Art. 21
Dossier législatif : projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises
Art. additionnels après l'art. 22

Article 22

I. - L'article 787 B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa les mots : « à concurrence de la moitié de leur valeur » sont remplacés par les mots « à concurrence de 75 % de leur valeur » et après les mots : « par décès ou », les mots : « en pleine propriété » sont supprimés ;

2° Les dispositions suivantes sont insérées avant le dernier alinéa :

« Les dispositions des alinéas qui précèdent s'appliquent en cas de donation avec réserve d'usufruit à la condition que les droits de vote de l'usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l'affectation des bénéfices. Cette exonération n'est alors pas cumulable avec la réduction prévue à l'article 790. »

II. - L'article 787 C du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa les mots : « à concurrence de la moitié de leur valeur » sont remplacés par les mots « à concurrence de 75 % de leur valeur » et après les mots : « par décès ou », les mots : « en pleine propriété » sont supprimés ;

2° Il est ajouté l'alinéa suivant ainsi rédigé :

« En cas de donation avec réserve d'usufruit, l'exonération prévue au présent article n'est pas cumulable avec la réduction prévue à l'article 790. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 387, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle,  Billout et  Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. L'article 22 prolonge le processus engagé dans le cadre de la discussion de la loi pour l'initiative économique.

Lors de l'examen de ce texte, le Gouvernement, par votre voix, monsieur le ministre, avait tenté de favoriser la transmission d'entreprises soumises au prélèvement que constituent les droits de mutation entre vifs en matière de parts sociales ou d'actions de sociétés non cotées.

Cette disposition était à double détente, l'assiette des droits d'enregistrement étant jumelle de celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, et les deux impositions taxant le capital.

Il faut croire que cela reste insuffisant, puisque l'article 22 préconise d'effectuer un abattement plus significatif encore sur la valeur des biens soumis à exonération partielle.

L'article 22 prévoit expressément l'extension de ces dispositions à des opérations menées sous simple réserve d'usufruit. L'article 787 C du code général des impôts, également visé par cet article, présente de semblables caractéristiques.

La mesure que vous proposez n'a de portée que pour un bien dont la valeur serait réellement significative.

Un bien transmis, d'une valeur initiale de 30 000 euros, normalement soumis au taux de 20 %, passerait à une estimation de 7 500 euros soumise au taux de 5 %, voire, sous certaines conditions, à exonération.

Le résultat d'une telle mesure serait une imposition limitée à 375 euros, au lieu d'une imposition de 4 240 euros.

Pour un bien évalué à 732 000 euros, seuil éligible à l'ISF, l'imposition passerait de 165 840 euros à 34 840 euros, soit une réduction de la charge fiscale de plus de 130 000 euros, ou de 80 %. Le tout, en attendant de baisser le montant dû au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune !

D'aucuns estiment que la fiscalité des mutations est scandaleusement élevée dans notre pays. Ils oublient un peu vite que ce qui est taxé est un patrimoine net, dont la valorisation a souvent beaucoup à voir soit avec la spéculation foncière, soit avec la réalité d'un travail salarié.

Ce qui valorise l'actif net d'une entreprise, c'est l'accumulation des résultats comptables obtenus année après année. Ces résultats comptables ne sont pas autre chose que la marge nette dégagée à partir de l'activité et du travail salarié.

Que le produit de ce travail, par la perception des droits d'enregistrement, soit rendu in fine à la collectivité nationale n'est qu'un juste retour des choses.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression.

M. le président. L'amendement n° 331 rectifié bis, présenté par MM. Longuet,  Goujon et  Zocchetto, est ainsi libellé :

A la fin de la première phrase du texte proposé par le 2° du I de cet article pour insérer un alinéa avant le dernier alinéa de l'article 787 B du code général des impôts, supprimer les mots :

à la condition que les droits de vote de l'usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l'affectation des bénéfices

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Le texte soumis à notre examen vise à favoriser la transmission des entreprises, intention particulièrement louable eu égard à la situation démographique des dirigeants d'entreprise, situation que chacun connaît.

L'article 22 du projet de loi modifie ainsi opportunément l'article 787 B du code général des impôts, pour en étendre le bénéfice aux cas de donation avec réserve d'usufruit.

Mais cette extension est limitée à l'hypothèse où les droits de vote de l'usufruitier sont statutairement limités aux décisions concernant l'affectation des bénéfices.

Or cette limitation, si elle est conforme aux solutions classiques du droit civil, méconnaît l'étendue réelle des pouvoirs de l'usufruitier et du propriétaire dans la pratique du droit des sociétés.

Les pouvoirs respectifs de l'usufruitier et du propriétaire de parts sociales sont déterminés par les statuts de la société, eux-mêmes adoptés par l'assemblée générale. Sous le contrôle des tribunaux, l'usufruitier se voit usuellement reconnaître des droits plus larges que la seule détermination du dividende.

Il en est couramment ainsi dans les sociétés familiales, où le démembrement du droit de propriété des titres permet d'accompagner la transition entre deux générations.

Cette transition est plus généralement un processus progressif, qui justifie que l'usufruitier exerce, conformément à la décision de l'assemblée générale, la plénitude des droits que lui reconnaît la jurisprudence en la matière.

Dans ces conditions, en contraignant à ramener à son strict minimum le droit de l'usufruitier, le projet de loi qui nous est soumis réduit la liberté d'action de l'assemblée générale et encourage une transmission finalement brutale des commandes de l'entreprise, ce qui n'est pas souhaitable.

L'amendement n° 331 rectifié bis tend donc à supprimer la mention conditionnelle du 2° du I de l'article 22 ; une telle suppression permettrait de se conformer à l'évolution jurisprudentielle et de donner plus de souplesse à la transmission des entreprises.

M. le président. L'amendement n° 366, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par le 2° du I pour modifier l'article 787 B du code général des impôts, remplacer les mots :

statutairement limités

par les mots :

limités par convention entre le donateur et le donataire, portée à la connaissance de la société,

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 256, présenté par Mme Gourault et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

I. Compléter le texte proposé par le 2° du I de cet article pour modifier l'article 787 B du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée :

Les dispositions des alinéas qui précèdent s'appliquent également en cas de donation d'usufruit. »

II. Pour compenser les pertes de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant des alinéas précédents sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 150 V bis du code général des impôts.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. L'article 22 vise à inciter les chefs d'entreprise à préparer leur transmission progressivement, en donnant la nue-propriété des actions et en se réservant l'usufruit.

Ce faisant, ils transmettent pour l'essentiel le pouvoir de gestion à leurs enfants, mais conservent un droit de regard sur leur entreprise, ainsi qu'un droit aux dividendes.

Mais cette situation peut n'être que provisoire : lorsque la transmission d'entreprise se passe dans de bonnes conditions, que les enfants, à leur tour, développent l'activité, il devient possible et même normal d'achever la transmission de l'entreprise par la renonciation à l'usufruit.

Le projet de loi, qui a bien pris acte des vertus pédagogiques de la donation de nue-propriété, n'est cependant pas allé au bout de cette logique, en autorisant également les donations en usufruit.

C'est pourquoi l'amendement n° 256 tend à compléter l'article 22, en proposant que ces dispositions s'appliquent également en cas de donation d'usufruit.

M. le président. L'amendement n° 257, présenté par Mme Gourault et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

I. Compléter le II de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

... ° - L'article 787 C du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des alinéas qui précèdent s'appliquent également en cas de donation d'usufruit. »

II. Pour compenser les pertes de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant du dernier alinéa de l'article 787 C du code général des impôts sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 150 V bis du code général des impôts.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 256.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement de suppression n° 387 est contraire à la position de la commission ; cette dernière émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 331 rectifié bis tend à supprimer la limitation des droits de vote de l'usufruitier. J'ai expliqué dans mon rapport écrit la nécessité constitutionnelle qu'il y a à distinguer cet usufruitier particulier, qui bénéficie d'un régime d'exonération fiscal avantageux, d'un usufruitier normal. Le principe d'égalité devant l'impôt doit en effet être scrupuleusement respecté. Or, ce ne serait pas le cas s'il était donné suite à cet amendement. La commission en demande donc le retrait.

Quant aux amendements nos 256 et 257, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 387, qui tend à supprimer l'article 22.

Il est également défavorable à l'amendement n° 331 rectifié bis, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur. L'avantage fiscal doit en effet être justifié économiquement et juridiquement acceptable au regard du principe d'égalité devant l'impôt, ce qui suppose de conditionner l'abattement à une renonciation du donateur à ses prérogatives de direction de l'entreprise. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 256, et ce pour des raisons qui répondront au souci ayant inspiré les auteurs de l'amendement.

En effet, la suppression des termes « en pleine propriété » prévue par l'article 22 aura notamment pour conséquence d'étendre aux donations démembrées l'application du régime en faveur des transmissions d'entreprise. Les conditions posées par cet article pour les transmissions en nue-propriété ne sont pas de nature à remettre en cause le bénéfice de l'exonération partielle pour les transmissions en usufruit.

Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à retirer l'amendement n° 256, ainsi d'ailleurs, et pour les mêmes raisons, que l'amendement n° 257.

M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur les amendements nos 256 et 257 ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission se rallie à l'avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 387.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Goujon, l'amendement n° 331 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Goujon. Je retire cet amendement pour éviter que ce débat ne soit tranché par le Conseil constitutionnel, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 331 rectifié bis est retiré.

Monsieur Détraigne, les amendements nos 256 et 257 sont-ils maintenus ?

M. Yves Détraigne. Compte tenu des explications apportées, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 256 et 257 sont retirés.

Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Art. 22
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Art. 23

Articles additionnels après l'article 22

M. le président. L'amendement n° 191, présenté par M. Cazalet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 8° lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à un contribuable de bonne foi qui a demandé son accord, à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait, sur la détermination de la valeur vénale de l'entreprise qu'il envisage de transmettre dans le cadre d'une donation.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du 8°. »

La parole est à M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis.

M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A l'occasion d'un projet de donation d'entreprise, les donateurs se trouvent dans une grande insécurité fiscale, car l'évaluation qu'ils font, en toute bonne foi, de la valeur vénale de leur entreprise peut se trouver remise en cause par l'administration.

C'est la raison pour laquelle a été mis en place un dispositif dit de « rescrit valeur », prévu par une instruction du 22 janvier 1998 : ce dispositif permet à un contribuable de consulter l'administration fiscale sur la détermination de la valeur vénale de l'entreprise qu'il prévoit de donner en partie ou en totalité.

Néanmoins, le rescrit valeur reste peu utilisé. En effet, les délais sont trop longs - neuf mois -, et le silence de l'administration ne vaut pas acceptation de la valeur proposée par le contribuable.

Conformément au souhait des ministres de l'économie, des finances et de l'industrie qui se sont succédé depuis quelques années, il paraît indispensable de développer les procédures de rescrit.

C'est pourquoi il est proposé de donner une force légale au rescrit valeur, de ramener les délais d'examen par l'administration fiscale à six mois et, surtout, de prévoir que le silence de l'administration au-delà de ce délai vaut acceptation de la demande du redevable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, le Gouvernement est particulièrement sensible à votre souci de sécuriser la situation juridique des contribuables. Vous l'avez indiqué, il existe déjà une procédure de rescrit, qui a été créée en janvier 1998.

Les modalités techniques du « rescrit valeur » actuel ont été conçues pour offrir le maximum de sécurité. Les éléments qui en constituent l'ossature sont la désignation d'un interlocuteur unique dans chaque département, la diffusion d'un cahier des charges précis exposant l'ensemble des documents que l'usager doit fournir à l'appui de sa demande et, enfin, la fixation d'un délai maximal de réponse pour l'administration.

Le Gouvernement est conscient des limites de ce dispositif et soucieux de la qualité du service rendu à l'usager. Je prends donc l'engagement que des instructions nouvelles seront données, afin d'améliorer de façon substantielle le dispositif actuel.

En particulier, je m'engage à ce que l'administration réponde de manière expresse à toutes les demandes de rescrit qui lui parviendront, et le délai de réponse, qui est actuellement de neuf mois, sera réduit à six mois.

Par ailleurs, afin de faciliter l'évaluation des entreprises en matière de droit d'enregistrement, l'administration publiera prochainement un guide d'évaluation des titres non cotés.

La condition que vous avez posée sur le silence de l'administration ne fait pas partie des choses possibles à l'heure actuelle.

Sous le bénéfice de ces précisions, je vous demande, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas le retirer, monsieur le rapporteur pour avis !

M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 191 est retiré.

Mme Nicole Bricq. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 191 rectifié.

Vous avez la parole pour le défendre, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq. J'ai bien entendu les propos de M. le ministre, mais j'ai voté cet amendement en commission. Par ailleurs, compte tenu du rythme actuel de changement des ministres, je préfère que cette disposition soit adoptée ce soir !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 191 rectifié ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre de ses explications, qui répondent très clairement aux préoccupations qui sont les nôtres s'agissant de l'amendement présenté par la commission des finances. Mais ne faisons pas trop de formalisme ! A partir du moment où le rapporteur pour avis a accepté de retirer son amendement, et même si Mme Bricq le reprend, je me sens autorisé à donner un avis défavorable.

Mme Nicole Bricq. Vous êtes d'accord, mais vous émettez un avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 260, présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Après l'article 666 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 666 bis -. L'évaluation des parts ou des actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ou l'évaluation de l'ensemble des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale prévue à l'article 666 peut être établie sur la base d'une expertise réalisée, à la demande du contribuable, par un expert agréé auprès de la Cour d'appel. »

II - L'article L. 17 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'administration des impôts ne peut contester une évaluation déclarée dans les conditions prévues à l'article 666 bis du code général des impôts que sur la base d'une deuxième expertise établie dans les mêmes conditions dans les trois mois suivant la première expertise. »

III - L'article L. 23 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'administration des impôts ne peut contester une évaluation déclarée dans les conditions prévues à l'article 666 bis du code général des impôts que sur la base d'une deuxième expertise établie dans les mêmes conditions dans les trois mois suivant la première expertise. »

La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. L'évaluation d'une entreprise est une opération nécessaire en différentes circonstances. Il en est ainsi en cas de donation, de succession ou de vente, pour permettre l'établissement des droits de mutation à titre gratuit et, chaque année, pour l'ISF.

Si les règles applicables en la matière sont relativement claires pour les sociétés cotées, elles le sont beaucoup moins pour les entreprises non cotées. Il existe, en effet, de nombreuses et différentes méthodes d'évaluation, dont la fiabilité est inégale. Il demeure, par conséquent, un risque latent de contestation par l'administration de l'évaluation faite par le contribuable, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la vie même des entreprises, en paralysant la transmission.

Toutefois, l'administration a institué une procédure transitoire de rescrit en matière de donation permettant d'obtenir, préalablement à l'opération, l'accord de l'administration sur la valeur proposée par le contribuable.

Cette procédure, outre le fait qu'elle est réservée aux donations, est inadaptée, complexe et beaucoup trop longue, puisque l'administration dispose de neuf mois pour se prononcer. De plus, le contribuable n'a aucun recours en cas de refus de son estimation. Aussi constate-t-on, dans les faits, que cette procédure est très peu utilisée par les contribuables. Par conséquent, il est impératif de mettre en oeuvre une procédure permettant d'obtenir une évaluation de l'entreprise dans des délais compatibles avec la vie de l'entreprise et dans des conditions de vraie sécurité juridique.

La solution que nous proposons consiste à donner au contribuable la possibilité de soumettre à l'administration une évaluation établie par un expert agréé auprès de la Cour d'appel. L'administration ne pourrait écarter cette évaluation que sur la base d'une autre expertise établie dans les mêmes conditions et dans les trois mois. A défaut, l'évaluation du contribuable ne pourrait être remise en cause ultérieurement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Avec l'amendement n° 191, le rapporteur pour avis de la commission des finances souhaitait, dans un premier temps, mettre l'accent sur les donations. Cet amendement a donc une portée plus large, puisqu'il vise toutes les évaluations d'entreprises. Par ailleurs, le mécanisme qu'il institue paraît assez lourd sur le plan formel.

Par conséquent, la commission suggère à notre collègue M. Christian Gaudin de retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement comprend tout à fait l'inspiration qui est à l'origine de l'amendement n° 260, à savoir la volonté d'une objectivité la plus grande possible et d'une sécurité juridique autour des opérations délicates de transmission.

Mais les engagements pris par le Gouvernement s'agissant de l'amélioration du « rescrit valeur » devraient rassurer l'auteur de l'amendement. Je souhaite donc le retrait de ce texte.

M. le président. Monsieur Gaudin, l'amendement est-il maintenu ?

M. Christian Gaudin. Monsieur le ministre, les propos vous avez tenus m'ont apporté un éclairage bienvenu. C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 260 est retiré.

L'amendement n° 288, présenté par MM. Dussaut,  Raoul,  Courteau,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 49 de la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production est ainsi rédigé :

« Art. 49 - La transformation d'une société en société coopérative de production est un instrument particulier de transmission de l'activité d'une société aux salariés de celle-ci, quelle que soit la nature de cette activité.

« La décision régulièrement prise par toute société, à la majorité requise pour la modification de ses statuts, quelle que soit la forme de la société, de se placer sous les dispositions de la précédente loi, n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle.

« Lorsqu'une société procède à une telle opération, ses parts ou actions sont converties en parts sociales dès la transformation.

« La valeur des droits sociaux des associés ou actionnaires de la société dont la transformation est envisagée est déterminée contradictoirement  entre les parties dans une convention de transformation, le cas échéant selon les clauses statutaires applicables à la société avant sa transformation. Cette valeur correspondra à la valeur de remboursement  ou de retrait des associés ou actionnaires qui demeurent associés de la société coopérative ouvrière de production, à ceux qui y sont favorables mais demandent le retrait immédiat ou progressif de leurs parts, ou encore à ceux qui s'opposent à la transformation.

« L'écart éventuel entre la valeur des droits, telle qu'elle apparaît au bilan du dernier exercice clos et approuvé et celle qui sera retenue pour le remboursement, traduit la valeur du fonds industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral qui aurait été payé en cas de cession de ce fonds à la société coopérative ouvrière de production, tel qu'il a été évalué de manière contradictoire.

« La convention de transformation est soumise à l'approbation de l'assemblée générale extraordinaire délibérant sur la transformation.

« A défaut de dispositions contraires dans la convention de transformation, les associés ou actionnaires qui se seraient opposés à la transformation seront remboursés en priorité.

« En cas de contestation sur la valeur de remboursement, celle-ci est déterminée par un expert désigné, soit par les parties, soi, à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. »

La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Cet amendement concerne les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP. Ces dernières permettraient d'apporter une réponse au problème de la transmission des entreprises qui se posera dans les prochaines années du fait du départ à la retraite de leur dirigeant.

La reprise collective par les salariés sous forme de SCOP peut en effet constituer une solution susceptible d'assurer la pérennisation de certaines entreprises qui devront être transmises.

Aussi cet amendement a-t-il précisément pour objet de permettre la transformation d'une société en société coopérative ouvrière de production, afin de faciliter la transmission d'une entreprise aux salariés. Il tend à modifier l'article 49 de la loi n°78-763 du 19 juillet 1978, afin de faciliter la transmission des PME artisanales, commerciales, industrielles et de services sous forme de SCOP et leur reprise par les salariés.

Dans son avis relatif à la transmission des PME artisanales, commerciales, industrielles et de services, rendu en décembre 2004, le Conseil économique et social soulignait tout l'intérêt du statut de SCOP dans les transmissions d'entreprises. Selon lui, la transmission au personnel présente un certain nombre d'avantages : des avantages économiques, tout d'abord, parce que les salariés ont une très bonne connaissance de l'entreprise et que leur implication au capital peut être un facteur clé de motivation ; des avantages humains, ensuite, parce que la transmission assure la promotion dans l'entreprise de ceux qui y travaillent. ; des avantages professionnels, enfin, car elle favorise la continuité des savoir-faire.

Pour le Conseil économique et social, le fait d'inciter aux transmissions d'entreprises par le biais de la transformation des sociétés en SCOP constitue donc une bonne solution pour assurer la pérennisation de notre tissu de PME. Dans cette optique, il conviendrait même, selon lui, de s'inspirer des dispositions fiscales, financières, juridiques et administratives prises dans d'autres pays membres de l'Union européenne pour faciliter les transmissions de certaines entreprises aux salariés.

Nombre des dirigeants d'entreprises qui prévoient leur départ à la retraite dans les prochaines années opteraient, pour plusieurs raisons, pour la voie de la transmission sous forme de SCOP. Ils évoquent souvent le fait que les salariés ne souhaitent pas s'engager seuls ou n'offrent pas suffisamment de garanties financières, malgré une grande motivation pour reprendre l'entreprise.

Faciliter une transmission de ce type constitue donc un moyen de pérenniser des emplois et d'oeuvrer en faveur de l'aménagement du territoire et du développement économique et social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, ministre. Avis défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Pourriez-vous nous donner une explication un peu plus fournie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Dutreil, ministre. Monsieur le sénateur, la modernisation du statut des sociétés coopératives ouvrières de production, lesquelles sont en grande majorité des PME et se trouvent parfois confrontées à des difficultés de croissance lorsque leurs activités se développent, doit être encouragée.

J'ai donc décidé d'entreprendre une réflexion sur le plan interministériel au sein du ministère des PME, et ce en concertation avec la Fédération nationale des sociétés coopératives ouvrières de production. Si vous le souhaitez, monsieur le sénateur, vous pouvez vous associer à ces travaux.

Dans l'attente des conclusions de ce groupe de travail, monsieur Dussaut, votre amendement n° 288 me paraît prématuré ; c'est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer.

M. Jean Desessard. Normalement, tout doit être fait en cent jours !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 288.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE V

SIMPLIFICATIONS RELATIVES À LA VIE DE L'ENTREPRISE