compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Candidatures à des ORGANISMES extraPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Yvon Collin pour siéger au sein du comité consultatif des liaisons aériennes d'aménagement du territoire.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature :

- de M. Philippe Dominati pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette ;

- de M. François Gerbaud pour siéger au sein du comité consultatif des liaisons aériennes d'aménagement du territoire ;

- de MM. François Fortassin, Pierre Hérisson et Jean-Pierre Vial pour siéger au sein du conseil national de la montagne.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

Questions orales

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 924 de Mme Christiane Demontès est retirée de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, à la demande de son auteur.

L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Arrêt des cours de français à l'institut français de Vienne

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 900, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Richard Yung. Madame la ministre, ma question est relative à l'Institut français de Vienne.

L'ambassade de France à Vienne a annoncé la fermeture des cours de français à l'Institut français de Vienne à partir de ce mois de février. Cette décision a été annoncée alors qu'aucun projet alternatif n'est évoqué ni préparé. Il ne s'agit donc pas d'un redéploiement des activités de l'institut, mais bel et bien de la fermeture d'une partie importante de ses activités.

Il semble qu'il soit prévu de maintenir une partie des cours en développant des cours spécialisés destinés aux entreprises et aux institutions autrichiennes, mais, à notre connaissance, le plus grand flou règne sur ces projets d'avenir.

La principale explication qui est donnée tiendrait au déficit financier - de l'ordre de 250 000 euros, nous dit-on - qu'engendreraient les cours de français. C'est une surprise ! Cette situation est d'autant plus difficile à comprendre que tous les autres instituts français que je connais à travers le monde se financent au contraire par les cours de français. Pour des raisons que je ne m'explique pas et qui me paraissent mériter une explication, l'Institut français de Vienne serait donc le seul institut français dans le monde qui perde de l'argent en dispensant des cours de français.

La décision de fermeture est malheureusement cohérente avec la politique de désengagement que conduit le ministère depuis des années. En Autriche, les instituts culturels français de Salzbourg et de Graz, pour ne citer que ceux-là, ont été également fermés ces dernières années.

L'annonce de cette décision à quelques jours du début de la présidence autrichienne de l'Union européenne et en cette année où l'Autriche a adhéré à l'Organisation internationale de la francophonie avec le statut de pays observateur est pour le moins paradoxale. Elle a évidemment suscité de nombreuses réactions dans cette ville francophile et francophone qu'est Vienne, et cela au plus haut niveau.

Quelles explications et quelles perspectives peut nous donner le Gouvernement sur cette situation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la situation de l'Institut français de Vienne.

Le ministère des affaires étrangères est amené à adapter et à moderniser son dispositif culturel dans les pays de l'Union européenne, et je tiens à souligner fortement notre volonté de maintenir notre présence à travers des formes d'action et de coopération plus efficaces.

Il ne s'agit, dans ce cas d'espèce, ni, bien sûr, de fermer l'Institut français de Vienne, ni de renoncer à promouvoir la langue française dans un pays qui, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, est membre observateur de la Francophonie. Il s'agit au contraire de moderniser et même de développer notre politique.

L'Institut français de Vienne axera désormais son activité pédagogique autour des priorités suivantes : la promotion de l'apprentissage du français en milieu scolaire et universitaire, en partenariat avec les autorités éducatives et les universités ; le développement des enseignements bilingues en étroite collaboration avec le ministère autrichien de l'éducation ; le soutien aux projets de formation linguistique spécifique en direction des partenaires institutionnels ; la promotion des études en France en partenariat avec l'agence Edufrance et avec les programmes communautaires encourageant la mobilité étudiante ; l'organisation de manifestations liées à la francophonie ; enfin, dans le cadre de la présidence autrichienne de l'Union européenne, la formation au français d'environ 500 fonctionnaires autrichiens.

L'institut pourrait également signer des conventions de partenariat avec certaines écoles de langue locales afin d'apporter son expertise et un accompagnement pédagogique à l'organisation des cours de français général. Il demeure en outre centre d'examen pour les certifications de français.

Par ailleurs, la France et l'Autriche soutiennent l'association autrichienne des professeurs de français à travers le ministère autrichien de l'éducation, de la science et de la culture et l'ambassade de France à Vienne dans l'organisation du premier congrès européen des enseignants de français, qui aura lieu à Vienne en 2006, événement majeur dans le calendrier de la promotion du français.

Enfin, la médiathèque poursuivra sa transformation en un espace moderne avec un centre de ressources sur la France contemporaine et s'ouvrira davantage encore aux nouveaux publics.

Pour fortifier notre influence auprès des élites européennes, nos centres et instituts culturels en Europe doivent aujourd'hui renforcer leur offre de français de spécialité à l'attention de publics ciblés, aider à la promotion des établissements français d'enseignement supérieur afin d'attirer plus d'étudiants européens dans nos universités et écoles, valoriser le débat d'idées et les idées françaises, enfin, promouvoir les industries culturelles françaises et la création contemporaine, en partenariat avec les institutions locales et dans le cadre de partenariats public-privé.

L'Institut français de Vienne aura à coeur de remplir ces missions nouvelles.

Pour répondre plus spécifiquement à votre inquiétude sur les cours de langue, seule est envisagée la suppression des cours de français général, qui ne présentent pas de valeur ajoutée avérée par rapport à l'offre pédagogique des institutions autrichiennes, qu'elles soient publiques, telles les universités populaires, ou privées, et qui sont effectivement aujourd'hui largement déficitaires.

Quant aux cours de français « sur objectifs spécifiques », c'est-à-dire destinés à des publics particuliers, qu'il s'agisse des hauts fonctionnaires, des professeurs de français, des étudiants en mobilité ou des entreprises, ils sont bel et bien maintenus et, si possible, développés.

Il s'agit donc, monsieur le sénateur, non pas d'un repli de notre action, mais de nouvelles perspectives répondant, tout simplement, à la demande locale.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je remercie Mme la ministre d'avoir bien voulu indiquer les activités envisagées pour l'Institut français de Vienne, mais la question qui se pose est de savoir comment elles seront financées autrement que par dotation, puisque ce sont normalement les cours de français classiques qui permettent de financer nos instituts.

L'Institut français de Vienne paraît très pauvre puisqu'il a indiqué ne pas disposer de 1 000 euros nécessaires pour organiser la Journée de la francophonie !

Il y a donc un vrai problème. Je ne suis pas partisan du financement des instituts par l'enseignement de la langue française ; ce devrait être le rôle de l'Alliance française. Il serait normal, comme c'est le seul moyen de financement, de maintenir l'enseignement du français.

Dernière observation, les personnels concernés ont déjà reçu leur lettre de licenciement. C'est regrettable pour eux et pour l'outil pédagogique.

Avenir de la gare-bois de Château-Chinon

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 918, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, ma question n'entrera certes pas dans l'anthologie des grands discours républicains, mais elle a son petit intérêt régional !

M. le président. Si elle intéresse Château-Chinon, elle nous intéresse tous !

M. René-Pierre Signé. Il est vrai que Château-Chinon a eu son heure de gloire...

Je tiens à appeler l'attention du Gouvernement sur la décision de la SNCF de reprendre la gestion du trafic fret bois du Morvan jusque-là sous-traité à CFTA.

Madame la ministre, les inquiétudes récurrentes que suscite le devenir de la gare-bois de Château-Chinon ne seront pas apaisées par la gestion directe de la SNCF.

D'une part, la gestion directe du site permet à la SNCF, sans avoir à supporter les contraintes d'une sous-traitance, de le fermer à tout moment et sans préavis.

D'autre part, la SNCF souhaite « assurer la pérennité de l'exploitation à des conditions économiques acceptables, en particulier pour le fret soumis à la concurrence intramurale ».

Or se pose le problème des coûts d'embarquement, variables suivant les gares du Morvan. La pénalisation de Château-Chinon par le coût élevé de l'embarquement privilégie, ipso facto, les offres à moindre prix des autres gares et du transport routier.

Ce problème, au-delà des promesses sur la pérennité du site, n'est pas traité. Or, justement, la pérennité du site en dépend. Un coût moyen uniforme dans toutes les gares morvandelles, pourtant demandé, n'est jamais évoqué. On sait pourtant que cette gare est la seule à être au coeur du massif forestier.

Je demande donc à Mme la ministre de nous apporter des assurances sur le maintien du trafic fret sur le site de Château-Chinon.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer vous prie de l'excuser de ne pouvoir vous répondre lui-même, étant actuellement en déplacement aux États-Unis.

Il est exact que le développement du trafic fret attendu dans le Morvan est aujourd'hui affaibli par des contraintes techniques et une faible compétitivité du fret ferroviaire par rapport au transport routier.

Il s'agit de trafics de produits bruts, à faible valeur comme le bois, les granulats ou les céréales, ce qui limite le coût de transport tolérable par le marché.

Toutefois, un développement du trafic de céréales est envisageable dans cette zone, au travers d'une nouvelle organisation logistique. Le transport de granulats pourrait y être également développé, à destination des chantiers routiers et ferroviaires et des centrales de matériaux localisées dans les agglomérations. Quant au transport de bois, Fret SNCF assure son acheminement à la mesure de l'augmentation du potentiel forestier et dès lors que les trafics permettent un équilibre économique.

Pour le total de ces marchés, la croissance du trafic pourrait se situer autour de 20 % entre 2005 et 2007. Mais, pour cela, la compétitivité du transport ferroviaire doit être sensiblement accrue.

La direction de la SNCF opère actuellement un examen des possibilités de réduction de coûts et de la pertinence du renouvellement de la convention qui la lie à CFTA Cargo. Elle a mené en ce sens une étude de l'organisation de son service sur la base des besoins quantitatifs et qualitatifs des clients sur tout le périmètre du Morvan.

L'étude aboutit à un schéma de dessertes plus simple, acheminant les convois, depuis le point de concentration des wagons jusqu'aux clients, sans rupture de charge. Un accroissement significatif de la compétitivité du fret est attendu, du fait d'une diminution des coûts de desserte d'au moins 20 %. Dans ce cadre, il n'est pas prévu, à ce jour, de fermeture de points de desserte, et, en particulier, de la gare de Château-Chinon.

Toutefois, la coexistence de la SNCF et de ses sous-traitants dans une même zone est source de ruptures de charge et d'une organisation qui semble pouvoir être optimisée. La SNCF, qui souhaite donc retenir un seul exploitant mi-2006 afin de simplifier et améliorer l'efficacité du service, recherchera en particulier au sein de son groupe les meilleures compétences disponibles.

Enfin, je voudrais vous indiquer que Dominique Perben a confié une mission à un expert ferroviaire, M. Chauvineau, pour proposer des partenariats innovants avec les collectivités et les partenaires économiques afin de développer les dessertes fret locales. Ce type de partenariat pourrait utilement compléter les mesures prises par la SNCF pour le développement du fret dans la région du Morvan.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je regrette que M. Perben, élu voisin du Morvan, qui connaît le positionnement de Château-Chinon, ne puisse me répondre en personne.

Madame la ministre, vous avez répondu sur les possibilités de diversification et sur les partenariats auxquels les collectivités pourraient participer.

Les choses sont simples. L'accès à la gare de Château-Chinon se fait par une rampe qui ne permet pas aux trains de comprendre autant de wagons que pour des gares de plaine. Donc, on pénalise cette gare en majorant le coût de l'embarquement.

La SNCF nous ayant encouragés à rénover la gare de Château-Chinon, nous avons consacré à l'époque 4 millions de francs pour cette opération. Une fois les travaux faits, on a dit qu'elle n'était pas performante.

C'est choquant, car la raison évoquée a toujours existé, la gare de Château-Chinon n'ayant pas changé d'endroit.

Nous avions pensé, et cela avait été admis à l'époque, procéder à un jumelage avec une gare située au pied de la colline pour faire en sorte que tous les trains puissent avoir le même nombre de wagons et être aussi longs même si moins de wagons pouvaient accéder à Château-Chinon.

Cela n'a pas été fait. Le coût d'embarquement a été majoré, la gare paraît désertée.

Même s'il y a diversification, le problème restera, sauf à engager un partenariat avec la collectivité locale.

Je voulais savoir si le fait que la SNCF reprenne la gestion de cette gare changera la politique qui a été menée par CFTA. Sur ce point, vous ne m'avez pas répondu, ce qui me fait penser que rien ne sera changé.

Désamiantage et démantèlement du clemenceau

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 916, adressée à Mme la ministre de la défense.

Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, je souhaite interroger le Gouvernement au sujet du chantier de désamiantage et de démantèlement de l'ex-Clemenceau.

Compte tenu des divers et trop nombreux aléas juridiques que rencontre ce chantier, je ne peux, en premier lieu, que vous interroger. Combien faudra-t-il de missions, de rapports parlementaires, de drames humains chaque jour révélés par les médias, pour que le Gouvernement prenne la pleine dimension de la catastrophe de l'amiante et de ses conséquences ?

Il nous apparaît tout à fait incompréhensible que le ministère de la défense dont vous avez la charge, condamné plus de 500 fois pour fautes inexcusables vis-à-vis de salariés ayant été exposés sur les chantiers de la défense par les juridictions des affaires de sécurité sociale, n'en tire pas tous les enseignements.

Malheureusement à ce jour, vous n'avez pu apporter aucune des garanties essentielles et nécessaires au désamiantage du Clemenceau.

Nous constatons qu'aucun diagnostic amiante n'a été effectué dans les règles d'indépendance indispensables à ce genre de chantier. Au final, nous ne savons pas quelles quantités d'amiante et de matières dangereuses restent à bord du Clemenceau.

Certains experts annoncent des quantités très importantes, de 500 à 1 000 tonnes. Quand bien même le chiffre de 45 tonnes que vous avancez serait exact, cette quantité représente tout de même un risque majeur pour les ouvriers indiens.

Alors que le Clemenceau continue sa route sur les mers, nous constatons qu'aucun plan de retrait amiante, tel que notre législation le prévoit et l'impose, n'a été établi, qu'aucun suivi médical n'a été envisagé pour les travailleurs indiens exposés et ce, dans un pays où aucune législation, l'amiante n'y étant pas interdite, ne les protège des risques encourus lors du désamiantage.

Vous affirmez pourtant, madame la ministre, que ce chantier s'effectuera dans le respect de la réglementation française. Comment, en effet, pourrions-nous croire sérieusement un instant que les ouvriers de la baie d'Alang, recrutés à plus de 1 000 kilomètres de là, payés à la journée et qui acceptent ces travaux dangereux pour tenter d'échapper à la misère la plus totale, bénéficient de protection et de suivis médicaux équivalents aux travailleurs français ?

Nous savons tous que le chantier indien de recyclage des navires est totalement informel, qu'il ne tient sa relative rentabilité que par des salaires extrêmement bas et des conditions de sécurité minimales et non contrôlées même si, comme vous le dites, quelques améliorations ont vu le jour dans la dernière période à la suite des interventions des syndicats indiens et de la Cour suprême indienne.

Ce constat n'est, du reste, pas une offense exclusive à l'État indien, et je reprends l'avant-propos, puisque la société SDI chargée des travaux en Inde, n'est autre que la filiale du géant de l'acier allemand Thyssen Group.

Madame la ministre, l'affaire du Clemenceau en annonce beaucoup d'autres. Pendant des dizaines d'années, la construction navale a utilisé des milliers de tonnes d'amiante. Toute la flotte doit être à l'image du Clemenceau.

Nous connaissons aujourd'hui, après avoir tant tardé à interdire l'utilisation de l'amiante, le prix à payer en maladies et en vies humaines : 3 000 morts par an, 100 000 annoncés jusqu'aux années 2025.

C'est la raison pour laquelle les associations de défense des victimes, de sauvegarde de l'environnement vous alertent avec autant d'insistance. Elles sont animées, je pense là aux veuves de Dunkerque, par le « plus jamais cela » et se sentent solidaires des travailleurs indiens.

Ne serait-il pas plus judicieux, madame la ministre, pour affronter cette situation lourde et difficile, de s'orienter, comme elles le proposent, vers un projet industriel, innovant, français ou européen pour le traitement et le recyclage de l'ensemble des navires marchands ou nationaux, mais aussi également des voitures motrices ou citernes de la SNCF et de la RATP ?

Ne sommes-nous pas, dans notre pays et en Europe, en mesure de réunir toutes les conditions pour créer une véritable filière industrielle susceptible de répondre aux exigences de sécurité des travailleurs et de l'environnement ?

Nous disposons, même s'il convient de les améliorer encore, de l'expertise, des compétences, des dispositifs de prévention et des mesures de contrôle médical et technique qui permettraient de répondre aux problèmes posés par les très nombreux chantiers de désamiantage à venir.

Alors que la Commission européenne rappelle, par son commissaire à l'environnement, que nous sommes tenus par la directive européenne sur le transport des matières dangereuses intégrant la convention de Bâle, qui précise qu'il ne pourrait y avoir de dérogation militaire, alors que la France est passible de sanctions pour violation des lois communautaires, comment l'État français peut-il s'obstiner dans cette voie catastrophique ?

Avant que la Cour suprême indienne ne rende sa réponse, le 13 février prochaine, sur l'accueil du Clemenceau dans la baie d'Alang, pourquoi, madame la ministre, ne prenez-vous pas la décision de rapatrier le Clemenceau ?

Enfin, je vous demande solennellement de bien vouloir nous éclairer sur les dispositions concrètes que le Gouvernement envisage de prendre pour assurer la pleine sécurité de désamiantage et du démantèlement du Clemenceau dans le respect intégral des règles européennes et internationales de protection des ouvriers et de l'environnement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Je voudrais d'abord remercier Mme Demessine de me poser cette question qui me permettra de répondre sur un sujet où, derrière les positions, se cache plus d'intérêt personnel que d'honnêteté intellectuelle. Je me ferai donc un plaisir, madame Demessine, de répondre point par point aux questions que vous avez soulevées.

Tout d'abord, il reste à bord du Clemenceau 46 tonnes d'amiante, soit moins de 0,2 % de la masse totale, ce qui correspond à des parties du navire qui ne peuvent être touchées sans mettre en cause sa navigabilité. L'estimation initiale était de 220 tonnes, mais l'analyse a permis de déduire que les 59 tonnes de matériaux contenues dans la cheminée étaient en fait du verre filé, et non pas de l'amiante.

Du chantier de désamiantage à Toulon sont parties 115 tonnes, selon les propres estimations de la société Technopure.

Il n'y a pas d'amiante dans les dalles de sol et les ciments des planchers. Ce fait est prouvé par une analyse d'expert, madame Demessine.

Certains cadres du chantier indien ont été formés en France. Environ trente ouvriers seront employés pour le désamiantage. Ils seront formés par les cadres indiens, eux-mêmes formés en France, et aidés par les ingénieurs des sociétés françaises qui ont réalisé le chantier de Toulon. C'est la première fois qu'est mis en place un tel suivi de la société qui est intervenue sur le désamiantage préalable.

La sécurité du démantèlement du Clemenceau sera pleinement assurée parce que le chantier indien a été choisi pour sa qualité, je rappelle qu'il est en norme iso, et pour sa capacité à mettre en oeuvre les techniques de désamiantage avec l'aide des sociétés françaises.

Les normes techniques de désamiantage françaises seront appliquées là-bas. Le matériel de protection individuel et collectif des salariés sera envoyé de France. Ce sera donc le même matériel que celui qui est utilisé chez nous.

Bien sûr, un plan de retrait amiante sera établi après l'arrivée du navire.

En outre, il est faux de dire qu'il n'y aura pas de suivi médical des salariés indiens. Un suivi médical des opérateurs sera mis en place. Il prévoit un examen médical initial - radio pulmonaire, biométrie - pour chacun des cadres et ouvriers travaillant en zone amiante. Un examen à la fin du chantier sera pratiqué une année après. De même, est prévue la traçabilité des durées d'exposition des travailleurs.

Le cahier des charges cité correspond à un contrat passé avec la société espagnole GDRS.

Vous vous souvenez sans doute que ce contrat avait été rompu après que nous nous fumes aperçus que la société envoyait la coque vers la Turquie et non vers l'Espagne, comme cela était prévu initialement

S'agissant du caractère proprement technique de cette opération, il est inexact de dire que le désamiantage du Clemenceau en Inde ne correspond à aucune nécessité. En effet, il n'existe aujourd'hui en Europe aucun chantier capable d'effectuer ce travail ; d'ailleurs, vous le reconnaissez vous-même, madame la sénatrice.

Quant au respect des réglementations française et internationale, le Clemenceau ne saurait être considéré comme un déchet. En tant que navire de guerre, il peut parfaitement être exporté et je vous signale, au passage, qu'il a navigué pendant des années, comme bien d'autres navires. Ce point a été confirmé par la justice, madame Demessine, et reconnu par les autorités égyptiennes qui avaient soulevé le problème à un certain moment.

Le projet Clemenceau respecte donc les instructions de principe de l'Organisation maritime internationale et de l'Organisation internationale du travail qui ont été fixées pour le démantèlement du navire, à savoir, d'une part, l'engagement des États propriétaires et, d'autre part, le respect de la sécurité des travailleurs.

Enfin, je tiens à vous préciser qu'un expert indépendant contrôlera, sur le chantier, le respect des normes européennes spécifiées dans le contrat et qu'il en rendra compte à l'État français, qui demeure, je le rappelle, propriétaire du navire jusqu'à la fin du désamiantage.

Il est vrai, madame Demessine, que beaucoup de navires militaires et surtout civils doivent aujourd'hui être démantelés dans le monde. Je tiens à faire remarquer que l'État français a fait dans ce domaine bien plus que n'importe quel autre détenteur de navires militaires ou civils

C'est la raison pour laquelle il me semble que nous devons faire très attention à l'aspect méprisant de certains propos qui pourraient être émis à l'encontre d'un grand pays qui se situe, en outre, à la pointe du modernisme dans un certain nombre de secteurs, je veux parler de l'Inde, pays qui se montre aujourd'hui soucieux de créer une filière moderne pour répondre à un problème qui concerne non pas simplement la France ou l'Europe, mais le monde entier.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je voudrais remercier Mme la ministre de sa réponse complète et détaillée.

Cela étant dit, je ne vois pas à quel intérêt personnel elle fait référence.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je vous le dirai en privé !

Mme Michelle Demessine. J'ai bien noté toutes les précisions qui ont été apportées par Mme la ministre, même si j'ai quelques doutes.

Quoi qu'il en soit, je continuerai à suivre avec beaucoup d'attention ce problème. S'il était si aisé de garantir la sécurité nécessaire à une telle distance et avec des interlocuteurs au contact desquels nous ne serons pas en permanence, je croirais bien volontiers Mme la ministre.

Un rapport du Sénat a montré que plus des trois quarts des entreprises de désamiantage situées en France ne respectaient pas la réglementation. Le ministère du travail est obligé d'intervenir très sérieusement afin de faire respecter les conditions de sécurité sur ces chantiers dans notre pays.

Par conséquent, nous allons faire tout notre possible pour qu'il soit remédié à cette situation.

Je veux bien croire à votre optimisme, madame la ministre, mais je ne le partage pas entièrement.

Fracture numérique dans le Gers

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 876, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, vous savez combien il est indispensable de réduire la fracture numérique qui coupe les zones rurales des flux économiques, je pense en particulier aux zones de revitalisation rurale, les ZRR, auxquelles appartient le Gers.

Ces territoires ruraux doivent bénéficier des avancées technologiques les plus poussées s'ils veulent développer leur attractivité, offrir de meilleures solutions pour permettre d'accueillir de nouvelles entreprises. Afin de compenser l'absence d'infrastructures majeures, ils doivent pouvoir utiliser au mieux tous les services de la société de l'information.

Dans cette optique, l'accès de tous au haut débit permet de tendre vers l'égalité des chances pour toutes les entreprises et, en particulier, pour les plus fragiles d'entre elles, les PME, dont les marchés sont très souvent extérieurs à leur territoire d'implantation.

Aujourd'hui, cette fracture numérique s'accroît, favorisant les délocalisations vers les zones urbaines qui disposent du très haut débit.

Dans mon département, le Gers, qui, bien que le plus rural de France et éloigné des grands axes, possède néanmoins un vrai potentiel - accueil, savoir-faire, enseignement d'IUT de qualité, excellente main-d'oeuvre - le réseau haut débit existant est encore très insuffisant.

Me référant aux conclusions d'une étude réalisée en Grande-Bretagne, je serais curieux de savoir, monsieur le ministre, combien de projets économiques et industriels dans les territoires ruraux ont avorté en raison d'équipements insuffisants, privant ainsi des zones fragiles d'emplois et d'activités.

Sous l'impulsion de M. le Président de la République, le Gouvernement s'est engagé, à travers le plan RESO 2007 et, dès décembre 2002, par le biais de volets numériques, dans les différents comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire, les CIADT.

Simultanément, des mesures fiscales ont été prises, telles que la détaxation des antennes ou la possibilité pour les entreprises d'amortir leur équipement satellitaire dès la première année de leur acquisition.

En janvier 2004, France Télécom a lancé l'initiative « Départements innovants » et a proposé au Gers un programme visant à quadrupler le nombre de centraux ouverts entre fin 2004 et fin 2005. C'est certes mieux, même si cela reste encore insuffisant et trop tardif. En effet, de nombreuses communes de ce département seront toujours en zone blanche en 2007.

Par ailleurs, si, depuis mai 2004, les collectivités territoriales peuvent intervenir en matière d'équipement Internet, les réalisations tardent, faute de moyens. Il est donc essentiel de mettre en place une politique volontariste pour raccorder au haut débit les zones les plus fragiles.

Quelles mesures applicables au Gers comptez-vous prendre au plan national, monsieur le ministre, afin de combler cette fracture numérique, qui rompt avec le principe d'égalité territoriale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité attirer mon attention sur le raccordement au haut débit du département du Gers, ainsi que sur la politique que conduit le Gouvernement dans ce domaine.

Mon objectif, conformément aux directives affichées dans le plan RESO 2007 et lors du CIADT, est que toutes les communes de notre pays qui se situent encore aujourd'hui en zone blanche puissent bénéficier de ce raccordement au haut débit.

Nous avons déjà obtenu des résultats non négligeables, puisque la France a accédé, en moins de quelques mois, au premier rang des pays européens en termes d'accès au haut débit.

C'est ainsi que 95 % des Français dans près de 33 000 communes y ont aujourd'hui accès, grâce à I'ADSL ; ils devraient être environ 98 % à la fin de 2006, grâce, notamment, vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, à l'engagement pris par l'opérateur historique d'équiper l'intégralité de ses répartiteurs.

Le Gers est particulièrement concerné. À la fin 2004, seuls 47 % des foyers de ce département étaient éligibles à l'ADSL.

Sous l'impulsion du Gouvernement et des opérateurs, de gros efforts ont été accomplis et, un an plus tard, plus de 80 % des foyers étaient éligibles. Nous allons poursuivre cet effort pour que, à la fin de 2006, environ 95 % des habitants du Gers soient couverts, ce qui correspond à peu près à la moyenne nationale.

Toutefois, il reste que plus de 5 % des communes seront encore inaccessibles à l'ADSL pour des raisons techniques. Cela dit, si nous nous en tenions simplement aux solutions traditionnelles, ces communes resteraient sans couverture de façon durable.

Il convient d'ailleurs de souligner que cette situation est commune à la plupart des départements ruraux, ce dont on ne saurait se satisfaire.

C'est la raison pour laquelle je me suis fixé un objectif de 100 % de couverture du territoire d'ici à 2007, y compris dans les communes les plus petites, les plus isolées, qui devront ainsi pouvoir bénéficier d'un raccordement au moins à la mairie et à un autre point - école, commerce, etc. - en tout cas à un endroit qui soit accessible au public. Il s'agit là, je le sais, d'une réelle attente des habitants des zones rurales qui, dès lors qu'ils bénéficient de cette couverture, sont aussi nombreux à s'équiper que les habitants des grandes agglomérations.

S'agissant des outils que nous mettons en place pour parvenir à cet objectif, grâce au nouvel article L. 1425- 1 du code général des collectivités territoriales, ces dernières pourront désormais s'impliquer pleinement dans l'aménagement numérique de leur territoire.

Pour notre part, nous nous engageons à leurs côtés pour le développement du haut débit, avec le soutien des fonds européens. Ce sont ainsi près de 130 millions d'euros provenant du FEDER, le fonds européen de développement régional, qui ont été alloués aux projets d'infrastructures de réseaux haut débit.

L'objectif du Gouvernement de réserver 100 millions d'euros dans le cadre du fonds de soutien au déploiement du haut débit a d'ores et déjà été dépassé.

En complément, l'État a inscrit, au titre de l'aménagement du territoire, plus de 65 millions d'euros sur la période 2000- 2006, et ce afin d'accompagner des projets haut débit, dont une grande partie dans le cadre des contrats de plan.

De plus, nous soutenons le développement des technologies alternatives à l'ADSL, telles que la boucle locale radio Wimax, le WiFi, le courant porteur en ligne ou le satellite, par exemple.

L'expérience nous enseigne que ces technologies peuvent apporter des réponses adaptées, notamment dans des zones peu denses ou isolées.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a lancé, en juillet dernier, un appel à candidatures pour l'attribution de nouvelles fréquences Wimax, dont le critère de sélection disposant de la plus grande pondération réside dans la contribution au développement territorial des services haut débit.

Cette démarche rencontre un réel succès, puisque 175 acteurs - collectivités et opérateurs - ont pour l'instant déposé une lettre d'intention auprès de l'Autorité de régulation des communications et des postes, I'ARCEP, qui devrait attribuer les autorisations d'ici à juillet 2006.

L'effort porte aussi sur les offres aux entreprises, dont le fonctionnement, quelle que soit la taille de celles-ci - grands groupes, mais aussi petits et moyens groupes et très petites entreprises - nécessite de plus en plus l'utilisation de haut débit, voire de très haut débit.

C'est ainsi que j'ai annoncé, le 20 octobre dernier, la disponibilité pour toutes les entreprises de France, sans exception, d'offres d'accès Internet haut débit à 2 mégabits symétrique, adaptées aux besoins de la plupart des professionnels et proposées aux mêmes conditions sur tout le territoire.

En d'autres termes, depuis le 1er décembre dernier, grâce à l'accord que nous avons passé avec France Télécom, n'importe quelle commune du Gers, qu'elle se situe ou non en zone blanche, peut avoir accès à l'ADSL, même s'il convient de rappeler que l'ADSL distribue plusieurs qualités de haut débit, et que plus une zone est éloignée des lieux de répartition et de raccordement, moins l'ADSL est de bonne qualité.

Dès lors, s'agissant d'entreprises dont l'activité économique nécessite l'accès au haut débit de grande qualité, d'autres réponses étaient nécessaires.

C'est ainsi que, voilà quelques mois, en compagnie de M. Didier Lombard, président de France Télécom, je suis allé présenter dans la zone d'activité de Brive-la-Gaillarde le lancement de l'équipement  100 mégabits d'ici à la fin 2006 pour 3 000 zones d'activités en France, zones rurales pour beaucoup d'entre elles, alors que, à l'heure actuelle, seules les grandes technopoles et les grandes zones d'activité bénéficient de cette technologie.

Par ailleurs, hors zones d'activités, en tout point du territoire, n'importe quelle entreprise - y compris dans le Gers - peut, depuis le 1er décembre dernier, prétendre à l'arrivée du haut débit 2 mégabits symétrique.

Parmi les zones d'activités auxquelles je viens de faire référence, la zone d'activité d'Auch bénéficie du très haut débit depuis juillet 2005 dans le cadre du plan 100 mégabits.

Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que je resterai pleinement mobilisé sur l'objectif que nous nous sommes fixé, consistant à faire de la France un pays « tout numérique » d'ici à 2007, en particulier pour ce qui concerne le haut débit, car cela ne sera pas sans conséquence, j'en conviens.

Je sais, monsieur de Montesquiou, à quel point vous êtes attaché, tout comme je le suis moi-même, à l'ensemble des technologies numériques en faveur de territoires aussi ruraux que le vôtre

Je profite donc de cette occasion pour vous dire que le haut débit n'est qu'une réponse parmi d'autres. Il ne faut pas oublier la téléphonie mobile première et deuxième générations, l'objectif pour 2007 étant également de permettre à tout le monde d'accéder à ce moyen de communication

Cependant, il faut bien constater que les première et deuxième générations de téléphonie mobile concernent le plan des 3 000 communes en zone blanche. Or, le rythme d'accroissement atteignant actuellement quatre-vingts équipements nouveaux par mois, je vous confirme que les 3 000 communes situées en zone blanche seront couvertes d'ici à la fin de 2007.

Voilà quelques semaines, lors de l'inauguration d'un pylône de téléphonie mobile sur le plateau du Larzac, une dame, trouvant la téléphonie mobile formidable, m'a demandé si elle pouvait regarder la télévision sur son portable ! Je lui ai répondu que ce n'était pas possible et qu'il fallait distinguer les première et deuxième générations de téléphonie mobile, d'une part, et les troisième et quatrième générations, c'est-à-dire l'UMTS, d'autre part.

À l'évidence, aujourd'hui, les gens sont de plus en plus nombreux à réclamer aux opérateurs un abonnement unique qui leur permette d'accéder à la fois à la télévision numérique, à la téléphonie mobile des troisième et quatrième générations et à Internet.

Mon devoir de ministre chargé de l'aménagement du territoire est d'assurer l'équité entre toutes les régions de France. Dans les centres urbains, naturellement, les nouvelles technologies ne coûtent rien à l'État ni aux collectivités, car elles sont très rentables pour les opérateurs. Mais, dans les zones rurales, où les sociétés privées ne sont pas présentes, l'État, les collectivités territoriales et l'Union européenne doivent se mobiliser pour que l'équité entre les territoires soit respectée.

Il nous faut donc accélérer le plan haut débit que vous avez évoqué et également la réalisation du plan de télévision numérique terrestre. Près de 80 % des foyers auront accès à cette technologie à la fin de l'année, mais la distribution achoppera ensuite sur les zones blanches.

Nous envisageons de proposer le montage d'un bouquet satellitaire qui pourrait fournir la télévision numérique terrestre  aux 20 % de foyers résidant dans les zones blanches, ce qui permettrait à notre pays de bénéficier du dividende numérique. Alors que nous nous étions fixé comme horizon les années 2011-2012, nous anticiperions et passerions de l'analogique au numérique, en matière de télévision, dès avant 2010. Tel est le défi que je veux relever au nom du Gouvernement.

Si nous réussissons, nous apporterons, tout d'abord, entre 18 chaînes et 24 chaînes de télévision gratuites à tous les Français, partout dans le pays. Nous garantirons, ensuite, sur tout le territoire, un accès au haut débit ; comme je vous l'ai expliqué, ce sera le cas dès 2007. Enfin, grâce au passage de l'analogique au numérique, nous libérerons les fréquences nécessaires pour que chacun bénéficie des troisième et quatrième générations de téléphonie mobile, c'est-à-dire de l'accès à la télévision sur les téléphones portables.

C'est ce défi que veut relever le Gouvernement pour le département du Gers, qui est l'un des plus ruraux de France.

Monsieur le sénateur, dites-le à vos concitoyens, grâce au Gouvernement, en 2007 vraisemblablement, le Gers, comme n'importe quel autre département, aura accès au « tout numérique ».

Ainsi, la France sera, en 2007, le pays de l'Union européenne le plus avancé en matière de couverture de « tout numérique ».

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, la densité de votre réponse montre combien ce sujet vous passionne.

Aujourd'hui, des entreprises quittent mon département parce qu'elles ne peuvent disposer des outils nécessaires à une économie moderne. Or, à proximité immédiate, Toulouse, l'une des capitales de la haute technologie, se trouve complètement saturée et à l'étroit dans ses frontières, car elle ne peut essaimer ses entreprises en raison de cette carence en outils de hautes technologies.

L'égalité territoriale constitue un véritable problème. Certes, une petite commune n'accueillera jamais une énorme entreprise, nous pouvons le comprendre ; mais elle peut très bien en recevoir une petite !

Ceux qui sont en quelque sorte les artisans de la haute technologie renoncent à de telles implantations, car, sur place, ils n'auraient pas accès aux outils nécessaires.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais il y a deux mégabits de plus depuis le 1er décembre dernier !

M. le président. Et, dans les villes, on veut avoir accès à la téléphonie moderne, mais on s'oppose à l'installation d'antennes, qui menaceraient la santé !

finances publiques et avenir des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 891, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, en tant qu'élu rural, j'aurais pu poser la même question que M. de Montesquiou. J'ai d'ailleurs apprécié votre réponse. Nous espérons tous que le monde rural bénéficiera aussi rapidement que possible de cette nouvelle technologie.

Ma question porte sur le rapport présenté par M. Pébereau sur la dette publique, qui formule certaines propositions destinées à permettre à l'État de revenir à l'équilibre budgétaire.

Ce rapport est particulièrement pertinent, notamment lorsqu'il suggère à l'État de supprimer des dépenses inefficaces, de réduire le niveau global des effectifs de la fonction publique et de revenir à l'équilibre budgétaire d'ici à cinq ans.

En revanche, certaines recommandations me semblent plus contestables, en particulier celles qui concernent les collectivités territoriales.

Selon le rapport, qui estime l'effort nécessaire à six milliards d'euros sur quatre ans, « aujourd'hui peu endettées, les collectivités territoriales participeront à l'assainissement financier qui passe par une baisse en euros constants des dotations de l'État. En contrepartie, l'État s'engagerait à ne pas leur imposer de nouvelles dépenses et à augmenter la part de leurs ressources propres. Enfin, la diminution du nombre des collectivités devrait être encouragée financièrement ».

S'agissant de la réduction du nombre des collectivités, aucune proposition précise n'est faite : s'agit-il de supprimer les communes, les départements ou les régions ? Nul ne le sait. De même, nous nous perdons en conjectures au sujet de « l'encouragement financier » qui accompagnerait une telle suppression.

Quant à la diminution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, soit ! Mais elle devrait s'accompagner alors d'une renationalisation des politiques menées, que personnellement je ne souhaite pas. Un équilibre devrait être trouvé, car le RMI et l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, nous le savons, coûtent très cher aux départements.

S'agissant des autres aides de l'État, que ce soit la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, la dotation de développement rural, la DDR, ou encore le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, elles ont pour ambition d'orienter les investissements des collectivités territoriales vers d'objectifs d'intérêt collectif, ce qui est positif, me semble-t-il.

Quand le rapport Pébereau préconise que l'État s'engage à ne pas imposer de nouvelles dépenses aux collectivités territoriales, il reconnaît implicitement que certains transferts de compétences n'ont pas été accompagnés de ressources équivalentes. De même, quand il recommande d'augmenter les ressources propres des collectivités, il admet que leur autonomie fiscale a été largement écornée. Tels sont bien les maux dont elles souffrent !

L'endettement des collectivités ne représente pas le dixième de celui de l'État et, pour leur part, elles ne connaissent pas de déficit de fonctionnement. Enfin, les collectivités territoriales investissent chaque année trois fois plus que l'État et leurs crédits d'équipement ne subissent en cours d'année ni gels ni d'annulations. Il me semble qu'un tel comportement doit être encouragé et qu'il serait dommage de revenir en arrière.

J'estime donc que les collectivités territoriales et leurs élus n'ont ni à rougir de leur gestion ni à recevoir de leçons de la part de serviteurs de l'État dont certains, dans le passé, ont prouvé leur savoir-faire dans des entreprises ou des banques publiques, au point que les contribuables français paient encore aujourd'hui la facture de leur gestion aventureuse !

C'est pourquoi, si certaines des orientations proposées au Gouvernement dans ce rapport me semblent navrantes, il ne serait pas moins navrant de les suivre !

Monsieur le ministre, j'espère que vous saurez faire la part des choses et n'appliquerez pas de façon trop rigide des solutions mauvaises pour la France.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Michel Pébereau a remis à la mi-décembre 2005 un rapport sur la dette publique qui pose la question de l'avenir de nos finances publiques et de notre capacité à restaurer nos marges de manoeuvre budgétaires et à faire des choix.

Parmi les voies qui permettent le retour à l'équilibre des finances publiques, le rapport prévoit de stabiliser en euros courants les dotations de l'État aux collectivités territoriales. Il considère, en effet, que « le mode de financement des collectivités locales peut réduire l'attention qu'elles portent à l'efficacité de certaines dépenses ».

Toutefois, cette proposition est suivie immédiatement d'une autre recommandation, à savoir « assurer aux collectivités territoriales une plus grande maîtrise de leurs ressources et de leurs dépenses ».

Surtout, le rapport de la commission sur l'évolution de la dette publique a le mérite de souligner la nécessité d'une démarche globale, qui embrasse les domaines de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales et concerne aussi bien sur les ressources que les dépenses.

C'est dans cet esprit que s'est réunie, le 11 janvier dernier, la première conférence nationale des finances publiques. Le Gouvernement a proposé plusieurs engagements réciproques.

En soulignant que l'évolution des concours de l'État devrait être compatible avec les normes de dépenses qu'il s'impose à lui-même, le Gouvernement s'est engagé à mieux associer les collectivités aux décisions qui les concernent et à élargir leurs marges de manoeuvre s'agissant des compétences transférées. Les travaux qui s'engageront prochainement à la suite de cette première rencontre permettront d'avancer sur chacune de ces pistes.

Monsieur Biwer, vous avez évoqué des collectivités locales « victimes » de compétences « insuffisamment compensées » et dont l'autonomie fiscale serait « écornée ». En toute amitié, je trouve ces termes quelque peu injustes. Depuis 2002, nous avons apporté aux collectivités des garanties sans précédent, en matière d'autonomie financière comme de compensation des transferts.

Le Gouvernement souhaite seulement engager une démarche de transparence et de responsabilité avec les collectivités territoriales et leurs représentants, en sortant de ce que le rapport de M. Pébereau qualifie de « climat de suspicion mutuelle ».

À cette réponse que je vous apporte au nom de Nicolas Sarkozy, j'ajouterai une conclusion personnelle.

Revenons sur l'histoire de la décentralisation depuis 1982, à laquelle j'ai d'ailleurs participé avec Jean-Claude Gaudin. Celui-ci, lorsqu'il présidait aux destinées d'une belle région dont j'étais le premier vice-président, nous avait invités à mettre en oeuvre un plan sans précédent en matière d'éducation, le « plan lycée réussite ».

Lorsque M. Gaston Deferre, en 1982, a décidé d'engager l'acte I de la décentralisation, il a transféré des compétences et des responsabilités, mais sans les accompagner d'un centime ni de moyens matériels ou humains. Par exemple, les lycées et les collèges transférés aux régions ou aux départements étaient des bâtiments pour lesquels depuis trente ans ou quarante ans rien n'avait été fait. Dans le même temps, les personnels et les moyens sont restés dans les rectorats. Les collectivités ont dû faire face et investir.

Si, aujourd'hui, dans certains départements ou régions de France, il y a des collèges ou des lycées magnifiques, ce n'est pas grâce à l'aide de l'État !

Avec l'acte II de la décentralisation, nous n'avons pas procédé de la même manière. Tous les transferts réalisés ont été compensés à l'euro près. Nous avons transmis aux collectivités tous les moyens humains, matériels et financiers dont disposaient auparavant les services de l'État pour exercer ces compétences.

Certes, si la collectivité fait plus aujourd'hui que l'État hier, cela lui coûtera plus cher, mais c'est alors un choix, celui du volontarisme politique, qu'il lui appartient d'assumer.

Quoi qu'il en soit, en ce qui nous concerne, depuis 2002, et contrairement à ce qui s'était passé auparavant avec l'APA, les SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, ou bien d'autres compétences encore, nous avons procédé à des transferts qui permettent aux collectivités d'exercer certaines responsabilités au plus près du terrain tout en bénéficiant d'un véritable transfert de ressources de la part de l'État.

Ainsi, la piste proposée aujourd'hui par le Gouvernement consiste à se rapprocher des collectivités locales, pour étudier avec elles, dans un vrai dialogue et une vraie concertation, comment équilibrer les dépenses et les ressources. Ce faisant, l'État montre toute la confiance qu'il accorde aux collectivités pour assumer les responsabilités qui sont désormais les leurs et que, souvent, sur un certain nombre de thèmes, elles savent d'ailleurs mieux assumer que lui.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos précisions détaillées. Dans l'ensemble, je vous rejoins tout à fait.

Cela étant, quand j'évoque les non-compensations, je fais référence à l'acte I de la décentralisation, qui se prolonge actuellement ; du reste, si j'ai cité le RMI et l'aide sociale, j'aurais pu également citer le secteur scolaire.

S'agissant de ce qui constitue l'acte II de la décentralisation, je tiens à vous rendre hommage pour cette nouvelle présentation, qui témoigne d'une articulation et d'une gestion raisonnées. Malgré tout, eu égard aux conclusions du rapport Pébereau, vous comprendrez que, avant de vous entendre évoquer la réunion de réflexion du 11 janvier dernier sur ce thème, j'aie pu trouver dans les mesures proposées quelques motifs d'inquiétude.

En outre, puisque la suppression de certaines collectivités territoriales a été évoquée, si cela devait se produire un jour, il conviendrait, dans ce domaine comme dans d'autres, d'ailleurs, que vous ayez le courage de bien préciser vos objectifs et l'articulation envisagée, de façon que chacun y voie clair. Au demeurant, je vous fais confiance, car c'est ainsi que vous avez l'habitude de procéder.

Ainsi, tous ensembles, nous pourrons agir au mieux, à l'avenir, dans l'intérêt général.

révision de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des communes victimes de la sécheresse de 2003

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 920, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quelques rares exceptions près, la plupart des communes de France en attente d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, à la suite de la sécheresse de l'été 2003, ont été exclues de cette procédure par l'arrêté interministériel du 20 décembre 2005.

Dans mon département de l'Essonne, cinquante-six communes se sont vu notifier ce refus. L'incompréhension est grande de la part de celles-ci, dont certaines, limitrophes de communes reconnues, attendent depuis plus de deux ans le règlement de dizaines de dossiers. Elles s'interrogent sur le choix des critères d'éligibilité, sur celui des stations météo qui ont établi les rapports et sur la fiabilité des résultats.

Pour ma part, je suis perplexe sur les résultats des études pluviométriques procédant du zonage « Aurore » établi par les services de Météo France. Je constate que le département de l'Essonne est découpé en trois zones et qu'une seule d'entre elles, dépendant du centre de Météo France de Paris-Montsouris, a répondu aux critères de réserve hydrique. Les deux autres zones, dépendant des stations de Melun et de Chartres, ont, quant à elles, livré des résultats ne permettant pas aux communes qui en dépendent de prétendre à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Un tel procédé laisse de côté des communes qui, comptant parfois plus d'une centaine de sinistrés, ont été durement frappées. La nature du sol argileux sur leur territoire ne fait pourtant aucun doute. Il a d'ailleurs justifié un classement en zone d'aléa fort ou d'aléa moyen par les services du Bureau de recherches géologiques et minières, comme cela est attesté dans le rapport remis en septembre 2000.

Or, comment expliquer des écarts de 9 % du taux de réserve hydrique entre deux communes voisines, dont la continuité géologique est établie et la proximité climatique fort peu susceptible de justifier de telles variations ? Le sentiment d'inégalité qui découle de ce processus d'éligibilité est aggravé par l'impossibilité qu'ont eue les élus, en dépit de leurs demandes répétées depuis le 20 décembre dernier, d'accéder aux informations concernant leur commune.

La Commission d'accès aux documents administratifs avait pourtant fait savoir aux différents maires qui l'avaient déjà saisie au cours de l'année 2005 qu'elle émettait un avis favorable à la communication de la copie des rapports techniques dès l'adoption de l'arrêté interministériel. Depuis cette date, nombre d'entre elles se sont constituées en associations, dans le but de former un recours gracieux devant le Conseil d'État.

Le Gouvernement avait promis la plus grande transparence sur ce dossier. Il doit assurer à l'ensemble des victimes, qui sont dans une situation financière souvent critique, un égal traitement, que l'examen au cas par cas ne peut réellement satisfaire.

Face à l'ampleur de la catastrophe provoquée par la sécheresse de 2003 et au nombre de sinistres en suspens, l'aide exceptionnelle de 180 millions d'euros instaurée à l'article 110 de la loi de finances pour 2006 ne suffira pas à couvrir l'ensemble des sinistres.

Ce n'est pas ce mode d'indemnisation que nous préconisons. Nous l'avions d'ailleurs rappelé en évoquant, ici même, la somme de 1,4 milliard d'euros qu'avait rapportée en vingt ans, à l'État et aux compagnies d'assurance, le régime des catastrophes naturelles.

En traitant une partie des dossiers en dehors de toute reconnaissance, c'est une fraction de la population sinistrée qui est ainsi exclue de la solidarité nationale. Or, lors de tels accidents climatiques, que nous sommes sans doute encore appelés malheureusement à connaître dans un futur proche et qui frappent sans discernement toutes les populations, c'est bien la solidarité, et non la sélectivité, qui doit présider à l'indemnisation des victimes.

Par conséquent, monsieur le ministre, quelles dispositions entendez-vous mettre en oeuvre pour permettre la révision de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle que tous attendent et répondre à la légitime demande de transparence des communes et des victimes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur Vera, à l'instar de plusieurs de vos collègues parlementaires, vous avez fait part au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de vos préoccupations concernant la situation des communes du département de l'Essonne qui n'ont pas pu bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à la suite de la sécheresse de 2003.

Le Gouvernement porte à cette situation exceptionnelle une attention constante qui l'a conduit à assouplir, à plusieurs reprises, les critères retenus pour accorder cette reconnaissance. Ainsi, plus de quatre mille communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle ou sont en voie de l'être du fait de la sécheresse de l'été 2003, soit le nombre le plus élevé depuis 1982, à l'exception des tempêtes de 1999.

Pour donner un avis sur les demandes de classement en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle compétente se fonde sur des critères précis : d'une part, une présence d'argile sur le territoire de la commune, attestée par un rapport ou une étude géotechnique ; d'autre part, des critères météorologiques permettant de qualifier l'intensité anormale de la sécheresse de 2003.

Afin de définir cette intensité exceptionnelle, Météo France dispose de stations de référence qui découpent le territoire national en deux cents zones, chacune d'entre elles correspondant à un ensemble géographique homogène d'un point de vue climatique sur le territoire national.

Les cinquante-six communes du département de l'Essonne où l'état de catastrophe naturelle n'a pas été reconnu au titre de la sécheresse sont rattachées à deux stations de référence, soit celle de Bricy, soit celle de Champhol, dont les mesures ne répondent à aucun des critères météorologiques retenus, bien que ceux-ci aient été d'abord élargis en janvier 2005, puis assouplis en juillet 2005.

Vous affirmez, monsieur le sénateur, que les communes concernées sont dans l'impossibilité de prendre connaissance des informations qui les intéressent. Je puis vous assurer que, conformément aux dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, les dossiers techniques sont communicables sur simple demande écrite des maires ou des particuliers, dès la publication de la décision interministérielle ne reconnaissant pas lesdites communes en état de catastrophe naturelle.

Je vous donne acte que la procédure de reconnaissance, bien que fondée sur des critères scientifiques, n'a pas permis de répondre à toutes les situations et, en particulier, aux difficultés des trois mille trois cents communes qui n'ont pas été reconnues et dont la liste figure dans l'arrêté interministériel du 20 décembre 2005, publié au Journal officiel du 31 décembre 2005.

Pour ces communes, le Gouvernement a proposé au Parlement, dès l'automne 2005, une procédure d'examen individualisé des demandes communales hors procédures « catastrophe naturelle ». Ainsi, en application des dispositions de l'article 110 de la loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005, les dossiers transmis par les propriétaires seront instruits par les services préfectoraux, avec l'appui des services techniques déconcentrés de l'État et des représentants de la profession des assurances désignés par la Fédération française des sociétés d'assurance et le Groupement des entreprises mutuelles d'assurance, qui se trouvent au plus près des réalités locales.

Dans le cadre de ce dispositif, doté de 180 millions d'euros, le représentant de l'État déclarera l'éligibilité des demandes et versera aux propriétaires les aides permettant l'engagement de travaux de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert des habitations principales.

La phase de recueil et d'examen des dossiers par les préfets, qui ont reçu toutes instructions à cet effet, va pouvoir commencer dès maintenant, puisque l'arrêté fixant la composition du dossier et daté du 3 février 2006 vient d'être publié au Journal officiel du 5 février. Ce traitement rapide, sans recours à des expertises compliquées et coûteuses, mais avec le concours des assureurs, doit permettre au Gouvernement de pouvoir annoncer, dès la fin du premier semestre de 2006, les bénéficiaires de cette ultime procédure déconcentrée.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention.

Je note avec satisfaction que les dossiers techniques sont à la disposition à la fois des communes et des particuliers qui souhaiteraient avoir accès à de telles données, car ce n'était pas le cas dans mon département depuis plusieurs semaines.

Cela permettra peut-être de comprendre un certain nombre de disparités de traitement assez troublantes. Il est en effet étonnant de constater que les quarante-quatre communes reconnues en état de catastrophe naturelle appartiennent toutes au périmètre d'études de la station de Paris-Montsouris, alors que les cinquante-six communes non reconnues appartiennent à deux autres stations de Météo France.

Le traitement individualisé de chacun des dossiers peut effectivement permettre, dans un certain nombre de cas, de parvenir à des traitements équitables. Pour autant, dans le même temps, la dotation prévue me semble malheureusement insuffisante. Je crains que cela ne conduise à privilégier le traitement des dossiers les plus lourds et à ignorer toute une série d'autres dossiers qui, pourtant, mériteraient d'être traités de la même manière.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu sur la question touchant à la révision de l'arrêté relatif à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Cela signifie, me semble-t-il, que vous n'envisagez pas cette hypothèse. Je le regrette et je crains que ce refus de procéder à une telle révision n'entraîne bien des déceptions et ne suscite des sentiments d'injustice. À mon sens, une telle attitude encouragera les communes et les particuliers à se regrouper et à unir leurs forces pour essayer de faire valoir leurs droits.

protection des majeurs sous tutelle ou curatelle

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, auteur de la question n° 926, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur les défaillances du système de protection des majeurs incapables, sur l'urgence de la réforme que celui-ci exige et, plus largement, sur le problème des dysfonctionnements au sein des juridictions.

En effet, la législation actuelle est en total décalage avec la société en évolution, notamment avec le chiffre croissant des placements et l'insuffisance des moyens mis à disposition, qui rendent aléatoire ladite protection.

J'ai moi-même été saisie par l'un des habitants de mon département, administrateur légal sous contrôle judiciaire de l'un des membres de sa famille, dont les requêtes n'ont reçu de réponse que trois mois plus tard.

Je me suis inquiétée de cette extrême lenteur auprès du président du tribunal de grande instance concerné, et le rapport qui m'a été communiqué a clairement mis en évidence que les retards apportés au traitement des dossiers résultaient d'une organisation laborieuse, et néanmoins défaillante, du service des tutelles et, plus généralement, des tribunaux qui manquent de moyens en personnel. Cette situation affecte gravement les personnes vulnérables que sont les majeurs incapables, censées être protégées par le régime instauré.

Aussi, à l'heure où le Médiateur de la République lui-même lance un cri d'alarme face à l'inadaptation du système de protection des majeurs incapables, qui rend insupportable la situation des personnes protégées et qui est source de nombreuses injustices, quand il ne s'agit pas d'abus en l'absence de contrôles suffisants, je vous demande, monsieur le ministre, sous quel délai vous envisagez de mettre en oeuvre une réforme du système, réforme trop longtemps différée et dont l'urgence s'impose aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame Troendle, je puis vous assurer que le garde des sceaux est pleinement conscient de la nécessité de réformer en profondeur le dispositif actuel de protection des personnes vulnérables.

En effet, les textes applicables en la matière, qui datent de 1968, ne sont adaptés ni au besoin de mieux protéger les personnes vulnérables ni à l'accroissement considérable du nombre de mesures. Vous l'avez souligné vous-même, c'est un sentiment partagé.

Aujourd'hui, plus de 600 000 personnes font l'objet d'une mesure de tutelle ou de curatelle. Cela représente près de 1 % de la population française. Ce chiffre est en constante augmentation.

Une réforme d'ampleur est donc nécessaire.

Cette réforme poursuit deux objectifs : d'une part, rendre plus efficients les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection juridique, d'autre part, mieux assurer le respect des libertés individuelles.

Ainsi, les mesures de protection juridique qui sont privatives de droits ne seront prononcées que pour les personnes présentant une altération de leurs facultés personnelles médicalement constatée et les empêchant de pourvoir seules à leurs intérêts. Ces mesures seront prises pour un temps limité et elles seront révisées régulièrement.

En outre, toute personne pourra, par un mandat de protection future, organiser à l'avance sa propre protection juridique pour le jour où elle ne sera plus en mesure d'agir seule.

Afin d'améliorer la prise en charge des personnes protégées, il sera créé une véritable profession de « mandataire judiciaire de protection des adultes », regroupant toutes les personnes extérieures à la famille à qui sont confiées les mesures de protection juridique.

Par ailleurs, avec la réforme, de nouvelles mesures d'accompagnement budgétaire et social seront instaurées, qui n'entraîneront pas d'incapacité juridique.

Ainsi sera-t-il proposé aux personnes qui se placeront dans une situation de danger du fait de leur inaptitude à gérer leurs prestations sociales une mesure d'accompagnement social spécifique destinée à rétablir leur autonomie financière. En cas d'échec ou de refus de cette mesure, le juge des tutelles pourra être saisi afin que soit prononcée une mesure judiciaire de gestion budgétaire et d'accompagnement social permettant la gestion des prestations sociales versées à l'intéressé.

Enfin, le dispositif de financement des mesures de tutelles, actuellement incohérent et injuste pour les personnes vulnérables, sera entièrement refondu.

L'avant-projet de loi fait actuellement l'objet d'une concertation approfondie auprès de l'ensemble des organismes publics et des collectivités concernés.

Le rétablissement du principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport aux mesures d'aide et d'assistance à caractère administratif implique en effet un important transfert de la sphère judiciaire vers l'aide sociale, c'est-à-dire vers les départements.

Or, à ce jour, les conditions de financement et de compensation de ce transfert n'ont pas encore fait l'objet d'un accord global.

Le travail de concertation doit donc se poursuivre, en particulier avec l'Assemblée des départements de France, qui est saisie de ce projet. Le Parlement examinera ce projet de loi dès que les conditions d'un accord global seront réunies.

Croyez bien, madame le sénateur, que le garde des sceaux est déterminé à poursuivre l'élaboration de cette réforme, qui crée de légitimes attentes chez nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Je tiens à remercier M. le ministre, de la clarté et la précision de sa réponse, qui va dans le sens de mes attentes.

avenir du service de restauration des terrains en montagne

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, auteur de la question n° 922, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Paul Amoudry. Ma question porte sur les perspectives d'avenir du service de restauration des terrains en montagne, le RTM, qui dépend de l'Office national des forêts, l'ONF.

A l'approche du renouvellement, d'ici à la fin de l'année 2006, de la convention entre le service RTM et l'État, je me dois d'appeler l'attention sur les vives préoccupations des élus des communes de montagne.

Ceux-ci redoutent en effet que la renégociation de la convention soit l'occasion d'une redéfinition des missions et des conditions d'intervention du service, qu'elle aboutisse à une demande systématique de rémunération des prestations effectuées pour le compte des collectivités et qu'elle s'accompagne d'une réduction sensible des moyens en personnel du service RTM.

Or le RTM remplit une mission essentielle par l'aide qu'il apporte aux collectivités en matière de sécurité publique au regard des risques naturels. Cette assistance se concrétise par la réalisation d'expertises en matière d'urbanisme, par la conception de dispositifs de protection et par l'assistance lors de la gestion de crises, domaines pour lesquels la responsabilité est partagée entre l'État et les communes.

Ainsi, dans les départements de montagne, les compétences et l'expertise du service RTM sont-elles indispensables à l'exercice des responsabilités de l'État et des collectivités, en particulier par la connaissance des phénomènes d'avalanches et de mouvements de terrains, notamment lors de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels.

Aussi, monsieur le ministre, vous serais-je reconnaissant de bien vouloir préciser à notre assemblée les moyens que le Gouvernement envisage de mobiliser pour que ce service, qui est chargé d'une mission régalienne, fasse l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la réforme de l'État, afin que soit assurée sa pérennité indispensable, d'une part, à l'exercice de leurs responsabilités par les élus locaux et, d'autre part, au travail de prévention en matière de sécurité civile.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. La mission de restauration des terrains en montagne, RTM, consiste surtout à entretenir ou à renouveler les ouvrages de protection que l'État a mis en place, pour les corrections torrentielles, la stabilisation de versants ou la protection contre les avalanches.

Ces actions sont conduites depuis 1966 par un service spécialisé de l'Office national des forêts dans onze départements de montagne. Elles sont financées sur la base d'une convention-cadre pour 2001-2006, conclue avec le ministère de l'agriculture.

L'utilité et l'efficacité du service RTM sont unanimement reconnues. Cette reconnaissance repose sur l'expertise unique qu'il est capable d'offrir ou de réunir pour des missions relatives aux risques naturels. À cet égard, ce service apporte son concours aux collectivités territoriales ou à d'autres départements ministériels pour des dossiers comme le zonage des risques, l'appréciation des risques dans les projets d'urbanisme ou la gestion des crises. Ces activités se développent.

Par conséquent, le ministère de l'agriculture finance une part importante des missions réalisées pour le compte d'autres ministères ou de collectivités territoriales.

Pour répondre aux inquiétudes des élus de la montagne, Dominique Bussereau considère qu'il faut laisser la gestion opérationnelle de ces actions à l'ONF, établissement qui a fait toutes ses preuves dans ce domaine. Il convient sans doute aussi d'associer davantage l'ensemble du Gouvernement dans la définition de la politique à mettre en oeuvre et des moyens à mobiliser.

C'est pourquoi le ministre de l'agriculture a demandé à ses services de prendre l'attache des différents départements ministériels concernés afin d'identifier, dans les meilleurs délais, les besoins et les attentes de chacun et de préciser les modalités de financement du service RTM.

Concernant l'intervention du service RTM au profit des collectivités territoriales, le ministère de l'agriculture prend actuellement en charge près de la moitié du coût de l'ingénierie publique réalisée par le service RTM pour leur compte. Il contribue aussi significativement au financement de diverses expertises.

Je puis vous assurer de la volonté de Dominique Bussereau de consolider les capacités d'intervention du service RTM afin qu'il puisse continuer à assurer la qualité de travail qui lui est reconnue de tous, et notamment des élus de montagne.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaite remercier M. le ministre de sa réponse et souligner combien j'apprécie le fait que le ministre de l'agriculture ait souhaité mener une réflexion interministérielle sur le financement et les moyens à apporter au service de restauration des terrains en montagne.

En effet, s'il est souhaitable que l'ONF garde le contrôle de ces missions, il est important, compte tenu de l'explosion des besoins, que le Gouvernement s'implique sur ce sujet.

Néanmoins, je souhaite ardemment que l'équité et la cohésion territoriale soient respectées. En effet, si nous allons vers le financement et la rémunération des expertises du service RTM par les collectivités, certaines, plus fortunées que d'autres, pourront acquitter ces prestations tandis que d'autres, les plus petites communes rurales, par exemple, dont les maires sont confrontés à des risques importants, ne le pourront pas. Je redoute donc que les maires ne soient mis dans des situations d'inégalité selon la taille de leur commune.

Enfin, je souligne que la présence du service RTM est essentielle à un moment où la responsabilité des élus est systématiquement mise en cause lorsque survient un accident. Lorsqu'un bloc de rocher tombe sur une route en pleine montagne ou en pleine campagne, la responsabilité du maire est mise en cause. Il est donc important que les élus bénéficient de la présence régalienne de l'État. Je remercie M. le ministre de bien vouloir y veiller.

cartes de voeux des membres du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, auteur de la question n° 897, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre du commerce extérieur, j'ai souhaité poser à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État une question qui peut sembler anecdotique, mais qui est symptomatique : elle concerne les cartes de voeux que les services ministériels envoient en abondance, notamment aux parlementaires.

Si les cartes de voeux ont toujours existé, à une certaine époque leur nombre a cru à un point tel que Jacques Chaban-Delmas, alors Premier ministre, en avaient interdit l'envoi, à moins que leurs expéditeurs n'en acquittent le paiement. J'étais alors directeur de cabinet et j'avais été obligé de renoncer à un certain nombre de salutations distinguées... (Sourires.)

Depuis lors, ces envois ont repris et leur nombre augmente sans cesse. Elles sont de plus en plus belles, très agréables à recevoir, bien qu'il faille y répondre (nouveaux sourires), mais l'on peut se demander s'il est bien normal que les services de l'État, les cabinets ministériels envoient tant de magnifiques cartes « aux frais de la princesse ».

Monsieur le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que le coût des cartes de voeux envoyées par les sénateurs est prélevé sur leurs indemnités. En qualité de membre de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes, je peux vous dire que le Sénat réalise même quelques bénéfices sur ces cartes.

Je propose donc soit que leur envoi soit interdit, ce qui serait sans doute exagéré, soit qu'elles fassent l'objet d'un paiement par l'expéditeur, soit que l'on recoure à des moyens plus modernes et plus économiques comme les cartes de voeux électroniques.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Gaillard, votre question s'adresse au ministre du budget et de la réforme de l'État et elle porte sur les deux aspects de la fonction de Jean-françois Copé, au nom duquel je vais vous répondre.

Dans le dépôt de cette question, je reconnais votre légitime souci d'une juste utilisation des deniers publics.

S'agissant du coût engendré par l'envoi de cartes de voeux par l'ensemble des ministères, je dois vous dire qu'un chiffrage précis n'existe pas et qu'il semble particulièrement complexe à établir. En effet, il est difficile d'isoler ces dépenses de l'ensemble des dépenses de fournitures de chaque ministère.

La solution des « voeux électroniques » est une très bonne idée. Je le dis avec d'autant plus de conviction que nous l'avons utilisée avec succès à Bercy à trois occasions, au moins, pour cette nouvelle année.

Tout d'abord, une carte de voeux électronique a été mise à la disposition des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur le site intranet afin de les encourager à abandonner les traditionnelles cartes de voeux papier.

Ensuite, le faire-part de naissance de la nouvelle direction générale de la modernisation de l'État a été envoyé le 1er janvier en format électronique.

Enfin, Jean-François Copé a utilisé une carte de voeux électronique pour annoncer, le 1er janvier, le passage en mode LOLF, opération qui a d'ailleurs été un grand succès.

Comme vous pouvez le constater, nous sommes dans une phase d'initiative. Au demeurant, le passage à la carte de voeux électronique pour l'ensemble des ministères et des administrations peut se heurter à des difficultés techniques. Une telle carte peut, par exemple, être bloquée par les « pare-feux » des serveurs des entreprises, étant apparentée à un spam.

Par ailleurs, vous conviendrez avec moi qu'il peut être délicat, pour les membres des cabinets ministériels, de ne pas répondre aux cartes de voeux que leur envoient des personnalités, des parlementaires, par exemple. (Sourires.)

Pour conclure, je rappellerai que la LOLF est source de plus grande autonomie et de plus grande responsabilité pour les gestionnaires. Le Gouvernement s'attachera à les sensibiliser à votre proposition, sachant qu'ils restent libres d'affecter leurs crédits.

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Initialement, je devais poser cette question alors que nous étions encore en période de voeux. Son examen ayant été reporté, elle paraît moins d'actualité.

Cela dit, je suis heureux que Jean-François Copé soit à l'avant-garde des réformes que j'ai suggérées. Je signale au passage, monsieur le ministre, qu'en général ce sont les parlementaires qui répondent aux fonctionnaires et non l'inverse.

Quoi qu'il en soit, ne prenons pas trop au sérieux cette question, qui était associée à la période festive, désormais révolue !

Situation de l'industrie papetière

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 919, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, je voulais attirer l'attention sur la situation de l'industrie papetière dans notre pays.

Avec 129 usines et plus de 22 000 salariés, cette filière occupe une place importante, voire centrale, dans certains bassins d'emploi. Or les licenciements, les arrêts de machines, les restructurations comme les fermetures d'usines se multiplient, malheureusement, dans toute la France. Plus de 15 % des salariés pâtissent de cette situation.

Nous en sommes arrivés à ce stade du fait de la mondialisation libérale qui impose ses principes. Elle menace et détruit des emplois, elle met des territoires en danger. Nombre d'entreprises sont aux mains de multinationales et de fonds de pension qui n'ont rien à voir avec l'industrie.

De ce fait, les choix stratégiques sont dominés par des logiques purement financières, sans considération industrielle, humaine et sociale. Le seul objectif est de donner toujours plus aux actionnaires.

Des unités de production sont rachetées à bas prix par des soi-disant investisseurs qui ne font rien pour relancer la production. Au contraire, ils créent les conditions pour que les sites ne puissent pas être rentables. Comme vous le savez, ils ne font pas d'investissement productif, réservant ceux-ci aux pays à bas coût de main-d'oeuvre et à faibles contraintes en matière d'environnement. Ils investissent encore moins dans la recherche et l'innovation. Ils prennent des décisions commerciales contraires à l'intérêt des usines et vendent leurs productions à bas prix. Ils refusent d'informer les salariés et les mettent souvent devant le fait accompli.

C'est ainsi que, dans mon département, agit le fonds de pension Carlyle, propriétaire depuis peu de Otor. Il semble vouloir condamner le site de Saint-Étienne-du-Rouvray, qui emploie 385 personnes. Il ne veut pas entendre les propositions des salariés visant à développer ledit site avec de nouvelles productions porteuses. C'est pourquoi mon ami Hubert Wulfranc, le maire de cette ville, et moi-même demandons que les représentants de l'État organisent une table ronde afin que toutes les possibilités, aussi bien pour ce site que pour l'industrie papetière française en général, soient largement envisagées.

Je veux également citer l'exemple du groupe M-real, dont les résultats sont bons. Ce groupe démantèle son site d'Alizay, situé dans le département de l'Eure, après avoir participé à la casse du droit du travail dans l'industrie papetière en Finlande. Il prévoit de décentraliser 100 postes et de procéder à 85 licenciements.

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de traiter la situation de tous les sites français. Cependant, je veux évoquer le cas du groupe Smurfit, qui, après sa fusion avec Kappa, envisage de fermer son site à Gaillon ; de ce fait, 45 salariés sont sur la sellette.

Sur l'ensemble de notre territoire, la liste est longue : Stora Enso arrête deux machines à papier à Corbehem, dans le Pas-de-Calais ; Tembec supprime des emplois à Tarascon et freine la production à Saint-Gaudens, en Haute-Garonne ; Emin Leydier licencie à Saint-Vallier, dans la Drôme, après l'arrêt d'une machine à papier ; International Paper ferme son site de Maresquel, dans le Nord-Pas-de-Calais, et se débarrasse de nombreux postes ; Matussière et Forest, après la fermeture du site de Rambervillers, dans les Vosges, laisse à l'abandon une partie des autres sites, une fois opéré le rachat de ceux qui sont considérés comme les plus « juteux » par un fonds de pension.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il me semble urgent et important de mettre en oeuvre une véritable politique industrielle dans le domaine du papier et du carton. L'État ne peut rester indifférent. Il doit apporter des réponses pour défendre notre industrie, car l'avenir de notre pays en dépend.

La logique des papetiers me paraît anti-économique et anti-sociale. Leurs actions frappent des entreprises rentables, au savoir-faire professionnel connu et reconnu.

Dès lors, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour l'industrie papetière ? Êtes-vous prêt à recevoir les élus de ces sites confrontés à de dures difficultés sociales et économiques ainsi que les représentants des salariés de ces entreprises de l'industrie papetière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur la situation du secteur des pâtes à papier et cartons, qui fait l'objet d'importantes restructurations, notamment dans votre région. Vous en avez d'ailleurs cité quelques-unes.

L'industrie papetière est un secteur important du tissu industriel français. Elle emploie environ 135 000 personnes, alors que vous en avez évoqué 22 000. Elle se situe au neuvième rang mondial et au quatrième rang européen.

Cependant, ce secteur doit faire face à d'importants défis. Des surcapacités sont constatées au niveau mondial, ce qui amène les groupes, souvent internationaux, à concentrer leurs outils de production. Cette industrie est en effet cyclique, du fait du poids considérable des investissements. Elle est extrêmement capitalistique.

Elle souffre de la perte de compétitivité créée par l'appréciation de l'euro par rapport au dollar. En outre, la rentabilité des entreprises européennes est affectée par un effet ciseau entre la baisse des prix de vente, due à l'euro, à la mauvaise position dans le cycle, à la surcapacité mondiale, et la hausse de l'ensemble des consommations intermédiaires que sont l'énergie, les adjuvants chimiques, le fret, le bois et les vieux papiers.

Pour toutes ces raisons, le secteur est en pleine restructuration, et votre région, la Haute-Normandie, qui produit une quantité importante de pâtes à papier et cartons, est particulièrement touchée par cette évolution. Bien évidemment, je suis à la disposition de tous ceux qui souhaitent évoquer la question et trouver des moyens d'anticiper les mutations de ce secteur.

Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour accompagner cette restructuration.

Le développement de l'innovation et de nouveaux débouchés est encouragé. Dans le domaine de l'innovation, le centre technique du papier accompagne techniquement les entreprises dans des projets innovants. S'agissant des nouveaux débouchés, la diversification dans le secteur énergétique constitue un élément important pour l'avenir du secteur, comme vous le savez. Ainsi, neuf projets proposés par des papetiers, dont un en Haute-Normandie, ont été retenus pour produire de l'électricité à partir de biomasse, qu'il s'agisse de bois, de sciure ou de boue papetière, dans le cadre de l'appel d'offres lancé par le ministère de l'industrie en 2004.

Par ailleurs, la compétitivité du secteur sera renforcée par les dispositions autorisant les industriels électrointensifs à se regrouper en consortium. Cette disposition permettra de négocier des tarifs compétitifs auprès des producteurs. Les industriels de la papeterie ont d'ailleurs été associés aux travaux de la table ronde sur les industries électrointensives. Ceux qui répondent aux critères posés par la loi pourront, s'ils le souhaitent, entrer dans un consortium qui leur donnera accès à des contrats à long terme avantageux dans le domaine de l'électricité.

Comme vous pouvez le constater, plusieurs mesures sont d'ores et déjà mises en oeuvre pour accompagner la restructuration de l'industrie papetière.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler que les entreprises du secteur du papier et des cartons ont subi les premières attaques dans les années quatre-vingt. Certains, à l'époque, les appelaient au renoncement et leur intimaient de garder raison, au nom du réalisme, ce que vous faites vous-même dans votre réponse, monsieur le ministre. Les salariés avaient alors su contrer les logiques financières qui avaient été mises en avant.

Il faut prendre des dispositions, écouter les représentants des salariés, les élus locaux, au niveau tant du département que de la région, et s'opposer aux externalisations d'entreprises vers l'Asie ou l'Europe de l'Est. C'est pourquoi je vous demande de nouveau que soit organisée une table ronde relative à l'industrie papetière en France, que soit examinée la situation des sites et que soient adoptées des dispositions à l'égard des soi-disant investisseurs et des fonds de pension, qui, lorsqu'une société, pourtant rentable, ne l'est pas à hauteur de 15 %, prennent des mesures de restructuration ou d'externalisation que nous condamnons totalement.

Monsieur le ministre, je vous le répète, je souhaite que nous puissions engager ensemble des discussions avec les représentants des salariés, les élus pour mettre fin à la situation actuelle, aussi bien dans les départements de Seine-Maritime, où se situe ma circonscription, ou de l'Eure, que sur l'ensemble du territoire national, afin que la France puisse disposer d'une véritable industrie papetière.

Organisation de la politique de soutien à l'agriculture

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 915, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question porte sur l'avenir du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles. Chacun connaît le rôle très important de caisse pivot que joue cet opérateur public interministériel, qui sert un nombre élevé de prestations agricoles, mais aussi de prestations sociales, et assure le paiement de prestations transitant désormais par les collectivités.

L'histoire récente du CNASEA est un feuilleton très étonnant qui a duré plus d'une décennie : la décision de l'implanter à Limoges a été prise en 1992 mais n'a été concrétisée qu'en 2003. Je rappellerai quelques dates : c'est le gouvernement Jospin, par le CIADT du 15 décembre 1997, qui a relancé ce projet de délocalisation, mais, en 1999, il fallut renoncer au concours d'architecte qui avait été ouvert, alors que la maquette du futur centre avait déjà été présentée en grande pompe. Par ailleurs, en 1996, un député, peut-être inspiré, avait proposé, par voie d'amendement, de supprimer les crédits de transfert.

Convaincre les agents de venir s'installer à Limoges n'a pas été facile ; les collectivités se sont beaucoup investies, ainsi que le conseil général, que je présidais alors, et, surtout, la ville de Limoges. Quatre cents familles y sont désormais implantées et y sont heureuses, tout du moins selon les échos qui me sont parvenus.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si je n'avais quelques inquiétudes.

Le mercredi 9 novembre dernier, lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, a été voté un amendement du rapporteur, M. César, visant à ce qu'en 2013 l'ensemble des aides agricoles soient versées par un organisme unique. Quel sera cet organisme unique ? Un nouvel organisme ou bien le CNASEA ?

M. Bussereau m'a écrit, ainsi qu'il a dû le faire au maire de Limoges, puisque nous avions saisi conjointement le directeur général du CNASEA. Dans sa lettre, que j'ai reçue hier, il m'indique - ce que j'avais déjà cru comprendre - qu'un certain nombre d'arbitrages ont été rendus, aux termes desquels, au moins dans un avenir immédiat, « le CNASEA sera renforcé dans sa mission d'organisme payeur unique de l'ensemble des aides du second pilier » de la PAC, la politique agricole commune, c'est-à-dire, notamment, la prime herbagère agro-environnementale et les aides accordées au titre du nouveau plan de modernisation des bâtiments d'élevage.

Ces arbitrages sont, certes, favorables, mais M. Bussereau m'indique également qu'il a « diligenté une mission du Comité permanent de coordination des inspections qui devra proposer une clarification des rôles des différents acteurs et une optimisation de l'organisation du service public aux agriculteurs au plan local », ce qui me laisse dans l'incertitude, ma question n'étant pas totalement clarifiée.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez me donner quelques apaisements quant à l'avenir de cet organisme, qui me préoccupe d'autant plus qu'il est implanté sur mon département.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Comme M. Bussereau vous a déjà adressé une réponse, je vais tenter d'aller au-delà en vous communiquant les compléments d'information qu'il a préparés à votre intention.

La loi d'orientation agricole adapte la mission des offices agricoles afin de prendre en compte la réforme de la politique agricole commune entrée en vigueur en 2006. Elle doit permettre de maintenir des lieux d'expertise et de concertation entre les pouvoirs publics et les organisations professionnelles.

Ainsi, la loi prévoit le regroupement des offices en trois pôles : un pôle « élevage », un pôle « cultures spécialisées » et un pôle « grandes cultures ». Cette organisation permettra une plus grande cohérence dans l'approche sectorielle des marchés. Des économies de fonctionnement seront ainsi réalisées.

Parallèlement, nous devons sécuriser le paiement des aides aux agriculteurs. Pour cela, notre organisation s'appuiera sur deux piliers : l'agence unique de paiement, l'AUP, et le CNASEA.

L'agence unique de paiement va assurer le paiement des aides du premier pilier de la politique agricole commune, la PAC. Il s'agit, en particulier, des aides découplées, qui feront l'objet d'un paiement unique, et des aides directes actuellement versées par l'ONIC, l'Office national interprofessionnel des céréales ou l'OFIVAL, l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture. Cette agence sera opérationnelle dès cette année.

Le CNASEA sera renforcé dans sa mission d'organisme payeur unique de l'ensemble des aides du second pilier. Ainsi, il aura la responsabilité des paiements pour des dispositifs aujourd'hui mis en place par d'autres organismes, comme la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, les aides aux bâtiments d'élevage, ou la mesure dite rotationnelle.

Ce schéma est préférable à une gestion éclatée entre l'ensemble des offices. Il est conforme aux recommandations communautaires pour la gestion du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, nouvel instrument financier dans la politique de développement rural.

Ces décisions sont naturellement reprises dans le contrat d'objectifs que l'État va passer avec le CNASEA. À cet égard, M. Bussereau, avec ses collègues chargés de l'emploi et du budget, se rendra à Limoges en mars prochain pour signer ce contrat. (M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, opine.)

La volonté du Gouvernement est de réorganiser les modalités de gestion de l'ensemble des aides à l'agriculture, de façon à améliorer l'efficacité et la sécurité des paiements et à répondre aux attentes des agriculteurs en matière de simplification.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je me félicite que M. Bussereau vienne jusqu'à Limoges pour cette signature et je serai ravi d'être à ses côtés.

Monsieur le ministre, je connaissais déjà une part importante de la réponse que vous venez de me faire : si M. Bussereau a eu la délicatesse d'en modifier la forme, le fond est resté le même, ce qui est heureux, d'ailleurs, car mieux vaut se répéter que se contredire ! Mais je ne suis pas complètement convaincu et je reste inquiet.

Je comprends bien que, dans l'immédiat, le CNASEA va voir son action renforcée, mais, à partir de 2013, selon ce qui a été voté à l'automne dernier, il n'y aura plus qu'un organisme unique. Autour duquel des deux organismes existants, le CNASEA et l'agence unique de paiement, se construira le nouvel organisme ? Telle est ma question, et je la reposerai, à M. Bussereau ou à d'autres, lorsque le moment sera venu.

Il s'agit en effet d'une décision politique, car chacun connaît la qualité, y compris en matière de sécurité, du travail effectué par le CNASEA. Il suffirait donc de décider que c'est bien lui qui sera, en 2013, l'organisme unique chargé d'assurer le paiement de l'ensemble des aides en question.

Suivi médical des salariés en application de la circulaire relative à la réforme de la médecine du travail

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 898, adressée à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vous remercie, monsieur Larcher, d'être venu en personne répondre à cette question sur la réforme de la médecine du travail.

Votre ministère, le 7 avril 2005, a publié une circulaire relative à la médecine du travail. Ladite circulaire introduit, dans son chapitre II, une notion qui m'a un peu surprise, tout en étant compréhensible, celle de suivi médical des salariés au prorata de leur temps de travail et en fonction de leur type de contrat de travail.

Ainsi, selon cette conception, dans les entreprises où les salariés travaillant sous contrat précaire se succèdent sur le même poste, certains ne sont plus du tout comptabilisés dans l'effectif du médecin, tandis que ceux qui travaillent sous CDI à temps partiel ou qui n'ont travaillé que quelques mois ne comptent que pour un pourcentage infime. Dans ces conditions, un certain nombre de salariés en situation de précarité sont exclus a priori du suivi médical.

Représentant le Sénat au sein du Comité national d'éthique, qui a été interpellé sur ce sujet par un courrier, j'ai souhaité, à l'occasion de cette séance de questions orales, vous interroger à mon tour, monsieur le ministre, car si la mesure préconisée ne fait pas réellement obstacle au suivi médical spécifique, la précarité peut, elle, rendre difficile l'application de la circulaire, dont, après tout, vous n'avez peut-être pas eu connaissance... (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame la sénatrice, rassurez-vous, je suis au courant des circulaires qui sont publiées par mon ministère et notamment de celle-ci, puisque je préside moi-même la commission qui suit les dispositions concernant la médecine du travail.

Permettez-moi tout d'abord de situer cette circulaire dans une perspective globale.

C'est, en quelque sorte, l'une des conclusions de la réforme de la médecine du travail entreprise par le Gouvernement depuis 2003, laquelle répond à un double objectif.

Il s'agit, en premier lieu, de renforcer le rôle de prévention dans le milieu du travail. Nous le constatons lorsque nous traitons des seniors - ce fut le cas hier encore, lors de la troisième séance de concertation avec les partenaires sociaux - la prévention, notamment avant quarante-cinq ans, est un sujet majeur, et la médecine du travail a un rôle particulier à jouer en ce domaine.

Il s'agit, en second lieu, de chercher à remédier à la pénurie attendue de médecins du travail ? Xavier Bertrand et moi nous attachons à trouver des réponses, par exemple en améliorant la formation universitaire. C'est pour nous une réelle priorité.

Un décret du 28 juillet 2004 a réaménagé le suivi individuel des salariés en conservant le principe de l'annualité de la visite pour les personnels exposés aux risques professionnels les plus importants. Pour certains risques particulièrement graves, cette périodicité doit même être beaucoup plus courte. Elle est, en revanche, portée à vingt-quatre mois au minimum pour le cas général.

Cette réorganisation permettra aux médecins du travail de dégager une certaine disponibilité pour assurer un suivi médical individualisé, mais aussi une action dans le milieu du travail : ainsi, 150 demi-journées minimum devront être consacrées par les médecins du travail aux actions préventives dans le milieu du travail, le nombre d'établissements suivis ne devant pas dépasser 450, le nombre de salariés, 3 300, et le nombre d'examens médicaux, 3 200. Si j'apporte ces précisions, c'est pour bien faire comprendre la philosophie de la réforme.

Dans la circulaire en question sont explicitées les règles de calcul de cette charge de travail, concernant par exemple le nombre de salariés à prendre en compte. Ainsi, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, d'un contrat de travail intermittent ou à temps partiel sont pris en compte au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Il ne s'agit que d'une règle de calcul, et ne retenir que le seul critère des effectifs ne correspond ni au texte ni à l'esprit de la réforme.

Le médecin du travail a pour mission générale d'exercer un suivi médical de chaque employé. Son action dans le milieu du travail permet d'améliorer les conditions et l'organisation du travail.

Quant aux personnels temporaires, qui connaissent une plus grande précarité du fait de la nature même de leur contrat, ils bénéficient de dispositions particulières en matière de suivi médical. Ainsi, chaque salarié lié par un contrat de travail temporaire compte pour une unité dans l'entreprise qui l'emploie, quels que soient le nombre et la durée des missions effectuées.

De plus, lorsqu'une nouvelle mission lui est confiée plus de douze mois après la précédente, le travailleur temporaire bénéficie à nouveau d'un examen médical d'embauche. Dans ce cas, l'intervalle entre les deux visites médicales est inférieur à 24 mois.

Enfin, les éléments d'appréciation de la charge du médecin du travail sont soumis au droit de regard des différents acteurs concernés que sont les médecins du travail, les employeurs, mais aussi les représentants des salariés. En effet, ce sont les partenaires sociaux qui font vivre cette dimension de la santé au travail.

Je rappelle que le Gouvernement a mis en place au printemps dernier un plan « Santé au travail ». C'est la raison pour laquelle nous publions un décret portant réforme de l'organisation de la commission qui suit ces questions de santé au travail.

Soyez assurée que le Gouvernement est déterminé et qu'il fera en sorte que le suivi de chaque salarié, quel que soit son statut, ainsi que l'ensemble des actions de prévention soient rigoureusement mis en oeuvre.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je remercie M. le ministre délégué de sa vigilance sur un dossier qui, je le vois, le concerne au premier chef.

adaptation de l'article 55 de la loi sru relatif au décompte des logements sociaux

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 896, transmise à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai bien conscience d'aborder avec cette question un sujet d'une particulière actualité. Ce volet de la politique en faveur du logement social fait en effet aujourd'hui l'objet d'un vif débat à l'Assemblée nationale, créant même l'événement, avec la visite de l'abbé Pierre au Palais-Bourbon.

Dans ce contexte, certaines demandes émanant d'élus du monde rural se font pressantes et je veux m'en faire l'écho ici sans plus attendre.

Nul ne conteste aujourd'hui l'urgente nécessité de décisions fortes pour lutter contre les graves conséquences de la crise du logement.

Le Gouvernement a fait des choix ambitieux en la matière, et je les salue. Néanmoins, sans vouloir aucunement se soustraire aux exigences introduites par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ou manifester une quelconque opposition à la mesure elle-même, nombreux sont les élus locaux qui, forts de leur expérience, souhaitent vivement une adaptation de ce dispositif.

Permettez-moi, monsieur le ministre délégué, de vous soumettre quelques-unes de leurs réflexions.

Premièrement, ne serait-il pas possible d'appliquer un taux de logements sociaux progressif en fonction de la taille de la commune selon des critères plus réalistes ? En effet, le seuil retenu de 3 500 habitants ne permet pas de distinguer le milieu urbain du milieu rural, alors que les problématiques y sont très différentes. Vous pouvez trouver ainsi des cantons ruraux de 5 000 habitants dont le chef-lieu compte à lui seul 3 500 habitants.

Deuxièmement, l'échelon communal est-il vraiment le plus pertinent, alors que l'intercommunalité, qui représente aujourd'hui 88 % du territoire national, est désormais une réalité territoriale forte ?

Troisièmement, les élus locaux souhaitent que ce taux de logements sociaux ne soit appliqué qu'aux seules constructions nouvelles, ou bien que les pénalités prévues soient atténuées en tenant compte des efforts déjà engagés en matière de construction de logements sociaux. C'est particulièrement vrai dans les communes situées en zone périurbaine, qui connaissent un fort développement de constructions privées, ce qui ne va pas sans changer la donne.

Quatrièmement, la réalisation de l'inventaire des logements sur le territoire concerné ne pourrait-elle être l'occasion d'une redéfinition du logement social ? Il semblerait en effet qu'un certain pourcentage du parc de logements existants pourrait être déclaré « social » au sens de la loi SRU, ce qui pourrait s'appliquer à la restauration de l'ancien.

Cinquièmement, monsieur le ministre délégué, que dire de la situation d'une commune de 3 500 habitants qui se trouve pénalisée alors qu'une autre, bien plus importante démographiquement, ne l'est pas du seul fait qu'elle se trouve incluse dans une communauté de communes ayant compétence en matière de logement ?

Monsieur le ministre délégué, j'ai cru de mon devoir de me faire ici l'écho des préoccupations de ces élus, qui ont réellement à coeur le développement harmonieux de leurs communes.

En conclusion, je rappellerai les résultats d'un sondage qui, réalisé sur l'initiative du Sénat, à l'occasion du Congrès des maires de France, fait apparaître que plus de 50 % des élus souhaitent une approche de la loi SRU réaliste, équilibrée et adaptée aux communes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, il est vrai que notre pays traverse une crise du logement aiguë qui, résultant d'une panne de construction de logements, a atteint son comble en 2000, année au cours de laquelle moins de 40 000 logements sociaux ont été effectivement mis en chantier.

Fort heureusement, les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin ont permis, grâce à des dispositifs très volontaristes, de doubler dès 2005 le nombre de constructions de logements sociaux.

Je me permets de le souligner, car une erreur de jugement est parfois commise par certains qui, se contentant d'observer la crise, instruisent des procès en oubliant les moyens qui ont été engagés depuis quatre ans pour sortir de cette « spirale descendante » et mettre un terme à la dégradation des chiffres relatifs à la construction de logements sociaux.

En effet, il ne suffisait pas de faire un texte ; encore fallait-il avoir la volonté de dégager des moyens ! L'engagement national pour le logement fait précisément partie de ces moyens, faisant suite aux dispositions mises en oeuvre, notamment, par Gilles de Robien, dans le cadre de ses fonctions précédentes.

L'adaptation de la loi SRU est en effet actuellement en débat ; le projet de loi portant engagement national pour le logement doit revenir en seconde lecture devant le Sénat. Jean-Louis Borloo a ainsi pris l'engagement devant la commission du Sénat saisie au fond d'examiner la situation des communes rurales et périurbaines, qui connaissent un certain nombre de mutations, en distinguant le dossier des agglomérations, au sens retenu par l'INSEE.

Les propositions dont vous vous êtes fait l'écho, monsieur le sénateur, notamment s'agissant de l'inventaire des logements et de la pertinence de l'intercommunalité, échelon qui connaît un fort développement, ont d'ores et déjà permis d'enrichir le débat à l'Assemblée nationale. Car la question du logement social ne saurait se résumer à la visite d'une personnalité médiatique, si respectable soit-elle, ou à une présentation parfois simplificatrice.

Un certain nombre de dispositifs « supportés », au sens sportif du terme, par le Sénat, notamment le dégagement de moyens fonciers en faveur du logement social, feront sans doute l'objet d'un débat riche à l'occasion de cette nouvelle lecture au Sénat.

L'Assemblée nationale a d'ores et déjà élargi la définition du logement social, en y incluant les logements relevant de l'accession sociale à la propriété. Il s'agit d'une mesure importante, dont il convient de prendre toute la mesure, pour les communes rurales comme pour d'autres situées en secteur périurbain.

En effet, monsieur le sénateur, on parle beaucoup de la ville. Pourtant, et M. le président Gaudin ne m'en voudra pas de le dire, la question du logement, notamment des jeunes, se pose aussi en milieu rural. Cela prouve, s'il en était besoin, combien le logement contribue à la revitalisation de l'ensemble du territoire.

C'est à cet ensemble de préoccupations que nous souhaitons répondre.

J'ajouterai donc cette discussion, que nous avons pu avoir grâce à M. Mouly, au travail préparatoire à la seconde lecture mené, sur l'initiative de Jean-Louis Borloo, par la commission des affaires économiques du Sénat et singulièrement par M. Dominique Braye.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Je remercie M. le ministre délégué.

Je suis bien conscient du retard accumulé au cours des années précédentes. Je n'en ai pas parlé dans mon intervention, mais je tiens à le faire à présent pour saluer les efforts déjà accomplis par les gouvernements de MM. Raffarin et de Villepin.

Cette question va donc revenir en discussion devant le Sénat. Je ferai alors en sorte, au vu des pistes déjà dégagées ou esquissées, que nous puissions répondre davantage encore aux souhaits exprimés par les élus ruraux.

composition et missions du conseil de modération et de prévention

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 873, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Nous sommes heureux de retrouver Mme Payet, qui avait dû rentrer précipitamment à la Réunion en raison des récents événements.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie, monsieur le président.

Dans son article 1er, le décret n° 2005-1249 du 4 octobre 2005 énumère les missions du conseil de modération et de prévention qui, défini comme « une instance de dialogue et d'échange », ne saurait en aucun cas se substituer aux instances qualifiées en matière de santé publique.

Ce décret prévoit une composition équilibrée du Conseil, qui comporte quatre catégories de membres, incluant aussi bien les acteurs de la santé publique que les organismes professionnels de la production et de la distribution de boissons alcooliques, des parlementaires, des ministres, ou leurs représentants.

Or l'article 21 A de la loi d'orientation agricole nouvellement adoptée par les deux assemblées vient modifier profondément les missions de cet organisme, rendant obligatoire la saisine du Conseil sur tout projet de campagne de santé publique concernant les risques liés à la surconsommation d'alcool et sur tout texte législatif ou réglementaire intervenant dans son domaine de compétence.

L'objectif clairement affiché par les députés - il suffit de relire les comptes rendus de séance de l'Assemblée nationale pour le constater -, était bien de modérer les campagnes de prévention contre l'alcoolisme et non le caractère excessif de la consommation d'alcool, contrairement à ce que l'on aurait pu souhaiter.

Cela équivaut de fait à attribuer aux viticulteurs, qui ont osé affirmer, jusqu'au sein de notre assemblée, que le vin n'était pas de l'alcool, un rôle prépondérant dans l'organisation des campagnes de prévention.

Cette disposition vient briser la logique et la cohérence de l'action gouvernementale et brouille la lisibilité de la politique de santé publique. En effet, comment peut-on, à la fois, se fixer pour objectif de faire baisser la consommation d'alcool de 20 % en cinq ans et rendre obligatoire la saisine du conseil de modération et de prévention avant le lancement de toute campagne publique de prévention ?

Je me permets de rappeler quelques chiffres : la consommation excessive d'alcool est à l'origine, dans notre pays, de 45 000 décès par an, dont les deux tiers sont imputables au vin ; le nombre d'alcootests positifs a augmenté de 41 % ; enfin, 5 millions de personnes sont exposées à des difficultés d'ordre médical, psychologique et social, du fait de leur consommation d'alcool. Ainsi, l'alcoolisme coûte à l'État 18 milliards d'euros par an !

M. le ministre de la santé a déclaré dans la presse qu'aucune campagne de prévention ne serait cosignée avec qui que ce soit.

En conséquence, je lui demande de bien vouloir me préciser sa position sur ce dossier et me faire connaître, le cas échéant, les moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour que ce conseil de modération et de prévention conserve sa vocation initiale et sa composition équilibrée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Xavier Bertrand. Il m'a demandé de répondre en son nom à votre question, qui concerne un sujet auquel il attache la plus haute importance. La lutte contre l'alcoolisme est en effet un objectif de santé publique majeur qui figure en tant que tel dans la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004.

Comme vous l'avez rappelé, madame le sénateur, en France, chaque année, 45 000 décès sont imputables à l'alcool ; 5 millions de personnes sont exposées en raison de leur consommation d'alcool à des difficultés d'ordre psychologique ou social, et 2 millions de personnes sont dépendantes de l'alcool. Les coûts liés à la consommation excessive d'alcool sont donc considérables.

Il ne faut pas oublier non plus, par exemple, que la première cause de greffe du foie est la cirrhose hépatique d'origine alcoolique.

Le contexte actuel de la prévention dans ce domaine implique un débat entre le monde de la production vinicole et le monde de la prévention. Dans ce contexte, je vous le confirme, le conseil de modération et de prévention est une instance de dialogue et d'échange qui ne se substitue en aucun cas aux instances qualifiées en matière de santé publique ou, par ailleurs, de politique agricole.

Ce conseil a été créé par l'article 69 de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Le décret d'application de cette disposition est en cours de finalisation. Il reprend les termes de la loi et ceux du décret, abrogé, du 4 octobre 2005 qui avait créé une première mouture de ce conseil.

Le conseil de la modération a pour mission d'assister et de conseiller les pouvoirs publics dans l'élaboration et la mise en place des politiques en matière de consommation de boissons alcoolisées, et de donner un avis sur des textes législatifs et réglementaires.

L'objectif n'est en aucune façon d'affaiblir les nécessaires campagnes de prévention dans le domaine de la consommation d'alcool, il est bel et bien de créer un espace de dialogue, où les points de vue pourront s'échanger de manière responsable. À ce sujet, je tiens à souligner que l'avis du conseil de la modération est purement consultatif. Comme vous l'avez vous-même rappelé, madame le sénateur, le ministre de la santé et des solidarités reste le seul responsable de la politique de santé publique.

Vous vous interrogez aussi sur la composition de cette instance. Ce conseil, dont le président sera nommé par le Premier ministre, comptera trente-deux membres répartis en quatre groupes : quatre députés et quatre sénateurs, huit représentants des ministères dont le délégué interministériel à la sécurité routière et le président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, huit représentants des associations intervenant dans le domaine de la santé et huit représentants des organisations professionnelles.

Soyez assurée, madame le sénateur, que le ministre de la santé et des solidarités veillera personnellement à ce que les associations intervenant dans le domaine de la santé, en particulier dans le domaine de la prévention de la consommation excessive d'alcool, soient présentes et puissent faire entendre efficacement leur voix dans ce conseil.

Le conseil de la modération sera consulté sur les projets de campagne de communication publique relative à la consommation des boissons alcoolisées et sur les projets de textes législatifs et réglementaires intervenant dans son domaine de compétence.

Il pourra ainsi émettre des avis et recommandations sur toute question se rapportant aux usages et aux risques liés à la consommation des boissons alcooliques et proposer les études, les recherches, les évaluations et les actions d'information et de communication qui lui paraissent appropriées.

Enfin, le conseil de la modération pourra être saisi par le ministre en charge de la santé, le ministre chargé de l'agriculture, ou par un cinquième de ses membres sur toute question se rapportant aux usages et aux risques liés à la consommation des boissons alcoolisées.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées, monsieur le ministre, même si je ne comprends toujours pas pourquoi les missions et la composition du conseil de la modération ont été modifiées.

Vous m'avez indiqué que le ministre aura le dernier mot et qu'il ne se laissera influencer, ce qui est de nature à me rassurer.

Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, cinq millions de personnes souffrent, souvent silencieusement parce que l'alcoolisme est, hélas ! encore considéré comme une maladie honteuse. La meilleure façon de respecter la souffrance de ces personnes consiste, en matière d'information et de prévention, à prendre des mesures rigoureuses, qui ne soient pas systématiquement remises en cause par d'autres politiques du Gouvernement.

situation des anciens combattants concernant les pensions de réversion

M. le président. La parole est à M. Michel Guerry, auteur de la question n° 907, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Michel Guerry. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités et concerne les pensions de réversion servies aux anciens combattants assurés du régime général de la sécurité sociale.

Jusqu'à ce jour, seuls les revenus propres étaient pris en compte pour le calcul du plafond. Or une mesure, prise par le Gouvernement, supprimerait désormais le versement de la pension de réversion au conjoint survivant si les revenus de celui-ci, augmentés des pensions de réversion versées par les caisses complémentaires du conjoint décédé, dépassent 15 000 euros par an.

De très nombreuses craintes ont été soulevées par les anciens combattants concernés par cette mesure, qui sont loin d'être tous très riches.

Je souhaite savoir si tous les revenus sont pris en compte dans ce calcul. La réversion de la pension de mutilé de guerre ou de la pension issue du travail du conjoint, les pensions de déporté ou la retraite mutualiste seront-elles prises en considération ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, la situation matérielle de toutes les veuves et de tous les veufs est une préoccupation constante du Gouvernement.

Dans le régime général, le service d'une pension de réversion relève de la solidarité. À ce titre, une condition de ressources est prévue pour l'obtention d'une pension de réversion. Par conséquent, l'ensemble des revenus perçus par le conjoint survivant est normalement retenu pour apprécier le respect de la condition de ressources.

Des dérogations sont cependant prévues. La réforme de la réversion, mise en oeuvre par des décrets du 23 décembre 2004, n'a pas remis en cause ce principe, sous une seule réserve : les pensions de réversion versées par les régimes de retraite de base sont désormais considérées comme des revenus. Cette évolution est la contrepartie naturelle de la suppression de la règle de cumul d'une pension de réversion avec une pension de retraite ou d'invalidité.

La prise en compte des avantages concédés aux anciens combattants ou victimes de guerre n'a pas été modifiée dans le cadre de la réforme des pensions de réversion : la pension de réversion servie au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre reste intégrée dans la base ressources ; la réversion de la retraite mutualiste, quant à elle, n'est pas retenue dans la base ressources, puisqu'elle est assimilée à un revenu mobilier.

M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.

M. Michel Guerry. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je vais l'étudier en détail.

validation des trimestres pour le calcul de la retraite complémentaire

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 890, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, ma question concerne le décompte des trimestres validés pour les personnes ayant rempli leurs obligations militaires.

En effet, il apparaît que certains organismes d'assurance complémentaire de retraite valident non pas les douze premiers mois de service militaire, mais uniquement les mois effectués au-delà de cette période, et ce alors que tous les trimestres liés au service militaire sont validés dans le régime général de retraite.

Il faut souligner que très nombreuses personnes sont concernées par ce problème et attendent avec impatience la réponse qui pourra leur être apportée.

Monsieur le ministre, chaque organisme est-il libre de valider, ou non, cette période et, dans l'affirmative, cela n'engendre-t-il pas une iniquité ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, la validation des périodes de service militaire relève de modalités qui diffèrent en fonction des régimes de retraite et des choix réalisés par leurs conseils d'administration.

Ainsi, pour les régimes de base obligatoires et pour les régimes alignés pour les commerçants et artisans, le service national constitue une période assimilée au régime général. Il permet de valider les périodes de service national obligatoire, y compris pour les personnes qui n'étaient pas affiliées avant le service. La validation de cette période non contributive est à la charge du Fonds de solidarité vieillesse. Cette modalité est également en vigueur dans les régimes spéciaux.

En ce qui concerne les régimes complémentaires ARRCO pour les salariés non-cadres et AGIRC pour les salariés cadres, les règles sont fixées dans les accords nationaux interprofessionnels fondant ces régimes.

Il convient néanmoins de distinguer deux éléments. La durée du service militaire est intégralement prise en compte pour l'âge de liquidation. Les régimes complémentaires retiennent en effet la durée reconnue par le régime général. En revanche, concernant l'attribution de points de pension au titre de cette période, les modalités diffèrent entre l'ARRCO et l'AGIRC. Ainsi, l'ARRCO prend en compte cette période pour l'attribution de points si la durée de service est supérieure à douze mois, alors que l'AGIRC, pour sa part, n'attribue aucun point, quelle que soit la durée du service militaire.

Enfin, en ce qui concerne les retraites supplémentaires, leur fonctionnement contributif et l'application des règles prudentielles les conduisent à permettre une validation de période d'assurance, y compris au titre du service national, uniquement sous réserve de la constitution de provisions.

Ces modalités de validation sont hétérogènes, je le constate comme vous. Vous m'interrogez sur la possibilité de les faire évoluer. À cet égard, je dois vous rappeler qu'une telle évolution relève de la seule compétence des partenaires sociaux, qui sont gestionnaires de ces régimes.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, vous en convenez, la situation est quelque peu inéquitable. Certes, la capacité de remédier à cette situation ne relève pas directement de la compétence des ministères concernés. Toutefois, le Gouvernement pourrait encourager l'harmonisation entre les différents régimes afin de lever cette iniquité.