PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'agriculture mérite une approche globale. Or, la segmentation engendrée par la LOLF, laquelle présente, par ailleurs, un intérêt notable, porte atteinte à cette vision d'ensemble.

En effet, outre la mission « APFAR », à savoir la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », qui est l'objet de cette séance, le ministère de l'agriculture gère des crédits inscrits à des missions interministérielles concernant la sécurité et la qualité sanitaires d'une part, l'enseignement agricole d'autre part, sans parler de la protection sociale agricole, qui, elle, relève de la loi de financement de la sécurité sociale.

Face à cet éparpillement, je me propose, dans cette intervention, même si elle porte essentiellement sur les crédits de la mission « APFAR », d'élargir quelque peu le champ de l'analyse.

Afin de nuancer la portée de notre sujet, il faut rappeler que si la mission « APFAR » représente 60 % du projet de budget de l'agriculture, ce même projet de budget ne représente que 16 % des masses financières consacrées à l'agriculture pour 2006.

Présenté, de l'aveu même de ses auteurs et rapporteurs, comme un simple projet de budget de reconduction, il manque cruellement d'ambitions et de moyens.

Par ailleurs, si les autorisations d'engagement sont en augmentation, les crédits de paiement, qui constituent la réalité pour 2006, diminuent de 0,7 %, et même de 3 % si l'on tient compte de l'inflation.

Or, il est déjà notoire que de nombreuses créances du ministère de l'agriculture ne sont pas honorées. Si, à l'absence d'ambitions caractérisée, se greffe une absence de financement cachée, il faut vraiment être membre de la majorité gouvernementale pour combler de louanges un tel budget !

M. Bernard Piras. Le programme 154, par exemple, dénommé « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et du développement durable », qui représente 50 % des crédits de la mission « APFAR », comporte des actions essentielles, notamment l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, la cessation d'activité, l'aide à la cessation anticipée ou à la réinsertion professionnelle.

Ce domaine revêt une importance particulière, compte tenu du « papi boum » que nous connaissons, et qui est source d'une profonde restructuration des exploitations agricoles.

Pour ce programme, si les autorisations d'engagement augmentent de 150 millions d'euros, les crédits de paiement, en revanche, baissent de 15 millions d'euros.

L'installation des jeunes et la restructuration ne peuvent demeurer des voeux pieux ou de simples arguments électoraux. Il m'avait semblé, pourtant, lors des débats sur les territoires ruraux ou sur le texte d'orientation agricole, que cette volonté était partagée par l'ensemble des orateurs.

Toujours dans ce programme, je tiens à dénoncer l'abandon marqué des politiques agro-environnementales et territoriales, qui constituent l'action n° 05. Ainsi, les crédits alloués par l'État diminuent de 25 % en 2006.

C'est au sein de cette action que se trouve le financement destiné aux contrats d'agriculture durable, les CAD, qui sont les tristes ersatz des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE.

L'objectif annoncé, à savoir dix mille CAD annuels, ne sera pas atteint, seuls six mille contrats supplémentaires étant financés pour 2006.

En outre, il apparaît que si certaines régions n'utilisent pas l'ensemble de leurs crédits, d'autres sont obligées de refuser des dossiers. Une mutualisation des reliquats serait sans doute fort opportune.

S'agissant des indemnités compensatrices de handicap naturel, les ICHN, les engagements ne seront, une fois de plus, pas tenus. En effet, les crédits devaient augmenter de 10 % pour permettre de porter à 40 % le différentiel d'indemnisation des vingt-cinq premiers hectares par rapport aux hectares suivants. Ce non-respect des engagements est fort préjudiciable pour les petits agriculteurs, ce coup de pouce leur ayant été légitimement promis au regard de leur situation difficile.

Monsieur le ministre, à travers ces orientations, vous vous méprenez en ne soutenant pas toutes ces petites exploitations parsemées sur le territoire qui font le charme et la qualité de nos campagnes et garantissent un aménagement du territoire cohérent.

De même, je regrette vivement qu'au sein du programme 227, « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », les crédits pour la promotion des produits agricoles à l'étranger soient en baisse, ce mouvement étant constant depuis plusieurs années.

Devant la concurrence exacerbée, comment justifier une telle orientation ?

L'examen de ce programme est l'occasion d'aborder la gestion des crises agricoles récurrentes, ce problème étant loin d'être réglé. Je m'attarderai sur la crise qu'ont connue, cette année encore, succédant à celle de 2004, le secteur des fruits et légumes, mais également celui de la viticulture.

Monsieur le ministre, je vous ai alerté, à de nombreuses reprises, sur le désespoir qui gagnait les agriculteurs, notamment dans mon département de la Drôme.

Les professionnels estiment que, sur le territoire français, la perte de chiffre d'affaires est de l'ordre de 150 millions d'euros, alors que, par ailleurs, les charges fixes ont notablement augmenté, qu'elles portent sur l'énergie ou la main-d'oeuvre, et que la concurrence est extrême.

Le marasme est réel et profond, perceptible à la simple lecture des chiffres. Ainsi, pour la Drôme, une exploitation fruitière moyenne avec des productions diversifiées - pêches, abricots, pommes, poires, kiwis - va afficher une perte de l'ordre de cinquante mille euros cette année.

Il faut savoir également que, sur mille exploitations arboricoles, 80 % ne dégageront pas de bénéfice de la saison estivale.

En matière viticole, les pertes sont de l'ordre de 1 500 euros à l'hectare, une exploitation moyenne ayant perdu cette année aux environs de 60 000 euros.

Je vous invite, monsieur le ministre, à venir dans mon département pour constater l'évolution.

M. Dominique Bussereau, ministre. Avec plaisir !

M. René-Pierre Signé. Nous aussi ! Mais il n'invite pas tout le monde !

M. Bernard Piras. En effet, une personne qui ne serait pas venue depuis quelques années dans les secteurs anciennement arboricoles ne reconnaîtrait plus les paysages.

Chaque année, des milliers d'hectares sont arrachés, aucune production alternative n'ayant émergé par ailleurs. De nombreux agriculteurs ne voient leur salut que dans la vente de leurs terres, renonçant à leur outil de production, qui ne leur permet plus de subvenir à leurs besoins.

À la fin du mois d'octobre dernier, j'ai rencontré, accompagné de mes collègues parlementaires de la Drôme, de toutes couleurs politiques, des représentants de la profession qui nous ont fait part de leur grande déception et de leur profond découragement face aux mesures de compensation insuffisantes qui leur étaient proposées.

J'aimerais maintenant aborder deux domaines ne relevant pas directement de cette mission.

J'évoquerai, tout d'abord, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Depuis 1996, je suis intervenu chaque année sur feu le BAPSA, et, à cette occasion, j'ai eu la chance, sous la précédente législature, de vivre une avancée considérable en matière de retraite agricole et d'y participer, avancée due, notamment, à un plan quinquennal de revalorisation promis et respecté et à la mise en place de la retraite complémentaire.

Si l'on fait abstraction de l'instauration de la mensualisation, on ne peut que noter que cette législature est, au contraire, marquée par la stagnation, voire la régression.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des critiques émises à l'encontre du FFIPSA pour 2006, ma collègue Christiane Demontès ayant, dans son intervention sur ce projet de budget, parfaitement présenté la situation dramatique de ce fonds : 1,724 milliard d'euros de déficit en 2005, 1,748 milliard d'euros prévus pour 2006. Si l'on ajoutait les soldes cumulés des années précédentes, cela représenterait, à la fin de 2006, 40 % des prestations du régime.

Les causes sont identifiées et étaient malheureusement prévisibles : à la fin de 2004, refus de l'État d'assurer l'équilibre du BAPSA, et, donc, transfert du déficit constaté au FFIPSA ; surestimation des recettes du tabac qui lui sont affectées ; suppression de la subvention d'équilibre et modification de l'affectation de la cotisation sociale de solidarité.

L'article L. 731-4 du code rural permet à l'État de verser une dotation destinée à équilibrer ce fonds. Votre refus d'y recourir, ainsi que l'absence de propositions et de mesures d'équilibre pérennes, condamnent à terme la protection sociale agricole.

La majorité actuelle en sera comptable. À une situation alarmante, vous répondez par l'inertie.

L'enseignement agricole, qui constituera un sujet important, est également frappé de plein fouet par la pénurie budgétaire, terme utilisé par les représentants de l'enseignement tant public que privé.

Loin de s'améliorer, la situation s'aggrave chaque année un peu plus : suppression des crédits de remplacement, réduction des heures d'enseignement alors que les contenus restent identiques, suppression de nombreux dédoublements, suppression des heures de soutien, non-harmonisation des régimes indemnitaires des personnels ATOSS, sous-dotation structurelle en emplois d'enseignant, absence de promotion de personnels enseignants sous-classés, réduction des crédits de formation des enseignants, versement très tardif des acomptes de subvention de fonctionnement, versement tardif des crédits de bourse, l'avance étant faite aux familles par les associations.

A ce sujet, il apparaît qu'il manquerait environ 7 millions d'euros pour solder les bourses sociales de 2005 et honorer les obligations de 2006.

A l'Assemblée nationale, l'insuffisance manifeste de financement des maisons familiales et rurales, sur laquelle nous sommes nombreux à avoir manifesté notre incompréhension, a été en partie résolue grâce à un redéploiement du programme « Enseignement technique agricole » : on a déshabillé Pierre pour habiller Paul, alors que Pierre était déjà mal habillé ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Les insuffisances du projet de budget pour 2006 vont renforcer cet affaiblissement de l'enseignement agricole. Or, la qualité de ce dernier est unanimement reconnue : point n'est besoin de rappeler les résultats remarquables en matière d'insertion scolaire, de réussite aux examens et d'insertion professionnelle qu'il obtient. Sa remise en cause va même plus loin, puisque, dans l'espace rural où ils se situent la plupart du temps, ces établissements jouent un rôle en matière de développement économique, d'attractivité culturelle et d'animation du territoire.

Au lieu de pérenniser la pénurie, le Gouvernement devrait, au contraire, préserver et développer cet enseignement, qui a fait ses preuves.

Le tableau de l'agriculture que je viens de dresser est bien sombre. Dans l'intérêt de nos agriculteurs et de notre agriculture, et en dehors de tout esprit partisan, j'aurais tant voulu pouvoir dire ici que le projet de budget pour 2006 allait nous sortir de la sinistrose !

À l'écoute de mon intervention, vous comprendrez certainement, monsieur le ministre, que tel n'est pas le cas, et que je ne pourrai, non plus que les collègues de mon groupe, voter en faveur d'un tel projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Le temps de parole qui m'est imparti ce soir étant compté, vous me pardonnerez certainement, monsieur le ministre, d'entrer très rapidement dans le vif de mon propos.

Je tiens tout de même à souligner l'effort consenti en faveur des agriculteurs et du monde rural, tant par le gouvernement de  Jean-Pierre Raffarin que par celui de Dominique de Villepin, effort qui ne se dément pas, et ce dans un contexte budgétaire très tendu - nous n'aurons de cesse de le répéter - et un contexte communautaire et mondial difficile.

Dans un premier temps, je souhaiterais obtenir la confirmation des engagements que vous avez formulés il y a peu quant à la revalorisation des indemnités compensatrices de handicap naturel, les ICHN.

En effet, si la dotation inscrite dans le projet de budget pour 2006 est en augmentation de 7 millions d'euros, elle n'intègre pourtant pas la réévaluation de 10 % sur les vingt-cinq premiers hectares annoncée par votre prédécesseur. Ce dernier s'était en effet engagé, en 2003, à revaloriser les ICHN de 50 % sur les vingt-cinq premiers hectares, au profit des exploitations les plus modestes.

Si cette revalorisation est intervenue lors des deux premiers exercices budgétaires de la législature, il faut bien noter que tel n'est plus le cas. Or, comme cette dotation est destinée à compenser les handicaps dans les zones agricoles en difficulté en restreignant les surcoûts d'exploitation et qu'à ce titre elle constitue un complément de revenu indispensable pour les agriculteurs, l'inquiétude de ces derniers est grande.

Il me semble donc nécessaire de poursuivre l'action engagée en la matière et, de ce fait, de soutenir l'activité agricole de ces territoires.

Au sujet des ICHN, une interrogation se fait de plus en plus pressante, en particulier en Corrèze, quant au projet de la Commission de modifier les critères de délimitation et donc, de redéfinition des zones défavorisées. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques éclaircissement et, je l'espère, nous rassurer ?

Évoquant l'activité agricole en zone de montagne, il me vient tout naturellement à l'esprit de vous interpeller sur le difficile problème de la collecte du lait.

En effet, si rien n'est fait, on peut craindre dans ces zones l'arrêt de certaines collectes, ou, tout du moins, de grosses difficultés difficilement gérables par les agriculteurs, dues aux coûts trop élevés, aux conditions de déplacement difficiles, et parfois même aux conditions climatiques dégradées.

Parce qu'il s'agit bien là du devenir de nombreuses exploitations, corréziennes ou autres, j'espère, monsieur le ministre, que cette problématique fera l'objet d'une réflexion particulièrement attentive au cours de l'année 2006.

Je souhaiterais ensuite vous interroger sur la mise en application de la réforme du service public de l'équarrissage.

Depuis près de dix années, les entreprises de boucherie supportent les conséquences morales et financières des diverses mesures de sécurité sanitaire dues à la crise de la vache folle.

Parmi ces mesures, figure le retrait des os de la colonne vertébrale des bovins de plus de douze mois. Classés MRS, c'est-à-dire matériaux à risque spécifié, ces os sont éliminés par un circuit autorisé, assuré par les équarisseurs, dont les frais sont partiellement couverts par une aide de 1 000 euros dans le cadre légal de la clause dite de minimis.

Après avoir mené une réflexion de fond sur la rationalisation des coûts d'équarrissage, les professionnels de la boucherie artisanale ont établi un protocole d'expérimentation afin d'examiner les modes collectifs de collecte ou de partage des os de la colonne vertébrale.

Or, dans le même temps, et sans attendre le résultat de l'expérimentation, le ministère de l'agriculture a décidé de réduire l'aide dont bénéficient les bouchers de 50 % dès le 1er janvier 2006. Il semble pourtant indispensable, pour mener à bien matériellement l'expérimentation, que soit octroyé un temps minimum de réalisation de cette mutation excluant toute dégressivité de l'aide.

Je pense, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de me répondre sur ce sujet.

Je conclurai en évoquant l'avenir du FFIPSA. Je suis intervenu longuement lors de l'examen du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais je tenais à réitérer ce soir mes propos.

Vous avez indiqué que le Gouvernement ferait des propositions en la matière avant la fin de la discussion de la loi de finances ou d'ici à l'examen du projet de loi de finances rectificative. Il est primordial, en effet, pour la survie même de ce régime, que les engagements pris soient traduits concrètement dans les plus brefs délais.

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Bernard Murat. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, mais je crois qu'il faudra aller plus loin pour sauver la protection sociale agricole et je suggère que l'on s'appuie sur les propositions du comité de surveillance du FFIPSA, s'agissant notamment de la révision des règles de compensation démographique en maladie et en vieillesse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'attacherai, dans mon intervention, à commenter ces deux volets importants de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » que constituent respectivement la pêche et la forêt.

J'évoquerai tout d'abord la situation de la pêche.

La pêche française traverse une crise profonde à laquelle aucune réponse n'est apportée, comme le confirme la faiblesse du budget d'intervention pour 2006.

En effet, la politique de la mer enregistre une baisse de 1,13 % des crédits, ceux-ci s'élevant seulement à 32 millions d'euros. Comment s'en contenter, si l'on veut prendre des mesures concrètes pour faire des économies d'énergie et élaborer un plan de sortie de flotte ? La mobilisation de fonds communautaires ne suffira pas à la modernisation nécessaire de ce secteur et ne justifie en aucun cas le désengagement de l'État.

N'oublions pas que cette activité représente plus de 20 000 emplois en mer et 50 000 emplois induits. Elle constitue un pôle économique et culturel essentiel pour la France.

La nouvelle politique européenne de la pêche laisse à la Commission une maîtrise presque totale sur la gestion des flottes, la ressource et la commercialisation. Toutes les perspectives de gestion intégrée sont rejetées et les aides à la modernisation sont bloquées. De fait, on interdit ainsi l'installation des jeunes et on accélère les sorties de flotte, c'est-à-dire la cessation d'activité !

Au nom d'une politique de protection de la ressource et pour satisfaire les monopoles agro-alimentaires qui tiennent le marché, ce sont les pêcheurs de nos côtes qui sont sacrifiés. L'existence même de certains secteurs est remise en cause, comme la pêche à l'anguille, que la Commission prétend interdire. Cette dernière a également proposé, mercredi dernier, la prolongation de l'interdiction de la pêche à l'anchois dans le golfe de Gascogne pendant le premier semestre 2006, ainsi qu'une réduction de 15 % des prises de cabillaud.

C'est d'un contrôle beaucoup plus rigoureux de la pêche illicite, qui alimente les grandes fermes d'élevage nordiques, dont nous aurions besoin, et non d'une interdiction de la pêche des sujets adultes, que nous pratiquons et qui relève d'une gestion intégrée et de traditions spécifiques.

Mais il faudrait aussi parler du diktat européen sur la taille des espèces, totalement inadapté à notre biotope, et qui ignore tant les études scientifiques que l'autorégulation pratiquée par les pêcheurs.

La France va-t-elle enfin reprendre la main en Europe et entendre les instances professionnelles, qui demandent une véritable politique de gestion de la ressource, ainsi que la sauvegarde de l'emploi ? Les professionnels doivent être entendus dans le cadre de la réforme concernant la préservation de la ressource halieutique.

De plus, nous savons que les restrictions sur une ressource, voire sur plusieurs, entraînent automatiquement un report sur une autre ressource. Cela s'est passé, en octobre dernier, en Haute-Normandie. Les pêcheurs qui ne pouvaient plus pêcher le maquereau se sont réorientés vers la coquille, biologiquement saine, mais dont le marché est fragile. D'ailleurs, les tonnages conséquents de coquilles Saint-Jacques ont entraîné une baisse considérable des prix sur les criées des Côtes-d'Armor.

Le Conseil économique et social a rappelé qu' « une réduction de quotas brutale pouvant aller jusqu'à des interdictions totales peut avoir un effet définitif et condamner une flottille ou un port. Le retour du poisson associé à la perte des outils de production serait alors un paradoxe inacceptable. »

Si la question des ressources halieutiques est évidemment primordiale, il serait regrettable de casser des outils portuaires aux seuils d'équilibres économiques fragilisés, de perdre des savoir-faire et des équipages, alors que ces ressources sont, sous certaines conditions de bonne gestion, renouvelables.

Enfin, allez-vous également améliorer le dispositif « aléa carburant », qui exclut de fait 90 % de la flotte, pourtant durement touchée de ce point de vue ?

À l'heure actuelle, la hausse du carburant n'est pas intégralement compensée. Vous cherchez sans doute des solutions en collaboration avec le ministère des finances pour y remédier. Mais, monsieur le ministre, la situation est urgente : l'augmentation du fioul peut en effet représenter pour certains patrons pêcheurs 30 % à 40 % de leurs charges de fonctionnement.

Nous attendons beaucoup du plan d'avenir pour la pêche que vous devez présenter en 2006. Mais, en l'état actuel des choses, la politique que vous avez retenue dans ce domaine ne nous paraît pas satisfaisante.

J'en viens à la situation de la forêt.

La filière bois n'avait pas besoin de voir ses crédits diminuer de 5,5 %. Vous semblez pourtant mesurer l'importance de ce secteur d'activité non seulement pour l'emploi, puisque vous notez dans le document budgétaire que près de 450 000 emplois sont concernés, mais aussi en termes de préservation de la biodiversité, de loisirs et de paysage.

Pourtant, tous les crédits sont en baisse par rapport à l'année dernière. Ainsi, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement ont perdu 18 millions d'euros entre 2005 et 2006.

Prenons, par exemple, l'action « Développement économique de la filière forêt-bois ». Dans le cadre de la loi d'orientation agricole, nous nous étions tous accordés sur l'importance de valoriser la ressource « forêt » dans un cadre de gestion durable et d'utiliser pleinement le potentiel de production biologique des forêts françaises. Telle est d'ailleurs la double finalité de cette action n° 01. Or force est de constater que la politique budgétaire retenue ne permettra pas de remplir correctement ces missions.

D'autre part, le Gouvernement ne semble pas disposé à suivre les objectifs fixés par la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001. Les besoins sont pourtant considérables. La liste d'attente pour le financement des pistes forestières est ainsi de plusieurs années. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière : 58 % seulement de l'accroissement naturel du bois sont récoltés !

La balance commerciale de la filière reste donc déficitaire, alors même que la demande ne cesse de croître, compte tenu de la hausse des tarifs du pétrole, du gaz et de l'électricité. Et ce n'est pas en réduisant le budget consacré à la forêt que l'on facilitera le développement, aujourd'hui entravé, de la filière bois.

Enfin, je tiens à revenir sur l'importance des missions de l'Office national des forêts, l'ONF, notamment en ce qui concerne la lutte contre l'effet de serre.

Pour lutter contre l'effet de serre en multipliant les puits de carbone, il ne suffit pas de préserver les superficies couvertes par la forêt. Il faut aussi exploiter ladite forêt en bon père de famille, couper assez de bois pour lui permettre de se régénérer, et valoriser toutes les parties de l'arbre entre le bois d'oeuvre, la pâte à papier et le bois de chauffage. Ces missions relèvent du service public et nous espérons que le pouvoir politique n'ira pas privatiser les forêts domaniales après avoir vendu au privé les dernières entreprises publiques !

Nous avions déjà souligné, au cours du débat sur la loi d'orientation agricole, les dangers d'une prise de participation facilitée de l'ONF dans les sociétés privées. En effet, une logique purement économique, forcément induite par la multiplication de telles prises de participations, dénaturera sans aucun doute le caractère d'intérêt général des missions d'un tel établissement public, missions qui existent, je vous le rappelle, en dépit du caractère industriel et commercial de cet établissement.

La loi d'orientation agricole prévoit que l'ONF peut réaliser ces investissements sans l'autorisation préalable de l'État. Notre rapporteur justifie cette mesure par la nécessité pour cet établissement public de réaliser plus librement ce type d'investissements, qui sont indispensables à son développement.

Les choix budgétaires qui sont faits ici entérinent cette logique de désengagement progressif de l'État dans le financement de ces missions de service public. Ainsi, entre 2005 et 2006, les crédits destinés aux principaux opérateurs de l'État, dont l'ONF fait partie, ainsi que les emplois qu'ils représentent, ont diminué.

Ni le programme « Forêt » ni les dispositions budgétaires relatives à la pêche ne donnent les moyens aux secteurs et aux opérateurs de relever les défis économiques ou environnementaux à venir. Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent à leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite consacrer mon intervention, d'une part, aux conditions d'accès à la profession agricole et, d'autre part, à la situation particulière de l'agriculture de montagne.

L'accès à la profession agricole nécessite des filières de formation dotées de moyens de financement adéquats et des conditions satisfaisantes d'installation des jeunes agriculteurs.

S'agissant du financement de l'enseignement agricole, vous avez été saisi, monsieur le ministre, des vives préoccupations des maisons familiales rurales, dont la situation a été prise en compte par l'Assemblée nationale à l'occasion de la première lecture. Depuis lors, ce sont les établissements de l'enseignement agricole technique qui ont fait état de leurs inquiétudes face aux perspectives offertes par le projet de loi de finances.

C'est pourquoi notre collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement agricole, a présenté la semaine dernière des amendements visant à permettre à ces établissements de poursuivre leurs activités dans des conditions satisfaisantes.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer au Sénat que les solutions financières arrêtées par la Haute Assemblée sont désormais à l'abri de toute remise en question et apportent ainsi les garanties attendues et nécessaires à cette filière d'enseignement ?

D'autres questions de première importance concernent les conditions d'installation des jeunes agriculteurs.

Il s'agit, en premier lieu, du financement des stages préalables à l'installation et des stages dits « de six mois ». Les chambres d'agriculture s'inquiètent, vous le savez, de l'éventuelle remise en cause des crédits apportés par l'État à ces actions. Les assurances que vous avez pu donner ces dernières semaines concernant le maintien des moyens destinés à leur financement jusqu'en fin d'année 2005 ont temporairement rassuré la profession, et je vous en remercie.

Même si les jeunes agriculteurs sont de mieux en mieux formés et effectuent différents stages durant leur scolarité, comme vous me l'avez écrit le mois dernier, l'utilité de ces stages professionnels sur une période prolongée est reconnue par tous. Ils permettent en effet aux futurs exploitants d'acquérir des compétences et connaissances pratiques qui leur seront d'une grande utilité quotidienne tout au long de leur carrière.

Monsieur le ministre, quelles assurances pouvez-vous donner à notre assemblée sur le financement futur de ces stages, notamment pour l'année 2006 ?

Il est un autre point sur lequel la profession agricole attend des éclaircissements et des assurances : le volume des contrats d'agriculture durable qui pourront être signés l'an prochain. Les prévisions budgétaires font en effet état d'une nette réduction de leur nombre, de 9 000 en 2005 à 6 000 en 2006, ce qui représenterait, d'après les prévisions des services de la chambre d'agriculture de mon département, seulement douze nouveaux contrats pour l'année à venir.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, qu'une telle dotation est bien insuffisante pour un département tel que la Haute-Savoie, qui veut conserver une agriculture dynamique et vivante, ce qui suppose, selon ses prévisions et objectifs, plusieurs dizaines d'installations nouvelles par an.

L'évocation de ce département haut-savoyard me conduit tout naturellement aux préoccupations spécifiques de l'agriculture de montagne.

J'évoquerai tout d'abord la question de la revalorisation des indemnités compensatrices de handicaps naturels, les ICHN, qui est, vous le savez, une absolue priorité dans nos départements alpins, et dans les départements montagnards en général, comme l'ont dit plusieurs orateurs.

Conscient de l'importance de ce dispositif, le Gouvernement s'était engagé, en 2003, à relever de 50 % le montant de cette aide spécifique à l'agriculture de montagne pour les 25 premiers hectares exploités.

Grâce aux remises à niveau successives inscrites depuis lors dans les budgets de votre ministère, la bonification a atteint 30 %. Toutefois, le respect de l'objectif de 50 % nécessiterait un nouvel abondement en 2006, qui n'a pas jusqu'alors été prévu.

Aujourd'hui, l'agriculture de montagne, dont la situation est à maints égards fragilisée, a besoin de cette mesure et ne peut attendre 2007, date que vous avez récemment annoncée, pour bénéficier d'un hypothétique relèvement des ICHN.

C'est pourquoi j'ai tenu à déposer, comme l'avait fait le rapporteur spécial de ce budget à l'Assemblée nationale, M. Alain Marleix, un amendement rétablissant le montant des crédits affectés à cette mesure à un niveau conforme aux engagements pris par le Gouvernement en 2003 et renouvelés, le 21 octobre 2004, par M. le Président de la République.

Étant donné l'impact décisif de cette indemnité sur l'avenir des petites exploitations de montagne, il est primordial que le projet de budget pour 2006 réserve les crédits nécessaires, et je vous remercie, monsieur le ministre, de l'accueil que vous pourrez réserver à cet amendement.

Au-delà des interrogations immédiates portant sur la revalorisation des ICHN, c'est toute la question des perspectives de financement du second pilier de la politique agricole commune pour les années 2007 à 2013 qui est posée. Ce « second pilier » permet, nous le savons, de financer les mesures agro-environnementales et, en particulier, de compenser les handicaps naturels des régions les moins favorisées du point de vue de leur climat et des conditions d'exploitation.

À la suite de la question d'actualité que je vous avais posée ici même, le 3 novembre dernier, et de nos échanges en marge de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, vous m'avez répondu que la France oeuvrerait dans le cadre des négociations européennes « pour que soit reconnue au second pilier de la politique agricole commune sa juste place ».

Je vous remercie de cette réponse, dont vous savez qu'elle était très attendue par les exploitants, notamment les éleveurs. Mais, au-delà de ces assurances de principe, vous serait-il possible de communiquer au Sénat quelques orientations chiffrées sur les propositions qui seront formulées par notre pays ?

Enfin, je veux souligner l'importance d'autres questions, qui portent de réelles attentes en montagne.

La première a trait à la modernisation des bâtiments d'élevage. Dans mon département, il a en effet été nécessaire que le conseil général apporte une contribution, équivalente à celle de l'État, au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, pour permettre de résorber la « file d'attente » qui s'était constituée faute de crédits suffisants. Cette situation, vous le concéderez, n'est guère satisfaisante. Est-il possible d'espérer, en 2006, un niveau d'abondement par l'État plus en rapport avec le nombre de demandes demeurant en instance de financement ?

Enfin, vous le savez, les responsables des unités de sélection et de promotion des races bovines ont connu, cet automne, de sérieuses inquiétudes à la suite du « gel » des crédits de génétique animale. Leurs préoccupations n'ont pas été totalement apaisées par la décision que vous avez pu obtenir de « dégel spécial » de ces financements à hauteur de 1 million d'euros, mesure dont nous prenons acte et dont nous vous remercions.

En effet, le budget que nous examinons prévoit une réduction de 4 millions d'euros des moyens attribués à la politique de sélection des races bovines.

Si cette décision devait être confirmée, les conséquences pour la génétique française, essentielle à la qualité du cheptel et dont les performances sont largement reconnues, y compris hors de nos frontières, seraient très lourdes.

Je suis conscient, monsieur le ministre, des difficultés de tous ordres qui contraignent la préparation de ce projet de loi de finances, notamment en ce qui concerne vos crédits, mais, pour autant, l'agriculture de montagne ne saurait apparaître comme le parent pauvre du budget que vous présentez et défendez aujourd'hui. Aussi, je vous remercie vivement d'avance des éléments, positifs je l'espère,...

M. Paul Raoult. Vous croyez au père Noël !

M. Jean-Paul Amoudry. ...que vous pourrez apporter en réponse à ces questions, tout particulièrement pour ce qui concerne la compensation des handicaps naturels. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2005 nous aura donné l'opportunité exceptionnelle d'échanger, à trois occasions, autour de l'agriculture et du développement rural : loi relative au développement des territoires ruraux, loi d'orientation agricole, loi de finances.

L'abondante production législative et le talent de tous les intervenants dans les débats n'auront cependant pas mis fin à une situation objectivement observée pas les élus des territoires ruraux et maritimes. Les paysans et les marins n'ont pas grand moral, monsieur le ministre ! Ils sont confrontés à des crises répétitives, entraînant des départs, des appels à l'aide, des révoltes parfois, une déstabilisation et une insécurité face aux réalités concrètes qui se cachent derrière des sigles de plus en plus redoutés : PAC, PMPOA, FFIPSA, TAC créent un réel malaise que l'on ne peut ni occulter ni ignorer.

Les agriculteurs et les marins ont dès lors un besoin urgent de « signes » positifs, capables de redonner lisibilité, repères, souffle et espoir. Trouve-t-on de tels signes dans le projet de budget ? Hélas ! non, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Une analyse rapide de ce projet de budget, centrée autour de trois thèmes - l'écart entre les inscriptions budgétaires et les attentes, besoins et promesses, l'enjeu du développement rural, l'avenir de la pêche - permet de démontrer qu'il est possible de le lire de manière différente.

Je constate avec effroi que la LOLF n'a rien changé : selon les travées, nous n'avons ni les mêmes ophtalmologues ni les mêmes opticiens !

Parlons d'abord du grand écart entre les inscriptions budgétaires et les attentes, besoins et promesses. Nous n'ignorons pas les contraintes qui ont pesé sur l'élaboration du projet de budget, mais ce dernier nous paraît construit au plus juste, fortement dépendant des financements communautaires, inadapté par rapport aux réalités vécues et, de surcroît, trop décalé par rapport à vos engagements ou à ceux de votre prédécesseur, monsieur le ministre. Les données chiffrées, déjà citées par nombre d'orateurs, permettent d'en juger concrètement.

Pour le renouvellement des exploitations agricoles, il y a peu de moyens de paiement nouveaux pour les dossiers 2006.

Pour l'hydraulique, la traduction des engagements pris au congrès des maïsculteurs ne figure pas.

Pour l'ICHN, qui a fait l'objet de nombreuses interventions, le surcoût de 10 %, évalué à 35 millions d'euros par an, n'est pas budgété.

M. Pierre-Yvon Trémel. Pour la prime herbagère agro-environnementale, la dotation bénéficiera à 59 000 exploitants, mais il n'y aura pas, ou peu, de nouveaux entrants.

Pour la mesure rotationnelle, il n'y a pas non plus de crédits pour les nouveaux entrants.

Par ailleurs, on l'a dit, 6 000 CAD, ce n'est pas suffisant par rapport aux besoins.

Le plan « bâtiments d'élevage », annoncé en 2004, connaît un réel succès, mais, là encore, la « file d'attente » est longue : 37 millions d'euros sont inscrits en crédits de paiement. Les engagements antérieurs à 2006 représentent déjà 33 millions d'euros.

S'agissant du PMPOA, la mise aux normes est un levier majeur pour la compétitivité de l'élevage de demain et un moyen de conserver notre potentiel de production, notamment en lait. Le projet de budget pour 2006 prévoit 39 millions d'euros en crédits de paiement, mais 8 millions d'euros seulement sont prévus pour les nouveaux dossiers, alors que nous arrivons à l'échéance de décembre 2006 et que nous avons la certitude que les besoins financiers liés à l'application de la règle d'écoconditionnalité seront élevés.

Pour la sélection animale et végétale, la dotation en crédits de paiement est de 12,4 millions d'euros, à comparer aux 16,1 millions d'euros inscrits en 2005, année au cours de laquelle, du fait des gels de crédits, les moyens réels disponibles ont été de 9,5 millions d'euros. Nous savons ce qui va se produire : des organismes comme les EDE, les établissements de l'élevage, les UPRA, les unions pour la promotion et la sélection des races, ou l'institut de l'élevage vont connaître des difficultés accrues et seront amenés à solliciter financièrement davantage les éleveurs.

La forêt bénéficie de 303 millions d'euros en crédits de paiement. Nous assistons à un désengagement de l'État pour la troisième année consécutive. La forêt privée, qui représente 75 % de la forêt française, est particulièrement touchée. Vous avez d'ailleurs fait un aveu, monsieur le ministre, lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale : vous êtes toujours à la recherche du financement des cinquante-cinq emplois dont ont besoin les centres régionaux de la propriété forestière.

Les autorisations d'engagement et les moyens de paiement pour la lutte contre les maladies animales sont également en diminution. Comment le comprendre et l'accepter en plein contexte de menace d'épizootie de grippe aviaire ?

L'enseignement agricole est évoqué par tous les orateurs. Je crois qu'il y a vraiment le feu, feu que la dizaine de millions d'euros qui ont été débloqués dans la hâte et la douleur n'éteindrons sans doute pas, monsieur le ministre. Nos interlocuteurs sur le terrain demandent des réponses aux questions qu'ils se posent sur les suppressions de poste envisagées et sur les reclassements promis aux enseignants mal classés.

J'arrête là un inventaire que j'ai voulu présenter sans esprit polémique, mais, monsieur le ministre, je souhaite bon courage aux fonctionnaires des DRAF et des DDAF, les directions régionales et départementales de l'agriculture et de la forêt, qui vont devoir affronter les questions, les déceptions, les frustrations et les expressions de mécontentement ! Leur situation devient de plus en plus intenable, et c'est bien la crédibilité de l'État qui est en jeu.

J'en viens au développement rural.

Le plan national de développement rural arrive à échéance à la fin de 2006. Nous sommes déjà entrés dans la préparation d'un nouveau plan qui doit couvrir la période 2007-2013. C'est donc bien maintenant que le Gouvernement, le Parlement, les collectivités territoriales, les représentants des organisations agricoles et forestières doivent se mettre au travail pour préparer des orientations et être prêts au 1er janvier 2007.

Sur ce sujet, je souhaite formuler quelques observations et quelques questions, monsieur le ministre.

Oui, le rural est de retour. Nous le constatons au travers du virage démographique qu'a fort bien décrit Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Dans ce contexte, le rôle de l'État en matière de stratégie, de soutien et d'accompagnement du développement rural devient primordial.

En la matière, trois priorités se dégagent.

Le développement de la multifonctionnalité en agriculture est la première. Et, à mon tour, monsieur le ministre, je vous demande quand seront signés les très attendus décrets d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, qui, même si elle n'est pas suffisante, va dans le sens de la multifonctionnalité ?

S'agissant de l'eau, deuxième priorité, allons-nous prendre le rythme qui nous permettra d'être prêts pour l'objectif très ambitieux qui nous est fixé en 2015 ?

Troisième priorité : les services publics et les services à la personne, thème qui a donné lieu à une intense mobilisation dans nos zones rurales et qui doit être au coeur du futur plan national de développement rural.

Par ailleurs, j'approuve tout à fait la proposition relative à la création de pôles d'excellence ruraux. Cela va dans le sens du développement rural. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, monsieur le ministre, sur les critères, le calendrier et les moyens de financement ?

Je terminerai mon intervention par deux questions relatives à la pêche, sur laquelle mon amie Yolande Boyer va, avec la compétence que nous lui connaissons, centrer toute son intervention.

Le fonds de prévention des aléas de la pêche, le FPAP, a été mis en place en novembre 2004. Sera-t-il maintenu au-delà du 31 décembre 2005 ?

D'autre part, vous avez annoncé, le 14 octobre, à Nantes, un plan stratégique pour l'avenir de la pêche. Nous souhaiterions savoir de quelle manière il va se mettre en place. En particulier, avez-vous l'intention de présenter - ce serait intéressant - un projet de loi d'orientation sur la pêche ?

Vous le constatez, monsieur le ministre, au fur et à mesure que se déroule le débat, les questions affluent et se recoupent très souvent ; agriculteurs, marins, mais aussi sénateurs attendent vos réponses et y seront très attentifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau.

Mme Adeline Gousseau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de voir que notre agriculture est une nouvelle fois à l'honneur dans cet hémicycle, quelques semaines après le vote de la loi d'orientation agricole. Cette loi a permis de doter l'agriculture d'instruments, notamment juridiques, capables de lui permettre d'affronter plus sereinement son avenir.

Le projet de loi de finances pour 2006, qui nous occupe à présent, repose sur une nouvelle nomenclature budgétaire. Le budget de l'agriculture se trouve donc séparé en plusieurs missions, comme cela a déjà été souligné : la mission spécifique dont nous débattons ce soir, « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », et trois missions interministérielles également importantes, « Sécurité sanitaire », « Enseignement scolaire » -qui prévoit un programme « Enseignement technique agricole » - et « Recherche et enseignement supérieur ».

Ces missions traduisent indéniablement la volonté de construire une agriculture résolument tournée vers l'avenir.

Pour ce qui la concerne, la mission « Agriculture, pêche forêt et affaires rurales » progresse de 2 %, à 4,98 milliards d'euros, soit légèrement plus que la moyenne de 1,8 % des autres missions. D'une manière générale, mes chers collègues, ce budget, dont je m'attacherai à discuter quelques points, répond à l'impérative nécessité de développer l'agriculture en cohérence avec les attentes de notre société dans les domaines de l'environnement, de la qualité et de l'aménagement du paysage.

À la même époque, l'année dernière, j'avais insisté sur la nécessité de mettre en place l'assurance récolte le plus rapidement et le plus efficacement possible. Je suis heureuse d'avoir été pleinement entendue sur ce point, puisque je note un effort important dans ce domaine. En effet, la dotation a été doublée, passant à 20 millions d'euros. Cette politique est sans doute l'une des pistes de travail les plus fructueuses pour aider l'agriculture de demain, tout en étant compatible avec nos engagements à l'égard de l'OMC.

Il convient indéniablement de souligner cet effort et de l'accentuer dans les années à venir.

L'avenir de notre agriculture repose en outre sur l'enseignement agricole. Ainsi, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à avoir été sollicités par des établissements d'enseignement agricole. Ceux-ci semblaient particulièrement inquiets de la baisse drastique des crédits qui leur étaient destinés, baisse d'autant plus dommageable qu'elle risquait de toucher un secteur si nécessaire à l'insertion et à la réussite de jeunes qui ne sont pas toujours parmi les plus favorisés. Je suis tout particulièrement heureuse des efforts financiers importants qui ont été obtenus en leur faveur par le Sénat, lors de la discussion des crédits de la mission « Enseignement scolaire », jeudi dernier.

Je souhaite de tout coeur que notre discussion d'aujourd'hui confirme ces orientations bienvenues. Je tiens à saluer à cette occasion le travail remarquable effectué par l'encadrement et les professeurs de ces établissements techniques agricoles qui contribuent à l'intégration scolaire et professionnelle de nombreux jeunes, qui trouvent dans cet enseignement une nouvelle motivation scolaire et un véritable projet d'avenir. Ils ont besoin de notre soutien inconditionnel.

Enfin, élaboré dans un contexte de transition économique et d'ouverture commerciale particulièrement difficile, le budget de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » s'inscrit dans la continuité des efforts consentis depuis trois ans et dégage, malgré les lourdes contraintes, des marges de manoeuvre pour des actions prioritaires telles que la modernisation des exploitations, les aides à l'installation ou le développement des débouchés.

J'insisterai notamment sur l'action en faveur du renouvellement des générations dans l'agriculture, qui me semble tout à fait primordiale.

Cet effort est concrétisé par la création dans ce budget, à la faveur de la nouvelle nomenclature financière, d'une ligne spécifique intitulée « Appui au renouvellement des exploitations agricoles ». Avec plus de 236 millions d'euros, les fonds attribués dans ce domaine progressent de 2 %, ce qui, dans le contexte budgétaire contraint qui caractérise le budget pour 2006, montre que vous considérez cette action comme une priorité que je partage tout à fait.

Voilà autant de points importants, monsieur le ministre, qui fondent le volontarisme et la qualité de votre budget. C'est pourquoi je le voterai avec conviction (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention, courte et ciblée, s'articulera autour de trois points : les biocarburants, le déficit chronique du FFIPSA et l'assurance récolte.

Premier point, le projet de loi d'orientation agricole, que nous sommes sur le point d'adopter, jette enfin les bases de la politique française de développement des biocarburants. Bientôt, cette loi déterminera les taux d'incorporation obligatoire que je souhaite aujourd'hui rappeler : 5,75 % du total des carburants à la fin de l'année 2008, 7 % à la fin de l'année 2010 et 10 % à la fin de l'année 2015.

Le groupe UC-UDF du Sénat, qui a toujours été attaché à la valorisation de cette filière, s'en est félicité lors de l'examen du projet de loi dans notre assemblée. Cependant, pour que l'ambition affichée de donner de nouveaux débouchés à l'agriculture tout en concourant à la préservation de notre environnement soit une vraie réussite, ces objectifs doivent être atteints à partir de la production française. Ce serait un comble d'avoir à importer des biocarburants pour assurer les taux d'incorporation affichés !

Pour cela, nous devons, dès aujourd'hui, pouvoir décliner, pour chaque filière, diester ou éthanol, des objectifs en termes de volume de production et de surface. C'est à ce prix que la production française de biocarburants s'assurera des débouchés solides dans les années à venir. A cela doit, bien entendu, s'ajouter une politique industrielle ambitieuse. Je sais que le Gouvernement a pleinement de la conscience de la situation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser cette politique ?

S'agissant, enfin, du FFIPSA, je n'ai pu participer au débat organisé dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, monsieur le ministre, lorsque le BAPSA a été supprimé, votre prédécesseur s'était engagé à ce que nous puissions continuer à discuter du financement des prestations sociales agricoles dans le cadre de l'examen des crédits de l'agriculture. C'est la raison pour laquelle je souhaite rappeler à cette tribune la situation plus que préoccupante de ce fonds, situation qui a d'ailleurs été constatée par la Cour des comptes.

Le FFIPSA cumule les handicaps : son bilan d'ouverture, au ler janvier 2005, fait apparaître une dette sur l'État de 3,2 milliards d'euros résultant des déficits cumulés du BAPSA. A cela, il faut ajouter un déficit structurel d'environ 1,9 milliard d'euros pour 2005 et, vraisemblablement, pour 2006.

Au total, le besoin de financement cumulé de ce fonds, qui assure la couverture des risques « maladie » et « accident » ainsi que l'assurance vieillesse de base des non-salariés agricoles, atteint environ 6 milliards d'euros. Comment un tel déficit va-t-il pouvoir être couvert ? C'est une question essentielle pour le monde agricole, très inquiet de la suppression de la subvention d'équilibre que l'État versait traditionnellement au BAPSA.

En novembre 2005, le comité de surveillance du FFIPSA a appelé le Gouvernement à prendre ses responsabilités face à cette situation. Il a notamment proposé que soient envisagés une diversification des ressources, une renégociation des règles de compensation démographique et le recours à un emprunt dont l'État prendrait en charge les annuités.

M. Copé s'est engagé devant l'Assemblée nationale à prendre en charge partiellement la créance figurant au bilan d'ouverture du FFIPSA, ainsi que la diversification des ressources et la réforme des règles de compensation démographique préconisées par le comité de surveillance présidé par Yves Censi. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, a réaffirmé au Sénat sa détermination à trouver un financement pérenne.

Devant l'ampleur du déficit, augmenter l'autorisation de découvert du FFIPSA est loin d'être satisfaisant. Monsieur le ministre, l'État sur ce sujet manque à ses devoirs lorsqu'il n'assure pas, comme il aurait dû le faire, l'équilibre de ce fonds. Ce n'est pas moi, simple parlementaire rural, qui le dis, c'est la Cour des comptes !

Même si le FFIPSA n'est plus rattaché aux crédits du ministère de l'agriculture, vous êtes l'avocat de l'agriculture et des agriculteurs, qui comptent sur vous. C'est la raison pour laquelle j'aimerais connaître votre position sur ce sujet et les actions qui vont être prises par les différents ministères concernés pour assurer la pérennité du financement de ce fonds.

Enfin, un dernier point me semble primordial à souligner dans la nouvelle présentation des crédits de la mission agriculture, l'assurance récolte. Vous doublez les crédits affectés à ce dispositif, ce n'est pas négligeable, et même très important, dans un budget que nous savons contraint.

Je me réjouis de la volonté affichée du Gouvernement d'accompagner son développement et de favoriser son extension. Toutefois, pour rendre l'assurance récolte réellement attractive aux agriculteurs et aux assureurs, il convient d'agir à un double niveau.

Premièrement, il faut mener une politique incitative par le biais de la prise en charge d'une partie des primes d'assurance. C'est ce que vous avez fait en 2005 et cela a porté ses fruits, puisque 65 000 contrats ont été signés ; on ne peut que vous en féliciter. Or, les crédits débloqués pour 2006 sont pour l'instant insuffisants à cette prise en charge partielle. Non seulement ces aides doivent être maintenues, mais elles doivent l'être à un niveau identique à celui de cette année.

Deuxièmement, il faut prévoir un mécanisme de réassurance pour que les assureurs continuent de proposer ce type de contrat. A l'heure actuelle, les assureurs ne pourront pas aller beaucoup plus loin, le risque étant trop important.

Allégement des primes et réassurance garantie par l'État, tels sont les deux principes qui fondent les techniques d'assurance dans le monde entier. Il ne peut en être autrement chez nous.

Pour ma part, vous savez que je suis, depuis de nombreuses années, un ardent défenseur de l'assurance récolte. Je déposerai donc à nouveau, sur les articles non rattachés, et comme sur le projet de loi d'orientation agricole, un amendement demandant la garantie de l'État en matière de réassurance. C'est, à mon sens, la condition sine qua non pour que l'assurance récolte, après un bon début, arrive à l'objectif que vous avez fixé, c'est-à-dire environ 200 000 contrats. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, dans le cadre de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », mon intervention portera uniquement sur la pêche.

Certes, en termes financiers, son importance est minime. Jugez-en donc ! Le budget proposé est de 32 millions d'euros ; comparés aux 48 millions d'euros du budget consacré au cheval dans la même mission, cela peut sembler dérisoire !

M. Bernard Piras. Cela l'est !

Mme Yolande Boyer. Mais elle demeure et, je le souhaite, elle demeurera un secteur économique essentiel pour notre pays.

Je citerai quelques chiffres pour conforter mon propos. Ils ont trait, tout d'abord, à la réalité géographique de la France, qui possède une façade maritime sans commune mesure avec celle des pays voisins ; ensuite, au nombre d'emplois embarqués : environ 20 000, qui en induisent plus de 50 000 à terre ; enfin, à une production de 885 000 tonnes pour une consommation évaluée à 2 150 000 tonnes.

A l'appui de ces chiffres, je souhaite faire une analyse sur l'avenir de ce secteur qui, de mon point de vue, demeure essentiel, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, et cela paraît évident, il y a le poisson. La consommation française par habitant est bien supérieure à la moyenne européenne, et la production française est largement insuffisante.

En second lieu, il y a la pêche, qui joue un rôle essentiel dans ces régions littorales. Elle constitue, en effet, une activité permanente, avec de nombreux emplois induits. Ces emplois à terre sont liés à la construction et à l'entretien des navires, au déchargement, à la transformation du poisson, aux équipements annexes.

La pêche est donc une activité structurante en termes sociaux et en termes d'aménagement du territoire. Elle ne représente certes pas un secteur d'activité économique majeur par son poids dans l'économie nationale, mais la considérer uniquement sous l'angle de la production de denrées de consommation serait trop restrictif.

Elle est, en effet, un élément majeur de la vie de nos côtes, un gage d'équilibre à ne pas négliger. Ne risque-t-on pas de fragiliser l'existence de nos ports et de nos activités portuaires dans leur ensemble en la soutenant trop peu ? Elle est un acteur historique, économique, culturel et environnemental de nos côtes, « un acteur de la vie du littoral », comme le souligne le Conseil économique et social.

Elle est aussi un vecteur d'image positif, car elle porte les valeurs de courage, de ténacité et de solidarité. Elle fonde l'identité du littoral et, comme c'est le cas pour la Bretagne, celle d'une région tout entière.

Mme Yolande Boyer. Il demeure cependant des interrogations fortes sur l'avenir et sur la manière de surmonter ces contradictions.

Il faut, bien sûr, rappeler que la pêche est fortement communautarisée. Autrement dit, la politique commune des pêches à l'échelon européen encadre fortement la pratique du métier. Les propositions de la Commission européenne sont d'ailleurs très offensives sur le plan des autorisations de TAC et de quotas.

La problématique qui se pose aujourd'hui me semble parfaitement résumée dans la phrase suivante : « Sans poissons la pêche disparaîtra. Sans pêcheurs, ou sans navires, la filière s'écroulera ».

M. André Lejeune. Excellent !

Mme Yolande Boyer. Pour illustrer mon propos, je parlerai, en premier lieu, de la ressource.

La consommation de produits aquatiques est en hausse régulière de 2 % par an depuis 15 ans. La France se situe en troisième position derrière l'Espagne et le Portugal : 34,2 kilos par an par habitant et, pour le seul poisson, 23,7 kilos par an et par habitant, à comparer aux 17,5 kilos comptabilisés en 1988.

Quant à la ressource, elle est soumise à de nombreuses pressions - pollution, réchauffement climatique, prédateurs, pêcheurs non professionnels - et prête à polémiques.

La préservation de la ressource, dont dépend l'avenir de la pêche, est une préoccupation majeure.

Comment améliorer son évaluation ? L'enjeu est de taille. Les désaccords et controverses entre scientifiques et professionnels sont nombreux, les premiers agissant au nom du principe de précaution, les seconds mettant en avant, avec raison, leur expérience, leur savoir-faire, leur connaissance du milieu par son observation quotidienne. Une charte, issue d'un travail de concertation, devait être signée, ce qui laissait de l'espoir. Où en est-on aujourd'hui ?

Il faut certainement aller, comme le suggère le rapport du CES, vers une codécision, car il est temps de reconnaître l'effort et la prise de conscience des pêcheurs.

Ce rapport du CES se prononce également pour une gestion collective des quotas par les organisations de producteurs, individuellement et temporairement répartis ensuite entre les adhérents.

Il se prononce aussi pour une concertation entre les comités régionaux de pêcheurs et une organisation des producteurs regroupés sur une base régionale. Ne serait-ce pas là une juste collaboration ?

Des comités régionaux et locaux des pêches défendent une gestion durable de la ressource. Ils marquent ainsi leur volonté de prendre part à un développement raisonné du littoral, notamment dans le cadre du projet de parc national marin en mer d'Iroise, qui suscite tensions et oppositions.

Ce dossier complexe semble pâtir d'une gestion confuse et par trop administrative. Il fait, peut-être à tort, planer le spectre d'une réglementation lourde et contraignante. Les pêcheurs bretons y voient, eux, « un instrument pilote à l'instauration d'une gestion durable et partagée de la mer côtière, assurant le respect de l'ensemble des usagers ». Il faut tenir compte de leur avis.

Je parlerai, en second lieu, des moyens. Il faut aussi assumer le renouvellement des navires et, pour cela, il convient de s'interroger sur ce que doit être un plan de sortie de flotte.

Au cours des vingt dernières années, la France a réduit sas flotte de moitié. Celle-ci est vieillissante En effet, la moyenne d'âge des navires est de 23 ans, alors qu'elle devrait être de 15 ans.

Cette politique a pour conséquence, d'une part, des problèmes de sécurité, d'autre part, des craintes pour l'avenir.

L'exemple de l'action menée par le conseil régional de Bretagne est particulièrement intéressant. Il finance, en effet, des actions de diagnostic-sécurité-conditions de travail pour les constructions neuves ou pour les modernisations qui donnent lieu à subvention. Il intervient également dans la formation, l'aide à l'installation, sur les aspects portuaires. La Bretagne affirme ainsi sa volonté de défendre l'avenir de la pêche. L'État doit associer les régions et les départements à ses réflexions et projets.

Monsieur le ministre, le plan d'avenir pour la pêche que vous avez lancé à Nantes le 14 octobre dernier, répondra-t-il à ces questions ? Tiendra-t-il compte des propositions très pertinentes faites dans le rapport du CES ? Vous l'annoncez pour le début de l'année prochaine et, paradoxalement, le budget 2006 ne reflète ni ne démontre la volonté de donner de moyens réels à ce plan. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Quoi qu'il en soit, il convient d'établir une véritable politique de la pêche qui permette d'assurer aux professionnels un revenu correct. Celui-ci étant, en effet, incertain et irrégulier, il doit passer par un système d'assurance performant, d'où l'importance du fonds de prévention des aléas de la pêche et de sa reconduction.

La pêche subit une crise dont elle n'est pas encore sortie. La situation, qui est due, pour une grande part, aux augmentations successives de fioul intervenues de façon impressionnante ces derniers mois, est catastrophique pour les entreprises de pêche. Je rappellerai, à mon tour, que ces hausses représentent 30 % à 40 % des charges de fonctionnement pour certains patrons pêcheurs.

Après cette analyse préoccupante sur la situation de la pêche en France, j'en viens au budget proprement dit.

Celui-ci ne nous semble pas être à la hauteur des enjeux : comment la pêche peut-elle survivre sans compromettre ses ressources ? Quelle politique de sortie de flotte pourrait permettre de garder des navires performants ? Comment réduire les charges sans cesse croissantes ?

La baisse globale du budget de 1,12 %, alors que l'inflation atteint 2 %, ne répond pas à ces questions. La diminution des crédits pour l'adaptation du secteur représente 35 % ; cela concerne aussi les criées. Enfin, les 3 millions d'euros destinés à l'ajustement de l'effort de pêche semblent bien insuffisants.

Ainsi, face aux défis auxquels la pêche est confrontée, les crédits proposés, je le répète, ne sont pas à la hauteur. Ce budget fait apparaître le peu d'intérêt politique du Gouvernement pour ce secteur d'activité.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas vos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Bernard Piras. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture est confrontée à des enjeux de taille.

Si elle est, sans conteste, performante sur les marchés internationaux, elle doit néanmoins s'adapter en permanence à un environnement international marqué par les négociations au sein de l'OMC et par la réforme de la PAC de juin 2003.

Cette évolution globale s'accompagne d'une crise d'identité au sein d'un monde agricole dont la situation est incontestablement de plus en plus fragile.

L'année 2006 sera cruciale. Elle marquera à la fois la mise en oeuvre des droits à paiement unique et l'entrée en vigueur des règles d'écoconditionnalité pour le versement des aides communautaires.

Outre la nécessaire simplification de la PAC, souvent évoquée, certes, mais pour laquelle il apparaît que de nombreux efforts restent encore à fournir, tant par nos agriculteurs que par les fonctionnaires, je voudrais soulever quelques questions.

Je me ferai, pour commencer, le porte-parole des producteurs de cultures COP qui caractérisent, notamment, mon département, l'Eure-et-Loir. Il est une équation qui vaut pour la majorité des filières agricoles, à savoir, d'une part, la hausse des charges de production - fuel, engrais, produits phytosanitaires - et, d'autre part, la baisse des prix des produits agricoles.

Vous n'êtes pas sans savoir combien les échéances financières de l'automne posent de sérieux problèmes à la profession et qu'un versement anticipé des aides au titre de la PAC aurait permis de soulager la trésorerie des exploitations. Dès lors, la question est simple : comment faire mieux la prochaine fois et comment aller plus vite, monsieur le ministre ?

Je voudrais aborder, dans un deuxième temps, la question des énergies nouvelles, dites renouvelables, dont il n'est plus besoin de vanter les mérites tant en termes de débouchés pour l'agriculture qu'en termes d'avantages environnementaux.

La future loi d'orientation agricole contient, certes, des mesures fiscales incitatives au profit des biocarburants, sans compter les possibilités de recours à l'autoconsommation d'huiles végétales pures comme carburant par les exploitations agricoles.

La France a, par ailleurs, pris des engagements en matière de politique énergétique pour augmenter progressivement l'incorporation de biocarburants. Elle a même prévu d'aller au-delà de ce que prévoit le droit communautaire. Cependant, pour atteindre l'objectif de 5,75 % en 2008, un appel d'offres doit encore être lancé par le Gouvernement.

Pouvez-vous nous en dire plus aujourd'hui, monsieur le ministre ? Sait-on comment va se faire la répartition des volumes entre les filières ? Tous les moyens sont-ils déployés pour satisfaire l'échéancier d'objectifs que nous nous sommes fixé ?

Le troisième point de mon intervention concerne le sort réservé, l'année même de la modulation, au financement des contrats d'agriculture durable, les CAD.

Malgré l'intérêt qu'il présente et l'espoir qu'il suscite, je déplore la trop grande rigidité de cet outil qui demeure trop inadapté aux situations les plus couramment rencontrées par les exploitants et de facto j'appelle de mes voeux la mise au point de nouveaux concepts de contractualisation plus conformes aux réalités et aux attentes du monde rural ; je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes très sensible.

Je voudrais, enfin, évoquer un sujet qui me tient à coeur, celui de l'enseignement technique agricole, dont nombre de mes collègues ont déjà parlé.

Cette filière subit depuis plusieurs années des réductions de crédits qui menacent son activité et conduisent même, depuis l'an passé, à des fermetures de classes, alors que cette voie est - c'est un fait avéré - performante et synonyme d'intégration sociale pour de nombreux jeunes. J'en veux pour preuve l'employabilité importante des jeunes scolarisés, l'excellent taux de remplissage des formations proposées et la dynamique ainsi créée en termes de développement de nos territoires.

Or le ministère de l'éducation nationale n'a pas bien estimé les besoins et n'a pas doté la filière des crédits qui lui sont nécessaires pour assumer efficacement sa mission.

Après un premier rattrapage à l'Assemblée nationale, le Sénat, jeudi dernier, sur proposition de notre commission des finances, a voté un abondement supplémentaire de 5 millions d'euros. Le Gouvernement, à son tour, a présenté en séance un amendement tendant à transférer 10 millions d'euros supplémentaires, dont six millions proviennent du ministère de l'éducation nationale.

Il semble indispensable que le ministère de l'agriculture fasse, lui aussi, un effort substantiel en direction des établissements concernés, à l'instar de ce que vous avez octroyé aux maisons familiales rurales, monsieur le ministre.

Pouvez-vous confirmer devant nous que tel sera bien le cas et que vous abonderez à hauteur de 4 millions d'euros la somme dégagée par votre collègue Gilles de Robien, ce qui nous permettrait d'atteindre la somme globale de 15 millions d'euros ?

Telles sont, monsieur le ministre, quelques-unes des préoccupations dont je voulais vous faire part. Je n'ignore pas que votre tâche est rude et que vous déployez beaucoup d'énergie pour faire entendre la voix de la France sur la scène européenne.

Tenez bon ! Sachons ne pas sacrifier les valeurs et les fondements de notre agriculture sur l'autel de la mondialisation et agissons, au plan national, pour faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de faciliter le quotidien du monde agricole et de ses acteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moines de l'abbaye St-Bertin ont entrepris la mise en valeur du marais audomarois dès le IXe siècle en creusant des canaux. Ce marais a une superficie de 3 700 hectares, dont 500 hectares de cultures légumières sont encore cultivés par cent vingt familles de maraîchers. Un réseau de 560 kilomètres de « wateringues » et de « watergangs », chemins d'eau parcourus par des barques traditionnelles, dessert les parcelles cultivées et les prairies humides.

Le marais est, certes, devenu un lieu touristique, mais il est, avant tout, un lieu de production maraîchère très important de la région Nord-Pas-de-Calais. Le chou-fleur y est récolté deux fois par an et l'on y produit également cinquante autres espèces de légumes, dont les endives. La faune et la flore y sont extrêmement riches et diversifiées.

Or, comme toutes les zones humides comparables à celle-ci, le marais audomarois est menacé de toute part. L'utilisation excessive d'engrais azotés favorise le phénomène d'eutrophisation des canaux. Les berges doivent être entretenues sous peine d'éboulement, phénomène qu'aggrave encore la prolifération inquiétante de rats musqués.

Ce que l'on peut constater en visitant le marais audomarois, c'est que, sans la main de l'homme, ce paysage, façonné par des siècles de labeur, pourrait à terme disparaître, mettant en péril tout un écosystème permettant, notamment, de contribuer à la régularisation du régime des eaux, à leur qualité par l'épuration des fertilisants et des pesticides, à la biodiversité et, enfin, à la réduction de l'effet de serre par séquestration du carbone.

Au plan national, les grandes zones humides agricoles couvrent de l'ordre de 3 millions d'hectares dont un million sont exploités en prairies, des superficies plus petites l'étant pour le maraîchage et la pisciculture d'étang.

L'Union européenne a reconnu l'importance de ces zones et la nouvelle politique agricole commune devrait leur accorder une place plus large. Or leur histoire, en particulier dans notre pays où ces territoires étaient reconnus pour la qualité et la quantité de leurs productions, essentiellement maraîchères, a contribué à en faire des espaces supportant un niveau d'imposition plus important que d'autres zones de culture.

La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a constitué une première avancée dans le sens d'une prise en compte des spécificités de ces espaces.

Comprenant un certain nombre de dispositions relatives à la préservation, à la restauration et à la valorisation des zones humides, cette loi a, notamment, dans son article 137, prévu pour ces zones une exonération totale de taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Quant à l'article 25 octies du projet de loi d'orientation agricole, il met l'accent une nouvelle fois sur l'importance de soutenir le maintien des activités traditionnelles et économiques dans les zones humides « qui contribuent à l'entretien des milieux sensibles, notamment les prairies naturelles et les marais salants ».

Ce nouvel article, s'il contribue à renforcer l'attention prêtée à ces territoires fragiles, n'apporte pas pour autant de moyens nouveaux pour les aider. Or chacun s'accorde à reconnaître que, en raison des conditions d'exploitation particulières, le fait d'exercer des activités dans ces zones humides entraîne un surcoût. A cet égard, l'on peut citer, entre autres, les difficultés d'accès, le morcellement des parcelles, les espèces invasives à réguler, sans compter les phénomènes naturels tels que les inondations.

Pour toutes ces raisons, l'ensemble du réseau des gestionnaires de ces milieux ont proposé, dès 2002, de créer une indemnité stable spéciale zones humides, qui s'inspirerait de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, l'ICHN, qui a été octroyée aux zones de montagne.

D'ailleurs, un premier exemple de ce qu'il conviendrait de faire est déjà expérimenté dans le marais poitevin qui bénéficie, depuis 2003, d'une application spécifique de l'ICHN.

Rejoignant la préoccupation déjà exprimée par plusieurs de mes collègues mobilisés par l'avenir des zones humides, je pense que l'instauration d'une indemnité stable spéciale zones humides devient une nécessité de plus en plus pressante.

En effet, les difficultés économiques rencontrées par les exploitants de ces régions sont bien réelles et nécessitent un traitement immédiat. Il est de notre intérêt collectif de préserver ces espaces naturels dont l'existence présente une utilité sociale et environnementale fondamentale. D'avance, je vous remercie, monsieur le ministre, de l'attention que vous voudrez bien porter à ce dossier. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évidemment m'associer aux propos tenus par mes collègues du groupe socialiste, tout en apportant quelques éléments de réflexion supplémentaires concernant les difficultés que rencontrent un certain nombre de nos agriculteurs dans leur diversité culturelle, sociale et géographique.

Tout d'abord, s'agissant des droits à paiement unique, les agriculteurs sont perplexes. Les documents leur semblent si compliqués qu'ils ont du mal à les comprendre et un certain nombre d'entre eux, je dois le dire, baissent les bras devant une pression réglementaire de plus en plus lourde. Certains sont même paniqués. Il faut dire qu'ils ne sont pas tous nés à l'époque d'Internet et de l'informatique !

C'est la raison pour laquelle ils souhaiteraient que les documents administratifs soient un peu plus lisibles, même s'il convient de noter un certain progrès dans ce domaine par rapport à l'année dernière.

La mise en place de l'écoconditionnalité en est l'illustration. Même si j'approuve l'esprit de ce texte et ses intentions, les agriculteurs ont tout de même gardé un mauvais souvenir de Noël 2004 et du fameux Livre jaune.

Cette année, à partir d'un dépliant qui sera distribué au début de 2006, chaque agriculteur devra se procurer les fiches détaillées par mesure auprès des organisations professionnelles agricoles, avec un registre des traitements phytosanitaires, un registre d'élevage. Je souhaite, surtout dans ce domaine, que soit mis fin à un système de sanction brutal pour entrer dans une démarche plus volontaire, plus motivée et plus pédagogique.

Les services de votre ministère doivent faire un effort important en matière d'explications et d'informations.

M. Dominique Bussereau, ministre. Tout à fait !

M. Paul Raoult. L'obligation pour les agriculteurs d'appliquer le code de l'environnement est certes judicieuse, mais encore faut-il qu'ils soient tous informés des espèces protégées ou des habitats naturels, par exemple.

Entre les contrôles de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, la DDAF, de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt, la DRAF, de la direction départementale des services vétérinaires, la DDSV, ou de l'Office national interprofessionnel des céréales, de l'ONIC, qui vérifie les bonnes conditions globales agricoles et environnementales, les agriculteurs ont parfois le sentiment d'être les souffre-douleur de l'administration.

Je souhaiterais qu'ils disposent d'un délai supérieur à dix jours pour formuler leurs observations après un contrôle. À mon sens, ce serait une mesure judicieuse. Sans faire de la démagogie, ce qui m'importe, c'est l'esprit dans lequel ces contrôles sont opérés.

Si nous ajoutons encore les formulaires à remplir pour les demandes de remboursement partiel de la TIPP, le diagnostic amiante à réaliser avant la fin de l'année ou encore des dispositifs tels que la mise en place des bandes enherbées le long des rivières, nous constatons que toutes ces mesures tendent à créer un climat de découragement qui est préjudiciable aux agriculteurs. Certains jeunes agriculteurs désirant s'installer sont même effrayés à l'idée de devoir remplir toutes ces paperasseries et de subir ces contrôles plus ou moins vexatoires. Dans le parc naturel de ma région, j'ai rencontré, au cours de mes permanences, des agriculteurs vraiment désespérés face à une administration parfois un peu dure.

Les crédits nécessaires à la mise en place du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA sont en volume a priori suffisants, grâce notamment à l'aide des départements, des régions et des agences de l'eau. Au-delà de cette question, je souhaiterais que les éleveurs disposent d'un délai supplémentaire pour finaliser leur dossier. Cet assouplissement permettrait de ne laisser personne de côté. En effet, on enregistre ces dernières semaines une inflation importante du nombre de dossiers. Je ne pense pas que l'administration aura le temps de les examiner tous ; il faut donc accorder un délai supplémentaire.

Par ailleurs, je veux également vous sensibiliser, monsieur le ministre, sur la situation difficile des éleveurs laitiers.

Les producteurs voient le prix du lait baisser, et les compensations par les subventions ne sont pas suffisantes. Les industriels coopératifs ou privés sont alarmés par la concurrence étrangère sur le marché du lait. Or la baisse des crédits que vous proposez dans votre projet de budget est ressentie comme une provocation et fait apparaître un écart entre les discours et les actes.

J'en viens maintenant à une remarque plus générale.

Certes, on a alerté l'opinion publique sur les risques que présente la peste aviaire mais, en même temps, c'est toute la filière volaille que l'on met en jeu. Dans mon département, un maire a interdit que la cantine scolaire serve du poulet ! On ne peut tolérer de tels excès, qui conduisent à remettre en cause cette filière. Face à une campagne médiatique mal maîtrisée, il ne faut pas créer un sentiment de panique. Le principe de précaution est certes souhaitable, mais la situation est vraiment fâcheuse.

En outre, je souhaite également que vous mettiez très rapidement en oeuvre, monsieur le ministre, le plan de développement des biocarburants que vous avez annoncé.

Ce plan soulève de nombreux espoirs chez les agriculteurs ; je pense aux céréaliers, mais surtout aux betteraviers. Vous le savez, le nouveau règlement du Conseil prévoit une baisse du prix du sucre de 39 %. Or, je peux en témoigner dans ma propre région, il n'y a pas que les gros agriculteurs qui produisent des betteraves à sucre. Il faut que la fabrication du bioéthanol apparaisse comme une chance ; cela suppose la mise en oeuvre d'un projet industriel fort et une volonté politique ferme.

Je lancerai enfin une piste de réflexion.

Nous devons apporter un soutien plus actif aux filières plus courtes liées à un terroir ; il faut revenir au maximum au terroir et aux traditions alimentaires et infléchir le modèle global de consommation. Les consommateurs des pays développés sont prêts à payer plus cher les produits lorsque ceux-ci sont de qualité. N'est-il pas temps de demander la création d'un répertoire mondial des produits d'origine ? Il faut protéger la propriété intellectuelle des noms, des dénominations et des pratiques ; le Roquefort et le champagne illustrent la viabilité économique potentielle de cette nouvelle logique de terroir.

En conclusion, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous favorisiez un peu plus encore l'agriculture bio, l'agriculture raisonnée.

Certes, dans le cadre de ce programme, vous avez accordé, cette année, une prime, mais la diminution du nombre de contrats d'agriculture durable va contrarier, à mon avis, cet objectif. L'agriculture raisonnée doit être vécue comme une chance, comme un défi à relever. En la matière, votre politique est encore un peu trop timide.

Les négociations prévues à Hong Kong créent un climat d'incertitude chez les agriculteurs. Je regrette toujours que l'on ait abandonné l'idée de la préférence communautaire. De plus, nous faisons aujourd'hui des propositions sans aucune garantie de contrepartie.

Les Américains continuent d'aider leurs agriculteurs par le biais des marketing loans, des aides alimentaires ou des crédits à l'exportation. Or les discussions sur le Farm Bill ne commenceront qu'en 2007, soit après nos négociations. J'ajoute qu'un dollar faible crée aujourd'hui des écarts dans les taux de change, et donc des distorsions monétaires. Le différentiel de compétitivité est d'origine purement monétaire. Je crains que le jeu de la négociation ne soit biaisé ; on joue en réalité au poker menteur.

Il nous faut manifester une très grande pugnacité pour défendre les intérêts de nos agriculteurs, et nous devons toujours avoir à l'esprit le fait que l'indépendance alimentaire est aussi importante que l'indépendance énergétique ou militaire.

Eu égard à ces enjeux, votre projet de budget ne répond pas à toutes ces attentes, monsieur le ministre. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Pour ma part, je vous féliciterai monsieur le ministre.

Grâce à vous, en effet, nous avons adopté la loi d'orientation agricole, qui est la marque d'une agriculture moderne, qui traduit notre mobilisation pour faire en sorte que l'agriculture soit une chance pour notre pays et un atout pour les femmes et les hommes qui en vivent ainsi que pour la vie rurale, car il n'y aura pas de vie rurale sans agriculture.

Dans ce projet de budget, vous proposez, monsieur le ministre, un certain nombre de mesures qui traduisent cette volonté et qui engagent notre pays dans une agriculture qui répond, me semble-t-il, à plusieurs impératifs : la sécurité sanitaire, nous venons d'en parler ; un meilleur respect de notre environnement grâce aux techniques agri-environnementales ; la création d'emplois par le biais de l'industrie agroalimentaire.

Les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » augmentent de 2 %, soit un peu plus que le budget de l'État. Vous avez repris, monsieur le ministre, un certain nombre de priorités.

M. Bernard Piras. Vous avez mal lu, mon cher collègue !

M. Jacques Blanc. J'insisterai sur l'agriculture de montagne, qui bénéficiera, notamment, l'an prochain, de 37,1 millions d'euros pour la modernisation des bâtiments d'élevage. Il fallait quand même le faire !

M. André Lejeune. Vous vous contentez de peu !

M. Jacques Blanc. Ainsi, nous pourrons non seulement payer les engagements antérieurs à 2006, mais également mettre en place de nouveaux programmes. C'est un signal fort. Et je ne parle pas des mesures visant à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs ou d'autres dispositions encore que vous proposez pour développer l'agriculture. Le volet montagne n'est donc absent de ce projet de budget ; grâce à vous, nous avons pu le consacrer dans la loi d'orientation agricole.

Toutefois, il est vrai que des interrogations demeurent ; nous vous solliciterons, monsieur le ministre, pour augmenter les crédits relatifs à la compensation des handicaps naturels. C'est un dossier financier difficile et il importe que nous soyons tous mobilisés.

Je veux également vous féliciter, monsieur le ministre, parce que vous vous battez pour défendre la PAC.

Mes chers collègues, il s'agit d'un combat difficile. Les Britanniques avaient réussi à nous complexer : en défendant la politique agricole commune, nous passions pour des archaïques ! Eh bien non, au contraire ! Assurer l'avenir de cette agriculture, c'est s'inscrire dans la modernité ! Et que l'on cesse de comparer l'agriculture aux avancées technologiques ou aux transferts de technologie, car l'agriculture présente également des avancées technologiques.

À cet égard, je ferai remarquer que les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmentent de 13 %. Je souhaite que Agropolis, le pôle international de recherche et d'enseignement supérieur agronomique, soit lancé à Montpellier. Nous vous attendons, monsieur le ministre, car la région a beaucoup investi. Regrouper dans un seul pôle l'École nationale supérieure agronomique de Montpellier, l'Institut national de la recherche agronomique ou encore des organismes de recherche constitue un atout. Cela prouve que l'agriculture se positionne par rapport aux avancées réalisées dans la recherche et les technologies.

De même, monsieur le ministre, en matière d'enseignement, vous proposez une augmentation des crédits de 5,8 %. Cela n'était pas arrivé depuis longtemps ! Dont acte !

M. Bernard Piras. C'est du vent !

M. Jacques Blanc. On compare les crédits de la PAC aux crédits de la recherche, mais il faut rappeler que la recherche n'est pas une politique commune. Les crédits publics des États ou de l'Europe sont nettement supérieurs aux crédits que nous consacrons à la PAC. N'ayons donc aucun complexe, au contraire ! Je dirai même : « bravo, monsieur le ministre ! », car vous avez su rappeler au commissaire, lors de la réunion de préparation de la conférence qui se tiendra à Hong Kong, qu'il fallait respecter les engagements qui avaient été approuvés, dans le cadre de la réforme de la PAC, par tous les pays. La PAC est réformée, mes chers collègues ! Nous sommes en train de mettre en oeuvre cette réforme, et l'année 2006 sera le temps fort du découplage et des droits à produire, entre autres. Nous entrons dans une étape décisive. Ce n'est donc pas le moment d'aller casser ce que tout le monde a accepté ; nous verrons bien en 2013 !

Monsieur le ministre, je le sais, vous êtes déjà mobilisé, mais je veux attirer votre attention sur le secteur de la viticulture.

M. Jean-Marc Pastor. Mais non, tout va bien !

M. Jacques Blanc. Ce secteur connaît une crise conjoncturelle. Vous vous êtes mobilisé pour offrir aux agriculteurs des possibilités de distillation ; les AOC ont distillé près de un million d'hectolitres.

M. Jean-Marc Pastor. C'est un drame !

M. Jacques Blanc. Je crois que vous recevrez les viticulteurs jeudi soir. Il importe que nous nous mobilisions tous pour profiter de cette mesure jusqu'au 20 décembre : la distillation est indispensable pour écouler les stocks et espérer voir remonter les cours.

Par ailleurs, ce secteur connaît également une crise structurelle. Certes, les viticulteurs et leurs représentants ne seront jamais tous d'accord parce qu'il existe une grande diversité des produits. Toutefois, il faut que l'on sache clairement si la gestion des marchés se fait au niveau national ou au niveau des bassins de production. Monsieur le ministre, quelle est votre attitude par rapport à la segmentation ? Certes, certains vins AOC sont de grande qualité, mais il y a aussi de bons vins de cépages issus du terroir.

L'accord avec les Etats-Unis prévoit un certain nombre de mesures qui posent problème ; je veux parler de l'utilisation des copeaux de chêne ou encore de la désalcoolisation. Les viticulteurs sont très angoissés, et nous devons là encore répondre à cette attaque.

M. Bernard Piras. C'est vrai !

M. Jacques Blanc. Nous devons nous mobiliser, ...

M. Bernard Piras. Mais pas avec des paroles !

M. Jacques Blanc. ... car il ne s'agit pas seulement de condamner tous les excès. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons vous faire confiance.

Pour ma part, je vous fais confiance et je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Raoult. Paroles, paroles...

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, face à l'ampleur de la crise qui frappe la viticulture dans de nombreuses régions, et plus particulièrement en Languedoc-Roussillon, je veux lancer ici un cri d'alarme, peut-être même le dernier avant qu'il ne soit trop tard.

Je vous l'ai déjà dit, ici même et à de très nombreuses reprises, nombre de viticulteurs ressentent une immense détresse matérielle et morale, comme un sentiment d'abandon, de désespérance, mais aussi de colère.

Dans ma vie d'élu, je n'avais jamais rien perçu de tel.

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

M. Roland Courteau. Encore une fois, je veux souligner que le climat, déjà particulièrement tendu jusqu'à ce jour, est devenu carrément explosif face à une situation qui peut être considérée comme la plus catastrophique depuis 1976, année des événements tragiques de Montredon.

Monsieur le ministre, je crains des actes désespérés - et je le dis avec une profonde gravité. Je vous le déclare comme je le ressens. Il n'y a dans mes propos nulle exagération, nulle volonté d'exposer de façon plus dramatique encore une situation qui ne l'est que trop.

Je vous l'ai dit à plusieurs reprises : des drames humains sont en train de se nouer du fait d'une crise qui, depuis des années, n'en finit pas de se prolonger et de s'aggraver.

Sachez, monsieur le ministre, que les souvenirs tragiques de 1976 hantent toujours nos mémoires en terre d'Aude et en Languedoc-Roussillon. Ce n'est pas Gérard Delfau qui me démentira.

M. Gérard Delfau. Oh non !

M. Roland Courteau. Sachez aussi qu'il y va de la vie ou de la mort d'un grand nombre d'exploitations situées bien souvent sur des territoires fragiles. Il y va, dans notre région, du maintien ou de la disparition de pans entiers de notre économie.

Faut-il encore une fois rappeler que ce secteur d'activité, si souvent dénigré - et encore ces derniers temps - « pèse » au plan national plus de 9 milliards d'euros. Il représente à l'exportation, chaque année, l'équivalent d'une centaine d'Airbus ou de cinq cents rames de TGV. L'ensemble de la filière viti-vinicole, au sens le plus large, emploie quelque 800 000 personnes en équivalents temps plein.

La crise est sévère, monsieur le ministre, et s'il fallait une seule preuve de l'ampleur du désespoir, nous la trouverions dans la demande faite par la profession elle-même de procéder à l'arrachage définitif de plants. C'est un véritable crève-coeur pour des hommes et des femmes qui ont emprunté et investi, qui se sont endettés pour améliorer toujours et sans cesse la qualité.

A quoi donc ces efforts ont-ils abouti ? Leurs revenus ont été amputés de 40 à 50 %. Comment s'étonner dès lors que certains viticulteurs, pour survivre, soient obligés d'emprunter à court terme auprès des banques ?

Je ne m'étendrai pas davantage sur les solutions à mettre en oeuvre pour sortir rapidement mais durablement de la crise, solutions qui sont d'abord des mesures d'extrême urgence, puis des mesures de court terme ou de moyen terme. Je les ai développées en de si nombreuses occasions, dans cette même enceinte, qu'il est inutile d'y revenir.

Vous les connaissez, monsieur le ministre. Vous connaissez les attentes fortes du monde viticole, qui vous a fait part de ses propositions. Vous avez également entre les mains, le rapport du Sénat intitulé L'avenir de la viticulture française : entre tradition et défi du Nouveau Monde, auquel Gérard César, Gérard Delfau, Bernard Piras et moi-même avons travaillé durant des mois.

Bref, je n'insiste pas davantage. Sur ce dossier, nous nous sommes tout dit.

Mais aujourd'hui, compte tenu des jours difficiles que nous nous apprêtons à vivre si rien n'est entrepris, je m'interroge : vous a-t-on donné les moyens de combattre efficacement cette crise ? Sauf votre respect, j'en doute, monsieur le ministre

C'est pourquoi, plusieurs de mes collègues parlementaires du Languedoc-Roussillon et moi-même en appelons solennellement aujourd'hui au Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. M. Auguste Cazalet applaudit également.)

(M. Guy Fischer remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.)