Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Art. additionnels avant le titre Ier (avant l'article 1er A)

Division additionnelle avant le titre Ier (avant l'article 1er A)

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

TITRE...

Favoriser l'égalité des conditions d'emploi

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, chers collègues, cet amendement vise à créer un titre additionnel avant le titre Ier intitulé « Favoriser l'égalité des conditions d'emploi ».

Lors de la première lecture, le groupe communiste républicain et citoyen a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de dénoncer un tel projet de loi. Ses auteurs prétendent pouvoir endiguer les inégalités dont sont victimes les femmes, par le biais des salaires, dans le monde du travail.

Les femmes subissent d'inacceptables discriminations dans le monde du travail et, bien souvent, à travail égal, elles ne touchent pas un salaire égal !

Les discriminations dont les femmes demeurent les premières victimes sont avant tout liées à la précarisation de l'emploi et à l'effritement de la condition salariale.

La généralisation du temps partiel subi, des contrats à durée déterminée, de l'intérim, des emplois aidés sous-qualifiés, orchestrée par votre gouvernement, madame la ministre déléguée, touche de plein fouet les femmes ; je rappelle à cet égard que 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Ces dernières sont considérées comme une variable d'ajustement, et c'est contre cet état de fait que nous devons nous élever aujourd'hui.

Égaliser les salaires doit, bien sûr, être un objectif prioritaire. Cependant, dans la lutte contre les inégalités, il s'agit également de ne pas perdre de vue le fait que, trop souvent, les femmes se trouvent dans des situations professionnelles précaires et qu'elles sont obligées d'accepter des emplois qui ne correspondent pas à ce qu'elles savent faire ou à ce qu'elles veulent faire.

C'est pourquoi, dans ce titre additionnel, nous développerons quelques mesures immédiatement efficaces pour inciter les entreprises à ne plus recourir au travail précaire, voire pour pénaliser celles qui y recourent de façon abusive !

Il est évident qu'en améliorant, pour tous, les conditions d'emploi, nous favoriserons en premier lieu les conditions professionnelles et la qualité de vie des femmes.

Les inégalités de conditions d'emploi dont sont victimes les femmes ne sont pas une fatalité dont nous ne pourrions qu'adoucir partiellement la rigueur en légiférant sur les salaires.

Au contraire, il s'agit de choix politiques clairs de la part d'un gouvernement qui prend le parti de la précarité et qui laisse volontairement les femmes en demeurer les premières victimes !

Nous défendrons donc dans ce titre additionnel, au travers de nos amendements, une orientation contraire à votre politique de l'emploi.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable, car le titre nouveau qu'il est proposé d'introduire par cet amendement comprendrait des dispositions destinées à modifier la législation du travail à temps partiel.

Or, s'il est vrai que le temps partiel est l'une des causes majeures de l'inégalité réelle de rémunération entre les femmes et les hommes, il pose des problèmes qui dépassent ce dossier.

Mme la ministre déléguée nous a confirmé que ces problèmes font actuellement l'objet d'une consultation des partenaires sociaux destinée à déboucher, éventuellement, sur un projet de loi.

Où en sommes-nous sur le projet de loi actuellement en discussion ? L'Assemblée nationale a modifié l'article 3 afin d'ajouter les conditions de travail et d'emploi des salariés à temps partiel à la liste des mesures sur lesquelles doit obligatoirement porter la négociation triennale de branche prévue au troisième alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail.

Il n'est pas souhaitable d'aller, aujourd'hui, au-delà de cette approche, qui s'inscrit dans le processus de négociation sociale relancé par le projet de loi dans le domaine de l'égalité salariale. Il faut laisser les partenaires sociaux négocier, comme l'a rappelé Mme la ministre déléguée. Dans un deuxième temps, nous ferons le bilan des résultats de la négociation.

Ce sera la position de la commission pour l'ensemble des amendements portant sur le temps partiel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. J'ai déjà eu l'occasion de dire que le Gouvernement est, dans le contexte actuel, défavorable à une discussion sur le temps partiel.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Division additionnelle avant le titre Ier (avant l'article 1er A)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Art. additionnels avant le titre Ier (avant l'article 1er A) ou après l'article 6

Articles additionnels avant le titre Ier (avant l'article 1er A)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article L. 212-4-2 du code du travail sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, les représentants du personnel, ou à défaut les salariés après information de l'inspecteur du travail, disposent d'un droit de veto suspensif sur la mise en place d'horaires à temps partiel ».

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Comme je l'ai rappelé dans la discussion générale, les inégalités salariales ne sont qu'un volet des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.

En effet, qu'il s'agisse des écarts de rémunération, de la position occupée dans l'entreprise ou des conditions de travail, les disparités de situation entre les femmes et les hommes sont considérables, et elles n'ont cessé de s'accroître.

Dans les différents rapports, l'écart moyen de salaires entre les hommes et les femmes est estimé à près de 20 %. Ce chiffre vaut « toutes choses égales par ailleurs », c'est-à-dire à temps de travail, à qualifications, à compétences et à expériences équivalents entre les hommes et les femmes - ce qui est loin d'être le cas, et vous le savez tous !

Si l'on prend en compte l'ensemble des emplois occupés par les hommes et l'ensemble de ceux qui sont occupés par les femmes - temps partiel inclus -, les hommes gagnent aujourd'hui dans le secteur privé en moyenne 40 % de plus que les femmes.

Il est regrettable que l'INSEE ne fasse pas ce calcul, car comme 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes, cela rendrait mieux compte de la réalité des écarts de salaires entre les hommes et les femmes.

C'est pourquoi, si l'on veut traiter les injustices dans le monde du travail, il faut prendre sérieusement en compte le problème du temps partiel subi, qui touche de plein fouet les femmes.

Depuis vingt ans, plusieurs législations ont tenté de supprimer les inégalités professionnelles, mais, faute de dispositions véritablement contraignantes, elles n'y sont pas parvenues.

De plus, la question du temps partiel subi a été peu évoquée et elle ne reçoit pas l'attention qu'elle mérite. Pourtant, le problème posé aujourd'hui est aigu.

Égaliser les salaires doit, bien sûr, être un objectif prioritaire. Cependant, dans la lutte contre les inégalités, il s'agit également de ne pas perdre de vue le fait que, trop souvent, les femmes se trouvent dans des situations professionnelles précaires et qu'elles sont obligées d'accepter des emplois qui ne correspondent pas pleinement à ce qu'elles savent faire ou à ce qu'elles veulent faire.

Vous vous êtes engagée, madame la ministre déléguée, à réduire les inégalités salariales. Eh bien, cet amendement apporte une réponse concrète à l'accroissement du temps partiel subi, qui participe largement à l'appauvrissement des femmes et au creusement des inégalités salariales.

Par cet amendement, nous souhaitons attribuer aux représentants du personnel un droit de veto suspensif sur la mise en place d'horaires à temps partiel. Nous entendons ainsi donner plus de pouvoir aux représentants du personnel pour refuser l'imposition des contrats à temps partiel et fournir les moyens nécessaires à une lutte efficace contre les inégalités.

Cela rétablirait les droits des instances représentatives du personnel - quand ces dernières existent, c'est-à-dire dans 15 % des entreprises ! -, qui sont de plus en plus souvent bafoués dans les entreprises françaises, voire tout simplement ignorés.

Malheureusement, les derniers textes législatifs, qui ont conduit, par exemple, à l'extension du mandat des représentants du personnel, ne cessent d'être dénoncés comme une fragilisation dangereuse des institutions représentatives.

C'est pourquoi il nous semble d'autant plus nécessaire de se saisir de ce texte pour avancer sur la question du temps partiel imposé, laquelle est au coeur du sujet dont nous débattons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable, car cet amendement concernant les conditions d'institutions du temps partiel dans l'entreprise tend à rigidifier la gestion des entreprises.

À l'heure actuelle, l'employeur ne peut imposer des horaires de travail à temps partiel qu'en l'absence d'accord collectif.

Le projet de loi prévoit que les négociations triennales de branche sur l'égalité professionnelle devront aborder les conditions de travail des salariés à temps partiel : attendons d'abord le résultat de cette négociation !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur Muzeau, nous sommes parfaitement d'accord sur les objectifs : il faut en effet chercher à réduire les écarts de salaire. En revanche, nous divergeons, pour l'instant, sur les moyens d'y parvenir.

Aujourd'hui, monsieur le sénateur, le temps partiel peut être mis en place directement par l'employeur sans accord collectif, sauf en ce qui concerne le temps partiel modulé, qui nécessite un accord spécifique. Si cet amendement était adopté, les représentants du personnel ou, à défaut, les salariés, pourraient exercer un droit de veto et s'opposer à la mise en place du temps partiel dans l'entreprise.

Cela reviendrait à imposer le recours aux contrats à temps plein dans l'entreprise, ce qui ne me semble pas réaliste d'un point de vue économique. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives, ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen effectué par un salarié équivaut ou dépasse un horaire à temps complet, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat de travail à temps complet, si le salarié intéressé le demande ».

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement concerne, une fois encore, le temps partiel, et en particulier l'usage abusif que les entreprises en font.

J'ai eu l'occasion de rappeler au cours de la défense des amendements précédents et de l'examen de ce texte en première lecture que, dans certains secteurs d'activité, le recours au temps partiel pour des raisons de flexibilité de la main-d'oeuvre est dorénavant devenu la règle.

C'est le cas, par exemple, dans le secteur de la grande distribution, où 40 % des emplois sont aujourd'hui à temps partiel. C'est également le cas dans le secteur de la restauration, des services à la personne, de l'action sociale et de tant d'autres encore !

Ces emplois sont malheureusement dévolus aux femmes pour de mauvaises raisons, notamment cet archaïsme social qui voudrait que les femmes soient, par nature, dociles et appliquées !

Cet amendement vise à corriger l'une des dérives de l'usage du temps partiel par certaines entreprises, à savoir l'emploi de salariés à temps partiel, mais en recourant abusivement aux heures complémentaires !

Ce recours abusif conduit parfois un salarié pourtant embauché à temps partiel à effectuer, sur plusieurs mois, au moins l'équivalent d'un temps plein, voire bien plus parfois !

Nous proposons donc que le salarié ait la possibilité de voir son contrat à temps partiel requalifié en contrat à temps plein lorsque l'horaire moyen effectué pendant une période d'environ trois mois équivaut ou dépasse un horaire à temps complet. Il s'agit tout simplement d'une question de justice !

Dans un contexte de grave crise de l'emploi, de chômage de masse, de réduction massive du montant des allocations et de contraintes toujours plus fortes exercées sur les demandeurs d'emploi, qui sont perçus comme étant « responsables » de leur situation, on ne peut plus parler de choix des femmes de travailler à temps partiel.

Selon les statistiques, une grande majorité d'entre elles déclarent d'ailleurs vouloir travailler plus, et ce afin de gagner plus, pour reprendre une formule bien connue. En effet, 60,3 % d'entre elles répondent ne pas avoir le choix.

Le temps partiel est un mode de gestion patronale qui vise à instaurer toujours plus de flexibilité. Mais cette flexibilité se fait au prix d'une précarité croissante des salariés et d'une instabilité sociale et psychologique liée à l'impossibilité de se projeter dans l'avenir. Le pouvoir politique ne peut occulter cela plus longtemps.

Par cet amendement, nous nous donnons les moyens d'atténuer un peu les effets pervers d'une gestion comptable de la main-d'oeuvre. En faisant sortir quelques salariés du temps partiel, puisque ceux-ci verraient leur contrat requalifié en contrat à temps plein, nous participerions efficacement, concrètement, et non en se contentant de simples déclarations d'intention comme vous le faites, à l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car cet amendement, en fixant les conditions de transformation automatique du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, aborde une question qui devrait faire l'objet d'échanges entre les partenaires sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'amendement n° 29 est partiellement satisfait, monsieur Muzeau. En effet, selon le dernier alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, « Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué. »

Cette disposition permet donc de requalifier implicitement le contrat à temps partiel en contrat à temps complet lorsque l'horaire réellement effectué conduit à dépasser l'horaire à temps complet. Il y a là déjà une protection des droits des salariés à temps partiel.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Madame la ministre déléguée, vous n'avez que partiellement raison, puisque mon amendement n'est que partiellement satisfait. (Sourires.)

Je voudrais simplement vous citer à titre d'illustration un cas qui vient d'être révélé par la presse, celui d'une postière qui a effectué 261 contrats à durée déterminée avant de voir la justice requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée. Bien entendu, il s'agit là d'une autre notion, mais cet exemple montre bien la précarité qui prévaut actuellement et le véritable parcours du combattant qu'un salarié doit effectuer afin de faire reconnaître des droits qui nous paraissaient probablement, à vous comme à moi, légitimes et indiscutables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant le titre Ier (avant l'article 1er A)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Article 1er A

Articles additionnels avant le titre Ier (avant l'article 1er A) ou après l'article 6

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par Mmes Printz,  Demontès,  Schillinger,  Le Texier,  Tasca et  Voynet, MM. Domeizel,  Godefroy,  Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Les deux premières phrases du premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail sont supprimées.

II. Le début de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4-4 est ainsi rédigé :

« Une convention ou un accord de branche étendu peut porter... (le reste sans changement) »

III. Après les mots : « le salarié en a été informé » la fin du 8° de l'article L. 212-4-6 du code du travail est supprimée.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai en une seule intervention les amendements nos 17 et 18, qui sont relatifs au délai de prévenance par accord de branche, d'entreprise ou d'établissement.

Nos amendements visent à supprimer la possibilité de faire varier le délai de prévenance pour modifier la répartition de la durée du travail à temps partiel en deçà de sept jours. Il est en effet possible, sous réserve d'accord collectif, de descendre à un délai de trois jours, ce qui rend la vie des personnes très difficile, notamment sur le plan familial.

Nous rappelons d'ailleurs à nouveau que la loi relative au développement des services à la personne prévoit une absence totale de délai de prévenance si l'employeur estime avoir besoin du salarié en cas d'urgence, ce qui équivaut à une disponibilité permanente et immédiate.

Sur ce point, comme sur d'autres aspects du droit du travail, votre politique, madame la ministre déléguée, peut ressembler à un empilement de mesures disparates, mais il s'agit en fait d'un cheminement très clair vers la précarisation et la suppression des garanties des salariés. En l'espèce, on veut diminuer, par accord de branche, d'entreprise ou d'établissement, et directement par la loi si nécessaire, le délai de prévenance.

Au bout du compte, le délai de prévenance pourrait disparaître, sans bruit et sans aucun dispositif compensatoire.

Nous voulons signifier notre opposition à ce processus. C'est pourquoi nous proposons de revenir aux dispositions de la loi du 19 janvier 2000, qui prévoyait toute une série de mesures relatives au délai de prévenance et aux conditions de recours aux heures complémentaires. Ces mesures étaient conformes à la dignité des salariés et au respect qui leur est dû.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les deux premières phrases du premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail sont supprimées.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je défendrai également de façon commune les amendements nos 27 et 28, qui visent à favoriser par des mesures concrètes la lutte contre les inégalités professionnelles et salariales entre les hommes et les femmes en s'attaquant à la source de ces inégalités, à savoir les contrats à temps partiel imposés aux salariés.

L'amendement n° 27 tend à supprimer la possibilité qu'ont les entreprises de déroger par accord collectif aux règles relatives au délai de prévenance.

L'amendement n° 28 vise à s'opposer à ce que l'on puisse prévoir, par simple accord d'entreprise, plus d'une interruption d'activité par jour lorsque l'on est employé à temps partiel.

Malheureusement, depuis que cette majorité est au pouvoir, la situation des travailleurs à temps partiel s'est aggravée.

En effet, alors que l'organisation du travail à temps partiel avait été encadrée par la loi Aubry II, la loi du 4 mai 2004 a aggravé la situation en ramenant le délai de prévenance de sept à trois jours. Or une grande partie des femmes concernées sont chefs de famille monoparentale et assument seules des charges familiales et des enfants. Ces modifications rapides et intempestives de leur temps de travail sont inconciliables avec une vie familiale et professionnelle, ne serait-ce que pour la garde des enfants, problème auquel une partie du projet de loi prétend d'ailleurs remédier.

Mais le Gouvernement est allé encore plus loin dans la loi relative au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, puisqu'il s'est affranchi du préalable des partenaires sociaux.

Il a en effet décidé de déroger aux règles de droit commun applicables aux salariés à temps partiel, puisqu'un simple accord collectif ou d'entreprise suffit désormais pour déterminer le délai de prévenance.

On observe de plus en plus souvent un émiettement des heures de travail dans la semaine, sans régularité d'un jour sur l'autre, et surtout des revenus qui ne permettent pas d'assurer un niveau de vie décent.

Le temps partiel subi, les CDD, l'intérim, tous ces emplois précaires largement assumés par les femmes ne permettent pas de concilier vie professionnelle et personnelle, bien au contraire ! Ainsi, 56 % des femmes salariées de la grande distribution travaillent à temps partiel, contre 11 % des hommes.

Pour les employeurs, la féminisation du temps partiel est un modèle de flexibilité.

Le contournement des négociations collectives au profit des accords d'entreprise laisse le salarié souvent seul dans un rapport inégalitaire et en sa défaveur.

Les femmes sont ici grandement victimes de cette individualisation des rapports sociaux, qui conduit à de dangereuses déstructurations familiales et sociales.

Je tiens à vous rappeler que ce sont les entreprises qui, depuis cinquante ans, abusent de la position d'infériorité que notre société assigne aux femmes pour disposer d'une main-d'oeuvre malléable, peu revendicative et bon marché.

Ce n'est que par un cadre juridique et réglementaire solide, préservant les salariés de la dérive des entreprises vers la flexibilité à tout prix, que nous pourrons agir efficacement contre le creusement des inégalités entre les hommes et les femmes. C'est pourquoi, par ces deux amendements, nous souhaitons rétablir un encadrement plus strict du temps partiel et, surtout, plus respectueux de la vie des salariés.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mmes Printz,  Demontès,  Schillinger,  Le Texier,  Tasca et  Voynet, MM. Domeizel,  Godefroy,  Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 212-4-4 du code du travail est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots « ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement » et les mots « ou la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement » sont supprimés

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement » sont supprimés.

II. L'article L. 212-4-6 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le sixième alinéa (4°) les mots : « ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement » sont supprimés.

2° Dans le dixième alinéa (8°), les mots : « ou une convention ou accord d'entreprise ou d'établissement » sont supprimés.

L'amendement n° 28, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, les mots : «, ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement » sont supprimés.

Ces deux amendements ont été précédemment soutenus.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les quatre amendements.

Actuellement, le raccourcissement du délai de prévenance de la modification de la répartition de la durée du travail à temps partiel ne peut être autorisé que par convention ou accord collectif de branche, d'entreprise ou d'établissement. Ce dispositif nous paraît à la fois protecteur des intérêts des salariés et favorable à une certaine souplesse de gestion des entreprises.

Les amendements de repli nos 18 et 28 reviendraient sur une disposition de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui a ajouté les accords d'entreprise ou d'établissement à la liste des accords permettant de ramener le délai de prévenance en deçà de sept jours.

La situation économique actuelle exige tout de même que nous ménagions les entreprises !

Mme Gisèle Printz. Surtout les entreprises !

M. Roland Muzeau. Et l'intérêt des femmes, madame le rapporteur ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que celles qu'a avancées la commission au sujet de l'évolution des différents textes, notamment la loi du 4 mai 2004, le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 15, présenté par Mmes Printz,  Demontès,  Schillinger,  Le Texier,  Tasca et  Voynet, MM. Domeizel,  Godefroy,  Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire fixée dans le contrat de travail ou les trente-quatre premières heures effectuées au-delà de la durée mensuelle prévue dans le contrat de travail. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. »

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Actuellement, le Sénat prépare l'examen du projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Dans cette optique, nous auditionnons un certain nombre d'organisations syndicales et d'associations, qui nous disent toutes que la reprise d'un emploi est, pour les personnes concernées, conditionnée par la résolution de difficultés personnelles et bien entendu par une nécessité financière.

Nous sommes tous d'accord sur ce point. L'objet du texte du Gouvernement est d'ailleurs d'améliorer la situation financière des personnes qui retrouvent un emploi afin qu'elles y trouvent un réel intérêt financier. Pour cela, il crée la prime pour l'emploi et la prime forfaitaire mensuelle, qui remplacera le système actuel pour les salariés à mi-temps. Est-ce à dire que, en deçà d'un mi-temps, le salarié ne dispose pas d'un emploi qui lui permette de vivre ? Nous y reviendrons.

Pour le moment, nous proposons, nous aussi, d'aller dans le sens de l'amélioration des ressources du travailleur pauvre.

Le temps partiel imposé, ou subi selon le point de vue où l'on se place, est un véritable fléau pour les femmes au travail. Faut-il le rappeler, 82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes !

De plus, lorsque le temps partiel est imposé, il s'adresse le plus souvent à des femmes peu qualifiées, avec des horaires irréguliers et fragmentés également imposés. On sait aussi que 60 % de ces femmes souhaiteraient travailler plus pour d'impératives raisons financières. Cela se comprend d'autant mieux que la rémunération moyenne du travail à temps partiel est de 600 euros par mois, ce qui est donc en dessous du seuil de pauvreté.

Il est donc nécessaire d'augmenter la rémunération des salariés à temps partiel, ce qui doit d'abord se faire par une augmentation de la rémunération du travail.

Certes, nous savons que, avec cet amendement, nous allons dans le sens opposé au vôtre, madame la ministre déléguée, puisque, en vertu des textes récemment votés, c'est la rémunération des heures supplémentaires des salariés à temps complet qui pourra de plus en plus n'être majorée que de 10 %. À moins qu'un accord d'annualisation ou un forfait en jours ne les fasse tout simplement disparaître. Et que dire du temps partiel annualisé, qui cumule tous les inconvénients ?

Néanmoins, pour les salariés dont le temps de travail est encore calculé sur une base hebdomadaire, nous proposons que les heures complémentaires soient, comme les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de vingt salariés, majorées de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 %, pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. »

L'amendement n° 24, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire d'au moins 25 % ».

La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter ces deux amendements.

M. Roland Muzeau. Nos amendements posent le principe d'une majoration des heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel au taux qui est appliqué aux heures supplémentaires.

Ces amendements s'inscrivent dans notre série de propositions visant toutes à mettre en débat la question du temps partiel, qui structure et caractérise l'emploi des femmes aujourd'hui, question pourtant paradoxalement absente du projet de loi, comme nous n'avons cessé de le dénoncer tout au long de cette discussion et en première lecture.

Aujourd'hui, on assiste malheureusement au développement de la pauvreté dans les catégories sociales auparavant préservées, c'est-à-dire celles des travailleurs. Ainsi, 16 % des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté.

On peut également lire dans la revue Économie et statistique de décembre 2005, publiée par l'INSEE, une enquête intitulée « Pauvreté relative et conditions de vie en France » d'où il ressort que « 36 % des ménages - donc plus d'un ménage sur trois ! - se sentent en difficulté pécuniaire, ayant le sentiment que leur revenu est inférieur au revenu qui leur semble nécessaire pour faire face aux exigences de la vie courante. ».

Par ailleurs, ce sont les familles monoparentales qui sont les ménages les plus directement touchés par la pauvreté, c'est-à-dire les femmes seules avec enfants.

Aujourd'hui, 3,5 millions de femmes sont des salariées pauvres, c'est-à-dire qu'elles vivent avec moins de 610 euros par mois, alors même qu'elles travaillent.

C'est pourquoi notre amendement vise à répondre à deux urgences.

La première urgence est d'abord de rétablir dans notre pays le lien entre emploi et niveau de vie. Il est inacceptable que, dans un pays prétendument riche, une part croissante de la population ne puisse pas vivre des revenus de son travail.

Les femmes travaillant à temps partiel voient souvent leurs heures modulées en fonction des aléas de vente ou de production de leur entreprise. Cela est ainsi devenu la règle dans la grande distribution ou la restauration. La désorganisation de leur vie personnelle et familiale induite par de telles pratiques n'est pas un dû et mérite compensation.

Dans ces conditions, la majoration des heures complémentaires - elle existe déjà s'agissant des heures supplémentaires - permettrait de réduire l'instabilité du statut des femmes salariées, ainsi que la faiblesse de leurs revenus.

J'en viens à présent à ce qui constitue selon nous, sénateurs du groupe CRC, la seconde urgence, à savoir répondre à la politique de fragilisation et d'effritement du salariat orchestrée par le Gouvernement.

Il est en effet urgent de rétablir un statut de l'emploi garantissant stabilité et niveau de vie. Il faut cesser d'inciter les entreprises à considérer les travailleurs comme une simple variable d'ajustement, voire comme une charge.

Si les entreprises utilisent largement le temps partiel et, d'une manière plus générale, les emplois précaires, c'est bien que la législation française crée des situations attractives pour les employeurs qui souhaitent y recourir.

En outre, depuis 2002, chacun des textes proposés par le Gouvernement s'est attaché à libéraliser le marché du travail, ce qui s'est traduit pour les travailleurs par un émiettement de leurs droits, une instabilité professionnelle croissante et l'augmentation du chômage.

Le coût induit par une majoration des heures complémentaires conduirait donc les entreprises à repenser la gestion de leur main-d'oeuvre et pourrait les inciter à envisager la requalification de certains emplois en emplois à temps plein, plutôt que de recourir systématiquement aux heures complémentaires.

Une telle requalification répondrait ainsi à une forte demande des salariés à temps partiel. Nous savons en effet que la très grande majorité d'entre eux - et surtout d'entre elles, puisqu'il s'agit de femmes dans 80 % des cas - travaillent moins qu'ils ne le souhaiteraient.

Du fait de l'interdépendance des questions d'égalité salariale et des normes d'emplois proposés aux femmes, je vous encourage donc à considérer favorablement ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 15, 25 et 24.

En effet, au risque de me répéter, je précise que la modification éventuelle du mode de rémunération des heures complémentaires réalisées dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel doit faire l'objet d'une négociation collective.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je vous rappelle que, lorsque les heures complémentaires dépassent un seuil de 10 %, elles font déjà l'objet d'une majoration de 25 %.

C'est pourquoi une augmentation du taux de majoration ne paraît pas pertinente, au regard de l'alourdissement du coût du travail qu'elle pourrait induire.

En outre, un certain nombre de garanties entourent aujourd'hui le travail à temps partiel. Cela ne justifie donc pas une « surmajoration » des heures complémentaires, qui permettent un retour à l'emploi.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 19, présenté par Mmes Printz,  Demontès,  Schillinger,  Le Texier,  Tasca et  Voynet, MM. Domeizel,  Godefroy,  Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'accord collectif précise également les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires ou les heures choisies visées à l'article L. 212-6-1 sont proposées en priorité aux salariés à temps partiel qui souhaitent effectuer un nombre d'heures supérieur à celui mentionné dans leur contrat de travail, ainsi que les conditions dans lesquelles ces heures sont portées à la connaissance des salariés à temps partiel par l'employeur ».

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à faire en sorte que les salariés à temps partiel se voient proposer en priorité les heures supplémentaires ou les heures choisies par leur employeur.

En première lecture, Mme le rapporteur avait déposé un amendement similaire au nôtre, lui-même d'ailleurs identique à un amendement déposé par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale.

Il y a un véritable problème - nous ne cessons de le dire - avec le temps partiel imposé. Chacun le reconnaît, d'ailleurs. Il n'en est que plus regrettable que Mme le rapporteur ait accepté de retirer son amendement, Mme la ministre déléguée ayant indiqué que des négociations sur le temps partiel allaient bientôt être ouvertes.

Où en sont donc les discussions ? Nous n'avons jusqu'à présent assisté qu'à la négociation de la nouvelle convention UNEDIC, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne facilitera pas la vie des salariés précaires, puisqu'elle allonge la durée de cotisation nécessaire pour l'accès au droit à l'allocation chômage.

Nous ne regrettons donc pas d'avoir maintenu notre amendement et nous le présentons de nouveau, assorti de plusieurs questions.

Où en est la négociation sur le temps partiel, l'amplitude horaire et la formation, que vous nous promettiez voilà seulement six mois, madame la ministre déléguée ? Avez-vous, vous-même ou M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, saisi les partenaires sociaux pour les inviter à négocier ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien sûr ! Je vous l'ai d'ailleurs déjà dit !

Mme Gisèle Printz. Deux précisions valent mieux qu'une, madame la ministre déléguée. (Sourires.)

On a vu le Gouvernement plus vif lorsqu'il s'est agi d'imposer par voie d'ordonnance le « contrat nouvelles embauches » ou les sanctions contre les chômeurs.

De telles innovations en droit du travail auraient pourtant mérité une négociation sociale.

Où en est-on s'agissant du travail à temps partiel, madame la ministre déléguée ? Pouvons-nous, par exemple, nourrir quelque espoir que les partenaires sociaux discutent de propositions voisines de celles que nous défendons pour combattre ce fléau qu'est le temps partiel subi ?

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles les heures supplémentaires ou les heures choisies visées à l'article L. 212-6-1 sont proposées en priorité aux salariés à temps partiel qui souhaitent effectuer un nombre d'heures supérieur à celui mentionné dans leur contrat de travail, ainsi que les conditions dans lesquelles ces heures sont portées à la connaissance des salariés à temps partiel par l'employeur. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Cet amendement tend à faire en sorte que les heures supplémentaires ou les heures choisies soient proposées en priorité aux salariés à temps partiel qui souhaitent augmenter leur temps de travail. La fameuse formule « travailler plus » pourrait en l'occurrence trouver une application.

Une fois encore, notre proposition établit le lien, que le présent projet de loi semble oublier, entre statut précaire - situation largement dévolue aux femmes - et inégalité professionnelle.

Les emplois précaires et le temps partiel subi sont un véritable fléau, qui s'est répandu dans notre société depuis le début des années quatre-vingt. Je rappelle que, à l'époque, seulement 8 % des salariées travaillaient à temps partiel ; elles sont aujourd'hui 17 % dans cette situation !

Ainsi, plus de 1 million d'emplois salariés, emplois que je qualifierai de « normaux », c'est-à-dire en contrat à durée indéterminée et à temps complet, ont disparu ! Dans le même temps, le nombre des emplois « atypiques » ou « anormaux » - je pense notamment à l'intérim, aux stages, aux temps partiels et aux contrats à durée déterminée- a augmenté d'autant !

Le taux de sous-emploi des femmes est de 8,4 %, contre 1,9 % pour les hommes.

Les raisons en sont simples : 93% des personnes sous-employées travaillent dans le tertiaire et, comme vous le savez, les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'action sociale et des services aux particuliers concentrent à eux seuls la moitié des personnes sous-employées.

Une enquête réalisée par l'INSEE en 2001, intitulée « Le travail à temps partiel féminin et ses déterminants », a montré que les femmes concernées étaient davantage victimes du chômage que celles qui étaient employées à temps plein. La précarité se manifeste également par une proportion bien plus forte de contrats à durée déterminée.

L'étude de l'INSEE confirme également que, si les femmes travaillent à temps partiel, c'est en tout premier lieu parce qu'elles n'ont pas trouvé d'emploi à temps plein - pour 38 % d'entre elles - et non, contrairement à une idée trop souvent répandue, afin de concilier travail et vie familiale.

Outre la très grande précarité dans laquelle se retrouvent bon nombre de salariés à temps partiel, le phénomène a pour effet d'opposer les salariés entre eux et d'instaurer des critères sélectifs, tels que le travail du dimanche, les jours fériés et les nocturnes.

Qui nous fera donc croire que le temps partiel est un moyen choisi par les salariées pour concilier travail et vie de famille ? Il s'agit là d'une conception rétrograde de la position des femmes dans notre société !

C'est pourquoi les salariés à temps partiel doivent pouvoir travailler plus s'ils le souhaitent. Or, dans le secteur du grand commerce, par exemple, pour 60 % des salariés, l'augmentation de la durée des contrats n'est actuellement que d'une heure par semaine.

Par conséquent, cet amendement tend à ce que l'entreprise ne puisse permettre à des salariés à temps plein d'effectuer des heures supplémentaires qu'à la seule condition qu'aucun salarié à temps partiel n'ait fait connaître son souhait d'effectuer des heures complémentaires.

Le mode de gestion patronale consistant à instaurer toujours plus de flexibilité, principalement par le recours au temps partiel, a de graves conséquences pour les salariés, en particulier pour les femmes.

Ainsi, dans un souci de lutte efficace contre les inégalités professionnelles, donc salariales, entre les hommes et les femmes, je vous demande d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Esther Sittler, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 19, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

Cet amendement tend à accorder aux salariés à temps partiel une priorité dans l'accès aux heures supplémentaires et aux heures choisies, au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable. Il a le mérite de laisser sa place à la négociation collective.

La commission a souhaité connaître l'avis du Gouvernement sur le contexte global dans lequel l'adoption de cet amendement pourrait s'inscrire.

L'amendement n° 26 est satisfait, car il a le même objet et la même rédaction que le précédent ; il présente toutefois l'inconvénient d'être placé à un endroit du présent projet de loi incompatible avec l'articulation du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le nouveau dispositif des heures choisies est déjà encadré par accord collectif et ne nécessite pas la création ou la mise en oeuvre d'une nouvelle clause obligatoire. Il vaut mieux éviter, chaque fois que cela est possible, d'insérer des dispositions supplémentaires.

Les salariés à temps partiel qui souhaitent travailler davantage peuvent le faire en accord avec leur employeur. Ils peuvent augmenter leur volume d'heures de travail fixé dans le contrat de travail par un avenant.

C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 19 ne nous paraît pas satisfaisant. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur les deux amendements qui viennent d'être présentés.

Je souhaite répondre une nouvelle fois, et avec plaisir, à la demande de Mme Printz, afin de rappeler les différentes réunions qui ont eu lieu et ce qui s'y est déroulé.

Le 17 novembre 2005, M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes et moi-même avons réuni des représentants des salariés des fédérations professionnelles des secteurs de la propreté, du commerce, de la distribution, des services aux personnes et de la sécurité.

Les participants ont bien entendu exprimé leurs avis et propositions. Les conclusions de la réunion conduisaient à privilégier la négociation collective.

Nous avons engagé les différentes fédérations à rencontrer les délégations aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et du Sénat, afin de regarder comment nous pouvions progresser sur le sujet.

Le 5 décembre, nous avons réuni les organisations patronales et syndicales représentatives au niveau national. Au cours de cette table ronde, il a été de nouveau souligné que les dispositions relatives au temps partiel relevaient essentiellement de la négociation collective.

Il est apparu que la diversité des situations rencontrées et des objectifs visés par les professionnels nécessitait de laisser une plus grande place à la négociation, en veillant à généraliser des pratiques exemplaires en matière d'organisation du travail, d'amplitude horaire, de transports, de modes de garde, d'évolution professionnelle ou de formation et en appliquant, bien entendu, les dispositions en vigueur au regard des conventions collectives.

Il a été ensuite annoncé que le sujet serait traité à l'occasion des rencontres de M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement avec les organisations confédérales et patronales.

J'ajoute que deux étapes sont prévues.

Ainsi que j'ai eu l'occasion de vous le préciser, la fédération des entreprises du commerce et de la distribution engagera le 31 janvier une négociation sur l'égalité professionnelle, y compris sur la question du temps partiel. Vous avez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, insisté sur le nombre important de femmes travaillant dans la grande distribution alimentaire. Vous voyez donc qu'il y a là une avancée non négligeable.

Je voudrais également vous rappeler que, le 7 février, nous rencontrerons de nouveau les fédérations professionnelles dans une configuration que nous élargirons aux secteurs de la santé et de l'action sociale. Nous ferons ainsi référence à ce que vous évoquiez, madame Printz, s'agissant des services à la personne et, plus particulièrement, comme nous le savons tous, s'agissant des services aux personnes âgées, là où il est vrai que la notion d'urgence peut parfois se trouver en conflit avec celle de délai de prévenance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE Ier

suppression des écarts de rémunération