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Saisine du conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 juin 2005, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

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Art. 89 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de sauvegarde des entreprises
Art. 90

Sauvegarde des entreprises

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de sauvegarde des entreprises (nos 235, 335, 337, 355).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 90.

Discussion générale
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Art. 91

Article 90

L'article L. 626-24 est ainsi rédigé :

« Art. L. 626-24. - I. - Si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le commissaire à l'exécution du plan procède, conformément aux dispositions arrêtées, au recouvrement des dividendes à l'encontre du débiteur. Le tribunal qui a arrêté le plan, peut, après avis du ministère public, en décider la résolution.

« Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution, met fin aux opérations et prononce la liquidation judiciaire.

« II. - Dans les cas mentionnés au I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Il peut également se saisir d'office.

« III. - Après résolution du plan et prononcé de la liquidation, les créanciers soumis au plan déclarent l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues. Le mandataire judiciaire désigné doit alors les aviser dans les conditions prévues par l'article L. 622-22 pour les créanciers titulaires d'une sûreté ou liés au débiteur par un contrat, qui ont donné lieu à publication. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 66, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-24 du code de commerce :

I.- Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution, si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan. Lorsque l'inexécution résulte d'un défaut de paiement des dividendes par le débiteur et que le tribunal n'a pas prononcé la résolution du plan, le commissaire à l'exécution du plan procède, conformément aux dispositions arrêtées, à leur recouvrement.

« Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire.

« Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend d'abord à prévoir que le recouvrement forcé des dividendes par le commissaire à l'exécution du plan ne peut intervenir que dans l'hypothèse où l'inexécution résulte du non-paiement de ces dividendes par le débiteur.

Il tend également à préciser que le jugement de résolution met fin aux opérations du plan, qu'il ait été prononcé à raison d'une inexécution du plan ou compte tenu de la survenance de la cessation des paiements.

En outre, il tend à préciser que la résolution entraîne déchéance des délais de paiements accordés au débiteur, par cohérence avec les dispositions de l'article L. 611-10 du code de commerce.

M. le président. L'amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi,  Mathon,  Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-24 du code de commerce, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si le débiteur procède à des suppressions d'emplois non prévues par le plan, le tribunal qui a arrêté ce plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. L'article L. 626-24 du code de commerce, qui concerne le plan de sauvegarde et le plan de redressement, traite des conséquences du non-respect des engagements pris par le débiteur dans ce plan arrêté par le tribunal. Ainsi, cet article rend possible la dissolution du plan, après avis du ministère public.

Selon la rédaction de l'article, la sanction est encourue quelle que soit la nature de l'engagement non respecté. Il peut donc s'agir d'un engagement social, juridique, stratégique, économique ou financier.

Toutefois, il ne nous paraît pas inutile de préciser que la sanction est susceptible d'être appliquée en cas de suppressions d'emplois non prévues par le plan.

C'est l'objet même de cet amendement, qui tend à préciser que cet engagement doit être respecté autant qu'un engagement financier. L'apurement du passif ne peut passer avant la sauvegarde des emplois.

Par cet amendement, nous souhaitons que le débiteur sache sans ambiguïté que, s'il éprouve des difficultés à exécuter son plan de sauvegarde ou de redressement, il ne pourra procéder à des suppressions d'emplois pour respecter une échéance financière. En aucun cas, le débiteur ne doit être incité à respecter des engagements au détriment de la sauvegarde des emplois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le texte prévoit, de manière générale, qu'une exécution du plan peut conduire à sa résolution. Il est inutile de préciser tous les cas dans lesquels cela peut se produire. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je remercie M. le rapporteur pour cet amendement n° 66, qui vise à clarifier le dispositif relatif aux cas dans lequel la résolution du plan peut être prononcée, en particulier les conditions dans lesquelles le commissaire à l'exécution du plan procédera au recouvrement forcé des dividendes. La rédaction de l'article, qui pouvait laisser entendre que cette exécution forcée pourrait être cumulée avec une résolution du plan, s'en trouve ainsi améliorée.

J'en viens à l'amendement n° 240. Madame Assassi, vous estimez que les choses sont immobiles. Or les choses bougent ! Et, si vous exigez la résolution du plan à partir du moment où elles bougeraient dans le mauvais sens, je crains que peu de plans n'aillent jusqu'à leur terme, car la vie économique est, malheureusement, comme la vie en général, marquée par le changement.

Mme Eliane Assassi. Sauf que les individus ne sont pas des choses !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je partage avec vous le souci de sauver un maximum d'emplois. Nous ne divergeons que sur les moyens d'y parvenir : vous, vous estimez qu'empêcher tout licenciement conduit à sauver l'entreprise ; moi, j'affirme, au contraire, qu'en refusant tout licenciement, vous condamnez tous les autres employés.

Cette divergence de vues se traduit, hélas, par des discours quelque peu parallèles.

Mme Eliane Assassi. Je répète, monsieur le garde des sceaux, que les individus ne sont pas des choses.

M. le président. Madame Assassi, je ne vous ai pas donné la parole !

Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Assassi, sur ce point, je suis entièrement d'accord avec vous : il faut, bien évidemment, avoir infiniment de respect pour les hommes et les femmes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 240 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 67, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-24 du code de commerce :

« III.- Après résolution du plan et ouverture de la nouvelle procédure, les créanciers soumis à ce plan sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le paragraphe III de l'article L. 626-24 du code de commerce tend à imposer aux créanciers soumis au plan dont la résolution a été prononcée de déclarer l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues.

L'Assemblée nationale a souhaité que le mandataire judiciaire avise personnellement l'ensemble des créanciers de l'obligation de procéder une nouvelle fois à la déclaration de leur créance.

On peut être favorable à une telle mesure, qui améliore sensiblement la situation des créanciers ayant déjà produit au passif du débiteur.

Toutefois, il convient d'aller plus loin encore dans l'allègement des formalités des créanciers en supprimant purement et simplement l'obligation de déclaration à l'égard des créanciers ayant déjà produit dans la procédure ayant conduit à l'adoption du plan résolu. Ces créanciers sont, en effet, déjà connus des organes de la procédure. Le commissaire à l'exécution du plan a, par ailleurs, connaissance des sommes qui leur ont été versées dans le cadre du plan résolu. Leur imposer cette formalité supplémentaire ne se justifie donc pas techniquement.

Cet amendement tend à dispenser ces créanciers de déclarer leurs créances et sûretés en prévoyant l'admission de plein droit des créances inscrites dans le plan résolu, déduction faite des sommes déjà perçues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Merci, une fois encore, monsieur le rapporteur, d'alléger opportunément les formalités imposées à des créanciers ayant déjà eu à subir deux défaillances ! Le Gouvernement est favorable à cette simplification que vous proposez.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 90, modifié.

(L'article 90 est adopté.)

Art. 90
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Art. 92

Article 91

L'article L. 626-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 626-25. - Quand il est établi que les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, celui-ci, à la requête du commissaire à l'exécution du plan, du débiteur ou de tout intéressé, constate que l'exécution du plan est achevée. »  - (Adopté.)

Art. 91
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Art. 93

Article 92

Les articles L. 626-26 à L. 626-32 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 626-26. - Les débiteurs dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires sont supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat, sont soumis aux dispositions de la présente section.

« A la demande du débiteur ou de l'administrateur, le juge-commissaire peut autoriser qu'il en soit également fait application en deçà de ce seuil.

« Art. L. 626-27. - Les établissements de crédit et les principaux fournisseurs de biens ou de services sont réunis en deux comités de créanciers par l'administrateur judiciaire, dans un délai de trente jours à compter du jugement d'ouverture de la procédure. Les fournisseurs de biens ou de services, lorsque leurs créances représentent plus de 10 % du total des créances des fournisseurs, sont membres de droit du comité des principaux fournisseurs.

« Le débiteur présente à ces comités, dans un délai de deux mois à partir de leur constitution, renouvelable une fois par le juge-commissaire à la demande du débiteur ou de l'administrateur, des propositions en vue d'élaborer un projet de plan qui peut notamment prévoir de nouveaux crédits, avances ou apports, ainsi que des conversions de créances.

« Après discussion avec le débiteur et l'administrateur judiciaire, les comités se prononcent sur ce projet, le cas échéant modifié, au plus tard dans un délai de trente jours après la transmission des propositions du débiteur. La décision est prise par chaque comité à la majorité de ses membres, représentant au moins les deux tiers du montant des créances de l'ensemble des membres du comité, tel qu'il a été indiqué par le débiteur et certifié par son ou ses commissaires aux comptes, ou, lorsqu'il n'en a pas été désigné, établi par son expert-comptable.

« Lorsque le montant de la créance déclarée par l'un des membres d'un comité correspond au montant indiqué par le débiteur, il n'est pas procédé à sa vérification. L'arrêté du plan par le tribunal vaut admission de cette créance.

« Le projet de plan adopté par les comités n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 626-9 et du deuxième alinéa de l'article L. 626-15.

« Art. L. 626-28. - Lorsque le projet de plan a été adopté par les comités conformément aux dispositions de l'article L. 626-27, le tribunal s'assure que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés. Dans ce cas, le tribunal arrête le plan conformément au projet adopté et selon les modalités prévues à la section 2 du présent chapitre. Sa décision rend applicables à tous leurs membres les propositions acceptées par chacun des comités.

« Art. L. 626-29. - Lorsqu'il existe des obligataires, le débiteur ou l'administrateur judiciaire convoque les représentants de la masse dans un délai de quinze jours à compter de la transmission aux comités du projet de plan, afin de le leur exposer.

« Les représentants de la masse convoquent ensuite une assemblée générale des obligataires, dans un délai de quinze jours, afin de délibérer sur ce projet dans les conditions prévues à l'article L. 228-65. Toutefois, en cas de carence ou d'absence des représentants de la masse, dûment constatée par le juge-commissaire, l'administrateur convoque l'assemblée générale des obligataires.

« La délibération peut porter sur un abandon total ou partiel des créances obligataires.

« Art. L. 626-30. - Les créanciers qui ne sont pas membres des comités institués en application de l'article L. 626-27 sont consultés selon les dispositions des articles L. 626-4 à L. 626-4-2. L'administrateur judiciaire exerce à cette fin la mission confiée au mandataire judiciaire par ces dispositions.

« Les dispositions du plan relatives aux créanciers qui ne sont pas membres des comités institués en application de l'article L. 626-27 sont arrêtées selon les dispositions des articles L. 626-9 et L. 626-15 à L. 626-17.

« Art. L. 626-31. - Lorsque l'un ou l'autre des comités ne s'est pas prononcé sur un projet de plan dans les délais fixés, qu'il a refusé les propositions qui lui sont faites par le débiteur ou que le tribunal n'a pas arrêté le plan en application de l'article L. 626-28, la procédure est reprise pour préparer un plan dans les conditions prévues aux articles L. 626-4 à L. 626-4-2 afin qu'il soit arrêté selon les dispositions des articles L. 626-9 et L. 626-15 à L. 626-17. La procédure est reprise suivant les mêmes modalités lorsque le débiteur n'a pas présenté ses propositions de plan aux comités dans les délais fixés.

« Art. L. 626-32. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de la présente section, notamment :

« 1° Les modalités de réunion des comités des créanciers ;

« 2° Le régime des délais prévus par les articles L. 626-27 et L. 626-31. »

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 241, présenté par Mmes Assassi,  Mathon,  Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Trois comités de créanciers sont réunis par l'administrateur judiciaire.

« Le premier est composé des établissements de crédits.

« Le deuxième est composé des principaux fournisseurs de biens et services.

« Le troisième est composé des représentants des administrations financières, des organismes de sécurité sociale et des institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. A l'article 92 est prévue la création de comités de créanciers au cours de la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.

Directement inspirée du « chapitre 11 » américain, qui a été évoqué tout à l'heure, l'institution de ces comités de créanciers devrait permettre de mieux associer ces derniers à l'élaboration du plan destiné à faire sortir le débiteur de ses difficultés.

L'article 92, aux termes duquel est proposée une nouvelle rédaction de l'article L. 626-27 du nouveau code de commerce que nous souhaitons modifier, détermine les modalités de constitution et la composition des comités de créanciers.

D'un côté, il y aurait un comité des « établissements de crédit », de l'autre, un comité des « principaux fournisseurs de biens ou de services ».

Nous proposons la création d'un troisième comité, qui serait composé des représentants des administrations financières, des organismes de sécurité sociale et des institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale.

De la sorte, ils pourraient être informés, de la même manière que les créanciers privés, sur le plan de sauvegarde de l'entreprise.

M. le président. L'amendement n° 366, présenté par MM. Badinter,  C. Gautier,  Yung,  Frimat et  Peyronnet, Mme Bricq, MM. Charasse et  Guérini, Mme M. André, MM. Collombat,  Courrière,  Dreyfus-Schmidt,  Mahéas,  Sueur,  Sutour et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce :

« Les salariés et les créanciers publics sont réunis au sein des comités de créanciers par l'administrateur judiciaire, dans un délai de trente jours à compter du jugement d'ouverture de la procédure. Les modalités de décision collective des comités sont déterminées par décret.

 

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement va dans le même sens : il importe de faire représenter, au sein des comités de créanciers, les salariés et les créanciers publics.

Il vise donc à ce que soient représentées toutes les catégories de créanciers et à rompre avec le déséquilibre qu'entraînerait ce projet de loi, dans lequel sont négligés les droits des créanciers salariés et des créanciers publics au profit des intérêts des banques et des fournisseurs.

Les modalités de décision, au sein de ce comité, relèvent alors du pouvoir réglementaire.

Il est notable de constater que ce projet de loi, dans lequel est repris le principe américain des comités de créanciers, est beaucoup plus libéral que le droit américain lui-même !

En effet, le droit américain permet de créer autant de comités de créanciers qu'il existe de types de créances : les salariés ont, ainsi, le pouvoir de se constituer en comités des créanciers.

L'objet initial du projet de loi est ici bien illustré : préserver les seuls droits des créanciers les plus puissants, à savoir les banques et les fournisseurs.

A nouveau, nous condamnons le caractère déséquilibré d'un dispositif inéquitable et entièrement construit pour protéger les créanciers bancaires au détriment des salariés.

Il importe, par conséquent, d'associer les salariés et les créanciers publics aux comités de créanciers : ils auront ainsi, de la même manière que les autres créanciers, le pouvoir de discuter et d'amender le plan de réorganisation qui leur est soumis par le chef d'entreprise. Leur pouvoir est tel qu'il importe que tous les créanciers soient représentés.

M. le président. L'amendement n° 265 rectifié, présenté par MM. Lecerf,  Buffet,  Girod,  J. Blanc et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code du commerce :

 

Chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des principaux fournisseurs lorsque ses créances représentent plus de 5 % du total des créances des fournisseurs.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. L'introduction du terme « chaque » est dictée par le souci de lever les ambiguïtés nées de la rédaction initiale de cette disposition.

En effet, en l'état, la seconde phrase du premier alinéa laisse envisager la possibilité d'une concertation entre une multitude de créanciers désireux d'atteindre le seuil fixé dans le projet de loi. Or cela n'est pas conforme aux souhaits du législateur.

Par ailleurs, nous proposons que soit retenu le seuil de 5 % du total des créances, seuil qui est également envisagé dans l'amendement n° 68 de la commission des lois, au lieu des 10 % figurant dans le projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce, remplacer le pourcentage :

10 %

par le pourcentage :

5 %

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'objet de l'amendement que vient de défendre M. Buffet correspondant à celui de l'amendement de la commission des lois, je retire ce dernier.

M. le président. L'amendement n ° 68 est retiré.

L'amendement n° 69, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :

Les autres fournisseurs, lorsqu'ils sont sollicités par l'administrateur, peuvent accepter d'en être membres.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le dispositif proposé pour les comités de créanciers risquerait d'imposer la participation au comité des principaux fournisseurs de créanciers qui, compte tenu du volume de leur créance, y seront nécessairement minoritaires.

Les décisions de ce comité, prises par la majorité des participants, s'imposeraient donc à eux, alors même qu'elles pourraient leur être plus défavorables que s'ils avaient simplement été consultés en application du « droit commun ». Rien ne saurait justifier une telle situation, qui découlerait, d'ailleurs, selon l'économie du texte, de la seule volonté de l'administrateur.

Dans ces conditions, la commission des lois propose de prévoir, par cet amendement, que les fournisseurs qui ne feraient pas partie, de plein droit, du comité des créanciers ne pourraient en faire partie que s'ils l'acceptent.

M. le président. L'amendement n° 202, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :

Le mandataire judiciaire siège à ces deux comités avec voix consultative.

 

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je retire cet amendement au profit de l'amendement de la commission des lois, qui en est très proche.

M. le président. L'amendement n° 202 est retiré.

L'amendement n° 266 rectifié, présenté par MM. Lecerf,  Girod et  J. Blanc, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code du commerce par une phrase ainsi rédigée :

 

L'administrateur et le mandataire judiciaires siègent à ces deux comités sans participer au vote.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J'ai déjà indiqué qu'il n'était pas souhaitable de créer des comités de créanciers publics, compte tenu des règles différentes relatives aux remises de dettes publiques.

En outre, cela conduirait à ce que certains créanciers publics se voient imposer des remises de dettes par d'autres créanciers publics, ce qui serait difficilement acceptable.

La commission est donc défavorable à l'amendement n° 241, comme je l'avais déjà indiqué lors de l'examen d'un précédent amendement.

Monsieur Gautier, je ne sais pas comment vous avez lu la loi américaine, mais sachez que, s'il y a des comités de salariés, c'est pour qu'ils se fassent hara-kiri !

Dans le présent projet de loi, au contraire, les comités de créanciers et de fournisseurs sont destinés, justement, à protéger les salariés, qui, eux, restent tout à fait indépendants et à qui on ne peut pas imposer un règlement.

Vous vous trompez donc complètement sur l'esprit de ce texte et votre amendement n'est en faveur ni des créanciers publics ni des salariés.

Franchement, ces derniers sont bien mieux protégés en étant des créanciers hors comité, puisque l'abandon de leurs créances est soumis à leur acceptation et ne peut intervenir s'ils s'y opposent. S'ils étaient membres des comités, les autres créanciers pourraient leur imposer un abandon de créances.

Permettez-moi de vous dire que vous faites complètement fausse route !

Si cet amendement était adopté, la nature de ce projet de loi serait radicalement modifiée, et vous pourriez alors dire, à juste titre, que nous plongeons dans l'ultralibéralisme !

Enfin, sur l'amendement n° 265 rectifié dont la rédaction permet de lever une ambiguïté, l'avis de la commission est favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Au sujet de l'amendement n° 241, je tiens à apporter une précision à ses auteurs, qui souhaitent instaurer un comité spécifique fiscal et social.

Les représentants du fisc, plus nombreux que les représentants sociaux, imposeraient à ces derniers une participation financière plus forte. La création de ce troisième comité aboutirait, puisque, au sein d'un comité, il faut partager la dette, à un résultat qu'à mon avis les auteurs de l'amendement n'avaient probablement pas envisagé.

Un comité ne peut réunir en son sein des représentants fiscaux et des représentants sociaux. Par définition, il doit exister deux comités distincts.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 366, je pense, comme M. le rapporteur, qu'il est l'expression d'une conversion intellectuelle extrêmement intéressante. (Sourires.) Je prends très au sérieux votre amendement, monsieur Gautier, et je suis prêt à vous donner satisfaction !

Si l'on incluait les salariés dans les comités, ceux-ci pourraient participer de ce fait à l'effort de redressement de l'entreprise en se privant d'une partie de leur salaire. Quelle bonne idée !

Plus sérieusement, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 265 rectifié tend à abaisser à 5 % le pourcentage du total des créances des fournisseurs permettant à ceux-ci d'être présents au sein du comité des principaux fournisseurs. C'est une excellente idée : le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement n° 69 tend à prévoir que les autres fournisseurs, s'ils le souhaitent, peuvent accepter d'être membres du comité des principaux fournisseurs. Mais tous ceux qui souhaitent en faire partie, tous ceux qui veulent participer à l'effort de redressement de l'entreprise, faire un sacrifice, sont les bienvenus ! Faut-il inclure aussi les salariés ? C'est à M. Gautier de nous le dire ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce ne serait pas leur rendre service !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 366.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après les mots :

des propositions en vue d'élaborer

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce :

le projet de plan mentionné à l'article L. 626-1-1.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce :

Après discussion avec le débiteur et l'administrateur et après avoir demandé l'avis du mandataire judiciaire et des représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, les comités se prononcent...

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir la consultation, avant l'adoption du projet de plan par les comités de créanciers, d'une part du mandataire, d'autre part des représentants du personnel, la consultation de ces derniers permettant aux comités de prendre en considération leurs observations éventuelles.

M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. C. Gaudin, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce :

Après discussion avec le débiteur et l'administrateur et avoir recueilli l'avis du mandataire judiciaire, les comités se prononcent...

La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Cet amendement étant similaire à celui de la commission des lois, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 193 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il n'est pas inutile de prévoir la consultation du mandataire judiciaire. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 279 rectifié bis, présenté par MM. Buffet,  Lecerf,  J. Blanc,  Girod,  Demuynck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Cet amendement tend à revenir sur la suppression, par l'Assemblée nationale, de la procédure de vérification des créances lorsque le montant déclaré par l'un des membres d'un comité de créanciers correspond au montant indiqué par le débiteur.

La suppression de cette procédure a été présentée comme une mesure d'allègement et de simplification. Cependant, elle est de nature à faire naître des risques de collusion entre le débiteur et l'un de ses créanciers, au détriment des droits des autres créanciers.

Il apparaît donc nécessaire de prévoir que les créances des créanciers membres des comités doivent être toutes soumises à une vérification préalable, conformément au dispositif s'appliquant lorsqu'il n'y a pas eu de constitution de comité de créanciers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce problème a fait l'objet d'une longue discussion en commission.

La disposition que tend à introduire cet amendement permettrait effectivement d'éviter les risques de collusion entre le débiteur et l'un de ses créanciers, au détriment des droits des autres créanciers.

La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je conçois bien quelles sont les intentions de l'auteur de l'amendement. Il est vrai que la vérification des créances est une source de crédibilité considérable lors de la négociation. D'un autre côté, s'il n'était pas procédé à cette vérification, la procédure serait allégée et simplifiée, je l'admets.

Dans l'hésitation, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 279 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié, présenté par M. Jarlier et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-27 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :

Les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne peuvent, en aucun cas être membres du comité des principaux fournisseurs.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Cet amendement a pour objet d'éviter que les collectivités territoriales, lorsqu'elles fournissent un service à un débiteur, notamment lorsqu'elles lui louent des locaux pour qu'il y exerce son activité, soient appelées à être membres du comité des principaux fournisseurs et puissent être contraintes par une majorité de créanciers de droit privé. Il est donc souhaitable d'exclure cette participation.

En effet, la défense des intérêts des collectivités territoriales, créancières d'un débiteur en difficulté, ne répond pas à la même logique que celle des autres créanciers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est une sage précaution. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 216 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 203 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-28 du code de commerce par les mots :

et que ceux des créanciers membres des comités sont équitablement préservés par la décision prise par chacun de ces comités.

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. Cet amendement vise à ce que les intérêts de tous les créanciers, y compris de ceux qui sont membres des comités, soient équitablement préservés par la décision prise par chacun des comités.

En effet, l'instauration de comités de créanciers, tant dans la procédure de sauvegarde que dans la procédure de redressement judiciaire, est l'un des aspects les plus notables de la réforme engagée dans le présent projet de loi. Ces comités réintroduisent un aspect contractuel et une forme de « concordat », afin de privilégier la recherche de solutions consensuelles en amont des difficultés.

Toutefois, la commission des finances vous propose de préciser le pouvoir d'appréciation du juge sur le plan adopté par les comités.

Le présent amendement a pour objet de compléter la condition nécessaire à l'arrêté des plans de sauvegarde et de redressement, le tribunal devant s'assurer que les intérêts de l'ensemble des créanciers ont été protégés. Cette mesure s'impose du fait des prérogatives très importantes reconnues à la majorité de chacun des deux comités.

Si la notion de « protection suffisante » est adaptée aux créanciers « hors comité », elle est trop imprécise pour les créanciers membres du comité. Il convient, pour assurer la protection de ceux-ci, de faire référence au contrôle, par l'autorité judiciaire, du caractère équitable de la décision prise par chacun des comités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il nous semblait que cette obligation du tribunal allait de soi. Toutefois, si la disposition que tend à introduire l'amendement est de nature à garantir une meilleure protection des créanciers minoritaires au comité, ainsi que celle des créanciers non membres des comités, la commission des lois n'est pas défavorable à cet amendement.

Il est vrai que la commission des lois n'a pas tout à fait compétence pour traiter de ces questions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je veux bien que l'on remplace un mot par son synonyme ; on ne peut être contre une telle modification ! Mais on peut passer des jours et des nuits à procéder à ce genre de modifications !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. On voit bien l'intérêt que présente l'amendement n° 203 rectifié.

Moi aussi, je suis préoccupé par la règle de la majorité au sein du comité de créanciers. En effet, un créancier - un grand banquier ou un important fournisseur de crédit - pourra, à lui seul - je rappelle qu'il y a deux comités distincts -, tout bloquer parce qu'il disposera d'une minorité de blocage. C'est extrêmement préoccupant.

Le texte prévoit - vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur - que le tribunal doit s'assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés. En revanche, aucune précision n'est donnée, me semble-t-il, pour les cas où il considérera que ces intérêts ne sont pas suffisamment protégés. Le plan sera-t-il alors rejeté ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Robert Badinter. Cela n'est pas dit expressément dans le texte. Il aurait pu y être précisé que, si le tribunal considère que les intérêts de tous les créanciers ne sont pas suffisamment protégés, le plan est rejeté.

Ma question est la suivante : est-ce bien au tribunal de commerce qu'il reviendra de s'assurer que les intérêts de tous les créanciers, ceux des créanciers minoritaires, des créanciers qui auraient voté contre le plan, mais aussi ceux des salariés, sont suffisamment protégés ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Robert Badinter. La protection des intérêts des salariés doit être prévue dans le texte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas dans cet article !

M. Robert Badinter. Les salariés ne sont présents dans aucun des deux comités de créanciers. Vous avez expliqué monsieur le rapporteur, pour quelles raisons, selon vous, leur présence au sein de ces comités leur serait défavorable. Mais alors, à quel moment leurs intérêts seront-ils pris en compte ?

Il est vrai que les intérêts des salariés sont nécessairement pris en compte puisque ceux-ci sont considérés comme des créanciers par le tribunal.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Robert Badinter. Mais alors, le système n'aura plus rien de contractuel. Il n'aura plus rien à voir - heureusement d'ailleurs ! - avec le chapter 11.

C'est au tribunal qu'il reviendra, après approbation du plan à la majorité par les deux comités de créanciers, de s'assurer, d'une part, qu'aucun créancier n'est désavantagé -  j'ignore comment il s'en assurera s'agissant des créanciers minoritaires -, et, d'autre part, que les droits des créanciers salariés sont respectés. Est-ce ainsi qu'il faut interpréter ce texte ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui.

M. Robert Badinter. Nous sommes d'accord : c'est donc le tribunal qui protégera les créanciers salariés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit ici des comités.

M. Robert Badinter. Nous en sommes au tribunal !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La protection des intérêts des salariés, c'est, bien entendu, la protection de leurs salaires : elle est assurée grâce au super-privilège et à l'intervention éventuelle de l'AGS. Il y est fait mention dans d'autres articles, antérieurs au présent article, monsieur Badinter ! Ensuite, les choses se poursuivent entre créanciers, au sein des comités

Le rôle du tribunal est de préserver, d'une manière équitable, les intérêts des salariés et des autres créanciers. Il est clair que, si le plan ne les respecte pas, le tribunal rejettera celui-ci.

Je ne suis donc pas hostile, je le répète, à la précision que souhaite introduire la commission des finances, mais il me semble que le texte initial était suffisamment clair.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Permettez-moi, monsieur Badinter, de relire le texte initial, qui me paraît d'une clarté limpide : « Lorsque le projet de plan a été adopté par les comités conformément aux dispositions de l'article L. 626-27, le tribunal s'assure que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés. »

Il est donc clair que le tribunal joue un rôle d'arbitre et que le plan doit tenir compte de tous les efforts faits par l'ensemble des créanciers. Les intérêts du personnel sont évidemment pris en compte.

Je le répète, si la commission des finances veut remplacer les mots par leurs synonymes, on peut le faire à tous les articles ! Mais on n'en finira jamais...

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'exercice n'est tout de même pas purement sémantique car cet article, qui doit être mis au nombre des plus importants et des plus innovants de ce projet de loi, s'efforce de ménager un certain équilibre entre les procédures traditionnelles et des procédures plus contractuelles.

Aux termes du projet de loi initial, comme vient de le rappeler M. le garde des sceaux, « le tribunal s'assure que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés ». Si tel n'est pas le cas, le tribunal peut s'abstenir d'arrêter le plan, de lui donner force obligatoire,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il le rejette !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... ce qui a pour conséquence une reprise de la procédure selon des modalités excluant la constitution de comités de créanciers : on en revient au droit commun antérieur.

La commission des finances s'est demandé si la jurisprudence n'aurait pas tendance à élargir cette possibilité. Les tribunaux de commerce, de manière générale, joueront-ils le jeu de cette nouvelle procédure ? Quelle sera, finalement, l'utilité économique concrète, quelle sera l'effectivité de cette procédure ?

Cette dernière ne correspond pas au fameux chapitre 11 américain ; ce n'est plus la procédure collective traditionnelle que nous connaissions jusqu'ici ; c'est une sorte de pari sur l'organisation des intérêts privés au sein des comités de créanciers et sur l'articulation de ces intérêts avec la vision du juge commercial.

La commission des finances estime qu'il convient de limiter le plus possible ce risque de reprise de la procédure afin de ne pas allonger les délais et de conserver autant que possible le caractère contractuel du dispositif de sauvegarde. Peut-être la commission des finances se trompe-t-elle. Il faut dire que la question est particulièrement délicate.

Aussi, soyez indulgent, monsieur le garde des sceaux, car nous ne sommes pas des praticiens comme vous l'êtes, en tant qu'ancien président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Oh, monsieur Marini !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Mais il nous a semblé que la formulation retenue dans le projet de loi initial pouvait donner lieu à une interprétation extensive par la jurisprudence, d'autant qu'une procédure collective ne peut pas, par définition, satisfaire tous les créanciers. C'est à l'équilibre d'ensemble du plan adopté que le tribunal devra être attentif.

La commission des finances a essayé de tenir compte de tous ces éléments en rédigeant l'amendement n° 203 rectifié, avec, d'ailleurs, la participation constructive de vos services.

Monsieur le garde des sceaux, la rédaction que nous proposons relève peut-être du « belle marquise », mais c'est à la lumière des réflexions qui précèdent que nous nous sommes permis, d'une main tremblante, de suggérer cet ajustement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vos explications, monsieur Marini, confirment ce que prônait Portalis : pour faire du bon droit, il faut faire simple et clair. Or votre amendement recèle des ambiguïtés. Si bien que, au terme de vos longues explications, et alors que je n'avais pas de position arrêtée sur le sujet, je serais plutôt enclin à garder le texte actuel, tout à fait clair, alors que le vôtre est beaucoup moins précis et ne couvre pas, j'en suis sûr, tous les cas de figure envisagés initialement. L'expression « tous les créanciers » me semblait claire : ne sont pas uniquement concernés les créanciers membres des comités.

Personnellement, je vous supplie de retirer cet amendement parce qu'il n'apporte pas la clarification que j'espérais, compte tenu de vos propos.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Les travaux préparatoires que nous effectuons en cet instant sont très importants ; ils seront consultés.

En l'espèce, il s'agit d'une question d'interprétation de la disposition. Nous sommes bien d'accord : l'expression « tous les créanciers » vise aussi les salariés.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Robert Badinter. Le tribunal, quand il examine le plan, doit prendre en compte les intérêts de tous les créanciers - y compris donc ceux des salariés - pour vérifier qu'ils sont suffisamment protégés.

Chacun mesure que cette disposition donnera aux syndicats le droit d'ester devant le tribunal de commerce en soutenant que les intérêts des salariés ne sont pas suffisamment protégés. Il faut être clair sur ce point.

La question va inévitablement se poser en jurisprudence.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. On en parle depuis un quart d'heure ! Il faut en finir et retirer l'amendement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Monsieur le garde des sceaux, nous examinons un nombre important d'amendements à un rythme assez rapide.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sauf depuis que vous êtes là !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je crois avoir compris que dans les comités de créanciers ne figuraient pas tous les créanciers.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a les salariés, les créanciers publics.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il y a certains créanciers, donc. Il me semble que le tribunal a deux missions distinctes qui méritent deux propositions distinctes : il s'agit, d'une part, de s'assurer que les intérêts de tous les créanciers, membres ou non de ces comités, sont suffisamment protégés - mesure claire, n'est-ce pas ?-...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... et, d'autre part, de s'assurer que les intérêts des créanciers qui sont dans les comités sont équitablement protégés.

C'est-à-dire que le juge exerce un contrôle sur la décision du comité...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Evidemment !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ...pour homologuer cette décision en ce qu'elle concerne les différents intérêts des créanciers membres des comités. Voilà pourquoi il me semblait que deux dispositions distinctes étaient nécessaires.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas mon « coeur de métier ». Je le laisse volontiers aux meilleurs et aux plus compétents, c'est-à-dire aux membres de la commission des lois. Mais, à mon avis, il faudra que nous nous donnions rendez-vous pour voir comment fonctionne la procédure, si, à l'usage, le texte est parfaitement clair et quelle jurisprudence ces comités de créanciers auront suscitée.

Ce dispositif est-il un peu virtuel ou va-t-il réellement répondre à un besoin concret des entreprises ? C'est la question que je voulais poser en déposant cet amendement, par pur réalisme.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous vous répondons !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce n'est pas pour le plaisir d'empêcher la commission des lois de jouer un rôle qu'elle joue d'ailleurs excellemment.

La question était simplement de savoir s'il s'agit d'une véritable procédure contractuelle et quelle est la capacité de décision du tribunal. J'ai le sentiment que, comme dans beaucoup d'autres domaines, on s'arrête un peu au milieu du gué et que ce n'est pas clair pour tout le monde.

Ces précisions étant apportées, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 203 rectifié est retiré.

L'amendement n° 72, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 626-28 du code de commerce par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 626-23, le plan arrêté par le tribunal en application de l'alinéa précédent ne peut faire l'objet d'aucune modification substantielle.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à interdire toute possibilité de demander ultérieurement à son arrêté la modification substantielle du plan adopté par les comités de créanciers.

Cette interdiction s'explique par le fait qu'il serait inconcevable que le tribunal puisse modifier de manière importante le plan qu'il a arrêté après son adoption par les comités, alors même qu'il ne peut qu'accepter ou rejeter en bloc le projet de plan qui lui est présenté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 73 et 394 sont présentés par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 73 est ainsi libellé :

Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-29 du code de commerce, supprimer les mots :

le débiteur ou

L'amendement n° 394 est ainsi libellé :

I.- Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-29 du code de commerce, après les mots :

convoque les représentants de la masse

insérer les mots :

, s'il y en a une,

II.- En conséquence, à la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 626-29 du code de commerce, supprimer les mots :

dans les conditions prévues à l'article L. 228-65

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 73 tend à réserver au seul administrateur le pouvoir de convoquer les représentants de la masse des obligataires dans la mesure où il serait, en vertu de cette disposition, seul compétent pour convoquer leur assemblée générale, en cas de carence des représentants de la masse.

L'amendement n° 394 a pour objet de réserver le cas où une masse des obligataires n'a pas été constituée.

En effet, l'existence d'obligataires n'implique pas nécessairement la constitution d'une masse, l'article L. 228-90 du code de commerce prévoyant un certain nombre d'exceptions en ce sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable, deux fois ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 394.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 267, présenté par MM. Lecerf et  Girod, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 626-30 du code de commerce.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 74, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 626-32 du code de commerce :

« Art. L. 626-32. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de la présente section. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est une simplification rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 92, modifié.

(L'article 92 est adopté.)