent parfois à oublier. Car, aujourd'hui, la responsabilité du politique est engagée : le mourant du siècle dernier entouré par ses proches, dans le silence du recueillement, laisse parfois place à un excès de médicalisation de la mort. Avec le progrès de la médecine et le recul de la pensée religieuse, deux Français sur trois meurent désormais à l'hôpital, laissant croire incidemment que la médecine devrait en être tenue pour seule responsable.

Mais ce que l'on accordait à Dieu, dans la soumission, est difficilement acceptable d'un corps social, fût-il médical.

Nous avons voulu que cette loi sur la fin de vie garantisse aux personnes le droit de mourir dans la dignité en refusant l'obstination déraisonnable qu'autorise pourtant le progrès médical. La fin de vie en est devenue plus complexe. Le médecin peut prolonger la vie par toutes sortes de moyens, dans des conditions que les malades et les familles jugent parfois indignes. Il est devenu nécessaire de corriger les excès de la médecine, de permettre aux médecins d'arrêter ou de limiter des traitements devenus pénibles ou inutiles, quand le patient le demande et lorsqu'on sait que tout est fini.

En théorie, le code de déontologie des médecins, la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé interdisent aux médecins l' « obstination déraisonnable ».

Mais un article du code pénal sur la non-assistance à personne en danger peut être opposé à un médecin qui décide d'arrêter un traitement. C'est cette dysharmonie entre les textes, mesdames, messieurs les sénateurs, que la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui tend à corriger.

Certaines voix se sont élevées en France pour que ce texte ouvre la porte à une autre loi, qui dépénaliserait l'euthanasie. Il faut prendre garde aux décisions hâtives et aux amalgames faciles.

La première erreur serait de dépénaliser l'interdit de tuer. Sur ce point, ne nous trompons pas : le « tu ne tueras point » du décalogue n'est pas seulement un principe religieux, il est aussi un fondement de notre organisation sociale. Les Françaises et les Français n'attendent pas de nous que nous légalisions le droit de donner la mort. La proposition de loi traduit cette volonté et elle répondra à leurs attentes dans l'immense majorité des cas.

Exceptionnellement, lorsqu'un malade qui n'est pas en fin de vie souhaite abréger ses souffrances et que l'un de ses proches effectue un geste de compassion, nos institutions laissent aux juges le soin de décider de la tolérance que la société est prête à leur accorder. Ne confondons pas le rôle de la politique et celui de la justice.

La société peut-elle, d'un seul trait de plume, décider que la vie de personnes souffrant d'un handicap ne vaut pas la peine d'être vécue ? Peut-on leur proposer la mort, alors que l'immense majorité d'entre elles ne souhaitent qu'une chose : vivre, lutter, se faire accepter dans le droit à la différence ? La loi ne doit pas et ne devra pas condamner ces vies à la mort.

Où Jean-Dominique Bauby et Philippe Vigand, enfermés dans leur corps inerte par le locked-in syndrome, dépendant des autres pour le moindre de leurs besoins, ont-ils trouvé la force et l'humour pour les faire vivre sinon dans l'amour qu'ils ont rencontré autour d'eux ? Si Jean-Dominique Bauby nous a quittés, il ne l'a pas vraiment cherché. Il a eu le temps de nous confier dans le Scaphandre et le papillon un émouvant et superbe message de dignité, d'amour et d'espoir. De même, Philippe Vigand continue, chaque jour, à nous donner une leçon de vie, une leçon de dignité et - pourquoi ne pas le dire ? - une leçon de courage.

Ceux qui réclament aujourd'hui une loi sur l'euthanasie vont au-delà de la volonté de nos concitoyens, qui souhaitent avant tout soutenir leurs proches dans la souffrance.

Respecter la vie, c'est aussi accepter la mort.

Je le répète donc : cette loi ne sera pas une loi sur l'euthanasie. Elle ne touche pas au code pénal. L'interdit de donner la mort demeure : laisser mourir, ce n'est pas donner la mort.

Je sais que certains pensent, puisque la mort est inévitable, qu'il est hypocrite de faire une différence entre donner la mort et ne pas l'empêcher. Je ne suis pas de cet avis, et d'ailleurs la grande majorité des professionnels de santé non plus.

La différence est éthique, elle est dans l'intention qui préside à l'acte. Permettre la mort, c'est s'incliner devant une réalité inéluctable, et si le geste d'arrêter un traitement - qui s'accompagne presque toujours d'administration d'antalgiques ou de sédatifs - entraîne la mort, l'intention du geste est de « restituer à la mort son caractère naturel » et de soulager ; elle n'est pas de tuer. C'est particulièrement important pour les soignants, dont le rôle n'est pas de donner la mort. C'est également essentiel pour la confiance qui lie le patient à ceux qui le soignent.

Je ne veux donc ni l'euthanasie ni le statu quo. Ainsi, la proposition de loi, en son article 2, autorise le médecin à augmenter les doses de médicaments antidouleur, même si cela peut entraîner la mort. Elle donne le droit au patient en fin de vie, dans son article 6, de refuser le traitement de trop, sans qu'aucun médecin n'ait le droit de s'y opposer. Elle permet, dans son article 9, à un collège de médecins, en consultant les proches, de laisser « partir » le malade inconscient, artificiellement maintenu en vie.

En modifiant le droit, ces trois avancées législatives majeures changeront la réalité demain.

La philosophie de cette loi, équilibrée et tolérante, n'est ni le dogme, ni la science, ni même la morale : c'est le respect de la personne humaine dans toutes ses dimensions. Le Comité national consultatif d'éthique, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, l'Eglise de France, et bien d'autres, ne s'y sont pas trompés en approuvant sans réserve le texte voté par les députés.

Les sociétés savantes travaillent à des recommandations, afin que les décisions prises en fin de vie le soient en toute transparence et collégialement, au terme d'une évaluation de la situation et d'un processus de réflexion partagée entre l'équipe soignante, la famille et, bien sûr, le patient. Ces décisions sont toujours assorties d'un accompagnement des équipes, de la famille et du malade.

Nombre de services de réanimation se sont déjà dotés de tels collèges. Ils associent les soignants ; c'est important, car la collégialité et la transparence favorisent une approche cohérente des modalités de mise en oeuvre de la décision et de l'accompagnement. Mesdames, messieurs les sénateurs, quand on a pris une décision ensemble, on a le sentiment de partager les mêmes valeurs. C'est ainsi que se tisse une culture du travail en équipe.

Cette proposition de loi n'instaure pas de procédure automatique « mort » ou « survie », choix qui a été fait par certains pays européens : elle organise le temps du dialogue entre le patient, ses médecins et ses proches. C'est dans cet échange humain et collectif que le malade atteint d'un cancer peut choisir de passer de la chimiothérapie à la morphine. A l'inverse, privé de ce temps, le médecin peut refuser le choix du malade qui s'opposerait à une transfusion sanguine aux urgences ou à une séance de dialyse.

Le respect de la vie, c'est d'abord le respect du temps de la décision humaine. C'est le modèle français de l'accompagnement en fin de vie, que nous saurons définir ensemble, loin des simplifications et des fausses alternatives.

Qui peut juger que le plaisir de vivre a totalement disparu chez un être humain ? Aujourd'hui, des milliers de personnes confrontées à leur vie finissante souhaitent vivre leurs derniers moments le plus dignement et le plus humainement possible. Ces personnes veulent mourir sans douleur, sans angoisse excessive, sans acharnement thérapeutique, recevoir les soins de fin de vie adaptés, ne pas être seules au moment de leur mort.

La personne très âgée qui a beaucoup souffert et qui continue de souffrir est en droit de se préparer à mourir. Paul Claudel l'explique admirablement dans son Journal quand il écrit : « Je suis en pourparlers avec la mort ; je pèse ses propositions ».

Ce qui est essentiel, c'est de rendre la vie supportable dans ses derniers moments, même si le médecin, en soulageant la douleur, peut hâter la mort, voire l'avancer de quelques jours. Comme le rappelle si justement le pasteur Alain Houziaux : « Respecter la vie, c'est aussi respecter le fait que nous ayons à mourir lorsque la vie elle-même nous quitte ».

Pour conclure, j'aimerais rappeler à tous ceux qui semblent l'oublier ce que la vie, même malade, même diminué, même différent, peut avoir de sacré.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris, notre responsabilité est grande. Si la Haute Assemblée adopte le texte qui lui est proposé, notre pays sera doté de la législation la mieux équilibrée dont disposeront les pays développés. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas la situation particulière qui n'entre pas parfaitement dans le cadre de la loi qui est en jeu ; c'est une vision de la société, de nos sociétés, de notre évolution éthique et morale.

Si la Haute Assemblée vote ce texte dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, c'est un signal fort que nous donnerons à nos concitoyens, celui d'une représentation nationale rassemblée autour des grands, des vrais enjeux de société : les conditions de la vie, les conditions de la mort.

Désormais, avec la nouvelle loi que vous allez examiner aujourd'hui, la fin de vie en France aura un autre visage : elle sera un moment de choix et non plus de soumission.

Enfin, je tiens à rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, personnellement ou au travers d'associations caritatives, oeuvrent pour rendre la mort un peu plus humaine en accompagnant chaque jour l'autre dans ce passage difficile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas un débat tout à fait comme les autres que nous ouvrons aujourd'hui. Au-delà du dispositif législatif, technique dirais-je, qu'il nous faudra définir ensemble, nous allons entreprendre une réflexion infiniment plus large, qui touche au mystère de la vie et de la mort, au sacré, à l'intime, à la souffrance et à la peur, à l'espoir et à la paix. Je dois vous dire ma profonde émotion et ma grande humilité face à cette si lourde charge.

M. le ministre a rappelé le parcours très particulier du texte que nous examinons. Il émane d'une initiative parlementaire, ce qui me paraît un symbole fort. A cet égard, je voudrais saluer l'implication remarquable de Jean Leonetti qui, à l'Assemblée nationale, a conduit pendant plus d'un an une longue réflexion sur cette difficile problématique.

A partir de ce travail considérable, la commission a souhaité, à son tour, aborder le sujet de la fin de vie sans presse ni excès. Elle a organisé une trentaine d'auditions autour des grands thèmes qu'il évoque : celui de la conscience, en écoutant les religieux et les grands courants de pensée ; celui de la médecine, en consultant le milieu médical confronté directement, et parfois journellement, à l'accompagnement des patients en fin de vie ; celui de la justice, en étudiant le point de vue des juristes, pour réfléchir ensemble aux conséquences pénales qui peuvent résulter de la décision d'abréger la vie d'autrui, fût-ce avec des intentions remplies de compassion.

Nous savons combien nos sociétés modernes, en même temps qu'elles ont permis l'allongement de la vie et l'amélioration des soins médicaux, ont désormais du mal à vivre avec la mort et même à accepter le handicap ou à affronter la maladie.

Aujourd'hui, le plus souvent, on meurt à l'hôpital. Que celui-ci offre, en principe, le meilleur accompagnement en termes de prise en charge de la douleur n'empêche pas qu'il symbolise aussi souvent la mort solitaire et surmédicalisée que redoutent nos concitoyens. Cette considération ainsi que la survenance de cas individuels particulièrement douloureux ou la dénonciation de pratiques scandaleuses qui révoltent l'opinion publique justifient pleinement, à mon sens, l'intervention du législateur.

La solution qui nous a été proposée par l'Assemblée nationale me paraît équilibrée et raisonnable. Elle n'est certainement pas parfaite ; il est probable qu'elle ne résoudra pas la grande diversité des situations qui peuvent se présenter. Mais elle permet au moins d'affirmer que le malade est au centre du dispositif et qu'il a des droits jusqu'aux ultimes moments de sa vie : celui de gérer sa maladie, de décider des traitements qui lui seront appliqués ou de ceux qui seront limités ou interrompus, qu'il soit conscient ou hors d'état d'exprimer lui-même sa volonté.

La commission a très largement soutenu l'idée de n'intervenir que dans le cadre du code de la santé publique, sans apporter de modifications au code pénal. A l'instar de l'Assemblée nationale, elle juge préférable d'écarter du débat le terme « euthanasie », avec toutes les approximations sémantiques qu'il comporte et les confusions qu'il peut susciter dans les esprits. Ce mot recouvre en effet, dans l'opinion publique, des situations très diverses : le crime commis par compassion, le suicide assisté, l'abstention médicale ou l'interruption des traitements dès lors qu'on les juge comme étant devenus inutiles.

Dans tous ces cas de figure, on trouverait comme point commun l'intention de la personne qui fait le choix de donner la mort. Faut-il pour autant considérer, comme l'a fait malencontreusement le Comité national d'éthique, une « exception d'euthanasie » ? Nous ne l'avons pas souhaité, au nom de l'interdit de tuer, qui constitue le fondement de notre société.

Pour ce motif, certains ont considéré que le texte restait insuffisant et qu'il esquivait le vrai problème en ne réglant pas le cas des personnes qui, sans être médicalement parlant en situation de fin de vie, souhaitent pourtant y mettre un terme. Cette analyse n'est pas exacte.

D'abord, pour tous les malades, y compris ceux qui ne sont pas en fin de vie, la proposition de loi affirme pour la première fois l'interdiction de l'obstination déraisonnable, ce que l'opinion publique traduira par l'acharnement thérapeutique. L'objectif est d'autoriser la suspension d'un traitement, ou de ne pas l'entreprendre, si ses résultats escomptés sont inopportuns, c'est-à-dire inutiles, disproportionnés ou se limitant à permettre la survie artificielle du malade.

Reconnaître clairement les limites à respecter avant d'entreprendre un traitement permettra d'alléger la pression qui pèse sur les médecins, notamment sur les médecins réanimateurs, qui peuvent être aujourd'hui poursuivis pour non-assistance à personne en danger s'ils renoncent à intervenir, même pour de bonnes raisons.

Ensuite, deux articles - les articles 4 et 5 - concernent précisément le cas du malade qui n'est pas en fin de vie. S'il est conscient, il pourra demander la limitation ou l'interruption de tout traitement. S'il est hors d'état d'exprimer sa volonté, ces traitements pourront être limités ou interrompus après consultation des consignes qu'il aurait pu laisser, de la personne de confiance qu'il aurait pu désigner, et de son entourage - famille ou proches -, dans le respect d'une procédure collégiale.

Le deuxième point qui me semble devoir être mis au crédit du texte est celui de la recherche d'un équilibre, équilibre entre les droits du malade et la responsabilité du médecin, d'abord.

Ce texte prévoit l'information la plus complète du malade, directement s'il est conscient ou indirectement s'il ne l'est plus. Ce souci se retrouve pour la prescription des médicaments à « double effet » - la morphine, notamment - qui, en même temps qu'ils adoucissent les souffrances, peuvent aussi abréger la vie ; on le retrouve également dans le cas où le malade, conscient, refuse un traitement et met ainsi ses jours en danger, afin qu'il prenne sa décision en parfaite connaissance de cause ; on le retrouve enfin lorsque le malade est précisément en fin de vie et qu'il demande l'interruption des traitements pour maîtriser ses derniers instants.

La proposition de loi recentre par ailleurs la responsabilité du médecin sur ses véritables bases : celle de choisir le traitement approprié, avec le consentement de son malade ; celle de l'interrompre parfois, dans le respect des procédures prévues dans le texte - car il ne faut en aucun cas que cette charge repose sur la famille ou sur l'entourage du malade - ; celle, enfin, d'accompagner son patient dans ses derniers instants, grâce aux soins palliatifs appropriés à son état.

C'est d'ailleurs le troisième point que je voulais aborder. A ce texte - et ce n'est pas sa moindre vertu - a été adjoint un volet spécifique destiné à confirmer l'importance qu'il convient d'accorder aux soins palliatifs, qui sont indissociables de la fin de vie. La proposition de loi envisage non pas tant la création de services hospitaliers spécifiquement dédiés à ces traitements que la participation à cette démarche des différents services susceptibles d'accueillir des patients en fin de vie. On pense, bien sûr, à la cancérologie et à la gériatrie, mais n'oublions pas la pédiatrie et la maternité, car, parfois, donner la vie à un enfant, c'est lui donner la mort trop vite, et ces situations humainement dramatiques appellent aussi soutien et accompagnement.

Monsieur le ministre, il sera sans doute nécessaire de prévoir, au sein des facultés de médecine, la création de chaires pour l'enseignement de ces soins palliatifs.

Je ne voudrais pas achever mon propos sans évoquer trois questions, qui, je le sais, feront l'objet de débats lorsque nous examinerons plus précisément le contenu des articles.

Premièrement, le texte renforce le rôle de la personne de confiance. Celle-ci existe déjà dans la loi actuelle, mais son rôle est reconnu et renforcé lorsque le malade qui l'a désignée est hors d'état d'exprimer sa volonté. Je crois très utile l'intervention de ce tiers, qui peut permettre d'éviter certains conflits familiaux si l'entourage du malade est divisé sur la conduite à tenir.

Deuxièmement, le texte prévoit une innovation : les directives anticipées, par lesquelles une personne pourra faire connaître à l'avance ses consignes pour la fin de sa vie si elle se trouvait empêchée de s'exprimer elle-même. Je sais que ces dispositions seront largement discutées et qu'elles entraîneront des réactions diverses.

Troisièmement, nous allons parler des traitements qui peuvent être interrompus, de ce qu'ils recouvrent, et du fait que les travaux de l'Assemblée nationale y incluent l'alimentation artificielle. Je comprends les problèmes que cette conception peut poser lorsque l'interruption de ce traitement s'appliquera à une personne inconsciente. Je maintiens toutefois que l'alimentation artificielle doit vraiment être considérée comme un traitement, en se fondant notamment sur les avis médicaux.

Tels sont les premiers commentaires que m'a inspirés ce texte. Je suis très conscient des inquiétudes ou des regrets qu'il peut susciter. Je crois néanmoins qu'il prévoit la solution la plus raisonnable et la plus équilibrée que nous pouvions espérer aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas déposé d'amendements sur ce texte. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle estime n'avoir rien à apporter à ce dossier si difficile, et je suis persuadé que nos débats témoigneront de la profondeur des réflexions que cette proposition de loi nous a inspirées.

Permettez-moi d'espérer que ce travail collectif, auquel chacun apportera sa sensibilité, nous conduise aussi à changer le regard que nous portons sur la fin de la vie, celle des autres et la nôtre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions.

Tout d'abord, 75 % des Français désirent mourir chez eux, mais 70 % à 85 % d'entre eux, selon les régions, meurent seuls dans un univers médicalisé, voire surmédicalisé.

Le savoir médical, quand il ne s'adresse qu'au corps, ne peut être à même d'apaiser la souffrance d'une fin de vie. Au contraire, il peut provoquer une mort psychique qui viendrait précéder la mort physique.

Les droits du malade comprennent aussi le droit à l'ignorance, le droit à l'illusion, le droit de changer d'avis, le droit de refuser des actes disproportionnés, mais aussi le droit de refuser l'interruption d'un traitement et d'exiger du médecin qu'il fasse tout pour le sauver ou le maintenir en vie le plus longtemps et dans les meilleures conditions possibles.

Plus du quart des décès en Europe surviennent à la suite d'une décision prise par un médecin. Plus de la moitié de ces décès concernent des personnes de plus de quatre-vingts ans.

Enfin, dernière réflexion, les soins palliatifs exigent l'abandon de l'idée de productivité dans les services, dans les lits qui en relèvent, ou dans les moyens mis en place pour leur déploiement à domicile.

Ces données doivent nous amener non seulement à respecter la volonté de la personne malade, mais aussi à repenser la place qui doit être réservée à la famille et aux soins palliatifs dans la fin de vie des Français, que celle-ci se passe à la maison ou à l'hôpital.

Je veux en cet instant remercier et féliciter notre collègue député Jean Leonetti pour son engagement, son travail et celui de sa commission, sans oublier celui de l'Assemblée nationale, qui nous a transmis ce texte adopté à l'unanimité.

Je veux également saluer et remercier notre rapporteur, Gérard Dériot, qui a accepté de prendre en charge l'une des plus difficiles et délicates propositions soumises à notre commission et au Sénat.

De nombreuses auditions organisées par notre rapporteur, dont plusieurs étaient ouvertes à l'ensemble des sénateurs, nous ont convaincus que si ce texte ne bouleversait pas les pratiques en vigueur il contribuerait à mieux éclairer le rôle de chacun et les procédures à suivre, pour ne pas dire les bonnes pratiques à respecter dans les situations de fin de vie.

Nous ressentons tous la force que l'unanimité de l'Assemblée nationale confère à la rédaction du texte qui nous est soumis.

Si la commission des affaires sociales a fait sienne l'idée d'un vote conforme, comme nous l'a proposé notre rapporteur, c'est parce que ce dernier a su nous faire cette proposition avec sagesse, en nous assurant de porter la plus grande attention aux amendements qui apparaîtraient nécessaires.

Comme son rapporteur, la commission est restée ouverte à toutes les réflexions et propositions des sénateurs. Et cette journée devrait nous permettre de parfaire le travail remarquable de l'Assemblée nationale.

A quelles questions tente de répondre le texte qui nous est soumis ?

Doit-on, en toutes circonstances, refuser l'obstination déraisonnable ?

Comment respecter la volonté de la personne malade, « qu'elle soit consciente ou inconsciente » ou, pour être plus précis, « qu'elle soit ou non en état de donner un consentement ou un refus libre et éclairé » ?

Quelle importance accorder à la famille ?

Quelle place réserver à la personne de confiance ?

Quelle autorité reconnaître aux directives anticipées ?

Qui décide de la conduite à tenir quand le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté ?

Notre organisation des soins palliatifs est-elle satisfaisante ?

Doit-on former des référents en soins palliatifs, et combien ?

Faut-il créer dans les facultés de médecine des chaires en soins palliatifs, comme l'évoquait tout à l'heure M. le rapporteur ?

Avant de vous livrer quelques-unes de mes réactions à ces questions, je veux vous faire partager deux expériences.

La première est celle de l'accompagnement remarquable d'une personne malade, en soins palliatifs à l'hôpital Bretonneau, qui a vécu la fin de sa vie traitée, soignée, calmée, nourrie, entourée et respectée par le personnel soignant, même lorsqu'elle était inconsciente. La présence d'accompagnants étant possible, souhaitée, facilitée et gratuite, elle fut veillée la nuit régulièrement par un ami jusqu'à sa mort.

La deuxième expérience concerne le mauvais sort réservé à un malade octogénaire, guéri d'une infection respiratoire dans un hôpital et qui, en raison de son âge et de sa fatigue après trois semaines d'hospitalisation, a été dirigé contre son gré et par surprise vers l'annexe de l'hôpital, servant de maison de retraite. Cet homme, qui n'avait pas assez de force pour rentrer directement dans sa maison à étages située au bord du Cher, est parti en pleurant vers l'annexe de l'hôpital, « le mouroir », comme il disait. Absence de prise en charge, pas de kinésithérapie, pas de marche quotidienne...

Si vous ne buvez pas, c'est que vous n'avez pas soif ! Si vous ne mangez pas, c'est que vous n'avez pas faim ! Personne ne se demande si le malade peut aisément saisir son verre ou couper ses aliments.

Au bout de trois semaines, l'homme convalescent s'enfonce dans sa fatigue, son sentiment d'abandon et sa tristesse. Insuffisant respiratoire, il s'infecte à nouveau. Le personnel commence alors à parler de fin de vie. Le médecin évoque même un cancer inexistant pour expliquer à la famille qu'il ne s'acharnera pas si la situation se dégrade. On réclame à son épouse un costume propre, qui est immédiatement placé en bas de son placard, bien en vue de tous, avec la mention : « à mettre après le décès ». La famille ayant osé se plaindre, la personne « convalescente » se levant encore un peu, le costume est mis sur un cintre.

Deux semaines plus tard, le convalescent se plaint du dos. Il a mal aux reins, car il ne s'est pas levé depuis plusieurs semaines, personne n'ayant pris soin de lui. En se plaignant, il ignore qu'il vient de signer son arrêt de mort. Pour le calmer, la morphine lui est d'emblée dispensée à des doses le plongeant immédiatement dans une semi-conscience, et il est exécuté en quelques jours par administration de morphine à des doses doublées quotidiennement.

Ces deux histoires, mes chers collègues, n'ont rien de commun.

Dans le premier cas, des soins palliatifs sont mis en oeuvre par du personnel qualifié et formé à la prise en charge d'une personne malade en réelle fin de vie.

Dans le second exemple, la personne guérie est exécutée non parce qu'elle est en fin de vie, mais parce qu'elle est trop avancée dans la vie, pour avoir déjà trop vécu.

Réclamant trop de soins et de prise en charge, occupant trop longtemps un lit, ces malades sont abandonnés par les hommes et un certain système d'absence de soins, triste miroir de notre société.

La personne plus jeune, agonisante, a vécu la fin de sa vie dans la dignité. La personne âgée, quant à elle, a été maltraitée, sa volonté non respectée, ses droits violés, sa vie tranchée.

Il faut rappeler dans tous nos hôpitaux, nos résidences médicalisées et nos maisons de retraite que la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé s'applique aussi aux convalescents et à tous les bien-portants, même âgés de plus de quatre-vingts ans !

Je vais maintenant tenter de compléter les réponses qui nous sont proposées.

Oui, il faut refuser l'obstination déraisonnable en toutes circonstances, sauf une : lorsque le malade conscient le réclame ou que, par une directive anticipée, il l'a clairement réclamée. Le droit à tenter de rester en vie le plus longtemps possible ne saurait être transgressé par quiconque, même lorsque le demandeur a plus de quatre-vingts ans.

Dans tous les autres cas, l'obstination déraisonnable doit être refusée et la décision appartient au médecin, dans le respect des procédures décrites.

Quant à l'état d'aptitude ou non à exprimer sa volonté, la situation est claire si la personne est dans le coma, ou y a été opportunément placée. Mais pour les autres, qui peut certifier qu'ils se prononcent de façon libre et éclairée, comme l'exige notre loi ?

Le niveau d'information reçue, la capacité ou le souhait de percevoir la réalité de son état, le trouble lié à la douleur et à l'angoisse, la volonté réelle de partager les informations de la part de ceux qui les détiennent, et bien d'autres facteurs, relativisent la réelle capacité d'une personne malade à donner un consentement libre et éclairé.

Pourtant, cette solution, comme la démocratie, est la plus mauvaise des solutions en dehors de toutes les autres ; il importe donc de s'y accrocher de toutes nos forces : il faut recueillir le consentement du malade !

Quelle place accorder à la famille et à la personne de confiance ? Celles-ci, parce qu'elles contribuent à introduire du subjectif, du mouvement, du rêve, ont une place importante dans l'équilibre du malade, même au coeur des soins palliatifs.

Un proche est souvent le premier à percevoir que la personne malade a compris sa situation et à savoir que derrière des propos parfois ambigus se cache l'indicible. Le lien de confiance, l'intelligence du coeur et de l'esprit, l'écoute silencieuse des cris de l'âme de celui qui est au-dessus du gouffre donnent le droit de plaider le cas de celui qui s'éteint face au savoir objectif et encombrant du soignant.

Enfin, seules des directives anticipées peuvent surpasser la parole de celui qui a su réellement partager la souffrance.

Et qu'en est-il des soins palliatifs ?

Un jour, le médecin ne parvient plus à guérir. Ce n'est pas surprenant ! C'est un médecin qui vous parle.

Tout vivant est un mourant qui s'ignore. Mais tout mourant est malheureusement trop souvent un vivant qu'on ignore. Il reste alors au médecin à remplir une autre de ses missions, certainement la plus noble : soigner ! Le combat est plus difficile : le soignant est face à une personne malade qui lui renvoie avec violence le dur constat de son incompétence scientifique, qui l'agresse en lui transférant son angoisse du gouffre, celle qui broie les âmes et les coeurs.

Cette mission n'est plus à la hauteur de n'importe quel médecin ou professionnel de soins, pas plus qu'elle n'est à la portée d'un proche isolé : c'est un travail pour une équipe pluridisciplinaire et mobile. C'est la grandeur des services de soins palliatifs. Chacun y a sa place et y reste le bienvenu. C'est un monde de modestie et de respect face à l'essentiel, très loin des certitudes et des glorioles que procurent les choses aisées.

La famille, les bénévoles, qu'il ne faut pas oublier, les amis, l'ensemble du réseau de soins vont réussir à donner un sens à ce temps entre la mort annoncée et la mort réelle.

Les soins palliatifs demandent beaucoup d'énergie et de temps. Ils réclament aussi une formation des acteurs bénévoles et professionnels. Monsieur le ministre, quand enseignera-t-on la plus difficile des missions des soignants : apporter leurs soins à une personne qui va subir l'autre épreuve de son existence, après la naissance, la fin de sa vie ?

Notre société laïque ne se débarrassera jamais de la mort ; elle doit donc savoir y préparer ses citoyens dans la dignité. Mes chers collègues, le texte qui nous est présenté devrait, si vous l'amendez dans le bon sens, faire écho à cette exigence qu'aimait rappeler le plus grand des Polonais : « L'essentiel, c'est la dignité de l'Homme. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Bernard Cazeau s'exclame.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 76 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fallait-il légiférer ? J'avoue m'être posée cette question, mais je sais que je ne suis pas la seule. En effet, le code de déontologie médicale prévoit déjà, dans ses articles 36 et 37, que le médecin doit respecter la volonté du patient qui refuse « les investigations ou le traitement proposés. » Il dispose également que le « médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique », et ce en toutes circonstances.

Toutefois, le drame qu'ont vécu la famille Humbert et le personnel soignant a suscité un grand nombre de réactions. Le débat méritait d'être clarifié, le législateur se devait se prendre position.

Je remercie le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, d'avoir permis à nos collègues députés d'effectuer leur travail dans la sérénité et le sérieux qui s'imposaient. Malgré la pression médiatique, ils ont su prendre le recul nécessaire et ne pas légiférer à la va-vite sur l'euthanasie. D'autant que, selon les sondages, les Français seraient, dans leur très grande majorité, favorables à l'euthanasie.

Evidemment, à une question du genre : « En cas de maladie grave et incurable et si vous souffrez de douleurs insupportables, souhaiteriez-vous que l'on vous aide à mourir ? », il est difficile de répondre que l'on veut vivre jusqu'au bout en supportant d'atroces douleurs.

En réalité, je pense sincèrement que le problème concerne non pas la dépénalisation de l'euthanasie, mais la prise en charge de la souffrance.

Nous assistons à une dérive douce de la société qui cite en exemple les Pays-Bas, où l'on prône la mort plutôt que la vie et où l'on banalise l'euthanasie. C'est pourquoi cette loi est nécessaire pour rappeler la position de la France à ce sujet. Le patient en fin de vie est au centre des préoccupations de ce texte, sa volonté est respectée, et les médecins sont protégés par une décision prise collégialement.

Mais quelle est réellement la volonté des personnes en fin de vie ? C'est non pas tant de mourir au plus vite, que de ne pas souffrir et de rester dignes. Les demandes d'euthanasie ne sont pas si nombreuses. Elles proviennent principalement de personnes seules ; cela a été rappelé tout à l'heure. Un accompagnement adapté, une écoute suffisent, dans la très grande majorité des cas, à les faire changer d'avis. L'entourage familial, le personnel soignant, mais aussi les bénévoles des associations, jouent un rôle primordial.

C'est pourquoi il apparaît que la seule façon de faire reculer les demandes de mourir et les passages à l'acte est de développer les structures de soins palliatifs, à l'hôpital, certes, mais aussi et surtout à domicile. Les équipes doivent intégrer des partenaires médico-psychosociaux et les professionnels doivent être mieux formés.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour saluer l'un de mes amis le Dr Delbecque, de Dunkerque, qui oeuvre d'arrache-pied pour le développement des soins palliatifs et l'accompagnement, dans le département du Nord et, au-delà, à l'échelle nationale.

Au-delà de la peur de mourir dans la souffrance, il y a aussi celle de mourir à l'hôpital. Il semble nécessaire de « décentraliser » les soins palliatifs, de les faire sortir de l'hôpital pour permettre aux personnes, quand cela est possible, de mourir chez elles, entourées de leur famille.

Pour que ce système fonctionne, pour soulager la famille, mais aussi le médecin traitant, il est indispensable que des réseaux d'intervenants se constituent. Cela permet également d'anticiper les aggravations. En effet, au niveau national, entre 15 et 20 % des décès à l'hôpital ont lieu aux urgences.

Il arrive que la famille panique, et on peut la comprendre, lorsque la fin de vie est proche, que l'état de santé du malade se dégrade vite. Ne sachant que faire, elle appelle au secours les urgences. Dans ce cas, il y a de fortes probabilités pour que la personne décède soit au cours du transfert, soit aux urgences. Les derniers moments sont alors particulièrement pénibles. En période de forte activité, les urgences ne peuvent pas toujours accueillir dignement la personne mourante, et les familles sont parfois délaissées. La mise en réseau, qui devrait permettre de limiter fortement ce genre de situation, mérite d'être encouragée.

Mais si l'on veut vraiment permettre aux personnes de mourir chez elles, il faudra également consentir des efforts financiers pour la prise en charge du coût des gardes, des auxiliaires de vie sociale et des soignants.

Je souhaiterais évoquer, en outre, le problème du congé d'accompagnement. La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs autorise un ascendant, un descendant ou la personne partageant le domicile de la personne en fin de vie, à bénéficier d'un congé d'accompagnement d'une durée maximale de trois mois, mais ce congé n'est pas rémunéré.

Le droit de mourir chez soi ne semble donc pas ouvert à tous pour le moment. Néanmoins, la proposition de loi va dans le bon sens : elle renforce les articles du code de déontologie médicale que je citais tout à l'heure. Si le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de ses patients, il doit aussi être à l'écoute de leur volonté.

Quand il n'y a plus d'espoir, la prolongation artificielle de la vie n'a pas de sens. Personne ne peut vaincre la mort. Pourquoi, alors, vouloir la faire reculer de quelques heures ou de quelques jours ? Pourquoi continuer à administrer des traitements qui n'ont plus d'effet ?

Il est donc important de renforcer le principe d'interdiction de l'obstination thérapeutique déraisonnable. Il reste à savoir la manière dont cette « déraison » sera interprétée. Ira-t-on jusqu'à dire que l'hospitalisation, en tant que telle, d'une personne qui la refuse constitue une obstination thérapeutique déraisonnable ?

Je conclurai mes propos par un sujet qui a fait débat parmi certains de mes collègues, et qui concerne la volonté du patient hors d'état de s'exprimer ; il s'agit des directives anticipées.

Lors de son audition par la commission des affaires sociales, Jean Leonetti, député, président et rapporteur de la mission d'information, rapporteur de la proposition de loi qui nous est soumise, nous a fait part, à ma demande, de l'esprit de la loi à ce sujet. Selon lui, les directives anticipées ont une « prééminence molle » sur la personne de confiance, et l'objectif du législateur est de « favoriser l'émergence d'un consensus entre l'ensemble des parties concernées. »

Sans mettre en doute les propos de M. Leonetti, je reste assez perplexe, et je m'interroge sur l'utilisation de l'expression « à l'exclusion » qui figure dans l'article 8 de la proposition de loi. A mon sens, mais je peux me tromper, cela crée une hiérarchie, qui ne précise rien de sa « mollesse », entre les personnes susceptibles de donner un avis lorsque le patient lui-même est inconscient. Ses directives anticipées prédomineraient sur l'avis de la personne de confiance, puis de la famille, et, enfin, des proches.

Cela me gêne parce que - et je l'ai vécu - il n'est pas rare qu'une personne mourante change d'avis lorsqu'elle voit la mort approcher. Les directives anticipées sont écrites à un moment où la personne se sait malade, mais où elle est encore en pleine conscience. La situation au moment où les directives anticipées sont écrites et celle où la mort est imminente ne sont pas comparables. Je souhaiterais avoir des garanties sur l'utilisation « raisonnable » des directives anticipées.

En conclusion, je tiens à m'adresser au rapporteur, Gérard Dériot, pour le remercier et le féliciter de la qualité de son travail sur un sujet bien difficile, qui touche à notre vécu, à notre affectif. Je remercie aussi le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelles que soient nos références philosophiques, religieuses ou politiques, la vie est dans les démocraties et dans notre pays un droit inaliénable et sacré.

Proclamé dans l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, qui énonce : « Tout individu a droit à la vie », repris dans l'article 2, alinéa 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme de 1950, réaffirmé dans l'article 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, inséré dans le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, ce droit à la vie est un principe fondateur de nos sociétés modernes.

La proclamation de ce droit et la protection dont-il bénéficie n'ont cependant pas empêché des évolutions législatives importantes ; je pense, notamment, aux textes relatifs à l'interruption volontaire de grossesse.

En effet, au moment où l'on aborde la fin de vie, comment ne pas établir un parallèle avec le commencement de cette même vie, alors que l'interruption d'une vie en devenir est acceptée depuis trente ans, au nom des principes de liberté et de dignité ? Pourquoi accompagner un malade en fin de vie, vers une issue que l'on sait fatale, pose-t-il tant de problèmes à nos consciences ?

D'ailleurs, s'agit-il vraiment d'une question de conscience ? Ce malaise ne traduit-il pas davantage la crainte de l'homme moderne de la déchéance générée par la maladie, la peur de mourir ou, pire, la peur du déclin ?

Dans notre société actuelle, où l'apparence règne en maître, la mort est passée sous silence. Sujet tabou, la fin de vie n'est que très peu abordée dans le cadre intime ou familial. Alors, plutôt que de l'affronter, on se réfugie dans l'occultation, on laisse le malade, sa famille, le corps médical faire face, seuls, à des situations douloureuses.

La liberté de disposer de son corps serait-elle réservée aux seuls bien portants ? Libre à eux de se suicider, libre à elles d'avorter, même si ces deux actes ont des conséquences humaines et sociales importantes ; ils sont admis, ils sont légitimes, ils sont légaux.

En revanche, la dépendance générée par la maladie aliène le patient qui, en l'état actuel de la législation, ne peut plus être entendu dans sa volonté exprimée de mourir dignement.

L'article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union énonce pourtant, en écho au droit à la vie : « Toute personne a droit à son intégrité physique et mentale ». Il s'agit bien d'un droit à l'intégrité physique. Dès lors, comment permettre le respect de ce droit sans entacher le droit à la vie ? Peut-être, tout simplement, en s'interrogeant déjà sur les droits des malades en fin de vie.

Offrir, en effet, des conditions optimales de soins pour, à défaut de guérir, adoucir la souffrance, est l'un des enjeux de la médecine de demain. Après un XXe siècle de la science triomphante du progrès médical qui permettait de prolonger la vie, le XXIe siècle s'ouvre sur un nouveau défi, celui de retrouver une médecine humaine, qui replace l'homme, soignant ou patient, au centre de la relation, au centre de la préoccupation.

Rompre l'isolement du malade en fin de vie, épargner le désarroi à la famille, éviter la culpabilité des personnels soignants, tel est l'objectif de cette loi, si je l'ai bien comprise. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus. Aussi, sur un sujet aussi sensible que celui-ci, aussi chargé en émotion, nous avons l'obligation d'être modestes et précis : précis dans les mots, précis dans les réponses, précis dans les motivations.

Il ne s'agit pas d'ôter la vie. Le médecin n'est d'ailleurs pas formé pour abréger la vie. Il s'agit, bien davantage, de rendre la mort plus douce et, paradoxalement, d'une certaine façon, plus « naturelle ». Le médecin doit rendre sa dignité et la sérénité à celui qui se trouve en fin de vie.

Lors de la Journée mondiale de la jeunesse à Denver, le 14 août 1993, le pape Jean-Paul II a rappelé que culture de la vie signifie respect de la vie humaine, depuis le premier moment de la conception jusqu'à son terme naturel, précepte qu'il s'appliqua d'ailleurs à lui-même, refusant une dernière hospitalisation et optant pour une mort dans la dignité, entouré des siens.

Puisque la seule certitude de cette vie humaine réside dans la mort, il est de notre devoir d'homme de l'accepter, car seule l'acceptation permet de la traiter avec lucidité et objectivité, à titre tant personnel que collectif. Si la mort relève de la sphère la plus intime, le passage de la maladie à la mort intéresse la société, d'où ce besoin de légiférer.

Bien entendu, le texte présenté ne s'appliquera, s'il est adopté, qu'aux personnes en fin de vie ayant manifesté leur volonté de voir interrompre tout traitement, de refuser « tout acharnement thérapeutique ». C'est, d'une certaine façon, la reconnaissance d'un contrat entre le patient et son médecin, dans lequel tous deux sont à égalité. Il doit s'agir d'un souhait librement formulé, mûrement réfléchi.

En effet, si 80 % des Français, quand ils sont en bonne santé, souhaitent que leur médecin puisse les aider à mourir, seulement 1 % des patients en fin de vie expriment une volonté de mort aidée par les soignants. Ces chiffres témoignent de toute la prudence qu'il est nécessaire de déployer pour traiter au mieux le délicat problème de la fin de vie. C'est la raison pour laquelle il convient d'entourer l'expression de la volonté de certaines précautions.

Quels peuvent être les modes d'expression du consentement ?

En ce qui concerne les directives anticipées, ces instructions par lesquelles le malade a préalablement exprimé son souhait de ne pas bénéficier d'un traitement, ou seulement d'un traitement limité, doivent avoir été établies moins de trois ans avant la survenance de l'état d'inconscience de la personne.

S'agissant de la volonté exprimée par un malade conscient, cette manifestation de la volonté doit conduire le médecin à entamer un dialogue avec le patient. Il doit tout mettre en oeuvre pour le convaincre d'accepter les soins indispensables. Le cas échéant, il pourra même désormais faire appel à un confrère, et le refus de soins devrait être réitéré dans un délai raisonnable.

Dans l'hypothèse où le malade en fin de vie est dans l'incapacité d'exprimer sa volonté, il sera possible de s'adresser à la « personne de confiance » ou à la famille, dont l'avis primera sur tout autre, en l'absence de directives anticipées du malade.

Renoncer à l'acharnement thérapeutique, éviter l'obstination déraisonnable, tel est donc l'enjeu de cette proposition de loi.

En revanche, ou plus exactement en contrepartie, le texte affirme la reconnaissance de la place des soins palliatifs dans l'accompagnement des pathologies graves, voire incurables. Faire entrer les soins palliatifs dans les services hospitaliers constitue une avancée notable, une « révolution culturelle », dans la mesure où cela traduit l'acceptation des limites de la « médecine curative ». Une telle reconnaissance rappelle chacun à l'humilité, et cela est déjà, en soi, un grand progrès. Accepter notre condition de mortels tout en refusant la douleur rédemptrice, telle est la philosophie qui, je le pense, sous-tend ce texte.

Dans La Dernière Leçon, Noëlle Châtelet relate la mort choisie de sa propre mère. A l'approche du moment fatidique, elle écrit les phrases suivantes :

« J'ai pensé. En d'autres temps, dans une société grandie d'avoir réfléchi autrement à la mort, j'aurais pu être auprès de toi, à tes côtés vraiment, pas seulement en pensée. J'aurais tenu ta main et posé sur ton front le baiser de l'adieu. »

Rompre cette solitude, disais-je tout à l'heure ; si cette proposition de loi pouvait y contribuer, nous aurions, je crois, franchi un pas, modeste mais réel, dans la voie du réconfort apporté au malade, qui désormais pourra être écouté, entendu et accompagné.

Cette écoute constitue un élément majeur de la dignité, en nous restituant notre place d'être doué d'intelligence et de volonté. La dépendance et la fin de vie sont suffisamment douloureuses en elles-mêmes pour que l'on n'y rajoute ni mépris ni infantilisation.

Ce texte, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n'est donc pas un texte sur l'euthanasie telle que comprise selon l'acception courante. Il s'agit non pas d'ôter la vie, mais de diminuer la durée d'un passage au terme inéluctable. Il s'agit non pas de provoquer la mort intentionnellement, mais de la laisser venir naturellement.

Cette proposition de loi n'est sans doute qu'une étape. Ses auteurs ne prétendent pas répondre à toutes les interrogations, à tous les cas de figure. Ce qui est supportable pour une personne ne l'est pas nécessairement pour une autre. Nul ne vit la douleur de la même façon qu'un autre ; chacun perçoit sa déchéance au travers d'un prisme qui lui est propre.

Soyons donc modestes et prudents, car il y a danger, comme l'a dit tout à l'heure le président Nicolas About. Le véritable effort que nous devrons accomplir sera de prouver notre capacité à traiter avec humanité, dans l'avenir, les personnes âgées, qui seront de plus en plus nombreuses, de plus en plus âgées et donc de plus en plus dépendantes, et les personnes handicapées, qui vieilliront de plus en plus et dont le handicap sera de plus en plus grave avec l'âge.

Le problème est, on le voit, complexe ; sa solution ne peut être unique. L'adoption de cette proposition de loi permettrait de tracer un cadre juridique plus clair, qui n'ouvre pas la porte à de possibles abus. Comme M. Jean-Philippe Wagner l'a exprimé lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat, c'est à cette aune que se mesure la dignité d'une société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au droit des malades et à la fin de vie a trait à l'un des sujets les plus graves qui soit.

Légiférer sur cette question est une entreprise délicate, presque un exercice de conscience individuelle. Il ne peut s'agir de céder aux excès de la sauvegarde de la vie à tout prix ou d'une adhésion sans réserve à l'euthanasie. La modération est plus que jamais de mise ; c'est pourquoi le texte qui nous est soumis semble, dans une certaine mesure, satisfaisant.

L'état de l'opinion publique et la pression des médias pouvaient faire craindre une dépénalisation explicite de l'euthanasie. Les travaux de la mission Leonetti ont permis de diffuser quelques principes de déontologie médicale connus des médecins, mais ignorés du grand public, en particulier celui selon lequel il est possible d'éviter l'acharnement thérapeutique sans recourir à l'euthanasie active.

Ce sont ces principes que reprend le présent texte, dessinant ainsi un « modèle français », une troisième voie entre le vide juridique actuel et les options belge et néerlandaise de dépénalisation de l'euthanasie. Il est donc question aujourd'hui de mettre en adéquation le droit et la pratique sans cautionner les dérives éventuelles.

Cependant, même si les intentions de ses concepteurs sont louables, la présente proposition de loi reste insatisfaisante. En elle-même, elle n'était pas techniquement indispensable, car les principes de déontologie médicale qu'elle contient ne sont que des rappels. Les formulations qu'elle reprend sont par ailleurs parfois maladroites et incomplètes.

En outre, de l'aveu même de ses promoteurs, ce texte tend à permettre, ce qui est beaucoup plus grave et inacceptable, l'interruption de l'alimentation et de l'hydratation dans une intention suicidaire, ce qui constituerait une forme d'euthanasie, ou une intention euthanasique lorsque la demande émanera des familles ou des personnes de confiance, au nom d'un malade incapable de s'exprimer. Des conflits juridiques risqueront d'apparaître : des familles ou des personnes de confiance réclameront l'application des directives anticipées de refus de traitements dans des situations où ceux-ci seraient raisonnables ou proportionnés.

Enfin, l'expression : « le médecin sauvegarde la dignité du mourant » est discutable, car la dignité ne peut se perdre ou s'acquérir ; il s'agit pour le médecin de reconnaître la dignité du mourant plus que de la sauvegarder.

Pour me résumer, je dirai que le présent texte porte de graves risques : risque de reconnaître implicitement et de banaliser un « droit au suicide », risque d'accepter l'arrêt de soins proportionnés, l'arrêt de l'alimentation ou de l'hydratation, dans un dessein d'euthanasie, risque encore de reconnaître aux directives anticipées une valeur contraignante.

Pour toutes ces raisons, je soumettrai au Sénat, au cours de la discussion des articles, des amendements ayant pour objet d'écarter les risques susmentionnés.

Le premier d'entre eux concerne l'alimentation et l'hydratation des personnes malades en fin de vie. Il est nécessaire de considérer les soins d'hygiène et le maintien d'une température adéquate, l'alimentation et l'hydratation, même artificielles, comme des soins minimaux, ordinaires, proportionnés, dus à la personne, et non comme des actes médicaux. C'est là, à mon avis, un impératif éthique de premier ordre.

Par ailleurs, il est fondamental de rappeler que tout malade a droit à des soins proportionnés. Ce droit est clairement affirmé dans la Charte des droits des personnes en fin de vie, en vertu de laquelle « toute personne mérite d'être soignée jusqu'à la fin de sa vie dans de justes proportions, en bénéficiant des techniques disponibles les plus efficaces ».

Afin de donner une portée concrète à ce droit, il est nécessaire d'introduire dans la proposition de loi la notion de proportionnalité entre les soins et les objectifs médicaux. Pour pouvoir être suspendus, les actes médicaux devront être « disproportionnés » par rapport au résultat attendu. Je présenterai plusieurs amendements allant dans ce sens.

Enfin, l'article 5 de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie nous semble aller beaucoup trop loin et ouvrir la porte à des dérives très graves. Cet article tend en effet à permettre au corps médical de suspendre le traitement de personnes incapables d'exprimer leur volonté : il y a là un danger évident, un glissement vers l'euthanasie. La loi ne doit pas autoriser à interrompre les soins prodigués à une personne inconsciente.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, je voterai cette proposition de loi, en tâchant de toujours conserver à l'esprit, au cours de nos débats, que la vie est le bien le plus précieux qui nous soit donné.

Il me reste à remercier la commission des affaires sociales, son rapporteur, Gérard Dériot, et son président, Nicolas About, de l'excellence de leur travail. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que l'on a pu dire et entendre, cette proposition de loi n'est ni consensuelle ni équilibrée.

Le principal inconvénient du consensus qui s'est manifesté lors du vote émis sur ce texte par l'Assemblée nationale, c'est qu'il n'existe pas dans notre pays. Un tel phénomène, de plus en plus fréquent, témoigne du décalage grandissant qui existe, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, entre la réalité de notre société et les représentants des citoyens.

M. François Autain. Accaparés par la recherche d'un consensus à tout prix, nos collègues de l'Assemblée nationale sont restés sourds aux aspirations de nos concitoyens à un droit à la mort volontaire. Devant ce véritable mouvement de fond, perceptible depuis une vingtaine d'années, non seulement en France, mais aussi dans tous les autres pays industrialisés, des pays proches de nous géographiquement ont déjà répondu, et reconnaissent ce droit pour toute personne d'exercer sa liberté de décider du moment et des moyens de sa propre fin.

Un tel consensus, qui repose sur l'adhésion unanime à des principes qui ne font pas l'unanimité ou qui mélange des impératifs entre lesquels on n'a pas voulu choisir, comme par exemple la liberté individuelle et le principe de sacralité de la vie, ne peut être que trompeur, fragile et voué à l'échec à brève échéance.

Enfin, il me paraît abusif et pour le moins inapproprié de dire « consensuel » un texte qui interdit à certains des actes conformes à leurs propres valeurs ou qui leur impose des actes qui sont contraires à ces mêmes valeurs, ce qui n'est pas mieux.

Ce texte n'est pas non plus équilibré. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater que cette proposition de loi, fruit de la réflexion de la mission d'information créée par l'Assemblée nationale au lendemain et à cause du décès de Vincent Humbert dans des conditions dramatiques restées dans toutes les mémoires, n'apporte aucune solution satisfaisante ni pour le présent ni pour l'avenir, ne permettant même pas, dans son état actuel, d'éviter qu'une affaire semblable ne se reproduise.

Ceux qui, comme Vincent Humbert, n'ont pas les moyens physiques aujourd'hui de leur libre suicide n'obtiendront toujours pas le droit d'être aidés. La seule possibilité qui leur sera offerte sera de mourir d'inanition, à petit feu, pendant les quatre semaines, voire davantage, que durera leur agonie. Mais pour quel résultat ? Simplement pour permettre au médecin, et à travers lui à la société tout entière, de s'exonérer de sa responsabilité de les avoir tués ?

M. François Autain. Piètre consolation, au regard des atteintes irréparables portées à la dignité de ces personnes !

M. François Autain. On voit à quelles aberrations peut conduire le principe de la sacralité de la vie quand son application est poussée à l'extrême, je dirais même à l'absurde, ses thuriféraires n'hésitant pas à recourir à des méthodes infiniment plus cruelles et inhumaines que celles qu'ils rejettent.

Je plains sincèrement ceux qui auront un jour à appliquer cette disposition. Il leur faudra au moins autant de courage pour la mettre en oeuvre qu'il aura fallu de perversion pour l'imaginer.

La mort est un problème humain avant d'être un problème médical. On aurait aimé trouver dans ce texte la reconnaissance pour chacun d'un droit ultime et nécessaire, celui de choisir sa fin, de l'imposer à ses proches et à la société, soit directement quand on est en mesure d'exprimer sa volonté, soit par des directives anticipées dans le cas contraire. Ce n'est malheureusement pas le cas, il faut bien le reconnaître.

En revanche, la proposition de loi conforte le pouvoir médical et assure une meilleure protection juridique des médecins à l'hôpital et plus particulièrement dans les services de réanimation médicale.

Grâce à Vincent Humbert, à sa mère et au Dr Chaussoy, ces médecins sont en train d'obtenir ce qu'ils demandaient en vain depuis longtemps déjà : la dépénalisation de certains actes médicaux que les juges assimilaient à des pratiques euthanasiques et que ces médecins refusaient, et refusent toujours, de dénommer ainsi et d'assumer pour ce qu'ils sont.

On ne peut que se réjouir d'une telle avancée, en regrettant toutefois qu'elle n'aille pas jusqu'au bout de la logique. Elle tente d'opérer, en vain me semble-t-il, puisqu'elle n'en assure pas le contrôle, un tri entre ces pratiques multiples où cohabitent, dans des proportions variables, l'arrêt de traitement, le soulagement illimité de la douleur et la piqûre mortelle. En se refusant à aller plus loin, les auteurs de la proposition de loi acceptent de proroger une situation malsaine, fondée sur le mensonge et l'hypocrisie, qui résulte de l'inapplication d'une législation sur l'euthanasie que seule la violation régulière rend humainement et socialement supportable.

Devant la difficulté d'opérer une distinction claire entre ces pratiques, ne serait-il pas préférable de laisser au mourant, quand cela est possible, le soin d'arbitrer entre elles ? Car toutes ces techniques ne relèvent-elles pas de la même conscience, celle de l'inutilité de s'acharner à maintenir une vie qui n'en est pas une et qui n'en sera plus une pour l'intéressé ?

En effet, la différence entre provoquer sciemment la mort de quelqu'un par une action ou une abstention, et la laisser advenir sans avoir l'intention de la provoquer, ne m'apparaît pas aussi essentielle qu'elle puisse exonérer le médecin de toute responsabilité morale. Sa responsabilité, si responsabilité il y a puisque c'est avant tout la volonté du mourant qu'il doit respecter, ne réside-t-elle pas finalement davantage dans la décision elle-même que dans les modalités de sa mise en oeuvre ?

La différence morale est-elle si grande entre attendre la mort ou la précipiter un peu dans l'espoir d'abréger les souffrances de celui qui s'en va ?

Une abstention est toujours la conséquence d'une décision médicale. Débrancher un appareil, retirer une sonde gastrique ou une perfusion sont des actes médicaux. Sans l'intervention d'un médecin, sans son arbitrage, quelle que soit la forme que revêt la pratique, la mort ne serait pas intervenue à ce moment précis et de cette façon.

Seuls peuvent être satisfaits de ce texte ceux qui se considèrent comme les usufruitiers d'un bien qui ne leur appartient pas, la date et l'heure de leur mort relevant de la bonne volonté du bailleur, dont le sous-traitant ici-bas serait le médecin.

Les autres, qui s'estiment propriétaires de leur vie et qui n'entendent confier à personne d'autre le choix du moment et des modalités de leur fin de vie, n'ont pas d'alternative : ils doivent recourir aux soins palliatifs, puisque la proposition de loi, en son état actuel, ne prévoit pas d'autre possibilité.

Entendons-nous bien : il s'agit non pas de remettre en cause les bienfaits indiscutables de ces unités de soins palliatifs, hélas ! dramatiquement insuffisantes, ni de critiquer le travail qui s'y effectue et qui est en tous points remarquable, mais de souligner les ambiguïtés et les contradictions du discours qui les instrumentalise. Leur promotion dithyrambique par des zélateurs souvent inspirés donne parfois l'impression de n'avoir pour but que de démontrer que la demande d'euthanasie n'existe plus, au point que l'on ne comprend pas pourquoi il faille encore aujourd'hui s'y opposer par principe avec autant d'énergie.

Au cours des nombreuses auditions que la commission des affaires sociales a consacrées aux soins palliatifs, nous avons souvent entendu les différents protagonistes essayer de nous convaincre que l'agonie pouvait être un moment privilégié de la vie et qu'il serait toujours possible de supprimer la douleur physique et la souffrance morale.

Or rien ne semble plus contestable ! Ainsi, Jean-Michel Lassaunière, chef du centre de soins palliatifs à l'Hôtel-Dieu de Paris, que nous n'avons malheureusement pas auditionné, déclare : il ne faut pas tout attendre des soins palliatifs et se garder de deux illusions ; premièrement, les soins palliatifs ne sont pas toujours synonymes de bonne mort ; deuxièmement, imaginer qu'ils pourraient d'un coup de baguette magique supprimer la douleur et les demandes d'euthanasie serait une erreur, une manière de fuir le débat, une manière de se réfugier derrière une solution toute trouvée.

On comprend mieux, dans ces conditions, la nécessité de reconnaître pour les mourants, au moins pour les plus lucides d'entre eux, le droit de récuser de telles illusions et de demander au médecin de les écouter pour éviter qu'une demande d'aide à mourir soit systématiquement interprétée comme la manifestation d'un désir inconscient de vivre.

Derrière ce discours humaniste voisinant avec des techniques qui finissent par se confondre avec des pratiques euthanasiques quand elles plongent, par exemple, le mourant dans l'inconscience, il est difficile de ne pas voir la résurgence d'une certaine forme de paternalisme médical. Certains médecins ont visiblement du mal à accepter, au moment où l'on croyait pourtant acquis le rééquilibrage de la relation entre le médecin et le patient, que les malades puissent se libérer de leur tutelle ou qu'ils mettent éventuellement en question leur compétence. Certains éprouvent sans doute des difficultés à assumer ce qui peut apparaître comme une forme de limitation de leurs pouvoirs.

Pourtant, tous les choix des malades sont honorables ; le patient, dans ces moments extrêmes, est le meilleur juge de son propre bien et l'on ne saurait faire de tort à qui consent. Nul, et surtout pas les médecins, n'a à les juger dans ces moments où la vie bascule et où les définitions classiques du bien et du mal sont aussi vaines qu'inopérantes, où l'on assiste même parfois, en un instant, à leur inversion.

On cite souvent l'injonction de Kafka sur son lit de mort à son médecin : « tuez-moi, sinon vous êtes un assassin ! ». Plus près de nous, je reprendrai ce que dit Noëlle Chatelet dans son livre, que l'un des orateurs précédents a cité : « Il faut parfois l'aimer très fort, la vie, pour préférer la mort. Il arrive que le choix de la mort soit un hymne à la vie.»

Tout cela devrait nous conduire, mes chers collègues, à considérer que le moment est enfin venu pour la médecine, aussi performante et bien intentionnée soit-elle, d'accepter que la mort est avant tout l'affaire de celui qui meurt. Cette proposition de loi nous en offre l'occasion privilégiée. Espérons, mes chers collègues, que nous saurons la saisir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie me plonge, je l'avoue, dans une certaine perplexité. Doit-on légiférer sur la fin de vie ? C'est une question simple à laquelle il est difficile de répondre.

L'émotion suscitée dans l'opinion publique et chez les médecins par un certain nombre de situations dramatiques, fortement médiatisées, méritait, certes, d'être entendue. La mission d'information de l'Assemblée nationale a permis cette écoute et je tiens à souligner la qualité du débat qui s'y est tenu.

Je crois que cette mission a finalement montré sans ambiguïté que la demande d'un droit à mourir s'enracine d'abord dans les peurs qui habitent le corps social, en particulier ceux qui ont été témoins d'agonies douloureuses et tourmentées, mal accompagnées. La figure du vieillard qui s'éteint doucement et paisiblement, « rassasié de jours », reste dans l'inconscient collectif comme la seule belle mort.

Angoisse de la mort qui vient, peur de souffrir, souci de ne pas peser trop longtemps sur ses proches, fantasme de l'acharnement, peur de se dégrader, c'est souvent l'absence d'information et le sentiment d'être passif à l'hôpital qui accentuent chez le malade le désir de maîtriser sa fin de vie. La demande semble être avant tout une provocation au dialogue et une ultime tentative de communication.

Si la loi autorise un jour les médecins à donner la mort à ceux qui la demandent, se donnera-t-on la peine de s'asseoir et de dialoguer afin de comprendre les désirs profonds de la personne ? Ne céderons-nous pas à la facilité ? Heureusement, le texte qui nous est proposé aujourd'hui n'est pas destiné à légaliser l'euthanasie active, et j'ose espérer qu'il n'est pas un premier pas en ce sens.

Mais alors, de quoi s'agit-il exactement ? De mettre fin à des pratiques clandestines abusives ? J'ai entendu à ce sujet des propos tout à fait choquants à la commission des affaires sociales. Des services hospitaliers, notamment en cancérologie et en gériatrie, pratiqueraient des euthanasies non voulues en fonction de critères comptables - coût des soins, nécessité de libérer des lits - ou de critères d'âge.

De tels actes sont intolérables ; ils ne peuvent être que tout à fait marginaux et, s'ils existent, ils doivent être dénoncés et faire l'objet de poursuites pénales, lesquelles sont d'ailleurs prévues par le code. Dans ces cas, il s'agit donc non pas de légiférer, mais plus simplement de sévir.

Pour ma part, je suis convaincu que les médecins ou les personnels soignants qui en sont arrivés à arrêter les traitements, à débrancher des respirateurs, voire à donner la mort à des patients en fin de vie, l'ont fait soit par compassion, soit par conscience d'un acharnement inutile ou disproportionné.

Veut-on, par cette proposition de loi, soulager de sa lourde responsabilité le corps médical qui serait, d'après M. Leonetti, surpris de sa puissance vis-à-vis de la mort et qui souhaiterait la partager ? Si les médecins se sentent seuls et démunis devant des fins de vie, aucune loi ne pourra diminuer leur solitude ou amender leur conscience : ni celle qui les autoriserait à donner la mort, ni celle-ci.

Je ne crois pas que la réponse soit dans la collégialité de la décision. Dans toutes les situations, et même en cas de directives anticipées du patient, c'est le médecin qui prend, en dernier ressort, la décision et qui endosse la responsabilité du choix. Il reste toujours face à sa conscience, à sa morale personnelle.

Quoi qu'il en soit, la collégialité ne risque-t-elle pas de devenir un alibi pour justifier certaines pratiques ? Et en cas de désaccord, aura-t-on recours à des personnes extérieures au service hospitalier ?

S'il s'agit enfin, par cette proposition de loi, de protéger le corps médical d'éventuelles poursuites judiciaires, cela me semble très illusoire. Comment empêcher un membre de la famille de contester le fait que le malade a été informé des effets secondaires d'un traitement ou l'interprétation de sa volonté qui aura été faite par le médecin lui-même ou la personne de confiance ? Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu'il n'y a pas de personne de confiance désignée, lequel des membres de la famille devra écouter le médecin ? Celui qui demande l'arrêt des traitements ou celui qui réclame leur poursuite ? Celui qui n'aura pas obtenu satisfaction pourra toujours poursuivre.

Reste que légiférer suppose une définition précise des mots. On parle de « fin de vie », mais qu'est-ce au juste ? Selon le texte, il s'agirait d'une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable. Qui déterminera l'entrée dans cette phase ? Cela dépendra-t-il de l'âge, de l'état de conscience ou d'inconscience du patient, d'une situation d'urgence ? Pas de réponse !

Il faut mourir dans la dignité, dit-on. A partir de quand ou de quel degré de handicap physique ou cérébral un malade devient-il indigne ? Qui va en décider ? Finalement, est-ce nous ou les médecins, en tout cas les bien portants qui prononceraient l'indignité des autres ?

Toutes ces questions montrent bien la difficulté de légiférer sur la fin de vie.

La proposition de loi me laisse donc perplexe, d'autant qu'il n'y a pas en France, aujourd'hui, de vide juridique sur cette question. Le code de déontologie médicale fixe déjà un cadre en interdisant au médecin de provoquer délibérément la mort d'une personne ou de la soigner sans son consentement - sauf urgence ou impossibilité de consentir - et en posant le principe de proportionnalité. Les textes ont été complétés, d'une part, par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et, d'autre part, par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui affirme le droit au traitement de la douleur.

En définitive, on transfère le code de déontologie dans une loi formelle. Je le regrette, car ce qui est souplesse dans le premier peut devenir rigidité dans la seconde. En outre, la loi ne portera jamais que sur l'universel, alors que l'accompagnement de fin de vie sera toujours singulier.

La plupart des situations difficiles de fin de vie pourraient trouver réponse dans le cadre légal actuel, à condition que les pratiques soient améliorées, que les professionnels de santé soient formés au traitement de la douleur et que le maillage prévu de tout le territoire en structures de soins palliatifs se poursuive.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui permet, certes, de clarifier les procédures qui se dérouleront dans la collégialité et la transparence. Mais, malgré tous nos efforts, il restera toujours des cas de souffrance ou de détresse, face auxquels certains se demanderont s'il n'est pas humainement légitime d'accéder au désir de mourir d'une personne.

Ces dilemmes éthiques font partie de la profession médicale, qui implique une certaine solitude. Ce métier n'est pas un métier de pur technicien ; si tout devait être réglé par des procédures ou des lois, cette dimension de l'humain, avec ses incertitudes et ses doutes, finirait par disparaître.

Pour ma part, je crois à la conscience professionnelle des médecins. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur ce texte, qui, d'une certaine manière, rogne leurs prérogatives au profit de tiers. Remettons sur le métier le serment d'Hippocrate et rappelons que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. le ministre quitte l'hémicycle.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous nous lirez, monsieur le ministre !

M. Guy Fischer. C'est le texte le plus important depuis trente ans !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 24 septembre 2003, Mme Marie Humbert, après avoir signalé son intention, injecte une dose de barbituriques à son fils âgé de vingt-deux ans afin de l'aider à mourir comme il le demandait. Son geste échoue, et l'équipe du Dr Chaussoy, chef du service de réanimation du centre héliomarin de Berck-sur-mer, tente de le réanimer. Deux jours plus tard, le Dr Chaussoy, après avoir pris connaissance du dossier médical du jeune patient, décide, avec son équipe, de débrancher le respirateur et de répondre à son attente.

Le débat sur l'euthanasie est relancé en France !

Si nous discutons aujourd'hui de cette proposition de loi, c'est grâce à Vincent Humbert et à sa mère, dont le parcours exemplaire a ému la France entière. Pourtant, disons-le d'emblée, ce texte n'aurait été d'aucune utilité à Vincent et il n'apporte aucune solution aux autres personnes - et il en existe ! -, qui souhaiteraient prendre la même décision. Il est en effet essentiellement limité aux personnes en fin de vie, celles dont la mort doit intervenir à brève échéance. C'est une légère avancée, mais qui est déjà très largement reconnue par la loi Kouchner du 4 mars 2002.

En outre, cette proposition de loi est insuffisante, car elle élude la question fondamentale qui en est à l'origine : le choix de sa mort.

Selon l'anthropologue Louis-Vincent Thomas, « chaque société a la mort qu'elle mérite ». Dans notre civilisation occidentale, la mort a perdu en quelques décennies son caractère social et familial. En outre, les souhaits de nos contemporains à son égard ont radicalement changé : on meurt non plus chez soi entouré de sa famille et de ses amis, mais le plus souvent à l'hôpital entouré d'inconnus ; si 70 % de nos concitoyens déclarent vouloir mourir paisiblement chez eux, 70 %, et même 80% en milieu urbain, meurent à l'hôpital.

Comme tous les êtres humains, nous aimons la vie et nous la souhaitons aussi longue que possible. Dans la lutte pour prolonger la vie, les hommes ont remporté des succès. Dans ce parcours de la vie et de la mort, au-delà des préjugés, l'important est de respecter la liberté de choix de chacun.

Quoi qu'on en dise, il faut le reconnaître, ce texte concerne clairement la question de l'euthanasie.

Parler de fin de vie, c'est aussi parler d'euthanasie ; il faut l'admettre, même si ce terme ne plait pas. Beaucoup refusent le mot « euthanasie ». C'est en fait un mot très récent dans la langue française. Dans la première édition de son dictionnaire, en 1863, Littré le définit comme « la bonne mort, douce et sans souffrance », ce qui correspond à sa racine grecque euthanasia.

Dans son édition de 1982, le dictionnaire Flammarion est plus précis et très intéressant : l'euthanasie est « une mort douce provoquée par la morphine, les barbituriques, qui évitent à un malade incurable des douleurs intolérables ». C'est un peu ce que l'on retrouve dans la proposition de loi, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne faut donc pas hésiter à parler d'euthanasie.

Mais comme le dit si bien Jacques Pohier dans son excellent ouvrage La Mort opportune, il peut arriver aux mots comme aux êtres humains des accidents qui les abîment ou qui les tuent. C'est ce qui est arrivé au mot euthanasie lorsqu'on l'a utilisé pour désigner, notamment, les programmes d'élimination par l'Allemagne nazie de certains êtres humains considérés comme indignes de vivre. Dans certains pays, notamment en France, le mot euthanasie a ainsi été détourné de son sens premier. Or il n'y a aucune raison de sacrifier ce terme en l'abandonnant à cette utilisation erronée.

La mort est la plus grande angoisse de la condition humaine. Elle est source de révolte. L'euthanasie consiste à agir en vue de procurer à quelqu'un une mort douce et sans souffrance, une mort vécue dans la sérénité. C'est aussi l'un des objets de la démarche à l'origine de ce texte.

Dans les débats sur l'euthanasie, on distingue parfois l'euthanasie active de l'euthanasie passive. L'expression « euthanasie passive » désigne alors les cas d'omission ou d'interruption de traitement de survie, en particulier lorsque l'autre solution consiste à tenter de maintenir le patient en vie par un traitement acharné, agressif, voire inutile, pratique condamnée par l'éthique médicale, à plus forte raison lorsque le malade a refusé ce traitement. N'est-ce pas ce que propose le texte ?

Seulement, l'omission ou l'interruption d'un traitement ne suffit pas toujours. Quant à la sédation, elle endort ; elle ne sert qu'à faire perdre au patient la perception de la réalité, du temps et, en fait, de sa propre fin de vie.

Si l'euthanasie passive est reconnue dans certains cas sur le plan idéologique, religieux et légal, il est difficile de voir la distinction morale avec l'euthanasie active. D'ailleurs, existe-t-il vraiment une euthanasie passive ? La distinction doit-elle être faite ? A mon avis, non ! La seule question est de savoir si l'on reconnaît ou non à chacun le droit à disposer de sa mort.

C'est la raison pour laquelle ce texte est insuffisant. Le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale s'intitulait Respecter la vie, accepter la mort. Mais quelle mort ce texte propose-il ? Une mort cachée ! Accepter la mort, c'est accepter la mort en face, pour ceux qui le souhaitent.

Le débat sur la question de la fin de vie est complexe, car il met en cause deux principes fondamentaux qui peuvent sembler contradictoires : d'une part, le respect de la vie et, d'autre part, le respect de la dignité et de la liberté de l'homme.

Il est interdit de donner la mort ! Tel est l'impératif éthique, social et politique. Certes ! Mais au nom de la liberté, tout homme doit avoir l'assurance qu'il pourra vivre sa mort conformément à ses choix. Il ne s'agit plus de « donner la mort », mais d'aider à mourir.

Quel que soit le mot utilisé - euthanasie, aide active à mourir, mort opportune, mort douce, mort choisie, mort dans la dignité -, la question reste la même ; elle est difficile, délicate à aborder, parce qu'elle fait appel à des convictions - morales, religieuses, philosophiques, éthiques - qui sont avant tout personnelles.

Je ne détaillerai pas les différences idéologiques, je préciserai seulement un point. Ce n'est d'ailleurs pas seulement une conviction personnelle, c'est un principe qui devrait être intangible : dans un pays laïque, la morale religieuse - fort respectable au demeurant - ne peut empêcher un pays de légiférer.

Quelle est la première fonction de la loi ? Il serait restrictif de considérer que la loi n'a pour fonction que d'énoncer ce qui est interdit et ce qui est permis. Cette fonction, incontestable, n'est que la conséquence d'une fonction plus noble et plus fondamentale : proclamer un droit et en protéger l'exercice.

Ainsi, au lieu de se demander ce qui est permis ou défendu aux tierces personnes - médecins, soignants, famille, proches - en matière de lutte contre la douleur, d'acceptation ou de refus de traitement et d'euthanasie, il faut faire de la personne concernée le centre de gravité de tout le système ; il faut se demander quels sont les droits des êtres humains sur la fin de leur vie.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce nécessaire changement de vision, un exemple en est la parfaite illustration : l'interruption volontaire de grossesse.

Dans les années soixante, on discuta longuement pour savoir si la médecine, le droit, la législation, la religion, notamment, pouvaient ou non admettre l'interruption de grossesse. Le problème commença à devenir soluble quand on prit progressivement conscience que la question essentielle était de savoir si les femmes avaient le droit de décider d'une interruption de grossesse et dans quelles conditions la société française pouvait leur reconnaître ce droit. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Il fallut encore bien des efforts pour progresser vers la solution, mais l'essentiel était acquis : l'interruption de grossesse, avant d'être un problème médical, était d'abord celui de la société française, qui décidait ou non de reconnaître ce droit, et celui des femmes concernées.

M. Jean-Pierre Plancade. Parfaitement !

M. Jean-Pierre Godefroy. Des oppositions se manifestèrent jusqu'au dernier moment, mais le pouvoir législatif, poussé par une majorité de citoyens, finit par voter, en 1975, une loi selon laquelle la société française reconnaissait aux femmes le droit de demander et d'obtenir une interruption de grossesse, et aux médecins le droit - non le devoir, la clause de conscience étant opposable - de pratiquer une IVG.

La problématique est exactement la même pour la fin de vie.

M. Jean-Pierre Godefroy. Dans son Traité des épidémies, Hippocrate affirmait qu'en ce qui concerne la santé il y a trois choses à considérer : le médecin, le malade et la maladie. De l'antiquité à nos jours, ces trois « m » donnent la règle de toute rencontre thérapeutique : qu'est-ce qui anime non seulement les soignants, mais aussi les malades, leurs proches et, par extension, les citoyens, qui sont des malades potentiels ? Quelles relations établir entre les uns et les autres afin de respecter les valeurs de chacun ?

En un temps très court, la médecine a accompli des progrès considérables, prolongeant la vie de nos concitoyens d'une dizaine d'années en moins d'un demi-siècle. Ces progrès sont d'ailleurs tellement considérables que nous sommes aujourd'hui confrontés à des problèmes éthiques. Ces progrès peuvent faire du médecin une figure toute puissante et du malade un patient, un être passif, selon le dictionnaire.

Aujourd'hui, l'enjeu est d'établir un équilibre entre le médecin et le patient ; c'était l'objet de la loi de juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs, comme de la loi de mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé.

A cet égard, la présente proposition de loi est plus ambiguë. Je ne nie pas qu'elle prenne en considération le droit des malades : elle consacre le principe de l'obstination déraisonnable et le droit de refus d'un traitement ; elle reconnaît également l'existence possible de directives anticipées et le rôle de la personne de confiance.

Mais ce texte est avant tout fait pour les médecins ; tout le monde s'accorde à le reconnaître. Et c'est à la médecine que ce texte continue de donner le dernier mot.

Pendant longtemps, en France, comme dans d'autres pays essentiellement latins, on a constaté un très grand déficit de la réflexion et de l'action sur la façon de développer la qualité de vie des malades et de répondre à la multiplicité des besoins des patients, souvent dépossédés d'eux-mêmes.

Les soins palliatifs sont un modèle qui a permis de reprendre conscience du sens humaniste du soin. Historiquement, le développement des soins palliatifs concerne l'accompagnement des malades en fin de vie, la reconnaissance de la place de la mort, des mourants et des personnes en deuil dans la société. Mais, aujourd'hui, lorsqu'on parle de soins palliatifs, cela ne signifie pas obligatoirement que l'on s'adresse à des mourants ou que l'on ferme la porte à l'espoir : les soins palliatifs s'étendent aussi à des malades en phase curative.

Le droit à l'euthanasie n'exclut pas les soins palliatifs. Le droit à l'euthanasie n'est pas un choix entre la vie et la mort : c'est un choix entre deux façons de mourir.

Je ne partage pas tout l'optimisme du rapporteur, qui considère que ce texte permet à notre pays de se doter d'une législation novatrice, une sorte de « troisième voie » entre le statu quo actuel, auquel plus personne n'adhère, et la reconnaissance de l'euthanasie, qui ne refléterait pas nos valeurs sociales fondamentales.

Monsieur le rapporteur, vous n'ignorez pas que le conseil d'éthique a lui-même reconnu le principe d'une exception d'euthanasie. Vous n'ignorez pas non plus les sondages indiquant que 86 % des Français sont favorables à une loi autorisant à mettre fin à la vie de personnes atteintes de maladies douloureuses ou irréversibles qui en ont fait la demande. En outre, 78 % des médecins généralistes sont favorables à une légalisation de l'euthanasie. (M. le président de la commission s'exclame.)

Il suffit de lire !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Allons donc !

M. Jean-Pierre Godefroy. Loin de moi l'idée de dire que ce texte n'apporte aucun progrès ! Il met fin à une certaine hypocrisie.

Plusieurs études épidémiologiques récentes indiquent que plus de 50 % des décès survenant dans les services de réanimation adultes ou pédiatriques sont précédés d'une décision d'arrêt ou de limitation des soins actifs. M. le ministre a reconnu lui-même que 10 000 à 15 000 machines sont débranchées chaque année, en France.

Ce texte apporte la sécurité juridique aux médecins, certes. Mais il est imparfait et incomplet. Nous détaillerons tous ces éléments au cours du débat.

Ce texte est imparfait, car, sur certains points précis, les solutions qu'il préconise peuvent être améliorées, notamment en ce qui concerne la codécision, la conservation des directives anticipées, l'accès aux soins palliatifs, la révision de la loi. Nous avons déposé des amendements sur tous ces sujets.

Ce texte est ensuite incomplet, car il ne propose qu'un laisser-mourir pour des patients en fin de vie. Aujourd'hui, des évènements de plus en plus fréquents révèlent que le droit français n'est adapté ni aux cas des personnes qui demandent lucidement le droit de mourir ni aux cas des soignants qui la procurent.

Alors que le texte dont nous débattons est inspiré par l'histoire de Vincent Humbert, il n'autoriserait pas celui-ci à obtenir l'aide qu'il demandait. Il entend sa demande de mourir, il la respecte. Toutefois, la seule possibilité qu'il lui offre pour y parvenir est de choisir sciemment de se laisser mourir, perdant ainsi progressivement sa lucidité et ne pouvant assumer pleinement son passage dans un monde meilleur auquel il aspirait, accompagné de ses proches, en paix avec lui-même. Qu'il renonce à son alimentation artificielle, et l'on pourra lui prescrire les doses de morphine nécessaires pour qu'il ne souffre pas pendant les jours, voire les semaines de son agonie.

La personne en état de dépendance faisant appel à une tierce personne pour tous les actes de sa vie - soins, toilette, nourriture, communication - n'a t-elle pas le droit de faire appel à cette même personne pour mettre fin à ses jours dans des conditions que la loi doit très strictement encadrer, dès l'instant où son corps l'en empêche ?

Le suicide n'est pas un acte délictuel, la personne échouant dans son entreprise n'étant nullement poursuivie. Pourquoi refuser cette dernière liberté à la personne totalement empêchée ou handicapée ? N'est-ce pas lui enlever un droit à disposer d'elle-même, pourtant reconnu à tous, parce qu'elle est handicapée et uniquement pour cela ? N'est-ce pas ajouter une souffrance à la souffrance que de ne plus être reconnu comme un individu égal aux autres, parce que la loi ne reconnaît pas à un tiers le pouvoir de se substituer à soi ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Est-ce une liberté que de choisir de réduire sa liberté ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Autoriser une aide active à mourir à certains types de patients ne consiste, en aucun cas, à banaliser un acte qui engagera toujours l'éthique et la responsabilité de ses acteurs. Il s'agit de remédier aux inégalités devant la mort et de fournir à toutes les personnes qui le désirent et qui le demandent une solution appropriée.

L'aide active à mourir sera un jour incontestablement consacrée par le droit ; de grandes démocraties - les Pays-Bas, la Belgique - ont déjà reconnu cette liberté fondamentale sous des formules différentes. Lors des auditions, nous avons bien constaté que, en Belgique, cela se passait très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !

M. Jean-Pierre Godefroy. Mais si ! On nous l'a dit !

Personne ne conteste la très grande tradition humaniste et de respect de la vie de ce pays.

La Suisse, l'Etat de l'Oregon, la Suède permettent le suicide assisté ; le Danemark, l'obligation de se conformer aux directives anticipées ; l'Allemagne la prévoit pour les patients se trouvant dans un coma irréversible, et l'Espagne aussi.

La France y viendra nécessairement un jour ; nous ne pouvons que regretter d'avoir beaucoup de retard sur une telle question, comme cela a déjà été le cas sur d'autres. Le 27 avril, le Conseil de l'Europe abordera cette question grâce à un projet de résolution présenté par M Dick Marty. Ne fermons pas le débat prématurément !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'est jamais fermé !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le débat sur la fin de vie est chargé de fortes émotions, et cela se comprend aisément. Peu d'autres sujets voient se confronter des valeurs aussi importantes et aussi différentes, voire - du moins apparemment - aussi contradictoires ! Certes, problème il y a, et ce serait faire preuve d'aveuglement que de vouloir le nier.

Les formidables progrès de la médecine, le développement de la technologie médicale ainsi que l'évolution des produits pharmaceutiques ont contribué et contribuent encore à prolonger la vie. Une telle conquête et un tel progrès sont indéniables et heureux, mais ils appellent d'autres réponses que celles auxquelles nous pouvons avoir accès aujourd'hui.

La mise en oeuvre de ces moyens permet souvent de retarder quelque peu le moment de la mort, mais au prix de grandes souffrances et en transformant la fin de vie en un véritable calvaire. Au nom de ce qu'ils considèrent comme leur propre dignité et leur propre libre arbitre, certaines personnes sont ainsi conduites à exprimer, lucidement et sérieusement, le désir de mourir. Nous devons entendre ce souhait !

Faut-il continuer à ignorer ce choix ? Faut-il continuer à considérer comme des criminels ceux qui, mus par l'authentique sentiment de pitié et de solidarité, ont aidé ces personnes à mettre en oeuvre leur volonté ?

Mes chers collègues, nous abordons ce débat avec espoir mais aussi avec un certain réalisme : nos amendements en sont le reflet ; c'est le sort qui leur sera réservé qui déterminera notre position finale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce texte nous met face à la question centrale de la vie : la mort, qui nous concerne immédiatement, car nous sommes tous en fin de vie sans le savoir.

Nous sommes particulièrement immatures sur ce sujet, car nous ne voulons pas nous prendre en charge et nous cultivons les paradoxes. Nous prétendons, bien à tort, nous affranchir des interdits ; mais, en même temps, nous développons des tabous, notamment à propos de la mort.

« Couvrez ce "mot" que je ne saurais voir,

Par de pareils objets les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées. »

Notre angoisse est telle que nous nions la mort ; nous l'expulsons de la cité. Nous ne voulons plus la voir ni la montrer. Nous obliger à l'évoquer et à employer le mot de « mourants » constitue déjà l'un des mérites de ce texte.

En ces temps de « jeunisme » et de règne des apparences, nous voulons mourir en bonne santé, le plus tard et le plus rapidement possible. Nous voulons la mort sans nous en rendre compte, ce que l'on appelle « la belle mort ».

Ce déni de la mort est, me semble-t-il, une négation de l'humanité et de sa dignité. Nous nous devons de réfléchir à ce que signifie la « bonne mort », dans un monde où le discours, les rituels sociaux et les représentations symboliques de la mort sont effacés.

D'aucuns considèrent qu'il faut mourir dans la dignité, ce droit devant être un nouvel acquis sociétal, et envisagent le droit au suicide assisté ou à la « mort miséricordieuse », selon l'expression du sinistre docteur Brandt.

A quoi tient la dignité ? Nombreux sont ceux qui pensent que c'est l'image que l'on a de soi ou que l'on donne de soi. Même si le regard des autres peut créer ce sentiment, nous devons échapper à l'idéal totalitaire du corps parfait.

Un homme, même empêché dans l'exercice de ses fonctions les plus hautes, est toujours un homme et doit toujours être considéré comme une personne. Ce ne sera jamais un « légume » ! Le délabrement du corps et la dégradation mentale n'affectent en rien sa dignité. L'humanité ne se retire pas d'un corps parce que la vie le quitte. L'essence de la vie transcende toutes les conditions de notre existence, si difficiles soient-elles.

Si la qualité de la vie humaine devient le critère de la valeur de la vie humaine, cela nous conduit à nier le fondement naturel et culturel de l'égalité et à introduire une éthique dévastatrice de l'inégalité. Cela nous entraîne soit vers le désir de mort et éventuellement l'euthanasie, soit vers le refus de la mort et l'acharnement thérapeutique. Cela nous conduit à une mort médicalisée, technicisée, déshumanisée, en quelques sortes volée.

Nous reléguons les morts dans les coulisses, hors de la vue des vivants, et nous créons ainsi la solitude du mourant, un des grands drames de notre société. Aussi nous faut-il réapprendre à affronter la mort, à l'apprivoiser. Ce n'est facile pour personne : mourir sera toujours une souffrance. Notre société doit se réconcilier avec la mort, donc avec la vie.

Fallait-il légiférer ? Je ne le pense pas.

Sur le plan technique, puisqu'il s'agit de la sécurité juridique des médecins, il suffisait de clarifier le code de déontologie.

Sur le fond, la loi, quoi qu'il arrive, ne soulagera pas les consciences. A vouloir substituer la loi à la morale, quelle société allons-nous créer ? Aussi, je suis convaincu qu'il est regrettable que nous soyons devenus des maniaques de la loi, car elle ne réglera jamais tout. En outre, elle ne doit pas être fonction des sondages, c'est-à-dire des humeurs d'un instant.

Toutefois, le texte proposé a quelques mérites.

En effet, il refuse l'euthanasie ainsi que sa dépénalisation, ce qui est heureux et le moins que l'on puisse attendre. Les solutions adoptées dans certains pays proches comportent de très graves dangers.

L'interdiction de donner la mort est un principe fondateur de notre société. Le transgresser, même pour des raisons compassionnelles, créerait un précédent dont les dérives seraient incontrôlables. Par ailleurs, d'autres considérations, notamment économiques, apparaîtraient rapidement.

Le passage à l'acte d'euthanasie n'est pas une réponse soignante. Soigner consiste à soulager une souffrance, non à faire disparaître le souffrant. Cela fait partie des tentations eugénistes dont on sait où elles ont conduit. Dès l'instant où l'on cesse de respecter l'ultime parcelle d'une seule vie, n'est-on pas entraîné infailliblement sur la pente qui conduit à les mépriser toutes ?

Ce texte refuse aussi l'exception d'euthanasie qui n'eût été qu'un permis de tuer et aurait entraîné la perte de confiance du malade à l'égard des médecins. C'est son second mérite.

Il refuse aussi, à juste titre, l'acharnement thérapeutique, les soins déraisonnables et disproportionnés, ce qui traduit l'acceptation de la condition humaine devant la mort. Toutefois, il faut être vigilant afin de ne pas tomber dans le refus ou l'abandon de soins ou dans des solutions accélérant le cours des choses. Cela ne relèverait plus alors du double effet non intentionnel. Les soins doivent donc être proportionnés.

La proposition de loi préconise de lutter contre la douleur et de développer les soins palliatifs pour une plus grande écoute du malade. Il s'agit évidemment d'une chose nécessaire.

Enfin, ce texte est de nature à rassurer, en partie, les médecins sans pour autant, naturellement, les dispenser de leur responsabilité pénale éventuelle.

Cela étant, ce texte n'est pas sans susciter quelques questions et réticences.

Je commencerai tout d'abord par évoquer l'importance accordée aux directives anticipées. Elles n'ont, me semble-t-il, aucun fondement moral et juridique.

Le désir de mort est un choix de bien portant. Le malade doit être en condition de choisir personnellement et à tout moment ; il ne doit pas subir les décisions ou les choix des autres. Il faut se méfier, à cet égard, des décisions humaines irréversibles. Pour ce qui est des tiers, ne présumons pas que les familles n'ont que des sentiments généreux à l'égard des leurs.

Se pose ensuite la difficile question de l'alimentation et de l'hydratation, que j'évoque dans un amendement que j'ai déposé. Les soins courants et les apports nutritifs doivent être, me semble-t-il, maintenus. L'alimentation n'est pas un traitement consubstantiel à la maladie, c'est un droit fondamental, tel que la toilette, inhérent à la dignité humaine.

Au demeurant, aucune loi ne peut lutter contre la culture de mort qui s'insinue progressivement parmi nous ni assurer la victoire du goût de vivre sur le désir de mort. Ce qui est posé, c'est la place de l'homme dans la société, son rapport à la vie et à la mort. Il nous faut resocialiser la mort, car la vraie dignité, c'est de mourir relié aux autres.

Le droit au respect de la vie est le premier des droits de l'être humain, particulièrement du plus faible. Ce qui est en cause, c'est la fragilité posée par la nature humaine durant toute la vie : un nouveau-né est fragile, un vieillard aux portes de la mort également. Le problème réside dans le regard que la société porte sur cette fragilité, qu'elle refuse de plus en plus. Une société qui ferait de la perfection des apparences, de l'état de santé, un critère de suicide est une société qui a perdu ses valeurs d'égalité devant la mort et la vie, de fraternité et de solidarité.

Il nous faut donc penser à tous ceux qui ont envie de vivre, qui se battent pour cela, notamment les handicapés les plus lourds. Il nous faut accepter la vérité sur la mort et la vie, ce qui est de nature à donner un sens à notre système de santé et à orienter ses choix.

Nous ne soulignerons jamais assez le courage et le dévouement du personnel soignant qui accompagne les personnes mourantes.

La réponse à la solitude du mourant n'est pas de tuer mais d'accompagner de la façon la plus proche possible. Chateaubriand disait : « Ils auraient mieux aimé de nous un sourire pendant leur vie que toutes nos larmes après leur mort ».

Une telle proposition de loi constitue donc pour moi un point extrême à ne pas dépasser ; toutefois, elle s'accompagne d'interrogations, interrogations que j'ai traduites dans les amendements déposés en mon nom.

Aussi, malgré le travail remarquable de notre rapporteur, Gérard Dériot, si le texte devait rester en l'état par souci d'assurer un vote conforme, je m'abstiendrais en redoutant qu'on n'ait ouvert une boîte de Pandore nous menant dans des directions que je ne saurais personnellement envisager. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aucune situation de fin de vie, aucun état de détresse n'est comparable à un autre. La douleur ne se mesure pas. Le rapport avec la mort, avec la souffrance est toujours unique. En la matière, le recours à la norme restera donc toujours un exercice d'une très grande complexité.

Pourtant, au-delà de toute singularité, la question de la fin de vie, qui a longtemps été taboue, fait l'objet de débats de société dans de nombreux pays En effet, dans tous les pays développés, les avancées de la médecine permettent de maintenir artificiellement en vie, parfois pendant de très longues années, des personnes plongées dans un coma profond et irréversible. Par ailleurs, l'évolution des mentalités et la priorité donnée au respect de la volonté individuelle conduisent certains à revendiquer le droit de décider eux-mêmes du moment de leur mort.

Les initiatives en faveur de l'euthanasie se sont donc multipliées dans certains pays. Aujourd'hui, dans les faits, l'euthanasie peut recouvrir plusieurs formes : l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration délibérée de substances létales dans l'intention de provoquer la mort, soit à la demande du malade qui désire mourir, soit sans son consentement, sur décision d'un proche ou du corps médical ; l'aide au suicide, alors que le patient accomplit lui-même l'acte mortel, guidé par un tiers qui lui a auparavant fourni les renseignements ou les moyens nécessaires pour se donner la mort ; l'euthanasie indirecte, c'est-à-dire l'administration d'antalgiques dont la conséquence seconde et non recherchée est la mort ; enfin, l'euthanasie passive, c'est-à-dire le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de la vie.

En France, avec la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs, le législateur a fait un premier pas dans la reconnaissance des détresses et des douleurs liées à la fin de la vie et à la maladie. Cette loi constitua une avancée importante dans la prise en considération des besoins de la personne gravement malade qui souffre physiquement et psychiquement.

Toutefois, si indispensable fût-elle, elle n'a pas épuisé le débat philosophique et moral, car la question de la dépénalisation de l'euthanasie restait sans réponse. Or, si le développement des soins palliatifs fut une remarquable avancée, laquelle doit être amplifiée, certains y ont vu l'opportunité de clore le débat, de fermer la porte à toute discussion sur l'euthanasie, en fait sur le droit d'aider à mourir.

Ainsi, dans notre pays, l'euthanasie ne figure pas dans le code pénal et est assimilée à un homicide volontaire, à un assassinat ou à une non-assistance à personne en danger. Chacun connaît l'histoire de Marie Humbert, cette mère de famille qui, voilà plusieurs mois, a tenté de mettre fin aux jours de son fils Vincent, jeune tétraplégique aveugle et muet, qui avait demandé, par lettre, le droit de mourir au Président de la République. Pour cet acte tragique, il lui a fallu l'aide du docteur Chaussoy. Aujourd'hui, ces deux personnes sont mises en examen.

Ces situations ne sont plus admissibles. La démocratie appelle la transparence et ne peut se satisfaire de l'hypocrisie dans laquelle nous nous trouvons. Chacun le sait, le cas de Mme Humbert et du docteur Chaussoy ne sont pas isolés, chaque jour des pratiques que l'on appelle, peut-être à tort, euthanasiques ont cours dans tous les établissements hospitaliers - j'en fréquentais un pas plus tard que vendredi dernier.

Bien que de tels actes clandestins soient guidés par la compassion dans la majorité des cas, il n'est plus acceptable qu'ils soient pratiqués plus longtemps dans l'opacité. Comme l'écrivait très justement le docteur Frédéric Chaussoy dans son livre Je ne suis pas un assassin : « Moi, mon travail, c'est de sauver des vies et, quand je n'y arrive pas, de faire en sorte qu'elles se terminent sans souffrance et dans la dignité. Et mon opinion, c'est qu'aucune loi ne devrait m'interdire de faire ça ».

Or, après avoir examiné attentivement la proposition de loi - dont le Premier ministre a confirmé qu'elle ne serait pas amendée afin de ne pas en modifier le sens ou la portée - nous considérons qu'elle ne répond pas à l'attente légitime d'une grande partie de la population, profondément émue par l'affaire Humbert et massivement favorable à une loi sur l'euthanasie.

En effet, la question de la fin de vie fait désormais l'objet d'un important débat de société en France. En janvier 2000, le Comité consultatif national d'éthique avait été saisi du sujet. Bien que s'étant opposé à une dépénalisation, il avait ouvert le débat en évoquant une possible « traduction juridique dans l'instauration d'une exception d'euthanasie ».

En décembre 2002, d'après un sondage IFOP publié dans Le Journal du dimanche, 88 % des Français étaient globalement favorables à l'euthanasie pour « des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables ».

En avril 2003, une proposition de loi avait été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale, mais, depuis, nous n'avons plus eu aucune nouvelle ! Ici même, au Sénat, nous avons déposé, avec François Autain et plusieurs collègues, une proposition de loi sur cette question. Mais les déclarations du ministre de la santé laissaient peu d'espoir aux partisans d'une législation qui, selon lui, était susceptible d'« ouvrir la voie à des dérives et à des abus qui mettraient en danger les fondements mêmes de notre société ». Allons !

Le fait de continuer à opposer les soins palliatifs et l'assistance au geste euthanasique nous semble constituer une erreur inspirée par certains préjugés. Entre l'accompagnement des mourants et la possibilité de fixer le terme d'une vie devenue insupportable, il n'y a pas contradiction mais complémentarité. Tel patient qui accepte avec reconnaissance des soins palliatifs peut, à partir d'un certain moment, souhaiter hâter une fin que sa conscience réclame et qu'il ne peut plus se donner seul. Le moment est venu d'aider celles et ceux qui sont dans une situation telle que leur volonté de quitter la vie est devenue plus forte que leur désir d'y rester.

Les propos de Mme de Hennezel, auteur du rapport « Fin de vie et accompagnement », illustrent bien les erreurs induites par cette opposition : « Le docteur Chaussoy affirme ce qu'il pensait devoir faire. Il a arrêté un traitement, il a donné ce qu'il fallait pour que ce garçon ne souffre pas dans les affres de l'agonie. C'est un laisser mourir. Je pense qu'il faut faire la différence entre laisser mourir et donner délibérément la mort ». Il y a là, pensons-nous, une profonde incompréhension ; chacun sait quelles sont les valeurs humaines que défend le docteur Chaussoy.

La douleur extrême, la souffrance insupportable ne sont pas rédemptrices. Il n'est d'ailleurs pas sans signification qu'elles soient encore, ici ou là, inhumainement utilisées pour casser les plus nobles résistances. Rien n'est donc plus important que de les combattre tout au long de la vie, jusqu'au bout de la vie, y compris lorsque les actes qui tendent à les supprimer peuvent avoir pour conséquence de précipiter l'ultime instant d'une vie qui s'en va, d'une vie qui, souvent, est déjà partie, parce qu'elle a perdu tout son sens, parce que s'est délité ce qui est l'essence même de son humanité, le rapport à l'autre, ce seul lien qui permet encore le partage.

Il faut entendre ceux qui, directement ou indirectement, nous demandent de ne pas prolonger artificiellement une vie qui, pour eux, a perdu l'essentiel de sa dimension humaine, quand il n'y a plus du tout ou plus suffisamment à partager, parce qu'ils sont prisonniers, enfermés dans leur douleur, dans leur souffrance, dans leur isolement ou dans leur définitive inconscience. On ne peut condamner une personne à vivre.

Nous ne pourrons faire l'économie de ce débat éthique que certains souhaitent éviter, car la société s'en est déjà emparée. L'opinion est massivement prête à une évolution juridique comparable à celle qu'ont connue beaucoup d'autres pays européens, et la déception risque d'être forte. Nous ne voudrions pas que, demain, un autre cas dramatique laisse penser que la classe politique n'a pas eu le courage de conquérir l'une des dernières libertés qui manque à une civilisation moderne : le droit de tout homme à se retirer dans la dignité.

Bien entendu, le sujet dont nous traitons renvoie à l'intime ; c'est pourquoi notre groupe laissera chacun se déterminer en fonction de ses convictions, de sa conscience. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui nous arrive de l'Assemblée nationale précédé d'une aura exceptionnelle. Il serait l'aboutissement d'un travail parfait, au point qu'il ne faudrait pas y toucher pour préserver l'harmonie de l'édifice.

Il est assurément le fruit d'une préparation exceptionnellement soignée, grâce à la mission d'information conduite par le député Jean Léonetti, à laquelle on doit rendre hommage. Toutefois, je suis toujours perplexe devant les oeuvres prétendument achevées. J'admets volontiers la réalité des chefs-d'oeuvre, mais difficilement en matière législative, surtout quand la perfection aurait été atteinte sans le concours du Sénat. (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai : moi aussi, je suis perplexe !

M. Bernard Seillier. J'admets, dans certaines circonstances bien précises et restrictives, les invitations gouvernementales au vote conforme. Les causes n'en sont jamais particulièrement glorieuses : il s'agit, le plus souvent, de sortir d'un contexte procédural difficile ou d'une urgence affirmée.

Aujourd'hui, c'est le parfait équilibre du texte qui justifierait la soumission au travail législatif de l'Assemblée nationale. Loin de moi l'idée de ne pas reconnaître la mesure de ce texte ! Nos collègues députés ont su trouver une position raisonnable, apparemment équilibrée entre les menaces d'excès. Mais sommes-nous pour autant à l'abri de toute dérive ?

Je voudrais formuler quelques observations liminaires.

La première portera sur le sujet qui est en jeu : notre mort ; personne ne peut prétendre définir par un texte la bonne manière de la préparer et de la vivre, spécialement au terme d'une maladie.

L'essentiel est au-delà du droit positif, même si celui-ci est incontournable. Il faut d'ailleurs reconnaître que les médecins n'ont pas attendu 2005 pour se préoccuper de déontologie et d'éthique de la santé, et que la codification en ces matières a atteint un degré qui pourrait être considéré comme suffisant.

Admettons toutefois que l'évolution des techniques biomédicales conduit à l'apparition de situations inédites dans lesquelles il faut protéger les praticiens de mises en cause abusives, compte tenu d'une judiciarisation croissante de nos sociétés.

Mais faut-il procéder par l'intermédiaire d'un texte qui, par son titre même, suscite des interrogations ? Le droit des malades en fin de vie et le droit des malades et la fin de vie en général suggèrent deux approches opposées. D'un côté, il y a un continuum, tandis que, de l'autre, il y a une confrontation éventuellement provoquée. On glisse insensiblement d'un perfectionnement juridique de notre droit à une législation d'exception. Cela mérite pour le moins un débat.

Ma deuxième observation porte sur un point préoccupant : l'alimentation et l'hydratation.

Qualifier systématiquement de « traitement » ces soins indispensables à toute vie en fait automatiquement les instruments potentiels d'un acharnement thérapeutique.

Cela est difficile à admettre : on se trouve devant un texte qui, certes, protège les médecins contre une interprétation extensive de l'acharnement thérapeutique, mais qui les décharge du même coup, au-delà peut-être du nécessaire, de l'obligation de soins proportionnés à l'état du malade.

On peut très bien concevoir des situations limites où la cessation de l'alimentation artificielle est admissible. Gardons-nous pourtant d'écarter tout débat à ce sujet.

Ce qui me gêne dans ce texte, c'est que s'il s'en dégage, certes, une impression d'équilibre, il s'agit d'un faux équilibre, dans la mesure où y est accordée plus de place au réquisitoire contre les soins déraisonnables qu'au plaidoyer pour la poursuite des soins raisonnables. La voix de la lutte contre l'excès est nettement plus forte que celle du combat jusqu'aux frontières de l'excès.

Or c'est bien dans la quête d'une attitude de sagesse aimante au service d'une autre vie personnelle et unique, que se trouve la grandeur de tous les combats, que se trouve la grandeur du combat de la médecine en particulier.

Méfions-nous de l'illusion de protéger sans risque. Des conséquences étonnantes, mais prévisibles, sont possibles ; l'excès de protection du corps médical ne porterait-il pas alors préjudice à la profession elle-même ?

Au sein de sociétés contemporaines où l'authentifié comme l'hypothétique sont également et aussi puissamment médiatisés, aussi crédibles en apparence, l'expansion des règles de droit n'est pas aussi protectrice qu'on pourrait le croire. Elle ne met pas à l'abri des contentieux de manière absolue. En revanche, elle peut masquer l'essentiel : elle peut laisser penser que le progrès de l'éthique est nécessairement proportionnel au développement de la législation.

S'agissant de la mort, le problème commun à l'humanité est d'éviter d'y trouver la cause de son extinction générale ; au niveau de l'individu, c'est de devoir la subir soit prématurément, soit dans des conditions inhumaines. C'est à ce dernier sujet que se posent les questions les plus délicates et les plus mystérieuses.

La souffrance physique, dans la longue maladie surtout, constituait, récemment encore, une composante inséparable de cette réalité de la mort. Heureusement, la chose est aujourd'hui dominée.

Reste la dignité. C'est là que la réflexion doit se concentrer. C'est ce qui justifie notre travail de ce jour.

Trop souvent, la dignité est confondue avec la capacité des proches à supporter la vue du mourant. Cette position subjective est humainement compréhensible, mais elle est en vérité irrecevable pour fonder la dignité du mourant.

Cette dignité repose sur l'esprit qui forme sa conscience personnelle unique, cet ensemble que, depuis l'antiquité, l'on appelle l'âme et que celui qui en scrute la nature pressent comme transcendante par rapport au temps, donc à la mort.

S'il n'y avait cette réalité mystérieuse et insaisissable, les choses seraient peut-être plus simples. Mais nul ne peut dire si l'humanité existerait encore, après ce qu'elle a dû subir depuis l'origine, sans cette énergie surhumaine qui l'habite et qu'on ne peut que constater. On perçoit encore sa présence en une personne qu'on pourrait croire abandonnée par la vie, mais sur le visage de laquelle on voit pourtant passer un frémissement, s'esquisser un sourire, en réponse à un mot prononcé, à une caresse donnée, à un baiser déposé.

C'est ce mystère de la vie et de la dignité que la personne porte en elle, au-delà des aspects physiques sensibles, qui justifie la problématique de l'accompagnement lorsqu'elle approche de sa fin. C'est ce mystère qui appelle silencieusement un environnement d'amour humain respectueux, désintéressé, authentique.

Cette vérité-là est inaccessible à la loi, car elle est d'un autre « ordre », au sens pascalien du terme. C'est aussi pourquoi la législation doit être si prudente dans son équilibre entre les forces antagonistes qui luttent autour du corps en train de mourir, encore habité d'une vie qui ne se réduit pas aux données biologiques.

Devant cette dimension de conscience, j'estime nécessaire de défendre quelques amendements, non que je trouve le texte mauvais, mais parce que je crois qu'il doit être encore perfectionné. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous le savons par expérience, quand le Parlement adopte une loi à l'unanimité, il est rare qu'elle soit approfondie et totalement satisfaisante.

Il en est ainsi du texte dont nous sommes aujourd'hui saisis et dont je dis tout de suite que pas un de nos amendements ne tendra à modifier les dispositions, si ce n'est un ou deux, qui porteront davantage sur la forme que sur le fond.

Nous sommes unanimement d'accord, au sein du groupe socialiste à tout le moins, sur le droit au refus de l'obstination déraisonnable, déjà reconnu par le code de déontologie médicale et la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, sur le droit pour tout intéressé, sauf s'il a indiqué qu'il ne voulait pas être tenu au courant, d'être avisé par le médecin que le traitement peut avoir pour effet d'abréger la vie. Nous sommes d'accord sur le droit de chacun au refus de tout traitement, y compris l'alimentation artificielle, sur le droit pour le médecin, lorsque le patient est inconscient, de limiter ou d'arrêter tout traitement après une procédure collégiale et la consultation d'une personne de confiance, de la famille, d'un proche ou de directives anticipées avec inscription du tout au dossier. Nous sommes d'accord sur le droit pour chacun à recevoir des soins palliatifs, en service de soins ou en établissement médico-social.

Toutes ces dispositions, nous les voterons.

Il reste qu'elles sont manifestement insuffisantes, et c'est pourquoi nous proposons d'en ajouter d'autres.

Force est de constater que l'Assemblée nationale s'est refusée à mettre la loi en conformité avec la réalité des choses comme avec l'opinion de l'immense majorité des Françaises et des Français.

En octobre 1997 déjà, un sondage de la SOFRES révélait que 84 % de nos concitoyens étaient favorables à l'euthanasie active, 9 % seulement y étant opposés.

En ce moment même, deux films tout récents, l'un américain, l'autre espagnol, remportent tous les oscars et emportent la conviction de leur très nombreux public : Million dollar baby et Mar adentro.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais ce sont des films ; la vie n'est pas du cinéma !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. De même que la discussion générale d'un tel sujet de société ne devrait pas être organisée, il eût été et reste souhaitable que tous ceux qui vont voter ici assistent à la projection de ces deux films.

Peut-être la commission des affaires sociales pourrait-elle demander à MM. Michel Drucker et Thierry Ardisson de présenter ces projections dans notre hémicycle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

La lecture des débats de discussion générale à l'Assemblée nationale est parfaitement édifiante.

Vingt-quatre députés sont intervenus : pour nombre d'entre eux, de droite comme de gauche, le texte issu de la commission spéciale n'est qu'une étape. Pour les autres, elle doit tout au contraire être un aboutissement. Tous se sont félicités d'un consensus général.

Mme Henriette Martinez, députée UMP, a fait remarquer que le vote intervenait trente ans, jour pour jour, après le vote de la loi Veil relative a l'interruption volontaire de grossesse. Nul en revanche n'a fait observer que la loi Veil a été rien moins que consensuelle et qu'elle avait alors à droite tant d'opposants irréductibles qu'elle n'eût pas été votée sans l'apport massif de la gauche.

De même, en octobre 1981, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, certains parlementaires -  dont nous retrouvons certains aujourd'hui - s'opposèrent totalement à l'abolition de la peine de mort, tandis que les autres, en forte majorité, la votaient.

Lors de la discussion du projet de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, sur les vingt-quatre parlementaires intervenant - les deux ministres présents n'en ont pas parlé -dix-huit ont évoqué l'affaire Humbert. Tous ou presque ont reconnu expressément que la commission spéciale était issue de l'émotion qu'avait soulevée cette affaire. Ils ont rendu un hommage appuyé à Vincent Humbert, à sa maman Marie et au docteur Frédéric Chaussoy. Notre collègue et ami Gaëtan Gorce, par exemple, a estimé qu'ils avaient apporté « la démonstration contre le droit et contre la loi que donner la mort peut être aussi un acte d'amour, de compassion et de responsabilité ».(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas toujours, voire rarement !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, incroyable paradoxe, le texte de l'Assemblée nationale n'empêche ni n'aurait pu empêcher que Marie Humbert se retrouve inculpée d'administration de substances toxiques, délit passible de cinq années d'emprisonnement, et le docteur Frédéric Chaussoy d'assassinat, crime passible de la réclusion à perpétuité.

L'Assemblée nationale a travaillé neuf mois. Le Sénat se doit de corriger et d'améliorer le texte. Si la navette a un sens, c'est évidemment celui-là.

Le travail à accomplir est important, il doit être minutieux. Nos suggestions permettent de le faire sans plus tarder.

Il faut faire en sorte que des « affaires Humbert » ne puissent plus relever du droit pénal. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi que, même inconscients, même sans y avoir pensé lorsqu'ils étaient en bonne santé, et donc sans avoir donné de directives anticipées ou désigné de personne de confiance, ceux qui souffrent atrocement et sont condamnés sans pouvoir être soulagés, ceux qui ne peuvent plus vouloir vivre, soient aidés à mourir, sans devoir mourir de faim et de soif, comme l'américaine Terry Schiavo.

Mais parce que cette aide doit évidemment demeurer « l'exception », pour reprendre le terme utilisé par l'avis du Comité consultatif national d'éthique du 27 janvier 2000, cette exception doit être scrupuleusement encadrée.

Respect de la liberté de conscience des médecins, décision collégiale de trois médecins, dont l'un au moins sera médecin hospitalier, comme c'était le cas avant la loi Veil en matière d'avortement thérapeutique, temps de réflexion obligatoire pour tous, patients ou proches inclus, avant confirmation ou renonciation, compte-rendu soumis à une commission régionale de contrôle, saisine possible par la commission régionale d'une autorité nationale de contrôle ayant tout pouvoir d'évocation, existence d'un registre national automatisé des directives anticipées tenu par la même autorité nationale, registre que tout médecin pourra consulter aisément : tous ces éléments permettront un encadrement approprié.

De telles précautions pour encadrer une éventuelle et exceptionnelle assistance médicalisée pour mourir existent à l'étranger, et les premiers rapports démontrent déjà qu'elles évitent tout dérapage.

Le groupe socialiste vous propose donc, mes chers collègues, de compléter par amendements le texte dont le Sénat est saisi.

Reste une question de sémantique. L'assistance médicalisée pour mourir est, dans le langage courant, appelée « euthanasie », terme qui en soi signifie tout bonnement, étymologiquement, « mort douce », du grec eu-thanatos.

Or, ainsi qu'il est écrit dans l'étude du service des affaires européennes du Sénat de janvier 1999, intitulée « l'euthanasie », « dans les faits, l'euthanasie peut recouvrir plusieurs formes  - c'est le Sénat qui parle - :...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le service des affaires européennes qui s'exprime, non le Sénat.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ...l'euthanasie active, c'est-à-dire l'administration délibérée de substances létales dans l'intention de provoquer la mort, à la demande du malade qui désire mourir, ou sans son consentement, sur décision d'un proche ou du corps médical, l'aide au suicide, [...] l'euthanasie indirecte, c'est-à-dire l'administration d'antalgiques dont la conséquence seconde et non recherchée est la mort » - vous reconnaissez là le « double effet » dont il est question dans le rapport de la commission des affaires sociales - « l'euthanasie passive, c'est-à-dire le refus ou l'arrêt d'un traitement nécessaire au maintien de la vie ».

Les euthanasies indirecte et passive sont intégralement légalisées par le texte de l'Assemblée nationale.

Puisque nous acceptons le texte de l'Assemblée nationale, il serait inconséquent que nous proposions d'y ajouter des dispositions utilisant les termes d'« euthanasie active ». Aussi proposerons-nous, dans le cadre d'une procédure parfaitement encadrée, une « assistance médicalisée pour mourir ».

Nous ne proposons pas non plus de modifier le code pénal. Ce serait en effet tout à fait inutile, car celui-ci dispose déjà, dans son article 122-4 : « N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Si vous adoptez, mes chers collègues, les dispositions législatives que nous proposons, la personne qui accomplira les actes que j'ai évoqués ne sera pas pénalement responsable.

En conclusion, je citerai deux hommes dont la pensée doit nous habiter aujourd'hui.

Le premier a écrit dans le journal Libération du 4 février dernier, en faisant l'éloge du film espagnol Mar adentro, consacré au cas de Ramon Sampedro, cas identique à celui de Vincent Humbert :

« Une mission parlementaire mise en place à la suite de la mort de Vincent a débouché sur une proposition de loi visant à améliorer les conditions de fin de vie. Elle a été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en novembre et sera examinée par le Sénat dans quelques semaines. C'est une grande avancée pour nous tous, qu'il faut saluer et soutenir, puisqu'il y est question de dignité et de respect du malade.

« Mais cette future loi n'aurait été d'aucune utilité ni à Vincent ni à Ramon. J'ose à peine raconter l'unique solution qu'elle aurait à leur proposer : il s'agirait, après mûre réflexion, pour ne pas déroger à l'inaltérable "tu ne tueras point" et, de ce fait, ne pas déranger notre confort moral, de cesser de les nourrir. Les laisser mourir, mais entourés des leurs, et surveillés par une équipe de soins palliatifs. Avec "patience et amour ", sans doute ? A quoi ressemblerait une société qui se satisferait de pareils faux-fuyants ? Et que reste-t-il d'humanité dans cette proposition-là ? »

L'auteur de ces lignes, c'est le docteur Frédéric Chaussoy.

L'autre homme, au sens plein du terme, que je veux citer écrivait en 1998, avant de « mourir dans la dignité » : « Notre choix de la mort est un acte de liberté ». C'est notre ancien collègue, notre ami très cher Roger Quilliot. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, tout en remerciant MM. Nicolas About et Gérard Dériot de la façon dont ils ont organisé ces débats, à l'heure où le Gouvernement nous soumet un texte d'une grande importance sur le plan sociétal, texte qui relève du médical, du judiciaire, mais aussi de l'anthropologique, je reste encore perplexe et dubitative.

Certes, nous partageons tous le champ d'axiomes suivant : oui, la phase ultime de la vie interpelle la responsabilité thérapeutique du médecin.

Oui, le devoir de vérité au malade en phase terminale exige du personnel soignant discernement et tact : c'est le principe de proportionnalité.

Oui, il existe un droit pour la personne d'être informée.

Oui, cette vérité communiquée ne la ferme pas à l'espérance.

Oui, la médecine actuelle dispose de moyens susceptibles de retarder artificiellement la mort : à coup d'acharnement thérapeutique, on peut, à tort, la faire reculer.

Oui, la compassion suscitée par la douleur, la souffrance d'enfants handicapés, de personnes atteintes de maux incurables n'autorise aucune euthanasie directe, active ou passive.

Oui, il convient de procurer au malade en phase terminale les traitements médicaux susceptibles d'alléger le côté pénible de la mort et de la souffrance par des soins palliatifs adéquats.

Oui, il existe, Mme le secrétaire d'Etat l'a souligné, une différence radicale entre « donner la mort », acte qui supprime la vie, et « accepter la mort ».

Oui, la fin de vie encadrée, technicisée, peut bouleverser le dialogue singulier entre le médecin et le patient : pour le patient qui s'en rapporte au médecin comme à celui qui peut lui assurer la mort ; pour le médecin qui n'est plus l'absolu garant de la vie.

Oui, devant le mystère, et au-delà de nos engagements, acceptons que certains conçoivent la mort comme un « voyage au pays de l'ombre », que d'autres disent, comme Jean-Paul II, « N'ayons pas peur ! » ou, comme Jean Guitton, « La mort est un voyage épatant que l'on va faire dans un pays merveilleux ! »

Ces considérations d'évidence, nous les partageons tous et certaines sont traduites dans la présente proposition de loi. Nous partageons, je suppose, aussi une autre considération d'évidence : devant l'inconnu, devant le singulier, toutes les certitudes humaines ne chancellent-elles pas ?

Alors, madame la secrétaire d'État, pourquoi légiférer en instituant, d'une certaine façon, une norme générale de comportement ? Pourquoi légiférer sur l'heure de la séparation, sur l'heure de la mort ? Etait-ce nécessaire ? Est-ce possible ? N'est-ce pas présomptueux ?

D'abord, était-ce nécessaire compte tenu du corpus de textes existants ?

L'article 1er de la présente proposition de loi dispose : « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autres effets que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ».

Mais l'article L.1110-05 du code de la santé publique énonce déjà : « Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ». Cela ne correspond-il pas à la formulation proposée, d'autant que le même article du code de la santé publique prévoit, dans son troisième alinéa : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur » et, dans son quatrième alinéa : « Les professionnels de santé » assurent « une vie digne jusqu'à la mort » ?

L'article 2 de la présente proposition de loi prévoit que si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger la vie, il doit en informer le malade.

Mais l'article L.1111-4 du code de la santé publique ne stipule-t-il pas que le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix, ce qui est développé longuement à l'article L.1112 et à l'article L.1116 du code de la santé publique ?

L'article 5 énonce : « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement [...] ne peut être réalisé sans respecter la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale ».

Au-delà d'une réécriture redondante de l'alinéa 4 de l'article L.1111-4 du code de la santé publique, au delà surtout du fait que cet article ne mentionne pas les termes « fin de vie », dans la mesure où la procédure collégiale est déjà définie dans le code de déontologie médicale, pourquoi y revenir ? De plus, l'article L.1111-4 du code de la santé publique précise que : « Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne ». N'est-ce pas une formulation plus large, plus souple que la directive anticipée, dont on ne comprend pas très bien, au travers des articles 8 et 9 de la proposition de loi, comment la personne de confiance sera saisie au moment décisif ?

Je pourrais continuer la démonstration. Il aurait suffi de préciser les articles 36, 37 et 38 du code de déontologie médicale. Cela aurait permis d'introduire plus de souplesse pour peu que le maillage des structures de soins palliatifs en milieu hospitalier, comme à domicile, soit présent sur l'ensemble du territoire.

Telle est ma première interrogation.

Ensuite, est-il possible de légiférer ?

L'acte législatif est une construction soumise aux conditions de toute construction : un axiome singulier, traduit ici par un fait médiatisé, et une proposition du possible, ici la directive anticipée, la personne de confiance et le staff médical - désormais dénommé procédure collégiale - trois éléments devant entrer en étroite relation à l'heure de la séparation.

Mais, madame la secrétaire d'État, ce qui se tient dans cette fin de vie ne déborde-t-il pas inévitablement du lieu de pure logique, de pure procédure où vient se placer le législateur ? Le modèle ne risque-t-il pas de révéler ses illusions et ses faiblesses devant l'inconnu du champ d'anthropologie, devant l'imprévisible de l'expérimentation comme du progrès en matière médicale ?

Dans ces conditions, pourquoi ne pas accepter de faire le deuil du discours universel ? Dans ce qui se donne là, ne devons-nous pas nous contenter du fragmentaire ?

Certes, je comprends l'argument de la judiciarisation. Mais ce texte est-il de nature à anéantir la crainte de la judiciarisation puisque, dans des circonstances, ô combien diverses, le champ axiomatique de la directive anticipée et de la décision collégiale ouvre de multiples possibilités entre : « je n'ai pas entrepris de soins » et « j'interromps un traitement », entre « ne pas faire » et « ne plus faire ». Aussi, dans chaque circonstance, il faudra préciser le champ de validité de ce qui sera proposé. Mais l'ultime fin singulière est-elle de cet ordre ?

L'interstice possible, même avec un texte, n'existe-t-il pas pour conduire à telle ou telle interprétation dans le champ judiciaire ? N'est-on pas en droit de se demander si une telle législation ne conduira pas à l'effet inverse de l'objectif légitimement escompté et ne va-t-on pas voir, par exemple, naître des procès pour abandon de soins ?

Enfin, troisième interrogation, n'est-il pas présomptueux de légiférer sur l'heure de notre mort, de notre fin et de notre séparation ?

En effet, mes chers collègues, nous ne légiférons pas sur la mort à la troisième personne, celle qui est le destin commun de tout ce qui vit et respire, cet événement oecuménique auquel nul n'échappe et dont nul ne revient.

Mais, si nous ne pouvons pas légiférer sur ce destin commun, nous ne pouvons pas davantage légiférer sur la mort à la première personne, celle dont je ne peux parler puisque c'est ma mort. On en parle toujours lorsqu'on est vivant, mais elle n'est jamais là. « Je sais que je mourrai, mais je ne le crois pas profondément », dit Jacques Madaule. Et quand elle survient, c'est pour nous retirer de la terre des vivants ; nous ne pourrons plus rien en dire une fois que nous l'aurons connue !

Victor Hugo nous l'exprime en termes admirables : « Oh, est-il bien vrai que je vais mourir avant la fin du jour ? Est-il bien vrai que c'est moi ? [...] c'est moi qui vais mourir ! moi, le même qui est ici, qui vit, qui se meut, qui respire, qui est assis à cette table ? »

Si familière et si proche qu'elle soit, la mort demeure toujours une inconnue !

Mes chers collègues, ici aucun d'entre nous ne peut indiquer, en toute clarté, le jour et l'heure, la manière et les témoins de ce que sera sa propre mort. La poussée de la vie en nous demeure si vive que, même devant la mort des autres, nous nous prenons toujours à guetter, à veiller, à espérer. La terre entière, même sans référence explicite à Dieu, demeure comme en attente d'un mystère qui est toujours à déchiffrer.

Comme le dit très bien Jankélévitch, l'homme n'est pas fait pour connaître cette date : il est fait pour connaître l'entrouverture, sa vie est toujours entrebâillée par l'espérance, ce qui fait qu'il n'est jamais nécessaire de mourir.

C'est d'ailleurs cette espérance qui est refusée au condamné à mort. Cela est contre nature, inhumain, c'est un temps monstrueux : plus que deux heures, plus qu'une heure, plus que trente minutes, plus que vingt-neuf minutes...

Ni à la troisième personne, ni à la première personne, puisque c'est impossible, nous légiférons donc sur celle qui est tangente aux deux autres, celle qui ressemble le plus à la mienne sans être la mienne, sans être non plus la mort impersonnelle et anonyme du phénomène social. C'est un autre que moi, alors je survivrai ; je peux le voir mourir, c'est un autre que moi et, en même temps, c'est ce qui me touche au plus près. Au-delà, ce serait ma mort. C'est donc la mort à la deuxième personne.

La philosophie de la mort, la législation de la fin de vie qui nous est proposée, offrant ainsi une norme générale de comportement, est faite pour moi par celui qui est à mes côtés. N'est-ce pas, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, présomption de notre part, même si tout acte législatif se construit pour combler une béance ?

Celle-ci, vous en conviendrez, est bien particulière. Tout est fini et l'on pressent que tout continue, tout disparaît et l'on devine que tout transparaît. Ils sont toujours là, ceux qui ne sont plus, on évoque leur mémoire ; et voici que se vivent d'étonnants départs qui rassemblent les absences, qui rendent chacun si présent parce que, quelque part, il y a quelque chose d'autre qui ne peut jamais être nommé dans la loi : l'amour, l'affectivité qui fait aussi humanité et qui constitue bien le coeur de l'homme.

Autant d'interrogations qui, pour l'homme politique qu'est le ministre de la santé, mais aussi pour le médecin du coeur qu'il est, ont dû naître, auxquelles il a dû répondre et qui méritent qu'il les porte à notre connaissance pour qu'elles accompagnent notre décision. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est pas simple, dans notre société, de parler de la mort. Il n'est pas simple non plus de légiférer sur la fin de vie. Quant au droit des malades, il reste encore balbutiant en dépit des premières avancées qu'ont constituées la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

La proposition de loi dont nous allons débattre se place dans la continuité de cet effort de reconnaissance du droit des malades, mais également sur le chemin qui, peut-être, nous mènera vers la reconnaissance d'un droit à mourir dans la dignité.

S'il n'appartient pas au législateur de répondre aux questions ultimes que se posent nos contemporains sur la mort, celui-ci est cependant dans son rôle en légiférant lorsqu'il s'agit de passer de la pénalisation d'un acte à sa reconnaissance en tant que droit.

Si nous discutons aujourd'hui de cette proposition de loi, c'est parce que nous avons tous en tête les événements de l'an dernier : l'exemple de Vincent Humbert, qui avait demandé au Président de la République le droit de mourir, le combat de sa mère et le courage du docteur Chaussoy ; plus récemment, l'exemple de Terry Schiavo aux Etats-Unis ; aujourd'hui, celui d'Eddy de Somer et de tant d'autres, qui ne sont pas sous les feux des médias. C'est également parce que nous sommes de plus en plus nombreux à être confrontés dans nos vies personnelles à des situations dramatiques similaires, et parce que nous savons très bien à quel point nous sommes désemparés face à des personnes aimées, pour lesquelles nous préférons une mort douce et digne plutôt que de les voir partir dans la souffrance.

La médecine a fait d'énormes progrès au cours des dernières décennies ; elle est capable de sauver de la mort des nouveau-nés, des accidentés, et de repousser les limites de la vie des personnes malades d'un âge très avancé. S'il faut bien sûr se réjouir de toutes ces vies sauvées ou allongées, des inconnues demeurent.

Nous ne répondons pas à la situation qu'a vécue Vincent Humbert, ni à celle que vit aujourd'hui le jeune Eddy de Somer. Celui-ci, comme Vincent Humbert, a été sauvé de la mort après son accident de la route, mais il est presque totalement paralysé, et aucune science ou médecine ne pourra lui redonner le dynamisme et la joie de la jeunesse perdus un jour tragique. Eddy de Somer, sa mère et ses médecins se heurtent actuellement aux mêmes obstacles que Vincent Humbert et ses proches. Lui, et tant d'autres encore, attendent donc beaucoup de cette proposition de loi : ils attendent qu'on leur permette de mourir dans la dignité, tout simplement.

A l'heure actuelle, si le code de déontologie des médecins rappelle que le médecin « n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort », il précise également que le médecin fera « tout pour soulager les souffrances » et « ne prolongera pas abusivement les agonies ».

Le texte de la proposition de loi propose un critère de la fin de vie inspiré de la définition donnée par l'Agence nationale d'accréditation des établissements de santé, définition sur laquelle nous pourrons nous appuyer.

Des malades, ou une personne de confiance qu'ils auront désignée, pourront s'en prévaloir dans certains cas afin de prévenir un acharnement thérapeutique ou une prolongation déraisonnable des actes médicaux, voire de l'alimentation.

Chacun est alors renvoyé à lui-même, face au silence de la loi - voire à la loi du silence - sur les pratiques cachées ou secrètement connues des uns et des autres.

C'est ainsi que, en réanimation, 50 % des patients décèdent après décision médicale : c'est le médecin qui décide, souvent seul, d'arrêter un appareil ou de ne pas en ajouter un autre.

Quoi de plus normal, quoi de plus humain que de refuser la douleur et la souffrance des malades liées à la dégradation physique et mentale, de récuser l'acharnement thérapeutique quand l'espoir n'est plus là ?

Il était temps de mettre fin au non-dit, de rendre ces pratiques transparentes. Il est temps de sortir le médecin de son isolement. Pour cela, nous souhaitons voir instaurer un véritable système de codécision entre le malade, la famille et l'équipe de médecins, afin de faire prévaloir le dialogue et la transparence.

Non, ce texte ne répondra pas à toutes les situations. C'est pourquoi les sénateurs Verts et socialistes présentent des amendements pour répondre aux attentes de tous ces malades et accidentés qui, aujourd'hui, souffrent en silence.

J'espère, pour ma part, qu'il sera possible d'aller plus loin encore et de concevoir les droits d'une personne à mourir comme une liberté individuelle, au même titre que, dans le passé, la représentation nationale a permis l'interruption volontaire de grossesse comme un droit des femmes à la maîtrise de leur corps. Je pense que l'opinion publique y est prête, mais que ce sont les hiérarchies sociales, politiques, médicales, voire religieuses, qui s'y refusent aujourd'hui.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Religieuses, oui !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est vrai que le fait d'admettre cette liberté ultime des individus d'abréger leur fin de vie paraît pour ainsi dire subversif par rapport à l'ordre établi.

Nous inspirant des législations belge et néerlandaise visant à instituer le droit d'une personne majeure - ou de sa famille quand il s'agit d'une personne mineure - de demander que soit mis fin à sa vie par un moyen indolore si son état de santé ou la qualité de sa vie l'y conduisaient, nous proposons de créer de nombreux dispositifs d'encadrement, tels le testament de fin de vie ou la vérification par déclarations verbales ou par signes réitérés, ainsi que, pour le médecin, le droit d'objection de conscience à pratiquer un acte d'aide à mourir.

Aujourd'hui, certains peuvent choisir parce qu'ils ont accès aux traitements nécessaires ; d'autres n'ont pas cette possibilité.

Les professionnels de santé redoutent de devoir faire face à des sanctions ordinales ou pénales, y compris dans les cas où ils auraient décidé de ne pas administrer un traitement collégialement jugé inutile.

Une telle crainte justifie le vote de cette proposition de loi. Les sénateurs Verts sont conscients qu'elle ne répond pas à l'ensemble de la problématique posée par la question du droit à mourir dans la dignité, notamment pour les malades ne se trouvant pas en fin de vie. Mais ils espèrent, mes chers collègues, que chacun d'entre vous entendra les appels à l'aide de toutes ces personnes dont le texte qui nous est présenté ne permet pas encore de prendre en compte la situation.

Reprenant les propos de Gaëtan Gorce, président de la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi à l'Assemblée nationale, je dirai que le cri de Marie Humbert, « même s'il n'a pas été totalement entendu, n'est pas resté sans écho » ; c'est ce qui compte.

C'est pourquoi, bien qu'elle n'aille pas aussi loin que nous l'aurions souhaité, nous voterons la présente proposition de loi. Même si, à notre époque, nous ne pouvons peut-être pas encore aller plus loin, il est temps et il est important de légiférer.

Il est également absolument nécessaire de laisser à chacun le temps de faire son cheminement sur la question du droit à mourir. Sur un sujet comme celui-ci, il est en effet bon, un jour donné, de pouvoir acter dans la loi ce qui fait consensus et ce qui doit être reconnu comme un droit.

Ce texte permettra à tout le moins de briser le silence et la solitude, de ne plus laisser les familles et les médecins seuls face à cette responsabilité, et d'engager le cheminement de chacun sur cette question. Il permettra également de faire toute la lumière sur la fin de vie, afin que la transparence soit enfin instaurée et que le droit des malades soit reconnu. Pour les sénateurs Verts, c'est un point de départ qu'il est important d'inscrire dans la loi.

Nous voterons la proposition de loi aussi par pragmatisme, parce qu'elle apporte de nouvelles avancées en termes de droits des malades. C'est parce que nous pensons à ces personnes que le vote de ce texte nous paraît amplement justifié.

Toutefois, l'adoption de cette proposition ne doit aucunement marquer la fin du débat. Nous savons qu'il existe une autre proposition, d'un autre type, qui répond davantage à d'autres situations.

Espérons que nous pourrons un jour, sans attendre des décennies, aller encore de l'avant et reconnaître ce droit individuel à mourir dans la dignité, droit qu'il conviendra alors d'encadrer pour éviter toute dérive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. Gérard Delfau. Elle a raison ! C'est très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi remettre au lendemain ce que l'on peut faire le jour même ?

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons tout entendu cet après-midi, tout a été dit. J'ajouterai cependant quelques mots.

Il a été souligné que légiférer était un exercice difficile. Effectivement, lorsque la loi touche à la dignité de l'être humain, la conscience du législateur est particulièrement sollicitée.

Je ne peux pas imaginer que nous discutions la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie sans évoquer, vous m'en excuserez, le pape Jean-Paul II, humble et abandonné dans la maladie, vivant sa mort en pleine lucidité aux yeux du monde entier. J'ai la certitude qu'il a montré le chemin de la vérité par l'amour confiant pour l'homme dont il a fait preuve tout au long de son pontificat. Il a voulu signifier que vie et mort se confondent dans l'espoir et l'espérance. Il a souvent invité le monde à ne pas avoir peur. Je pense qu'aujourd'hui ce dernier message prend toute sa dimension.

C'est cette peur devant la mort qui semble inspirer le texte de la proposition de loi : peur du malade qui redoute la souffrance, qui redoute de se montrer diminué et de mourir ; peur du soignant qui craint de ne savoir guérir ni traiter utilement, voire de faire l'objet de poursuites ; peur des proches de voir souffrir et de ne savoir ou de ne pouvoir accompagner suffisamment ; peur, en fin de compte, de notre propre mort.

Si j'ai pu comprendre, et même apprécier certains des témoignages qui ont été apportés à cette tribune, d'autres ont eu à mes yeux le mérite de l'honnêteté, de la clarté pour attiser mes craintes. Nous abordons évidemment les rives de l'euthanasie, et toutes les explications sur l'étymologie du mot ne m'ont pas convaincue. Moi qui suis bien portante, je sens que nous prenons le risque de légiférer sur la mort de l'autre.

La proposition de loi est ambiguë, comme notre collègue M. Lardeux l'a si bien montré.

Je me pose également la question de savoir s'il était nécessaire d'édicter une loi alors que le code de déontologie médicale régissait parfaitement les rapports entre le médecin et le patient et que nous ne pouvons imaginer que toutes les pratiques médicales jusqu'alors étaient trop ou n'étaient pas assez utiles ou efficaces. Serait-il nécessaire de légiférer, également, si la reconnaissance de la dignité de toute vie humaine, accomplie dans la mort, était un acte d'amour et de respect de l'autre dans toute la dimension de son être ?

Si les sénateurs sont appelés sages, ce n'est pas seulement le fruit de leur compétence, réelle, bien entendu, pour nombre d'entre eux : c'est également le fruit de leur expérience. Je me dois donc d'évoquer le souvenir de deux exemples récents de proches qui, accompagnés en fin de vie, furent émerveillés de découvrir, à l'annonce de leur maladie, le magnifique élan d'amitié et de solidarité qui est né autour d'eux, leur apportant la certitude qu'ils avaient du prix pour leur entourage, corps médical et corps soignant compris.

M. François Autain. Eh bien ! Ils ont eu de la chance !

Mme Bernadette Dupont. Ils ont été soignés, ils n'ont pas réclamé la mort, ils sont partis confiants et en paix, laissant la paix après eux.

Il reste enfin un point obscur, celui des malades incapables de s'exprimer et qui ne sont pas en fin de vie : je pense aux grands handicapés. Qui décidera si leur vie mérite d'être vécue ?

Nous n'avons ni le droit de mort, ni celui de voler la mort. La commisération et la pitié ne sont pas la charité qui unifie l'être. La charité commande d'apporter ce qui est nécessaire : les soins a minima que sont l'alimentation, même artificielle - ce n'est pas un traitement -, les soins palliatifs pour lesquels il me semble que les crédits doivent être garantis.

On parle beaucoup de soins palliatifs,....

M. François Autain. Justement, parlons-en !

Mme Bernadette Dupont. ...mais jusqu'à maintenant, on ne nous a pas parlé de crédits,...

M. Guy Fischer. Il n'y en a pas ou si peu !

Mme Bernadette Dupont. .... et leur développement n'a pas été très rapide ces dernières années.

Par ce texte, nous devons arriver, moyennant certaines précisions, à préserver la dignité de la vie par un accompagnement fraternel et solidaire et non une aide à la mort légalisée. C'est dans cet esprit que je voterai cette proposition de loi et je serai très attentive au débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aborde moi aussi avec beaucoup d'humilité cette proposition de loi. En effet, il s'agit d'un sujet complexe, difficile qui touche à ce que nous avons en nous de plus intime, notre mort, la mort de nos proches, mais il faut essayer de s'extraire des cas personnels et de la propre idée que l'on peut se faire de sa mort, pour légiférer.

Certes, le texte que nous allons examiner tout à l'heure comporte des avancées et, de ce point de vue, il est satisfaisant. Il reprend un certain nombre de dispositions contenues dans le code de déontologie médicale, ce qui n'était peut-être pas tout à fait obligatoire, mais il affirme de façon plus nette le respect de la volonté et des droits des malades et il introduit la nécessité de développer la culture des soins palliatifs dans les différents établissements de santé, ce qui conduira -  on le dira tout à l'heure - à dégager des crédits en conséquence.

Mais, au-delà des quelques imperfections techniques que l'on a pu constater ici ou là en commission, ce texte s'arrête en chemin. En effet, il règle un certain nombre de cas qui sont connus et qui ont d'ailleurs été évoqués en commission par les professeurs de médecine que nous avons auditionnés : on compte chaque année environ 10 000 à 15 000 décès à la suite d'une injection mortelle et 150 000 à la suite d'actes médicaux qui ont précipité la mort.

Bien sûr, l'adoption des dispositions contenues dans cette proposition de loi permettra de protéger les médecins qui accomplissent de tels actes, et d'ailleurs les tribunaux ne s'y sont pas trompés, puisque le tribunal de grande instance d'Evry, dans une affaire qui a défrayé la chronique en son temps, a déjà rendu une ordonnance de non-lieu sur réquisition conforme du parquet, anticipant en quelque sorte sur le texte qui est en cours de discussion.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les dispositions existent déjà !

M. Jean-Pierre Michel. Cependant, alors que le débat a été engagé à l'Assemblée nationale à la suite de ce que l'on a appelé « l'affaire Vincent Humbert » et que la mission d'information a été créée sur l'initiative du président Jean-Louis Debré moins d'un mois après le décès du jeune Vincent, on peut s'étonner légitimement que cette proposition de loi n'apporte pas de solution aux cas de même nature.

On nous dit que cette proposition de loi pose le principe du droit de laisser mourir, que c'est une position équilibrée et qu'il faut s'en tenir là. Pour l'instant, les avis divergent.

De mon point de vue, il existe un autre droit, qui est celui de demander à mourir et qui peut s'exprimer par l'expression : « la mort opportune ».

Certes, deux principes fondamentaux s'affrontent : d'une part, celui du respect de la vie, qui est le fondement même de nos sociétés, qui devrait d'ailleurs être plus répandu et qui est la raison même de l'engagement des médecins et, d'autre part, celui du respect de la dignité de l'homme et de sa liberté en ce qui concerne la fin de sa vie.

Il faut bien avouer qu'aujourd'hui plus qu'hier, grâce aux progrès considérables des techniques médicales, on peut s'interroger sur le passage entre la vie et la mort.

La seule mort contre laquelle les médecins ne peuvent rien est la mort cérébrale. En effet, on ne peut pas encore remettre en marche un cerveau qui ne fonctionne plus, mais on peut soutenir un coeur qui cesse de battre, on peut retenir pendant des mois le dernier soupir d'un malade grâce à la respiration artificielle, on peut filtrer le sang à la place des reins défaillants, on peut nourrir une personne qui ne peut plus s'alimenter normalement, on peut l'hydrater si elle ne peut plus boire normalement, et on peut même plonger dans un coma artificiel celles et ceux pour qui la douleur serait insupportable.

Pendant longtemps, l'homme n'a eu aucun pouvoir de décision sur le moment où la vie s'arrête. Aujourd'hui, la situation est différente, et grâce à ce que l'on appelle les « machines à vivre », on peut aider un organisme à fonctionner encore malgré tout, pendant des jours, des mois, des années.

Cette réalité doit nous interpeller, comme elle interpelle l'opinion publique ; il existe des exemples en France, mais aussi dans d'autres pays comme les Etats-Unis. Le législateur doit se poser la question de savoir comment répondre concrètement à cette situation, comment mettre le droit en adéquation avec la réalité médicale.

C'est précisément ce que nous vous proposerons, mes chers collègues, avec les différents amendements que le groupe socialiste vous présentera, et notamment celui qui permettrait de répondre à la situation « Vincent Humbert ».

En effet, chacune et chacun d'entre nous peut mettre fin à ses jours si la vie lui semble insupportable. Le suicide n'est pas sanctionné et il est considéré dans notre pays comme l'expression ultime de la liberté individuelle. Pourquoi celles et ceux qui n'ont pas les moyens physiques d'accomplir librement cet acte, alors qu'ils auraient justement toutes les raisons de le faire et de trouver leur vie insupportable - si tant est que l'on puisse encore parler de vie - ne seraient pas autorisés à demander une aide ? Pourquoi ne peut-on apporter cette aide à ceux qui ont perdu l'usage de leur corps, mais pas leur liberté d'adulte, qui sont majeurs et sains d'esprit ?

Nous devons répondre à ces questions et nous devons prévoir les conditions dans lesquelles ces personnes pourront êtres aidés, alors qu'elles ne peuvent plus agir elles-mêmes.

Mes chers collègues, je n'ignore pas que ces considérations mettent en jeu nos convictions les plus profondes, mais je crois que nous devons les dépasser pour atteindre ce qui est le devoir du législateur.

Lors de son audition devant la commission des affaires sociales, M. le ministre nous a dit que ce texte était certainement le plus important que le Parlement ait examiné depuis une trentaine d'années. En outre, je le souligne pour rendre hommage à nos collègues députés, ce texte est d'origine parlementaire.

Le Parlement, c'est l'Assemblée nationale, mais c'est aussi le Sénat, qui examine aujourd'hui ce texte en première lecture. Les sénateurs doivent faire entendre leur voix. Le Sénat participe à la discussion et au vote des lois, il les améliore techniquement et sur le fond ; c'est sa vocation et, j'allais même dire, la raison d'être du bicamérisme. Une longue carrière de député m'a convaincu qu'il apportait des améliorations aux textes qui étaient examinés souvent très rapidement en première lecture. 

Et sur un texte aussi important, notre Haute Assemblée n'aurait rien à dire, comme l'a suggéré, dans son rapport, M. Dériot, à qui je veux rendre hommage pour sa sincérité et sa probité ! Fort heureusement, M. le président de la commission des affaires sociales a présenté ce matin un certain nombre d'amendements qui ont été adoptés par la commission.

J'espère que le Sénat, dans sa grande sagesse, suivra M. le président de la commission, que ce texte sera amendé et qu'ainsi la Haute Assemblée aura fait entendre sa voix.

Mes chers collègues, nous sommes attendus par l'opinion publique. Nous devons apporter notre pierre à cet édifice, nous devons l'améliorer, nous devons aller plus loin dans le sens qui est souhaité par un très grand nombre de nos concitoyens.

Comme l'écrivait Montesquieu dans Les Lettres persanes : « il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante ». Dans ce domaine, plus encore qu'en d'autres, c'est ainsi que l'on doit légiférer.

Pour ma part, c'est aussi avec la conscience de répondre à de vraies demandes, à des cris de souffrance qui ne trouvent pas de réponse que je vous propose, avec le groupe socialiste, de modifier la proposition de loi qui nous est soumise et je ne la voterai qu'à cette condition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Je voudrais tout d'abord dire combien ce débat a été riche, ici comme à l'Assemblée nationale.

Ce texte d'origine parlementaire est le fruit du travail de la mission créée à la suite de la vive émotion suscitée par l'affaire « Vincent Humbert ». A cet égard, je tiens à rendre hommage à vos collègues députés Jean Leonetti, Nadine Morano et Gaëtan Gorce, qui ont réalisé un travail très important.

L'objectif est clair et a d'ailleurs recueilli un certain consensus : il s'agit de replacer le malade, l'être humain, au coeur du débat. Chacun ici, quelle que soit sa conviction, a bien pris conscience du problème de la technicité de la fin de vie et de la mort dans la solitude.

Philippe Douste-Blazy l'a évoqué tout à l'heure, nous ne sommes plus à l'époque où la mort était accompagnée d'un certain recueillement et d'une certaine présence. Aujourd'hui, nombre de nos concitoyens, malgré la technicité des soins, meurent trop souvent seuls.

Comme cela a été rappelé tout à l'heure, il ne s'agit ni de dire qui pourra donner la mort ni de voler la mort. Le présent texte doit nous permettre de réfléchir ensemble au débat de société que certains d'entre vous ont relayé en posant clairement la question : faut-il légiférer sur la fin de vie ?

Pour ma part, je pense que nous devons avancer. Le code de déontologie médicale ne règle pas tout. Même si, comme nombre d'entre vous l'ont souligné avec force, la loi du 4 mars 2002 a permis un certain nombre d'avancées, pour autant, selon le code pénal, le médecin qui déciderait aujourd'hui de mettre fin à un traitement serait toujours poursuivi pour non-assistance à personne en danger. C'est une situation paradoxale et particulièrement éprouvante pour le corps médical, mais surtout pour les malades et leurs proches.

Aujourd'hui, notre préoccupation principale est de parvenir à lever, ensemble, cette ambiguïté, en trouvant une solution équilibrée. La discussion parlementaire sur ce sujet est donc passionnée : ce fut le cas à l'Assemblée nationale et nous l'avons constaté ici même cet après-midi, au travers des suggestions et de certaines interrogations tout à fait directes qui ont été soulevées, notamment sur les soins palliatifs.

A cet égard, je voudrais rappeler que 62 millions d'euros ont été dégagés, pour l'exercice 2005, au bénéfice des soins palliatifs. Vous avez raison, une telle somme était absolument indispensable. Au demeurant, nous devons progresser dans ce domaine, afin que les malades puissent recevoir ces soins partout, qu'ils soient à l'hôpital, en établissement ou à leur domicile.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez au secrétaire d'Etat chargé des personnes âgées de rappeler combien une formation en la matière est indispensable - c'est le sens de l'amendement que nous avons accepté à l'Assemblée nationale -, pour que le malade puisse effectivement recevoir des soins palliatifs, aussi bien à son domicile qu'en établissement. Permettre à chacun de terminer sa vie dans la dignité est une approche à privilégier ; elle nous semble tout à fait essentielle.

C'est à la sagesse de votre assemblée que nous faisons appel sur ce texte. La sagesse, c'est l'écoute des uns et des autres, c'est le dialogue, en vue d'aboutir au texte le plus équilibré possible. A nous de relever, ensemble, le défi : à nous de parvenir, à l'issue du débat, à une position commune, équilibrée, qui, si elle constitue un début pour les uns, une fin pour les autres, soit en tout cas une approche de la fin de vie à la française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et l'affaire Humbert ?

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Demande de priorité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Rappel au règlement (début)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, avant la suspension de nos travaux, je voudrais organiser au mieux le déroulement de notre soirée. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. François Autain. Vous réitérez ! Décidément, vous ne vous renouvelez pas souvent !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Notre soirée sera studieuse et sûrement longue !

J'observe que nous sommes censés entamer l'examen du texte avec quatre amendements portant articles additionnels avant l'article 1er. Or ceux-ci étant motivés par une tout autre philosophie que celle qui a été retenue par la commission, cela ne me semble pas légitime.

Par conséquent, monsieur le président, sans pour autant demander le report de ces amendements en fin de texte,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...auquel cas le planning d'intervention de nos collègues de l'opposition se trouverait complètement désorganisé, je demande simplement l'examen par priorité de l'article 1er, afin que la discussion s'engage à partir du texte qui nous est proposé.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Très bien !

M. Michel Mercier. C'est honnête !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Rappels au règlement

Demande de priorité
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Rappel au règlement (suite)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'examen par priorité de l'article 1er a été demandé par M. About, président de la commission des affaires sociales. Constatant qu'il est absent de l'hémicycle, je pense que le Sénat pourrait revenir sur cette décision et examiner les articles de la proposition de loi dans l'ordre indiqué par le dérouleur.

M. le président. Mon cher collègue, l'examen par priorité de l'article 1er est de droit, puisque le Gouvernement ne s'y est pas opposé et que la commission ne souhaite pas revenir sur cette décision.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Rappel au règlement (suite)

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous ne pouvons que nous incliner devant une telle décision, puisque la demande formulée par M. le président de la commission des affaires sociales a été acceptée par le Gouvernement.

Nous redoutions que l'examen des quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er ne soit reporté à la fin du débat.

Au demeurant, je m'interroge sur les conditions dans lesquelles cette discussion va se dérouler. En effet, M. About est absent !

M. François Autain. M. le rapporteur est là, c'est l'essentiel !

M. Guy Fischer. Certes ! Nous nous posons cependant la question suivante : n'y aurait-il pas la volonté, de la part du Gouvernement, d'aboutir à un vote conforme qui nous priverait d'un véritable débat de fond ? Une telle attitude limiterait la portée de la discussion que nous avons eue ce matin en commission des affaires sociales : nous y avons, en effet, examiné des amendements provenant tout à la fois de M. About, de la commission, de notre groupe et du groupe socialiste.

M. le ministre nous ayant présenté ce texte comme étant le texte le plus important depuis trente ans...

M. François Autain. Ce texte n'a pas été proposé par M. le ministre : c'est une proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale !

M. Guy Fischer. Certes ! Quoi qu'il en soit, M. le ministre a repris cette formule en commission, lorsqu'il est venu présenter le point de vue du Gouvernement sur cette proposition de loi.

Nous nous posons donc de nombreuses questions au sujet de l'absence de M. le président de la commission des affaires sociales. Nous nous retrouvons devant une situation semblable à celle que nous avons connue voilà moins de trois semaines, lors de l'examen du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Par conséquent, nous ne pouvons que dénoncer ces débats tronqués !

M. le président. Monsieur Fischer, nous respectons parfaitement ce qui a été décidé. Par conséquent, sauf raison majeure, nous allons engager la discussion sur l'article 1er.

Je rappelle que l'examen des quatre amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er est reporté non pas à la fin du débat, mais après l'examen de l'article 1er puisque la priorité a été demandée uniquement pour cet article.

L'examen de ces quatre amendements n'a donc été remis en cause ni par la commission ni par la Haute Assemblée.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Rappel au règlement (suite)

M. Jean-Pierre Godefroy. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. Pouvez-vous me préciser le sujet de votre intervention ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit de l'absence du président de la commission des affaires sociales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mon cher collègue, chacun a pu entendre MM. Dreyfus-Schmidt et Fischer sur ce point !

M. Jean-Pierre Godefroy. Si j'apprécie beaucoup mon collègue Guy Fischer, il n'est pas, que je sache, le porte-parole du groupe socialiste ! Dès lors, permettez-moi d'exprimer les inquiétudes de mon groupe.

M. le président. Il me semble que M. Dreyfus-Schmidt appartient au groupe socialiste. On peut donc imaginer qu'il s'est exprimé tout à l'heure au nom de ce dernier.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! J'ai simplement posé une question !

M. le président. Je vous donne donc la parole, monsieur Godefroy, pour un rappel au règlement. Nous passerons ensuite à l'examen de l'article 1er.

M. Jean-Pierre Godefroy. La situation présente nous inquiète. En effet, comme l'a rappelé tout à l'heure Guy. Fischer, voilà quelque temps, lors de l'examen du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, nous avons soutenu le président de la commission des affaires sociales, malheureusement contre l'avis d'une grande partie de la majorité, s'agissant notamment du non-remboursement par la sécurité sociale d'exonérations de charges.

Ce matin, en réunion de commission, nous sommes tombés d'accord sur un certain nombre d'amendements. Nous aurions donc pu nous retrouver, de façon tout à fait logique, sur certains points, avec M. le président de la commission. Je ne vois donc pas comment, privés de sa présence, nous pourrions parvenir à un consensus !

Je suis vraiment très inquiet à propos de la tournure que prennent les événements. S'il s'agit d'obtenir un vote conforme, parce que vous estimez que le Sénat n'a pas à débattre de ces questions et que le président de la commission des affaires sociales outrepasse sa qualité en défendant des amendements, il faut nous le dire ! Nous pourrions tout aussi bien partir immédiatement !

Ainsi, pour un débat qui est le « débat le plus important depuis trente ans » et qui devrait donc être consensuel, comme nous l'avons entendu tout au long de la discussion générale, on procède de cette manière !

J'ose espérer, monsieur le rapporteur, que, du fait de l'absence de M. le président de la commission, vous reprendrez ses positions, en défendant ses amendements, avec nous.

M. Guy Fischer. Vous vous faites des illusions !

M. le président. Nous allons passer à l'examen de l'article 1er.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Art. 1er (priorité)

M. François Autain. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Il me semble, monsieur le sénateur, que chacun a eu l'occasion de s'exprimer sur ce sujet.

M. François Autain. Je serai bref, monsieur le président.

M. Roland Muzeau. Comme d'habitude !

M. le président. Vous savez qu'un rappel au règlement doit avoir un motif précis. Or celui-ci a été, me semble-t-il, explicité, puisque nous avons pu entendre les uns et les autres.

M. François Autain. Il s'agit d'un autre motif !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Autain.

M. François Autain. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole. Je profite non pas de l'absence de M. le président About, que je regrette, comme tous mes collègues, mais de la présence, ce soir, parmi nous, de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, pour l'interpeller sur une publicité qu'il a fait paraître à grands frais, non seulement dans Le Monde, mais dans tous les journaux, concernant le déficit de la sécurité sociale pour 2004.

Je suis bien obligé de lui témoigner de l'admiration pour le talent dont il fait preuve en matière de communication ! Il a en effet réussi à démontrer que ce déficit de 12 milliards d'euros, ...

MM. Patrice Gélard et François Trucy. Quel est le rapport avec la proposition de loi ?

M. François Autain. ... qui est supérieur de 2 milliards d'euros ...

M. le président. Monsieur Autain, quel est le rapport avec la proposition de loi ?

M. François Autain. Il s'agit d'un rappel au règlement, monsieur le président !

M. le président. Sur quel article est-il fondé, mon cher collègue ?

M. François Autain. Je vous le dirai par la suite, monsieur le président ! (Exclamations sur les travées de l'UMP)

M. le président. Non, ce n'est pas possible ! Vous devez avoir un motif pour intervenir !

M. François Autain. On m'a appris à m'exprimer d'abord et à préciser ensuite l'article auquel mon intervention se rapporte !

M. le président. Non, ce n'est pas possible !

M. François Autain. Je vais rechercher le numéro de l'article auquel se rapporte mon rappel au règlement, mais je serai bien évidemment obligé de reprendre mon propos du début. En m'interrompant maintenant, vous le prolongez donc inutilement !

J'étais en train de féliciter M. Douste-Blazy, exceptionnellement présent parmi nous ce soir, de ses talents de communication télévisuelle.

Quand on arrive à prouver que le déficit de 2004, qui est supérieur de 2 milliards d'euros à celui de 2003, est inférieur à ce qui était prévu, il faut être très fort, d'autant plus que ce déficit est supérieur à celui qui a été voté, en 2003, dans la loi de financement de la sécurité sociale ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Parlez donc du droit des malades ! Vos propos n'ont aucun rapport avec la proposition de loi !

M. François Autain. Il faut bien meubler le débat, puisqu'il semblerait que le rôle joué par la Haute Assemblée puisse être négligé !

M. Guy Fischer. Ah ! Le Sénat !

M. François Autain. Il semble en effet que, ce soir, notre assemblée soit muette !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Autain !

M. François Autain. Ne faisant pas de procès d'intention, j'ai l'espoir que, contrairement à ce que mes camarades et collègues craignent, ce texte puisse être discuté sereinement.

Quoi qu'il en soit, je tenais à adresser mes félicitations à M. Douste-Blazy (Protestations amusées sur les travées de l'UMP), qui affirme que l'économie réalisée en 2004 est due à sa réforme, alors que celle-ci n'est pas encore appliquée ! M. le ministre est donc particulièrement fort ! Encore une fois, je regrette que l'on puisse abuser de la sorte nos concitoyens.

M. Josselin de Rohan. Vous avez été meilleur !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons une suspension de séance !

M. le président. Le Sénat va se prononcer sur cette demande de suspension de séance, car permettez-moi de vous dire...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, il faut que je vous explique les raisons pour lesquelles nous la demandons !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous en sommes à un point où ... (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)

Permettez-moi de terminer, monsieur Dreyfus-Schmidt !

En tant qu'ancien vice-président du Sénat, vous connaissez parfaitement le fonctionnement de cette assemblée.

Il se trouve que nous avons débuté cette séance par des demandes de parole variées, pour explication, pour interrogation, pour prise de position, le tout au titre de rappels au règlement ; j'y ai fait droit. Il est temps maintenant d'entrer dans le vif du sujet, d'autant que nous avons quatre inscrits sur l'article 1er.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, un article du règlement me permet de demander une suspension de séance ! Tout de même !

M. le président. Tout à fait, mon cher collègue, et j'ai bien compris que vous demandiez une suspension de séance, sur laquelle je vais d'ailleurs consulter le Sénat.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi au moins d'expliquer pourquoi je demande cette suspension, monsieur le président...

D'une part, nous ne sommes pas certains que le président de la commission des affaires sociales ne finira pas par arriver ; il faudrait l'attendre, s'il doit venir... (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Exclamations sur les travées de l'UMP.)

D'autre part et surtout, ce matin, la commission a adopté des amendements de M. About, qui sont donc devenus ceux de la commission.

M. Gérard Dériot, rapporteurs. Non !

M. le président. Non, en effet !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais bien sûr que si, puisque la commission les a adoptés ! Il faut donc réunir la commission pour savoir si elle entend reprendre ou non ces amendements.

M. Guy Fischer. Il faut réunir la commission !

M. Roland Muzeau. C'est exactement pour poser cette question que j'avais demandé la parole !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez formulé une demande de suspension de séance que vous venez de motiver. Je vais donc consulter le Sénat.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'y êtes pas obligé !

M. Roland Muzeau. Réunion de la commission !

M. le président. Pardonnez-moi, mon cher collègue, mais vous savez parfaitement que le président de séance consulte la Haute Assemblée lorsqu'il l'estime nécessaire.

La commission souhaite-t-elle s'exprimer sur cette demande de suspension ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Non !

M. le président. Je consulte donc le Sénat sur la demande de suspension de séance formulée par M. Michel Dreyfus-Schmidt.

(La demande de suspension de séance est repoussée.- Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le président de la commission des affaires sociales n'est pas soutenu par les membres de sa propre commission !

M. Guy Fischer. Cela commence bien !

M. Roland Muzeau. C'est scandaleux !

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en arrivons donc à l'article 1er, pour lequel la priorité a été ordonnée.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Art. additionnels avant l'art. 1er ou après l'art. 2 ou avant l'art. 3 ou avant l'art. 10

Article 1er (priorité)

Après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, sur l'article.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d'abord dire mon étonnement devant l'organisation du débat.

Le bureau du Sénat a mal mesuré, ce me semble, l'exceptionnelle importance du sujet qui nous occupe : « les droits des malades en fin de vie ». Sinon, comment expliquer que la durée de la discussion ait été sévèrement limitée, obligeant un certain nombre de sénateurs, comme moi, à devoir prendre la parole à la sauvette, à l'occasion d'un titre ou d'un amendement, pour exposer leur point de vue ? Economise-t-on le temps de parole quand il est question de légiférer sur la mort ? Je ne le pense pas.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Gérard Delfau. Une seconde raison aurait dû conduire à une totale liberté d'intervention dans le débat. En effet, non seulement le sujet est unique et d'une extrême gravité, mais le texte nous arrive au terme d'une procédure trop rare au sein du Parlement sous la Ve République : une proposition de loi de l'Assemblée nationale, déposée par un groupe de députés après une année d'auditions, et votée à l'unanimité.

Il est bon de considérer que, sur un sujet aussi difficile, l'Assemblée nationale est arrivée à ce résultat pour encadrer, améliorer, humaniser les pratiques médicales qui accompagnent les fins de vie.

Disant cela, j'indique déjà mon orientation sur le vote final et ce qui m'a dissuadé de déposer des amendements. Non pas que ce texte soit parfait, loin de là ! Même s'il est de bonne facture et s'il comporte de nombreuses avancées significatives, il s'arrête en chemin, comme l'ont fort justement fait remarquer de nombreux sénateurs de gauche.

De fait, ce texte ne répond pas à la demande de mort volontaire adressée au corps médical par un patient gravement atteint et demeuré lucide, emmuré dans une survie inhumaine, mais dont le pronostic vital n'est pas défavorable à un horizon rapproché. Il n'apporte pas de solutions aux centaines de Vincent Humbert qui peuplent nos hôpitaux. Et pourtant, il est né de cette prise de conscience qu'a suscitée le geste du docteur Chaussoy et de Marie Humbert, la maman : donner la mort comme une délivrance... Donner la mort, après avoir donné la vie...

On dira que l'on touche ici à l'intime de l'être, et c'est vrai. On objectera surtout que l'interdit de donner la mort est le fondement de notre société. Evidemment ! Il n'empêche que les progrès fulgurants de la science médicale et, plus encore, l'évolution des esprits face à la souffrance indicible ont changé les mentalités.

L'idée chemine que le droit de choisir le moment de sa mort en cas de grande vieillesse ou d'altération profonde des facultés physiques et intellectuelles, et de bénéficier, si nécessaire, de l'aide médicale pour y parvenir, fait partie des nouveaux droits de l'homme, à condition, bien sûr, que la société sache codifier cette pratique pour exclure toute forme d'euthanasie généralisée.

J'ai conscience en disant cela qu'il s'agit d'une rupture profonde avec l'héritage des religions monothéistes ; il en irait autrement, d'ailleurs, s'il s'agissait des religions orientales. Et je pressens que c'est l'une des nouvelles frontières, l'une des nouvelles formes d'accomplissement du principe de laïcité, dont le sens ne se résume pas à la séparation des Eglises et de l'Etat.

Je mesure le poids de la tradition et le chemin qui reste à parcourir. Tel est mon choix. Je comprends cependant sans peine que d'autres, ayant des options philosophiques ou religieuses différentes, ne veuillent pas emprunter cette voie, pour le moment. C'est pourquoi, logique avec moi-même, je voterai ce texte en l'état, ce qui ne m'empêchera pas, à l'occasion de la discussion des amendements, de préciser ma pensée sur les améliorations substantielles qu'il apporte à l'accompagnement des malades en fin de vie et à l'exercice du si noble et si difficile métier de médecin et de personnel soignant.

Pour la suite, il restera à donner un contenu à la formule du comité consultatif national d'éthique : « inventer l'exception d'euthanasie ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la discussion générale, mon collègue et ami Jean-Pierre Godefroy a évoqué un certain nombre de législations étrangères. Je voudrais livrer quelques éléments d'information à la Haute Assemblée sur l'application de la loi belge.

La Belgique est un pays qui est très proche du nôtre, pas simplement par la géographie, mais aussi par la civilisation et par le droit, totalement calqué sur le nôtre. La Belgique a adopté, il y a un an et demi environ, une loi qui permet l'euthanasie, c'est-à-dire qui permet aux uns de demander la mort, aux autres de répondre à cette demande.

La loi a prévu une commission de trente-deux membres - c'est un peu lourd, mais, en Belgique, il faut toujours une moitié de Flamands et une moitié de Wallons -représentant les sensibilités, les religions, les professions dans leur diversité. Cette commission est chargée d'établir un rapport sur l'application de la loi et est saisie, en conséquence, de tous les cas dans lesquels il a été fait usage des nouvelles possibilités offertes. Ladite commission vient de rendre son premier rapport, après un peu plus d'une année de mise en oeuvre du texte.

Ce document est intéressant à plusieurs titres. On peut y lire, en effet, que, en un an, la commission a été saisie de 260 cas déclarés, avec une augmentation dans les derniers mois, très logique, d'ailleurs, car le texte était mieux connu. Plus intéressant encore, si l'on considère maintenant les personnes qui ont formulé la demande réparties par tranche d'âge, on constate qu'il s'agit pour à peine 20 % de personnes de plus de quatre-vingts ans ; pour 32 % de personnes entre quarante et soixante ans et pour 48 % de personnes entre soixante et quatre-vingts ans. La moitié des demandes émanait de personnes qui étaient en établissement hospitalier, l'autre moitié de personnes résidant à leur domicile ou, pour seulement 5 % d'entre elles, en maison de retraite. Pour un cas seulement, il y avait des directives anticipées, un testament de vie ; dans tous les autres cas, il n'y en avait pas.

Ces différents chiffres nous replacent dans la réalité et évacuent un certain nombre de fantasmes qui peuvent être dans la tête des uns ou des autres.

Si l'on examine maintenant les raisons qui sont avancées à l'appui de cette demande d'aide à mourir, on constate que la principale tient aux souffrances, insupportables, et ce malgré l'administration de médicaments anti-douleur.

Voilà quelques éléments qui devraient, je pense, nous rendre un peu plus sages, surtout après un début de séance qui pourrait faire désespérer de la sagesse de la Haute Assemblée !

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nombre de mes collègues, je me réjouis que la Haute Assemblée puisse débattre aujourd'hui de la fin de vie et de l'euthanasie. Cela n'a pas toujours été le cas, tant ce sujet était tabou, et ce malgré l'investissement et la ténacité de parlementaires tels que Henri Caillavet et, plus récemment, Pierre Biarnès.

On nous propose ici « une loi pour laisser mourir sans faire mourir », selon le propos de Jean Leonetti. Je reconnais volontiers que cette proposition de loi constitue une avancée : pour les médecins, d'abord, et, dans une moindre mesure, pour les malades. Elle est l'aboutissement d'un long travail parlementaire initié à la suite du geste d'amour d'une mère, Mme Humbert, puis d'un médecin, le docteur Chaussoy, qui a ému et bouleversé le pays tout entier. Car c'est une question de société qui s'est alors posée : était-il juste que nous laissions une personne seule face à la responsabilité de donner la mort à son fils, dans la plus totale illégalité, unique moyen pour elle de faire respecter sa volonté de mourir ? Etait-il juste que ce geste d'amour relève toujours, aux yeux de la loi, de l'assassinat ?

C'est tout à l'honneur du Parlement de s'être saisi de cette question, sauf qu'il n'y répond pas vraiment, puisqu'il laisse de côté le cas de Vincent Humbert.

Or le rapporteur de la commission des affaires sociales nous propose d'adopter le texte en l'état, au motif qu'il représenterait un point d'équilibre indépassable. Il ne me semble pas que la lecture à l'Assemblée nationale ait suffi à régler toutes les questions soulevées par ce dispositif législatif au point que celui-ci ne serait pas perfectible : ne serait-ce que sur le plan rédactionnel, des points sont à améliorer. C'est d'ailleurs ce que nous allons vous proposer, mes chers collègues.

Je regrette d'autant plus le positionnement de la commission qu'il aboutit à clore le débat au fond avant même qu'il ait commencé. Cette proposition de loi ne doit pas être une porte qui se ferme, ne serait-ce que parce qu'un tel sujet exige des garanties quant à son suivi et son évaluation.

Ce texte ne doit pas être une porte qui se ferme, en outre, parce que Vincent Humbert n'était pas un cas isolé. Il existe d'autres Vincent Humbert qui attendent la fin de leur calvaire dans un corps qui n'est plus vécu que comme un cercueil. Et il est de notre devoir de parlementaires d'éviter à d'autres Marie Humbert, à d'autres docteurs Chaussoy, de se mettre hors la loi pour faire cesser ce calvaire.

Je ne veux heurter la conscience de personne dans cet hémicycle, mais, je vous le dis comme je le pense dans mon for intérieur : si nous n'apportons aucune réponse à ces situations-là, nous prolongerons ce calvaire.

C'est également prolonger une hypocrisie et une inégalité flagrante car, comme l'a écrit le docteur Chaussoy : «ce que Vincent et Marie ont dû réclamer à cor et à cri, jusqu'au drame que l'on sait, tout enfant, mari ou femme de médecin l'aurait obtenu, sans être obligé d'en appeler au Président de la République, et de rameuter les médias de la France entière. »

Mais certains me diront que l'actuelle rédaction de la proposition de loi apporte une réponse. Ainsi, dans son rapport, notre collègue Gérard Dériot écrit-il que le texte « affirme clairement désormais, pour tous les malades, l'interdit de l'obstination déraisonnable qui s'apparente à l'acharnement thérapeutique ». Il poursuit en prévoyant que le cas de « personnes gravement handicapées dont le pronostic vital n'est pas engagé, mais qui estiment la qualité de leur vie humainement intolérable » sera vraisemblablement évité si l'on renonce, par exemple, « à réanimer une fois supplémentaire une personne lourdement handicapée, alors qu'elle ne l'aurait pas souhaité » ; et qu'enfin « en permettant formellement au malade, quel que soit son état de santé, d'exiger l'interruption des traitements ou d'obtenir du médecin qu'il y procède, dans le respect des procédures applicables » les articles 4 et 5 « apportent une réponse pertinente à ces souffrances particulières. »

Mais cette analyse ne correspond pas au vécu, et encore moins à la volonté de Vincent Humbert, qui ne voulait pas de cette mort-là, indigne et inhumaine de son point de vue.

Notre société n'aurait donc rien d'autre à offrir, comme solution ultime, que l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation, sachant que, pour des patients qui ne sont pas en fin de vie, la fin risque d'être longue et douloureuse, avant de relever, en dernier ressort, d'une prise en charge en soins palliatifs, les malades succombant peut-être alors du double effet induit par le traitement de la douleur ?

Tout le monde s'accorde à reconnaître que ce texte met fin à une hypocrisie, notamment avec la reconnaissance du « double effet », mais nous en créons une nouvelle à l'égard des autres Vincent Humbert.

C'est précisément, ce que, pour notre part, nous cherchons à éviter par nos différentes propositions. Permettez-moi de regretter que notre assemblée ne soit pas mûre pour nous suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Bien qu'il soit déjà inscrit à l'article R. 4127-37 du code de déontologie médicale que, « en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique », nous ne voyons aucun inconvénient à réaffirmer le droit au « laisser mourir », afin de mettre fin à une certaine hypocrisie.

Toutefois, ce texte maintient l'impossibilité de fait d'exercer un autre droit : celui qu'a tout être humain de choisir sa fin de vie et d'être jusque dans la mort l'acteur de sa propre existence.

Nous regrettons, par exemple, que ne soit pas envisagée l'« exception d'euthanasie », comme l'avait suggéré le Comité national d'éthique. L'aide active à mourir qu'avait apportée Marie à son fils est toujours passible d'emprisonnement, alors que ce drame est à l'origine du débat qui nous réunit aujourd'hui.

Qu'en est-il, alors, pour ces patients qui souffrent de pathologies insupportables et incurables ? Quel comportement devons-nous adopter quand ils supplient de leur venir en aide face à un état qu'ils estiment indigne ? Il ne s'agit pas pour moi, en l'occurrence, de stigmatiser l'« obstination déraisonnable » dénoncée par le rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean Leonetti, puisque lui-même précise qu'« un traitement dont le bénéfice est médiocre par rapport à sa lourdeur pour le malade ne doit pas être tenté ».

L'article 1er est inséré dans le chapitre intitulé « Droits de la personne » du code de la santé publique, mais les seules situations qui y sont évoquées concernent les personnes mourantes. Nous rejoignons ici la position du président de la commission des affaires sociales du Sénat, qui proposera ou plutôt avait proposé, dans son amendement n° 49 rectifié, de supprimer cette indication en réintégrant le mot « malade ».

Si l'on s'en tient à la rédaction actuelle, les malades en fin de vie verront, par l'arrêt du traitement, leur état de santé se dégrader, et c'est seulement cela qui, à terme, abrégera leur vie. En revanche, les malades n'étant pas en phase terminale continueront à vivre une agonie aussi inutile que douloureuse. Or l'« obstination déraisonnable » n'est-elle pas aussi en cause dans ces cas particuliers ?

Il s'agit là autant d'un problème de conscience que d'une question de société et il appartient au législateur d'apporter une réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er constitue en quelque sorte le point d'équilibre auquel sont parvenus les députés en rédigeant cette proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Il tend à préciser, en effet, que les actes pratiqués par les médecins ne doivent pas « être poursuivis par une obstination déraisonnable ». C'est donc autour de cette idée que se situe le point d'équilibre du texte qui nous est soumis.

A cet égard, nous sommes sensibles à la qualité du travail qu'a réalisé l'Assemblée nationale et que notre rapporteur nous propose de retenir comme guide de ce qui pourrait devenir, demain, la loi dans notre pays.

Je dois dire que cette idée du refus de l' « obstination déraisonnable » m'apparaît juste. Elle va suffisamment loin dans le sens de ce qui peut être souhaitable, tout en respectant l'essentiel, à savoir la qualité de l'être humain, quelle que soit la situation dans laquelle l'individu considéré se trouve, et la dignité de la personne humaine, qui doit, selon nous, être la mesure de toute chose dans ce domaine.

La règle « guérir si possible, prendre toujours soin » doit sans aucun doute être mise en oeuvre par les médecins, par la famille, par tous ceux qui entourent la personne malade, étant entendu qu'il s'agit là, bien sûr, non d'une règle juridique, mais tout simplement d'un devoir d'humanité.

La valeur intrinsèque et la dignité personnelle de tout être humain restent intangibles, quelles que soient les conditions concrètes de sa vie. Un homme, une femme, même s'ils sont gravement malades ou empêchés dans l'exercice de leurs fonctions les plus hautes, sont et seront toujours un homme, une femme, et ne deviendront jamais un végétal ou un animal. Les médecins, la société ont donc envers ces personnes des obligations morales, nées de la solidarité humaine.

Nous pouvons faire nôtre l'idée de la suspension d'un traitement inutile, disproportionné, ou se limitant à permettre la survie artificielle du malade.

Néanmoins, cet article soulève, selon nous, un vrai problème, celui du traitement.

Nous considérons en effet que, quel que soit l'état de la personne concernée, le fait de lui administrer de l'eau et de la nourriture, même à travers des voies artificielles, représente encore et toujours un moyen naturel de maintien de la vie, et non pas un acte médical.

Par ailleurs, sans être médecin ni particulièrement savant dans ce domaine, je crois qu'on ne peut pas exclure a priori que le fait de priver le sujet malade d'hydratation ou d'alimentation puisse lui causer de profondes souffrances. (M. François Autain s'exclame.) Cela ne peut être exclu, c'est tout ce que je veux dire !

Par conséquent, je souhaite affirmer nettement que, si nous sommes d'accord pour rejeter l'obstination déraisonnable, le respect de la dignité de la personne humaine, quel que soit l'état dans lequel se trouve l'homme ou la femme concerné, nécessite que l'on continue à lui administrer de l'eau et de la nourriture, fût-ce de façon artificielle, à la seule condition de ne pas avoir recours à l'alimentation forcée.

En d'autres termes, si l'on peut utiliser des voies artificielles, il ne doit pas être permis de pratiquer, par exemple, de gastrectomie afin de nourrir de façon forcée une personne en fin de vie.

M. François Autain. Allons bon !

M. Michel Mercier. Monsieur Autain, je vous ai écouté sans vous interrompre et, si je ne suis pas, comme vous, spécialiste de ces questions, j'essaie de dire avec les mots qui sont les miens ce que je ressens. Or cela mérite, me semble-t-il, un respect égal à celui dont j'ai fait preuve à votre égard !

En résumé, je souhaite que nous insistions vraiment sur ce à quoi nous voulons mettre fin, à savoir l'obstination déraisonnable : il faut empêcher d'administrer des traitements qui n'ont pas d'utilité, mais il ne faut en aucun cas qu'il puisse être porté atteinte à la dignité de la personne humaine.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Sénat tout entier, j'en suis sûr, a trop le respect de lui-même pour accepter des textes qui lui viennent de l'Assemblée nationale et qui ne sont pas bons parce qu'il y manque des éléments importants.

Dans l'article 1er de la proposition de loi, il est dit que les « actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. » Nous sommes d'accord sur ce point.

Il est dit ensuite : « Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés et n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie,... » - mais à qui doivent-ils apparaître comme tels, sinon au médecin ? - « ... ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. » Or qui décide, sinon, là aussi, le médecin ?

Enfin, il est ajouté, dans la dernière phrase : « Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de la vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. ». Il s'agit des soins palliatifs.

Or cette disposition pouvant concerner une personne qui n'est pas en phase terminale, il conviendrait de remplacer le mot « mourant » par le mot « malade ». D'ailleurs, ce que je vous dis là n'est autre que l'objet même de l'amendement n° 49 rectifié que la commission des affaires sociales a adopté ce matin...

Plusieurs sénateurs du groupe CRC. A l'unanimité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... à l'unanimité, en effet, et qui porte la signature de M. Nicolas About.

Si nous avions su que le président About serait empêché ce soir, nous aurions pu, avant que ne commence la discussion générale, contresigner cet amendement !

M. Roland Muzeau. Tout à fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Maintenant, nous n'en avons plus la possibilité !

En conséquence, c'est au nom du respect des droits les plus élémentaires des parlementaires que nous vous demandons, monsieur le président, de permettre à la commission de se réunir afin qu'elle puisse une nouvelle fois se prononcer sur cet amendement n° 49 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Ainsi que sur les autres !

M. Josselin de Rohan. Ils sont supprimés !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Effectivement, le président About ne pouvait être présent ce soir.

Toutefois, mes chers collègues, je voudrais vous rappeler qu'aucun amendement n'émanait de la commission. Des amendements ont été présentés, notamment par le président About, sur lesquels la commission a émis un avis, c'est tout. Or le président About ayant retiré ses amendements, ces derniers n'existent plus et l'on peut donc passer immédiatement à l'examen des amendements suivants. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est lamentable !

M. Gérard Dériot, rapporteur. C'est la réalité !

M. Guy Fischer. Ainsi, nous apprenons tout à trac que les amendements de M. About sont retirés !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je tiens à dire à quel point nous sommes mécontents !

M. Roland Muzeau. Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, nous sommes victimes d'une tromperie...

M. Roland Muzeau. Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... et si des pressions ont été exercées pour qu'on en arrive là, nous ne pouvons que le regretter. S'il faut, pour que le texte soit voté conforme, que le Sénat reste muet, cela revient ni plus ni moins à bafouer les droits de notre assemblée et à rendre caduque une longue discussion qui a eu lieu ce matin même en commission des affaires sociales, et au cours de laquelle les membres de cette dernière, à l'unanimité, ont adopté les amendements nos 49 rectifié, 51, 53, 54, 55 et 56 rectifié, déposés par M. About.

Par conséquent, lorsque M. le rapporteur vient nous dire que la commission des affaires sociales n'a pas pris position, je me tourne vers les commissaires pour leur dire que le président About a présenté des amendements, que nous les avons adoptés à l'unanimité et qu'ils sont donc devenus des amendements de la commission ! Dès lors, s'ils sont retirés, monsieur le président, nous les reprendrons, mais, au préalable, nous souhaitons une suspension de séance et une réunion de la commission.

M. le président. Permettez-moi simplement, monsieur Godefroy, de reprendre les propos de M. le rapporteur.

Ce dernier a tenu à rappeler, non pas que ces amendements n'avaient pas été adoptés par la commission, mais qu'il s'agissait d'amendements n'émanant pas de la commission. En effet, ils étaient signés par un seul sénateur - qui, en l'occurrence, est effectivement le président de la commission, - et ont recueilli un avis favorable ; il ne s'agit de rien d'autre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. C'est tiré par les cheveux !

M. le président. Par ailleurs, monsieur Godefroy, sans doute n'êtes-vous pas encore aussi averti que M. Dreyfus-Schmidt du règlement du Sénat. Aussi, je tiens à vous faire savoir qu'un amendement ne peut être repris que lorsque son auteur ou l'un de ses auteurs le retire en séance.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous sommes ici en présence, me semble-t-il, d'un véritable problème.

Certes, monsieur le président, votre mise au point était importante. Mais je crois qu'il faut revenir au fond : on ne peut accepter qu'un certain nombre d'amendements qui avaient reçu l'approbation unanime de la commission soient ainsi purement et simplement balayés, qu'ils disparaissent du fait d'un oukase du Gouvernement !

Tout à l'heure, monsieur Douste-Blazy, après avoir été interpellé par mes amis Guy Fischer et François Autain, vous avez choisi de vous murer dans le silence, ce qui, à mes yeux, est tout à fait inadmissible.

Oui ou non, avez-vous donné l'ordre à vos amis de la majorité parlementaire de procéder à un vote conforme ?

Vous pouvez, bien sûr, répondre par la négative, mais vous savez que c'est un péché de mentir ! Quoi qu'il en soit, je vous en laisse la liberté. (Sourires.)

Il me paraît tout de même important que, s'agissant d'un sujet aussi important que celui dont traite cette proposition de loi - qui ne doit d'ailleurs d'être une proposition de loi qu'au fait que le Gouvernement, une fois de plus, n'a pas eu le courage de déposer un projet de loi, et cela commence à devenir une habitude ! -, les nombreux membres de la commission qui sont présents ce soir reconnaissent au moins que celle-ci a retenu certains amendements à l'unanimité.

Par conséquent, monsieur le président, il paraît pour le moins normal - c'est, je crois, le minimum que vous puissiez faire, même si, ensuite, vous nous « renvoyez dans les cordes » - que vous suspendiez la séance afin que la commission puisse se réunir pour faire toute la lumière sur cette affaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique :

Lorsqu'ils apparaissent disproportionnés ou n'ayant pas d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être limités, suspendus, arrêtés.

 

La parole est à M. Guy Fischer.

Mme Annie David. Il n'y a même pas de réponse sur la demande de suspension de séance !

M. Guy Fischer. Nous n'avons, en effet, obtenu aucune réponse concernant nos demandes de réunion de la commission, et les huit amendements de M. About ont été retirés.

M. Guy Fischer. Les personnes qui assistent aujourd'hui à nos discussions et ceux qui vont lire le Journal officiel s'interrogeront certainement sur la qualité du débat. Nous pressentons qu'il va se dérouler exactement comme celui qui a eu lieu lors de l'examen du projet de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui était pourtant très important et auquel une dizaine de personnes seulement ont participé ; trois ou quatre sénatrices représentant les Françaises et les Français de l'étranger étaient présentes, et la plupart des membres de la commission étaient absents.

Après des mois de travail approfondi et d'auditions, nous pensions, en notre âme et conscience, que ce texte pouvait être amélioré. Et ce matin encore, au sein de la commission, nous espérions qu'un certain nombre de points recueilleraient l'unanimité. Nous regrettons qu'il n'en soit pas ainsi.

Nous estimons notamment que certaines précisions auraient pu être apportées à l'article 1er. Par exemple, les mots : « ils peuvent être suspendus » pourraient être remplacés par les termes : « ils peuvent être limités, suspendus, arrêtés ». L'alinéa en question est trop restrictif en ce qu'il ne vise que les décisions de suspension de traitement ou le fait de ne pas les entreprendre. Or, ces deux situations ne sont pas les seules qui se posent en pratique : on doit également envisager le cas où il s'agit de limiter, voire d'arrêter les traitements en cours.

Premièrement, la notion de traitement inutile est trop ambiguë pour qu'il soit possible de la conserver en l'état. Elle peut même être à l'origine d'interprétations fâcheuses quand on recense les objectifs par rapport auxquels un traitement peut être jugé utile ou inutile. Est-ce en fonction de son coût, de son inefficacité thérapeutique ? Nous souhaitons obtenir des réponses à ces questions.

Deuxièmement, l'article 1er illustre l'une des contradictions de ce texte qui ne fait pourtant que développer, prolonger une disposition ancienne sur l'acharnement thérapeutique figurant déjà dans le code de déontologie médicale et qui viole le principe de la sacralité de la vie. Or, au nom de ce principe, l'acharnement thérapeutique devrait constituer un devoir médical. C'est d'ailleurs à ce titre que la dépénalisation de l'euthanasie est refusée.

Tels sont les éléments de précision que nous souhaitons apporter sur ce point.

M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, remplacer le mot :

apparaissent

par les mots :

sont devenus

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Dans ses articles 1er et 9, la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie fait mention de traitements inutiles pour qualifier les soins susceptibles, sous certaines conditions, d'être suspendus ou interrompus.

Cette expression est plus qu'insatisfaisante. En effet, si un traitement est inutile dès sa mise en oeuvre, il n'a pas à être entrepris.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de faire référence non pas aux « traitements inutiles », mais aux « traitements devenus inutiles ». Un traitement doit toujours paraître utile au moment où il est entrepris, sans quoi il n'a aucune raison d'être. En revanche, il peut devenir inutile compte tenu de l'évolution de l'état de santé du malade.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Payet, MM. Mercier,  Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud et  Merceron, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, remplacer les mots :

inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie

par les mots :

disproportionnés par rapport au but attendu

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a pour objet d'inscrire dans la loi le principe de proportionnalité des soins au but recherché pour apprécier leur suspension éventuelle. Il est donc souhaitable de le préciser.

La formulation actuellement retenue est peu claire et demeure une source d'imprécision : si l'on ne précise pas que les soins sont disproportionnés par rapport au but attendu, la notion de proportionnalité n'est pas clairement définie. Or la proportionnalité se définit toujours par rapport au but recherché.

S'agissant de l'expression « n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie », il convient de rappeler que la vie peut être maintenue artificiellement de multiples manières sans qu'il y ait obstination déraisonnable dans la thérapeutique.

Je citerai quelques exemples pour illustrer mon propos. La dialyse rénale ne peut être arrêtée sans provoquer le décès du patient. S'il est possible de l'interrompre quand le patient est en fin de vie du fait d'un autre problème de santé mettant ses jours en danger, il n'y a pas lieu de l'interrompre quand le patient n'est pas en fin de vie.

Par ailleurs, même s'il n'est pas en fin de vie, un malade soumis à un traitement cardiologique par comprimés, par exemple les bêtabloquants, qui stabilise artificiellement son état cardiaque, peut faire un infarctus et mourir s'il est mis fin aux soins. De nombreuses personnes âgées sont dans cette situation. Leur vie est maintenue artificiellement grâce à un traitement médical adapté, et il n'apparaît cependant pas légitime de l'arrêter.

La formulation actuelle ne convient donc pas, car elle peut ouvrir la porte à un défaut de soins appropriés. Si les traitements proportionnés sont interrompus, il y a maltraitance et non-assistance à personne en danger. Et si, à cet arrêt, est associée la volonté affichée de faire mourir le malade, on peut parler d'euthanasie par omission de soins proportionnés et légitimes. Or l'euthanasie est contraire à l'objectif de cette loi, qui exclut de faire mourir intentionnellement le malade.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Seillier, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, après le mot :

disproportionnés

insérer les mots :

par rapport au but attendu

La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Cet amendement ayant le même objet que le précédent, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.

L'amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Etienne, Mme B. Dupont et M. Lardeux, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, après les mots :

artificiel de la vie,

insérer les mots :

alors même qu'il s'agit de malades en fin de vie,

La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Cet amendement vise à apporter une précision pour qu'il n'y ait aucune confusion avec des malades qui pourraient s'en sortir, comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. La précision rédactionnelle que vise à apporter l'amendement n° 24 rectifié n'ajoute rien au texte, d'autant que le code de la santé publique prévoit déjà ces cas de figure dans d'autres articles. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 20 rectifié, il est évident que le terme « inutile », tel qu'il est placé dans ce texte, s'applique aux traitements dispensés à un moment donné, compte tenu de l'état physiologique du malade. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 12 fait référence aux soins disproportionnés par rapport au but attendu. En fait, la précision sur la proportionnalité me paraît tout à fait inutile, car elle ajoute à la confusion. Le but visé est la guérison ; la proportionnalité doit donc s'apprécier par rapport à l'état de santé du malade. C'est pourquoi la commission estime que cet amendement n'a pas lieu d'être et émet un avis défavorable.

Pour ce qui est de l'amendement n° 57 rectifié, je ne vois pas bien l'intérêt d'ajouter l'expression « alors même qu'il s'agit de malades en fin de vie » aux termes « artificiel de la vie ». On le sait !

Mme Bernadette Dupont. Non, on ne le sait pas !

M. Gérard Dériot, rapporteur. L'obstination déraisonnable est un concept qui doit s'appliquer à tous les malades et toutes les pathologies, et pas seulement aux malades en fin de vie. De plus, ajouter une telle mention ferait double emploi avec les articles 6 et 9 de la proposition de loi. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Concernant l'amendement n° 24 rectifié, à partir du moment où un traitement peut être suspendu, sans que la durée de suspension soit indiquée, il peut tout à fait être arrêté. De même, puisque, par définition, un traitement doit être adapté à la situation du malade, il peut être limité. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 20 rectifié, les médecins ayant pour mission de réévaluer en permanence les traitements en fonction des besoins du patient, le Gouvernement y est défavorable.

Il en est de même pour l'amendement n° 12 de Mme Payet. La précision relative à la disproportion d'un acte par rapport au but attendu n'apparaît pas utile. En outre, les éléments d'appréciation de la proportionnalité d'un acte médical relèvent, me semble-t-il, de la bonne pratique et de la déontologie, et non d'une définition légale forcément restrictive et incomplète.

Quant à l'amendement n° 57 rectifié, les mots proposés figurent déjà dans la suite de cet article, qui évoque la dignité du mourant. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 24 rectifié.

M. François Autain. Je ne partage évidemment pas l'avis que vient d'exprimer M. le ministre. Les dispositions des articles 5 et 9 du texte font bien référence aux limitations ou aux arrêts de traitement en réanimation médicale. Dès lors, je ne vois pas pour quelle raison seule leur suspension devrait être envisagée à l'article 1er.

Le Sénat ne remplirait pas son rôle, contrairement à son habitude, s'il ne venait pas corriger les erreurs que nos collègues de l'Assemblée nationale, malgré leur meilleure volonté, laissent quelquefois se glisser dans les propositions ou les projets de loi qu'ils nous transmettent. Les députés sont sans doute soumis plus que nous à des délais d'examen raccourcis : ils ont moins de recul et peuvent consacrer moins de temps à l'étude des textes.

Sur une proposition de loi dont il n'est pas nécessaire de souligner l'importance -  M. le ministre et moi-même l'avons déjà fait -, il conviendrait que le Sénat n'abdique pas le rôle essentiel qui lui incombe. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que M. le ministre revoie son avis. Un texte adopté en l'état serait, me semble-t-il, incohérent et déséquilibré. D'ailleurs, si les amendements qui ont été déposés par certains d'entre nous ne sont pas retenus, le texte comportera de nombreuses contradictions qui rendront difficiles non seulement sa compréhension mais également son application.

Je regrette que le Sénat, par son attitude, semble fuir une nouvelle fois le débat sur les problèmes, tout de même importants, des droits des malades et de la fin de vie.

Lorsque nous avons essayé de porter le débat sur ces sujets - au moment de l'affaire Humbert, par exemple - et de demander - le groupe socialiste s'était joint à nous - la constitution d'une mission d'information, nous avons reçu une fin de non-recevoir.

Quelque temps après, à l'occasion de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, lorsque je me suis permis, avec des collègues, de déposer des amendements qui préfiguraient un certain nombre d'articles contenus dans cette proposition de loi, j'ai eu la peine de constater que, manifestement, ceux à qui je m'adressais n'étaient absolument pas intéressés par cette question et il n'y a eu aucun débat. M. About était présent, vous l'étiez aussi, monsieur le ministre, et vous vous êtes contenté de désapprouver, sans commentaire, les amendements que j'avais présentés.

Vous ne pouvez pas m'empêcher de penser que, si le débat peut avoir lieu à l'Assemblée nationale, il est interdit dans cet hémicycle et je le regrette. Vous allez, si vous continuez ainsi, faire ressembler notre Haute Assemblée à une assemblée fantoche et donner raison à ceux qui veulent la supprimer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Giraud, pour explication de vote.

M. Francis Giraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis médecin et je ne suis pas le seul dans cette assemblée.

En tant que sénateur, j'ai été, avec Gérard Dériot, rapporteur de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. Le problème de la fin de la vie avait, alors, déjà été évoqué. Dans le texte de l'Assemblée nationale qui nous avait été transmis figurait la nécessité d'une morte digne. Nous avions fait remarquer que la mort n'était ni digne, ni indigne ; selon nous, c'est la vie qui doit être digne jusqu'à la fin, et c'est ce qui a été retenu par les deux assemblées.

En tant que pédiatre, j'ai été confronté à la mort des enfants. C'est différent, car la souffrance des parents et de l'entourage donne une connotation tout à fait particulière. S'agissant de l'accompagnement des enfants en fin de vie- je le dis, car il faut faire repentance dans le monde actuel -, nous n'avons pas tout mis en oeuvre pour lutter contrer leurs souffrances, car, si nous avions été formés à une certaine éthique, nous ne l'avions pas été sur ce problème particulier.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les orateurs pendant la discussion générale. Bien que respectueux des législateurs que vous êtes, mon âge et mon expérience me permettant d'être libre avec vous, je vous avoue que je suis quelque peu abasourdi par le nombre de vos certitudes. Personnellement, je n'ai aucune certitude sur ce qu'il convient très exactement de faire au moment de la mort de ceux qui nous sont confiés, à nous médecins.

La société, la médecine et le corps médical ont évolué. De nombreuses personnes sont aujourd'hui isolées, voire abandonnées. Nous aimerions être sûrs, pour chacun de nous, les membres de notre famille, les êtres qui nous sont chers, que nous serons entourés, au moment du passage, des nôtres, de nos enfants et petits-enfants, ainsi que de cette personne de confiance dont vous parliez dans vos discours et qui devrait être le médecin. C'est la seule certitude que j'ai : je voudrais être entouré des miens et de ce médecin en qui j'aurai confiance. Je n'aurai rien à lui demander, car il saura prescrire le bon dosage de morphine, par exemple. Très sincèrement, je crois que c'est l'essentiel.

Cette proposition de loi n'a pas philosophiquement de raison d'être. Elle nous est uniquement soumise en raison de l'évolution de notre société. Ce sont les cas très cruels, très médiatisés, évoqués par les uns et les autres, ainsi que les souffrances affreuses des jeunes, de leurs parents, du médecin, qui ont conduit l'Assemblée nationale d'abord, puis maintenant le Sénat, à se prononcer sur ces problèmes.

Ce texte, que je voterai, reprend - soyons clairs ! - le code de déontologie, des notions qui nous sont familières, ce que les médecins ont fait de tout temps ! Mais reconnaissons-le, l'évolution de la société a amené une notion inexistante pendant des décennies : la survenue de l'aspect judiciaire. En tant que législateurs, nous nous devons donc de protéger la société, c'est-à-dire à la fois le corps médical et la population.

M. Guy Fischer. Aucun médecin n'a été attaqué jusqu'à présent !

M. Francis Giraud. Le Dr Chaussoy a été accusé !

Moi, contrairement à tous ceux que j'ai entendus, je ne juge personne ; je ne me sens d'ailleurs pas le droit de porter un jugement sur les uns ou sur les autres !

Monsieur le ministre, permettez-moi de faire une remarque. Vous êtes aussi médecin et vous avez eu des responsabilités à l'hôpital. Vous savez que, lorsqu'un décès suspect intervient, la responsabilité pénale est en jeu. Je n'étais pas très favorable aux mandarins, qui décidaient de tout pour tout. Ce temps-là est révolu. En revanche, une responsabilité diluée dans des responsabilités collégiales mérite d'être examinée de près.

Enfin, j'ai entendu, dans cette assemblée, des discours sur les médicaments et les techniques médicales. Mais la loi n'a rien à voir avec l'enseignement de la médecine, ni avec les produits que l'on doit utiliser, lesquels, c'est tout à fait vrai, modifient l'état de conscience ! Dans ce débat, il faut en revenir à des notions simples, telles que la confiance envers la médecine.

Je suis d'accord pour que nous prenions des mesures en raison des changements intervenus dans la société ; elles sont d'ailleurs prévues par ce texte, auquel certains amendements peuvent apporter des précisions.

Voila, sur le fond, ce que j'ai ressenti en écoutant les législateurs que vous êtes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. J'ai procédé à un comptage sérieux. Vingt-quatre voix contre vingt-quatre : l'amendement n'est pas adopté ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. Roland Muzeau. Il y aura une navette, on va pouvoir travailler sérieusement !

M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, on va enfin pouvoir travailler !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, je n'accepte pas que l'un de mes collègues ait dit que nous ne savions pas ce pour quoi nous votions !

Je demande officiellement des excuses ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. J'en prends acte, madame Desmarescaux. Cela étant, tout ce qui se dit pendant un scrutin n'a pas à figurer dans le compte rendu de la séance.

Mes chers collègues, il s'agit d'un sujet suffisamment important pour que le débat soit digne. Ce texte doit pouvoir être adopté à la fois dans la clarté et dans la sérénité. Il n'est pas bon que nous donnions l'image d'une assemblée dans laquelle certains profèrent vis-à-vis de leurs collègues, de façon un peu légère, un certain nombre d'appréciations !

La parole est à M. Josselin de Rohan.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, ainsi qu'à celle de M. Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous me l'avez refusée tout à l'heure !

M. le président. Vous l'avez, entre temps, reformulée, de façon plus confidentielle ! (Protestations sur les mêmes travées.)

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 57 rectifié.

Mme Bernadette Dupont. Je le retire, monsieur le président. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié est retiré.

L'amendement n° 26, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, insérer une phrase ainsi rédigée :

Le médecin doit obtenir le consentement de la personne ; si elle est hors d'état d'exprimer sa volonté, il est fait application de la procédure visée à l'article L. 1111-4.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet amendement vise à rétablir un droit auquel une personne doit pouvoir prétendre, surtout si elle est malade.

De même qu'on ne peut pratiquer aucun acte médical ni entreprendre aucun traitement sans le consentement libre et éclairé du patient, un traitement ne peut être interrompu sans ce même consentement, pour des raisons qui tiennent elles aussi au respect des droits de la personne, quand bien même la justification en serait le refus de toute obstination déraisonnable. Si le médecin interrompait ce traitement de son propre chef, on pourrait considérer qu'il viole les droits des malades tels qu'ils ont été définis encore récemment par le Conseil de l'Europe. Le cas échéant, c'est même l'esprit du troisième alinéa de l'article L. 1111-4, article issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui ne serait pas respecté.

Si cet amendement devait être repoussé par notre assemblée, l'alinéa que vise à insérer l'article 1er du présent projet après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique serait en contradiction avec le troisième alinéa de l'article L. 1111-4.

Notre assemblée a précisément pour objectif d'adopter des textes cohérents. A défaut d'adopter notre amendement, elle y contreviendrait.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Défavorable. Une telle décision est du ressort du médecin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je remarque simplement que tant les argumentations du rapporteur que celles du ministre en réponse à mes interventions sont toujours aussi nourries...

De fait, je ne suis ni surpris ni déçu. Les raisons sont connues : pour ne pas débattre, on émet un avis défavorable, sans autre explication. J'aurais préféré que le rapporteur et le ministre émettent un avis favorable, auquel cas ils auraient été obligés d'argumenter. Mais ils en sont absolument incapables ! (Protestations sur les travées de l'UMP. - M. François-Noël Buffet frappe son pupitre.)

Si vous avez des arguments, alors, exposez-les ! S'ils sont bons, je suis prêt à retirer mon amendement !

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. François Autain. Vous n'avez absolument pas répondu aux observations que j'ai faites. Vous fuyez le débat, vous n'en voulez pas ! C'est inacceptable et même scandaleux !

M. Guy Fischer. C'est une mascarade !

M. François Autain. J'ai honte pour la réputation du Sénat !

M. Josselin de Rohan. Maintenant, ça suffit ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. François Autain. Qu'est-ce que cela signifie ? De quel droit vous permettez-vous ? Je ne vous ai pas interrompu quand vous êtes intervenu ! J'ai passé l'âge d'avoir un professeur !

Mme Michelle Demessine. On n'est pas à l'école !

M. le président. Monsieur Autain, j'avais le sentiment que vous aviez terminé. Je m'apprêtais à donner la parole à M. le rapporteur, qui avait été interpellé !

M. François Autain. Monsieur le président, quand on m'agresse, je réponds !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Monsieur Autain, je vous ai répondu que ce choix relève de la responsabilité du médecin. Il n'y a pas lieu d'envisager autre chose, c'est le médecin qui décide. Il ne peut y avoir d'autre réponse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du texte proposé par cet article pour insérer un nouvel alinéa après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, remplacer les mots :

qualité de sa vie

par les mots :

qualité de sa fin de vie

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet amendement vise à coordonner la rédaction de l'article 1er et celle des articles 4 et 6, en employant la même expression : « qualité de sa fin de vie ».

En effet, je ne comprends pas pourquoi l'article 1er prévoit d'assurer la « qualité de sa vie », expression différente de celle qui est employée aux articles 4 et 6. Dès lors qu'on parle d'un malade que l'on qualifie de mourant, il serait plus cohérent d'utiliser dans cet article l'expression : « qualité de sa fin de vie ».

M. François Autain. C'est un amendement de cohérence et de bon sens, qui ne devrait pas appeler de la part de la commission et du Gouvernement de longs commentaires, j'en conviens ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Je demande simplement une réponse de bon sens, et positive...

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Monsieur Autain, vous avez sans doute raison de rapprocher la rédaction de ces différents articles. Cependant, je ne suis pas certain que la modification rédactionnelle que vous proposez apporte quoi que ce soit.

Le texte fait référence à la dignité du mourant et vise à assurer la qualité de sa vie. Je suis au regret de devoir vous dire que tant que vous n'êtes pas mort, vous êtes toujours en vie ! C'est donc bien de la vie qu'il est question.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Autain, si un mourant est bien en situation de fin de vie - nous en sommes d'accord -, vous conviendrez qu'il est cependant question d'assurer la qualité du reste de sa vie, qu'elle qu'en soit la durée. Par conséquent, votre amendement est inutile.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'ai bien entendu vos explications. Je reconnais volontiers que quelqu'un qui est mourant n'est pas mort ; il est toujours vivant !

Prenons la question autrement : acceptez alors que, dans les autres articles, il soit question non plus de la « qualité de sa fin de vie » mais de la « qualité de sa vie ». Ainsi, ce texte conserverait toute sa cohérence. A défaut, je devrais considérer que vous êtes animés d'arrière-pensées et que vous voulez, contre toute évidence, imposer un texte en dépit de ses nombreuses contradictions et imperfections.

Or, loin de moi cette pensée, évidemment. Je crois que vous avez à coeur d'améliorer ce texte, qui en a grand besoin. C'est pourquoi, une fois encore, je ne comprends pas très bien la réponse que vous m'avez faite.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Notre assemblée a toujours aimé le travail bien fait. Cet amendement vise à rapprocher la rédaction de l'article 1er de celle de l'article 4.

La dernière phrase du texte présenté par l'article 1er pour insérer un nouvel alinéa après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. » Quant à la dernière phrase du texte présenté par l'article 4 pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code, elle est ainsi rédigée : « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

L'objet visé est donc exactement le même, la formulation est exactement la même, sauf qu'on a, semble-t-il, oublié d'intégrer la précision prévue par cet amendement. Notre souci était d'apporter cette qualité qui fait la réputation du Sénat !

M. Roland Muzeau. C'est pertinent !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappelle que cette proposition de loi telle qu'elle nous a été transmise par l'Assemblée nationale a pour intitulé : « Proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie ». Pourquoi ne pas l'avoir intitulée : « Proposition de loi relative aux droits des malades et à la vie » ?

M. François Autain. Ou « à la qualité de la vie » !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes enfin arrivés à un accord général sur un point : ainsi que l'a dit M. de La Palice voilà fort longtemps, « un quart d'heure avant sa mort, il était encore en vie. » (Sourires.)

Il est évident, et cela vient d'être démontré d'une manière péremptoire, qu'en tout autre temps le rapporteur aurait qualifié cet amendement de simple amendement de forme. Il vise, en effet, à une coordination entre deux articles voisins où se retrouve une phrase totalement identique. Vous voulez absolument un vote conforme. Permettez-moi de vous faire remarquer que vous ne l'avez déjà plus en cet instant !

Mais, en tout état de cause, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas digne du Sénat de laisser passer des incohérences comme celle-là. A quoi servons-nous ? Si un texte est mal rédigé, comporte des erreurs, le rôle du Sénat est d'y remédier.

On cite souvent, ici, Clemenceau pour rappeler que le Sénat est la « chambre de réflexion ». En l'occurrence, il n'y a même pas besoin de réflexion, cette modification tombe sous le sens !

En tout cas, nous voterons l'amendement n°25.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Je voudrais apporter quelques précisions pour au moins tenter de sauver l'honneur de notre hémicycle. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Daniel Raoul. A l'impossible nul n'est tenu !

M. Gérard Longuet. Ne soyez pas trop ambitieux, mon cher collègue !

M. Roland Muzeau. En tout cas, il faut essayer. Qui ne tente rien n'a rien !

A l'article 9, il est précisé : « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L.1110-10. »

On est là dans l'incohérence et il suffit de voter l'amendement n° 25 pour redonner un brin de bon sens à cette proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 85, présenté par M. Seillier, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :

La proportionnalité des soins est appréciée en mettant en rapport le genre de thérapeutique envisagée, son degré de complexité ou de risque, les possibilités de son emploi avec les résultats que l'on peut en attendre, compte tenu de l'état du malade et de ses ressources physiques et morales.

La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Je retire cet amendement et me rallie à l'amendement n° 14, qui est identique.

M. le président. L'amendement n° 85 est retiré.

L'amendement n° 14, présenté par Mme Payet, MM. Mercier,  Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud et  Merceron, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :

« La proportionnalité des soins est appréciée en mettant en rapport le genre de thérapeutique envisagée, son degré de complexité ou de risque, son coût, les possibilités de son emploi avec les résultats que l'on peut en attendre, compte tenu de l'état du malade et de ses ressources physiques et morales. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Aucun document juridique ne définit actuellement la notion de proportionnalité. Il s'agit donc de remédier à cette lacune.

La notion de proportionnalité est appréciée en conscience par l'équipe médicale et paramédicale en mettant en perspectives différents critères : le genre de thérapeutique envisagée ; son degré de complexité ou de risque ; les possibilités de son emploi, avec les résultats que l'on peut en attendre ; enfin, les ressources physiques ou morales du malade.

Dans cette évaluation de la proportionnalité des soins, on exclut de donner intentionnellement la mort par défaut de soins, mais on cherche simplement à supprimer les traitements devenus déraisonnables, disproportionnés et inadaptés à la situation.

Cela n'empêche pas d'utiliser raisonnablement tel ou tel traitement exceptionnel si le patient est prêt à en assumer les désagréments et si cela peut lui donner une chance supplémentaire de guérison ou d'amélioration de son état de santé, même si le résultat est aléatoire.

Cependant, ces thérapeutiques peuvent être arrêtées dès que le patient, ses représentants ou l'équipe médicale les considèrent comme devenues disproportionnés à la situation.

Définir ainsi le principe de proportionnalité des soins permet de se rapporter aisément à cette définition dès que ce principe est en cause. Cela concerne tous les autres articles se rapportant à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Il s'agit de la proportionnalité d'un traitement, dont l'appréciation, là encore, relève du médecin et de son savoir-faire. On ne peut donc pas la mesurer de manière administrative.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La précision relative à la proportionnalité d'un acte ne me paraît pas utile. D'abord, elle relève de la bonne pratique médicale et dépend de la déontologie. Par ailleurs, ce n'est pas une définition légale qu'il nous faut trouver. Encore une fois, je crois que c'est un problème de référence médicale, de bonne pratique et de déontologie.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Payet ?

Mme Anne-Marie Payet. Je le retire, monsieur le président. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Payet, MM. Mercier,  Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud,  Merceron,  Vallet,  About,  Nogrix,  Blin,  Pozzo di Borgo,  Kergueris et  Deneux, Mme Morin-Desailly et M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :

« De même que les soins d'hygiène et le maintien d'une température adéquate, l'alimentation et l'hydratation, même artificielles, sont des soins minimaux, ordinaires, proportionnés dus à la personne et ne peuvent être considérés comme des actes médicaux. La suspension de ces soins ordinaires peut être décidée si la personne bénéficiaire le demande avec insistance de manière libre et éclairée (selon la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article L. 1111-4). La suspension de ces soins ordinaires peut être décidée par le médecin s'ils n'atteignent pas leur finalité propre, s'ils sont la source d'un danger pour la personne soignée ou si celle-ci est en phase terminale de son existence. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a pour objet d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la personne soignée a le droit d'être alimentée et hydratée, même de manière artificielle, ainsi que de recevoir des soins d'hygiène et de maintien de la température, selon que son état le requiert.

Il existe quatorze besoins fondamentaux de la personne humaine. Ils ont été présentés par Virginia Henderson devant l'Organisation mondiale de la santé en 1969 et sont enseignés dans toutes les écoles d'infirmières.

Parmi ces besoins, on trouve la nécessité physiologique de boire et de manger, mais aussi de recevoir des soins d'hygiène et de pouvoir bénéficier d'un maintien adéquat de la température.

Les soins qui répondent à ces besoins fondamentaux sont appelés des soins de base, qu'il est toujours légitime de proposer quand la personne ne peut les accomplir elle-même. Ne pas répondre à ces besoins fondamentaux par les soins de base est considéré comme de la maltraitance.

Il existe en France une jurisprudence. Elle concerne, notamment, des parents qui ont laissé mourir de faim et de soif leur enfant, handicapé ou non, des vieillards mal pris en charge par l'entourage, en institution ou à domicile.

Durant la canicule de l'été 2003, des personnes sont décédées faute d'hydratation ou de maintien d'une température correcte, et en raison d'un entourage insuffisant pour répondre à leurs besoins. La conscience de la nation française s'en est fortement émue.

L'alimentation artificielle n'est pas un traitement. L'alimentation en tant que telle est un ensemble de nutriments qui répond à des besoins énergétiques fondamentaux de l'organisme, qu'il soit malade ou bien-portant. L'alimentation administrée de manière artificielle n'est pas un traitement au sens d'un médicament qui soigne une maladie ; c'est une réponse à un besoin physiologique de base.

La disposition proposée légitimerait l'arrêt de l'alimentation artificielle, non seulement chez le patient qui le demande de manière consciente et éclairée, mais aussi chez le patient incapable de donner son avis, à condition de suivre la procédure collégiale proposée dans le texte. Cela signifierait que l'on pourrait arrêter l'alimentation artificielle de personnes gravement handicapées, qui ne sont pas particulièrement en fin de vie.

Mais que fait-on de la non-assistance à personne en danger ? Il y aurait là, très clairement, des situations d'euthanasie par omission des soins de base normalement dus au malade et indispensables au maintien physiologique de sa vie. Si la personne malade doit mourir, ce n'est pas de faim ou de soif, c'est de sa maladie !

Il existe cependant des situations où l'alimentation artificielle peut être légitimement interrompue, et cet amendement le précise.

L'alimentation artificielle peut être interrompue « si elle n'atteint pas sa finalité propre », c'est-à-dire si les nutriments ne peuvent être assimilés correctement, « si elle est la source d'un danger pour la personne soignée » ou « si la personne soignée est en phase terminale de son existence ». Mais en dehors de ces cas particuliers, l'alimentation est la réponse à un besoin physiologique de base.

C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.

M. François Autain. Quelle comédie !

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Un traitement est défini comme une intervention ayant un but médical pour le patient. L'alimentation et l'hydratation dites artificielles sont, pour le malade, une intervention médicale. Elles sont donc assimilables à un traitement.

Ce traitement, conformément aux articles 3 et 6 de la proposition de loi, pourra être interrompu sur décision du malade ou, conformément à l'article 9, sur décision du médecin. L'amendement n°13 rectifié apparaît, dès lors, inutile et redondant.

Par ailleurs, les soins d'hygiène et de maintien d'une température adéquate sont des soins nécessaires à la dignité du malade. C'est une question qu'a d'ailleurs posée le rapporteur. Le médecin est donc garant de ces soins, qui ne peuvent pas être suspendus. Je réponds ainsi, madame Payet, aux questions que vous posez.

C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Payet ?

Mme Anne-Marie Payet. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous trouvons critiquable le fait d'interrompre éventuellement l'alimentation. C'est la raison pour laquelle nous proposons des méthodes plus franches.

Nous connaissons, pour avoir entendu tout à l'heure s'exprimer Mme Payet, son pouvoir de persuasion. C'est pourquoi je pense tout de même devoir présenter un sous-amendement.

Les textes doivent être cohérents. A la fin de cet amendement n°13 rectifié, il est précisé : « ou si celle-ci est en phase terminale de son existence ». Or, dans le texte de la proposition de loi, il est écrit : « si celle-ci est en fin de vie ». Pourquoi, dès lors, employer le mot « existence » ? C'est pourquoi il me paraît souhaitable, dans l'amendement n° 13 rectifié, de remplacer les mots « en phase terminale de son existence » par les mots « en fin de vie ».

Tel est l'objet de notre sous-amendement.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 87, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, et ainsi libellé :

A la fin du texte proposé par l'amendement n° 13 rectifié, remplacer les mots :

en phase terminale de son existence

par les mots :

en fin de vie

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 13 rectifié et au sous-amendement n° 87.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je me suis déjà exprimé sur l'amendement. Quant au sous-amendement, je ne vois pas ce qu'il apporte de plus. J'y suis donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 87.

Mme Anne-Marie Payet. J'approuve le sous-amendement présenté par M. Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, rectifiez votre amendement en ce sens !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 87.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.

M. Jean-Pierre Michel. Nous avons discuté en commission de la question abordée dans cet amendement et évoquée, lors de son intervention sur l'article 1er, par M. Mercier.

Nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des affaires sociales doivent savoir que cette dernière a travaillé, même si, à l'issue de ce débat, il n'en restera rien. Elle a procédé à des auditions, interrogé des sommités dans ce domaine, étudié les amendements et, enfin, elle a écouté la lecture du rapport. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se reporter au compte rendu de nos réunions.

Un certain nombre de médecins ont dit très clairement devant notre commission que, selon eux, cesser d'alimenter et d'hydrater, même artificiellement, un patient ne constituait pas un acte médical. La position de M. le ministre n'est donc pas partagée par l'ensemble de ses collègues médecins !

M. Jean-Pierre Michel. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement de Mme Payet.

En effet, nous estimons que dire qu'il n'existe pas d'autre solution que l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles est la pire des hypocrisies, surtout au vu des souffrances qui seront endurées pendant plusieurs jours par le malade. Ne serait-ce que sur un plan purement humanitaire, il convient d'adopter l'amendement de Mme Payet.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. A titre personnel, je ne saurais voter un tel amendement, même s'il avait été sous-amendé.

Je déplore qu'un tel texte, portant sur une question aussi importante, voire taboue, notamment au sein des familles, donne lieu à ce type d'amendement. Celui-ci me semble, en effet, extrêmement dangereux, car il est porteur de la pire des idéologies ! (M. Gérard Delfau applaudit.)

M. Gérard Delfau. Très bien ! Enfin !

M. Roland Muzeau. Certes, personne n'est obligé de partager mon opinion, mais il me semble évident que cet amendement est directement inspiré par Rome.

Cela nous rappelle le feuilleton de ce drame vécu par une citoyenne américaine, que l'on nous a infligé tous les jours à la télévision, durant quelques semaines. A cette occasion, nous avons entendu tout et n'importe quoi, y compris le pire, en termes de commentaires idéologiques inspirés, notamment, par les débats virulents qui avaient lieu outre-Atlantique.

Je crois très sincèrement que ce débat ne doit pas être l'occasion d'un jeu sibyllin consistant à adopter un amendement particulier pour mettre en échec la majorité gouvernementale. Moi, ce soir, je ne joue pas ! Je souhaite combattre ce type de proposition. C'était déjà mon intention avant d'entrer en séance et pendant les travaux que nous avons menés avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, en rencontrant des médecins, des professionnels de la santé, des représentants des familles et des personnes atteintes par des drames personnels.

C'est à ce niveau que le débat doit se situer, pas à un autre ! Or, ce débat, la majorité présidentielle le refuse, ce qui nous désole profondément. Personne ne parle ! Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, le Gouvernement a édicté un oukase : « silence dans les rangs ! ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et, en plus, sur une proposition de loi, monsieur le ministre !

M. Roland Muzeau. Effectivement, la règle du silence est respectée : M. de Rohan a fait le ménage !

Nous n'avons plus le droit ni de parler ni d'amender. Il nous est même interdit de corriger les erreurs contenues dans le texte de cette proposition de loi.

Je voterai donc, avec une forte conviction, résolument contre l'amendement défendu par Mme Payet, car celui-ci est extrêmement dangereux pour la République même !

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. Tout d'abord, je voudrais dire avec solennité aux membres du groupe socialiste que la fin ne justifie pas les moyens et que certaines alliances sont contre nature.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'une simple erreur !

M. Gérard Delfau. Je m'adresserai ensuite à l'ensemble des sénatrices et des sénateurs : mes chers collègues, en raison de la nature du sujet dont nous traitons aujourd'hui, nous ne pouvons pas poursuivre ce débat sur ce ton et sous cette forme.

M. Roland Muzeau. Absolument !

M. Gérard Delfau. Nous sommes en train de nous déconsidérer ! Nous avons le devoir, sur ce sujet, d'être nous-mêmes, sans user de faux-fuyant et sans tenter de biaiser.

Enfin, je souhaite rappeler à certains membres du groupe de l'Union centriste-UDF - et non à l'ensemble de ce groupe - que l'idéologie de Bush n'a pas sa place en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Je respecte tout à fait la personne et les propos de M. Delfau, mais il n'a pas le droit de caricaturer ce que nous disons. Chacun a le droit de défendre ses opinions, c'est même l'un des fondements de la République, mais à condition de respecter l'autre. Et vous n'êtes pas exempt, monsieur Delfau, de cette obligation qui nous permet de vivre ensemble.

Par ailleurs, je respecte également les propos de M. Muzeau, même si nous n'avons pas la même vision que lui du problème.

M. Roland Muzeau. C'est grave !

M. Michel Mercier. Ce n'est pas la première fois que nous sommes en désaccord, et ce ne sera probablement pas la dernière !

Je souhaite expliquer notre position. Personne n'a, en effet, le monopole de la vérité dans ce type de débat et c'est le dialogue qui permet d'avancer.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'idée selon laquelle la suspension d'un traitement est nécessaire lorsque l'obstination devient déraisonnable. Nous souhaitons simplement que, dans ce cas-là, on respecte la dignité de la personne humaine et que l'on continue à hydrater le malade.

C'est la première fois que j'entends évoquer la possibilité d'un arrêt de l'hydratation, alors même, d'une part, que l'on nous a toujours assuré du contraire et, d'autre part, que cette procédure entraîne chez le malade des souffrances très particulières ! En revanche, j'ai dit tout à l'heure que nous étions opposés à l'alimentation forcée.

Telle est la position que nous défendons. Nous la soumettons à l'approbation de la Haute Assemblée, qui l'acceptera ou non. Mais, en tout état de cause, elle est aussi valable que celle de nos contradicteurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Certains de mes collègues du groupe socialiste ont commis une erreur d'appréciation sur cet amendement n° 13 rectifié, et ils le reconnaissent bien volontiers. Par ailleurs, les arguments de MM. Muzeau et Delfau sont d'une très grande force.

En ce qui nous concerne, nous n'avons pas non plus l'intention de jouer ! Si jeu il y a, celui-ci consiste, de la part du Gouvernement et de la commission, à refuser tous les amendements afin d'obtenir absolument un vote conforme sur cette proposition de loi. C'est pour cette raison que le débat se déroule dans de si mauvaises conditions !

Nous n'avons pas l'intention de susciter des contre- majorités, surtout sur un texte aussi important. Je pense, en effet, que la mesure préconisée par Mme Payet pourrait donner lieu à des situations tout à fait épouvantables, comme celle qu'a connue Terri Schiavo, aux Etats-Unis.

Mais, dans ce genre de situation, quelle solution reste-t-il pour faire face à la souffrance du malade ?

L'arrêt de l'hydratation et de l'alimentation est une mesure d'une hypocrisie absolue puisqu'elle consiste à créer une nouvelle souffrance, que l'on atténue avec des sédations. Puis, on administre de la morphine, dont l'effet est double : il s'agit alors d'une euthanasie passive, déguisée, bien pire que l'euthanasie active demandée par le patient.

Nous n'avons donc pas à transiger : nous ne devons pas voter l'amendement de Mme Payet qui, par ailleurs, présente souvent devant le Sénat des amendements très intéressants.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Lors des débats à l'Assemblée nationale, un député a clairement revendiqué la possibilité d'obtenir, par arrêt combiné de l'alimentation et de l'hydratation, la mort des malades. Il évoquait à ce titre l'application des protocoles euthanasiques étudiés dans l'Etat américain de l'Oregon, où l'euthanasie est légale.

Or la voie française, telle que l'a définie le ministre de la santé, vise à proposer d'autres solutions que l'euthanasie. Il est cependant contradictoire de défendre cette troisième voie tout en proposant des dispositions qui, pour certaines, permettraient de mettre en oeuvre une forme d'euthanasie délibérée qui ne dit pas son nom.

La proposition de loi étudiée actuellement, dans son exposé des motifs, assimile l'alimentation à un traitement. Or, cette assimilation abusive ouvre la porte à de telles interprétations, non voulues par les auteurs de ce texte. En effet, un soin est toujours dû, tandis qu'un traitement peut être inutile ou disproportionné.

Afin de marquer clairement notre refus des situations où, sur fond de conflit familial, comme nous l'avons vu récemment aux Etats-Unis, un patient pourrait se voir privé de nourriture ou d'eau, sans l'avoir d'ailleurs demandé, il nous faut sortir de cette confusion. Ce serait, d'une certaine façon, le moyen de répondre aux protestations de Marie Humbert, qui a reproché à cette proposition de loi de permettre une telle issue.

La troisième voie française est-elle celle du refus de l'euthanasie et de l'acharnement thérapeutique ou celle de l'acceptation d'une forme particulièrement insidieuse d'euthanasie dissimulée ? C'est la question qui nous est posée.

Par ailleurs, monsieur Delfau, s'il est vrai que les parlementaires ne doivent pas faire référence à leurs convictions religieuses, ils ne sont pas obligés non plus de les étouffer.

M. Gérard Delfau. Comme cela, c'est clair !

Mme Anne-Marie Payet. Il est normal que les parlementaires catholiques, en examinant cette proposition de loi, pensent, ce soir, à la mort du Pape. Nous ne pouvons pas nous en empêcher ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. C'est insupportable !

Mme Anne-Marie Payet. Par ailleurs, je n'ai pas non plus l'impression, ce soir, de jouer !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. La volonté du Gouvernement d'obtenir un vote conforme et de museler le débat conduit au résultat auquel nous assistons. C'est très clair !

S'agissant de l'amendement n° 13 rectifié, je partage à 150 % les propos de Roland Muzeau. En effet, il ne faut pas s'y tromper : cet amendement est l'écho direct des évènements qui viennent de se produire aux Etats-Unis.

Mme Payet a également fait référence à la mort du pape Jean-Paul II : de toute évidence, il s'agit bien de la même configuration idéologique. Cet amendement, j'en suis certain, a été pensé, réfléchi, je n'ose pas dire à Rome ou au Vatican, comme Roland Muzeau, ...

M. Roland Muzeau. Parce que tu es moins bien informé que moi ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. ... mais tout au moins à Lyon. N'est-ce pas, monsieur Mercier ? (Sourires.)

M. François Autain. De façon collégiale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que l'on espère collégiale !

M. Guy Fischer. Nous ne pouvons pas accepter cet amendement.

Je ne répondrai pas aux arguments qui ont été développés. Je me contenterai de citer les propos de certaines personnalités reçues lors des auditions que nous avons menées, notamment les représentants des diverses religions et de la franc-maçonnerie.

Bien entendu, ce débat, au coeur des données philosophiques et religieuses, a été très intéressant.

Le représentant de l'épiscopat français, Mgr Minnerath, a exprimé son point de vue : le rôle du médecin consiste à entretenir la vie sans toutefois se livrer à un acharnement thérapeutique. Là, les choses étaient claires. Pour lui, on ne peut considérer qu'un médecin commettrait un homicide en renonçant à des soins curatifs inutiles.

Il est revenu à plusieurs reprises sur ce problème et s'est interrogé sur les déclarations du rabbin Michel Guggenheim, représentant de la communauté juive, qui s'inquiétait des dispositions prévues par la loi instaurant la possibilité d'un arrêt de l'alimentation et de l'hydratation du malade.

Le rabbin Michel Guggenheim a été explicite : il a estimé que « les médecins devraient être libérés par une clause de conscience de l'obligation de déférer à la volonté du patient de ne pas s'alimenter. L'arrêt de toute alimentation constitue pour la religion juive la transgression d'un interdit, car elle provoque indirectement la mort. »

Cet amendement nous ramène à ce débat philosophique. Je respecte Michel Mercier, son auteur. Nous nous connaissons très bien. Pour vivre ensemble dans l'agglomération lyonnaise, nous savons comment les choses se passent. Et j'aurais pu parler des francs-maçons !

A partir de là, il faut être très clairs et le dire :c'est bien la version défendue par Roland Muzeau qui est conforme à la réalité.

Nous nous opposerons donc à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Francis Giraud, pour explication de vote.

M. Francis Giraud. Je tiens à exprimer mon étonnement - et le mot est faible ! - au sujet de cet amendement.

Dans mon esprit, le rôle du législateur est de fixer des règles, une route à suivre. Il ne lui revient pas de transformer la loi en un registre de prescriptions médicales, lesquelles relèvent du médecin, sauf à admettre que, la population française n'ayant plus confiance dans le corps médical, c'est à la loi de décrire ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire face à chaque situation.

Et qu'on ne vienne pas me parler de corporatisme quand je qualifie de dérive le fait de tout décliner dans les moindres détails, y compris la température. Que n'avez-vous mentionné l'oxygène ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)

Je comprends ce qui vous anime, mais je vous mets en garde : la loi ne doit pas devenir un registre de prescriptions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De prescriptions religieuses !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le débat est utile. Cet amendement est en effet trompeur dans la mesure où son objet dit exactement le contraire du texte de l'article. Par conséquent, si certains s'y sont trompés, ils ont des excuses !

Le début de l'objet est ainsi rédigé : « Cet amendement a pour objet d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la personne soignée a le droit d'être alimentée et hydratée même de manière artificielle... »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la même chose que le droit à la vie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jean-Pierre Michel avait lu l'objet. Or, nous, nous avions lu l'article, qui dit exactement le contraire. C'est clair, net et précis.

Je tenais à apporter cette précision parce qu'on pouvait s'y tromper. Je ne dis pas que cela a été fait intentionnellement, mais le résultat est là. Nous disons, quant à nous, qu'il y a d'autres méthodes plus rapides, plus franches et meilleures que de condamner les gens à mourir de faim.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. En écoutant les uns et les autres, je constate que nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il est particulièrement barbare de condamner une personne, qu'elle soit gravement souffrante ou en fin de vie, à mourir de faim, et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit de prolonger cette vie artificiellement dans un corps parfois déserté par la personne.

Pour illustrer mon propos, je voudrais vous relater une anecdote empruntée à Flavius Josèphe dans Antiquités juives : Quatre individus que la lèpre obligeait ainsi à demeurer devant les portes de la ville, n'ayant plus personne pour leur apporter à manger tant la famine était grande et en voyant l'accès de la ville interdit par la loi, pensèrent que, même admis, ils périraient misérablement de faim et qu'ils auraient d'ailleurs le même sort en restant où ils étaient, faute de nourriture. Ils décidèrent donc de se rendre aux ennemis où on les égorgerait, où on les mettrait à mort, et ils auraient une mort plus douce.

Comprenez de mon propos que peu de médecins, à ma connaissance, laissent mourir une personne de faim ou d'inanition pendant des semaines. Ils utilisent d'autres moyens, que la loi actuelle réprouve. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous voudrions modifier cette dernière. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Presque personne ne l'a voté ! Cela devient plus normal !

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur l'article 1er.

M. Gérard Delfau. Après un moment difficile, le débat entre maintenant dans sa vitesse de croisière.

Tirant la conclusion de ce qui vient de se passer depuis le début de cette séance, je dirai que le texte tel qu'il est proposé, même s'il est insuffisant, constitue une avancée.

En même temps, les débats - et l'incapacité de la majorité sénatoriale à les mener ! - montrent que l'étape suivante est urgente. Si nous ne la franchissons pas en mettant très vite en forme l'exception d'euthanasie, nous retomberons dans les débats que nous venons d'avoir, et nous n'arriverons pas à arrêter une position commune ni au sein du Parlement ni devant l'opinion publique, ce qui serait dramatique pour ceux qui souffrent et qui attendent !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir une proposition de loi qui touche à la conscience et à l'éthique de chacun d'entre nous. C'est donc en son âme et conscience, et non pas en fonction de consignes d'où qu'elles viennent, que chacun d'entre nous doit se prononcer.

Au terme de l'examen de cet article 1er, il n'est pas difficile de comprendre, monsieur le ministre, que vous avez décidé que ce texte serait adopté dans des termes conformes à ceux de l'Assemblée nationale.

Devant le mépris que vous affichez vis-à-vis des élus de la nation, mes collègues et moi-même sommes très en colère. C'est la démocratie qui est bafouée ! Il est scandaleux de traiter les sénateurs de cette façon !

Malgré ses imperfections et ses insuffisances, nous aurions voté ce texte. Devant un tel mépris, nous quitterons l'hémicycle et ne participerons pas au vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Mmes et MM. les sénateurs du groupe de l'UC-UDF, ainsi que M. Bernard Seillier, quittent l'hémicycle.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous ne voterons évidemment pas cet article 1er. Et, comme notre collègue, nous estimons qu'il y a mépris pour le Sénat  dans cette volonté affichée, manifeste d'obtenir un vote conforme. On se demande bien pourquoi ! La navette est précisément faite pour cela.

Est-ce l'effet médiatique du vote unanime à l'Assemblée nationale qui vous est monté à la tête ? Certainement ! Mais un vote unanime n'est pas obligatoirement un bon vote. L'unanimité n'est pas obligatoirement source de réussite, et le Sénat a un rôle à jouer. Sinon, le bicamérisme est inutile, et il ne reste plus qu'à supprimer la seconde Chambre !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je peux vous le dire maintenant, la position que vient de défendre Mme Dini est celle que nous avions l'intention de prendre, mais un peu plus tard. Nous y viendrons certainement à notre tour.

Arrivent maintenant en discussion quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels sur lesquels la commission et le Gouvernement vont donner leur avis.

Si ces amendements très importants pour nous ne sont pas adoptés, le reste du débat n'aura plus aucun sens. En effet, cela signifierait que, quels que soient les amendements, y compris les amendements techniques, vous voulez obtenir un vote conforme dans tous les cas de figure. Et je subodore, sans vous faire de procès d'intention, monsieur le ministre, que vous demanderez une seconde délibération sur l'article 1er , modifié par l'amendement n° 12, pour être certain d'obtenir ce vote conforme.

En conséquence, à l'issue de la discussion de ces quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels, si nous n'obtenons pas un vote favorable, nous serons amenés, nous aussi, à quitter cet hémicycle, considérant que le débat ne peut pas avoir lieu puisque vous ne voulez retenir aucun amendement.

A moins, monsieur le ministre, que vous nous disiez que, parmi les amendements techniques que nous avons déposés et que vous avez eu le temps d'étudier, vous avez décidé d'en accepter quelques-uns. Si tel était le cas, peut-être pourrions-nous réfléchir. Mais encore faudrait-il être sûrs que cela n'est pas un leurre et que nos amendements seront adoptés.

Nous avons déposé, par exemple, un amendement reprenant une proposition qui avait été formulée à l'Assemblée nationale et qui n'avait pas réuni de consensus compte tenu de l'heure tardive de sa discussion : il s'agit de revoir la loi dans trois ans, évaluation à l'appui. Monsieur le ministre, accepteriez-vous cet amendement ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Eh bien, monsieur le ministre, vos collègues de la majorité sénatoriale ont déjà répondu. Ils se sacrifient eux-mêmes !

Dans ces conditions, après la discussion des quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels, nous quitterons l'hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en cet instant, je me remémore toutes ces réunions et ces mois passés avec les présidents de tous les groupes - communiste, UMP, UDF et socialiste - de l'Assemblée nationale.

J'avoue que je n'aurais jamais cru qu'un jour, sur un sujet aussi passionnel - on le voit ce soir, et c'est bien normal -, on puisse trouver un compromis - je dis bien un compromis - entre, d'un côté, ceux qui, pour des raisons religieuses profondes que je respecte, ne peuvent accepter l'idée de normaliser le fait que 150 000 personnes soient débranchées chaque année et, de l'autre, ceux qui veulent que la loi reconnaisse l'euthanasie. C'est bien normal, et je respecte les convictions des uns et des autres.

Mais à un moment donné, dans un endroit, en France, des responsables politiques ont décidé de passer au-dessus de ces passions.

Je ne prétends pas qu'ils ont eu raison, je ne donne pas de leçon, n'ayant pas moi non plus de certitude. Je dis seulement que, à un moment donné, on a décidé, dans ce pays - le seul au monde, jusqu'à présent, qui se soit engagé dans cette voie -, d'aller au-delà des passions pour parvenir à un compromis, que ceux dont les convictions religieuses sont très fortes ne peuvent approuver pleinement et qui ne peut satisfaire complètement les partisans de l'euthanasie.

A l'instant où je parle, vous le savez aussi bien que moi, des patients sont sur le point d'être « débranchés », pour employer un mot vulgaire mais explicite, et cela dans une hypocrisie absolue, sans qu'aucune loi s'applique, sans que le médecin, le malade et sa famille puissent bénéficier d'un quelconque support juridique.

Sans que j'y sois pour rien, vos collègues de l'Assemblée nationale - nous sommes ce soir au Sénat, je le sais, mais il faut tenir compte de l'historique - ont essayé de progresser dans l'élaboration d'une conception française de la fin de vie dans la dignité. Je sais que cela ne suffit pas à certains, que cela va trop loin pour d'autres. Que l'on me permette simplement de souligner qu'il ne faut pas obligatoirement abîmer le travail qui a été accompli, même s'il est incomplet et imparfait, car il était déjà très difficile de parvenir au point où nous en sommes.

Je dis cela avec beaucoup d'humilité, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Croyant un peu savoir de quoi je parle, je vous invite à respecter le compromis obtenu : ce n'est pas quelque chose de neutre, c'est une chance historique pour notre pays, pour nos malades et pour la fin de vie dans la dignité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Ils veulent un vote conforme, ils ne répondent même pas sur les amendements !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous vous avons écouté avec attention, monsieur le ministre. Nous aurions préféré que vous vous adressiez au Sénat quand ce débat a été lancé, lorsque nous avons appris le retrait des huit amendements de M. About.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est cela, le problème !

M. Guy Fischer. La commission des affaires sociales avait travaillé en confiance, consacrant au moins cinq ou six demi-journées à une réflexion très approfondie, me semble-t-il - le rapport en fait d'ailleurs foi -, qui a permis d'aborder un certain nombre de problèmes. Tous les amendements qui ont été déposés méritaient d'être examinés en séance publique. En particulier, le président About, au travers de huit amendements, avait formulé des propositions qui nous paraissaient, pour l'essentiel, acceptables.

Il est vrai que, parmi les quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels qui viendront en discussion, figure l'amendement « Humbert », ce qui permettra à un débat auquel nous tenions d'avoir lieu. En tout état de cause, les membres de mon groupe avaient la volonté d'oeuvrer utilement et dans la dignité, comme en témoignent, à mon sens, les comptes rendus des travaux de la commission.

A cet égard, l'ultime réunion de la commission des affaires sociales nous avait laissé espérer que nous pourrions encore améliorer le texte, dans le respect des travaux de l'Assemblée nationale et dans l'esprit qui a présidé à ces derniers. Nous avions d'ailleurs entendu M. Leonetti, à qui je crois même avoir demandé sur quels points auraient pu porter ces améliorations, quelques mois s'étant écoulés depuis le débat à l'Assemblée nationale.

Certes, nous avons conscience, monsieur le ministre, que l'objet principal de cette proposition de loi est d'apporter une sécurité juridique aux médecins.

Nous n'y sommes pas opposés, et nous vous avons d'ailleurs suivi dans cette voie.

M. Guy Fischer. Cependant, s'agissant de la codécision, sur la conservation des directives anticipées, de la question de la révision de la loi dans les trois ans, entre autres problèmes, il était à notre avis possible d'élaborer, comme sait le faire le Sénat, une rédaction qui, de toute évidence, n'aurait pas satisfait M. François Autain, lui-même auteur d'une proposition de loi portant sur le même thème, mais aurait permis de progresser dans la prise en compte de la souffrance des malades. A cet instant, je voudrais prendre un ton plus personnel pour évoquer, monsieur le ministre, un établissement lyonnais où l'on aide avec intelligence les gens à mourir. Demain, j'assisterai aux obsèques d'un ami très cher. Ne vous méprenez pas sur nos intentions.

Quoi qu'il en soit, nous considérons que le débat tournera court si la commission et le Gouvernement n'adoptent pas une attitude positive dans la discussion des quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels. Le reste a peu d'importance, puisque vous venez de confirmer, monsieur le ministre, qu'aucun des autres amendements que nous avons déposés, fussent-ils de précision ou de coordination, ne serait accepté.

Ce débat ne pouvant apparemment se tenir avec la hauteur de vues, le sérieux et la dignité nécessaires, il sera sans doute clos pour nous aussi après l'examen des quatre amendements précités. Nous ne pourrons alors que nous retirer, car nous ne voyons pas ce que nous pourrions apporter de plus dans cette discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Je remercie les différents intervenants d'avoir reconnu que le travail accompli en commission au cours de ces derniers mois avait été complet et de qualité, et avait permis de se faire une idée de la situation actuelle.

M. Bernard Frimat. Il a été inutile !

M. Gérard Dériot, rapporteur. Pas du tout ! La preuve en est que les uns et les autres peuvent s'exprimer, comme il est naturel dans une assemblée telle que la nôtre.

Cela étant, comme l'ont aussi admis tous les orateurs, il existe certaines pratiques qui doivent être légalisées : c'est pourquoi cette proposition de loi doit être adoptée le plus rapidement possible. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Son intérêt a été reconnu par l'Assemblée nationale, puisqu'elle y a fait l'objet d'un vote unanime, mais, pour l'instant, elle ne peut pas encore s'appliquer, faute d'avoir été définitivement adoptée. Il importe donc de remédier aussi vite que possible à cette situation.

Aujourd'hui, nous disposons d'un texte qui permet sans doute de trouver un moyen terme entre les aspirations des uns et des autres. N'est-ce pas ce qui convient pour l'heure, avant une poursuite ultérieure de la réflexion ? Je crois que nous honorerions notre assemblée en donnant déjà la possibilité à tous d'appliquer un texte comme celui-ci.

C'est pourquoi il est à mon avis nécessaire que nous nous montrions avant tout efficaces, forts de tous les éléments qui nous auront été apportés, au travers notamment des auditions auxquelles nous avons procédé, et qui sont parfaitement cohérents avec le texte présenté. Par la suite, le travail pourra bien sûr se poursuivre, et les choses évolueront sans doute.

Je crois donc que le travail qui a été accompli est extrêmement fructueux et que cette rédaction peut être votée par tous. Pourquoi d'ailleurs l'ensemble de nos collègues de l'Assemblée nationale, quels que soient les groupes politiques auxquels ils appartiennent, l'ont-ils votée voilà quelques mois ? Chacun d'entre eux y a trouvé ce qu'il recherchait.

M. le président. Mes chers collègues, je n'ai bien sûr pas de consignes à vous donner à cet égard, mais il serait bon que les dernières explications de vote sur l'article 1er soient concises, afin que nous puissions en arriver le plus rapidement possible à l'examen des quatre amendements tendant à insérer des articles additionnels qui ont été évoqués à diverses reprises.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que les choses soient bien claires : l'Assemblée nationale a travaillé sur cette proposition de loi pendant neuf mois et l'a votée voilà quatre mois et demi ; si nous devons maintenant impérativement voter le texte conforme, quel qu'il soit, quelles que soient les erreurs et les impropriétés qu'il comporte, ce n'était vraiment pas la peine que la commission des affaires sociales du Sénat procède à des auditions nombreuses et se réunisse si souvent ! Il fallait le dire tout de suite ! C'eût été plus clair et plus net.

Cela étant, la vérité est qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Vous avez de nombreuses occupations, monsieur le ministre ; si vous aviez pu entendre les orateurs du groupe socialiste qui se sont exprimés cette après-midi, vous auriez appris que nous n'avions rien à retrancher, sur le principe, aux dispositions qui avaient été adoptées à l'Assemblée nationale, mais que nous avions des éléments à ajouter. Les groupes de l'Assemblée nationale ont leur logique, nous avons la nôtre, et nous avons, évidemment, notre liberté d'appréciation. Vous ne pouvez pas nous enlever cela, et vous ne pouvez pas nous empêcher de trouver incroyable que vous puissiez nous dire qu'il faut aller très vite !

En effet, vous savez parfaitement que tous les décrets d'application prévus pour la loi Kouchner n'ont pas encore été pris !

M. Jean-Pierre Godefroy. S'agissant des ostéopathes, cela fait trois ans qu'on attend !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La situation est la même pour bien d'autres textes. Par conséquent, nous n'acceptons pas que vous nous disiez qu'il faut voter cette proposition de loi telle qu'elle est. Une navette n'a jamais nui, au contraire ! C'est cela que nous demandions. Le président About lui-même avait estimé utile de déposer des amendements sur ce texte, que la commission des affaires sociales, les jugeant parfaitement fondés, a adoptés ce matin à l'unanimité.

En résumé, nos protestations, comme celles de nos collègues du groupe de l'Union centriste-UDF, résultent du fait que vous demandez au Sénat d'accomplir un travail indigne de lui. Dans ces conditions, je ne puis que reprendre à mon compte ce qui a été dit tout à l'heure par mon ami Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que l'absence de navette était nécessaire pour aboutir à un compromis. Pour ma part, je pense au contraire que la navette est un moyen de trouver un compromis encore meilleur que celui auquel vous voulez vous limiter en nous appelant à émettre un vote conforme.

Un certain nombre d'entre nous ont fait part de leur déception devant cette façon de procéder. Or, à la lecture du compte rendu du débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale, j'ai constaté, à ma grande surprise, que nous n'étions pas les seuls à être déçus, puisque M. Gaëtan Gorce, président de la commission spéciale, que je ne connais pas personnellement mais qui est, je crois, l'un de vos amis politiques, a déclaré, à l'occasion de l'adoption d'un amendement après l'article 14, s'adressant à un ministre - il s'adressait sans doute à vous, monsieur le ministre, à moins que vous ne fassiez à l'Assemblée nationale comme vous faites au Sénat... (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) - : « Cet amendement, vous l'avez compris, monsieur le ministre, en appelle un autre. Des propositions pourraient être faites afin que soit mise en place une instance assurant le suivi de l'application de cette loi et son évaluation, soit en deuxième lecture, soit au Sénat. Il convient que le débat qui s'instaure à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi ne soit pas interrompu par le vote, mais que la loi fasse désormais l'objet d'une réflexion permanente ».

M. Guy Fischer. Très bien !

M. François Autain. J'imagine la surprise de M. Gorce lorsqu'il apprendra demain matin que le vote du Sénat a été conforme à celui de l'Assemblée nationale ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Nous assistons aujourd'hui à une espèce de suicide du Sénat, assisté juridiquement par le Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite exprimer l'opinion de la majorité de mon groupe, qui est également la mienne.

Nous avons rédigé des amendements, car le groupe CRC souhaitait améliorer le texte voté à l'Assemblée nationale, qui lui semblait incomplet. La majorité du groupe était, comme moi-même, favorable au vote d'une loi de compromis, ne serait-ce que pour apporter aux médecins la sécurité juridique qui leur fait défaut.

D'autres membres du groupe CRC souhaitaient s'abstenir si le texte n'allait pas plus loin.

On ne peut pas accepter que le Sénat soit en quelque sorte obligé de voter conforme une proposition de loi, c'est-à-dire un texte d'origine parlementaire.

M. François Autain. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sais que c'est possible, mais ça ne devrait pas l'être ! Le Parlement a en effet le droit de modifier, d'améliorer, de triturer les textes pour en faire ce qu'il estime le meilleur.

Nous examinons non pas un projet de loi mais une proposition de loi, c'est-à-dire un texte d'origine parlementaire, et le Parlement doit jouer son rôle encore plus pleinement.

Tous les amendements qui ont été déposés n'avaient pas pour objet d'aller plus loin, c'est-à-dire de reconnaître l'euthanasie. Certains visaient simplement à rendre le texte plus efficace.

J'ajoute que cette proposition de loi est typiquement le texte méritant un suivi, un réexamen à la lumière de son efficacité ou de son inefficacité, voire des problèmes d'ordre philosophique ou éthique qu'il peut soulever.

Or, refuser au législateur de revoir son propre texte est une aberration. C'est incompréhensible, c'est - je le répète, après d'autres - faire fi du travail parlementaire.

Vous nous poussez à ne pas participer au vote sur l'ensemble, et ce n'est pas bien. La majorité des membres du groupe CRC, dont moi-même, était favorable au vote de la moindre mesure qui aurait permis d'améliorer la situation actuelle laquelle, comme chacun le sait, n'est absolument pas satisfaisante et parfaitement hypocrite.

C'est regrettable pour le Sénat ! Ce n'est en effet pas la peine que les commissions se réunissent, qu'elles procèdent à des auditions et qu'elles travaillent ! Autant dire, dès lors qu'un vote conforme est souhaité, qu'il est inutile de réunir le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

M. François Autain. Le groupe CRC s'abstient.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste s'abstient également.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er (priorité)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Rappel au règlement (début)

Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 2 ou avant l'article 3 ou avant l'article 10

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1110-2 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent code, de l'accès à l'assistance médicalisée pour mourir. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement se justifie par son texte même. Nous nous sommes suffisamment expliqués lors de la discussion générale pour que vous sachiez ce que nous entendons par là. Je ferai donc plaisir à M. le président, je n'en dirai pas plus !

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David et  Demessine, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 1111-4 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Elle a le droit d'obtenir une aide active à mourir si elle estime que l'altération de sa dignité et de la qualité de sa vie, résultant d'une affection ou d'un handicap grave et incurable, la place dans une situation telle qu'elle ne désire pas poursuivre son existence. Le médecin peut opposer un refus pour motifs médicaux ou personnels à une demande d'aide active à mourir et l'inscrit dans le dossier médical de la personne. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Tout le monde reconnaît aujourd'hui que, malgré une législation répressive, mais à cause de cette loi, l'euthanasie est pratiquée clandestinement. Elle ne l'est pas toujours par des médecins ; elle est parfois pratiquée dans l'anarchie la plus complète, donc sans contrôle, sans concertation, sans que les proches soient toujours consultés, souvent à l'insu du malade, ce qui peut paraître encore plus grave que l'acte lui-même.

Il existe donc, en France, aussi paradoxal que cela puisse paraître, une dépénalisation de fait de l'euthanasie.

Il est impossible de donner des indications chiffrées sur l'importance de ces pratiques qui sont, par définition, inquantifiables puisque clandestines, mais M. le ministre a mentionné tout à l'heure le cas de 150 000 personnes qui seraient « débranchées ».

On a évoqué, au cours des auditions, le chiffre de 2 500 euthanasies annuelles, mais sans que ces données puissent être sérieusement étayées.

En revanche, on est mieux informé sur la pratique hospitalière.

Chaque année, dans les services de réanimation, une centaine de milliers de patients - 90 000 à 100 000 personnes - meurent après une interruption volontaire de traitement, et 20 % d'entre eux reçoivent ensuite des injections.

Ces actes ne font pas l'objet de poursuites ordinales puisque deux médecins seulement en cinquante ans ont été suspendus par le Conseil national de l'ordre des médecins, alors que chaque médecin avoue avoir pratiqué au moins une fois dans sa carrière une euthanasie. Ils ne font pas non plus l'objet de poursuites judiciaires, car les juridictions ne sont que très rarement saisies et, quand elles le sont, elles font preuve de la plus grande clémence.

A part Christine Malèvre, aucun médecin, aucune infirmière, aucune aide-soignante n'a encore été condamné en France pour des actes d'euthanasie commis en 2000 sur des malades.

Le non-lieu rendu en 2005 dans l'affaire du médecin de Saclay, qui avait été accusé d'euthanasie, a réhabilité le cocktail lytique avec lequel on l'accusait d'avoir empoisonné neuf de ses patients. C'est le même cocktail lytique que le chanoine Vespieren, vingt ans plus tôt, dans un article retentissant, rendait responsable d'euthanasies faites parfois à l'insu du malade et sur la suggestion des familles.

L'affaire du centre hospitalier et universitaire de Besançon, où des euthanasies ont été pratiquées à plusieurs reprises, a éclaté en mai 2002 et n'est toujours pas jugée.

Enfin, le docteur Chaussoy a été mis en examen et attend toujours une décision de justice. Il a moins de chance que son collègue de l'Aveyron, le docteur Duffau, pour qui n'a jamais été ouverte d'information judiciaire, bien que des actes identiques - l'injection chez une femme de 92 ans de cinq ampoules de chlorure de potassium - lui soient reprochés.

Cette loi inappliquée, ou inégalement appliquée selon que l'on habite le Nord ou l'Aveyron, crée une situation hypocrite et malsaine qu'il faut faire cesser de toute urgence.

D'ailleurs, la société y est prête. Depuis vingt ans, les sondages d'opinion montrent que la grande majorité des Français est favorable à l'euthanasie. En octobre 2003, un sondage réalisé par l'institut BVA révélait que 86 % des Français - naturellement pas tous en bonne santé, dirai-je pour répondre à certains détracteurs de ces sondages - étaient favorables à l'euthanasie. Pourtant, cette proposition de loi, qui diabolise l'euthanasie volontaire, recueille un vote unanime des députés.

Ce fossé qui se creuse nous pousse à nous interroger en même temps qu'il nous inquiète.

Le professeur Michel Ducloux, président du Conseil national de l'ordre des médecins, que nous avons auditionné, a été formel : un médecin ne peut pas aider ses malades à mourir. Cependant, il a ajouté aussitôt : «  nous trahissons nos malades quand nous ne pouvons pas les aider ». Disant cela, il oubliait, semble-t-il, sa fonction de représentant des médecins, lesquels, en mars 2000, se sont prononcés à 70 % favorablement à l'exception d'euthanasie, dans un sondage paru dans Impact médecin ; 56 % d'entre eux se déclareraient même prêts à pratiquer une euthanasie.

Le moment est venu de changer la loi. C'est ce que nous proposons par cet amendement.

Nous n'avons pas le droit d'abandonner à son triste sort judiciaire le docteur Chaussoy, qui, comme tous ses confrères le reconnaissent, n'a fait que son devoir ; nous n'avons pas le droit, en mémoire de Vincent Humbert, de laisser sa mère comparaître devant les assises. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1110-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure capable, atteinte d'une affection reconnue incurable et irréversible ou dont l'état de santé la place dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée pour mourir. Le bénéfice d'une telle assistance est également accordé, dans les conditions prévues au présent titre, à tout mineur âgé de treize ans au moins ou à tout majeur protégé par la loi ainsi qu'à toute personne dans l'incapacité de s'exprimer qui est, soit maintenue dans un état de survie artificielle permanent, soit atteinte d'une affection incurable et irréversible accompagnée de souffrances insupportables et inextinguibles. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le droit-fil de ce que nous avons exposé au cours de la discussion générale, cet amendement vise à définir les différentes circonstances permettant à une personne de bénéficier d'une assistance médicalisée à sa propre mort. L'expression « exception d'euthanasie », qui correspond en fait à l'euthanasie active, est malencontreuse ; l'Assemblée nationale, avec votre accord, monsieur le ministre, a déjà retenu l'euthanasie indirecte, l'euthanasie passive.

Il y a le cas de Vincent Humbert, mais il y a également le cas de ceux qui sont inconscients et qui méritent d'être traités de la même manière.

Nous demandons alors que soient prises des précautions multiples : la liberté de conscience des médecins doit être respectée, un médecin pouvant refuser d'apporter une aide médicalisée pour mourir et suggérer au patient de faire appel à l'un de ses confrères.

Nous demandons que soit prise une décision collégiale par trois médecins, dont au moins un occupe des fonctions hospitalières. Nous avons rappelé que tel était déjà le cas avant la loi Veil en matière d'avortement thérapeutique.

Nous demandons également un temps de réflexion obligatoire pour tous. Ainsi, avant de prendre la décision, chacun pourra infirmer ou confirmer sa volonté d'accomplir l'acte.

Un compte rendu devra être soumis à une commission régionale de contrôle. Celle-ci pourra saisir une autorité nationale de contrôle, laquelle examinera la question. Bien entendu, si les conditions de la loi n'ont pas été respectées, l'autorité régionale ou l'autorité nationale pourra transmettre au parquet.

Enfin, nous demandons la tenue d'un registre national automatisé des directives anticipées. Avec Internet, il n'est en effet pas difficile à un médecin d'appuyer sur un bouton pour savoir si, oui ou non, des directives anticipées ont été prises.

Voilà le système que propose notre amendement. Je le répète, il dépasse le seul cas de Vincent Humbert, qui ne serait paradoxalement pas réglé par la proposition de loi, alors que c'est tout de même à la suite de cette affaire que l'Assemblée nationale a créé une mission d'information, puis une commission spéciale. La plupart des députés l'ont d'ailleurs évoqué.

Pour votre part, vous n'en avez pas parlé, monsieur le ministre, et Mme la secrétaire d'Etat aux personnes âgées non plus. Vous avez cependant reçu Mme Humbert, à la différence de la commission des affaires sociales du Sénat.

Toujours est-il que les députés, en évoquant le cas de Vincent Humbert, ont reconnu que la proposition de loi en découlait et ont rendu hommage à l'acte d'amour, de compassion réalisé par Mme Humbert et par le docteur Chaussoy. Il faut donc régler le cas Humbert. C'est ce à quoi vise l'amendement n° 62, en prenant de multiples précautions.

En Belgique, une évaluation a déjà eu lieu. A cette occasion, on s'est rendu compte que cette loi n'a été appliquée à aucune personne âgée et que les dérives tant redoutées ne se sont pas produites.

Si nous devons bien sûr prendre des précautions, il ne faut pas avoir peur de saisir les problèmes à bras-le-corps. En l'occurrence, M. le Premier ministre avait d'abord estimé qu'il ne fallait pas légiférer pour régler ce genre de questions. Mais il a changé d'avis, comme ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cela lui arrive ! Quoi qu'il en soit, vous avez su le convaincre, monsieur le ministre, mais vous n'êtes pas allé assez loin. C'est pourquoi nous proposons d'aller au bout du problème.

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ...  . - Lorsqu'une personne malade subit une souffrance physique ou psychique constante insupportable, non maîtrisable, consécutive à un accident, à une affection pathologique ou une maladie dégénérative, grave et incurable, elle a le droit d'obtenir une assistance médicalisée pour mourir.

« Cette aide active à mourir ne peut être prodiguée que par un médecin après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et uniquement si la personne a pu en exprimer la volonté claire et réitérée dans les conditions fixées par l'article L. 1111-4. »

La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Les amendements défendus à l'instant par MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Guy Fischer consacrent le droit de la personne à obtenir une aide active à mourir en l'associant étroitement à la notion de dignité.

Je connais les réticences d'un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, quant à l'acceptation du droit à mourir dans la dignité et à la liberté qu'elle confère à l'homme de décider de sa mort.

Ainsi, monsieur le rapporteur, vous refusez - vous l'avez dit hier matin en commission - la reconnaissance du droit à bénéficier d'une euthanasie, considérant qu'« une reconnaissance de l'euthanasie ne refléterait pas nos valeurs sociales fondamentales ». Faut-il encore s'entendre sur ce que l'on met derrière le terme « euthanasie ».

Néanmoins, sur des sujets aussi sensibles - on pourrait même dire aussi intimes -, les certitudes, les croyances des uns et des autres sont respectables et méritent l'attention. Nous transportons tous notre part de vécu et d'expérience personnels lorsque nous sommes confrontés à des questions éthiques. C'est pourquoi, dans le respect des convictions de chacun, nous proposons, par cet amendement, une voie médiane.

Cet amendement n'en est pas moins fondamental. Il est même indispensable, car il répond à la situation qui fait que nous sommes ici aujourd'hui.

Nous l'avons déjà dit, ce texte a cela de paradoxal qu'il résulte de la survenance de l'affaire Vincent Humbert, mais qu'il n'aurait pas permis à ce dernier, comme vient de le dire M. Michel Dreyfus-Schmidt, de voir son souhait exaucer. La proposition de loi ne permet en effet pas de résoudre le cas des grands handicapés qui manifestent la volonté d'abréger leur vie sans pouvoir y parvenir par eux-mêmes.

Par cette proposition de loi, la société leur concède qu'elle ne s'acharnera pas à les faire survivre coûte que coûte avec un attirail de machines à vivre et de thérapeutiques et qu'elle les laissera mourir. Cependant, derrière le « laisser mourir », que vous jugez acceptable, à la différence du « faire mourir », auquel on jette l'anathème, on oublie souvent de dire - ou peut-être ne veut-on pas l'entendre - que les êtres ne sont pas égaux face à la mort et à la souffrance, d'autant que mourir prend du temps.

Dans le cas de Vincent Humbert, le « laisser mourir » aurait signifié lui retirer sa sonde gastrique, c'est-à-dire le laisser mourir de faim, lui proposer - comme si lui et sa mère ne vivaient pas suffisamment de détresses, de souffrances - de prendre encore « son mal en patience ». Mais Vincent Humbert ne voulait plus souffrir ; il ne voulait pas imposer une détresse et une angoisse supplémentaires à sa mère.

L'attente et le temps : imaginez-vous, mes chers collègues, ce que cela représente pour les familles, les hommes et les femmes qui sont confrontés à ce type de situation ? Savez-vous combien de temps aurait duré l'agonie du jeune Vincent ? Pour Terry Schiavo, cela a duré quatorze jours ! Alors, que l'on cesse de nous mentir ! Dans le cas de Vincent, un jeune homme de vingt-deux ans dans la pleine force de l'âge, cela aurait pu durer de nombreux jours, voire plusieurs semaines.

Le respect de la volonté de la personne, cette dernière liberté, ce choix intime, pourquoi et comment la société peut-elle continuer de les nier et, dans une grande hypocrisie, accepter que ses citoyens obtiennent ce qu'ils souhaitent dans des pays voisins du nôtre, notamment en Belgique, voire leur proposer une telle solution ?

C'est pourquoi notre amendement offre la possibilité à certains malades de choisir cet accompagnement ultime et en confie la responsabilité au médecin.

Notre amendement vise donc à ajouter aux quatre cas exonérant les médecins de poursuites pénales prévus dans cette proposition de loi - refus de l'obstination déraisonnable, principe du « double effet », limitation ou arrêt de traitement pour les personnes conscientes en fin de vie ou non, limitation ou arrêt de traitement pour les personnes inconscientes en fin de vie ou non - un cinquième cas : l'aide médicalisée pour mourir.

Il n'est pas question ici de « dépénaliser l'euthanasie » ; il s'agit d'encadrer dans le code de la santé publique, pour certaines situations - souffrance physique ou psychique constante insupportable, non maîtrisable ... -, et dans des circonstances précises, une aide à mourir soumise à des conditions strictes. Cette aide ne peut être prodiguée que par un médecin et dans le respect d'une procédure collégiale. Elle ne peut être apportée que lorsque la volonté et le consentement de la personne sont clairs, libres et réitérés.

Ce que nous vous proposons, c'est de ne pas se contenter du « laisser mourir », et de permettre à la « compassion et à la sollicitude » de s'exprimer à travers un geste humaniste : la délivrance de la souffrance.

J'anticipe sur le débat qui se déroulera sans doute entre vous, en précisant que, considérant que l'aide active à mourir ne relève pas d'un principe général, mais découle plutôt de l'expression de la volonté du malade, nous avons fait le choix, par cet amendement, d'insérer un nouvel article dans la section 2 du code de la santé publique, créée par cette proposition de loi. Nous concevons le droit que confère cet amendement comme une possibilité exceptionnelle mais minimale.

Pour conclure, je tiens à saluer, au nom du groupe socialiste, Mme Humbert, qui assiste à cette séance dans nos tribunes. Elle nous regarde, elle vous regarde ! Devant elle, vous n'avez pas à être fiers de la tournure que vous donnez à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Mon cher collègue, chacun aura l'occasion de juger. Je ne pense pas que des interpellations de cette nature rehaussent l'image du Sénat.

M. Roger Madec. Assumez !

M. le président. Monsieur Madec, je vous ai écouté jusqu'au bout, et personne ne vous a interrompu. Dans l'hémicycle d'une assemblée parlementaire, où siège la représentation nationale, le fait de s'écouter fait partie des convenances minimales des uns envers les autres, surtout sur un tel sujet.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne nous écoutez pas beaucoup !

M. le président. Nous saluons, bien évidemment, toutes les personnes qui assistent à nos travaux ; elles savent combien elles-mêmes et d'autres souffrent aujourd'hui, et à quel point ce débat est difficile.

Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. Ces quatre amendements vont dans le même sens, puisqu'ils visent à donner accès à l'assistance médicalisée ou à l'aide active pour mourir. L'acte de donner la mort, l'euthanasie, est contraire à la philosophie qui a toujours été celle de la commission. C'est une décision trop grave, trop difficile.

La proposition de loi est claire : il s'agit d'accompagner jusqu'à la fin de sa vie la personne victime d'une maladie incurable en évitant, bien évidemment, les souffrances.

L'acte de donner la mort est totalement contraire à l'activité d'un médecin et à son éthique. On ne peut absolument pas aller dans ce sens. C'est pourquoi, après avoir écouté les auteurs de ces amendements avec beaucoup d'attention, la commission émet un avis défavorable. C'est en effet une démarche philosophique que nous ne pouvons retenir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je ferai deux remarques.

Tout d'abord, monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai déjà eu l'occasion de parler de Vincent Humbert, de sa mère, et de dire qu'elle avait accompli un geste d'amour. J'ai également déjà indiqué que ce texte vise à résoudre non pas un tel problème, mais plutôt celui des personnes en fin de vie. Ce que vous proposez peut être l'occasion d'un autre débat, mais ce n'est pas l'objet de la proposition de loi.

Ensuite, tant que je serai ministre de la santé, je n'accepterai jamais qu'un médecin utilise une ampoule de cocktail lithique pour tuer quelqu'un. Telles sont mes convictions. Je les assume ! Je refuserai toujours l'euthanasie, car j'y suis hostile.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'euthanasie active !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Les mots « euthanasie active » et « euthanasie passive » sont d'un autre âge.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. L'important est d'éviter que quelqu'un ait mal. Dès l'instant où vous voulez faire passer la douleur en luttant contre une métastase osseuse d'un cancer primitif pulmonaire, vous prescrivez de la morphine et vous injectez deux, trois, voire six ampoules. Mais nous le savons tous, à la septième ampoule, une dépression du centre de la respiration peut se produire. Oui, il est possible d'accepter l'idée de donner cette septième ampoule de morphine, même s'il existe un risque de dépression du centre pneumotaxique !

Vous allez me rétorquer que cette démarche est hypocrite. Non, elle ne l'est pas !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Pour moi, il s'agit d'empêcher quelqu'un de souffrir grâce aux soins palliatifs de la pompe à morphine. Cela fait partie de la dignité et des droits de la personne. Avec ce texte, il n'est donc pas question d'euthanasie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, accepter la vie, c'est, par définition, la respecter. Cet aspect est majeur pour un médecin. Vous ne pouvez pas, par la loi, permettre à un médecin de donner la mort. Ce geste ne fait pas partie de mes convictions. Il est absolument fondamental que vous le sachiez si vous voulez que l'on parle le même langage ce soir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur l'amendement n°60.

M. Gérard Delfau. Mes chers collègues, nous voilà effectivement arrivés à un moment de vérité.

Monsieur le ministre, vous avez dit, avec beaucoup de conviction et beaucoup de sincérité, m'a-t-il semblé, quelle était votre position. Je la respecte. Toutefois, je vous ferai observer que cette position est aujourd'hui démentie dans les faits, et que là est bien le problème. Pour ma part, je ne peux y adhérer, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, et nous le savons tous, vous mieux que personne, monsieur le ministre, puisque vous êtes médecin, des actes d'euthanasie sont pratiqués quotidiennement par compassion ou en raison d'une certaine conception de l'activité de médecin. Par conséquent, votre position tend à nous condamner collectivement à faire comme si de tels actes n'avaient pas lieu et à continuer à vivre dans le faux-semblant. Sur un sujet aussi grave, ce ne peut être qu'un élément de démoralisation de la société !

Par ailleurs, au-delà de la fin de vie dont nous parlons, il y a un certain nombre d'autres situations. On a beaucoup parlé du cas de Vincent Humbert, mais il y en a d'autres ; et toutes ces personnes attendent qu'on les sorte de l'illégalité, qu'on reconnaisse leur demande. Pour autant, nous ne souhaitons pas qu'une telle pratique se généralise. Là encore, monsieur le ministre, votre position nous place devant une situation très difficile.

D'entrée de jeu, j'avais indiqué que, après avoir beaucoup réfléchi, comme chacun d'entre nous, je voterai le texte en l'état. Toutefois, indépendamment des problèmes de fond que je viens d'évoquer, tout le déroulement de cette discussion - je le dis non pas au ministre, mais à la majorité du Sénat - me fait douter !

La façon dont le président About, après avoir conduit sa commission à déposer ses amendements, a trouvé légitime de s'absenter du débat a placé l'ensemble de la Haute assemblée devant une situation impossible, d'autant que nous traitons d'une question qui n'est ni banale ni technique : il ne s'agit ni du logement, ni du gaz, ni d'un autre point moins important ; c'est un sujet de fond d'une extrême gravité.

De telles erreurs gouvernementales et majoritaires coûtent cher, et elles placent les élus minoritaires que nous sommes, que je suis en tout cas, dans une situation encore plus complexe.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il conviendrait, au stade où nous en sommes, que vous fassiez personnellement un signe, un geste. Je ne vous demande pas de nous dire que vous allez bouleverser ce texte de loi ! J'ai bien compris, même si je ne partage pas ce point de vue, que, pour vous, le « compromis » auquel vous êtes arrivé ne peut guère être dépassé. Toutefois, vous savez que les problèmes que nous posons existent. Par conséquent, reconnaissez-le au moins !

Dites-nous, enfin, comment nous pourrions, ensemble, comme cela s'est fait à l'Assemblée nationale, recommencer à discuter, ne pas nous séparer en laissant tout le monde dans le désespoir, et le Sénat quelque peu déconsidéré ! Faites un geste et faites-le maintenant, car, ensuite, il sera trop tard et vous n'aurez, pour voter votre texte, que les muets du sérail qui sont à ma gauche ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.

M. André Lardeux. L'invective est très facile et il faudrait que, dans cette assemblée, nous en sortions. Il ne s'agit pas de jeter l'anathème sur qui que ce soit ; chacun a ses opinions, ses convictions.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'êtes pas muet !

M. André Lardeux. M. Delfau pourrait retirer les mots « muets du sérail »,...

M. Gérard Delfau. C'est la vérité !

M. André Lardeux. ... car tel n'a jamais été le cas, vous le savez bien !

Cela étant, les quatre amendements en discussion ont un point commun : ils tendent à légaliser l'euthanasie. Ne tournons pas autour du pot !

M. François Autain. Mais, nous ne tournons pas autour du pot !

M. André Lardeux. Or, il s'agit bien du clivage essentiel qui nous oppose les uns et les autres. Il s'agit bien - il faut appeler un chat, un chat - de faire mourir, d'aider à mourir ou de tuer.

Mes chers collègues, je considère - vous n'êtes pas obligés de partager cette opinion ; quant à moi, j'approuve parfaitement les réponses de M. le ministre et de M. le rapporteur -, je considère, disais-je, que le décalogue constituait un progrès considérable de l'humanité. Si nous n'y prenons pas garde, nous allons le remettre en cause.

Cela ne suppose pas que nous éprouvions du mépris ou de l'indifférence à l'égard des personnes qui souffrent. Certaines situations ultramédiatisées ont été évoquées. J'ai de la considération pour les personnes qui les ont vécues. Cela dit, je me garderai bien de porter sur elles un jugement, car je n'y étais pas.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut juger, tout de même !

M. André Lardeux. Que ce soit en France ou outre-Atlantique, il faut rester modeste, se contenter d'essayer de comprendre et peut-être éviter que de tels faits ne se reproduisent.

Cela étant, la loi, quelle qu'elle soit, ne résoudra jamais les problèmes de conscience.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la libre conscience ?

M. André Lardeux. Même si un texte devait exister, les médecins comme les familles devront toujours faire face à leur conscience. Ce n'est pas une loi civile, quelle qu'elle soit, qui pourra, en la circonstance, suppléer la loi morale.

Par ailleurs, nous ne traiterons pas de situations particulières par une loi. Chaque cas est différent, chaque difficulté se présente dans des circonstances bien particulières. Par conséquent, si nous votons une loi, nous créerons tout simplement d'autres problèmes.

Certains évoquent l'attachement de l'opinion, faisant référence à des sondages. Permettez-moi de m'interroger sur la validité scientifique de ces derniers : 86 % des Français souhaiteraient l'euthanasie ; pourtant, face aux situations concrètes, très rares sont les demandes réelles de mort. Tout le monde en est bien conscient, me semble-t-il.

Si, malgré tout, cela s'avérait, je répondrais que Michel Debré déclarait qu'il avait été élu pour défendre non pas les idées de ses électeurs, mais les idées qu'il leur avait présentées.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la guerre d'Algérie ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. André Lardeux. Je ne vois pas ce que la guerre d'Algérie vient faire là-dedans ! Nous ne sommes pas là pour refaire l'histoire !

Etant catholique pratiquant - je ne vais pas prendre mes ordres à Rome, contrairement à ce que suggérait malicieusement un collègue tout à l'heure -, j'ai le devoir d'exprimer mes convictions, que mes électeurs connaissent. S'ils estiment un jour que ces convictions ne correspondent plus à leurs attentes, ils prendront les décisions qui s'imposent.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'apporte tout mon soutien au Gouvernement et à la commission sur ce point. Ne mettons pas le doigt dans l'engrenage ! En effet, si nous allons dans ce sens, si le concept de qualité de la vie est poussé à un point tel que l'on peut affirmer tranquillement qu'une vie humaine diminuée par la maladie ou le handicap ne vaut plus la peine d'être vécue, il y aura lieu de beaucoup s'inquiéter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Permettez-moi de réagir aux propos que vient de tenir M. le ministre, alors qu'il nous présentait la méthode du double effet - c'est ainsi qu'il faut l'appeler -, prétendant qu'il était possible de se passer d'une dépénalisation de l'euthanasie.

Il a, me semble-t-il, cité un procédé pour lequel il est presque impossible de faire la différence entre ce qui relève de l'aide délibérée à mourir et ce qui relève du soulagement de la souffrance.

En outre, il ne faut pas oublier qu'il existe des souffrances réfractaires, des souffrances qui ne peuvent pas céder aux doses morphiniques, aussi importantes soient-elles. Rappelons, à ce titre, que ce qui est mortel, c'est non pas le produit en soi, mais la dose que l'on l'injecte. Chaque patient, calmé par une dose de morphine qui peut varier du simple au décuple, a son propre seuil de douleur, vous le savez !

Enfin, il n'existe pas de trace écrite d'une prescription de morphine. C'est l'intention qui est déterminante pour affranchir le médecin de toute accusation de vouloir tuer le malade.

Il ne s'agit de donner ni l'autorisation ni l'obligation de tuer aux médecins. Il existe une clause de conscience que la loi a instituée, en d'autres circonstances. Il s'agit simplement de ne pas interdire à un médecin qui le souhaite d'apporter à une personne qui le demande une aide à mourir.

Blaise Pascal en connaissait un rayon en matière de casuistique et savait interpréter Saint-Thomas d'Aquin. Il disait que la méthode du double effet donnait le pouvoir de tuer, si l'on dirigeait bien son intention. Je me permettrai d'ajouter que, de surcroît, elle offre au médecin la possibilité de dégager sa responsabilité.

C'est une méthode très confortable, rassurante ! Toutefois, on ne peut pas dire qu'elle se distingue radicalement d'une technique qui aurait pour objectif d'aider un malade à satisfaire la volonté qu'il aurait de mourir. Cette technique est plutôt comparable à une pratique d'euthanasie. Elle n'est jamais utilisée pour répondre à la demande d'aide à mourir de la part de la personne en fin de vie.

J'aurais souhaité qu'une telle lacune puisse être comblée ! C'est pourquoi j'avais déposé un amendement qui, malheureusement, ne pourra pas être discuté, car vous n'êtes pas - c'est le moins que l'on puisse dire - très ouvert au débat !

Grâce à la méthode que vous prônez, certes le malade peut mourir, mais seulement lorsque le médecin lui en donne l'autorisation, en violation des droits de la personne à la libre disposition de la vie. C'est la raison pour laquelle votre argumentation n'est absolument pas recevable ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 30.

Mme Annie David. Avant de cosigner cet amendement, j'ai beaucoup réfléchi. Ma signature n'était d'ailleurs pas acquise voilà quelques mois, comme je l'avais signalé à François Autain. Je ne m'étais d'ailleurs pas associée à la proposition de loi présentée par plusieurs des membres de mon groupe. Depuis, je l'avoue, j'ai évolué dans ma façon d'appréhender ces questions. J'ai beaucoup écouté et lu, j'ai étudié les situations qui se présentent de plus en plus fréquemment dans notre pays et au-delà de nos frontières.

Quelques-uns d'entre nous ont fait part de leurs opinions religieuses. Pour ma part, je suis athée, ce qui est tout aussi respectable. Quoi qu'il en soit, chacun, dans cet hémicycle, qu'il soit croyant, pratiquant ou non croyant, a le droit d'avoir sa vie et sa propre philosophie.

Avec cet amendement, nous faisons entrer la possibilité de l'euthanasie dans la loi, mais, évidemment - et heureusement ! -, nous n'obligeons personne à en faire la demande.

J'ai donc cosigné cet amendement pour que celles et ceux qui estiment qu'ils ont le droit de choisir leur fin de vie puissent le faire. Certains, au sein de notre assemblée, pensent que nous ne pouvons mettre fin à nos jours, qu'il faut attendre le moment venu pour mourir. Je pense au contraire que, lorsqu'une personne est dans des souffrances telles qu'elle souhaite choisir le moment de sa mort, nous ne devons pas lui refuser ce droit.

C'est pour cette raison que j'ai accepté de signer cet amendement, ce qui, je le répète, n'était pas acquis voilà seulement quelques semaines. Mais, après mûre réflexion, je crois vraiment que nous ne pouvons refuser ce droit. C'est la raison pour laquelle je vous invite vivement à voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je ne reviendrai pas sur les critiques formulées par mon collègue et ami Guy Fischer à l'égard de la législation sur l'euthanasie, qui est archaïque, absurde et incohérente.

La question que je me pose, et que je vous pose, est la suivante : pourquoi protéger la vie d'une personne grabataire ou polyhandicapée qui demande à mourir de façon lucide et réitérée, qui supplie qu'on l'y aide, quelquefois en écrivant au Président de la République, et, dans le même temps, accepter que soit sacrifiée la vie intacte et pleine de promesses d'un embryon qui ne demandait qu'à naître et à se développer - s'il pouvait, évidemment, demander quelque chose ?

Loin de moi l'idée de remettre en cause cette liberté. Au nom de la liberté des femmes, il n'y a pas à le regretter, bien au contraire. Mais alors, pourquoi cette liberté vaudrait-elle quand il s'agit d'un embryon que la femme porte, mais qui n'est pas elle, davantage que plus tard, quand il s'agira d'elle-même, de son propre corps, de sa propre vie qu'elle ne supportera plus ?

M. Gérard Delfau. C'est affligeant !

M. François Autain. Enfin, dépénaliser l'aide à mourir serait une sécurité pour les malades. La loi mettrait un terme aux euthanasies abusives. On ne précipiterait plus la fin d'un patient par impuissance ou pour récupérer son lit, comme cela arrive encore.

Les personnes seules, vulnérables, marginalisées, handicapées, aliénées, jugées indignes de vivre, coûtant trop cher à la sécurité sociale ou subissant les pressions d'un entourage qui veut en finir pour des raisons plus ou moins avouables, toutes ces victimes potentielles de l'euthanasie sauvage, telle qu'elle se pratique aujourd'hui sans principe, dans l'opacité et sans contrôle, auraient tout à gagner d'un changement de la loi. Elles seraient mieux protégées.

La mission d'information de l'Assemblée nationale l'a d'ailleurs explicitement écrit dans son rapport : « le statu quo n'est pas possible ». Malheureusement, elle s'est arrêtée en chemin et le blocage auquel le débat donne lieu au Sénat ne laisse guère présager que la voie se dégage de sitôt.

Il est absolument nécessaire d'aller plus loin, ne serait-ce que pour exercer un contrôle strict, éviter les abus, combler le fossé qui s'est instauré entre le droit et le fait, assurer la transparence des pratiques, mais aussi parce que, entre le fort et le faible, il est bon de le répéter, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. Enfin, il convient de mettre un terme à la discrimination entre les personnes qui peuvent se donner la mort seules et celles qui ont besoin d'une aide pour y parvenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 168 :

Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 295
Majorité absolue des suffrages exprimés 148
Pour l'adoption 120
Contre 175

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 71.

M. Jean-Pierre Godefroy. L'amendement n° 71, vous l'avez compris, est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 60 initialement présenté par notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Il vise à trouver une solution médiane afin que les personnes qui le souhaitent puissent abréger leur existence dans les circonstances les plus heureuses possibles.

Vous noterez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que, conformément aux souhaits de l'Assemblée nationale et de beaucoup de nos collègues, nous ne touchons pas au code pénal. Il n'est pas pour nous question d'accepter l'euthanasie dans le code pénal ; il n'y a pas de changement à l'interdit éthique « tu ne tueras pas », qui concerne la mort imposée à une personne qui ne la souhaite pas. Nous défendons simplement la possibilité d'assister les personnes qui souhaitent abréger leur existence pour des raisons tout à fait justifiées de souffrances intolérables.

Justement, pour respecter cette éthique - tu ne tueras pas - qui est la nôtre, nous proposons d'ajouter dans le code de la santé publique une cinquième exception exonérant les médecins de poursuites pénales - refus de l'obstination déraisonnable ; principe du « double effet », dont tout le monde sait que le résultat est euthanasique ; limitation ou arrêt de traitement pour les personnes conscientes en fin de vie ou non ; limitation ou arrêt de traitement pour les personnes inconscientes en fin de vie ou non -, à savoir l'aide médicalisée pour mourir, dans des cas très précis qui, vous le reconnaissez, restent aujourd'hui sans solution.

Alors, vous ne l'acceptez pas ! Vous laissez à la justice le soin de décider des cas d'exception tels que celui de Vincent Humbert ! Mes chers collègues, la justice a pourtant pour fonction non pas de se substituer au législateur, mais d'appliquer la loi. Nous ne saurions reporter sur les magistrats notre responsabilité.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Ceux-ci n'ont en effet que deux solutions : soit ils appliquent la loi actuelle et poursuivent le médecin pour assassinat ou empoisonnement avec des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à la perpétuité - le problème n'est alors aucunement réglé - ; soit ils se substituent à nous en reconnaissant des circonstances atténuantes, mais la jurisprudence variera selon les juridictions - mon collègue Jean-Pierre Michel évoquait précédemment celle d'Ivry.

Par conséquent, le problème sera occulté et l'épée de Damoclès sera en permanence suspendue au-dessus des médecins. Monsieur le ministre, il ne me semble pas possible de laisser la seule responsabilité de telles questions aux magistrats. C'est notre devoir !

S'agissant de ces cas d'exception que vous refusez de traiter, monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il y a véritablement là un manquement humain ? Prenons le cas d'une personne qui ne peut plus disposer de son corps, ni agir par elle-même, qui dépend impérieusement d'une tierce personne pour tous les actes de la vie quotidienne - boire, manger, se soigner, faire sa toilette, communiquer : cette tierce personne, qui est reconnue par la société, ne pourrait se substituer à elle pour ce qui est du droit fondamental de mettre fin à ses jours !

Dans notre pays, le suicide n'est pas condamnable, et une personne qui manque son suicide n'est pas poursuivie. Et fort heureusement, depuis la Révolution française, on ne brûle plus la maison et on ne confisque plus les biens des personnes qui se suicident !

Pourtant, nous dénions à une personne handicapée, qui ne peut plus se mouvoir, la possibilité de voir sa volonté appliquée par une tierce personne. C'est ajouter une souffrance à une autre souffrance. C'est faire de cette personne dans le malheur un « sous citoyen ». C'est refuser de lui reconnaître, par un moyen quelconque, la même capacité de décision qu'à une personne valide.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le Sénat a voté une loi sur le handicap, animé de la volonté que les personnes handicapées soient considérées comme les personnes valides. Et aujourd'hui, on leur refuse ce droit. L'esprit qui a présidé au vote de la loi sur le handicap devrait pourtant s'appliquer aux personnes qui ne peuvent plus se mouvoir sans une aide extérieure.

Nous avons un devoir impérieux de le faire, sinon, nous ajouterons une souffrance insupportable à une autre souffrance insupportable, nous multiplierons volontairement les souffrances des personnes qui sont dans cette situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 169 :

Nombre de votants 295
Nombre de suffrages exprimés 294
Majorité absolue des suffrages exprimés 148
Pour l'adoption 126
Contre 168

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappels au règlement

Art. additionnels avant l'art. 1er ou après l'art. 2 ou avant l'art. 3 ou avant l'art. 10
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, nous allons quitter l'hémicycle, à moins que vous daigniez répondre maintenant à la question que nous vous avons posée, en vain, voilà un instant : un amendement présenté par notre groupe a-t-il une chance d'être retenu ?

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Non !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le débat est complètement faussé. Nous avons le sentiment - et c'est certainement l'une des raisons pour lesquelles M. About est absent - que, après avoir beaucoup travaillé, après avoir essayé de trouver des solutions consensuelles, la commission des affaires sociales est un peu méprisée.

Nous étions pourtant prêts à faire quelques pas. Comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale, notre vote final dépendait du sort qui serait réservé à nos amendements. Nous n'avions pas une position maximaliste. Nous aurions jugé sur pièce à l'issue du débat. Mais pour l'instant, aucun de nos amendements n'a été retenu.

Les amendements présentés par M. About avaient été adoptés à l'unanimité des membres de la commission. Il aurait été utile qu'ils soient également adoptés en séance publique. Je suppose que si M. About est absent, c'est qu'on l'a prévenu que ses amendements seraient rejetés.

En conséquence, le débat est faussé. Le Sénat ne peut pas s'exprimer. On peut toujours parler, mais sans aucune chance d'être entendu. Il faut voter ce texte conforme. Dès l'instant où cela vient de l'Assemblée nationale, c'est très bien : messieurs les sénateurs, vous n'avez rien à dire ; circulez, il n'y a rien à voir ! Eh bien, comme le disait Maurice Clavel : « Messieurs les censeurs, bonsoir ! » Le groupe socialiste va donc vous laisser le soin de voter ce texte conforme tout seuls ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste quittent l'hémicycle.)

Rappel au règlement (début)
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Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je me suis déjà longuement exprimé tout à l'heure. Nous sommes convaincus que M. le ministre n'accordera aucune attention à nos amendements.

Notre groupe, soucieux d'améliorer la présente proposition de loi, entendait participer à ce débat dans la dignité. De toute évidence, il n'est pas entendu. On constate une volonté de voter ce texte conforme.

Comme l'a rappelé tout à l'heure Mme Borvo Cohen-Seat, tous les membres de notre groupe étaient libres de leur vote. Nous regrettons vivement de ne plus pouvoir accorder de crédit aux amendements qui avaient été adoptés à l'unanimité par la commission des affaires sociales.

Nous comprenons le désenchantement du président About, qui, après trois semaines de travail difficile, s'est exécuté et a retiré ses amendements. C'est une expérience très douloureuse.

Notre groupe a donc décidé, à regret, de quitter l'hémicycle. C'est la première fois que nous le faisons dans de telles conditions, lors de l'examen d'un texte aussi important. Nous considérons avoir déjà tout dit sur ce que devait être ce texte. C'est comme si le Sénat renonçait à sa conception, tout à son honneur, du travail parlementaire qui le conduisait à voter peu de textes conformes et à aiguiser, par des amendements, la justesse des projets et propositions qui lui était soumis.

M. le président. Il ne me revient pas d'exprimer une quelconque observation quant à l'évolution de la séance.

A titre personnel, je regrette que l'hémicycle se vide de cette façon.

M. François Autain. A qui la faute ?

M. le président. Je ne crois pas que l'on puisse m'adresser un quelconque reproche quant à ma façon d'exercer mes responsabilités. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC quittent l'hémicycle.)

La parole est à M. Gérard Delfau, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
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Art. 2

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime à titre personnel, mais sans doute ma position aurait-elle été partagée par l'ensemble de la composante de gauche du RDSE. Cette soirée est telle qu'il m'est difficile d'être sûr de la décision qu'auraient prise mes collègues.

Je tiens à dire à M. le ministre et à la majorité du Sénat que nous assistons à un véritable gâchis. De nombreux sénateurs, y compris parmi ceux qui siègent à gauche de cet hémicycle, étaient prêts à faire un pas, à renoncer à une partie de leurs convictions, sans pour autant les trahir, et à voter cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture qui, même si elle est insuffisante, constitue néanmoins un réel progrès.

Toutefois, la façon dont le débat a été mené - il faudrait plutôt dire malmené - les empêche de le faire. Je ne parle pas de votre manière de conduire les débats, monsieur le président, je salue au contraire votre impartialité et votre constant souci d'apaisement. J'ai progressivement acquis la conviction qu'accepter de me prononcer dans ces conditions reviendrait à cautionner ce qui apparaîtra de toute façon comme un réel recul, même si le texte n'est pas modifié.

L'éclairage qui a été donné tout au long de la soirée par la majorité du Sénat, par ses silences, ses interventions, la présence minimale du ministre au cours d'un débat aussi important, feront, n'en doutez pas, penser à l'opinion publique que le Sénat a voté à reculons, à contrecoeur, un texte d'une portée insuffisante.

Placé devant une telle contradiction, je ne prendrai pas part au vote. Toutefois, soucieux de montrer l'importance que notre groupe, comme tous les autres, attache à ce sujet, je resterai dans l'hémicycle jusqu'au terme de ce débat.

Rappel au règlement (suite)
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Art. additionnel après l'art. 2

Article 2

Le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, remplacer les mots :

, en phase avancée ou terminale

par les mots :

atteinte

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Payet, MM. Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud,  Merceron et  Vallet et Mme G. Gautier, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, après les mots :

qu'en lui appliquant un traitement qui

insérer les mots :

, malgré un ajustement progressif des doses à l'intensité de sa souffrance,

Cet amendement n'est pas soutenu

L'amendement n° 27, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, remplacer les mots :

le malade

par les mots :

la personne

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 28, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David et  Demessine, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique par trois phrases ainsi rédigées :

En cas de refus, le médecin doit respecter la volonté de la personne qui a le droit d'obtenir une aide active à mourir. Il peut opposer un refus à cette demande pour motifs médicaux ou personnels. La procédure suivie ainsi que, le cas échéant, le refus du médecin pour les motifs susmentionnés, sont inscrites dans le dossier médical de la personne.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 61, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique par deux phrases ainsi rédigées :

Il n'est pas tenu d'apporter son concours à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée pour mourir. Le refus du médecin de prêter une assistance médicalisée pour mourir est signifié sans délai à l'auteur de la demande que le médecin est tenu d'orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible de déférer à cette demande.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 3

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David et  Demessine, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1110-10 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le médecin doit respecter la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre les soins palliatifs, après l'avoir informée des conséquences de son choix. Dans ce cas, la personne a le droit d'obtenir une aide active à mourir.

« Le médecin peut opposer un refus à cette demande pour motifs médicaux ou personnels et l'inscrit dans le dossier médical de la personne. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnel après l'art. 2
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Art. 4

Article 3

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code, les mots : « un traitement » sont remplacés par les mots : « tout traitement ».

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Payet, MM. Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud et  Merceron, est ainsi libellé :

A la fin de cet article, remplacer les mots :

tout traitement

par les dispositions suivantes :

toute investigation, tout traitement, tout soin ou tout moyen d'administration de ces derniers. Sa décision est révocable à tout moment. Si le patient a le droit de refuser tout ce que lui propose le médecin, il a aussi la responsabilité de se soigner avec des moyens normaux et proportionnés à son état. L'équipe soignante a donc le devoir de l'aider à accepter, dans le respect de sa liberté, les soins normaux, dus en pareil cas.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art.  5

Article 4

Le deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code est complété par quatre phrases ainsi rédigées :

« Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, par les mots :

qui ne peut excéder un mois

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. additionnels après l'art. 5

Article 5

Après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. »

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par M. Etienne, Mme B. Dupont, MM. Lardeux et  Vasselle, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, après les mots :

hors d'état d'exprimer sa volonté,

insérer les mots :

et que les procédures thérapeutiques correspondraient à situer l'action médicale dans le cadre de l'article L. 1110-5

La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Etant donnée la tournure prise par les débats - on nous a accusés d'être muets, mais nous n'avons plus maintenant d'interlocuteur -, je retire cet amendement, de même que les amendements nos 1 rectifié quinquies, 86 rectifié, 2 rectifié quater, 3 rectifié ter, 4 rectifié ter et 5 rectifié quater.

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par Mme Payet, MM. Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud,  Merceron et  Vallet, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, après les mots:

la limitation ou l'arrêt de traitement

insérer les mots:

disproportionné à son état

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par M. Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Fournier,  Seillier et  Etienne, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, remplacer les mots :

susceptible de mettre sa vie en danger

par les mots :

disproportionné à son état, susceptible de mettre en danger la vie du patient,

Cet amendement a été précédemment retiré.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 74, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

en danger

rédiger comme suit la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique :

doit être réalisé après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale, et avec l'accord de la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou avec celui de la famille ou, à défaut, celui de l'un de ses proches, et après avoir vérifié l'existence de directives anticipées de la personne et les avoir consultées.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 32, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après les mots :

déontologie médicale

rédiger comme suit la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique :

à laquelle est associée la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou, à défaut, un de ses proches, et sans avoir respecté les directives anticipées de la personne lorsqu'elles existent.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 75, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, remplacer les mots :

, le cas échéant, les directives anticipées de la personne,

par les mots :

les directives anticipées de la personne lorsqu'elles existent,

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 18, présenté par Mme Payet, MM. Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud,  Merceron et  Vallet, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1111-4 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :

Le médecin ne peut interrompre un traitement proportionné à l'état d'une personne malade et incapable d'exprimer sa volonté.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Fournier,  Seillier et  Etienne, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1111-4 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :

« Le médecin ne peut interrompre un traitement proportionné à l'état d'une personne malade et incapable d'exprimer sa volonté. »

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 33, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :

Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 76, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :

« Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 34, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, par un alinéa ainsi rédigé :

« Le manque de disponibilité en lits de réanimation ne peut intervenir dans la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art.  5
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Art. 6

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1111-4 du même code, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 1111-4-1 - Lorsqu'une personne demande le bénéfice d'une assistance médicalisée pour mourir en application du dernier alinéa de l'article L. 1110-9, un collège de trois médecins, dont un au moins exerce des fonctions hospitalières, saisi sans délai de la demande par le médecin traitant, s'assure, au cours d'un entretien tendant à informer l'intéressé de son état de santé et des possibilités offertes par les soins palliatifs et l'accompagnement de fin de vie, du caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande. Ledit collège prend connaissance des directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-5-4 (cf. amendement n° 65) que cette personne a pu précédemment établir.

« Dans un délai de quinze jours au plus, le collège établit un rapport justifiant, le cas échéant, du caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande. Ce rapport est remis sans délai à l'intéressé.

« Lorsque le rapport constate le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande, l'intéressé dispose d'un délai de quinze jours à compter de la remise qui lui en est faite pour confirmer celle-ci par écrit. Lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité, médicalement constatée, d'écrire, il peut désigner, en présence de deux témoins, une personne majeure n'ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès pour rédiger cette confirmation.

« L'assistance médicalisée pour mourir ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l'intéressé si le collège de médecins qui a établi le rapport précité atteste que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci.

« L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« Le rapport et la confirmation écrite de l'intéressé sont versés au dossier médical de celle-ci.

« Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté une assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir, instituée par l'article L. 1111-6-1 (cf. amendement n° 65), un rapport exposant les conditions dans lesquelles celle-ci s'est déroulée. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ainsi que, s'il en existe, les directives anticipées mentionné à l'article L. 1111-5-4 (cf. amendement n° 65). 

« Art. L. 1111-4-2 - Lorsqu'une personne majeure capable, atteinte d'une affection reconnue incurable et irréversible, se trouve dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, elle peut néanmoins bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir si cette volonté résulte de directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l'article L. 1111-5-4. Une personne de confiance, désignée par ce document, saisit de la demande le médecin traitant qui la transmet sans délai à un collège de trois médecins, dont un au moins exerce des fonctions hospitalières. Après avoir consulté les praticiens de santé et les proches qui assistent au quotidien l'intéressé, ce collège établit, dans un délai de quinze jours au plus, un rapport déterminant si l'état de celui-ci justifie qu'il soit mis fin à ses jours au regard de la volonté exprimée dans ledit testament.

« En l'absence de directives anticipées et à moins qu'il ne soit fait état par tout autre document écrit d'une volonté contraire de la personne visée au premier alinéa, celle-ci, lorsqu'elle est maintenue dans un état de survie artificielle permanent, peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la demande de son conjoint ou de ses enfants ou, en l'absence de conjoint ou d'enfant, de ses parents ou de ses frères et soeurs ou, à défaut, d'un proche. Après avoir vérifié que le conjoint ou l'un des enfants ne s'oppose pas à une telle demande, le médecin traitant la transmet sans délai à un collège de trois médecins, dont un au moins exerce des fonctions hospitalières, qui, après consultation des praticiens de santé et des proches assistant au quotidien l'intéressé, établit dans un délai de quinze jours au plus un rapport concluant à l'assistance médicalisée pour mourir ou la refusant et justifiant l'option choisie.

« Lorsque le rapport visé au premier ou au deuxième alinéa conclut à l'assistance médicalisée pour mourir, celle-ci ne peut intervenir avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la remise dudit rapport à l'auteur de la demande.

« Dans l'hypothèse visée au deuxième alinéa, le droit d'opposition du conjoint et des enfants peut s'exercer à tout moment.

« Le rapport mentionné au premier ou au deuxième alinéa est versé au dossier médical de l'intéressé.

« Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté l'assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir instituée par l'article L. 1111-6-1 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celle-ci s'est déroulée. A ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ainsi que, s'il en existe, les directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-5-4. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 64, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1111-5 du même code, sont insérés trois articles ainsi rédigés :

« Art. L. 1111-5-1. - Un mineur âgé de treize ans au moins ou un majeur protégé par la loi atteint d'une affection reconnue incurable et irréversible peut, à sa demande, bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la double condition que les titulaires de l'autorité parentale ou le représentant légal, selon le cas, donnent leur accord écrit et qu'un collège de trois médecins, dont un au moins exerce des fonctions hospitalières, saisi sans délai de la demande par le médecin traitant, atteste du caractère libre, éclairé et réfléchi de celle-ci.

« Après un entretien avec l'intéressé tendant à l'informer de son état de santé et des possibilités offertes par les soins palliatifs et l'accompagnement de fin de vie, qui se déroule en présence des détenteurs de l'autorité parentale ou du représentant légal selon le cas, le collège des trois médecins établit, dans un délai de quinze jours au plus, un rapport rendant compte de l'entretien et justifiant, le cas échéant, du caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande.

« Lorsque ce rapport constate le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande, l'intéressé dispose d'un délai de quinze jours à compter de la remise qui lui en est faite pour confirmer celle-ci par écrit. S'il se trouve dans l'impossibilité, médicalement constatée, d'écrire, il peut désigner, en présence de deux témoins, une personne majeure n'ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès pour rédiger cette confirmation.

« L'assistance médicalisée pour mourir ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la confirmation de la demande.

« L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'accord écrit des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant légal, le rapport établi par le collège de trois médecins et la confirmation écrite du demandeur sont versés au dossier médical de ce dernier.

« Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté l'assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir, instituée par l'article L. 1111-6-1 (cf. amendement n° 66), un rapport exposant les conditions dans lesquelles celle-ci s'est déroulée. A ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. »

« Art. L. 1111-5-2. - Un mineur ou un majeur protégé par la loi, maintenu dans un état de survie artificielle permanent, peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la demande écrite des titulaires de l'autorité parentale ou du représentant légal selon le cas.

« Le médecin traitant transmet sans délai la demande à un collège de trois médecins dont un au moins exerce des fonctions hospitalières. Après consultation des praticiens de santé et des proches assistant au quotidien l'intéressé, le collège établit, dans un délai de quinze jours au plus, un rapport autorisant ou refusant l'assistance médicalisée pour mourir et justifiant l'option choisie.

« Lorsque ce rapport conclut à l'assistance médicalisée pour mourir, celle-ci ne peut intervenir avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la remise dudit rapport à l'auteur de la demande. Le rapport ainsi que la demande écrite sont versés au dossier médical de l'intéressé.

« Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté l'assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir, instituée par l'article L. 1111-6-1, un rapport exposant les conditions dans lesquelles celle-ci s'est déroulée. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article.

« Art. L. 1111-5-3. - À moins qu'elle n'ait exprimé une volonté contraire dans un quelconque écrit, toute personne atteinte d'une affection incurable et irréversible accompagnée de souffrances insupportables et inextinguibles et qui se trouve dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée peut néanmoins bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à l'initiative de son médecin traitant, d'un praticien de santé de l'équipe soignante ou d'un proche. Le médecin traitant transmet sans délai la demande à un collège de trois médecins, dont un au moins exerce des fonctions hospitalières, qui, après avoir consulté les praticiens de santé et les proches qui assistent au quotidien l'intéressé, établit, dans un délai de quinze jours au plus, un rapport concluant à l'assistance médicalisée pour mourir ou la refusant et justifiant l'option choisie. Ce rapport est versé au dossier médical de l'intéressé.

« Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté l'assistance médicalisée pour mourir adresse à la commission régionale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir, instituée par l'article L. 1111-6-1, un rapport exposant les conditions dans lesquelles celle-ci s'est déroulée. A ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. le président. L'amendement n° 65, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article 1111-5 du même code est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-5-4. - Toute personne majeure capable peut, par anticipation d'une situation où elle ne serait plus en mesure d'exprimer sa volonté, consigner dans un document écrit des directives relatives aux modalités souhaitées par elle d'un accompagnement médicalisé de sa fin de vie.

« Dans ces directives anticipées, la personne peut indiquer si et dans quelles circonstances elle souhaite bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir telle qu'elle est régie par le présent code ou, au contraire, si elle refuse la mise en oeuvre de ces dispositions. Elle peut y préciser si, en l'absence de toute perspective d'amélioration de son état de santé, elle souhaite bénéficier de soins palliatifs et d'un accompagnement de fin de vie. Elle peut également y indiquer son accord ou son refus que soient prélevés sur son corps des organes après sa mort.

« Elle désigne dans les directives anticipées la ou les personnes de confiance, au sens du premier alinéa de l'article L. 1111-6, chargées de la représenter le moment venu. Toutefois, ne peut être valablement désigné comme personne de confiance le médecin traitant ou un membre de l'équipe de praticiens prodiguant des soins à l'auteur de ces directives.

« Les directives anticipées sont écrites, datées et signées de la main de leur auteur et ne sont assujetties à aucune autre forme. Lorsque l'auteur se trouve dans l'impossibilité, médicalement constatée, d'écrire, il peut désigner, en présence de deux témoins qui contresignent le document, une personne majeure n'ayant aucun intérêt matériel ou moral à son décès pour rédiger celui-ci.

« Les directives anticipées sont inscrites sur un registre national automatisé tenu par l'Autorité nationale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir instituée par l'article L. 1111-6-1 (cf. amendement n° 66). Toutefois, cet enregistrement ne constitue pas une condition de validité des directives anticipées.

« Les directives anticipées peuvent être modifiées, remplacées ou détruites par leur auteur ou à sa demande à tout moment. Leur validité est subordonnée à leur confirmation selon une périodicité de cinq années à compter de leur enregistrement ou, en l'absence d'enregistrement, de leur signature. La confirmation doit intervenir avant la fin du deuxième mois suivant l'expiration du délai de cinq années. Toute modification vaut confirmation et fait courir une nouvelle période de cinq années.

« Les modalités de gestion du registre et la procédure de communication des directives anticipées à l'Autorité susvisée ou au médecin traitant qui en fait la demande en application des articles L. 1111-4-1 (cf. amendement n° 63) et L. 1111-4-2 (cf. amendement n° 63) , sont définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

II. En conséquence, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1111-6 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il est également proposé au malade d'établir des directives anticipées telles qu'elles sont définies à l'article L. 1111-5-4. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 66, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1111-6 du même code, est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-6-1. - Il est institué auprès du Garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la santé, un organisme dénommé « Autorité nationale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir » constitué de douze membres dont quatre médecins et quatre magistrats. Cette autorité nationale est chargée de tenir le registre national automatisé des directives anticipées. Elle exerce un contrôle sur le respect des exigences légales pour chaque dossier d'assistance médicalisée pour mourir qui lui est transmis par une de ses commissions régionales. Elle dispose, en matière de contrôle, d'un pouvoir général d'évocation.

« Il est institué dans chaque région une commission régionale présidée par le préfet de région ou son représentant. Cette commission comprend neuf membres dont trois médecins et trois magistrats. Elle est chargée de contrôler, chaque fois qu'elle est rendue destinataire d'un rapport d'assistance médicalisée pour mourir en application des articles L. 1111-4-1 (cf. amendement n° 63), L. 1111-4-2 (cf. amendement n° 63) et L. 1111-5-1 (cf. amendement n° 64) à L. 1111-5-3 (cf. amendement n° 64), si les exigences légales ont été respectées. Lorsqu'elle estime que ces exigences n'ont pas été respectées ou en cas de doute, elle transmet le dossier à l'autorité nationale susvisée.

« Les décisions de l'Autorité nationale de contrôle des pratiques en matière d'assistance médicalisée pour mourir et des commissions régionales sont collégiales. Cette autorité et ces commissions peuvent entendre le médecin qui a apporté l'assistance médicalisée pour mourir.

« Les autres règles relatives à la composition ainsi qu'à l'organisation et au fonctionnement de l'Autorité susvisée et des commissions régionales sont définies par décret en Conseil d'Etat. Les membres de cette autorité et de ces commissions sont tenus au secret professionnel ; ils ne peuvent prendre part à une procédure de contrôle pour laquelle ils auraient un intérêt direct ou indirect au cas examiné. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnels après l'art. 5
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Art. 7

Article 6

Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré un article L. 1111-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical.

« Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-10 dans le code de la santé publique, remplacer les mots :

du malade

par les mots :

de la personne

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 2 rectifié quater, présenté par M. Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Fournier,  Seillier et  Etienne, est ainsi libellé :

Compléter la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-10 du code de la santé publique par les mots :

et est révocable à tout moment

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré un article L. 1111-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-11. - Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment.

« A condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement la concernant.

« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. »

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 67, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Debré et  Desmarescaux et M. Milon, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L.1111-11 du code de la santé publique :

Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées sur sa fin de vie pour le cas où elle serait un jour, et pendant plusieurs jours, hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement, et concernant les personnes, autres que l'équipe médicale, devant être consultées. Elles sont révocables à tout moment.

A condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne, le médecin et les personnes désignées en tiennent compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement la concernant.

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

L'amendement n° 40, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique, insérer une phrase ainsi rédigée :

Lors de son admission dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social accueillant des personnes âgées, il est demandé à la personne concernée si elle a rédigé des directives anticipées ; si ce n'est pas le cas, il lui est proposé de le faire.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 36, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique par les mots suivants :

ainsi que, le cas échéant, sa volonté en matière de prélèvement d'organes

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 41, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique, par les mots :

ainsi que, s'il y a lieu, la personne de confiance qu'elle a désignée en application de l'article L. 1111-6.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 42, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elles sont inscrites dans son dossier médical personnel.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 37, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique :

Elles sont rédigées, datées et signées par ladite personne qui peut les modifier, les remplacer ou les révoquer à tout moment.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 38, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique, remplacer les mots :

en tient compte

par les mots :

doit les respecter

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 77, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'existence de directives anticipées de la personne est mentionnée dans le dossier médical personnalisé. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-11 dans le code de la santé publique :

« Ces directives anticipées sont enregistrées sur un registre national automatisé. Un décret en conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, définit leurs conditions de validité, de confidentialité et de conservation. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Art. 9

Article 8

Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré un article L. 1111-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause et hors d'état d'exprimer sa volonté, a désigné une personne de confiance en application de l'article L. 1111-6, l'avis de cette dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l'exclusion des directives anticipées, dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement prises par le médecin. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 78, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-12 du code de la santé publique :

« Art. L. 1111-12. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention, investigation ou traitement ne peut être réalisé, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. L'avis de la personne de confiance prévaut, à l'exclusion des directives anticipées quand elles existent. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 44, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-12 dans le code de la santé publique, supprimer les mots :

non médical

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 43, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-12 dans le code de la santé publique, remplacer les mots :

dans les décisions

par les mots :

dans la mise en oeuvre des décisions

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Art. additionnel après l'art. 9

Article 9

Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré un article L. 1111-13 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-13. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et consulté la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical.

« Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après les mots :

hors d'état d'exprimer sa volonté

rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article L. 1111-13 dans le code de la santé publique :

le médecin peut limiter ou arrêter un traitement disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale, à laquelle est associée la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6 du présent code, la famille ou, à défaut, un de ses proches et respecté les directives anticipées de la personne, lorsqu'elles existent.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par M. Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Seillier et  Etienne, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-13 du code de la santé publique, remplacer les mots :

un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne

par les mots :

les actes de prévention, d'investigation et de soins disproportionnés par rapport au but attendu

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 19, présenté par Mme Payet, MM. Amoudry,  Badré,  Biwer,  J. Boyer,  A. Giraud,  Merceron et  Vallet, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-13 du code de la santé publique, remplacer les mots:

un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne

par les mots :

les actes de prévention, d'investigations ou de soins disproportionnés par rapport au but attendu,

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-13 du code de la santé publique, avant le mot :

inutile

insérer le mot :

devenu

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 79, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1111-13 du code de la santé publique, remplacer le mot :

consulté

par les mots :

en accord avec

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Art. 9
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Art. 10

Article additionnel après l'article 9

M. le président. L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par M. Etienne, Mme B. Dupont, MM. Lardeux et  Vasselle, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art L. ... -Tout décès fait l'objet d'une déclaration établie par le médecin et adressée au représentant de l'Etat dans le département lorsqu'il est intervenu :

« - à la suite de la décision du patient de refuser ou d'interrompre tout traitement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 ;

« - à la suite de la décision du médecin de limiter ou d'arrêter un traitement dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 1111-4 ;

« - à la suite de la décision du médecin de limiter ou d'arrêter un traitement dans les conditions prévues à l'article L. 1111-10 ;

« - à la suite de la décision du médecin de limiter ou d'arrêter un traitement dans les conditions prévues à l'article L. 1111-13.

« Cette déclaration ne fait aucune mention de l'identité de la personne décédée.

« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. »

La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. J'aimerais demander à M. le ministre si nous disposerons d'un bilan de cette loi, qui nous permette de savoir comment elle est vécue et comment les choses se déroulent.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Mme Dupont a raison de poser la question.

Je m'engage à ce que, dans les décrets, nous prenions concrètement en considération la demande d'évaluation d'une telle proposition législative.

Cette évaluation est d'autant plus normale que ce texte - cela n'a pas été assez dit -, est lié à un plan du Gouvernement pour les soins palliatifs.

Il est évident que nous devrons régulièrement faire le point, en toute transparence, sur les effets de cette loi.

Mme Bernadette Dupont. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 59 rectifié bis est retiré.

Art. additionnel après l'art. 9
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Art. additionnel après l'art. 10

Article 10

I. - Après l'article L. 1111-9 du même code, il est inséré une division ainsi rédigée : « Section 2. - Expression de la volonté des malades en fin de vie ».

II. - Avant l'article L. 1111-1 du même code, il est inséré une division ainsi rédigée : « Section 1. - Principes généraux ».

III. - Dans la première phrase de l'article L. 1111-9, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section ».

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A la fin du I de cet article, remplacer les mots :

en fin de vie »

par les mots :

et fin de vie ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
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Art. 11

Article additionnel après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 1112-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils assurent également, dans le cadre de la formation initiale et continue des professionnels de santé, une information sur la fin de vie et sur les conditions de réalisation d'une assistance médicalisée pour mourir. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnel après l'art. 10
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Art. 12

Article 11

Après le premier alinéa de l'article L. 6114-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils identifient les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et définissent, pour chacun d'entre eux, le nombre de référents en soins palliatifs qu'il convient de former ainsi que le nombre de lits qui doivent être identifiés comme des lits de soins palliatifs. »  - (Adopté.)

Art. 11
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Art. 13

Article 12

Après l'article L. 6143-2-1 du même code, il est inséré un article L. 6143-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 6143-2-2. - Le projet médical comprend un volet « activité palliative des services ». Celui-ci identifie les services de l'établissement au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs. Il précise les mesures qui doivent être prises en application des dispositions du contrat pluriannuel mentionné aux articles L. 6114-1 et L. 6114-2.

« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. » - (Adopté.)

Art. 12
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Art. 14

Article 13

I. - Après la première phrase de l'article L. 311-8 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le cas échéant, ce projet identifie les services de l'établissement ou du service social ou médico-social au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et précise les mesures qui doivent être prises en application des dispositions des conventions pluriannuelles visées à l'article L. 313-12. »

II. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 22 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 80 est présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article L. 311-8 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée:

Ces mesures peuvent prévoir l'intervention d'un service d'hospitalisation à domicile au sein de l'établissement ou service social ou médico-social.

Les amendements identiques nos 22 et 80 ne sont pas soutenus.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
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Art. additionnel après l'art. 14

Article 14

Le I de l'article L. 313-12 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La convention pluriannuelle identifie, le cas échéant, les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et définit, pour chacun d'entre eux, le nombre de référents en soins palliatifs qu'il convient de former ainsi que le nombre de lits qui doivent être identifiés comme des lits de soins palliatifs. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 23 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 81 est présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

et peut prévoir l'intervention d'un service d'hospitalisation à domicile pour répondre aux besoins

Les amendements identiques nos 23 et 81 ne sont pas soutenus.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Art. 14
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Art. 14 bis

Article additionnel après l'article 14

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de trois ans, il est créé dans chaque centre hospitalier régional, un centre d'éthique clinique destiné à aider, à leur demande et au cas par cas, patients, familles et médecins confrontés à une situation complexe ou difficile sur le plan éthique.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnel après l'art. 14
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Art. additionnel après l'art. 14 bis

Article 14 bis

En application du 7° de l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, une annexe générale jointe au projet de loi de finances de l'année présente tous les deux ans la politique suivie en matière de soins palliatifs et d'accompagnement à domicile, dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 83, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale présente tous les deux ans la politique suivie en matière de soins palliatifs et d'accompagnement à domicile, dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 46, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En application du 6° du II de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, tel que modifié par la loi organique n° ... .. du ... .., une annexe jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année présente la politique suivie en matière de soins palliatifs et d'accompagnement à domicile, dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 14 bis.

(L'article 14 bis est adopté.)

Art. 14 bis
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Art. 15 (supprimé)

Article additionnel après l'article 14 bis

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d'une assistance médicalisée pour mourir mise en oeuvre selon les conditions et procédures prescrites par le code de la santé publique. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 47, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué, auprès du Garde des sceaux, ministre de la Justice et du ministre chargé de la santé, une commission nationale d'évaluation et de suivi chargée d'examiner si les conditions et procédures fixées par la présente loi ont été respectées.

Sa composition, son organisation et son fonctionnement sont fixés par décret du Conseil d'Etat.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 48, présenté par MM. Autain,  Fischer et  Muzeau, Mmes Assassi et  Beaufils, MM. Biarnès et  Billout, Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Bret et  Coquelle, Mmes David,  Demessine et  Didier, M. Foucaud, Mme Hoarau, MM. Hue et  Le Cam, Mmes Luc et  Mathon, MM. Ralite,  Renar,  Vera et  Voguet, est ainsi libellé :

Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fera l'objet d'un nouvel examen d'ensemble par le Parlement dans un délai maximum de trois ans après son entrée en vigueur.

Elle fera en outre, dans un délai de deux ans, l'objet d'une évaluation de son application par l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 84, présenté par MM. Godefroy,  Michel et  Dreyfus-Schmidt, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 14 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fera l'objet après évaluation de son application par l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé d'un nouvel examen par le parlement dans un délai maximum de trois ans après son entrée en vigueur.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnel après l'art. 14 bis
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Art. additionnel après l'art. 15

Article 15 (Supprimé)

Art. 15 (supprimé)
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Intitulé de la proposition de loi

Article additionnel après l'article 15

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié ter, présenté par M. Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Fournier et  Etienne, est ainsi libellé :

Après l'article 15, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'alimentation et l'hydratation, même artificielles, sont des soins minimaux, ordinaires, proportionnés, dus à la personne et ne peuvent être considérés comme des traitements.

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 70, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt,  Godefroy et  Michel, Mmes Alquier et  Campion, MM. Cazeau et  Madec, Mmes Printz,  San Vicente,  Schillinger,  Cerisier-ben Guiga et  Durrieu, M. Lagauche, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa date de promulgation.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Art. additionnel après l'art. 15
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Seconde délibération

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié quater, présenté par M. Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Fournier,  Seillier,  Etienne et  Pelletier, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé de la proposition de loi, remplacer les mots :

et à la

par les mots :

en

Cet amendement a été précédemment retiré.

Seconde délibération

Intitulé de la proposition de loi
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Art. 1er

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le président, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 1er.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission y est évidemment favorable. Mais elle demande une suspension de séance pour se réunir.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.

La seconde délibération est ordonnée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes, afin de permettre à la commission de se réunir.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 13 avril 2005, à une heure trente-cinq, est reprise à une heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement :

« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements, et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »

Seconde délibération
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 1er

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 1er dans cette rédaction :

Après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent disproportionnés par rapport au but attendu, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, remplacer les mots :

Disproportionnés par rapport au but attendu

Par les mots :

Inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cet amendement a pour objet de compléter les dispositions relatives à la définition de l'« obstination déraisonnable ».

Il précise qu'il s'agit non seulement des actes disproportionnés, mais également des actes inutiles ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.

Cette rédaction valorise les bonnes pratiques médicales, et l'importance de l'appréciation par le médecin de la situation constituant une « obstination déraisonnable ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Il est évident que je voterai cet amendement.

Monsieur le ministre, je n'ai pas encore pris la parole aujourd'hui, mais je voudrais émettre un souhait, qui, j'en suis sûre, est celui d'un grand nombre d'entre nous : j'aimerais que vous vous engagiez à développer des structures accueillant des malades en fin de vie, à développer les soins palliatifs et, surtout, à aider à la formation des médecins qui accompagnent tous ces malades en fin de vie. Il y a un terrible problème de formation.

J'espère que vous pourrez vous engager devant nous ce soir à faire tout votre possible pour que soit formé au mieux ce personnel médical. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Tout d'abord, nous avons débloqué 69 millions d'euros pour lancer un plan de soins palliatifs. Ce plan fait déjà apparaître un certain nombre de résultats.

Il nous faut pourtant reconnaître qu'aujourd'hui encore dix départements français sont dépourvus de structure de soins palliatifs.

Ces structures seront développées, d'une part, dans des maisons de retraite médicalisées, d'autre part dans des établissements hospitaliers. Il est en effet hors de question pour nous de mettre en place des structures spécifiques, où des personnes iraient finir leur vie. Il s'agit au contraire d'éparpiller, de banaliser ces structures, de parvenir à ce que Marie de Hennezel appelle une « culture des soins palliatifs », culture qui se développe progressivement dans notre pays.

Par ailleurs, il est évident que, au fur et à mesure du vieillissement de la population et de l'application du plan que j'évoquais, il nous faudra mettre en place des unités de soins palliatifs mobiles pour permettre au plus grand nombre de personnes possible de mourir dans la dignité à domicile.

Enfin, vous avez abordé, madame le sénateur, la question de la formation. Nous sommes aujourd'hui en retard en matière de formation tant initiale que continue des professionnels de santé, qu'il s'agisse des médecins ou des infirmières.

C'est la raison pour laquelle, comme l'a souligné M. le rapporteur, nous devons créer des chaires de soins palliatifs et mettre en place une formation universitaire spécifique, pour que, dans quelques années, la culture des soins palliatifs soit ancrée chez tous les professionnels de santé. C'est là un engagement que je prends devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen de l'article soumis à la seconde délibération.

Vote sur l'ensemble

Art. 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme j'ai pu l'indiquer cet après-midi au cours de la discussion générale, je ne voterai pas cette proposition de loi.

Je m'abstiendrai, non pas que je sois pour toutes les formes d'euthanasie - nous en avons longuement débattu -, mais parce que je suis contre l'euthanasie, qu'elle soit, comme l'a qualifiée M. le ministre, active ou passive.

Je ne voterai pas cette proposition de loi parce qu'elle ne résout rien. Le ministre a évoqué tout à l'heure l'hypocrisie qui régnerait, aux alentours de minuit, dans un certain nombre de services de réanimation ; mais c'est plutôt dans le texte que vous vous apprêtez à adopter, mes chers collègues, qu'il faut la chercher ! Dans les services de réanimation, dans les services de médecine, ce n'est pas l'hypocrisie qui prévaut : c'est la conscience des médecins, c'est leur choix personnel.

Ce sont tous les membres de l'équipe médicale et paramédicale qui entoure ces patients. En les traitant d'hypocrites, monsieur le ministre, vous dépassez largement ce que, comme moi-même tout au long de l'exercice de mon activité professionnelle, vous avez certainement pu constater.

Nous n'avons rien résolu, et les débats de ce soir l'ont bien montré. Traiter le problème de la fin de vie, c'est ne pas traiter un certain nombre de cas qui, certainement, sont les plus médiatisés. Vincent Humbert était-il en fin de vie ? Non ! Ce texte ne se serait pas appliqué à lui, nous le savons très bien, et c'est tant mieux. Il me semble que c'est au corps médical, à l'équipe soignante qu'il doit revenir de définir à quel moment on passe d'un stade à un autre.

La proposition de loi, je l'ai indiqué, ne change rien non plus sur le plan pénal. Des poursuites pourront toujours être engagées par les ayants droit, par un membre de la famille qui, pour une raison ou pour une autre, sera opposé à la décision qui aura été prise. L'ouverture de procédures restera donc possible, et cela conduira peut-être un certain nombre de médecins à s'expliquer devant la justice.

La commission des affaires sociales du Sénat a procédé à de nombreuses auditions, et chacun de ses membres a mené une réflexion sur le texte. Il est regrettable que son travail ne soit pas pris en compte.

Je rends hommage au rapporteur, M. Gérard Dériot, mais aussi au président de la commission, M. Nicolas About, qui, en son âme et conscience, avait déposé à titre personnel des amendements qui pouvaient clarifier et améliorer le texte, en aucun cas le déformer. Il ne les a pas soutenus. Je le regrette, car, pour le connaître depuis longtemps, je sais que son intention était non pas de nuire à qui que ce soit, mais de défendre ses propres convictions.

Il est dommage que sur un texte aussi important, qui en appelle à la conscience de chacun d'entre nous, nous nous repliions sur une forme d'hypocrisie. C'est pour cette raison, monsieur le président, que, personnellement, je m'abstiendrai.

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat très particulier, il faut bien en convenir, je voudrais à mon tour rendre hommage au rapporteur et, à travers lui, à la commission des affaires sociales.

Le travail qu'elle a effectué mérite tout notre respect, toute notre estime et toute notre gratitude, car elle a entendu tout ce qui compte dans le pays comme autorités morales, comme autorités scientifiques ou médicales pour éclairer l'opinion du Sénat. Le problème, extrêmement difficile, souvent douloureux, en appelle à nos consciences et, aujourd'hui, suscite en effet des interrogations profondes : c'est celui, si essentiel, du passage de la vie à la mort, et c'est pourquoi nous respectons infiniment tous les points de vue qui ont été exprimés ici, ce soir.

Le groupe UMP a été particulièrement sensible à l'appel lancé par le ministre.

Il faut d'abord rappeler que ce sont deux députés d'opinions tout à fait différentes, Mme Morano, du groupe UMP, et M. Gorce, du groupe socialiste, qui, à partir d'un fait infiniment douloureux, infiniment triste, se sont concertés pour rédiger une proposition de loi commune en essayant de dépasser les clivages et de trouver ce qui, dans un domaine aussi difficile, pourrait faire l'objet d'un consensus.

Fut ensuite constituée une commission spéciale qui, sous la houlette de son rapporteur, M. Jean Leonetti, a abouti à un texte consensuel et équilibré : vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, chacun a fait un effort pour atténuer certaines de ses demandes et aller à la rencontre de l'autre, si bien que la proposition de loi a été votée à l'unanimité des groupes de l'Assemblée nationale. Le fait est suffisamment rare pour qu'on le reconnaisse et qu'on en tire des conséquences.

Je comprends la frustration de ceux de nos collègues qui estiment que le Sénat doit toujours pouvoir amender, améliorer un texte et, je le reconnais très volontiers, si nous avions eu l'initiative de cette proposition de loi, peut-être l'aurions-nous rédigée autrement, peut-être aurions-nous trouvé d'autres termes. Mais le problème n'est plus là ! Le problème, il est de prendre en considération ce fait unique, ou en tout cas beaucoup trop rare, de l'accord d'une partie de la représentation nationale sur un texte essentiel. Je ne crois pas que le Sénat se déconsidère en en prenant acte.

M. le rapporteur nous a fort bien exposé les raisons qui le conduisaient à nous demander d'émettre un vote conforme. J'aurais préféré que la proposition de loi fasse l'objet d'une très large adhésion et que l'on puisse dire que le Parlement français dans son ensemble s'était uni pour l'adopter. Cela n'a pas été possible, et je le déplore.

Il faut cependant être clair : certains de nos collègues, dont je respecte les convictions, ont rouvert ce soir le débat sur l'euthanasie. Nous ne pouvions pas, sur ces travées, approuver quoi que ce fût qui aille dans ce sens ! Dans ces conditions, il ne peut pas y avoir de consensus au sein de la Haute Assemblée.

Il eût été regrettable que, sur ce point, le Sénat se distingue de l'Assemblée nationale et que cette proposition de loi, comme n'importe quel autre texte, connaisse les allers-retours de la navette : croyez-moi, il n'en serait pas resté grand-chose !

Le texte qui va être voté aujourd'hui n'est qu'un premier pas. Il marquera une étape et, en tout cas, soulagera la conscience de beaucoup, apportera une aide à un certain nombre de médecins. D'aucuns, à l'instar de l'orateur qui vient de s'exprimer, en doutent, je l'ai bien compris ; je ne suis pas médecin, mais je sais que mon frère, par exemple, qui est médecin réanimateur, considère ce texte comme un progrès pour lui et pour ses confrères.

Il faut se réjouir, mes chers collègues, que le débat ne soit pas rouvert à l'Assemblée nationale. Certains le souhaitaient, regrettant peut-être le consensus intervenu. J'affirme que c'eût été une mauvaise chose. La proposition de loi n'est peut-être pas parfaite, mais, au moins, elle est l'expression d'une volonté très large dans une autre assemblée : il faut le reconnaître en toute simplicité.

Quant au reste, soyons assez humbles pour savoir connaître nos limites, pour savoir que, dans des cas très douloureux, quand on est face à sa conscience, les choses sont extrêmement difficiles. Il est dit quelque part : « Ne jugez pas ! » Nous ne jugeons pas. Nous souhaitons seulement que malgré tout, ce soir, à l'issue de nos débats, soit adopté un texte qui pourra être utile à un très grand nombre de médecins qui, aujourd'hui, n'avaient pas la sécurité juridique et morale dont ils avaient besoin pour accomplir leur tâche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 170 :

Nombre de votants 168
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue des suffrages exprimés 82
Pour l'adoption 161

Le Sénat a adopté définitivement.

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je tiens à remercier l'ensemble des sénateurs. Je pense également, comme M. de Rohan, aux médecins réanimateurs mais aussi et surtout aux malades en fin de vie qui, après qu'un collège de médecins aura écrit noir sur blanc qu'ils sont en fin de vie, pourront passer des soins curatifs aux soins palliatifs, par choix s'ils sont conscients et, s'ils ne le sont pas, en fonction de ce qu'ils auront demandé auparavant.

Il s'agit d'une énorme avancée en vue d'une fin de vie dans la dignité, et je voulais tout simplement et très humblement vous en remercier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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5

TEXTEs SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etats-Unis d'Amérique.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2850 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet de décision du Conseil de l'Union européenne relative à l'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2851 et distribué.

6

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 13 avril 2005, à quinze heures et le soir :

1. Discussion de la question orale européenne avec débat n°QE-14 de M. Henri Revol à M. le ministre délégué à l'industrie sur la politique de gestion des déchets nucléaires ;

M. Henri Revol attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la nécessité pour la France de déterminer maintenant sa politique à long terme en matière de gestion des déchets nucléaires radioactifs, en application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, qui a prévu que des décisions en la matière devaient être prises en 2006 au terme d'un délai de quinze ans. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques vient d'adopter un rapport sur les perspectives des recherches sur la gestion de ces déchets. Il lui demande donc d'exposer les suites que le Gouvernement entend réserver aux recommandations contenues dans ce rapport demandé à l'Office par les présidents des quatre groupes politiques de l'Assemblée nationale.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 240, 2004-2005) sur l'eau et les milieux aquatiques ;

Rapport (n° 271, 2004-2005) fait par M. Bruno Sido, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan ;

Avis (n° 273, 2004-2005) de Mme Fabienne Keller, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation ;

Avis (n° 272, 2004-2005) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant certaines dispositions législatives relatives aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de police en mer (n° 253, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 avril 2005, à dix-sept heures.

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création du registre international français (n° 269, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 avril 2005, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 13 avril 2005, à deux heures cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD