sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Missions d'information

3. Crise de la filière viticole française. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)

MM. Gérard César, auteur de la question ; Roland Courteau, Alain Dufaut, Gérard Delfau, Gérard Le Cam, Michel Mercier, Marcel Vidal, Jean Bizet, Bernard Barraux, Aymeri de Montesquiou.

présidence de M. Philippe Richert

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Clôture du débat.

4. Conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)

M. Dominique Mortemousque, auteur de la question ; Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Bernard Barraux, Aymeri de Montesquiou, Gérard Le Cam, Yves Détraigne, Mme Odette Herviaux, M. Philippe Nogrix, Mme Yolande Boyer.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

5. Conférence des présidents

6. Difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)

M. Jean Puech, auteur de la question ; Mme Éliane Assassi, MM. Yves Détraigne, Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Sittler, M. Jean Boyer.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.

Clôture du débat.

7. Conditions de transfert du revenu minimum d'insertion aux départements. - Discussion d'une question orale avec débat. (Ordre du jour réservé.)

MM. Guy Fischer, auteur de la question ; Bruno Retailleau Mme Éliane Assassi, MM. Michel Mercier, Claude Domeizel, Henri de Raincourt.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Clôture du débat.

8. Transmission d'une proposition de loi

9. Dépôt de rapports

10. Dépôt de rapports d'information

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MISSIONs D'INFORMATION

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des demandes d'autorisation de missions d'information suivantes :

1°) demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Argentine pour y étudier la situation sanitaire et le régime de protection sociale de ce pays ;

2°) demande présentée par la commission des affaires culturelles tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre aux États-Unis afin d'y étudier l'organisation du système universitaire et de recherche américains ainsi que celle des musées.

Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de sa séance du jeudi 30 mars 2006.

Je vais consulter le Sénat sur ces demandes.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, les commissions intéressées sont autorisées, en application de l'article 21 du règlement, à désigner ces missions d'information.

3

Crise de la filière viticole française

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 12 de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la crise de la filière viticole française.

La parole est à M. Gérard César, auteur de la question

M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous ici, la situation du secteur vitivinicole français est extrêmement difficile.

Depuis plusieurs années, le Sénat prête la plus grande attention à ce dossier. Dès 2001, la commission des affaires économiques a constitué une mission d'information sur l'avenir de la viticulture française ; j'en étais le rapporteur et notre collègue Gérard Delfau la présidait. Le rapport, qui a été présenté en juillet 2002, identifiait déjà d'importantes difficultés structurelles et la forte montée en puissance de la concurrence internationale.

Depuis lors, l'attention que porte le Sénat aux difficultés de ce secteur ne s'est jamais démentie, que ce soit à l'occasion des débats législatifs - comme lors de l'examen de la loi relative au développement des territoires ruraux ou de la loi d'orientation agricole - ou dans le cadre des travaux du groupe d'études de la vigne et du vin.

Monsieur le ministre, nous vous avons déjà interrogé sur ce dossier. Toutefois, devant la gravité croissante de la crise que traverse actuellement la filière, il m'a paru indispensable que nous puissions avoir un large débat en séance publique sur cette question.

M. Gérard César. Je reconnais bien volontiers que vous n'êtes pas resté inactif, puisque, au début de cette année, vous avez notamment chargé le préfet Bernard Pomel d'assurer la coordination et l'animation de la réflexion conduite au sein des dix comités de bassins viticoles afin de définir « une nouvelle stratégie indispensable pour conserver à la viticulture française la place d'excellence qu'elle occupe dans l'économie nationale et dans le rayonnement du pays ».

C'est dans ce cadre que M. Bernard Pomel vous a remis, il y a quelques jours, son rapport, qui constitue une base de propositions pouvant se décliner dans chaque bassin viticole dans le respect de sa propre spécificité.

Je souhaite donc saluer l'engagement du Gouvernement pour résoudre cette crise. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions maintenant connaître votre vision du problème. M. Pomel a formulé un certain nombre d'analyses et de propositions que vous avez regroupées dans la feuille de route de la stratégie nationale pour la viticulture. Il me semble qu'il serait bon que vous nous apportiez des précisions sur ces différents axes.

Concernant le premier axe, c'est-à-dire le fait de mieux adapter l'offre aux attentes du marché, vous comptez ouvrir l'éventail des pratiques oenologiques en ayant, par exemple, recours aux copeaux de bois, ce qui était jusqu'à présent interdit et que nous critiquions chez nos concurrents.

En outre, vous souhaitez renforcer la segmentation des produits exposés à la concurrence internationale. Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par là ? Y incluez-vous les vins de cépage et quelle est votre position sur cette question ?

Vous souhaitez également améliorer les procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, par l'ordonnance prévue dans la loi d'orientation agricole. Pouvez-vous nous dire où en est la rédaction de cette ordonnance ? Quelle est sa date de publication et quand sera-t-elle ratifiée par le Parlement ? Pourriez-vous nous présenter son contenu, comme vous vous y étiez engagé ?

En ce qui concerne les conditions d'agrément, je pense que l'on peut s'interroger en particulier sur le moment de l'agrément. Ne serait-il pas plus pertinent de délivrer l'agrément au moment de la mise en bouteille ou du transfert au négoce, c'est-à-dire au plus près du consommateur ?

Le deuxième axe, qui vise à soutenir le plan d'exportation du vin français en lançant notamment une marque et un logo « France », représente une excellente initiative. D'après vous, quel sera l'impact des 12 millions d'euros qui sont prévus pour mettre en oeuvre cette mesure ? Cette somme sera-t-elle suffisante compte tenu de la forte concurrence des vins étrangers ?

Le troisième axe a trait à la reconversion et aux restructurations grâce à des aides et par l'arrachage.

Pour ce qui est des aides, vous avez pu débloquer, en complément des moyens européens, 40 millions d'euros de subventions exceptionnelles et 40 millions d'euros de prêts aux exploitations. Quant à l'arrachage, c'est sans doute l'un des outils que nous devons utiliser. Toutefois, il ne résout pas tout : je pense en particulier aux quantités croissantes produites par nos concurrents sur le marché mondial ou européen.

Le dernier axe touche à la distillation de crise de quatre millions d'hectolitres pour la France, qui, pour la seconde fois, concernerait aussi les AOC avec deux millions d'hectolitres. D'ailleurs, quel sera le prix à l'hectolitre de cette distillation ? Il est important que ce prix soit attractif afin de diminuer les stocks.

Ce fait sans précédent illustre la gravité de la situation, mais constitue aussi un signal d'alarme pour le monde des AOC. C'est pourquoi nous portons naturellement la plus grande attention à l'ordonnance que vous préparez sur cette question.

Enfin, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le contenu du décret relatif à l'organisation des dix bassins de production ? Y aura-t-il des modulations en fonction des différents bassins et de leurs particularités ? Par ailleurs, comment concevez-vous dans ce cadre l'articulation entre les interprofessions, Viniflor, l'INAO, les collectivités territoriales, la recherche agronomique et les chambres d'agriculture ?

Nous souhaiterions également savoir comment se prépare la réforme de l'OCM sur le plan européen. Quelle est votre position sur le découplage des aides et quelle est votre conception de la future OCM-vin, qui se négocie en ce moment ?

J'espère que vous me pardonnerez, monsieur le ministre, de vous avoir assailli de nombreuses questions. Le débat d'aujourd'hui est très important pour nos concitoyens et pour cette filière, qui représente non seulement notre fierté nationale, mais surtout de nombreux emplois directs ou indirects.

Notre filière vitivinicole va mal.

M. Gérard César. Au-delà de ses difficultés économiques et matérielles, il y a aussi la fragilisation de l'image que les viticulteurs ont d'eux-mêmes. À cet égard, la mise en place rapide du Conseil de la modération sera un signe fort pour la filière. Il convient donc de leur adresser un message d'écoute et de soutien.

Vous avez démontré, monsieur le ministre, que vous étiez très attentif à la demande du Parlement et de la profession, et je vous en félicite. Maintenant, nous attendons la mise en oeuvre concrète de votre plan et les précisions que vous pourrez nous apporter sur les interrogations que je vous ai transmises.

Je voudrais aborder un dernier point concernant l'actualité.

Lors de sa séance du 20 décembre 2005, le Sénat a adopté deux amendements : l'un visait à ce que l'État cautionne un emprunt de 60 millions d'euros souscrit par le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, l'autre tendait à ce que l'État garantisse un prêt de 5 millions d'euros pour l'interprofession du Beaujolais afin de financer une aide complémentaire à la prime d'arrachage européenne. Cet acte de solidarité des viticulteurs et des négociants, qui financeront sur leurs ressources propres un soutien aux exploitations, mérite d'être souligné. Le Parlement et le Gouvernement l'ont parfaitement compris.

Depuis lors, le ministère du budget discute pied à pied l'attribution de l'État au prétexte que la prime versée serait supérieure à celle qui avait été initialement prévue, bien que le montant des aides accordées soit strictement identique au chiffre indiqué lors du vote du projet de loi de finances rectificative.

Notre débat d'aujourd'hui confirme que la viticulture traverse une grave crise, qui est sans précédent. Or, malgré le vote favorable des deux chambres du Parlement, rien de concret n'a abouti depuis le 20 décembre dernier.

M. Raymond Courrière. Comme d'habitude !

M. Gérard César. Monsieur le ministre, puisque vous avez apporté votre soutien total à ces deux mesures garantissant les emprunts, pourriez-vous intervenir auprès de M. le ministre délégué au budget, qui les avait approuvées le 20 décembre au matin - nous nous en souvenons tous -, afin qu'il donne des instructions à ses services pour faire respecter le vote du Parlement dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, la crise dans laquelle notre viticulture est plongée s'aggrave. La campagne précédente fut terrible, et l'actuelle est pire encore.

Monsieur le ministre, le feu est dans la maison et le gâchis est énorme.

Au cours des années précédentes, en Languedoc-Roussillon, un tiers des vignes a été arraché dans ce qui reste encore - mais pour combien de temps ? - le plus vaste vignoble du monde, alors que, pendant ce temps, d'autres plantaient à tour de bras.

M. Simon Sutour. À Bordeaux !

M. Roland Courteau. Pourtant, la crise frappe une nouvelle fois en Languedoc-Roussillon, alors que, ces dernières années, la profession n'a cessé d'investir dans les vignobles, dans les caves, qu'elle a emprunté, « réencépagé », joué à fond la carte de la qualité. Tout cela pour en arriver là !

Cette crise, nous l'avons vue se dessiner dès 2002, puis s'amplifier, éclater. On ne peut pas dire que les Gouvernements depuis cette date aient tout mis en oeuvre pour la prévenir.

Comme nous le savons tous dans cet hémicycle, cette crise est notamment la conséquence de la chute régulière de la consommation intérieure et de la baisse de nos exportations, du fait de la concurrence des pays du nouveau monde, mais également de l'Espagne.

Or ce n'est pas faute d'avoir réagi, ici même au Sénat ! (M. Gérard César acquiesce.) Ainsi, dès le mois de juillet 2002, en compagnie de MM. Gérard César et Gérard Delfau et de quelques autres, j'ai déposé le rapport n° 349 intitulé L'avenir de la viticulture française : entre tradition et défi du Nouveau Monde.

Dans ce document de 143 pages, nous analysions de manière rigoureuse les causes de la crise et présentions cinq grands axes d'actions susceptibles de la prévenir et de la stopper. Malheureusement, aucune suite ne fut donnée à ces propositions.

Aujourd'hui, le constat est accablant et l'ampleur des dégâts l'est tout autant. Ce ne sont pas mes collègues du groupe socialiste qui me démentiront !

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, connaissez-vous les conséquences de la saignée économique dans le département de l'Aude, pour ne prendre que ce seul exemple ? Elle se situe entre 50 millions et 60 millions d'euros. C'est une catastrophe pour l'ensemble de l'économie audoise !

Des exploitations sont en perdition et les revenus sont en chute de 40 % à 50 %, selon les cas. Des pans entiers de l'économie sont touchés et des milliers d'hommes et de femmes sont malmenés. Ainsi, j'ose le dire, des zones entières sont en train de « crever » !

Dans le même temps, l'arrachage définitif se poursuit. Pour nombre d'exploitations, c'est un véritable crève-coeur, mais également une bouée de sauvetage.

Je vous transmettrai d'ailleurs une note plus précise sur le problème des primes à l'arrachage. S'agissant de la campagne 2005-2006, 4 600 hectares sont annoncés, seulement annoncés, pour le département de l'Aude et 14 000 hectares pour la région Languedoc-Roussillon. Je laisse chacun ici apprécier toutes les conséquences de cette crise et mesurer les drames humains qui sont en train de se nouer.

C'est la raison pour laquelle je m'exprime non seulement au nom de mes collègues du groupe socialiste, notamment M.  Raymond Courrière, mais également de l'ensemble des parlementaires et du président du conseil général de l'Aude, ainsi que des conseillers régionaux et de nombre de maires.

Un grand journal du soir évoquait récemment les « smicards de la vigne ». Monsieur le ministre, dans certains cas, c'est encore pire ! Au moment où je vous parle, plusieurs centaines de viticulteurs de l'Aude et, plus généralement, du Languedoc-Roussillon ne sont même plus au SMIC, puisqu'ils ont demandé à bénéficier du RMI !

M. Roland Courteau. Après tant d'années d'efforts, nombreux sont ceux qui se sentent véritablement humiliés...

M. Roland Courteau. ...d'en être arrivés là.

Et, du RMI au RMA, il n'y a qu'un pas, qui a d'ailleurs été franchi par les représentants de l'État dans notre région. En effet, ces derniers se sont prononcés en faveur du RMA pour les viticulteurs, précisant que ces derniers étaient « des acteurs publics qui entretiennent les paysages » !

Est-ce là toute l'ambition que l'on nourrit à l'égard des viticulteurs ? Ces derniers participent pourtant au renom d'un produit qui est une référence mondiale ! Et, dans ce cas, n'est-ce pas un transfert supplémentaire de l'État vers les collectivités territoriales qui est envisagé ? Permettez-moi de vous poser une question précise, monsieur le ministre : si tel était le cas, l'État compenserait-il ce transfert aux départements ? Ou se défaussera-t-il une nouvelle fois sur les collectivités locales ? Cette question mérite une réponse.

En douze ans, le Languedoc-Roussillon a perdu 40 % de ses exploitations. Aujourd'hui, sur les 18 000 viticulteurs âgés de plus de cinquante ans, les deux tiers déclarent ne pas avoir de successeur connu.

M. Raymond Courrière. C'est volontaire !

M. Roland Courteau. Quel avenir réserve-t-on à cette région ? Veut-on tirer un trait sur un secteur d'activité porteur de milliers d'emplois et dont l'apport pour les exportations, l'aménagement du territoire et le développement économique est essentiel ? Veut-on laisser à la crise le soin d'effectuer le « sale boulot », à savoir rayer de larges contrées du Languedoc-Roussillon de la carte viticole ?

Dans cette région, comme dans le département de l'Aude - dois-je le rappeler ? -, nous n'attendons pas que tout nous tombe du ciel !

Ainsi, depuis plusieurs mois, le conseil général de l'Aude a réuni l'ensemble de la profession pour analyser la situation et faire émerger de nouvelles propositions d'avenir, qui seront ensuite proposées au niveau régional.

Pour sa part, le conseil régional a pris des initiatives en faveur de la promotion de nos vins. Il a notamment voté 12 millions d'euros de crédits, soit autant que ce que le Gouvernement consacre, à l'échelon national, au développement de nos exportations.

M. Simon Sutour. C'est même deux millions d'euros de plus !

M. Roland Courteau. Voilà qui est révélateur de la faiblesse des moyens engagés par l'État !

Monsieur le ministre, nos professionnels et nos élus ont une farouche volonté de se battre et d'avancer. Pour autant, pour nombre de viticulteurs en difficulté, la toute première des priorités est de passer ce cap. (M. Gérard César acquiesce.)

Ainsi, les dispositifs à moyen terme que vous évoquez dans le document Stratégie nationale et réforme de la filière viticole sont, j'en conviens, nécessaires. Mais, faute d'aides importantes dans l'immédiat, nombre de viticulteurs ne connaîtront jamais ces mesures, puisqu'ils auront disparu d'ici là, laissant leurs terres en friche et la désolation dans les communes.

M. Raymond Courrière. Et dans leur famille !

M. Roland Courteau. L'urgence commande donc de passer ce cap.

Monsieur le ministre, je regrette de vous le dire, les mesures conjoncturelles que vous avez annoncées ne sont pas du tout à la hauteur des effets dévastateurs de la crise. Sauf votre respect, le compte n'y est pas ! Et je vous le démontre.

Savez-vous à combien s'élèvent les pertes dans des zones pourtant réputées pour la qualité de leurs produits ? Elles varient entre 600 euros et 1 000 euros par hectare ! J'ai bien dit « par hectare » !

Avez-vous une idée du montant de l'aide à la trésorerie qui sera consentie au titre des aides que vous annoncez ? Elle s'élèvera à 1 000 euros en moyenne par exploitation - j'ai bien dit « par exploitation » - et à 2 000 euros en moyenne pour les jeunes.

Vous pouvez donc mesurer l'écart entre les mesures que vous proposez et les besoins qui existent.

Comme on peut le constater, l'ensemble des mesures conjoncturelles, qui s'élèvent à 90 millions d'euros au total, présentées par M. le Premier ministre ont constitué un très bel effet d'annonce ! Mais, appliquées au cas par cas, elles constitueront une fois de plus un saupoudrage inefficace : ces 90 millions d'euros pour 2006 représentent 20 millions d'euros de moins qu'en 2005.

Monsieur le ministre, il est, me semble-t-il, hautement souhaitable que vous revoyiez votre copie.

Encore une fois, c'est un véritable cri d'alarme que je lance au nom de mes collègues du groupe socialiste ! Il y va de la vie ou de la mort d'un grand nombre d'exploitations et de l'avenir de zones entières !

Nous avons besoin d'une baisse substantielle des charges sociales et de dégrèvements de taxes et de charges. Il faut également mettre en place un véritable soutien social, de l'ordre de 3 000 euros par exploitant et par an, et ce dans le cadre d'un plan triennal. Ce n'est qu'ainsi que nous sauverons nombre d'exploitations et que nous aiderons réellement nos vignerons à passer le cap !

Cela dit, et au-delà de l'insuffisance des mesures annoncées, je souhaite attirer votre attention sur les conditions de leur mise en oeuvre sur le terrain. Et je veux le faire à la lumière de ce que l'on a pu constater en 2005.

Par un curieux concours de circonstances, certains des maigres crédits dirigés vers notre département n'ont pas pu être utilisés. Ce fut notamment le cas pour l'enveloppe financière des prêts consolidés.

Lorsque j'ai tenté de me renseigner, il m'a été dit que la mesure, qui avait été décidée en février 2005, n'avait été effectivement mise en application qu'en décembre de la même année. Entre temps, et face à ces lenteurs administratives extrêmes, les viticulteurs en difficulté furent bien contraints de trouver une autre solution avec le Crédit agricole.

L'enveloppe consacrée aux prêts de consolidation au titre de l'année 2005 n'a donc été utilisée, et pour cause, qu'à concurrence de 20 %.

M. Raymond Courrière. Ce sont des « crédits baladeurs » !

M. Roland Courteau. « Autant d'économies pour l'État », serais-je tenté d'ajouter.

Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas conserver cette ligne de crédits et la réutiliser en 2006, en complément des nouvelles aides ? C'est une proposition.

Le deuxième exemple concerne les prêts consolidés aux structures économiques. Là également, la mesure fut annoncée au printemps 2005, mais les formulaires ne furent disponibles qu'au mois de décembre suivant, tandis que les dossiers à constituer furent d'une lourdeur et d'une complexité extrêmes.

M. Simon Sutour. C'est fait exprès !

M. Roland Courteau. Résultat : la profession chercha une autre solution, ce qui se traduisit une nouvelle fois par la non-utilisation d'une partie de l'enveloppe.

S'agissant toujours des lenteurs administratives, dont nul ne sait d'ailleurs si elles sont volontaires ou non, permettez-moi de mentionner un dernier exemple dans un autre domaine : les aides à l'exportation annoncées en 2005.

Comme nous le savions déjà, celles-ci sont sept fois moins élevées que celles qui sont consenties par l'Espagne et dix fois moins élevées que celles qui sont accordées par l'Australie. Mais ce que nous ignorions, c'est que de nombreux dossiers sont aujourd'hui encore soumis à instruction et n'auraient toujours pas abouti. Le moins que l'on puisse dire est que tout cela manque de réactivité ! Ce n'est pas ainsi que nous inverserons la tendance à la baisse de nos exportations !

Dès lors, vous comprendrez pourquoi la profession est si souvent sceptique lorsque le Gouvernement annonce des financements.

Dans votre plan d'aide au départ, vous évoquez les préretraites. Selon les informations dont nous disposons, il n'y aurait aucune augmentation et l'on en resterait autour de 5 500 euros par an, soit 460 euros par mois. C'est un peu plus que le RMI pour des gens qui, pourtant, ont travaillé toute leur vie.

Monsieur le ministre, il faut réaménager ce régime, comme le permettent d'ailleurs de récentes décisions de l'Union européenne, en portant le montant annuel des préretraites jusqu'à 18 000 euros par an. Ce dispositif est cofinancé, faut-il le rappeler, à 50 % par l'Europe.

Tout cela nous inquiète et nous rend très pessimistes.

À propos de la nécessité d'assainir la situation du marché actuel, vous avez annoncé des mesures de distillation. C'est une mesure nécessaire, destinée à permettre l'évacuation des excédents de stocks.

Mais vous avez fait cette annonce sans avoir la certitude que l'Europe vous accorderait son feu vert, s'agissant tant des volumes que des prix, qui sont particulièrement bas : quatre euros pour les appellations d'origine contrôlée, les AOC, et deux euros cinquante pour les vins de pays et les vins de table.

De surcroît, vous avez annoncé ces montants sans préciser si le Gouvernement entendait apporter un complément de prix et à quel niveau.

Plusieurs responsables professionnels m'ont fait remarquer que la réaction du marché ne s'était pas fait attendre. Face à ces annonces de prix de distillation particulièrement faibles, les cours ont immédiatement dégringolé, puisque le négoce s'est calé à deux euros soixante le degré hectolitre, alors que l'on se situait autour de trois euros, seulement quelques jours auparavant. L'effet a donc été inverse à celui qui était recherché. C'est catastrophique !

Vous en conviendrez, dans l'incertitude où nous nous trouvions par rapport aux décisions de l'Europe, il était pour le moins imprudent de faire cette annonce avec un prix aussi faible.

J'espère au moins que vous serez aujourd'hui en mesure de corriger le tir et d'annoncer des prix de distillation plus importants, sur des volumes plus significatifs et avec des délais de mise en oeuvre immédiats. C'est extrêmement urgent si l'on veut mettre fin à cet effondrement des cours.

En outre, le complément de prix de soixante centimes d'euros que vous avez annoncé lors de la précédente distillation, c'est-à-dire en 2005, n'a toujours pas été versé par l'État à nos producteurs.

Puisque je viens d'évoquer l'Union européenne, je souhaite également attirer votre attention sur la question des 150 000 hectares plantés de façon illicite en Espagne, en Italie, en Grèce et peut-être même en France, m'a-t-on soufflé.

M. Simon Sutour. Dans le Bordelais ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. L'Union européenne va-t-elle demander leur arrachage ?

Pouvez-vous m'apporter toutes précisions sur ce dossier ? Et, dans la mesure où ces arrachages ne seraient pas encore effectifs - permettez-moi de sourire ! -, peut-être serions nous bien inspirés de demander aux instances européennes d'envoyer à la chaudière les quelque 10 millions d'hectolitres qui sont produits à partir de cépages plantés illicitement. Ce sont autant d'excédents qui libèreraient le marché européen !

M. Roland Courteau. Toujours à propos de l'Union européenne, nous souhaitons en appeler à la plus grande vigilance sur la toute prochaine réforme de l'organisation commune du marché du vin, ou OCM vin.

L'accent doit être mis sur plusieurs points fondamentaux, notamment sur une OCM spécifique, un budget substantiel, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, le refus du découplage, la coresponsabilité, la verticalité, le lien avec le développement rural et le rôle des organisations de producteurs.

Il doit également être mis sur des financements qui doivent servir au développement des marchés, à des actions collectives de promotion et d'information sur le vin ou à des actions collectives sur les marchés, notamment à l'export.

N'oublions pas l'arrachage temporaire, avec la possibilité de cession des droits en fin de période.

Enfin, l'évolution du marché des biocarburants mérite aussi d'être examinée.

Permettez-moi de revenir sur le volet structurel des mesures d'application de la stratégie nationale et de la réforme de la viticulture, sur lesquelles je ne m'étendrai pas aussi longtemps. Non que je les juge inintéressantes : comment le pourrais-je d'ailleurs, alors que, depuis 2002, nous ne cessons de proposer des mesures souvent identiques ?

Sur ce volet, je vous renvoie, une fois encore, à notre rapport n° 349 sur l'avenir de la viticulture française. Je regrette d'ailleurs que l'on ait perdu tant de temps.

Permettez-moi tout de même de faire une remarque : je n'ai rien vu, dans votre projet, sur la relance de la consommation intérieure. Or vous savez que, d'année en année, le nombre de non-consommateurs et de consommateurs occasionnels de vin s'accroît, tandis que le nombre de consommateurs réguliers régresse. Aujourd'hui, ces derniers ne sont plus que 21 %.

Faut-il y voir la conséquence de l'évolution des modes de vie ? Certainement ! Faut-il y voir la conséquence d'une certaine diabolisation de ce produit, au travers de campagnes de prévention de l'alcoolisme ? Si celles-ci sont au demeurant fort légitimes, elles se transforment systématiquement en campagnes anti-vin, et ce au mépris de l'article L. 3311-3 du code de la santé publique, que j'avais fait adopter, ici même, voila quelques années, et qui, je le rappelle, interdit dans ce cadre toute discrimination entre les différentes boissons.

Je rappelle également que notre proposition de loi visant à donner un statut spécifique au vin, en le distinguant des alcools durs, comme a su le faire l'Espagne, est toujours sur le bureau du Sénat. Selon les textes en vigueur, elle est en tout point conforme au droit communautaire. Alors, qu'attend-on pour l'inscrire à l'ordre du jour ?

Cependant, je me réjouis que nous ayons pu récemment, ici même, ensemble, assouplir et clarifier la législation en matière de communication et sécuriser la profession. Cela fut fait, d'ailleurs, sans turbulences majeures, ce qui est plutôt rare dans cet hémicycle sur un tel sujet.

Avant de conclure, je vous poserai une ultime question, monsieur le ministre. Lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, vous aviez, à l'occasion de l'examen d'un amendement que j'avais déposé sur les biocarburants, pris l'engagement de réunir « un groupe de travail auquel seraient associés tous ceux qui le souhaitent et dont les travaux déboucheraient sur des mesures concrètes ». Cela figure au Journal officiel du 7 novembre 2005, page 6679. Il s'agissait d'étudier la valorisation du développement du bioéthanol à travers cette filière, ainsi que la question de l'éthanol.

Près de six mois ont passé. Vous êtes donc certainement en mesure aujourd'hui de nous annoncer une date. Comptez-vous tenir cet engagement ?

En conclusion, notre viticulture, je l'affirme ici même, encore une fois, a les moyens de ses ambitions. La diversité et la complémentarité de ses productions, ainsi que l'image d'authenticité qui est la sienne, comptent parmi ses meilleurs atouts. Notre profession a su se mobiliser, se moderniser et conjuguer futurisme et tradition pour relever les défis.

Il suffirait maintenant que le Gouvernement mesure pleinement le rôle de ce secteur d'activité sur l'économie du pays - je rappelle que, à l'exportation, il représente près de 6 milliards d'euros, soit l'équivalent de cinq cents rames de TGV - et se décide à aider cette filière de manière plus importante qu'il ne l'a fait jusqu'à présent. Cela, monsieur le ministre, est-il dans vos intentions ? Vous en donnera-t-on véritablement les moyens ? Là est toute la question. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant qu'élu de la ville d'Avignon, capitale des côtes du Rhône, et sénateur d'un département, le Vaucluse, sur le territoire duquel se trouvent des appellations d'origine contrôlée aussi renommées que les côtes-du-Rhône, mais également les côtes-du-Ventoux et les côtes-du-Luberon, sans oublier les célèbres vins de Châteauneuf-du-Pape, il était logique que j'intervienne.

Je me réjouis que notre collègue Gérard César ait suscité ce débat et je tiens à l'en remercier.

Il est vrai que de nombreux viticulteurs de notre département, comme des autres zones de production de notre pays, se trouvent dans une situation de détresse, confrontés qu'ils sont à une crise sans précédent. Malgré tous les efforts consentis par les vignerons vauclusiens pour améliorer la qualité et adapter le volume de vin produit à la demande - il est vrai, monsieur le ministre, que toutes les régions concernées par de telles difficultés n'ont pas réalisé ces efforts, mais je ne dénoncerai personne ! -, le marché tarde effectivement à repartir.

Au regard de l'importance économique de cette activité dans un département tel que le Vaucluse, il apparaît nécessaire que nous nous mobilisions tous pour soutenir nos vignerons, d'autant plus que la vallée du Rhône a démontré sa capacité à prendre toutes ses responsabilités, notamment par sa participation exemplaire à la distillation de crise obtenue pour les AOC en 2005, ou bien encore par sa politique courageuse en matière de diminution des rendements et les interventions efficaces de l'interprofession dans la maîtrise de l'offre.

À ce stade de mon intervention, je reviendrai donc, monsieur le ministre, moi aussi, sur les mesures que vous avez annoncées le 29 mars dernier dans le cadre de votre plan stratégique national pour la viticulture.

J'évoquerai tout d'abord la gestion des marchés par bassin de production, qui constitue l'axe fort de votre plan. Celle-ci peut, me semble-t-il, se révéler positive et déboucher sur une réelle concertation, voire - pourquoi pas ? - sur des synergies entre les différentes catégories de produits - AOC, vins de pays -, à condition, toutefois, d'une part, de bien définir les missions respectives du Conseil national de la viticulture française, de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture, VINIFLHOR, et de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, ce dernier devant conserver la responsabilité exclusive des conditions de production - dont le rendement - et du contrôle de la qualité des AOC, et, d'autre part, de confier aux interprofessions, en favorisant l'émergence d'une seule structure par bassin de production, la concertation préalable, la décision et la mise en oeuvre de toutes les mesures de gestion du marché relatives à ce bassin. Je pense sincèrement que, sans le respect de ces préalables, le succès souhaité ne sera pas au rendez-vous.

S'agissant ensuite du volet relatif à la qualité, si la meilleure maîtrise qualitative des produits, en particulier la réforme de l'agrément, va dans le bon sens, il convient désormais, comme l'a dit Gérard César, de confirmer cette orientation en publiant rapidement les ordonnances prévues dans la loi d'orientation agricole, qui fixeront le cadre réglementaire dans lequel s'inscrira cette réforme, essentielle pour la crédibilité de nos productions, en particulier à l'échelon international.

J'en viens maintenant au volet relatif aux mesures conjoncturelles. Si les 90 millions d'euros d'aides d'urgence aux exploitations en difficulté que vous avez annoncés, monsieur le ministre, mais dont seulement 50 millions d'euros, il faut le rappeler, iront à des aides directes, vont incontestablement dans le bon sens et doivent être salués, cette somme reste cependant insuffisante au regard de la gravité de la crise qui touche toute notre viticulture.

Par exemple, pour les seules côtes-du-Rhône, la perte de chiffre d'affaires annuel due à la crise est supérieure à 2 000 euros par hectare - il est normal qu'elle soit plus importante que pour les vins du Languedoc -, soit plus de 100 millions d'euros au total pour cette seule appellation. Le montant de cette perte doit d'ailleurs être rapproché, comme l'a fait Roland Courteau, de l'enveloppe individuelle accordée aux agriculteurs en difficulté, qui est limitée à 3 000 euros par exploitation sur une période de trois ans !

Concernant le volet relatif aux mesures structurelles, toutes les dispositions qui facilitent l'adéquation entre l'offre et la demande, tant globalement que par catégorie de produits, doivent, bien sûr, être encouragées. Le plan que vous nous avez présenté, monsieur le ministre, en comporte un certain nombre, c'est vrai. Pour certaines d'entre elles - je pense à celles qui concernent la gestion du potentiel de production et la distillation -, un lien très étroit existe avec la politique communautaire et l'organisation commune du marché. J'estime que la réussite de ce plan passera sans doute par la capacité du Gouvernement à faire intégrer dans la nouvelle OCM vin un maximum de dispositifs de gestion de l'offre absolument nécessaires au bon fonctionnement des bassins mis en place.

Enfin, s'agissant du volet relatif aux aides à l'exportation, là encore, nous devons vous féliciter des objectifs qui ont été fixés, mais nous déplorons que les moyens financiers mis en oeuvre - 12 millions d'euros - manquent pour le moins d'ambition.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Alain Dufaut. Voilà pourquoi il serait souhaitable que les conditions d'accès à ces aides ne relèvent pas, comme cela a déjà été dit, du parcours du combattant, ...

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Alain Dufaut. ... ce qui les rend souvent tout à fait inopérantes.

Il convient également, monsieur le ministre, que les crédits de votre premier plan qui n'auraient pas été consommés viennent abonder ceux du deuxième plan et, enfin, que vous puissiez vous engager, dans le cadre de la réforme de l'OCM, à développer de manière très importante les aides communautaires à l'exportation des vins.

En effet, le temps béni où les viticulteurs français pouvaient produire sans se préoccuper des débouchés a pris fin avec la montée en puissance de pays comme l'Australie, l'Argentine, la Californie, etc. Aujourd'hui, le commerce extérieur français, qui n'avait pas besoin de cela, a perdu l'un de ses plus éminents vecteurs de réussite.

J'ajoute que les exportations de vins français n'ont pas seulement une valeur symbolique, liée à l'image prestigieuse de ce produit fortement attaché à nos terroirs - il est vrai, monsieur le ministre, que, à l'étranger, où que l'on aille, en matière de gastronomie, la France, c'est le vin et le vin, c'est la France -, elles ont également un caractère économique. Les exportations de vins et de spiritueux, les plus importantes en valeur du secteur agroalimentaire, avec 7,5 milliards d'euros, représentaient en 2004 l'équivalent de la vente de cinquante Airbus A 380 !

Voilà pourquoi nous devons favoriser la mise en oeuvre de stratégies commerciales de développement de nos marchés sur tous les pays étrangers, car la diminution de la consommation de vin dans les pays traditionnellement producteurs, en particulier dans le nôtre, peut être largement compensée par l'augmentation enregistrée dans les pays nouvellement consommateurs, au fur et à mesure que, grâce au tourisme, aux médias comme Internet et la télévision, ainsi qu'à cette mondialisation que nous fustigeons tant par ailleurs, le modèle occidental de consommation gagne du terrain.

Pour terminer, permettez-moi d'évoquer un point qui me tient à coeur et que je considère comme essentiel. Il me semble indispensable de travailler également sur le fonctionnement de la chaîne des intermédiaires, plus ou moins nombreux, qui séparent le producteur du consommateur, en partant d'un constat très simple : lorsque les cours s'effondrent à la production, le consommateur est loin d'en être le principal bénéficiaire !

M. Alain Dufaut. Prenons encore une fois l'exemple, que je connais bien, des vins des côtes-du-Rhône : en dix-huit mois, les prix payés aux producteurs, pour le vrac, ont diminué de 40%.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Alain Dufaut. Dans le même temps, le prix de vente moyen au consommateur a diminué, lui, de 4 % seulement, ...

M. Roland Courteau. C'est encore vrai !

M. Alain Dufaut. ... soit un rapport de un à dix. Ce n'est pas normal !

La véritable question est de savoir comment briser ce cercle infernal et destructeur. Il faut, tout simplement, me semble-t-il, envisager d'interdire l'achat de certains produits agricoles à un prix inférieur à leur prix de revient. Ce n'est pas facile.

Nous nous battons actuellement, en Vaucluse, pour les fruits ; il s'agit, en effet, du même principe et donc de la même bataille. Il est vrai que nous avons déjà réussi à interdire la revente à perte par la grande distribution, même si cette dernière parvient à contourner allégrement cette interdiction.

M. Alain Dufaut. Je crois que nous pourrions nous engager dans cette voie. Il me semble qu'il ne serait pas très difficile, monsieur le ministre, d'établir un prix de revient indicatif pour un type de produit donné puisque, chaque année, l'administration fiscale et la profession s'entendent, pour chaque produit, sur un compte de charges qui sert à l'établissement des revenus des agriculteurs imposés forfaitairement.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments que je tenais à apporter, trop rapidement compte tenu de l'ampleur du sujet, à ce débat. J'espère, comme l'ont dit les précédents intervenants, que celui-ci constituera une contribution intéressante et, si possible, décisive dans la recherche de solutions véritablement pérennes pour, enfin, permettre à la viticulture française de sortir de la crise dont elle souffre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je me réjouis de ce débat, dont l'initiative revient à notre collègue Gérard César et à quelques autres, qui l'ont ardemment demandé, et que j'avais moi-même souhaité lors d'une question d'actualité.

« Les raisins de la colère » : telle était la manchette des journaux au moment de la présentation du rapport Pomel et à la veille de l'annonce de votre nouveau plan de relance de la viticulture, le deuxième en deux ans, monsieur le ministre.

Au-delà du rappel spectaculaire et racoleur de la crise des années trente aux États-Unis, ces titres ont eu le mérite de faire comprendre à l'opinion publique le drame qui se joue au sein de la filière viticole.

Certes, il existe des régions viticoles prospères, comme la Champagne, et c'est heureux ! De même, je connais en Languedoc des domaines privés et des caves coopératives qui, malgré la pression de la concurrence mondiale, continuent à assurer un revenu correct aux vignerons, mais c'est l'exception.

Désormais, il n'est plus rare de rencontrer des viticulteurs travaillant à perte et survivant, éventuellement, grâce au salaire du conjoint ou au RMI financé par le conseil général. Au préjudice économique qu'ils subissent s'ajoute le sentiment d'une fierté blessée...

Aussi, l'annonce de votre plan de relance devait marquer un sursaut, redonner l'espoir, rassurer les metteurs en marché, orienter - enfin ! - à la hausse le prix d'achat du degré hecto, proposé par le négoce et la grande distribution. Quinze jours après, - et c'est ce qui m'inquiète - je ne perçois pas encore un signe de redressement. Est-ce trop tôt ? Ou bien le message n'était-il pas suffisamment ciblé ou assez fort ?

La réponse participe un peu de toutes ces raisons, sans doute, même si les financements mobilisés par l'État sont loin d'être négligeables.

La principale raison du scepticisme vient de l'incertitude qui règne encore autour de la distillation. Sera-t-elle acceptée par Bruxelles ? Si oui, comment, faute de pouvoir la rendre obligatoire - hélas ! -, lui donner suffisamment d'attractivité, par le prix, pour que chaque bassin de production prenne sa part de cette mesure d'assainissement du marché ? De la réponse dépend la reprise des cours dans l'immédiat.

Suit une déception inattendue : le montant de la préretraite est dérisoire, à peine égal au RMI...

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Gérard Delfau. ... et, malgré les promesses qui m'avaient été faites, les conditions d'accès sont tellement restrictives que le nombre de dossiers éligibles risque de rester inférieur à ce qui est souhaitable.

Autre question : l'argent sera-t-il mobilisé en temps et en heure pour financer toutes les mesures de court terme d'aides à la trésorerie et aux exploitations en difficulté, par exemple ?

Nous avons vécu l'incompréhensible retard des versements concernant la reconversion qualitative différée, la RQD, jusqu'à l'avance faite récemment sur le budget de l'État. Il faut, monsieur le ministre, éviter à tout prix que ne se reproduisent ces errements, quels qu'en soient les responsables ! Car, au final, que penseraient les vignerons et les élus s'il s'avérait, au début de 2007, que les financements annoncés aujourd'hui n'ont pas été mis en oeuvre malgré l'urgence des situations individuelles et collectives ?

Pour ce qui concerne le moyen terme, nous sommes dans une plus grande incertitude encore. Qu'allez-vous retenir du rapport Pomel, base de travail intéressante, même si certaines orientations sont contestables, et du rapport transmis par le préfet de région du Languedoc-Roussillon, au terme d'une longue écoute des acteurs professionnels et des élus ? L'idée d'une interprofession unique, dans les régions qui n'en possèdent pas, chemine, et c'est tant mieux ! Comment pensez-vous encourager cette évolution ?

S'agissant de l'entité « comité de bassin de production », désormais unanimement admise, quels seront ses compétences et son pouvoir d'autodiscipline ? Aura-t-elle une base juridique ?

Au niveau national, à quand la mise en place effective du conseil de modération et de prévention ? Comment allez-vous composer le conseil national de la viticulture ? Sera-t-il représentatif ? Sera-t-il pluraliste ? La filière viticole a besoin de toutes ses composantes, y compris de la plus anciennement organisée et qui reste la plus puissante : la coopération.

Au coeur de ces débats, une inconnue demeure : où seront assurés les arbitrages parfois douloureux qu'impose, à tout moment, l'évolution d'une viticulture insérée sur le marché mondial ? Quelles orientations, de surcroît, seront retenues par l'Europe ? La France y aura-t-elle toute sa place, la première encore ?

À ce propos, une question encore secondaire, mais importante et qu'il faudra traiter, se pose : comment réaffecter le foncier vendu rendu vacant par l'arrachage définitif ? Je constate que le plan « biocarburants » fait l'objet d'une mise en cause par le lobby pétrolier qui, malgré des profits considérables, cherche à retarder encore cette réorientation nécessaire et si conforme à l'intérêt général.

Le Languedoc-Roussillon aura-t-il accès aux crédits européens qui conditionnent la viabilité économique de ces productions qui, sur la base du volontariat, donneraient une nouvelle chance à des terres vouées à la jachère ou, pire, à l'urbanisation mal contrôlée ?

Pour conclure, je tiens à vous redire, monsieur le ministre, à quel point m'inquiète le découragement des acteurs de la filière viticole en Languedoc-Roussillon. Vous devez en prendre acte aujourd'hui, car la réussite économique, c'est d'abord une question de psychologie. Comment rebondir si le ressort est cassé ? Comment reconquérir le marché mondial si la volonté collective - et pas seulement dans notre région - fait défaut ?

Il vous appartient, à vous qui représentez le gouvernement de la France, d'effacer les incertitudes, de répondre aux interrogations et d'annoncer une initiative forte, spectaculaire même, pour rassembler la profession. Vous avez fait un premier pas dont nous vous donnons acte volontiers mais, dans le même temps, des vignerons meurent en silence, des collectivités locales sont frappées au coeur, une structuration ancienne de la profession est en voie d'effondrement.

Rassemblons nos efforts et redonnons une chance à la viticulture française, comme nous l'avions souhaité lors de la présentation du rapport devant le Sénat.

Pour cela, il faut un engagement plus net, plus volontariste du Gouvernement. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous-même et, au-delà, M. le Premier ministre, saurez très vite donner ce signal. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de la viticulture ne date pas d'hier, puisque, depuis 2000, les cours ne cessent de chuter.

Derrière une profession touchée au coeur, même si la crise connaît des différences d'intensité selon les régions et les produits, se cachent des hommes et des femmes, des familles, qui souffrent et se révoltent, à juste titre.

Ils aiment leur métier, ils s'accrochent à leurs terres, à leurs vignes, ils ont une grande dignité. Ce n'est que quand ils n'ont plus le choix qu'ils se résignent à solliciter, par centaines, le RMI pour survivre.

M. Roland Courteau. Et voilà !

M. Gérard Le Cam. Le 15 février dernier, par milliers, ils ont défilé à Narbonne, à Béziers, à Nîmes, à Avignon et à Bordeaux.

M. Raymond Courrière. On y était !

M. Gérard Le Cam. Endettés par la chute des cours, les vignerons l'« ont mauvaise », en particulier dans le Languedoc-Roussillon, où, après avoir arraché des milliers d'hectares et amélioré la qualité des vins produits, c'est encore à eux qu'il est demandé de nouveaux efforts.

Quelle est la nature de cette crise profonde ?

Elle tient, d'abord, aux débouchés intérieurs et extérieurs.

Sur le plan intérieur, la consommation, qui est d'environ 34 millions d'hectolitres, baisse continuellement, à la fois pour des raisons d'évolution du goût, des modes de vie, des modèles médiatiques, mais aussi pour des raisons de prix, car, si le vin est très souvent mal payé aux producteurs, il est revendu au prix fort par la grande distribution, qui assure 75 % de la revente aux ménages.

Les débouchés extérieurs, à savoir l'exportation, se situent autour de 15 millions d'hectolitres et sont désormais concurrencés par les vins dits du « nouveau monde » -Californie, Australie, Chili, Afrique du Sud, Argentine - qui, eux aussi, connaissent actuellement une crise des débouchés au plan mondial.

M. Gérard César. C'est vrai !

M. Gérard Le Cam. D'un côté, 34 millions et 15 millions d'hectolitres, soit 49 millions d'hectolitres, et, de l'autre, une production nationale moyenne de 55 millions d'hectolitres et 5 millions d'hectolitres d'importations, soit 60 millions d'hectolitres. La crise des débouchés concerne donc environ 10 millions d'hectolitres.

Les espoirs de la profession portent sur un regain crédible de la consommation nationale, mais surtout sur la relance de l'exportation, relance qui nécessite une véritable révolution culturelle vinicole, aujourd'hui au milieu du gué, afin de répondre à la demande des pays non producteurs en particulier.

Cette relance appelle des aides beaucoup plus importantes de la part de l'État pour conquérir les nouveaux marchés.

L'adaptation de la viticulture française aux nouveaux enjeux mondiaux nécessite encore quelques années, et c'est pour franchir ce cap que les vignerons demandent des aides au Gouvernement et à l'Europe.

Parmi les handicaps inhérents à la viticulture française, nos collègues Gérard Delfau et Gérard César en pointaient cinq, en 2001 et 2002, dans leur rapport : une attention insuffisante portée à la qualité du produit vin ; une offre peu lisible pour le consommateur, caractérisée par 450 appellations, 127 dénominations, 650 vins de pays ; une communication insuffisante, équivalant au quart des investissements des eaux minérales ; un manque global de compétitivité face à la structuration offensive des nouveaux pays producteurs ; une prise en compte environnementale insuffisante, car il est vrai que la profession est grande consommatrice de produits de traitement portant atteinte au milieu naturel.

Tout cela, la profession l'a bien compris et subit de plein fouet les effets de la mondialisation. S'adapter sans perdre son âme, en maintenant le potentiel de production et les hommes qui sont le gage de la vie et de l'aménagement de nos territoires, telle est l'équation à résoudre dans les meilleurs délais. Accompagner les effets de la mondialisation, ou s'y plier, risque de conduire des milliers de viticulteurs à la faillite et de laisser des dizaines de millions d'hectares à la friche, car, très souvent, ces terres ne peuvent produire que de la vigne.

Il convient donc de contrer cette mondialisation, où concurrence sauvage et anéantissement de l'autre sont les maîtres mots.

Le rapport sénatorial consacré à l'avenir de la viticulture française avançait cinq axes de préconisations au regard des constats et handicaps précités.

Le premier axe, intitulé « investir largement dans la qualité », invitait à poursuivre la restructuration du vignoble, à maîtriser les rendements, à diffuser les bonnes pratiques culturales et à réformer l'agrément des vins.

Le deuxième axe visait à rendre « l'offre plus lisible et plus visible » en réclamant les catégories et en améliorant l'étiquetage.

Le troisième axe mettait « le consommateur au centre des préoccupations », afin de passer d'une culture de l'offre à une culture de la demande en produisant le vin qu'il souhaite.

Le quatrième axe prévoyait un « accompagnement par une politique viticole adaptée » et préconisait la distillation obligatoire de crise, la répartition par état du contingent ouvert au titre de la distillation d'alcool de bouche et un régime d'arrachage temporaire.

Enfin, le cinquième axe évoquait le sujet très controversé de « vin et santé » et de la diffusion des acquis scientifiques dans le cadre d'une consommation modérée de vin. Sans vouloir jouer les provocateurs, je rappellerai que, d'après Pasteur, « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons »...

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Gérard Le Cam. Toutes ces propositions sont nécessaires, mais elles ont un coût que la profession ne peut à elle seule supporter, particulièrement en cette période de chute des cours et de nécessaire gestion des excédents, qui atteignent 11 millions d'hectolitres.

Certes, chaque année, l'État apporte des aides pour adapter la viticulture française au marché mondial, mais ces aides semblent très insuffisantes au regard des besoins. Les 90 millions d'euros proposés par votre ministère, monsieur Bussereau, pourrait, selon M. Jean Huillet, le président de la Confédération nationale des vins de pays, servir à financer la distillation des 11 millions d'hectolitres en excédent, ce qui montre qu'ils ne sont pas suffisants. Les aides à la promotion venant de l'État, soit 12 millions d'euros, sont, quant à elles, équivalentes à ce qu'apporte la seule région Languedoc-Roussillon.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Et les règles européennes ?

M. Gérard Le Cam. L'urgence, désormais, semble être de réunir les producteurs dans ce que nous pourrions appeler un « Grenelle de la viticulture », afin de faire valoir la notion même de l'intérêt national.

La question des prix pratiqués doit être débattue, la vente à perte interdite et la grande distribution mise au pied du mur face à ses pratiques assassines pour la profession.

Les enchères inverses pratiquées par le hard discount doivent être interdites.

Le tarif de distillation doit être revu à la hausse : aujourd'hui fixé à 1,91 euro, le degré hectolitre a été payé 4 euros dans le passé. Une fourchette de 3 à 4 euros pourrait apporter satisfaction.

Les banques peuvent être mises à contribution. Elles regorgent d'argent et doivent assurer deux années blanches pour le remboursement des emprunts.

L'État doit s'engager clairement vers un moratoire sur les dettes sociales et fiscales des vignerons afin de les aider à passer ce cap.

L'interprofession unique, souhaitée par tous, me semble-t-il, pourrait jouer un rôle efficace sur le marché et contrer les abus du négoce. Elle pourrait également instaurer une solidarité de la filière en direction des bassins de production les plus fragiles et les plus touchés.

L'esprit coopératif peut également être encouragé, tant il est enraciné dans cette profession, afin de mettre l'homme au centre des préoccupations et de contrer certaines tentations individualistes et égoïstes.

La pratique de l'ajout de copeaux et celle de la désalcoolisation, qui vise à abaisser le pourcentage alcoolique des vins, doivent être débattues au sein de la profession et des grandes régions productrices, voire expérimentées, sans contrainte pour ceux qui ne le souhaitent pas.

Unie, solidaire, aidée par le Gouvernement français et l'Europe, la viticulture française pourrait encore croire en l'avenir mais, pour l'instant, il est urgent de la réunir et de l'aider à passer ce cap.

Les vins de qualité sont de véritables ambassadeurs de la culture française ; la froideur du négoce et la course à la valeur ajoutée portent atteinte à cette image. Il ne faut pas confier la gestion de la crise au monde du négoce, monsieur le ministre : ce serait la mort des vignerons et de leurs territoires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je représente un petit département,...

M. Gérard César. Quel grand président !

M. Michel Mercier. ...mais le vignoble y est très présent.

Mme Dini et moi-même sommes, avec d'autres collègues, élus du département du Rhône, qui réunit les vignobles de Côte-Rôtie, de Condrieu, des coteaux du Lyonnais et du Beaujolais, d'où sont issus des vins qui sont assurément parmi les meilleurs au monde. Nous connaissons néanmoins, comme partout, la crise vitivinicole.

Beaucoup a été dit ; je n'ajouterai que quelques mots.

Il est vrai que la crise est grave. Il s'agit d'abord d'une crise humaine : notre département compte plus de cent viticulteurs allocataires du RMI. Nous avons naturellement dû outrepasser les règlements : ces viticulteurs n'auraient pas eu droit au RMI, en principe, mais comme ils n'ont pas de revenu, il fallait bien qu'ils aient accès à ce revenu minimum. Ce chiffre montre bien la gravité de la situation.

La viticulture française dans son ensemble se trouve face à un marché qui est d'abord mondial : la production est mondiale, la consommation est mondiale. Il faut donc désormais nous placer dans cette perspective.

Je pourrais naturellement vous dire que vous avez fait beaucoup, monsieur le ministre, mais que cela reste insuffisant, que davantage de moyens sont nécessaires car il en manque et il en manquera toujours.

Notre département vient de voter une aide de 10,5 millions d'euros, destinée aux viticulteurs du Beaujolais. Cette aide vient s'ajouter à celles de l'Union européenne, de l'État et de l'interprofession. En outre - M. César l'a rappelé tout à l'heure - vous avez bien voulu que l'État garantisse un prêt très utile et symboliquement nécessaire. Nous désirons mettre en place d'autres aides et vous en demander de nouvelles, monsieur le ministre, afin de faire évoluer la situation.

S'il ne s'agit simplement que d'apporter de nouvelles aides alors que l'on conserve le même système, que l'on agit de la même manière, soyons certains que notre collègue M. César pourra chaque année poser la même question, que nous tiendrons des propos semblables et que nous connaîtrons des problèmes identiques !

Il est grand temps d'agir, monsieur le ministre, et c'est sur ce point que j'aimerais vous interroger : que pensez-vous faire quant à la gouvernance du monde vitivinicole ? Il s'agit d'un problème extrêmement compliqué. Je suis beaucoup moins spécialiste de cette question que mes collègues, quoique je fréquente ce monde depuis fort longtemps.

La situation actuelle correspond à un état antérieur ; il est grand temps de réorganiser différemment la segmentation de la production, afin de pouvoir véritablement affronter un nouveau type de marché.

Mettre en place une nouvelle gouvernance, c'est aussi produire un vin attendu par le consommateur mondial, qui n'est plus un spécialiste de tel ou tel terroir, mais qui attend un vin de qualité qu'il reconnaîtra et qu'il suivra. Quelles nouvelles armes pouvez-vous donner pour attaquer un tel marché ?

Il est d'abord nécessaire de régler l'ensemble des problèmes sociaux et humains qui se posent.

M. Raymond Courrière. Et ils sont nombreux !

M. le président. Souhaitez-vous intervenir, monsieur Courrière ?

M. Raymond Courrière. J'approuve simplement tous ceux qui défendent la viticulture !

M. Michel Mercier. À cet égard, l'arrachage ne représentera jamais pour le viticulteur une solution plaisante, mais elle est obligatoire. Nous avons choisi, dans le Rhône, de veiller à ce qu'à chaque hectare arraché corresponde une somme minimum de 10 000 euros, provenant tant de l'Union européenne que de l'interprofession et du département. Cette somme nous semble, en effet, susceptible d'inciter à l'arrachage.

Il est également nécessaire de régler le problème des départs accélérés en préretraite. Il revêt une grande importance, aussi bien psychologiquement que financièrement.

La question de la distillation se pose immédiatement : elle doit être résolue si nous voulons aborder la saison prochaine dans les meilleures conditions. Certains viticulteurs de notre département stockent des vins dans leurs caves depuis trois ou quatre ans : cela ne peut pas continuer. La distillation est donc nécessaire ; elle permettra de changer la donne.

Mais, ensuite, il faut regarder devant nous et nous poser la question de la réorganisation du marché et de la production. Nous devons nous demander s'il convient de conserver un système qui fut autrefois efficace, qui a permis à la viticulture française de conquérir le marché national, mais qui ne permet pas d'attaquer du bon pied le marché mondial.

Nous attendons donc, monsieur le ministre, que vous nous fassiez connaître les suites que vous entendez donner au rapport que vous avez demandé, ainsi qu'aux premières idées que vous avez vous-même exprimées, afin que la situation se modifie dès la prochaine campagne. Nous aimerions savoir comment vous concevez une gouvernance de la viticulture dans notre pays qui permette de faire face à la crise que nous connaissons.

Essayons de régler les problèmes sociaux et humains afin que la viticulture française puisse attaquer ce nouveau marché unique, en réformant la production, l'organisation du marché et la gouvernance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.

M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des siècles, le vin est un symbole de la civilisation occidentale,...

M. Marcel Vidal. ...et les enjeux autour de sa production et de sa consommation n'ont jamais été aussi déterminants.

La viticulture française demeure, en effet, un fleuron de notre économie agro-alimentaire et constitue une référence au niveau mondial, tant pour la qualité que pour la typicité de ses produits.

Aujourd'hui, toutefois, face à une globalisation des marchés et devant l'arrivée de nouveaux pays producteurs, la position dominante de la France dans ce secteur se trouve fort fragilisée. Alors que, par nature, le vin est un produit fédérateur, il attise désormais des conflits qu'il faut trancher au plus juste et dans le respect de la tradition.

Si, depuis quelques années, un certain nombre d'indicateurs témoignent des difficultés de la viticulture - diminution des exportations, baisse de la consommation, concurrence accrue -, on constate que les mesures prises jusqu'à aujourd'hui n'ont pas produit les effets escomptés.

C'est pourquoi, après avoir exposé les principales raisons de la crise viticole française, il me semble intéressant de procéder à une analyse du plan de restructuration proposé par le Gouvernement et d'apporter quelques pistes de réflexion qu'il conviendrait d'étudier pour qu'une nouvelle politique de la filière viticole soit enfin mise en place, et ce dans les meilleurs délais.

Déterminer les causes de cette crise nous oblige à examiner l'évolution des structures viticoles au fil des années, et plus particulièrement celle des caves coopératives. Leur émergence répondait à une logique économique du début du XXe siècle, qui consistait à mutualiser les moyens pour permettre aux petits et moyens propriétaires de s'organiser face aux circuits de distribution.

Actuellement, en Languedoc-Roussillon, ces caves vinifient près de 75 % des récoltes enregistrées : c'est dire le rôle fondamental qu'elles jouent, tant dans la production et la commercialisation de nouveaux vins que dans la reconversion du vignoble.

Parallèlement à ces structures, les caves particulières ont su trouver leur place et créer, précisons-le, une saine émulation en poussant l'ensemble des acteurs de la filière à se remettre en question et à s'engager dans une démarche de qualité.

Le développement de ces caves particulières a permis de diversifier l'offre qui était faite au consommateur et, par là même, de repenser la politique conduite par les caves coopératives, qui avaient parfois fait preuve, jusqu'au début des années 1980, d'un certain conservatisme et d'une tendance excessive au « localisme ».

La progression du vignoble mondial, notamment en Australie, au Chili, en Argentine, en Afrique du Sud, en Californie, etc, est venue accentuer les difficultés de la profession. En effet, alors que le vignoble français se restructure, la diminution de la consommation intérieure et le tassement des exportations se traduisent par une augmentation des stocks et une érosion des cours qui conduisent à une grave dégradation des revenus des viticulteurs.

Les mesures prises en faveur de la distillation ne répondent qu'à une situation d'urgence et ne règlent en rien les problèmes récurrents de la viticulture d'autant que, lors des quarante dernières années, la consommation de vin a subi de profondes modifications, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif.

La consommation de vin en France est passée de 100 litres par an et par personne au début des années 1960 à 55 litres lors de la campagne 2003-2004. Par ailleurs, le goût du consommateur a évolué ; ce dernier préfère, d'une façon générale, des vins plus légers. Il est donc nécessaire et urgent de s'adapter à cette réalité.

Observons encore, pour le déplorer, que la tarification exorbitante qui est appliquée dans la restauration équivaut à un coefficient multiplicateur de 3, voire 4, qui porte le prix de la bouteille de 75 centilitres à un montant souvent supérieur au prix d'un menu de qualité, ce qui n'est pas de nature à favoriser la consommation.

Enfin, la politique de lutte contre l'insécurité routière mise en place par les ministres de l'équipement et de l'intérieur a également contribué au changement des habitudes du consommateur.

Plus encore que les années précédentes, 2005 reste une année noire. Aujourd'hui, cette crise ne touche plus uniquement les caves coopératives, mais elle atteint aussi - et c'est un élément nouveau - quelques caves particulières. Des plans d'arrachage sont programmés, des viticulteurs voient leur revenu s'effondrer, ce qui conduit certains d'entre eux à déposer des dossiers de demande de RMI. Le manque de perspectives de la profession est tel que nombre de viticulteurs envisagent l'abandon définitif de leur exploitation.

Au-delà de l'application des mesures d'urgence, un nouveau mode d'organisation de la filière est envisagé, notamment au travers des bassins de production. Au nombre de dix, ils devraient être le lieu privilégié de l'expression d'une stratégie de dialogue et de concertation entre les partenaires de la filière représentés dans chacun d'eux.

Si le préfet Bernard Pomel appelle de ses voeux « une nouvelle révolution viticole », il faut désormais donner à ces bassins une réalité administrative et professionnelle. Le Conseil national de la viticulture devra coordonner et arbitrer les politiques des bassins, afin que les spécificités et les enjeux de chacun puissent être exprimés.

La nécessité de redonner confiance aux acteurs de cette filière est un élément qu'il ne faudrait pas aujourd'hui mésestimer. Je pense, d'ailleurs, qu'il serait judicieux d'associer étroitement à cette démarche une institution comme Agropolis, pôle de recherche aux multiples compétences, implanté à Montpellier et reconnu au niveau international.

Mieux organiser l'offre pour mieux répondre à la demande, tel est l'objectif auquel nous devons nous attacher. Je voudrais m'arrêter un instant sur la nécessité, pour ce faire, de favoriser la mise en place de partenariats, outils d'une gestion efficace de l'espace viticole.

Dans cette optique, il me paraît opportun de reconsidérer simultanément le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, et du Crédit agricole en ce qui concerne leurs missions premières et principales.

Les SAFER sont au coeur des problématiques rurales depuis plus de quarante ans. À l'origine, le législateur leur avait confié la tâche de maintenir un espace agricole dynamique, vital pour notre société.

Afin de respecter les nouveaux enjeux, leurs missions ont évolué, pour intégrer désormais une dimension environnementale, le développement local et l'aménagement de l'espace agricole, tout en assurant la transparence du marché foncier rural.

Leur compétence et leur savoir-faire en matière d'aménagement foncier agricole pourraient se révéler être un atout de premier choix, dans la mesure où la volonté politique est clairement affirmée.

En effet, l'élaboration d'une stratégie commune à tous les organismes professionnels concernés permettrait à la nouvelle génération de viticulteurs de restructurer et de développer leurs exploitations dans des conditions optimales. Pour ce faire, la mise en réseau des connaissances et des compétences entre les SAFER et certains organismes associés, comme les agences foncières ou les observatoires fonciers régionaux, permettrait de conduire une politique commune de gestion de l'espace rural et de réguler le marché en luttant contre la spéculation immobilière. Cela est extrêmement urgent, notamment en Languedoc-Roussillon.

En ce sens, une participation renforcée des SAFER devrait être encouragée, pour que les jeunes viticulteurs puissent procéder à des remembrements réalistes et développer normalement leur activité.

En outre, si l'on peut penser que le Crédit agricole a tout son rôle à jouer dans cette démarche, il est néanmoins légitime de s'interroger sur une évolution au terme de laquelle la notion de rentabilité semble avoir primé sur le sens de la relation humaine.

M. Marcel Vidal. En effet, cette banque, « championne des profits bancaires », comme le titrait le quotidien économique et financier La Tribune le 9 mars dernier, affiche un résultat net de 5,98 milliards d'euros pour 2005, et préfère désormais orienter son activité vers une expansion internationale, en faisant passer au second plan son soutien à l'agriculture française.

Au regard de l'évolution de sa structure et de son activité, cet organisme, qui s'appelait à l'origine le « Crédit agricole mutuel », a déjà perdu la notion de mutualisme, hélas ! On peut dès lors se demander quelles sont désormais ses missions spécifiques à l'égard des populations agricoles, et notamment viticoles, puisque, reniant ses origines, il préfère se tourner vers une autre clientèle, au lieu de soutenir la mise en place d'un plan dynamique de restructuration et de soutien aux jeunes viticulteurs.

Vous n'êtes pas, mes chers collègues, sans connaître les difficultés auxquelles se heurtent les jeunes agriculteurs lors de leur installation. Aussi les SAFER et le Crédit agricole devraient-ils avoir un rôle important à jouer dans la démarche actuelle qui vise à favoriser un réel partenariat entre les acteurs de la filière, en faisant évoluer rapidement la composition de leurs conseils d'administration respectifs.

Enfin, un autre volet à prendre en considération concerne la commercialisation et la communication sur les produits, tant à l'exportation que sur le marché national, auxquelles il faudra consacrer des moyens financiers importants.

Sur ce point, reconnaissons-le, la France a reconsidéré sa stratégie, mais des progrès restent à accomplir. Ainsi, la majeure partie de la production viticole française passe par les circuits de la grande distribution, qui, comme pour d'autres filières agricoles, impose en matière de prix des conditions extrêmement contraignantes, sans pour autant assurer une juste mise en valeur du produit dans les linéaires de ses magasins.

Devant la multiplicité de l'offre, il est aisé, pour les grandes enseignes de la distribution, qui possèdent de puissantes centrales d'achat, d'imposer une politique tarifaire qui ne reflète pas la réalité des coûts de production et ne permet pas aux acteurs de la filière de bénéficier d'une rémunération de leur travail à la hauteur des efforts réalisés.

Favoriser des regroupements et des partenariats entre les producteurs et les négociants constitue un axe de réflexion, réflexion qu'il faudra mener à son terme. Cette démarche doit incontestablement s'accompagner d'une refonte totale des appellations, qu'il s'agisse des AOC ou des vins de pays, au travers d'une simplification et d'une plus grande transparence des procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine.

Sur les marchés internationaux, la situation est toujours délicate. L'arrivée de produits viticoles issus des pays du nouveau monde vient également fragiliser la filière. La baisse des exportations des vins français, qui se confirme année après année, trouve en partie ses origines dans la percée spectaculaire que certains nouveaux pays producteurs ont réussie sur ces marchés. Ils proposent des vins de qualité, facilement identifiables par les consommateurs, et dont la constance qualitative est garantie par une marque.

M. Raymond Courrière. Notre communication est insuffisante !

M. Marcel Vidal. Cette démarche permet une meilleure visibilité et une plus grande lisibilité de ces produits pour le consommateur. Les structures d'exportation qui ont été créées dans ces pays sont garantes d'une unité de la communication à l'international, or, dans un univers fortement concurrentiel, sur un marché mondialisé, le vecteur de la communication prend toute son importance. C'est pourquoi des mesures doivent être prises pour encourager et favoriser l'adaptation des produits viticoles aux marchés internationaux, afin de restaurer le dynamisme de ce secteur agroalimentaire. La France, hélas ! est très en retard dans ce domaine.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était de mon devoir de vous faire part de mes réflexions et de formuler quelques suggestions, en émettant le voeu que, rapidement, les orientations, certes perfectibles, de ce plan soient mises en oeuvre avec des moyens financiers importants sur plusieurs exercices, afin de permettre à notre viticulture de sortir de cette crise de manière durable. Il convient qu'ensemble nous apportions notre soutien déterminé aux acteurs de cette filière dans le processus de restructuration annoncé. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier M. Gérard César d'avoir déposé cette question orale avec débat sur la crise de la filière viticole française, thème qui est cruellement d'actualité depuis plusieurs années déjà.

Il devient impératif d'agir, car notre pays perd de plus en plus de parts de marché, et aux problèmes économiques s'ajoutent désormais de vrais drames humains. À ce titre, monsieur le ministre, je me réjouis de la remise, voilà quelques jours, du rapport rédigé par le préfet Bernard Pomel et intitulé Réussir l'avenir de la viticulture de France. J'approuve sans réserve la plupart des propositions qu'il contient et je vous félicite du courage dont vous faites preuve sur ce sujet délicat. Ce courage, vos prédécesseurs ne l'avaient pas ; or, dois-je le rappeler, aucune crise ne se résout en l'occultant.

N'étant pas élu d'une région viticole, rien ne me prédisposait à me pencher sur cette question, si ce n'est le fait que M. Jean-Pierre Raffarin m'avait confié une mission sur les signes de qualité et leur promotion à l'échelon des négociations internationales, telles que celles qui se déroulent au sein de l'OMC. En abordant ce sujet, je ne pouvais passer sous silence la nécessaire évolution de la filière vitivinicole française. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir permis de remettre à M. le Premier ministre, Dominique de Villepin, les conclusions de mes travaux, le 21 février 2006.

M. Raymond Courrière. Il faut qu'elles soient suivies d'effet !

M. Jean Bizet. Ces conclusions sont presque identiques à celles du rapport du préfet Pomel, et j'ai reconnu nombre des propositions contenues dans la stratégie nationale que vous avez présentée à la presse le 29 mars dernier. Tout semble concorder désormais pour que nous puissions envisager, dans la plus grande rationalité, l'évolution de la filière, au travers, je l'espère, d'un véritable consensus.

M. Raymond Courrière. Avant qu'il ne soit trop tard !

M. Jean Bizet. Le rapport Pomel montre qu'il faut d'abord se réformer avant de reconquérir les parts de marché perdues à l'extérieur. Aujourd'hui, notre position est affaiblie dans les discussions multilatérales et bilatérales. Les négociations sur les indications géographiques, notamment viticoles, sont au point mort au sein de l'OMC, et l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne sur le vin, signé le 10 mars 2006 à Londres, mérite un examen attentif. C'est surtout sur ce point que portera mon intervention.

Certes, il faut défendre notre « modèle viticole » devant l'invasion des vins du nouveau monde, mais comment faire alors que ce modèle est illisible pour la majorité des consommateurs, français et européens ?

Je crois qu'il faut distinguer deux catégories de vins, relevant les uns d'un marketing de l'offre, les autres d'un marketing de la demande.

Le marketing de l'offre, c'est ce que nous connaissons actuellement, à savoir une politique de qualité exigeante, authentifiée par les AOC.

Le marketing de la demande vise à proposer des vins répondant aux attentes du consommateur. C'est la stratégie adoptée par les producteurs de vins du nouveau monde, avec le succès que l'on sait.

Cette distinction entre catégories de vins, le rapport Pomel prévoit sa mise en oeuvre. Dans cette optique, les indications géographiques doivent retenir toute notre attention. Aujourd'hui, notre offre est beaucoup trop complexe, avec 450 AOC et 140 vins de pays. À cela s'ajoutent les mentions sur les étiquettes, telles que celles des cépages, des méthodes, des châteaux, etc. La diversité de notre offre, loin de nous servir, rebute nombre de consommateurs. Notre politique de qualité viticole a, en fin de compte, perdu de sa crédibilité au fil du temps. La notion d'AOC est devenue excessivement compliquée et totalement illisible.

Il faudrait non pas abandonner cette politique, bien sûr, mais la réorganiser, pour lui redonner crédibilité et lisibilité. Cela doit passer par la gestion de la filière au sein de grands bassins de production.

En outre, les pratiques oenologiques devraient être adaptées en fonction de la catégorie des vins considérés. Dans cette perspective, les producteurs de vins de pays auraient le droit d'employer des méthodes aujourd'hui interdites, telles l'utilisation de copeaux ou les techniques de désalcoolisation. A contrario, les vins produits sous AOC seraient soumis à des règles strictes de qualité, telles que nous les connaissons actuellement.

Ce sont là certaines des conclusions du rapport Pomel. Je les approuve sans détour, car consolider notre système d'indications géographiques, c'est se donner les moyens de le défendre et de le promouvoir à l'extérieur. Les négociations sur les indications géographiques relèvent du cycle de Doha. L'accord dit « ADPIC » sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce prévoit des modalités spécifiques pour le vin.

Par ailleurs, la Commission européenne doit engager un second cycle de négociations bilatérales avec les États-Unis sur la question viticole. Le premier cycle de ces négociations s'est achevé par la signature, le 10 mars 2006 à Londres, d'un premier accord.

La délégation pour l'Union européenne du Sénat, comme d'ailleurs son homologue de l'Assemblée nationale, a souligné le caractère controversé de cet accord, conclu, en quelque sorte, sous la menace. En effet, la législation américaine impose désormais que tous les vins en provenance d'un pays n'ayant pas signé un accord bilatéral avec les États-Unis soient certifiés. En pratique, cela signifiait une perte de parts de marché significative, alors que les États-Unis restent le premier débouché pour la viticulture européenne, à hauteur de 40 % de nos exportations, ce qui représente quelque 2 milliards de dollars.

Controversé, déséquilibré, cet accord résulte surtout d'un rapport de force. Cependant, comme le remarque la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux, il doit malgré tout être défendu, car c'est la solution la moins pénalisante dans la situation actuelle. Je pense qu'il faut avoir le courage politique de le dire. La Commission a reconnu certaines pratiques oenologiques américaines, aujourd'hui interdites sur le territoire européen ; en contrepartie, les États-Unis s'engagent à faire évoluer le statut des appellations dites « semi- génériques ». J'y reviendrai.

En ce qui concerne les pratiques oenologiques, doit-on s'inquiéter des concessions de la Commission européenne, alors que l'organisation commune des marchés « vin » n'a pas encore été revue ?

M. Jean Bizet. Je ne le crois pas, car ces pratiques finiront par s'imposer à une partie de la production européenne, c'est-à-dire aux vins relevant du marketing de la demande et correspondant, en fait, aux goûts et donc aux souhaits du consommateur.

Par conséquent, il me semble que la Commission peut être souple sur ce point des négociations, pour concentrer son effort sur la question des appellations « semi-génériques ». Aux États-Unis, ces appellations sont considérées comme étant dans le domaine public. Ainsi, n'importe quel producteur peut utiliser les termes « champagne », « chablis » ou « sauternes », même pour un vin de bas de gamme. Pour les vins européens, le coût de ce préjudice en termes d'image est estimé à près de un million de dollars chaque année.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Jean Bizet. Selon l'accord ADPIC, les pays signataires doivent empêcher l'utilisation d'une indication géographique viticole lorsque le vin ne provient pas du lieu spécifié.

Cette règle aurait été parfaite si elle n'avait été assortie de deux exceptions : d'abord, elle ne s'applique pas lorsqu'une indication est devenue un nom commun ou générique ; ensuite, l'accord prévoit la « clause du grand-père », selon laquelle une indication utilisée de bonne foi dans un pays depuis plus de dix ans avant la signature de l'accord ADPIC, intervenue en 1994, pourra continuer à y être employée.

M. Roland Courteau. C'est un peu gênant !

M. Jean Bizet. Contre cette « clause du grand-père », la Commission avait mené une politique d'accords bilatéraux, dits « ADPIC-Plus », visant à faire renoncer à l'utilisation de ces indications au cas par cas. Cette politique a bien fonctionné jusqu'à présent, par exemple en Australie. Certes, l'accord avec les États-Unis prévoit de « restreindre l'utilisation de ces indications sur les étiquettes des seuls vins originaires de la Communauté ».

Hélas ! une deuxième phase prévoit une clause équivalente à celle qui est dite « du grand-père », reposant non pas sur l'antériorité d'utilisation, mais sur l'obtention, avant la signature de l'accord bilatéral, d'une certification of label approval. Cela concerne, par exemple, l'appellation « champagne ».

Si nous voulons promouvoir des vins de qualité, relevant du marketing de l'offre, nous ne pouvons accepter qu'une telle dérogation soit accordée aux États-Unis. Il faut toutefois souligner que les États-Unis ont reconnu que certaines indications ne pouvaient être utilisées que pour des vins provenant du lieu en question. Une annexe recensant les indications géographiques européennes concernées a été établie.

On le voit, sur la question des indications géographiques, l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne est donc en demi-teinte.

M. Jean Bizet. Surtout, et cela sera mon dernier point, on peut se demander s'il ne va pas à l'encontre du mandat de négociation de la Commission européenne à l'OMC.

M. Roland Courteau. C'est un peu vrai !

M. Jean Bizet. Dans le cadre du cycle de Doha, les États membres de l'OMC doivent négocier sur l'établissement d'un « registre multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques pour les vins ». L'Union européenne milite pour que ce registre soit juridiquement contraignant. Il constituerait une protection uniforme de nos appellations dans tous les pays membres. Or l'accord avec les États-Unis prévoit déjà des dérogations pour certaines appellations, qui pourraient affaiblir le négociateur communautaire, accusé d'avoir des positions, à l'échelon bilatéral et à l'échelon multilatéral, quelque peu contradictoires.

Que les États-Unis, satisfaits d'avoir obtenu des dérogations, soutiennent la demande de l'Union européenne pourrait, au contraire, renforcer le négociateur. Comme vous le voyez, il s'agit bien d'un accord en demi-teinte.

Vous me savez particulièrement attaché à la promotion des indications géographiques. Elles constituent un argument commercial fort, mais elles n'ont pas encore acquis toute la place qu'elles méritent.

J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre analyse sue ce point : où nous en sommes-nous s'agissant de la deuxième phase de l'accord entre l'Union européenne et les États-unis, logiquement prévu quatre-vingt-dix jours après la phase du 10 mars, donc aux alentours de la mi-juin ?

Où en sommes-nous sur l'évolution à l'OMC des négociations relatives aux indications géographiques sur lesquelles, à Hong-Kong, nous n'avions enregistré aucune avancée significative ?

Si nous attendons beaucoup des discussions internationales pour renforcer les indications géographiques, elles ne sont pas le seul levier à notre disposition. Il convient, d'abord, de restructurer notre filière viticole de l'intérieur, et, ensuite, de développer des marques venant en appui des indications géographiques. En ce domaine, la Sopexa, par exemple, dispose d'une véritable expertise et il me tarde de voir aboutir une telle démarche.

J'avais proposé, à la page 34 de mon rapport au Premier ministre, que la marque « La belle France » puisse porter nos vins à l'étranger au travers de l'image de la France. Pouvez-vous m'apporter des précisions sur le lancement d'une « marque ombrelle » pouvant promotionner nos vins à l'export ?

En conclusion, monsieur le ministre, permettez-moi de souligner la cohérence et la synergie de ces trois actions : l'accord de Londres du 10 mars, qui sera suivi, je l'espère, d'un deuxième accord plus ambitieux, mais sur lequel nous devons nous montrer très vigilants précisément parce que Congrès américain fait preuve d'une très grande prudence sur cette affaire ; les négociations à l'OMC sur les indications géographiques ; la réforme intérieure, enfin, qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui.

Ne doutant pas de votre détermination, je souhaite que la filière vitivinicole française puisse enfin aborder l'avenir avec optimisme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. C'est mal parti !

M. le président. La parole est à M. Bernard Barraux.

M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que représentant du département de l'Allier, je n'aurai pas l'outrecuidance de parler de la crise nationale de la viticulture, qui touche, aujourd'hui, la plupart des régions viticoles de notre pays.

Mon ambition sera beaucoup plus modeste, puisqu'elle n'est autre que de me faire le porte-parole des 128 vignerons de la région de Saint-Pourçain-sur-Sioule, dans l'Allier, et de leurs 640 hectares de vignes qui, depuis 2 500 ans, participent grandement à l'activité et à la richesse de notre département : 110 d'entre eux se sont regroupés pour créer une cave coopérative et dix-huit ont conservé des caves particulières.

Jusqu'à ces derniers mois et, pour être plus précis, jusqu'au début de l'année 2006, la conjoncture qu'ils ont eu à subir n'était peut-être pas enthousiasmante, mais elle était tout à fait acceptable.

Hélas ! il n'en est plus de même, car ils sont maintenant dans un contexte identique à celui que connaissent leurs collègues sur le plan national, les mêmes causes produisant les mêmes effets....

Alors que, jusqu'au mois de janvier, ils avaient à gérer un stock de vin de huit à neuf mois, ce qui leur permettait de négocier correctement leur production, voilà maintenant que leur stock dépasse les douze mois. La cave coopérative atteint, elle aussi, ce niveau et certains vignerons de ma connaissance ont même dépassé les vingt-quatre mois de stock...

Inutile d'épiloguer longuement sur les conséquences financières d'une telle situation, qui se traduisent, comme toujours, par des difficultés de trésorerie difficiles à résoudre.

Les vignerons doivent, comme beaucoup, rembourser des emprunts et honorer des échéances à la Mutualité sociale agricole, auxquelles il leur sera extrêmement difficile de faire face. Quant à leurs fournisseurs, ils restent encore patients, mais ils désespèrent de les voir solder leurs comptes.

A ce propos, je dois vous préciser, monsieur le ministre, que s'ils espèrent être aidés, les viticulteurs attendent beaucoup plus qu'un simple report d'échéances parce qu'il faut toujours finir par rembourser et que, le jour venu, la situation n'est pas forcément meilleure...

Nous sommes dans un contexte de surproduction qui, maintenant, touche même des vignobles comme le nôtre. Nous avions, jusqu'à présent, été épargnés, car nous n'avions jamais eu de difficultés à trouver des débouchés pour notre production de vin blanc En effet, outre une consommation locale et nationale relativement organisée, nous entretenons, depuis de nombreuses années, d'excellentes relations commerciales, plus spontanées que concertées, avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui apprécient beaucoup ce petit vin blanc. (Sourires.)

Nous sommes convaincus que ces « voisins européens » seraient susceptibles de nous procurer de nouveaux débouchés, beaucoup plus importants, à condition, toutefois, que nous mettions en place une véritable politique commerciale, qui n'existe pas aujourd'hui.

Il nous aura fallu cette crise pour mesurer l'importance de notre carence dans ce domaine. Nous avons besoin, monsieur le ministre, que vous nous aidiez à mettre en place les structures nécessaires au développement de l'exportation.

Nos vignerons ont eu connaissance de votre « plan de réforme de la viticulture française » et des « mesures d'application de la stratégie nationale et de la réforme de la viticulture française » que vous avez présentés ces jours derniers

Vous envisagez de demander à Bruxelles l'autorisation de distiller. Mes amis me chargent d'insister pour que cette demande se fasse aussi pressante que possible dans la mesure où elle constitue le seul moyen d'assainir le marché actuel pour éviter que les stocks ne soient trop dévalorisés.

Mes amis saint-pourcinois pensent qu'il conviendrait peut-être de revoir « le droit à produire » de chaque vignoble, en faisant avant tout respecter ce droit de façon plus sévère. En effet, nos vignes bourbonnaises ont droit à 55 hectolitres par hectare, comme d'ailleurs toutes les vignes de la région d'Auvergne, alors que le Sancerre ou le Châteaumeillant ont un droit à produire allant jusqu'à 68 hectolitres à l'hectare. La baisse des curseurs contribuerait certainement, de façon logique et arithmétique, à lutter contre la surproduction.

Bien sûr, il reste « l'arrachage » des vignes, qui permettrait à un vigneron sans successeur de bénéficier, après avoir exploité sa vigne jusqu'au bout mais sans faire de gros frais durant ses dernières années d'activité, d'une retraite améliorée : avouez que, pour l'environnement, mieux vaut l'arrachage que la friche !

La lutte contre l'alcoolisme est louable et nous ne pouvons qu'y souscrire inconditionnellement. Cependant, comme beaucoup d'entre nous, je fais partie de ceux qui souhaitent autant d'efficacité dans la lutte contre la consommation des drogues de toutes sortes que dans la lutte contre la consommation d'alcool !

M. Bernard Barraux. Mais il n'est pas facile de dissocier, dans ce domaine, la vertu de l'économie.

Je ne peux donc que souhaiter beaucoup de courage et d'imagination à ceux qui devront trouver l'impossible compromis entre le développement de la consommation et la diabolique pudibonderie qui plane autour de nos productions viticoles. N'oublions quand même pas que, pendant ce temps-là, le Chili, l'Argentine, les États-Unis, l'Afrique du Sud, etc, continuent de produire et de nous envahir !

Peut-être y aurait-il lieu de revoir aussi l'éducation de nos jeunes générations et, surtout, de reconsidérer la manière actuelle dont ils cultivent leur goût - j'aurais même envie de dire leur mauvais goût.

Est-il vraiment irréaliste d'imaginer que l'on puisse éduquer le goût des enfants en leur inculquant une hygiène de vie rigoureuse qui leur permettrait, à un âge bien déterminé, de consommer du vin de façon raisonnée et raisonnable ? Notre viticulture s'en porterait tellement mieux !

Ce ne doit pas tout de même pas être une mission impossible, ni même bien difficile, que de les conduire gentiment, insensiblement à préférer, à leur majorité, le beefsteak-frites avec du vin rouge au hamburger avec du coca-cola ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise viticole est très grave et elle dure.

Depuis deux ans, j'ai consulté les divers acteurs de la filière viticole pour faire avec eux le point sur la mise en oeuvre des précédentes préconisations de sortie de crise, en particulier dans le domaine de l'exportation. Pour l'essentiel, d'après les avis que j'ai recueillis, trois solutions se dégagent.

D'abord, une meilleure adaptation de nos productions aux nouveaux marchés, dont les critères d'achat sont très différents des nôtres, d'autant que le crédit de nos signes de qualité baisse et que l'offre est excessivement difficile à comprendre.

Ensuite, l'émergence de groupes de négoce puissants, capables d'imposer nos produits à l'exportation.

Enfin, la stabilisation des revenus des producteurs.

Le rapport Pomel me semble répondre en partie à ces trois problématiques.

Une plus grande transparence et la simplification des AOC, ainsi que la lisibilité de l'offre pour un consommateur peu averti, qui considère le vin comme un produit banal, vont dans le bon sens.

Les efforts portant sur l'étude de marché et le label unique « France » peuvent également soutenir l'exportation.

La concentration des acteurs commerciaux de la filière me paraît tout aussi souhaitable, encore que les pouvoirs publics n'y puissent sans doute pas grand-chose. Les actions de soutien financier à l'export y contribueront-elles ? A qui serviront ces 12 millions d'euros ? Les plus importants groupes n'en ont guère besoin, alors que cette somme est nettement insuffisante pour les petits qui sont, bien sûr, les plus nombreux.

M. Gérard Delfau. Ce n'est pas faux !

M. Aymeri de Montesquiou. Les trois plus grands groupes français de négoce m'ont d'ailleurs affirmé ne souhaiter aucune aide publique, mais vouloir seulement davantage de souplesse réglementaire.

Enfin, la contractualisation pluriannuelle de la production, comme dans tout marché à forte fluctuation, est incontestablement une mesure efficace pour l'avenir des producteurs.

Toutes ces mesures, théoriquement très favorables à une filière en crise profonde, doivent être mises en oeuvre par un Conseil national unique, à partir du mois de juillet prochain.

Leurs effets reposent avant tout sur une discipline de la profession. Or, les meilleures mesures peuvent être, faute de vertu, détournées de leur objet. Ainsi, l'autorisation d'irriguer peut servir à corriger les effets du changement climatique, mais aussi à augmenter inconsidérément les rendements.

De même, en autorisant l'ajout de copeaux pour permettre à court terme un ajustement des prix de revient, ne risquons-nous pas de sacrifier la qualité et la spécificité de notre production ?

Si nous prenons ce chemin, la banalisation du vin français ne permettra pas de nous démarquer positivement de la production du nouveau monde. On court toujours un risque à faire des concessions sur la qualité pour rattraper des tendances passagères.

M. Gérard Delfau. Ce n'est pas faux !

M. Aymeri de Montesquiou. La  désalcoolisation  du vin me paraît, elle aussi, répondre plus à un ajustement local qu'à une demande du marché. Produit-on de tel vins chez nos grands concurrents ?

De plus, un certain nombre de préconisations ont un caractère incantatoire : j'ai déjà mentionné la question de la concentration commerciale ; on peut également citer le voeu de faire assurer la réussite du plan de distillation par les interprofessions.

Ici encore, les mauvais exemples ne manquent pas : dans un passé récent, à Bordeaux, la qualité du cru 2005 a dissuadé les producteurs de tenir leurs engagements à ce sujet.

Enfin, la régionalisation des interprofessions ne pousse guère à l'optimisme quant à la discipline nécessaire à ces réformes. N'y a-t-il pas là un risque de conforter les fiefs locaux, inaccessibles à toute politique d'ensemble ?

Concernant une filière où les propositions de bon sens ont été beaucoup plus nombreuses que les réalisations concrètes, vous devez, monsieur le ministre, convaincre les véritables décideurs d'adhérer à un tel plan, condition sine qua non de sa réussite. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre aux interrogations de Gérard César et de ceux d'entre vous qui se sont exprimés.

Notre viticulture vit un moment important et connaît des difficultés, même si tous les vignobles ne sont pas touchés et si certaines parties de vignobles en crise sont également épargnées, comme l'a rappelé M. Delfau. Nombre de ces difficultés sont devenues chroniques, malgré les 8 milliards d'euros d'exportations viticoles, qui témoignent aussi de succès.

Ce sont 350 000 emplois qui sont concernés. C'est pourquoi nous devons tous nous mobiliser pour permettre à ce secteur emblématique de notre industrie agroalimentaire et de notre agriculture de prendre un nouveau départ.

M. Raymond Courrière. Il était temps de le reconnaître !

M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur César, nous partageons votre analyse sur les causes de la crise, en tout cas dans les vignobles où elle sévit : une concurrence mondiale, des changements de consommation intérieure, la baisse du prix à l'hectare. Il en résulte des difficultés de trésorerie et la question de la pérennité de certaines de nos exploitations viticoles est posée.

Dans ce contexte, l'État est déjà intervenu massivement, quels que soient les gouvernements, pour aider la filière.

M. Dominique Bussereau, ministre. Près de 100 millions d'euros, répartis sur deux plans, ont été engagés en 2005. En 2006, le Premier ministre a annoncé que 90 millions d'euros supplémentaires seraient consacrés au soutien à la trésorerie et aux prêts de consolidation.

M. Roland Courteau. C'est insuffisant !

M. Dominique Bussereau, ministre. Nous avons pris d'importantes mesures d'assainissement du marché. Je dois malheureusement noter que la distillation de crise pour les vins AOC n'a été souscrite que pour un peu plus de 1 million d'hectolitres, alors que j'avais obtenu 1,5 million d'hectolitres de la Commission européenne. En revanche, la distillation pour les alcools de bouche a connu un succès inhabituel : 1,5 million d'hectolitres ont été souscrits, notamment en raison de l'effondrement des prix des vins de table sur le marché.

Je sais, monsieur Courteau, que cela ne suffit pas toujours à traiter les situations dramatiques comme celles que vous avez, à juste titre, évoquées. C'est la raison pour laquelle il faut aller plus loin et répondre à deux défis : restructurer notre secteur viticole au niveau national, et préparer la réforme de l'Organisation commune de marché qui aura lieu l'an prochain à l'échelon de l'Union européenne.

Au-delà des aides conjoncturelles, M. Mercier l'a très bien dit, la question concerne plus généralement la gouvernance et les produits. Je voudrais vous exposer quels types de réponses nous pouvons mettre en oeuvre ensemble.

Premièrement, pour aider le secteur à faire face à cette crise, dans le prolongement des propositions de l'accord conclu avec Hervé Gaymard et la filière en juillet 2004, j'ai décidé de lancer une réflexion au niveau des bassins vitivinicoles.

La mise en place des comités de bassin, regroupant les acteurs de la production, de la transformation et du commerce, était devenue urgente. Le but est de faire émerger des propositions concrètes, adaptées à chaque bassin de production et à la gestion des mesures structurelles au plan local. La concertation a été menée de janvier à mars dans tous les bassins viticoles et s'est déroulée avec succès.

Le préfet Pomel, à qui j'avais confié la charge de coordonner cette concertation, m'a remis son rapport récemment. Je reconnais, monsieur Bizet, qu'il reprend des idées contenues dans le rapport, commandité par Jean-Pierre Raffarin, que vous avez remis récemment à Dominique de Villepin.

Les mesures phares du rapport de M. Pomel sont les suivantes.

Tout d'abord, un conseil national de la viticulture de France, sur le rôle duquel je reviendrai, est créé.

Ensuite, les conseils de bassin sont pérennisés. Monsieur César, le décret fixant la composition de ces conseils est en préparation et sera prêt avant l'été. Chacun d'entre eux regroupera tous les acteurs de la filière ainsi que les partenaires économiques et politiques de la région -  je pense naturellement aux collectivités territoriales. Ils ne se substitueront pas aux interprofesssions, à l'INAO et à l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, du vin et de l'horticulture, VINIFLHOR.

Par ailleurs, la qualité des produits est renforcée grâce à la réforme de l'INAO, qui devient l'Institut national de l'origine et de la qualité, inscrite dans la loi d'orientation agricole.

En outre, grâce à VINIFLHOR, des outils beaucoup plus fins de connaissance du marché sont mis en place, bassin par bassin.

Enfin, Bernard Pomel propose d'encourager le regroupement des coopératives et des entreprises aval - les sénateurs du Languedoc-Roussillon le savent, la très grande dispersion des coopératives n'est pas toujours adaptée au marché. Monsieur Vidal, cette proposition doit répondre à votre souhait de restructurer la coopération pour qu'elle joue un rôle véritablement économique.

Les mesures proposées par Bernard Pomel seront mises en oeuvre.

Deuxièmement, il faut soutenir les exploitations et l'exportation.

Le Premier ministre, je vous l'ai indiqué, a décidé de consacrer une nouvelle enveloppe de 90 millions d'euros sous forme d'aides. Ces aides visent à la fois à apporter un soutien conjoncturel aux entreprises viables, à faciliter la reconversion des entreprises les plus en difficulté, à soutenir les efforts de celles qui se battent à l'exportation et à encourager le regroupement des entreprises d'aval.

Concernant les viticulteurs eux-mêmes, ces mesures se décomposent ainsi : l'attribution d'aides de trésorerie et la prise en charge des cotisations sociales de viticulteurs en difficulté ; des plans d'aide au départ ou de reconversion pour ceux qui sont structurellement, sur plusieurs campagnes, en difficulté et qui le souhaitent - préretraites, en modifiant les conditions réglementaires, stages de formation.

Monsieur Delfau, monsieur Courteau, s'il a pu y avoir des retards dans le paiement des aides certaines années, ce ne sera pas le cas en 2006 ; j'ai même autorisé VINIFLHOR à emprunter à cet effet.

Nous avons ajouté un plan de regroupement et de restructuration des entreprises coopératives de négoce et de mise en marché, auquel sera lié le soutien public à ces entreprises si elles sont en difficulté.

Un plan de reconversion de zones de production inadaptées à la production viticole est prévu, qu'il s'agisse de mesures d'arrachage et de reconversion foncière ou agricole - DPU, autres productions.

Il est vrai qu'en plus de ce dispositif les banques, les caisses de MSA et l'État procèdent à des allégements très importants de charges et d'impôts, efforts que M. Le Cam a évoqués.

Ces mesures nationales seront naturellement complétées par des mesures de distillation demandées au niveau communautaire.

Le Premier ministre est intervenu personnellement auprès du président de la Commission européenne. J'ai rencontré la commissaire chargée des questions agricoles la semaine dernière et j'ai demandé à la Commission une distillation de crise portant sur 2 millions d'hectolitres pour les vins de table et sur 2 millions d'hectolitres pour les AOC, à des prix revalorisés. Cette distillation vise à alléger le marché afin de permettre un redressement des cours.

Toutefois, je vous le dis clairement, elle ne s'avérera efficace que si tous les bassins participent à l'assainissement du marché...

M. Dominique Bussereau, ministre. ...en faisant en sorte que les quantités obtenues à Bruxelles soient entièrement utilisées.

M. Roland Courteau. Oui, mais à quel prix ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Le prix que fixera l'Union européenne, monsieur Courteau. Ce n'est pas moi qui ai signé le traité !

M. Roland Courteau. Y aura-t-il un complément de l'État français ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Vous savez très bien que c'est interdit par l'Union européenne, monsieur Courteau.

M. Roland Courteau. Vous pouvez toujours le demander : nous l'avons obtenu par le passé !

M. Dominique Bussereau, ministre. Nous l'avons obtenu dans des conditions très particulières, en dehors de la réglementation européenne.

Il serait très regrettable que l'expérience de la distillation de crise de 2005 sur les AOC se répète. Nous n'avons pas réussi à remplir le contingent de distillation obtenu de Bruxelles, ce qui ne facilite pas une demande cette année.

Je vous l'indique clairement aujourd'hui : si, pour la distillation de crise à venir, toutes les régions de France ne participent pas à hauteur de leurs stocks excédentaires, j'en tirerai toutes les conséquences lors de la fixation des rendements de la campagne 2006-2007, au besoin par des mesures exceptionnelles de limitation des rendements que prendra le Gouvernement dans tous les vignobles concernés qui ne rempliront pas leurs objectifs.

M. Gérard César. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. J'ajoute que les mesures de soutien à la filière seront largement conditionnées, là encore bassin par bassin, par le niveau de participation à la distillation. Je souhaite que les bassins de production prennent leurs responsabilités. La crise n'est pas une fatalité. L'État, bien sûr, doit être courageux, mais on doit l'être aussi localement.

Puisque nous parlons de distillation, je n'ai pas oublié, monsieur Courteau, monsieur Delfau, votre suggestion tout à fait intéressante d'utiliser l'alcool vinique pour les biocarburants. Mes services ont déjà organisé des réunions techniques avec les distillateurs et nous sommes en train de réaliser les premières expertises de faisabilité. J'étendrai le groupe de travail aux élus intéressés lorsque nous aurons les premiers résultats techniques.

Enfin, j'ai été très sensible aux propos de M. Dufaut sur la transparence des prix, en particulier dans la distribution. Certains préfets ont d'ailleurs organisé des réunions avec les partenaires concernés pour les responsabiliser, par exemple dans les départements de l'Hérault et du Gard.

J'ajoute que j'ai demandé à VINIFLHOR, dans le cadre des mesures d'information économique annoncées dans le plan Pomel, de réunir des représentants de la viticulture, du négoce et de la distribution, pour s'assurer qu'aucun abus ne sera commis.

Le marché intérieur étant par nature limité - même si l'on peut améliorer, monsieur Barraux, la consommation de l'excellent vin de Saint-Pourçain-sur-Sioul -, nous avons le devoir de mettre en place un plan d'accompagnement offensif à l'exportation.

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce plan, étant donné l'importance des investissements à réaliser, doit être ciblé pour être efficace et nous devons l'accompagner d'études marketing complètes - études de marché, création de produits et de marques adaptés.

Les aides accordées s'appuieront sur les éléments suivants : la commande et la mise à disposition de panels et d'études de marché ciblés et détaillés ; des actions collectives pour une marque et pour un logo « France ».

Les négociants qui exportent des volumes significatifs considèrent en effet que le label « France » peut contribuer utilement à la promotion de certaines marques et de certains produits. La marque « France-Vins de France » est déposée et appartient à VINIFLHOR. Sa réactivation est décidée avec les interprofessions et le négoce.

Messieurs les sénateurs du Languedoc-Roussillon, je suis rarement d'accord avec M. Frêche, mais l'appellation « vins du Sud » est une bonne idée qu'il convient de mettre en oeuvre, car elle complète utilement ce genre de démarche. (Sourires.)

Les cofinancements publics de projets interprofessionnels devront respecter un cahier des charges en termes d'études de marchés, de moyens et de ciblage des produits soutenus. De grands projets ciblés et pluriannuels seront étudiés.

Je vous présenterai dans de brefs délais un premier bilan de ces actions menées pour le soutien à l'exportation, afin de réorienter ou de renforcer certaines d'entre elles, en fonction de leur efficacité.

Dans le cadre de nos relations avec nos partenaires sur le marché mondial, vous m'avez interrogé, messieurs les sénateurs César et Bizet, sur l'accord signé par l'Union européenne avec les États-Unis sur le vin. C'est un accord de compromis, qui a demandé de nombreuses années. Il nous évite, à court terme, la procédure très lourde de certification-analyse et nous a permis de poursuivre, cette année, nos très importantes exportations vers les États-Unis sans contrainte supplémentaire.

Néanmoins, je suis attentivement la suite des négociations, car nous entrons, vous l'avez rappelé, monsieur Bizet, dans la deuxième étape, qui porte sur la protection des indications géographiques que nous voulons conforter et sur l'interdiction de toute nouvelle usurpation des semi-génériques.

Troisièmement, beaucoup d'entre vous l'ont souligné, notre offre doit être mieux adaptée aux attentes du marché.

L'accord de juillet 2004 classait les vins comme répondant soit au « marketing de l'offre », essentiellement les AOC, soit au « marketing de la demande » Pour traduire cette segmentation dans la réalité réglementaire, et afin de conforter la valeur des AOC, il est apparu à tous les partenaires de la filière qu'il convenait de simplifier et de rendre plus transparentes et plus efficaces les procédures d'agrément et de contrôle de l'Institut national des appellations d'origine. Sur ce point, je rejoins les préoccupations de MM. Dufaut et de Montesquiou.

L'Institut avait reçu pour mission d'engager la « réécriture des décrets AOC ». Sans attendre les conclusions de ce travail, il a été décidé de modifier, avant la campagne 2006-2007, les procédures d'agrément et de contrôle du nouvel institut, pour les simplifier et les rendre plus proches de la commercialisation, notamment au moyen de l'ordonnance en cours de préparation, en application de la loi d'orientation agricole.

Monsieur César, cette ordonnance est pratiquement prête, après les négociations avec les professionnels. Je consulterai les parlementaires impliqués sur cette question, comme vous l'avez à juste titre souhaité, afin de la soumettre au plus tard à l'automne à la ratification du Parlement.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. Je voudrais encourager, avec le soutien des interprofessions régionales, l'assouplissement des conditions de production pour les appellations d'origine régionales comme « Bourgogne » ou « Bordeaux ».

Je souhaite supprimer l'une des quatre catégories actuelles des appellations géographiques protégées, en demandant aux comités régionaux de l'INAO de proposer d'ici à l'année prochaine l'orientation de chaque appellation d'origine des vins délimités de qualité supérieure, soit vers une appellation d'origine contrôlée, soit vers un vin de pays. Cette simplification...

M. Gérard César. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. ...permettra aux consommateurs de mieux s'y retrouver et de voir, dans chaque bassin, dans quelles conditions on pourrait supprimer le repli au négoce.

S'agissant de l'appellation Saint-Pourçain, monsieur Barraux, le renouvellement et la simplification des procédures INAO ainsi que la suppression de la catégorie AOVDQS - appellation d'origine vin de qualité supérieure - devraient permettre d'aboutir, comme vous le souhaitez, à la validation de cette appellation. La demande d'accession de cette AOC est en cours et progresse ; la commission nationale INAO est d'ailleurs venue en janvier dans votre département.

Par ailleurs, nous avons décidé d'ouvrir l'éventail des pratiques oenologiques autorisées pour faciliter l'adaptation des produits du « marketing de la demande » destinés à des marchés convoités par nos concurrents. Cette évolution a beaucoup fait parler d'elle, comme toujours en pareil cas.

D'ores et déjà, l'utilisation des copeaux de bois est autorisée par la Communauté européenne. Le règlement d'application est en cours de discussion à Bruxelles et il devra, par la suite, être traduit dans la réglementation nationale.

Même si certains « ayatollahs » expliquent que c'est une hérésie, des oenologues, parmi les plus grands, affirment que l'on ne s'aperçoit pas de la différence. Naturellement, il ne s'agit pas d'étendre ce procédé aux AOC !

Quoi qu'il en soit, cette pratique est déjà très répandue. Cela dit, les artisans vignerons traditionnels qui utilisent de véritables tonneaux de chêne - provenant de votre forêt de Troncet, monsieur le sénateur Barraux ! - pourront, bien entendu, continuer à le faire.

Les techniques de désalcoolisation doivent également être généralisées sans toucher à la définition du vin, et les mesures d'enrichissement par les moûts concentrés seront encouragées.

M. Roland Courteau. Il faudrait les systématiser !

M. Dominique Bussereau, ministre. Sur un point particulier, messieurs César et Mercier, à savoir l'emprunt du Bordelais et du Beaujolais garanti par l'État, je m'assurerai auprès de mon collègue Jean-François Copé que ses services ne font pas obstacle aux décisions votées par le Parlement.

M. Gérard César. C'est le cas, monsieur le ministre !

M. Dominique Bussereau, ministre. Alors, nous ferons en sorte que cela cesse, monsieur César : la décision du Parlement doit s'appliquer et aucun service ne saurait s'y opposer !

M. Gérard César. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques grandes lignes du plan que nous avons présenté.

Pour terminer, j'ajouterai un mot sur la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole, prévue pour l'automne 2007, qui doit fixer pour l'avenir les conditions d'intervention de l'Europe dans ce secteur.

D'ores et déjà, après consultation des professionnels, nous avons élaboré dans les grandes lignes une position commune avec l'Espagne, l'Italie et le Portugal.

Nous sommes guidés par deux idées fortes : adapter la filière viticole afin qu'elle soit très compétitive sur le marché mondial et qu'elle conserve sa première place ; disposer de mesures structurantes permettant de dynamiser la filière par des dispositifs adaptés de gestion du marché et de réglementation.

Dans cette perspective, quatre grands volets sont essentiels : la défense et la protection des indications géographiques protégées ; l'appui à la commercialisation des produits de la vigne ; la régulation du marché et la gestion des crises par des outils appropriés, qui n'existent pas à ce jour ; une meilleure maîtrise de la production et l'adaptation de son potentiel, pour ne pas faire de la distillation une arme habituelle et pour trouver des solutions structurelles.

Nous devons aller dans cette direction et faire un effort sur la durée pour nous adapter à un marché qui évolue, faire aimer nos pratiques, nos produits et notre vin.

Beaucoup d'entre vous l'ont dit, mesdames, messieurs les sénateurs, pour réussir l'adaptation de notre secteur, l'effort de tous sur la durée est requis. Cette réussite passe par la préservation d'une certaine culture, d'un certain savoir-vivre, dont les implications vont bien au-delà de la viticulture. Ils sont en effet l'image de la France et offrent une source de revenus très importante en termes de tourisme.

Pour renforcer l'information de tous en ce sens, la loi d'orientation agricole prévoit de créer le Conseil de modération et de prévention.

Le décret d'application a été signé par le Premier ministre. La fonction de ce conseil sera d'être une instance de dialogue avec tous les acteurs des questions touchant à la protection de la santé, à la production et au commerce de boissons alcoolisées, ainsi qu'un organe de propositions.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur Delfau, nous avons choisi un président qui est un homme de dialogue, de modération et de consensus : le président honoraire du tribunal de commerce de Paris, M. Michel Rougé. Le ministre de la santé procède à des consultations pour désigner les membres qui relèvent de son secteur.

Monsieur le président du Sénat, je souhaite que, avec M. le président de l'Assemblée nationale, vous puissiez désigner les parlementaires qui siègeront dans cette instance pour que nous puissions l'installer dans les meilleurs délais, comme tout le monde le souhaite.

Ces orientations doivent nous aider à sortir de l'ornière. Il faut également, Michel Mercier l'a très bien noté, que nous ne « pleurnichions » pas toujours sur notre viticulture. Il convient, à cet effet, de lui donner l'image d'un secteur en forme et conquérant.

M. Raymond Courrière. Il ne faut pas la tuer non plus !

M. Dominique Bussereau, ministre. Nous devons aider les viticulteurs en difficulté à régler leurs problèmes et regagner des places à l'exportation. Nous produisons les meilleurs vins du monde : il serait bien dommage que nous ne donnions pas aux viticulteurs des conditions de vie et de travail décentes.

Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce plan participe à cet objectif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. C'est mal parti !

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CONséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 14 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole.

La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif du débat, je veux remercier celles et ceux qui ont contribué à la tenue de cette discussion.

Je remercie d'abord M. Dominique Bussereau, dont nous connaissons la remarquable implication et la grande compétence.

Je remercie ensuite les organisations professionnelles représentatives de l'amont et de l'aval du secteur avicole, c'est-à-dire la Confédération française de l'aviculture et la Fédération des industries avicoles.

Enfin, je remercie mes collègues de la commission des affaires économiques avec qui j'ai eu, voilà deux semaines, une très intéressante discussion qui a nourri mes réflexions sur ce sujet.

Pour en revenir à l'objet de ce débat, je résumerai ainsi la situation actuelle de la filière avicole : elle est grave, mais tout de même porteuse d'avenir.

Mon intervention sera structurée autour de trois points : le constat de l'état des lieux, les initiatives qui ont déjà été prises pour faire face à la crise et quelques pistes pour l'avenir.

S'agissant tout d'abord du constat de l'état des lieux, la situation est indéniablement grave, l'épidémie de grippe aviaire atteignant un secteur structurellement fragile.

Pour ce qui est des contraintes conjoncturelles liées au virus H5N1, elles sont marquées par plusieurs éléments.

Premièrement, on constate une baisse sensible de la consommation depuis six mois. Cette dernière, qui avait chuté d'environ 35 % au plus fort de la crise, est actuellement en baisse de 5 % à 10 %, selon la Fédération du commerce et de l'industrie.

Deuxièmement, on enregistre une réduction des quantités commercialisées, du fait de la baisse de la consommation intérieure, mais également en raison de la diminution des commandes étrangères à la suite de nombreux embargos.

Troisièmement, on note une diminution des quantités produites, qui se traduit par une réduction des mises en place, un allongement des vides sanitaires et une baisse de l'activité des entreprises d'abattage et de transformation.

Enfin, conséquence des trois constats précédents, les pertes de chiffre d'affaires sont importantes. Elles sont estimées à 40 millions d'euros par mois pour l'ensemble de la filière.

À cela, viennent s'ajouter des conséquences sociales lourdes, puisque 15 % des emplois du secteur seraient, à terme, menacés. Ces emplois concernent aussi bien les grosses que les petites exploitations.

Ces difficultés se trouvent aggravées par la fragilité structurelle du secteur, marquée par plusieurs tendances.

Le premier élément de fragilisation est la montée en puissance des producteurs concurrents.

Du point de vue des exportations, la tendance est à la baisse continue depuis sept ans, alors que le volume du marché mondial a quadruplé depuis 1990. Cette baisse de l'exportation est constatée aussi bien vers les pays de l'Union européenne - Grande-Bretagne, Allemagne - que vers les pays tiers du Proche et du Moyen-Orient, ou encore d'Afrique.

Du point de vue des importations, les approvisionnements communautaires en provenance du Brésil, de la Thaïlande et des pays d'Europe centrale et orientale, les PECO, ont explosé ces dernières années, passant de 172 000 tonnes en 1992 à 853 000 tonnes en 2000 - soit cinq fois plus !

Le deuxième élément de fragilisation est la fin programmée - en 2013 exactement - des restitutions à l'exportation, en raison des exigences de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC : 200 000 tonnes de production annuelle seraient potentiellement touchées, tandis que 3 000 à 4 000 éleveurs seraient, à terme, condamnés à arrêter leur activité.

Le troisième élément de fragilisation est une baisse de la consommation de 5 % entre 2001 et 2003, sachant par ailleurs qu'un Français mange deux fois moins de viande blanche chaque année qu'un Américain !

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce n'est pas bien ! (Sourires.)

M. Dominique Mortemousque. Certes !

Le quatrième élément de fragilisation est l'augmentation des contraintes liées au bien-être animal.

Le respect d'une telle exigence est légitime, et fait d'ailleurs l'objet d'une stricte législation nationale. Toutefois, il convient d'être vigilant au regard des projets de nouvelles réglementations communautaires tendant à renforcer encore ces contraintes, car elles risqueraient d'augmenter les coûts de production et donc les distorsions de concurrence avec les pays tiers.

Enfin, le dernier élément de fragilisation est l'insuffisance des efforts en termes d'innovation, de recherche et de développement. Longtemps à la pointe pour son travail sur les souches aviaires, notre pays s'est laissé progressivement distancer par ses plus proches concurrents.

En ce qui concerne maintenant les initiatives déjà prises, la filière s'est organisée.

D'une part, elle a réduit ses capacités de production par le non-renouvellement des contrats de travail temporaires ou intérimaires, la modulation des horaires de travail, le recours à des mesures de chômage partiel.

D'autre part, elle a lancé dans les médias des campagnes d'information auprès du grand public et des campagnes de promotion chez les distributeurs.

De son côté, le Gouvernement a mobilisé une enveloppe de 63 millions d'euros - que M. le ministre va nous détailler -, tandis que certaines collectivités ont financé en partie des campagnes d'information sur le plan local.

En ce qui concerne enfin les pistes pour l'avenir de la filière, je vous ferai part des raisons qui nous incitent à demeurer confiants.

D'une façon générale, il faut rappeler que la France occupe les tous premiers rangs mondiaux dans le secteur. Notre pays est, en effet, le premier producteur européen et le cinquième exportateur mondial.

Deuxième source de confiance, la baisse de la consommation en France, certes notable, est demeurée modérée par rapport à celle d'autres pays européens. Certains d'entre eux, en effet, ont connu des chutes de consommation allant de 70 % à 80 % !

En outre, les personnes auditionnées ont fait état de prévisions anticipant une nette hausse du marché de la volaille pour les années à venir.

Troisième source de confiance, le réseau sanitaire français, sans doute l'un des meilleurs au monde, a démontré sa capacité à dépister très rapidement les foyers d'infection et à les circonscrire efficacement. Cela explique peut-être qu'ils soient demeurés très rares. En effet, pour l'instant, un seul cas a été recensé dans un élevage.

Dans la mise en place de la stratégie de communication, il nous faudra insister davantage sur cet atout, car il s'agit d'un élément propre à rassurer les consommateurs et les partenaires commerciaux à l'export.

Quatrième source de confiance, l'expression d'une solidarité européenne est en cours.

La Commission européenne, soyons honnêtes, s'est longtemps retranchée derrière le caractère restrictif de la législation communautaire sur les périodes de crise pour justifier son inaction.

Cependant, les choses ont évolué dernièrement - je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, pour l'action forte, efficace et soutenue que vous avez menée en ce sens. La commissaire européenne à l'agriculture, Mariann Fischer Boel, a en effet proposé d'aménager l'organisation commune de marché « oeufs et volaille » pour faire face à la crise du secteur.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que cette réforme sera validée lors du prochain Conseil des ministres « agriculture et pêche », le 25 avril, et nous apporter des précisions quant aux modalités de sa mise en oeuvre ?

Par ailleurs, pensez-vous pouvoir obtenir le déplafonnement des 3 000 euros d'aides par exploitation, demandé avec force par l'ensemble de la profession ?

Cinquième source de confiance, la filière française continue de bénéficier d'avantages comparatifs.

Certes, il sera très difficile, voire impossible, aux producteurs français de lutter à armes égales sur le terrain de la production de masse avec des concurrents dont les charges sont deux fois moindres que les leurs, surtout depuis que se profile à l'horizon la suppression des restitutions à l'exportation.

Cependant, notre pays peut l'emporter sur les marchés de gamme supérieure, en valorisant encore mieux la qualité, le goût, l'origine, la traçabilité, le respect de l'environnement et du bien-être animal. Ce sont autant d'éléments pour lesquels les consommateurs, aujourd'hui perdus et inquiets au sujet de leur alimentation, sont prêts à payer plus cher.

Dernière raison d'être confiants - la plus importante -, la filière manifeste aujourd'hui sa volonté de s'organiser. Le secteur avicole souffre traditionnellement de l'absence d'interprofession générale, ce qui oblige les syndicats représentatifs ou des interprofessions partielles à se mobiliser ponctuellement, pour des résultats souvent faibles.

Un mal apportant souvent un bien, l'épidémie de grippe aviaire a mis en lumière cette carence, et il semble que les professionnels affichent désormais une réelle volonté de construire une interprofession.

Pour ma part, j'estime qu'il faut, avec le soutien des pouvoirs publics, impérativement bâtir cette structure interprofessionnelle puissante et reconnue de tous les acteurs de la filière. Elle doit être associée en amont à l'élaboration de toute législation, nationale comme communautaire. Cette condition est incontournable pour regagner la confiance de tous les acteurs de la filière.

Monsieur le ministre, tels sont les points essentiels que je souhaitais aborder. En conclusion, je veux indiquer que, bien que la situation soit très préoccupante, elle est en même temps, si nous agissons comme il convient, porteuse d'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de deux considérations préliminaires au propos que je tiendrai en ma qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » : La première concerne la nature macroéconomique de la crise et la seconde est d'ordre budgétaire.

Les dernières données macroéconomiques de l'INSEE, communiquées au début du mois de mars dernier, font une première estimation des effets économiques de la grippe aviaire en France.

Estimant ainsi que « l'impact global serait toutefois très limité », l'INSEE précise que, d'un point de vue économique, la grippe aviaire touche la production agroalimentaire avicole, qui représente 4,1 % de la production agricole et 2,2 % de l'industrie agroalimentaire. Dans l'hypothèse où le virus resterait cantonné aux animaux, la grippe aviaire aurait essentiellement un impact sur les exportations avicoles de la France. Eu égard à l'embargo total des pays qui l'ont signifié à ce jour et à un repli prévisible de 10 % des importations des autres pays, les exportations avicoles diminueraient de 22 % dès le premier trimestre 2006, soit une perte d'environ 70 millions d'euros.

En outre, l'INSEE souligne que l'impact de la grippe aviaire devrait être également sensible sur la production de l'industrie agroalimentaire, via l'indice de la production industrielle de cette branche. Le repli devrait surtout être enregistré au deuxième trimestre. Dans un premier temps, les abattages de volailles ne cesseraient pas et la chute des demandes interne et externe se traduirait par une montée des stocks. Dans un second temps, l'adaptation de la production interviendrait, faisant chuter l'activité.

Ainsi, en termes de production, l'impact sur les exportations avicoles se traduirait par une baisse de 0,02 % de la croissance du PIB du premier trimestre 2006. Selon l'ampleur de la chute de la consommation de volailles, mais aussi selon le degré et l'orientation de la substitution de la consommation alimentaire, l'impact final sur le produit intérieur brut pourrait être plus important d'après l'INSEE.

Si l'impact macroéconomique de cette crise doit être relativisé, l'impact économique sur la filière avicole est bien réel, comme en témoigne le décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits publié par le Gouvernement le 27 mars 2006, destiné à financer, à hauteur de 68 millions d'euros, les mesures relatives à l'épizootie de grippe aviaire et sur lequel la commission des finances du Sénat a été amenée à se prononcer, en vertu des dispositions de la LOLF.

Ce décret d'avance a en effet permis l'ouverture de 52 millions d'euros au titre du soutien économique en faveur de la filière avicole - vous avez évoqué ce point, monsieur Mortemousque -, et de 16 millions d'euros au titre du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission dont j'ai l'honneur de présenter les crédits. Cette dernière somme doit permettre de financer les visites sanitaires obligatoires dans les exploitations situées en zone de protection, la vaccination des palmipèdes dans certains élevages ainsi que l'indemnisation des éleveurs dont l'élevage doit être abattu.

À cet égard, je tiens à souligner que, si cette ouverture de crédits était nécessaire, elle aurait pu être anticipée par le Gouvernement puisque j'avais moi-même proposé au Sénat, lors de l'examen du budget de la sécurité sanitaire le 6 décembre dernier, un amendement visant à transférer un montant de 15 millions d'euros du programme « Veille et sécurité sanitaires » vers le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Cet amendement avait été repoussé par le Sénat, notamment à la suite de l'intervention du ministre de la santé et des solidarités, qui avait précisé ceci : « l'abondement de 15 millions d'euros auquel vous souhaitez procéder, madame Bricq, est [...] inutile, puisque nous serions tout à fait en mesure de faire face au risque lié à l'épizootie ».

Le décret d'avance publié au cours du mois dernier n'a fait que confirmer l'analyse formulée par la commission des finances à la fin de l'année 2005.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Le Gouvernement a rectifié le tir, et je lui en donne acte. Cependant, il serait quelquefois bien avisé d'écouter les parlementaires, qui parlent en connaissance de cause !

J'interviens aujourd'hui dans ce débat en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » parce que j'ai entamé, au début du mois de mars, au nom de la commission des finances, un contrôle budgétaire sur la mise en oeuvre par l'État et les services déconcentrés des mesures de lutte contre la grippe aviaire. Je rendrai compte de ma mission à ladite commission avant l'été.

J'ai donc été amenée, lors de mes nombreuses auditions et de mes quatre déplacements dans les départements de Saône-et-Loire, de Vendée, des Côtes d'Armor et de Seine-et-Marne, mon département, à rencontrer l'ensemble des acteurs de la filière avicole qui ont manifesté à la fois une grande inquiétude mais aussi une réelle combativité.

J'ai pu également constater, je dois le souligner, l'efficacité et l'implication des services de l'État, que ce soient les services vétérinaires ou les services économiques. Les premiers, forts de l'expérience tirée des grandes crises sanitaires précédentes, qu'il s'agisse de celles de l'ESB ou de la fièvre aphteuse, disposent aujourd'hui d'une organisation administrative efficace, à la hauteur des enjeux sanitaires actuels.

S'agissant du volet économique, les aides débloquées par le Gouvernement, considérées comme un premier « acompte » par les représentants des organisations professionnelles, ont pu être distribuées rapidement grâce au recours à une procédure accélérée faisant intervenir les directions de l'agriculture et le trésorier-payeur général de chaque département.

À ce jour, l'inquiétude des acteurs de la filière porte essentiellement sur la durabilité de la crise et sur l'effet économique à long terme des renforcements des mesures sanitaires.

Je voudrais articuler mon propos autour de deux idées majeures.

Tout d'abord, la crise de la grippe aviaire, que traverse aujourd'hui notre pays, s'inscrit dans un contexte plus global de recrudescence des épizooties au niveau mondial au cours des dix dernières années notamment, et doit donc être analysée comme un phénomène potentiellement durable.

Par ailleurs, la durabilité de cette crise impose de réévaluer son impact économique et de réfléchir, à plus long terme, à la « soutenabilité » économique des mesures sanitaires prises par les pouvoirs publics.

La recrudescence des épizooties au niveau mondial, au cours des dix dernières années, est le résultat d'une conjonction des différents facteurs suivants : la densité animale liée à l'intégration de plus en plus poussée des systèmes d'élevage dans certains pays où les mesures de biosécurité ne sont pas toujours respectées, voire mises en oeuvre, le rapprochement de certaines espèces animales, notamment des espèces sauvages et domestiques, l'évolution de la démographie humaine mondiale et la concentration des populations dans certaines régions, enfin - c'est un point très important -, la globalisation des échanges internationaux, qu'ils soient liés au commerce ou à la migration des populations.

Ces différents facteurs associés à l'émergence de conditions environnementales favorables à celle d'un nouveau virus ou d'un nouvel agent pathogène expliquent la recrudescence des épizooties au niveau international. Ces dernières se sont développées non seulement dans les pays en voie de développement, par exemple dans le Sud-Est asiatique, mais aussi en Europe. Ainsi, en 2003, les Pays-Bas avaient dû faire face à une épizootie d'influenza aviaire sans précédent, liée au virus H7N7, qui avait abouti à l'abattage d'un tiers du cheptel avicole hollandais, tandis qu'au Royaume-Uni, en 2001, l'épizootie de fièvre aphteuse avait grandement fragilisé et même pratiquement anéanti la filière bovine.

L'actuelle épizootie d'influenza aviaire hautement pathogène, issue du virus H5N1, est apparue en Asie du Sud-Est dès 1997 et a proliféré sur divers continents, si bien que l'on peut aujourd'hui parler de situation de panzootie, caractérisée par la présence simultanée de l'épizootie sur plusieurs continents. Les États-Unis s'y préparent activement, bien que le continent américain ne soit pas encore touché.

En outre, les facteurs d'émergence des épizooties sont également à l'origine de la multiplication, à l'échelle internationale, des zoonoses, à savoir des maladies transmissibles de l'animal à l'homme. C'est pourquoi - et je voudrais vraiment insister sur ce point -, agir en amont pour préserver la santé animale est une nécessité si l'on veut protéger la santé humaine. Dès lors, la mise en oeuvre de mesures renforcées de sécurité sanitaire, dans le but de préserver la santé animale et dans le respect du bien-être animal, est une priorité, à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale.

Ainsi, l'aide internationale en direction des pays en voie de développement touchés par l'épizootie d'influenza aviaire est primordiale. Au mois de janvier dernier, au cours de la conférence de Pékin organisée conjointement par l'Organisation mondiale de la santé animale, ou OIE, et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou FAO, les grands bailleurs de fonds internationaux se sont engagés à débloquer une aide de 1,9 milliard de dollars, dont la moitié devait être consacrée à l'amélioration de la santé vétérinaire dans les pays les plus touchés, en Asie du Sud-Est et surtout en Afrique. Si certains pays d'Asie du Sud-Est ont mis en place des méthodes de lutte efficaces de nature à rassurer sur leur capacité à maîtriser l'évolution de l'épizootie, d'autres, comme l'Indonésie et surtout la plupart des pays africains touchés, sont dans l'incapacité technique, économique et politique de contenir la maladie.

Or, en dépit des engagements financiers qu'ils ont pris au moment de la conférence de Pékin, les pays industrialisés tardent à financer la lutte contre l'épizootie dans les pays les plus démunis. L'Union européenne, notamment, a été pointée du doigt pour n'avoir pas décidé assez rapidement des critères d'attribution des aides promises, alors qu'elle devrait être en première ligne, compte tenu des échanges commerciaux et humains qu'elle entretient avec le continent africain. Je note toutefois avec satisfaction que la France est, avec le Japon, l'un des premiers pays donateurs à avoir débloqué une aide en faveur de l'Afrique, à hauteur de près de 5 millions d'euros. Le caractère certes modeste de cette contribution doit être relativisé, eu égard à l'aide apportée par les autres pays.

Cette imbrication entre santé humaine et santé animale plaiderait, selon moi, en faveur d'une nouvelle organisation administrative de l'État qui pourrait se doter d'un pôle de santé publique afin d'appréhender simultanément les problématiques de santé animale et de santé humaine en évitant de minimiser la dimension animale, comme l'a fait, monsieur le ministre, votre collègue chargé de la santé, et de « diluer » le pôle vétérinaire au sein du pôle de la santé humaine. La réforme de l'architecture budgétaire en cours, qui consiste à définir des missions interministérielles, en l'occurrence celle de la sécurité sanitaire, devrait logiquement répondre à cet objectif. Mais nous en sommes bien loin. Nous reverrons le problème ultérieurement.

La recrudescence des épizooties, au niveau mondial, impose donc aujourd'hui de s'installer dans la durée. J'en veux pour preuve, même si la crise relative au CPE qui a frappé notre pays a fait quelque peu oublier ce fait, la découverte d'un foyer de grippe aviaire en Saxe qui a entraîné des abattages.

L'interrogation formulée par l'ensemble des acteurs de la filière avicole que j'ai pu rencontrer sur le terrain est la suivante : « comment pourra-t-on vivre durablement avec cette crise ? »

En effet, aujourd'hui, la question se pose de savoir comment la filière avicole française pourra supporter l'impact économique des mesures sanitaires rendues nécessaires par l'apparition du virus hautement pathogène sur notre territoire.

Par un arrêté du 16 février 2006, le Gouvernement a décidé d'imposer la claustration, dite « confinement », des élevages sur l'ensemble du territoire. Toutefois, il a prévu qu'au confinement à l'intérieur de bâtiments fermés « il peut être dérogé [...], lorsque ce maintien n'est pas praticable. Dans ce cas, le détenteur des oiseaux doit faire procéder à une visite par un vétérinaire sanitaire ». Le déconfinement intervenu dans la Bresse s'inscrit dans ce cadre.

Le renforcement des mesures sanitaires et des contrôles vétérinaires a un coût, non seulement pour l'État mais aussi pour la filière, surtout s'il a vocation à durer.

Aujourd'hui - j'ai pu m'en rendre compte en me déplaçant dans les élevages, les abattoirs et les basses-cours -, tous les acteurs économiques de la filière avicole sont touchés : l'amont, la production et l'aval. En effet, cette crise affecte d'abord le premier maillon de la filière que sont les entreprises de sélection génétique - les reproducteurs - et les accouveurs, qui ne peuvent faire face à une évolution brutale du marché en raison de cycles de production longs de plusieurs années. Il en est de même pour les producteurs et les industries d'abattage, dont les cycles de production de plusieurs mois ne permettent pas d'adaptation de la production au niveau de la consommation, ce qui conduit la filière à stocker les viandes de volaille aujourd'hui non commercialisables.

Enfin, il faut souligner que l'élevage de qualité, qui constitue une spécificité française, devrait également souffrir de la crise de manière disproportionnée, car ses structures de production ne sont en rien adaptées aux mesures de confinement. À cet égard, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur un point précis : les éleveurs de qualité qui ne peuvent plus respecter certaines obligations de leur cahier des charges en raison d'exigences de sécurité sanitaire seront-ils autorisés par la Commission européenne à continuer à commercialiser leurs produits sous la même dénomination et avec les mêmes mentions valorisantes, labels ou AOC ? Je crois savoir que la Commission européenne devait se prononcer à cet égard aujourd'hui même.

La filière avicole française est d'autant plus fragilisée que son organisation, fortement intégrée dans les départements d'aviculture « industrielle », notamment ceux du grand Ouest, ne lui permet pas forcément la solidarité en son sein. Ainsi, elle ne dispose pas d'une interprofession et ne participe à aucun groupement de défense sanitaire, contrairement à la filière bovine, par exemple. En outre, elle doit faire face à un accroissement de la concurrence internationale, comme l'a rappelé Dominique Mortemousque.

Dès lors, la crise actuelle devrait sans doute redessiner les contours économiques de la filière et modifier son positionnement commercial, européen et, plus largement, international.

Si l'on intègre la dimension de la durée, que se passera-t-il le 31 mai 2006 lorsque les mesures de confinement décidées par le Gouvernement viendront à expiration ? C'est la question que l'on nous pose de manière lancinante quand nous nous déplaçons.

Nous savons que la claustration à long terme n'est pas tenable. Des solutions alternatives existent : soit le confinement sélectif et temporaire réservé aux zones et aux périodes à risque, soit la vaccination préventive. Cependant, il n'y a pas, à l'heure actuelle, de véritable consensus scientifique sur le rapport entre les coûts et les bénéfices de la vaccination préventive. Toutefois, on peut estimer que, dans certaines zones où le confinement étanche aurait un coût économique et social exorbitant, la vaccination préventive constitue une option valable et une solution satisfaisante lorsqu'elle reste ciblée.

Quelle que soit la solution retenue, une réflexion devra être menée quant à l'évolution des aides économiques distribuées à la filière, notamment à la filière de qualité. Des aides structurelles seront nécessaires pour permettre l'adaptation des installations aux mesures de claustration. Ainsi, dans mon département, la Seine-et-Marne, les éleveurs m'ont indiqué que des investissements à hauteur de 200 000 euros, sur l'ensemble d'un département qui n'est pas réputé pour sa filière avicole, seraient nécessaires pour installer des mécanismes spécifiques de ventilation.

Je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée sur les effets indirects de cette crise sur des activités particulières. Ainsi, en Seine-et-Marne, les directeurs d'école n'acceptent plus d'envoyer les enfants dans les fermes pédagogiques que compte ce département périurbain, ce qui entraîne un manque à gagner de 15 000 euros par mois pour ces fermes. Je vous laisse imaginer ce que cela représente pour une exploitation agricole !

M. Gérard César. C'est énorme !

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Du point de vue sanitaire, le décret d'avance du 27 mars 2006 a été utile sur le court terme ; mais, si l'on s'installe dans la durée, les moyens de veille sanitaire devront être encore renforcés et développés.

Nous avons la chance, en France, de disposer d'un maillage vétérinaire unique en son genre, qui comprend 4 400 agents répartis dans 100 directions départementales, des services vétérinaires et 8 600 vétérinaires sanitaires libéraux exerçant un mandat de service public et réalisant l'essentiel des tâches de surveillance, de dépistage et de police sanitaire. Il faut préserver cette organisation, et même la renforcer, ce qui aura évidemment un coût. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

La parole est à M. Bernard Barraux.

M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce bon département de l'Allier spécialisé dans l'élevage du Charolais, la production avicole s'est développée chez des éleveurs dont les exploitations étaient trop petites et qui avaient absolument besoin d'une activité d'appoint pour parvenir à un équilibre financier.

En trois ou quatre décennies, la production a pris une place très importante, puisque, avant cette crise, l'Allier produisait, en tonnage, presque autant de viande de volaille que de viande de boeuf.

Nous possédons un important parc de volailles dites « standard » et, grâce à la mise en place du poulet « Label Rouge », dont la qualité est universellement reconnue, nous disposons d'un parc très important de poulaillers « Labels ».

Toute la filière s'est mise en place en un temps record, accédant aux installations et à la technique qui étaient indispensables. Cela a demandé à chacun des acteurs de considérables investissements matériels et immatériels.

S'agissant de productions de consommation courante, les marges sont extrêmement faibles et le moindre incident dans un élevage se traduit irrémédiablement par une perte. De plus, le poussin n'arrive pas au poulailler par un coup de baguette magique : à la naissance de son premier poussin, une poule pondeuse reproductrice a déjà coûté en investissement 1 500 euros pour la nourriture et les soins divers.

Chaque membre de cette filière est complètement lié à son collègue d'amont et d'aval.

En effet, pour que cette filière fonctionne, il faut un éleveur possédant des installations parfaitement codifiées ainsi qu'une technicité de haut niveau ; il faut aussi un accouveur, qui doit prévoir d'une année sur l'autre la livraison de ses poussins ; il faut également un fabricant d'aliments pour les volailles, aliments qui obéissent à des règles d'une rigueur incroyable avec un contrôle permanent et drastique de toutes les matières premières utilisées ; il faut en outre un abattoir qui applique des principes sanitaires d'une hygiène parfaite et qui doit prévoir la vente et la livraison des volailles dès la mise en place de ces dernières dans les élevages ; il faut, de plus, des surfaces de vente qui gèrent, mais obéissent souvent aux impulsions d'une clientèle quelquefois versatile et toujours influençable ; il faut, enfin, des vétérinaires, des laboratoires d'analyses et des techniciens qui suivent et qui contrôlent en permanence tous ces élevages.

On peut presque dire que chacun de ces partenaires travaille à flux tendus, la moindre défaillance de l'un des maillons pouvant entraîner un effondrement de l'ensemble de la chaîne.

Dans la région Auvergne, ce sont plus de 4 000 personnes qui s'activent autour de la volaille.

Par considération et par respect pour tous ces gens, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait hautement souhaitable que nos excellents journalistes caméramans tournent sept fois leur caméra dans leurs mains avant de filmer ce qu'ils croient être du sensationnel et qui, en l'occurrence, était souvent factice et destructeur ?

M. Bernard Barraux. Quand le présentateur déclare que la consommation de volaille ne présente aucun danger à condition d'être consommée cuite - vous la mangez souvent crue la volaille, vous ?- et que, simultanément, le caméraman montre un tractopelle chargeant des volailles crevées ou anesthésiées dans un camion poubelle, une telle séquence vous étant servie à différentes reprises lors du journal télévisé de 20 heures, c'est-à-dire à l'heure de votre dîner, avouez que les conditions ne sont pas réunies pour lutter contre la sous-consommation de volaille !

Les conséquences ne se sont pas fait attendre et, depuis la mi-octobre, on peut craindre un effondrement complet de cette filière, laquelle est donc en très grand danger.

Jusqu'à maintenant les éleveurs n'ont pas encore trop souffert, car il a bien fallu élever les poussins qui avaient été mis en place et qui sortent actuellement. Certes, les vides sanitaires se sont déjà allongés - ils sont passés de trois semaines à neuf ou dix semaines - et vont encore s'allonger, mais cela constitue un manque à gagner, et non une perte.

Les abattoirs ont perdu 30 % de leur clientèle. Ils stockent, ils congèlent, et les frigos sont pleins. Les fabricants d'aliments ont pu livrer ces derniers jusqu'à maintenant, mais ils vont bientôt commencer à supporter les conséquences de la baisse de 30 % de l'activité. Quant aux accouveurs, c'est un véritable désastre, un véritable carnage économique, car ils ont dû jeter les oeufs et tuer la moitié de leurs poules pondeuses reproductrices, dont l'investissement, je vous le rappelle, s'élève à 1 500 euros au premier oeuf produit.

À moins de savoir lire dans le marc de café, il est impossible d'imaginer la durée de cette crise !

Ceux qui s'en sont le moins mal sortis sont les surfaces de vente qui, par crainte de ne pas écouler la marchandise achetée, ont anticipé, contribuant ainsi à amplifier quelque peu la crise. En effet, pendant plusieurs mois, il n'y avait plus de volailles en fin de matinée sur la plupart des étals.

Il y a bien eu l'opération « deux poulets pour le prix d'un » destinée à résorber les stocks, mais, monsieur le ministre, vous savez bien qui l'a payée ! Seuls en ont profité les consommateurs qui ne s'étaient pas laissé influencer par la télévision : ils ont rempli leurs congélateurs dans des conditions financières optimales et vont consommer tranquillement les volailles ; cela retardera d'autant la reprise, si toutefois reprise il y a un jour. Les autres consommateurs, influencés par ce dégoût collectif, n'ont pas acheté un seul poulet, les produits de substitution, tels le veau et le saumon, ne manquant pas.

La baisse de 30 % de l'activité de toutes ces entreprises va provoquer des pertes énormes. Les 63 millions d'euros que vous avez accordés à la filière ne suffiront pas à sauver cette dernière, monsieur le ministre, car la pire des catastrophes pour nos éleveurs serait l'effondrement de la filière avicole, et un seul maillon défaillant pourrait en être à l'origine.

Aujourd'hui, 1 000 emplois sont fragilisés en Auvergne : chômage complet ou partiel, licenciements, non-renouvellement de certains contrats. Telles sont les conséquences actuelles de cette situation.

Il est absolument impératif d'envisager une prise en charge de la filière pour en sauver tous les éléments. Le déplafonnement des 3 000 euros par exploitation doit être autorisé par la Commission européenne.

L'augmentation des restitutions doit se poursuivre, la congélation et le stockage privé des produits avicoles doivent être soutenus.

Jusqu'à ce jour, la Commission européenne n'a débloqué aucune aide en faveur des éleveurs victimes des conséquences de la médiatisation intempestive de la grippe aviaire, car aucun élevage n'a dû appliquer les mesures vétérinaires comme l'embargo ou l'abattage, qui ont été préconisés par l'Union européenne.

Monsieur le ministre, il faut absolument rassurer les consommateurs pour que cesse cette absurde situation de crise. Votre ministère, à l'époque de la crise de la vache folle, avait réussi une opération de communication qui avait très largement contribué à la reprise de la consommation de la viande bovine. Alors, au boulot, monsieur le ministre ! (Sourires. -M. Pierre-Yvon Trémel applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mondialisation du commerce induit une âpre concurrence. De plus, l'aviculture française doit faire face à de fortes baisses de consommation, qui sont directement liées à la psychose de la grippe aviaire.

Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences économiques de l'infuenza aviaire sur la filière avicole française, et plus particulièrement sur la crise que traverse l'aviculture fermière gersoise.

L'aviculture française représente 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 600 millions d'euros d'exportations.

En février 2006, la consommation de volaille a chuté de 20 % et les exportations ont diminué de 20 % à 30 % pour les mois de janvier et de février. Une baisse de consommation de 20 % entraîne 60 millions d'euros de perte sèche mensuelle pour la filière. En dépit de l'allongement obligatoire des vides sanitaires, la production reste excédentaire, car la consommation peine à retrouver son niveau habituel.

L'équilibre n'est donc pas rétabli. C'est l'avenir de toute une filière, l'emploi de milliers d'hommes et de femmes et la survie de nombreuses exploitations et entreprises qui sont menacés, car ces élevages sont souvent le complément indispensable aux petites exploitations céréalières.

L'origine du dysfonctionnement réside principalement dans la chute des volumes de consommation. La confiance du consommateur est essentielle : comment éviter qu'il ne déserte à nouveau les rayons « volaille » si de nouveaux foyers de grippe aviaire se révélaient ?

Il faut souligner que le droit à l'information ne doit pas dégénérer en une sur-médiatisation frisant l'hystérie, due surtout à l'absence de sujets majeurs, et provoquer une psychose chez les consommateurs.

Gardons notre sang-froid ! En effet, si la grippe aviaire a fait 91 morts dans le monde depuis son début, chaque année, en France, 3 000 personnes sont victimes de la grippe classique.

Il faut prolonger la campagne nationale d'information lancée par le ministère de l'agriculture par des relais locaux, en particulier dans les bassins régionaux de production : le Gers, les Landes, le pays de Loué, pour ne citer que les principaux d'entre eux.

En effet, les associations professionnelles avicoles, notamment celles du Gers, ont déjà des stratégies de communication prêtes, jouant la transparence et insistant sur la sécurité et la traçabilité de leurs produits.

Les professionnels attendent également que la campagne nationale s'appuie sur des arguments irréfutables, comme la vigilance sanitaire constante de 5 000 vétérinaires sur le territoire français. Ils sont attentifs et informés pour faire face à l'hypothèse d'un volatile infecté dans leur élevage.

Cette vigilance des autorités sanitaires françaises est, de plus, portée au maximum de ce qu'il est possible de mettre en place aujourd'hui au regard de l'évolution de l'influenza sur notre territoire.

Dans ce contexte perturbé, les professionnels les plus touchés sont, en amont, les éleveurs de volailles, en particulier ceux dont les investissements sont lourds et récents, comme les jeunes exploitants et les producteurs sous label de qualité.

Le Gers, qui tire 18 % de son revenu brut de l'activité avicole, est particulièrement ébranlé. On estime à 5 millions d'euros mensuels, dont 2 millions pour la partie production, les pertes de la filière dans le département. De nombreux éleveurs, travaillant souvent dans des exploitations familiales et de taille modeste, craignent aujourd'hui à juste titre pour la survie de leur exploitation.

L'allongement obligatoire des vides sanitaires se répercute fortement sur leur revenu : jusqu'à 30 %.

Les éleveurs ont donc besoin en urgence d'aides financières afin de compenser leurs coûts structurels. Ces coûts pourront être réduits par un regroupement de la production et donc la fermeture d'un certain nombre de bâtiments, mais il faudra faire face aux conséquences sociales induites.

La plupart des groupes de la filière ont ajusté leur production au niveau de la demande et cinq grands groupes nationaux ont déjà annoncé des mises au chômage partiel pour fin avril. De nombreux contrats à durée déterminée ou contrats en intérim ne seront pas renouvelés.

Afin de limiter le coût social de la crise avicole, il faut prévoir des plans de formation et de reclassement. Je pense particulièrement aux salariés de mon département, habitant un territoire très rural et ayant passé parfois plusieurs dizaines d'années dans un abattoir : leur reconversion et leur reclassement sans formation sont difficiles. Il faut absolument les aider.

Pour ce qui est des outils industriels, les deux abattoirs du département annoncent des mesures de chômage partiel et un regroupement en un seul site, pour lequel ils ont besoin d'une aide de l'État.

Il faut écouler les stocks en trouvant de nouveaux débouchés et vider les congélateurs sans casser le marché national. Les instances européennes doivent réexaminer et redéfinir les conditions d'exportation.

La volaille française, extrêmement sécurisée, est victime des embargos décidés sans aucune concertation par les pays importateurs, alors même que les volailles étrangères entrent en Europe sans des contrôles d'origine et d'identification aussi rigoureux.

Dans mon département, l'aviculture fermière est une tradition ; les éleveurs travaillent dans le respect de leur environnement et du consommateur. Il serait catastrophique que cette branche traditionnelle de l'aviculture, tenant une place majeure dans l'économie locale, disparaisse.

Certes, monsieur le ministre, vous n'êtes pas resté inactif. Depuis le mois de novembre, vous avez débloqué, sur le plan national, 63 millions d'euros pour la filière. En février, une enveloppe de 20 millions d'euros, à laquelle s'ajoutent les 5 millions d'euros annoncés en janvier 2006, a ainsi été consacrée au financement de nombreuses mesures en faveur des éleveurs : indemnisations pour le manque à gagner résultant d'une réduction volontaire de production, allégement des charges d'emprunts pour les éleveurs qui ont investi récemment et pour les jeunes aviculteurs, ou encore prise en charge des cotisations de la Mutualité sociale agricole pour les producteurs en difficulté.

Ces mesures étaient vitales, et je me félicite de la réactivité du Gouvernement.

Toutefois, d'autres acteurs de la filière avicole ne bénéficient pas d'une telle aide, alors qu'ils se trouvent dans une situation financière particulièrement délicate. Tel est le cas de grands accouveurs et de petits abattoirs.

Comment le Gouvernement entend-il donc soutenir ces acteurs économiques aussi essentiels de la filière avicole ? Leur accordera-t-il des aides spécifiques, notamment une indemnisation de pertes d'exploitation, un allégement ou une exonération de charges ? Le cas échéant, pouvez-vous nous dire quand et comment seront calculées puis réparties ces aides ?

Par ailleurs, vous avez annoncé une avance de 1 000 euros par exploitation. Or les conditions d'accès à ces aides sont vivement critiquées par la profession : il semble que de nombreux éleveurs en soient exclus ou partiellement écartés, notamment ceux qui ont choisi de diversifier leurs productions mais pour qui l'atelier « volaille » représente une grande partie du revenu de l'exploitation.

Quoi qu'il en soit, ces dispositions d'urgence ne doivent constituer qu'une première étape, car elles ne suffiront pas à couvrir les pertes déjà enregistrées et à venir de la filière. Je le rappelle, ces pertes sont de l'ordre de 40 millions d'euros par mois.

Enfin, qu'en est-il, monsieur le ministre, des mesures de gestion de marché ? La profession les réclame depuis novembre.

Vous avez alerté le conseil des ministres européens en janvier et en février, mais la Commission tarde à réagir. Le Conseil européen du 20 mars dernier a pris une décision : surtout, ne rien décider !

Quand l'Europe va-t-elle se réveiller ? Espérez-vous des mesures adaptées dès ce mois d'avril et seront-elles rétroactives ?

Pour que l'État soit efficace dans son soutien à la filière, une concertation doit être mise en place avec la profession afin de définir les actions indispensables au maintien de cette activité.

Monsieur le ministre, vous avez prouvé que vous étiez un homme de dialogue. Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat était nécessaire et urgent, et je remercie notre collègue M. Dominique Mortemousque d'avoir posé cette question orale avec débat : nous pouvons ainsi faire ici les constats nécessaires, surtout interroger le Gouvernement et, via celui-ci, l'Europe sur les mesures à venir en vue de soutenir la filière avicole.

L'épizootie d'influenza aviaire ne date pas d'aujourd'hui : à l'image de la grippe humaine, qui revient chaque année sous des formes diverses, elle frappe ici et là régulièrement depuis plus d'un siècle. Sa première description date de 1878, en Lombardie. Depuis 1959, vingt-cinq épisodes d'épizootie ont été enregistrés dans le monde.

En 1983, les États-Unis furent touchés et durent abattre plus de 17 millions d'oiseaux et dépenser 54 millions d'euros. On se souviendra également de l'épidémie, aux Pays-Bas, en février 2003, qui a coûté, selon mes sources, le décès d'un vétérinaire et près d'un milliard d'euros de pertes pour seulement 200 millions d'euros d'aides.

Enfin, l'épidémie de l'été 2005 est partie des Philippines, gagnant la Chine en novembre, puis la Thaïlande.

La suite, nous la connaissons tous : en Europe et en France, les cas se sont multipliés chez les oiseaux, en particulier, chez les chats et dans quelques élevages. La transmission à l'homme du virus H5N1, les dizaines de décès humains qui ont été enregistrées et l'ampleur géographique du phénomène nous permettent malheureusement d'employer le terme de panzootie.

Fort heureusement, jusqu'à présent, le virus H5N1 ne semble pas se transmettre entre humains. Il faut cependant rester très prudents, car les trois grandes épidémies du XXe siècle sont soupçonnées d'être d'origine aviaire par des biologistes moléculaires et virologistes américains : la grippe espagnole de 1918 était un virus de sous-type H1N1, la grippe asiatique de 1957 un virus H2N2 et celle de 1968, dite de « grippe de Hong-Kong », un virus H3N2. Ces virus ont tous trois trouvé les clés d'entrée dans les cellules humaines.

L'expérience nous amène à constater que les pays riches éradiquent plutôt bien les pandémies, alors que les pays pauvres demeurent des foyers permanents, faute de moyens de détection précoce, de logistique vétérinaire et de moyens financiers d'indemnisation.

Ce constat nous amène à plaider fortement pour que les pays riches affectent des ressources et des moyens aux pays pauvres, comme le préconise M. Bernard Vallat, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale.

La dimension mondiale semble indispensable, tant pour la prévention que pour la mise en oeuvre de moyens curatifs. Ce type de mondialisation, que je qualifierais de positive si elle se mettait en place, se heurte violemment aux fabricants d'antiviraux, aux grands groupes pharmaceutiques, qui préfèrent grossir encore leurs fortunes en vendant des centaines de millions de doses de Tamiflu. Chacun se souvient encore du comportement de ces groupes à l'égard du virus du sida et de la possibilité pour les pays pauvres de fabriquer des génériques ou d'y accéder.

Les brevets des vaccins deviennent un véritable obstacle à la lutte contre les pandémies. La mobilisation des organisations non gouvernementales et d'un certain nombre de pays a cependant permis que les choses bougent quelque peu dans ce domaine. Ainsi, les groupes Roche et Gilead ont enfin rendu publiques les techniques de fabrication du Tamiflu et négocient avec les industriels du générique.

Cet exemple montre bien qu'il n'y a pas de fatalité pour que les monopoles en tous genres reculent au profit du bien-être de l'humanité.

En novembre 2005, quelque cent trente pays se sont engagés à apporter 2 milliards de dollars sous forme de dons et de prêts aux pays les plus démunis et les plus exposés. Le 4 avril dernier, on pouvait lire, dans le journal Le Monde, que l'Europe était « le plus mauvais élève » et qu'elle n'avait même pas décidé comment attribuer les sommes promises. C'est seulement le 30 mars dernier que nous avons appris qu'elle proposait de financer 50 % des aides nationales aux éleveurs sans pour autant dégager de budget spécifique.

Cette attitude de l'Union européenne est incompréhensible et irresponsable. Elle n'engage pas à la confiance la filière avicole française, qui attend des aides !

Les effets psychologiques liés à l'évolution géographique de la maladie ont conduit à des baisses très sensibles de la consommation, qui s'établissaient de 15 % à 30 % dès le mois de novembre, selon les segments, pour se situer aujourd'hui à environ 5 %, et ce dans le contexte d'une aviculture française encore fragilisée par les délocalisations au Brésil, les importations de viandes saumurées de Thaïlande et du Brésil, et l'accord de Marrakech sur le commerce international, qui a « plombé » les facilités par les vides juridiques européens en matière d'importation.

La découverte d'un premier canard mort et infecté par le virus H5N1 dans l'Ain, le 21 février dernier, puis la contamination de l'élevage de Versailleux ont eu pour effet d'aggraver la crise de confiance et de voir se fermer de nombreux créneaux à l'exportation. Cet élevage étant le seul à avoir été infecté, les présomptions sont très lourdes pour que la principale cause de contamination soit due aux allées et venues des journalistes, qui, pour le moins, n'ont pas rendu service à la profession.

Dès le 28 février dernier, une vingtaine de pays fermaient leurs frontières à la volaille française ; le 2 mars, ils étaient quarante-trois à décider un embargo, ce qui a eu pour effet d'amplifier la crise sur le terrain.

Accouveurs, éleveurs de volailles et de gibier à plumes, sélectionneurs, transporteurs, abatteurs, transformateurs et salariés ont tous été touchés.

À ce titre, l'exemple de la Bretagne, qui représente 33 % de la production française, est particulièrement évocateur, et ce n'est donc pas un hasard si quatre sénateurs bretons sont inscrits dans ce débat ! Entre 10 000 et 20 000 emplois y sont menacés, en premier lieu les plus fragiles, à savoir ceux des intérimaires et les contrats à durée déterminée ; le port de Brest lui-même a vu son trafic à l'exportation de volailles chuter de 33 %.

De nombreux abattoirs pratiquent le chômage partiel, ce qui touche durement des salariés à faible revenu. L'allongement des vides sanitaires va se répercuter pendant de longs mois sur le revenu des éleveurs, qui subissent déjà les dures conditions des intégrateurs. Les ventes de volailles démarrées aux particuliers ont chuté de 70 %, si bien que le stock de volailles invendues atteint 400 000.

Cet exemple montre bien les conséquences de la crise sur le plan national, auxquelles s'ajoutent des effets en cascade : chute de 8,5 % de la production d'aliments du bétail en janvier et en février, mise à mal du secteur de la sélection, frais liés au coût des stockages industriels, notamment.

Venons-en aux aides indispensables. Il faut souligner ici l'implication financière de nombreux départements et régions, en particulier dans le secteur de la communication.

La profession attend désormais, au-delà des premières aides débloquées par le Gouvernement, des mesures à la hauteur de la crise : le maintien du potentiel de production, d'abattage et des emplois y afférant ; la compensation intégrale des pertes subies par les salariés, les aviculteurs et les entreprises ; la prise en charge sociale et fiscale des personnes pénalisées ; la poursuite de la démarche vers des produits de qualité, de gamme supérieure ; le renforcement de l'organisation professionnelle ; l'engagement des banques pour la baisse des taux d'intérêt, des découverts et des prêts ; l'instauration d'un grand débat public sur l'avenir de la filière, son évolution et la reconquête de l'indépendance des producteurs vis-à-vis des intégrateurs ; le renforcement de la communication sur les plans national et international ; enfin, le déblocage immédiat de l'embargo, qui ne se justifie plus, dans les pays où il a été instauré.

Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les aides qu'il est nécessaire d'apporter aux entreprises d'abattage et de transformation, afin que celles-ci échappent aux effets d'aubaine et que les emplois y soient préservés. Trop souvent, en effet, les crises constituent, dans certaines entreprises, un bon prétexte pour mettre en oeuvre un plan de licenciement concocté des mois à l'avance.

La dimension européenne et mondiale de la crise devrait amener les dirigeants politiques à modifier leurs politiques d'aide traditionnelles. Ainsi, les sommes allouées de 3 000 euros par exploitation et de 150 000 euros par entreprise ne suffiront pas. Les négociations internationales doivent fixer un objectif qualitatif et quantitatif de sécurité alimentaire.

Cette crise sanitaire, qui fait suite à d'autres crises, nous conduit à réfléchir sur la modification indispensable des règles de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, sur la nécessaire solidarité internationale, ainsi que sur la durabilité et l'aménagement de nos territoires, au sein desquels vivent des hommes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'évoquer les conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole, je voudrais revenir sur le traitement médiatique de celle-ci. En effet, le zèle dont il a été fait preuve à cet égard, dès l'apparition de foyers d'infection en Turquie, en octobre dernier, a provoqué chez les consommateurs une peur totalement irraisonnée.

Certes, la transparence s'impose sur ce type de problème, car rien n'est pire pour l'opinion publique que d'avoir le sentiment qu'on lui cache des choses. Mais de là à fonder la communication autour de cet événement sur une situation purement hypothétique, il y a une marge que l'on n'aurait pas dû franchir.

Dès le 3 novembre dernier, j'écrivais au Premier ministre afin de relayer l'inquiétude réelle de la filière avicole face à cette déferlante politico-médiatique. Dans cette lettre, restée à ce jour sans réponse, je qualifiais la course à l'information de « virus bien plus virulent » que l'influenza aviaire, maladie connue des éleveurs de volailles depuis des décennies.

Je citerai simplement, comme exemples de communication dévastatrice, les reportages télévisés montrant la capture de volailles par des personnes habillées en cosmonautes (Sourires), la simulation de l'évacuation de personnes contaminées par la grippe aviaire, opération supervisée par le Premier ministre lui-même, sans parler des prédictions de prétendus experts, beaucoup plus alarmistes que pédagogiques, nous annonçant des effets pires que ceux de l'épidémie de grippe espagnole de 1918, voire l'extermination d'un tiers de la population mondiale ! Si l'on ajoute à cette liste l'annonce de la préparation de millions de doses de vaccins, il va de soi que tous ces éléments de communication ne pouvaient qu'entraîner la peur et la catastrophe économique !

Et que dire de la circulaire adressée en janvier aux préfets, que beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs hésité à transmettre aux maires, leur recommandant tout simplement, en phase d'alerte pandémique - nous en sommes pourtant toujours bien loin -, « d'identifier les sites potentiels permanents qui pourraient recevoir des corps sans mise en bière ». Tous les maires ici présents ont reçu ce courrier. (Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Le résultat, c'est que tous les propos de bon sens tenus par des élus et des responsables de terrain ont été finalement battus en brèche.

Comprenez-moi, monsieur le ministre : je critique non pas le plan gouvernemental de réaction à la grippe aviaire, mais bel et bien son traitement médiatique. « Heureusement », pourrait-on dire de façon cynique, les événements urbains de novembre puis la crise du CPE ont détourné les esprits de cette préoccupation. On ne parle plus beaucoup de la grippe aviaire, mais les dégâts sont faits.

Pour illustrer mon propos, permettez-moi d'évoquer le cas concret d'un abattoir de volailles situé dans mon canton. Les contraintes sanitaires auxquelles cette entreprise est soumise depuis de nombreuses années sont draconiennes. Savez-vous par exemple, monsieur le ministre, qu'il existe en différents endroits de ce bâtiment industriel des dispositifs de piégeage d'insectes et que, chaque soir, les mouches attrapées sont pesées afin de s'assurer que tout est normal ?

Je regrette d'ailleurs que les normes de sécurité sanitaire et les protocoles de désinfection mis en oeuvre dans ce type d'installation n'aient jamais fait l'objet d'une réelle information dans les médias, car elle suffirait à rassurer pleinement le consommateur ! D'ailleurs, j'en profite pour rappeler que la France est l'un des pays où les règles sont les plus draconiennes en matière de sécurité alimentaire et que la volaille a toujours été considérée, jusqu'à récemment, comme le produit le plus sûr, celui dont la traçabilité était la mieux assurée.

Avant la « crise », l'abattoir en question employait entre 210 et 250 personnes selon les saisons et abattait, puis découpait 200 000 volailles par semaine. Celles-ci provenaient d'environ 200 élevages, utilisant la production de quelque 3 600 hectares de céréales. Cet abattoir faisait également travailler 25 entreprises régionales de service, dont 4 sociétés de transport routier. C'est dire l'importance de l'enjeu économique que représente ce secteur !

Les pertes subies par cet abattoir entre le 1er novembre 2005 et le 1er mars 2006 sont estimées par son directeur à plus de 987 000 euros. Outre cette perte sèche, l'entreprise doit également faire face au gonflement de ses stocks et au coût supplémentaire de congélation qui en résulte. Tirant les conséquences d'une baisse de son chiffre d'affaires de 15 %, elle a dû réduire ses effectifs de 14 %, principalement en mettant fin aux emplois d'intérimaires et aux contrats à durée déterminée. Enfin, elle n'a pas embauché de personnel supplémentaire pendant la période des fêtes de fin d'année, contrairement à son habitude.

Aujourd'hui, cette entreprise vend non seulement moins en volume mais également à moindre prix, et ses responsables doivent lutter pour sauvegarder ses parts de marché. Cette bataille se déroule sur le marché intérieur mais aussi à l'export, où le Brésil, principal exportateur de cette filière, tente d'écouler 10 % de surproduction.

L'abattoir dont je vous ai parlé n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres. Vous me direz, monsieur le ministre, que la solidarité nationale va jouer et que cette entreprise, comme toute la filière, est soutenue économiquement.

Son directeur a effectivement déposé un dossier de demande d'aide à la Direction régionale de l'agriculture et de la forêt, la DRAF, en se fondant, comme je l'indiquais à l'instant, sur un impact de 987 000 euros sur quatre mois. La DRAF lui a répondu que, pour l'ensemble de la région Champagne-Ardenne, 200 000 euros seraient distribués, en direction de tous les acteurs de la commercialisation - rôtisseurs, grossistes, revendeurs, abattoirs, etc -, ce qui représente des centaines de dossiers.

Aussi, quels que soient les critères retenus pour l'attribution des aides et quelle que soit l'issue de la répartition entre tous les acteurs concernés, nous savons d'ores et déjà que cette aide ne sera pas à la hauteur des besoins d'une filière qui représente, dans nos territoires, de nombreux emplois directs et indirects. Il y a là un enjeu important en termes d'aménagement du territoire.

Ce débat, lancé par notre collègue Dominique Mortemousque, me semble donc bienvenu et indispensable pour prendre conscience des effets de cette grave crise qui, n'en doutons pas, laissera des traces, et dont nous devrons tirer les conséquences. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début du mois de novembre, une question orale avec débat sur ce sujet avait déjà été posée à M. le ministre de la santé et des solidarités. J'avais alors attiré son attention sur les conséquences économiques de cette crise, et pas seulement sur ses risques sanitaires, en lui indiquant que les premières victimes de ce fléau seraient les producteurs et tous les salariés du secteur agro-alimentaire.

Pour ma région, la Bretagne, il s'agit d'une question absolument essentielle. Comme l'a dit Gérard Le Cam, ce n'est pas un hasard si les sénateurs des quatre départements bretons sont présents aujourd'hui.

Je tiens à remercier M. Mortemousque d'avoir pris l'initiative de ce débat sur les conséquences économiques de la grippe aviaire, débat d'autant plus important qu'il a lieu alors que nous disposons enfin du recul nécessaire, après une pause médiatique due à la présence d'autres sujets au premier plan de l'actualité. Ce débat va nous permettre de faire un premier état des lieux et de commencer à tirer les enseignements de cette crise conjoncturelle qui touche un pan entier des secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire, déjà fortement secoués par des crises plus structurelles.

Cette crise conjoncturelle pourrait d'ailleurs elle-même devenir structurelle si, tous les ans, à la même époque, le risque de la grippe aviaire devait refaire son apparition. En effet, il ne faut pas oublier que la situation actuelle fait écho à une autre période très difficile, qui a déjà provoqué une restructuration de grande ampleur dans cette même filière, notamment en Bretagne.

Ainsi, entre 1998 et 2003, la filière régionale bretonne a perdu 200 000 tonnes en abattage, 400 000 mètres carrés de surface de poulaillers et, ce qui est une conséquence logique, 2 000 emplois dans l'agroalimentaire à cause des fermetures définitives de plusieurs sites.

Cette filière a donc déjà beaucoup donné, notamment en Bretagne, et ce deuxième choc économique en est d'autant plus difficile à supporter.

M. Pierre-Yvon Trémel. Tout à fait !

Mme Odette Herviaux. Permettez-moi d'ailleurs de vous indiquer, monsieur le ministre, que les nombreux mètres carrés fermés chez nous ont vraisemblablement dû être ouverts ailleurs puisque, durant la même période, la production nationale totale n'avait pas baissé !

Mme Odette Herviaux. Je souhaite donc qu'à l'occasion de plans de cessation soutenus par l'État, le ministère de l'agriculture veille à ce que les efforts consentis ici, par les uns, ne soient pas compensés par une augmentation de la production ailleurs.

Aussi, lorsque j'entends Mme Fischer Boel, commissaire européen de l'agriculture, dire qu'elle va tenter d'obtenir des éleveurs une réduction de la production tout en soutenant le marché afin d'assurer un revenu stable aux producteurs, je suis inquiète. Je vous demande donc, monsieur le ministre, comment vous pensez concilier, au sein de cette filière, le conjoncturel et le structurel.

Une action cohérente et une vision globale sont absolument nécessaires, en plus de l'indispensable solidarité. Tel est le rôle du Gouvernement, d'une part, et de l'interprofession, d'autre part.

Pourtant, des avancées ont été faites par la Commission européenne, qui a adopté dernièrement une proposition permettant un cofinancement à hauteur de 50 % des dispositifs de soutien du marché en faveur des éleveurs de volailles et de producteurs d'oeufs. Ces mesures exceptionnelles devraient permettre à chaque État membre de prendre les dispositions les mieux adaptées à sa situation particulière.

Dans ce cadre, monsieur le ministre, envisagez-vous de mieux adapter les aides aux situations particulières, soit à l'intérieur de la filière, selon les secteurs, soit au niveau géographique, qu'il soit départemental ou régional ?

Pour en revenir à des considérations plus générales, je me félicite avec M. Mortemousque de ce que la consommation, qui avait baissé très sensiblement, soit légèrement remontée : par rapport à celle de mars 2005, elle atteint le taux de moins 12 %.

Mme Odette Herviaux. Malheureusement, le mal est fait et on ne peut pas rayer d'un trait de plume, notamment dans la comptabilité d'une exploitation agricole ou d'une entreprise agroalimentaire, les manques à gagner de plusieurs mois.

Dois-je vous rappeler que, selon les types de production, les signes de qualité et la présentation à la vente de la volaille - entière, découpée, fraîche ou congelée -, cette baisse a pu atteindre jusqu'à 50 % et que les cours ont baissé jusqu'à 40 % ? Comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, les producteurs ont vu la durée de leur vide sanitaire s'allonger, ce qui représente autant de semaines sans revenu.

Les conséquences sociales, on le voit partout, sont déjà très lourdes. Et pourtant, la consommation de volaille semble avoir moins chuté en France que dans d'autres pays d'Europe, ce qui pose à nouveau les problèmes de l'exportation et de l'embargo imposé par les pays étrangers.

Il faut donc continuer à affirmer que notre filière est parfaitement sécurisée, que nos producteurs sont des professionnels sérieux et compétents qui ne prendraient jamais de risques inutiles, car ils savent bien qu'ils seraient encore une fois les premiers touchés. L'excellence de notre réseau sanitaire, assurée notamment par l'AFSSA, la traçabilité totale et la qualité de nos produits doivent être valorisées et soutenues. Mais je ne suis pas sûre, monsieur le ministre, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen de la loi de finances, que les crédits votés sur ces postes lors du dernier budget de l'agriculture le permettent.

Dans son intervention, M. Mortemousque a passé en revue les diverses mesures d'aide financière ou de trésorerie que vous avez prévues, et c'est bien. Mais il a évoqué également, comme vous-même, monsieur le ministre, la mobilisation des collectivités territoriales, et notamment des régions, ce qui montre bien l'importance de l'enjeu économique auquel nous devons faire face.

Encore une fois, je me permettrai d'étayer mon propos à partir de l'actualité et des chiffres de notre région.

Chez nous, cette filière représente encore 16 650 emplois directs répartis de la façon suivante : 3 100 aviculteurs de chair, 750 producteurs d'oeufs, 720 emplois en service à la production, 880 emplois en couvoirs, 11 200 emplois en abattage, transformation et découpe.

Le parc breton de bâtiments destinés à la volaille de chair représente plus de 5 millions de mètres carrés. La production de 2005 a été de 623 148 tonnes, soit 36 % de la production nationale de volailles, et 58 % de cette production a été exportée. C'est d'ailleurs peut-être là que réside vraiment le problème.

Mme Odette Herviaux. À lui seul, mon département, le Morbihan, regroupe 60  % des effectifs des 61 établissements industriels de Bretagne.

Enfin, il faut savoir que 100 emplois à la production génèrent 386 emplois en amont et en aval de la filière.

Tous ces chiffres démontrent combien la crise est importante et combien sont grandes les inquiétudes, car on peut toujours parler de réorientation de la production à moyen et à long terme, mais, à très court terme, il nous faut bien gérer les problèmes du quotidien et ne pas laisser les plus fragiles, c'est-à-dire les producteurs intégrés, notamment les petits producteurs, et les salariés de l'agroalimentaire, supporter le poids de cette crise.

Ces chiffres permettent aussi de comprendre pourquoi la plupart des professionnels, des syndicats et des élus de la région ont été surpris par la faiblesse de l'enveloppe de 3,6 millions d'euros pour les éleveurs bretons. Certes, les calculs ont été établis sur la base d'une surdotation pour les élevages de qualité et de plein air, et c'est normal ; mais -  je le répète, car l'enjeu est crucial - une réorientation rapide de la production n'est pas possible, et, même si nous souhaitons plus de signes de qualité - c'est possible même dans les filières de production massive - et plus de gammes de produits supérieurs, ce n'est envisageable qu'à moyen et à long terme. Or notre souci immédiat est bien de sauver cette filière si importante, ses emplois et son impact sur l'aménagement de notre territoire.

C'est pourquoi il est prévu que notre engagement régional soit plus particulièrement ciblé, pour accompagner les mesures de l'État, sur les productions sous signe de qualité mais également sur les jeunes agriculteurs ayant investi récemment, car ces derniers représentent pour partie l'avenir de la filière, qui devra bien, d'une manière ou d'une autre, redémarrer demain, avec le risque de voir se reproduire périodiquement le problème de la grippe aviaire.

De même, les reproducteurs et les accouveurs sont des pièces maîtresses du système, car ils sont eux aussi le gage de l'avenir et notre indépendance par rapport aux concurrents. Notre potentiel génétique est reconnu de tous, même s'il est de plus en plus fortement concurrencé, et nous devons absolument le préserver par une déclinaison spécifique du plan national de soutien à la filière.

Pour n'avoir évoqué jusqu'à présent que le volet amont de cette filière, je n'oublie évidemment pas le côté industriel, qui est absolument indispensable à l'échelon national et qui structure une grande partie de notre espace rural. Dans bon nombre de bassins de vie, il représente la seule activité importante en capacité de fournir un travail régulier à ces salariés de l'agroalimentaire qui ont peut-être été les oubliés de la crise, c'est-à-dire à tous ces intérimaires et ces employés en CDD qui en ont été les premières victimes et dont on a si peu parlé.

M. Pierre-Yvon Trémel. C'est exact !

Mme Odette Herviaux. À cela s'ajoutent maintenant les mesures de chômage partiel, mais je laisserai ma collègue Yolande Boyer vous parler plus en détail de la situation des salariés ainsi que des problèmes soulevés par les mesures de déstockage.

Là aussi, monsieur le ministre, contrôles et transparence seront absolument nécessaires. Pourquoi, par exemple, faire venir dans certaines entreprises des salariés en heures supplémentaires le samedi, quand d'autres sont au chômage partiel, pour abattre et conditionner des stocks ? Je n'ose imaginer que l'objectif soit de produire un maximum de quantité pour ensuite bénéficier d'un maximum de soutien public !

Sur ce sujet encore, j'en appelle à votre vigilance, car cette crise ne doit pas servir d'alibi à certains groupes et être l'arbre qui cache la forêt.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Absolument !

Mme Odette Herviaux. Tout le monde sait depuis longtemps - depuis les accords de Marrakech - que la fin des restitutions est prévue pour 2013. Peu nombreux sont ceux qui ont commencé à anticiper une réorientation de leurs activités. Je souhaiterai donc connaître votre positionnement s'agissant du fonds européen d'ajustement à la mondialisation, destiné à aider les travailleurs. Pourrait-il venir en aide aux salariés victimes des restructurations ?

J'ai beaucoup utilisé le terme « filière » dans mon intervention. Il faut en effet une interprofession solide, représentative et plurielle, où chacun puisse trouver sa place. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de la mission que vous aviez confiée à ce sujet en septembre 2005 à trois spécialistes ? Avez-vous un échéancier à nous proposer à la suite de leur rapport ?

Enfin, avez-vous l'intention d'apporter des soutiens supplémentaires ou plus spécifiques à certaines productions, voire à certains secteurs géographiques ? La seule réponse de la restructuration ou de l'aide au départ n'est pas satisfaisante, car nous savons bien que ces mots-là cachent la disparition de centaines d'agriculteurs et de milliers d'emplois.

Comme M. Mortemousque, je veux cependant rester optimiste. Je crois que, si elle arrive à s'imposer sur les marchés de gammes supérieures dans toutes les productions, si elle sait valoriser les atouts que sont la qualité, la traçabilité, l'origine, le respect de l'environnement et le bien-être animal, notre filière avicole a encore un bel avenir, pour peu qu'on l'aide aujourd'hui à passer le cap et, surtout, qu'on l'aide efficacement demain dans sa réorientation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du CPE aura eu au moins une conséquence positive : elle nous a subitement guéris de la grippe aviaire ! (Sourires.)

M. Robert Bret. Un bon vaccin...

M. Philippe Nogrix. Plus exactement, elle nous a guéris de la peur panique qui s'était emparée du pays à l'idée d'une pandémie grippale venue des airs.

Si nous semblons revenus de notre phobie, la filière avicole, elle, souffre, hélas ! plus que jamais. C'est la raison pour laquelle je remercie Dominique Mortemousque d'avoir posé cette question orale. J'aimerais cependant rappeler, monsieur le ministre, que notre collègue du groupe UC-UDF Jean Boyer avait déjà attiré votre attention le 7 mars dernier, dans une question orale sans débat, sur les difficultés rencontrées par la filière avicole à la suite des menaces de grippe aviaire.

Toute cette affaire de grippe du poulet laisse une désagréable impression de flou et d'irrationnel.

Nous pouvons comprendre le flou. Les données scientifiques ne semblent pas permettre d'évaluer précisément le risque de pandémie. Faiblement probable, donc fortement improbable, la mutation du virus en un agent hautement pathogène transmissible entre humains est aujourd'hui totalement imprévisible.

Dans ces conditions, il est bien naturel que le principe de précaution inscrit dans notre Constitution trouve à s'appliquer.

Le Gouvernement a, il est vrai, réagi rapidement, avec un plan « pandémie grippale » pertinent et adapté, pour faire face à la crise à tous ses niveaux de développement.

Les mesures prises dans le cadre de ce plan, telles que l'interdiction d'importation de produits potentiellement porteurs du virus, le renforcement de la surveillance des oiseaux migrateurs et leur vaccination, l'approfondissement des contrôles sanitaires dans les aéroports, la commande d'importantes quantités d'antiviraux, le confinement de tout le territoire métropolitain depuis le 18 février dernier, la constitution de stocks de masques de protection et la mise en réserve de 62 millions de vaccins prêts à être distribués dès l'apparition du virus, ne nous paraissent pas excessives.

Elles le sont d'autant moins qu'à la fin du mois de février ont été signalés les premiers cas d'élevages infectés en France.

En revanche, le principe de précaution doit être appliqué de façon maîtrisée, progressive et adaptée. Or ce n'est pas ce à quoi nous avons assisté.

À partir du moment où des risques de pandémie ont été évoqués, s'est développée dans le pays une peur panique irraisonnée, largement entretenue plusieurs fois par jour par les médias. Alors qu'à la Réunion l'épidémie de chikungunya faisait des ravages réels, ici, on ne se préoccupait que d'une très hypothétique pandémie grippale. Cette dimension irrationnelle, nous ne pouvons la tolérer et il faut la combattre.

Nous ne pouvons la tolérer parce qu'elle a suscité chez nos concitoyens une défiance relativement absurde à l'encontre de tout produit avicole. Résultat : sans raison valable, c'est toute une filière qui se trouve sinistrée, comme les chiffres très alarmants que Mme Herviaux, qui est originaire de la même région que moi, vient de citer le démontrent.

On sait pertinemment que le poulet et les oeufs cuits ne font courir absolument aucun risque au consommateur. Qui mange du poulet cru et, hormis les chanteurs d'opéra, qui gobe des oeufs ? Pourtant, les ventes de volailles ont chuté de 10 % depuis deux mois, après avoir atteint un creux de moins 25 % à la fin de l'année.

Éleveurs professionnels, accouveurs, personnels d'établissements d'abattage, revendeurs, ce sont des milliers d'emplois qui, dans mon département, l'Ille-et-Vilaine, pourraient être menacés.

L'industrie avicole française est la troisième du monde et la première de l'Union européenne, avec un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros chaque année et un cheptel de 125 millions de têtes.

Elle souffre déjà fortement de la concurrence brésilienne, qui lui a imposé depuis 2002 une baisse des prix de vente de 5 % à 8 % par an. Tous les ans les prix baissent ! On conçoit à quelle évolution la profession a été contrainte et quelle maîtrise elle a dû acquérir. Sans qu'elle ait commis la moindre faute, voilà que, sans raison, la grippe aviaire risque de faire disparaître 15 % des emplois de cette filière d'excellence, voire, à terme, si rien n'est fait, l'ensemble de la filière.

Pis, la crise de la filière avicole rejaillit sur les producteurs de céréales. Une partie importante de l'ensemble de l'agriculture de notre pays pourrait ainsi être atteinte. Allons-nous rester les bras croisés, sans rien faire ? Une telle attitude correspondrait-elle à notre tempérament ? Allons-nous laisser tomber notre agriculture, alors qu'elle a fait la preuve de son sérieux, de sa capacité à répondre aux défis qui lui ont été lancés ? Certainement pas !

Le Gouvernement a commencé à réagir. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et vous en féliciter, monsieur le ministre.

Les mesures financières que vous avez annoncées, bien qu'encore trop timides à notre avis - mais il en va toujours ainsi -, sont vitales pour la filière avicole. Les éleveurs devront être totalement indemnisés. Je rappelle qu'ils n'ont commis aucune faute. Au contraire, et c'est un exemple bien nécessaire aujourd'hui, ils nous ont démontré ce qu'était un métier, ce qu'était le travail, ce qu'était la ténacité, ce qu'était la volonté de s'adapter.

Si les éleveurs n'étaient pas indemnisés, la nation ne comprendrait qu'ils doivent faire face seuls à de tels dégâts. Mais nous ne sommes pas certains que les 20 millions d'euros prévus soient suffisants.

M. Philippe Nogrix. Les 30 millions d'euros annoncés pour l'aide aux entreprises en aval de la filière doivent pouvoir être débloqués au plus vite. Chacun sait comment réagissent les banquiers ! Un chef d'entreprise qui, par malheur, n'a plus d'argent ne peut plus emprunter et ne peut plus faire face ; faute de pouvoir continuer à lui donner du travail, il risque alors de devoir renvoyer l'équipe qui apporte à son entreprise tout son savoir-faire.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, dans votre réponse à la question orale sans débat de notre collègue Jean Boyer, vous aviez indiqué que ces sommes ne constituaient qu'un « premier train de mesures ». Qu'en est-il aujourd'hui ? Êtes-vous capable d'ajouter quelques wagons à ce premier train ?

Par ailleurs, toutes ces mesures financières nous paraissent indispensables, mais elles sont seulement de nature à réparer les dégâts constatés de façon conjoncturelle. Si l'on veut sortir de la crise de manière pérenne, c'est à notre avis dans une autre direction qu'il faut impérativement agir aussi : celle de l'information.

Dans ce domaine, il faut bien reconnaître que des erreurs ont été commises. Force est de constater que la communication en direction du consommateur n'a pas été optimale. Nos concitoyens ont eu peur. Il fallait les rassurer. Il y va de l'avenir de toute la filière. Tant que la confiance dans les produits avicoles ne sera pas restaurée, la crise ne sera pas terminée. Nous avons tous en mémoire ce maire qui a interdit la consommation de volailles dans sa cantine. Comment a-t-on pu laisser faire cela ? (M. Pierre-Yvon Trémel acquiesce.) Il est de notre responsabilité, de votre responsabilité, d'éviter que la panique ne se répande. Pour cela, il est capital de communiquer, sans lésiner sur les moyens. On a su le faire sur d'autres sujets quand des fautes avaient été commises. Raison de plus pour ne pas lésiner quand on n'en a pas commis. Des spots télévisés ont été diffusés. Le journal de 13 heures de TF1 a consacré une série de reportages à des recettes de volailles, et Jean-Louis Debré a fait donner un banquet 100 % volaille à l'Assemblée nationale. Je pense que c'étaient des poulets labellisés bleu, blanc, rouge. (Sourires.)

Est-ce suffisant ? Certainement pas ! Monsieur le ministre, allez-vous financer, en partenariat avec l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, une grande campagne d'information publicitaire sur le modèle de celle de la prévention routière, pour enrayer les effets néfastes de la psychose? Comme toute la filière avicole, nous vous attendons sur le sujet. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité du CPE a relégué au second plan le délicat dossier des conséquences de la grippe aviaire sur la filière avicole.

Pour autant, même si les feux de l'actualité se sont éteints, les problèmes demeurent. Ils touchent de nombreuses familles dans l'ensemble de la filière, de l'accouveur au transporteur en passant par les éleveurs, les industries agroalimentaires et leurs salariés. Voilà un mois, j'interrogeais le Gouvernement lors d'une question d'actualité.

Quelques jours auparavant, monsieur le ministre, je vous avais saisi par courrier. Vous le savez, je suis maire de la commune de Châteaulin, dans le Finistère, commune où se trouvent le siège social et le premier site industriel du groupe Doux-Père Dodu, leader européen pour l'exportation de volailles. Je vis donc au quotidien la situation de chômage partiel imposée aux salariés par la crise et les difficultés des agriculteurs et de l'entreprise.

Je souhaite revenir sur les divers problèmes soulevés.

Je traiterai tout d'abord du chômage partiel et de ses conséquences pour les salariés de l'entreprise.

À l'heure actuelle, ces salariés travaillent en 1 x 8 au lieu des 2 x 8 habituels. Certains salariés que j'ai rencontrés la semaine dernière m'ont affirmé que leur salaire de mars avait été amputé de 150 euros. Je rappelle qu'il s'agit, dans la grande majorité des cas, de petits salaires - SMIC ou légèrement au-dessus -, auxquels s'ajoutent des primes.

Or, malgré les affirmations de M. Loos lors de sa réponse à ma question le 9 mars dernier, les salaires ne sont pas entièrement compensés.

Monsieur le ministre, vous avez longuement répondu à mon courrier, et dans des délais brefs, ce dont je vous sais gré. Vous aussi avez affirmé ceci : « par ailleurs, en accord avec les représentants de l'industrie avicole, les mesures d'indemnisation de chômage partiel ont été assouplies et une nouvelle instruction permettra dans les tout prochains jours une indemnisation du coût total de chômage partiel ». Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

J'en viens aux conséquences de la crise pour les sous-traitants.

Je pense, en tout premier lieu, aux transporteurs. À ma connaissance, et selon les informations données par les personnes concernées que j'ai rencontrées récemment, les entreprises de sous-traitance semblent être ignorées de ce dispositif. La perte de salaire pourrait aller jusqu'à 50 %, en tenant compte de la perte des primes ; celles-ci sont en effet significatives pour de nombreux postes de travail, les chauffeurs par exemple. Cela est également le cas pour les ramasseurs de volailles dans les élevages ; la chambre d'agriculture du Finistère, dans la presse d'aujourd'hui, dénonce cet « oubli ».

Le dispositif spécifique dont vous parlez dans votre courrier - enveloppe de 30 millions d'euros, mesures fiscales, indemnisations spécifiques pour les entreprises d'exportation -peut-il s'appliquer aux sous-traitants ? Je pense, en outre, à d'autres sous-traitants concernés, comme les fabricants de cartonnages notamment.

J'en viens à la destruction des stocks, qui est largement entamée. Je trouve choquant, je le rappelle, de détruire des produits sains et tout à fait consommables qui permettraient de nourrir des personnes en situation de désarroi. Pourquoi n'a-t-on pas accordé des aides nationales et européennes plutôt que d'aider à la destruction et à la transformation de ces produits en farines ? Celles-ci ont une valeur marchande et seront probablement commercialisées.

L'État exerce-t-il un contrôle à cet égard, et lequel ? Ces dispositions impliquent-elles des obligations pour l'entreprise concernant notamment les mesures de soutien au revenu des salariés ?

S'agissant des craintes sur l'avenir de la filière avicole à l'export, la crise révèle le caractère structurel des difficultés de la filière. Aujourd'hui, si les marchés du Moyen-Orient se ferment, la filière se trouve en grand danger, voire en situation de cessation d'activité. Vous assurez, monsieur le ministre, que le Gouvernement met tout en oeuvre pour obtenir la levée des embargos.

Je n'ai aucune raison de ne pas vous croire, mais je voudrais savoir où en est le projet de régionalisation des marchés. La Bretagne, comme d'autres régions, est épargnée. Comment le Gouvernement envisage-t-il de soutenir la reprise des exportations au départ de ces régions ? Connaît-on les délais sous lesquels ce principe pourra être mis en oeuvre ?

Monsieur le ministre, vous avez présenté le 20 mars au Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne un mémorandum français pour autoriser la mise en oeuvre de mesures structurelles de gestion de la crise avicole. Pouvez-vous préciser ce qu'il faut en attendre, pour quand, et qui en seront les bénéficiaires ?

Enfin, fait surprenant et incompréhensible s'il était confirmé, on m'a indiqué que des mesures d'embargo auraient été prises sous couvert de l'administration française pour fermer les marchés des DOM-TOM, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie notamment, au poulet produit en métropole. Pouvez-vous nous préciser ce qu'il en est réellement ?

S'agissant de la formation et de la qualification des salariés, il faut les favoriser.

Face au caractère structurel de la crise, les inquiétudes des salariés sont grandes. Ces derniers expriment en effet un besoin en formation dans la perspective d'un reclassement à terme dans un autre secteur d'activité ou de l'acquisition d'une qualification nouvelle, et cela en vue d'accompagner l'évolution de l'entreprise.

Les attentes en termes de formation vont du bilan de compétences en passant par le renforcement du niveau de culture générale, à l'acquisition de techniques et de qualifications. Des outils, des centres de formation existent. Des secteurs, l'agriculture par exemple, proposent des emplois et peinent à satisfaire les offres des employeurs. Le conseil régional de Bretagne a affirmé son accord pour soutenir tout effort de formation des salariés dans le contexte actuel.

Puisque les moyens de former existent et que les salariés cherchent à se former, envisage-t-on de faciliter la mise en oeuvre de formations ?

Dans le même esprit, la plus grande vigilance est de mise face à la fragilité de la filière. Il faut donc se donner les moyens d'une veille permanente et d'une recherche prospective de nouvelles filières et de nouveaux métiers à promouvoir.

Comment se positionne l'État dans ce contexte ? Est-il prêt, et comment, à accompagner des initiatives dans ces domaines ?

Une délibération de la chambre d'agriculture du Finistère qui m'est parvenue aujourd'hui dénonce vivement l'inadéquation des moyens débloqués par rapport au sinistre réel subi par la filière. Dans le Finistère, l'enveloppe ne couvrirait que 40 % des pertes économiques réelles !

Monsieur le ministre, seriez-vous prêt à faire un effort supplémentaire et à prendre toute la mesure de la crise structurelle ? En effet, au-delà des effets d'une conjoncture défavorable, la filière avicole française est en grand danger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je tiens à remercier M. Dominique Mortemousque d'avoir provoqué ce débat par cette question orale afin de faire le point sur les conséquences économiques et en termes d'emplois de cette épidémie d'influenza aviaire dans notre pays.

Comme cela a été dit par beaucoup d'entre vous, les consommateurs ont manifesté leurs inquiétudes, lesquelles ont entraîné dès la mi-octobre une baisse de la consommation française de viandes de volaille. Cette consommation s'est rétablie au cours des fêtes de fin d'année, diminuant ensuite à nouveau.

Que peut-on dire aujourd'hui ? Que la baisse de consommation s'est stabilisée la semaine passée en moyenne à moins 11 % selon les industriels et les représentants de la distribution. Naturellement, c'est encore trop, et nous devons poursuivre notre effort.

La baisse des ventes en volume de poulets en label est tombée à moins 4 % la semaine dernière en raison, notamment, des promotions commerciales.

Comme Mme Herviaux l'a rappelé, ces baisses de consommation sont heureusement moindres que celles que connaissent à nos frontières d'autres pays européens, avec des diminutions de l'ordre de 30, de 40 ou de 50 %. Cela n'empêche pas que nous devons naturellement réagir, comme vous l'avez toutes et tous indiqué.

Sur la partie sanitaire et vétérinaire, la gestion de l'épidémie a été organisée en complète transparence par le Gouvernement, comme le souhaitait le Premier ministre. Elle a eu lieu en temps réel et en informant nos concitoyens, ce qui, naturellement, entraîne parfois quelques désagréments dans les réactions psychologiques. Mais cette gestion a eu le mérite de donner aux consommateurs des informations en temps réel. C'est la raison pour laquelle la consommation a repris plus rapidement chez nous que dans les autres pays voisins.

Cela m'amène à dire quelques mots en réponse à Mme Bricq sur le confinement. Nous avons pris des mesures de prévention et de précaution dès le mois d'octobre, au moment où l'épizootie était encore loin de nous. Ces mesures sont ensuite montées en puissance au fur et à mesure que l'épidémie se rapprochait. La suite des événements nous a, hélas ! donné raison. Nous avons d'ailleurs pu, pendant cette période, améliorer notre connaissance de la maladie, de son épidémiologie, notamment le rôle des oiseaux migrateurs.

Cela permettra, en liaison avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ou AFSSA - nous nous conformerons à son avis -, d'affiner et d'adapter ces mesures de prévention, notamment le confinement, pour les rendre supportables dans le temps.

Nous allons voir ce que nous faisons à compter du 31 mai. À cet égard, le rapport publié aujourd'hui à l'Assemblée nationale par la commission présidée par M. Le Guen, et dont le rapporteur général est M. Jean-Pierre Door, montre bien que ce dispositif a été jugé efficace.

Au-delà de la veille sanitaire et des mesures de précaution, il y a l'aspect économique : beaucoup de Français ont découvert à cette occasion l'importance de la filière avicole. La France est en effet le premier pays producteur de viandes de volaille de l'Union européenne. Ce secteur emploie 50 000 salariés, et 15 000 éleveurs professionnels, auxquels s'ajoutent des éleveurs privés, sont présents sur l'ensemble du territoire.

Face à cette filière, le Gouvernement s'est assigné trois objectifs : d'abord, relancer la consommation de viandes de volaille en France par des campagnes d'information et de promotion; ensuite, assurer un soutien national de la filière avicole ; enfin, renforcer ce plan de soutien par des aides structurelles communautaires.

S'agissant de la première orientation, informer pour relancer la consommation, l'État a engagé des campagnes de communication non négligeables : 4,5 millions d'euros depuis le mois d'octobre. Il s'agissait notamment - vous avez raison, monsieur Détraigne - de lutter contre les effets néfastes de certaines images de personnes en tenue de cosmonaute, dignes d'On a marché sur la lune.

Les premières campagnes radiodiffusées de promotion des volailles festives ont été lancées dès l'automne et ont permis de rétablir la consommation durant les fêtes de fin d'année.

Nous avons par ailleurs beaucoup travaillé avec le Centre d'information des viandes, qui avait montré toute son utilité et son efficacité pour la reprise de la consommation de viandes bovines après la crise de l'ESB. Ainsi, durant la première quinzaine du mois de février, une plaquette d'information a été transmise à huit millions de foyers français. Des messages radio d'informations sur la consommation de viandes de volaille ont par ailleurs été diffusés durant cette période.

Enfin, une campagne télévisée intitulée « s'informer pour mieux consommer » a été diffusée, sur notre initiative, entre le 25 mars et le 7 avril sur TF1, France 2, France 3, M6, autrement dit sur les grandes chaînes de télévision. Cette campagne a d'ailleurs porté ses fruits, puisque le sondage IFOP qui a été réalisé par la suite nous a montré que la proportion de consommateurs qui restaient inquiets quant à la consommation de volailles était passée de 30 % à 10 % après cette campagne.

En outre, nous allons entamer une nouvelle campagne de promotion avec l'ensemble de la filière à compter du 25  avril, donc juste après la période pascale ; nous avons en effet interrompu la mise en oeuvre de ce programme pendant cette dernière période, qui voit toujours la consommation d'agneau augmenter, mais nous la redémarrerons aussitôt après.

L'AFSSA s'est également montrée très claire dans un avis du 23  février, en précisant que la consommation de volailles et d'oeufs ne présentait aucun risque dans notre pays, ce qui, je crois, a été compris par tout le monde.

Pour ma part, j'ai réuni à deux reprises toutes les associations de consommateurs pour les informer des mesures prises par la Gouvernement, et je dois dire qu'elles ont été dans ce domaine un très bon relais. De la même façon, j'ai écrit à tous les maires afin de les sensibiliser à cet avis rendu par l'AFSSA.

Comme l'a rappelé l'un des intervenants, il est vrai qu'un maire avait pris un arrêté pour suspendre la consommation de viande de volaille dans les cantines municipales ; mais il est finalement revenu sur sa décision après l'intervention immédiate du préfet. En revanche, un autre maire a été, lui, moins courageux, en organisant un référendum auprès des parents d'élèves, croyant que ceux-ci allaient lui demander de retirer les viandes de volaille des cantines scolaires. Or, manque de chance pour lui, et heureusement pour la filière, les parents d'élèves, qui se sont montrés fort sages, ont décidé que la consommation de viande de volaille dans les cantines de cette commune ne posait pas de problème. En fait, un maire de gauche et un maire de droite étaient tous deux impliqués dans une attitude coupable, chacun ayant réagi ensuite comme il le fallait.

M. le Premier ministre a lui-même réuni les organisations concernées par la consommation de viande de volaille - les restaurateurs, les associations de parents d'élèves, les consommateurs, les représentants des collectivités territoriales. À cette occasion, nous n'avons cessé de marteler que les volailles présentes sur notre marché étaient saines et faisaient l'objet de contrôles sanitaires rigoureux de la part de des directions départementales des services vétérinaires. À cet égard, je remercie Mme Nicole Bricq d'avoir souligné la mobilisation exemplaire de ces services. Nous avons pu montrer que notre pays dispose d'un bon modèle sanitaire reposant sur un trépied formé d'éleveurs - ils ont manifesté un sens civique formidable -, de vétérinaires privés et de vétérinaires d'État.

Il en est résulté que nous n'avons eu à subir aucun ravage comparable à celui de la fièvre aphteuse au Royaume-Uni, en 2001, ou encore - on l'a parfois oublié - de l'influenza aviaire aux Pays-Bas, en 2003, qui a décimé presque tout l'élevage de ce pays.

Bien entendu, il nous reste à traiter le problème du soutien à la filière avicole sur lequel vous êtes intervenus les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je rappelle les chiffres : 11 millions d'euros en novembre ; 52 millions d'euros supplémentaires le 23 février ; enfin, l'annonce faite le 23 mars dernier de 20 millions d'euros supplémentaires.

Il s'agit là d'un plan que nous avons élaboré avec les professionnels, dans le respect des mesures prises par l'Union européenne et sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Le premier volet concerne, naturellement, les éleveurs de volailles auxquels nous avons accordé, en plus des 20 millions d'euros, 5 millions d'euros supplémentaires.

Par ailleurs, nous avons délégué aux préfets une enveloppe de 18  millions d'euros dès le 7 mars pour le paiement d'avances - j'insiste bien sur le fait qu'il s'agit d'« avances » - de 1 000 euros aux éleveurs. Pour ce faire, il nous a fallu définir un critère, ce qui n'est jamais facile. Celui qui a été retenu est le nombre de mètres carrés de bâtiments ainsi que l'importance des productions en label.

Dans l'Ain, seul département à avoir été touché par l'épizootie, nous avons naturellement indemnisé en totalité M. et Mme Clerc, propriétaires d'un élevage dans la commune de Versailleux. Ce couple d'éleveurs bénéficiera, par ailleurs, d'aides destinées à se reconvertir dans la production de lait puisqu'il souhaite abandonner la filière avicole.

Nous avons, en outre, complètement indemnisé les éleveurs situés dans le périmètre de protection autour du foyer découvert dans l'Ain, dans la mesure où les zones de surveillance mises en place les empêchaient de laisser sortir leur volaille ; ainsi, ils nourrissaient des volailles qu'ils ne pouvaient vendre par la suite. Cette mesure est d'ailleurs d'ores et déjà étendue aux couvoirs et aux éleveurs de gibiers de la zone de protection de la Dombes, dans le département de l'Ain.

Nous avons également pris une mesure de soutien spécifique en faveur des éleveurs de volailles en plein air, engagés dans des filières de qualité et qui se trouvent particulièrement affectés par l'obligation de confinement. Cette mesure a été notifiée à la Commission européenne et devrait permettre d'indemniser les baisses de densité en élevages de plein air au-delà du plafond habituel de minimis, c'est-à-dire au-delà de 3 000 euros.

Enfin, nous avons demandé aux préfets de procéder à la répartition d'une enveloppe de 3 millions d'euros supplémentaires afin de venir en aide aux éleveurs ayant investi récemment, et qui sont donc en période de démarrage professionnel, ainsi qu'aux jeunes agriculteurs qui doivent pouvoir bénéficier d'allégements de leurs charges d'emprunts. Nous prendrons en charge les cotisations à la MSA de ceux qui sont le plus en difficulté. Voilà pour l'amont du dispositif.

J'en viens maintenant à l'aval, avec un soutien en direction des entreprises de la filière : une enveloppe de 30 millions d'euros a été mobilisée pour les entreprises dès le 23 février, et le Premier ministre a complété ce dispositif par une enveloppe de 20 millions d'euros le 23 mars dernier.

Ce volet comprend, en outre, deux outils complémentaires. Il s'agit tout d'abord d'une aide directe aux entreprises de la filière gérée par les préfets de région dans le cadre, dans un premier temps, du plafond de minimis de 150 000 euros. Aux quatre sénateurs de Bretagne qui se sont exprimés sur ce point, je puis répondre que cette aide sera gérée directement par Mme Bernadette Malgorne. La circulaire d'application a été signée le 9 mars, et la répartition régionale d'une première enveloppe de 18 millions d'euros a été notifiée ; elle est actuellement en cours de consommation, après examen individuel des dossiers.

Quant au second outil proposé, il s'agit d'une aide nationale au sauvetage des entreprises en difficulté dont la situation financière mettrait en péril les emplois de sites de production français et qui présenteraient un projet de restructuration.

Je répondrai à MM. Aymeri de Montesquiou et Gérard Le Cam que les petits abattoirs peuvent d'ores et déjà bénéficier du premier volet de ce dispositif de soutien et les grands accouveurs, du second volet.

Cela étant dit, au-delà de cette enveloppe, se pose le problème de la situation des salariés et de celle des entreprises de manière générale.

Des reports ou dispenses des échéances fiscales du premier semestre ont été prévus pour les entreprises du secteur avicole.

Par ailleurs, en matière de TVA et de taxes assimilées - taxe d'abattage, redevances sanitaires -, des délais de paiement ont naturellement été accordés.

S'agissant des salariés des entreprises de la filière avicole qui auraient perdu leur emploi ou qui subiraient des baisses de rémunérations - en parlant de perte d'emploi, je pense à tous ceux qui sont employés en CDD -, ils seront traités d'une manière bienveillante par les comptables du Trésor s'ils ne sont pas en mesure de régler leurs impôts, notamment l'impôt sur le revenu.

Madame Yolande Boyer, des mesures d'indemnisation totale du chômage partiel ont été mises en oeuvre dès le 26 janvier, puis assouplies. À l'heure actuelle, 53  établissements se sont manifestés auprès des directions du travail et 1 281 salariés sont concernés.

Nous avons également décidé d'élargir le soutien initialement prévu. C'est ainsi que seront éligibles au dispositif de report de charges fiscales les entreprises de prestations de services, d'alimentation animale et de commerce de détail - les rôtisseurs, notamment - du secteur avicole.

Nous allons aussi faire bénéficier du dispositif de soutien direct, dans le cadre du plafond de minimis de 150 000 euros, les éleveurs qui commercialisent les volailles vivantes dites « démarrées » - voilà qui devrait répondre au souci exprimé par M. Le Cam - et, par dérogation, les entreprises prestataires de services, en particulier les transporteurs.

Je n'aurai garde, madame Bricq, d'oublier les fermes pédagogiques. À cet égard, nous avons demandé au ministère de l'éducation nationale de sensibiliser les enseignants au fait que les visites de ces fermes par les élèves n'avaient pas à être interrompues. Les fermes pédagogiques pourront donc, comme vous le souhaitez, madame la sénatrice, bénéficier de ce soutien.

En outre, afin de contribuer à l'assainissement du marché, nous avons souhaité que les associations caritatives puissent disposer gratuitement de 1 060 tonnes de volailles congelées. Un appel d'offres a été lancé le 20 mars pour acheter ces stocks, qui sont équivalents à la demande totale de leurs besoins actuels.

Enfin, je tiens à remercier les collectivités territoriales, notamment les régions et les départements, qui participent au financement complémentaire de ces mesures de soutien.

En matière d'exportation, une soixantaine de pays ont placé nos produits sous embargo, et l'on estime la diminution de consommation de viandes de volaille dans le monde entre 20 % et 30 %, à laquelle il faut ajouter la baisse des prix de la viande de volaille au niveau mondial.

Dans cette perspective, nous avons engagé des négociations, qui sont actuellement en cours. Chaque fois que je rencontre des ministres étrangers, je discute avec eux de ce problème - et je n'oublie pas le très gros travail réalisé par nos ambassadeurs - afin que, dans le strict respect des règles de l'Organisation mondiale de la santé animale, l'OIE, les embargos soient limités aux volailles du département de l'Ain et ne concernent pas des départements dans lesquels l'épizootie n'a pas été constatée.

Dans le cadre du plan de soutien à la filière, nous avons prévu 10 millions d'euros pour soutenir les entreprises exportatrices les plus en difficulté. Plusieurs d'entre elles, après avoir adressé une demande de soutien le 24 mars à la Commission européenne, ont reçu un avis favorable. Il convient ici de rappeler que ces aides au sauvetage des entreprises ont permis de préserver des bassins d'emplois importants, et je pense en particulier à la commune de Châteaulin, administrée par Mme Yolande Boyer.

La Commission européenne a, de surcroît, décidé d'augmenter progressivement les restitutions à l'export de poulets entiers : ces dernières s'élèvent actuellement à 48 euros pour 100 kilos.

Nous avons également diffusé, auprès des autorités des pays importateurs, des documents traduits concernant notre système de contrôle sanitaire.

Par ailleurs, toutes les interventions internationales visant une mobilisation pour lever les embargos ont été mises en oeuvre : nos ambassadeurs et nos conseillers agricoles effectuent des démarches pour présenter notre dispositif de prévention et demander la levée des embargos.

Le délégué interministériel à l'industrie agroalimentaire, M. Nicolas Forissier, s'est rendu la semaine dernière en Algérie. Il sera la semaine prochaine au Yémen et dans les Émirats arabes unis. Quant à Mme Christine Lagarde, elle a, pour sa part, entamé une tournée dans les pays du Maghreb et en Égypte ainsi qu'auprès des autorités d'Arabie saoudite, du Koweït et des Etats-Unis, où elle se trouve encore aujourd'hui même.

Pour répondre à la question posée par Mme Yolande Boyer, qui m'interrogeait sur le cas particulier de nos collectivités territoriales ultramarines, je rappellerai que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie disposent de gouvernements autonomes qui, en matière sanitaire, édictent leurs propres règles, distinctes de celles qui sont établies par l'État central. Madame Boyer, ce sont malheureusement ces gouvernements locaux qui ont adopté les mesures d'embargo que vous avez évoquées. Ils disposent, en effet, de compétences importantes, qui ne sont plus du ressort de l'État, notamment en ce qui concerne les plantes et la lutte contre les maladies.

M. Jean Arthuis. C'est ça, la solidarité ? On s'en souviendra !

M. Dominique Bussereau, ministre. Vous le direz à vos collègues de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie !

S'agissant de l'aide apportée par l'Union européenne, j'ai déjà eu l'occasion d'employer une formule un peu imagée mais qui correspond, me semble-t-il, à la réalité, en affirmant que l'Europe était en quelque sorte victime d'une panne d'allumage. En effet, l'Union européenne a pris du retard, bien que la France, comme de nombreux autres pays, soit intervenue lors des conseils des ministres de janvier et février derniers.

Lors du dernier conseil des ministres, qui s'est tenu au mois de mars, j'ai déposé un mémorandum qui a été soutenu par douze pays de l'Union européenne sur vingt-cinq. Il vise à réformer l'organisation commune de marché pour l'adapter au contexte actuel, en instituant une aide au stockage privé, une indemnisation de la réduction volontaire d'activité, ainsi que, comme l'a réclamé M. Barraux, un déplafonnement de l'aide de minimis allouée aux éleveurs.

J'attends à présent la réponse que m'apportera la Commission le 25 avril prochain. J'ai rencontré Mme Fischer Boel la semaine dernière pour évoquer ce problème, et je pense que les réponses qui nous seront fournies le 25 avril seront intéressantes.

Je demanderai également à la Commission d'assouplir les règles relatives aux aides d'État et de mettre en oeuvre la clause de sauvegarde. Ainsi, pendant toute la durée de la crise, les importations de l'Union européenne en provenance des pays tiers n'augmenteront pas, ce qui évitera d'aggraver les difficultés que connaît la filière aviaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les parlementaires européens sont d'accord pour réformer l'organisation commune de marché et permettre le cofinancement des nouvelles mesures structurelles restant à définir. Ces décisions seront adoptées lors du prochain conseil des ministres, le 25 avril prochain. J'ai naturellement demandé que toutes ces mesures soient rétroactives pour la France.

Pour répondre à votre question très précise, monsieur Mortemousque, la Commission semble également favorable à la mise en oeuvre rapide de deux mesures nouvelles de soutien à la filière, à savoir, d'une part, une aide à la destruction des oeufs à couver, qui concernerait les accouveurs, particulièrement touchés par cette crise, et, d'autre part, une aide à l'allongement du vide sanitaire pour les éleveurs.

Je demanderai en outre à la Commission d'autoriser l'application rétroactive de ces dispositions et le cofinancement de mesures d'indemnisation du stockage privé pour les entreprises.

De même, nous sommes très actifs dans les négociations qui se tiennent actuellement dans le cadre de l'OMC. Nous y défendons fermement, vous le savez, les intérêts de la filière aviaire, et j'ai déjà eu l'occasion de faire le point à plusieurs reprises sur ce dossier devant la Haute Assemblée.

Madame Bricq, vous m'avez interrogé sur les volailles label. Les appellations de volailles label en plein air ne sont pas affectées, puisque la Commission a institué au mois de janvier dernier une dérogation permettant le maintien de ces appellations pour ces volailles.

Madame Herviaux, vous avez évoqué la création d'une interprofession. Nous nous apercevons effectivement en ce moment que l'existence d'une interprofession volailles est véritablement indispensable. À cet égard, j'ai nommé deux médiateurs afin d'accompagner la mise en place de cette interprofession. Deux projets de statuts ont été proposés, qui sont actuellement soumis pour validation aux syndicats de la filière. J'ai bon espoir que, à l'occasion de cette crise, la véritable interprofession dont nous avons besoin voie enfin le jour.

En conclusion, je soulignerai que, tout au long de cette crise, nos éleveurs ont été formidables. Ils ont respecté avec un grand civisme les règles de confinement des volailles et les consignes de sécurité, et ce parfois au détriment de leurs intérêts financiers. Ils ont ainsi parfaitement joué le jeu de la protection sanitaire.

Nos concitoyens ont manifesté également un civisme certain, et ils continuent de le faire, comme le prouve la reprise de la consommation de viande de volaille. Je ne dirai pas, comme Mme Royal voilà quelques jours, qu'il faut manger du poulet deux fois par semaine, car cela rappellerait trop une célèbre formule du roi Henri IV ! (Sourires.) Toutefois, je suis d'accord, une fois n'est pas coutume, avec Mme Royal pour reconnaître qu'il est nécessaire d'augmenter la consommation de viande de volaille.

Le plan de soutien à la filière aviaire, j'y insiste, constitue une première étape. Ainsi que l'a clairement indiqué M. le Premier ministre, ce plan sera adapté au fur et à mesure des besoins. Pour le moment, nous mettons en oeuvre intégralement les dispositifs qui ont été décidés, mais nous sommes prêts à leur donner plus d'ampleur et à accroître les moyens engagés si cela se révèle nécessaire.

En effet, comme l'ont souligné tous les intervenants, en particulier MM. Détraigne et Nogrix, il est évident qu'une filière ne doit pas être sanctionnée, au motif, précisément, qu'elle a parfaitement joué le jeu de la sécurité sanitaire et du respect des règles de confinement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un devoir de solidarité, et soyez certains que le Gouvernement y sera fidèle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Jeudi 13 avril 2006

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise (n° 310, 2005-2006) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 9 heures, le jeudi 13 avril 2006) ;

À 15 heures et, éventuellement, le soir :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite de l'ordre du jour du matin.

(En application de l'article 28 de la Constitution et de l'article 32 bis, alinéa 1, du règlement, le Sénat a décidé de suspendre ses travaux en séance plénière du dimanche 16 avril 2006 au dimanche 30 avril 2006.)

Mardi 2 mai 2006

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement (n° 188, 2005-2006) ;

(Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré).

Mercredi 3 mai 2006

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Jeudi 4 mai 2006

À 9 heures 30 :

Ordre du jour prioritaire

1°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 269, 2005-2006) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 2 mai 2006, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 3 mai 2006) ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;

(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

Ordre du jour prioritaire

3°) Suite de l'ordre du jour du matin.

Mardi 9 mai 2006

À 10 heures :

1°) Seize questions orales :

(L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.)

- n° 993 de M. Roger Madec à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

(Circulation des ambulances sur les voies réservées aux bus et taxis à Paris) ;

- n° 995 de M. Alain Fouché à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

(Conditions d'exercice de la compétence « route » transférée aux départements) ;

- n° 1008 de M. Alain Vasselle à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

(Financement des contrats d'agriculture durable) ;

- n° 1011 de M. Louis Souvet à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ;

(Institution d'un fonds de solidarité nationale intervenant lors de certaines procédures de licenciements) ;

- n° 1014 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

(Réforme de la filière d'enseignement des sciences et techniques de laboratoire) ;

- n° 1015 de Mme Anne-Marie Payet à M. le garde des sceaux, ministre de la justice ;

(Compétence commerciale du tribunal de grande instance de Saint-Pierre) ;

- n° 1016 de Mme Sandrine Hurel à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

(Avenir du port de Dieppe) ;

- n° 1017 de Mme Bariza Khiari à M. le ministre de la culture et de la communication ;

(Difficultés de réception FM dans l'est parisien) ;

- n° 1018 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre délégué à l'industrie ;

(Situation du service public de La Poste à Paris) ;

- n° 1019 de M. Georges Mouly à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ;

(Réglementation du marché du travail) ;

- n° 1020 de M. Yann Gaillard à M. le ministre de la culture et de la communication ;

(Logement des artistes plasticiens professionnels) ;

- n° 1021 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

(Situation de l'établissement de l'Imprimerie nationale à Choisy-le-Roi) ;

- n° 1022 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

(Prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers) ;

- n° 1024 de M. Pierre-Yvon Trémel à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

(Conséquences de la hausse du prix des carburants pour les pêcheurs professionnels) ;

- n° 1025 de M. Philippe Richert à M. le Premier ministre ;

(Engagements de la France dans le cadre du Partenariat mondial du G8 contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes) ;

- n° 1026 de M. André Boyer à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales ;

(Prolifération des panneaux publicitaires aux abords des villes et villages) ;

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures :

2°) Suite de la discussion des articles en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif (n° 163, 2005-2006) ;

(Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré) ;

Le soir :

3°) Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

Mercredi 10 mai 2006

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

Jeudi 11 mai 2006

Ordre du jour réservé

À 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

1°) Question orale avec débat (n° 11) de M. Jacques Pelletier à M. le Premier ministre sur le respect effectif des droits de l'homme en France ;

(En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 mai 2006) ;

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi tendant à promouvoir l'autopartage (n° 183, 2005-2006) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au mardi 9 mai 2006, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 mai 2006) ;

3°) Débat sur le rapport d'information de M. Yann Gaillard sur la politique de l'archéologie préventive (n° 440, 2004-2005) ;

(Dans le débat interviendront :

- le rapporteur spécial de la commission des finances (quinze minutes) ;

- les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

- ainsi que le Gouvernement ;

La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 mai 2006) ;

4°) Débat sur le rapport d'information de M. Jean-Jacques Jégou sur l'informatisation dans le secteur de la santé (n° 62, 2005-2006) ;

(Dans le débat interviendront :

- le rapporteur spécial de la commission des finances (quinze minutes) ;

- les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

- ainsi que le Gouvernement ;

La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 10 mai 2006).

Mardi 16 mai 2006

Ordre du jour prioritaire

À 16 heures et le soir :

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des successions et des libéralités (n° 223, 2005-2006) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- au lundi 15 mai 2006, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 15 mai 2006).

Mercredi 17 mai 2006

Ordre du jour prioritaire

À 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme des successions et des libéralités.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

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Difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 15 de M. Jean Puech à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations.

M. Jean Puech appelle l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations qui leur sont nécessaires pour mener les politiques publiques dont elles ont la charge. D'un côté, les collectivités doivent fournir un grand nombre de données aux administrations déconcentrées de l'État ou à d'autres organismes. De l'autre, elles ont souvent la plus grande peine à obtenir les informations qui pourtant les concernent.

Après des années de débat, l'Assemblée nationale a obtenu, par l'article 106 de la loi de finances pour 2006 n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, la transmission des rôles supplémentaires d'imposition et des montants des compensations, exonérations et dégrèvements dont les contribuables locaux ont bénéficié. Ces informations sont indispensables à une politique fiscale éclairée. Mais il faut aller plus loin. Il est nécessaire que les collectivités disposent des données non seulement fiscales, mais aussi sociales qui les concernent. Il faut qu'une commune puisse aisément savoir, et contrôler, combien de titulaires du RMI, de personnes sans emploi, de logements sociaux, sont situés sur son territoire. Il faut qu'elle puisse anticiper les recettes fiscales ou les dotations liées aux constructions nouvelles. Cela suppose la collaboration active des services de l'État, services fiscaux, services de l'équipement, mais aussi des organismes sociaux, caisses d'allocations familiales, ANPE, URSSAF, offices d'HLM...

En conséquence, il lui demande ce qu'il compte faire pour améliorer la transparence des données nécessaires à l'exercice des politiques publiques locales, et pour instaurer des relations plus confiantes entre les autorités locales élues et les responsables administratifs de l'État, de la sécurité sociale ou des établissements publics qui en dépendent, confiance réciproque qui est indispensable à la réussite de la décentralisation, que tous les élus appellent de leurs voeux.

La parole est à M. Jean Puech, auteur de la question.

M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du débat sur la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le Gouvernement a veillé à ce que soit insérée une disposition obligeant les collectivités territoriales à transmettre à l'État des données sur l'exercice de leurs compétences.

Ces transmissions, qui ont un but essentiellement statistique, viennent bien évidemment en complément des transmissions des délibérations soumises au contrôle de légalité. La partie réglementaire du code général des collectivités territoriales détaille, sur plusieurs dizaines de pages, le contenu de ces obligations.

A contrario, de leur côté, malgré le principe de libre administration, les collectivités territoriales sont souvent étroitement dépendantes des informations détenues par les services déconcentrés de l'État ou par les organismes publics. En matière financière, par exemple, elles ne maîtrisent pas l'établissement des assiettes fiscales ni le recouvrement des impôts. Elles ne peuvent ni calculer ni vérifier elles-mêmes les dotations qui leur sont dues. Elles dépendent du comptable public pour le recouvrement de leurs créances.

Certes, d'aucuns disent que tout cela est normal. Mais, tout de même, nous sommes dans un processus de décentralisation, qui compte déjà plusieurs actes ; or, l'esprit même de la décentralisation devrait nous inciter à faire évoluer la situation actuelle.

Dans le domaine social, les départements sont très dépendants des informations détenues par l'Agence nationale pour l'emploi et les caisses d'allocations familiales. C'est vrai pour la gestion du revenu minimum d'insertion, mais c'est vrai aussi pour la gestion du fonds de solidarité pour le logement.

Sur la gestion des personnes âgées dépendantes, les conseils généraux sont tributaires des directions départementales de l'action sanitaire et sociale. La prestation de compensation du handicap a été récemment confiée à une commission d'examen dont la composition peut sembler pléthorique, mais où le conseil général est minoritaire. Un établissement national, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, joue un rôle croissant dans ce domaine pourtant « décentralisé ».

S'agissant de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nombre de décrets ne sont pas encore sortis, alors que la loi est applicable et appliquée depuis le 1er janvier dernier. Les personnels de l'État qui doivent être transférés sont dans le flou concernant leur situation, comme le sont d'ailleurs ceux qui sont transférés dans le cadre du RMI, et ce depuis maintenant deux ans.

Les conseils généraux ont bien souvent le sentiment de ne jouer qu'un rôle de guichet. Ils n'ont pas de marges de manoeuvre pour mener une réflexion sur la fixation des prestations, les dossiers étant instruits par l'État ou par des organismes paraétatiques. Les conseils généraux doivent seulement accepter de payer et ont souvent peu de moyens de contrôle.

Finalement, le dialogue que nous devons avoir avec la haute administration de notre pays n'est pas satisfaisant. Disant cela, monsieur le ministre, je veux vous alerter quant au système mis en place. À mon avis, au sommet, toutes les mesures n'ont pas été prises pour accompagner la décentralisation.

À travers tous ces exemples, j'ai souvent l'impression que les différents acteurs ne donnent pas la même signification au mot « décentralisation ». Pour les collectivités territoriales et leurs élus, la décentralisation, c'est la prise en charge des compétences qui sont transférées. Pour la haute administration et les différentes directions centrales, la décentralisation, c'est une délégation de compétences.

Par conséquent, il importe véritablement d'entamer un dialogue aussi clair et serein que possible, pour aborder le sujet au fond et bien préciser ce qui définit la décentralisation.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de donner d'autres exemples, pour éclairer encore davantage la situation.

En ce qui concerne non seulement le transfert des TOS, les personnels techniciens, ouvriers et de services, mais également l'application de la loi relative au handicap, les départements se sont vu demander de mettre en oeuvre les textes dès le 1er janvier 2006, alors que la plupart des décrets et circulaires manquaient ou étaient à peine publiés. En la matière, l'État a donné le sentiment de se désintéresser quelque peu de l'avis des collectivités, notamment des départements.

S'agissant des TOS, les textes de mise en application du transfert, prévu au plus tard à l'automne 2005, sont sortis juste avant Noël 2005, pour une application au 1er janvier 2006. Entre Noël et le jour de l'An, il a été demandé aux départements de désigner leurs représentants aux commissions tripartites.

Monsieur le ministre, mettez-vous à ma place et à celle de mes collègues présidents de conseils généraux, et imaginez que, dans votre propre administration, vous receviez pareilles informations à cette période de l'année : vous en conviendrez, vous auriez vraiment peu de temps pour agir ! D'ailleurs, encore faut-il être présent pour prendre connaissance de ces demandes, car, souvent à cette époque, nous sommes toujours sur le terrain.

Tout cela le montre, il existe tout de même un certain manque de coordination.

En réalité, monsieur le ministre, nous sommes en quelque sorte aux ordres de l'administration et nous nous efforçons de suivre les instructions le mieux possible. Nous avons ainsi désigné en temps utile les représentants aux commissions tripartites qui devaient se tenir dans la première quinzaine de janvier. Ces commissions se sont finalement réunies dans le courant du même mois, ont émis des avis et formulé des remarques, mais cela n'a servi à rien, car les arrêtés étaient déjà pratiquement rédigés.

Si je me permets de dire cela, c'est surtout pour faire un constat, et non pour jeter de l'huile sur le feu. En définitive, un climat de méfiance mutuelle s'est instauré progressivement entre les collectivités territoriales et les organismes détenant les informations qui leur sont nécessaires. Par conséquent, il nous faut renouer un vrai dialogue.

Toutefois, des progrès ont été récemment accomplis dans cet accès à l'information, notamment à la suite de l'adoption d'amendements parlementaires.

La loi de finances pour 2006 prévoit ainsi la transmission par l'administration fiscale des montants des rôles supplémentaires et des montants des exonérations, compensations et dégrèvements dont les contribuables ont bénéficié. Cette information est essentielle aux collectivités, à la fois pour connaître les ressources sur lesquelles elles peuvent compter, mais aussi pour mener une politique fiscale appropriée. Par exemple, la politique de taux et d'abattements en matière de taxe d'habitation ne doit pas être la même si la majorité de la population atteint le fameux plafond des 4,3 % du revenu ou si, au contraire, seule une petite partie des contribuables est concernée.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, il est bien évident que les collectivités territoriales devront connaître avec précision le niveau des bases plafonnées sur leur territoire. C'est prévu par la loi ! Mais il serait nécessaire qu'elles aient accès aux modalités de calcul de ces bases plafonnées, qu'elles puissent les contrôler et tenter de mener une politique de nature à maîtriser le dispositif. Toutefois, cette demande sera sans doute assez difficile à obtenir dans l'immédiat.

La possibilité d'échanger des informations de nature fiscale entre collectivités et administration de l'État, auparavant réservée aux seules communes, a été étendue par la loi de finances de 2006 à toutes les collectivités territoriales, ce qui est heureux.

Dans le programme intitulé « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », l'objectif associé aux crédits de la Direction générale des collectivités locales, ou DGCL, est d'« améliorer l'information des collectivités territoriales et de l'administration territoriale sur la décentralisation ». L'un des indicateurs est le taux de réponse aux demandes sous un certain délai. La Direction générale des collectivités locales se fixe un taux de 40 % de réponses sous un mois et de 80 % de réponses sous trois mois. De fait, la DGCL fournit de plus en plus vite une information plus complète aux collectivités locales. Ainsi, le montant détaillé de la dotation globale de fonctionnement paraît sur le site Internet du ministère assez rapidement dans l'année.

La DGCL a également publié un guide pour l'établissement des budgets locaux et une circulaire portant sur les informations utiles aux budgets locaux, qui détaille notamment la réforme de la taxe professionnelle. J'ajoute que l'Observatoire de la décentralisation a récemment auditionné M. Dominique Schmitt, directeur général des collectivités locales. Je dois dire que ce dernier a fait preuve d'une grande capacité de dialogue, de transparence et d'une franchise que je salue. Au nom des membres de l'Observatoire, je tiens à l'en remercier vivement.

Mais la DGCL n'est pas seule concernée. Aussi, peut-on espérer autant de diligence de la part de la direction des routes et des directions départementales de l'équipement, des inspections d'académie, de l'ANPE, des caisses d'allocations familiales, bref de toutes les administrations de l'État et des organes paraétatiques ?

Le représentant de l'État, dans les régions et dans les départements, est le préfet, en principe. Ce dernier est l'interlocuteur normal des collectivités. Or, cela est confirmé de toute part, le préfet est le plus souvent « court-circuité » par les administrations, qui s'adressent directement à leurs directeurs territoriaux.

M. Paul Blanc. C'est vrai !

M. Jean Puech. Cette attitude accroît les difficultés relationnelles entre l'État et les collectivités locales.

Les difficultés sont particulièrement aiguës avec certains ministères, et je pense notamment au ministère de l'équipement. Dans un département que je connais bien, il est impossible d'entamer un dialogue sur les routes transférées, qui sont pourtant d'une longueur bien inférieure à celle du transfert que nous avons connu en 1972. Je peux comparer, car j'avais déjà quelques responsabilités à l'époque.

Monsieur le ministre, l'État et les autres organismes dépendant de l'État se voient rappeler, d'une loi à l'autre, la nécessité d'améliorer l'information. D'ailleurs, nous ne cessons de le dire, de le répéter, de le rabâcher !

Ainsi, la loi de finances pour 2006 oblige les organismes d'habitation à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte à fournir chaque année au préfet de région un inventaire précis des logements sociaux qu'ils détiennent. On pourrait concevoir que cette information soit également transmise aux communes concernées et, le cas échéant, au conseil régional et au conseil général. Cette information est importante pour le calcul de la dotation de solidarité urbaine. Mais lorsque les logements sociaux manquent ou - ce qui peut arriver - sont trop nombreux, la population ne s'en prend pas au préfet, elle se tourne automatiquement vers l'élu local, vers le maire.

La loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit que les services fiscaux doivent transmettre aux collectivités locales et à leurs groupements à fiscalité propre la liste des logements vacants situés sur leur territoire. Un arrêté tout récent, daté du 4 février 2006, vient d'être publié en ce sens. C'est bien, mais on peut toutefois s'étonner qu'une information aussi importante pour les élus ne fasse l'objet d'une obligation de transmission que depuis si peu de temps. Quoi qu'il en soit, il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Cependant, s'agissant des rôles supplémentaires d'imposition, les collectivités territoriales n'obtiendront cette information que si elles en font la demande expresse. Avec tous les textes qui paraissent, beaucoup de collectivités risquent d'ignorer cette possibilité. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas plutôt rendre cette transmission automatique ?

Les difficultés de dialogue entre collectivités territoriales et administrations font la fortune des cabinets de conseil. Ceux-ci s'engagent auprès des collectivités locales à identifier les bases fiscales que l'administration n'a pas repérées. Ils leur proposent souvent de se rémunérer au prorata des bases ainsi « récupérées ». Ce n'est pas seulement une question de manque à gagner pour les collectivités, c'est d'abord - et c'est un comble - un problème d'équité, d'égalité devant l'impôt : les bons contribuables paient finalement pour les mauvais.

Monsieur le ministre, à l'origine des réticences de l'État et des organismes nationaux à transmettre les informations aux collectivités locales, il y a souvent cette impression désobligeante que seul l'État serait garant de l'intérêt général et que les collectivités territoriales prendraient nécessairement la défense d'intérêts particuliers, voire « clientélistes ». Pourtant, il serait temps que la décentralisation, après bientôt vingt-cinq ans, entre définitivement dans les moeurs. Les collectivités et l'État doivent donc travailler ensemble, faire converger leur volonté. En effet, les collectivités locales ne peuvent pas exercer au mieux leurs compétences si elles sont l'objet d'une méfiance permanente. Elles réclament un vrai dialogue, permanent et serein.

Ne pourrait-on pas prévoir - peut-être pas dans un texte de loi, mais au moins par une instruction de portée générale, dont l'application serait quasiment suivie au quotidien - que tous les détenteurs d'une information nécessaire ou utile à l'exercice d'une compétence locale soient tenus de la fournir à la collectivité considérée ? Ce serait un principe de bon sens qui marquerait le début de relations transparentes et confiantes entre les administrations nationales et les collectivités territoriales.

Dans cette assemblée, nous sommes les représentants qualifiés des collectivités territoriales. Je puis donc vous assurer, monsieur le ministre, que ces collectivités réclament cette information. Elles veulent en effet pouvoir répondre avec efficacité à l'attente de nos concitoyens. En tout cas, c'est le voeu ardent que nous formulons. Je vous remercie par avance de l'écoute et de l'attention que vous nous réserverez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transmission de certaines informations entre les administrations et les collectivités territoriales peut, à première vue, faire l'objet d'une question légitime. Or dois-je rappeler que la décentralisation engagée par M. Raffarin avait notamment pour objectif d'améliorer ces relations, la transparence et l'autonomie des collectivités territoriales ?

Est-ce un hasard si les collectivités territoriales n'arrivent pas à obtenir certaines informations fiscales et financières quand, dans le même temps, le Gouvernement leur transfère de nouvelles compétences sans les accompagner des transferts financiers équivalents ? Dans ces conditions, comment réussir à obtenir des informations ? Il ne faut donc pas s'étonner que les exécutifs locaux aient des difficultés à mener à bien les politiques publiques dont ils ont la charge ou à clore leur budget.

Nous assistons ainsi à un effet pervers de la décentralisation opérée sur l'initiative de M. Raffarin, que nous dénoncions d'ailleurs lors de l'examen du texte soumis à cet égard au Sénat.

Aujourd'hui, alors que la majorité avait adopté d'une seule voix ce texte, ses élus semblent étrangement bien plus critiques à son égard. Force est en effet de constater que nous sommes plus nombreux, aujourd'hui, à dire que cette décentralisation aggrave les problèmes financiers des collectivités locales. La politique de transferts de charges du Gouvernement se traduit par un appauvrissement de toutes les collectivités territoriales, en particulier de celles dont les populations sont les plus défavorisées.

La question orale de notre collègue M. Puech va en fait un peu plus loin que le simple problème de relations entre les collectivités territoriales et les administrations déconcentrées de l'État : elle ouvre une brèche dans le principe de protection des traitements de données personnelles.

En prenant l'exemple de l'adoption de l'article 106 de la loi de finances pour 2006, M. Puech fait référence à une nouvelle disposition introduite par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Celle-ci, qui n'a donc pas été soumise à l'avis du Conseil d'État, prévoit d'étendre aux rôles supplémentaires l'obligation de transmission annuelle des rôles généraux des impôts directs locaux aux collectivités territoriales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre. Les rôles généraux des impôts directs locaux constituent une sorte d'inventaire, de listing, certes anonyme, des contribuables locaux.

Les rôles supplémentaires posent cependant une autre difficulté, qui a d'ailleurs été soulevée par la commission des finances de l'Assemblée nationale mais sans qu'aucune réponse satisfaisante ait été apportée : une partie des rôles supplémentaires est établie en raison des redressements fiscaux entrepris par l'administration. Il aurait donc fallu prévoir une procédure de confidentialité afin que les informations correspondantes ne soient ni divulguées ni rendues publiques.

La question de la confidentialité et de l'utilisation des rôles généraux des impôts directs a, pour sa part, fait l'objet d'un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. En effet, la CNIL a eu l'occasion d'émettre un avis sur ces rôles généraux des impôts directs locaux. Dans sa délibération du 4 novembre 2004, elle considère que « les données enregistrées ne peuvent pas [...] faire l'objet d'autres traitements, ni être intégrées dans d'autres fichiers, ni faire l'objet d'interconnexions, de rapprochements ou de toute autre forme de mise en relation avec d'autres traitements ».

Notre crainte est donc la suivante : l'utilisation des rôles supplémentaires d'impôts n'est pas entourée, dans la loi de finances, des garanties nécessaires en termes de confidentialité des données personnelles qui y sont recensées. Dans la mesure où la CNIL n'émet de recommandation que sur les rôles généraux des impôts directs, faut-il comprendre que les rôles supplémentaires peuvent faire l'objet, par exemple, d'interconnexions ou de mises en relation avec d'autres traitements ? Tout le laisse à penser, et ce d'autant plus que la possibilité d'effectuer des interconnexions de fichiers est une vieille revendication de la majorité.

Tel est d'ailleurs, ni plus ni moins, le souhait de notre collègue M.  Puech, pour qui l'article 106 de la loi de finances ne va pas assez loin. Son idée est claire : « Il est nécessaire que les collectivités disposent des données non seulement fiscales, mais aussi sociales qui les concernent. Il faut qu'une commune puisse aisément savoir, et contrôler, combien de titulaires du RMI, de personnes sans emploi, de logements sociaux, sont situés sur son territoire. »

M. Jean Puech. C'est la moindre des choses !

Mme Éliane Assassi. Tout est dit : l'objet de ce dispositif est clairement de permettre, à plus ou moins court terme, de procéder à des croisements de fichiers entre les services fiscaux et sociaux, tels ceux des caisses d'allocations familiales ou de l'ANPE, afin de contrôler les titulaires du RMI ou les chômeurs et de vérifier ainsi qu'ils ne fraudent pas.

L'interconnexion de fichiers, impossible jusqu'en 2004, est partiellement possible depuis la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

Désormais, les traitements automatisés ayant pour objet l'interconnexion de fichiers relevant d'une ou de plusieurs personnes morales gérant un service public et dont les finalités correspondent à des intérêts publics différents, ainsi que l'interconnexion de fichiers relevant d'autres personnes et dont les finalités principales sont différentes, bien que soumis à un régime d'autorisation de la part de la CNIL, sont possibles.

Mais l'interconnexion de fichiers de données relevant des rôles généraux et supplémentaires des impôts directs locaux avec des fichiers sociaux, comme le souhaite notre collègue M. Puech, ne va-t-elle pas à l'encontre de l'avis de novembre 2004 de la CNIL ?

Nous aimerions avoir un éclaircissement du Gouvernement sur ce point.

Petit à petit, et sous couvert d'une plus grande transparence dans les relations entre les collectivités territoriales et les administrations, le contrôle généralisé des bénéficiaires de prestations sociales se met en place.

Bien évidemment, nous ne pouvons pas vous suivre sur ce terrain. Le renforcement de la transparence des données nécessaires à l'exercice des politiques publiques locales ne peut pas se traduire par un tel procédé de surveillance, qui jette la suspicion sur tous les allocataires de prestations sociales, alors que, dans le même temps, les collectivités territoriales étouffent sous le poids des compétences nouvelles qui leur sont transférées, mais pas compensées financièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'apparence purement technique, la question des difficultés rencontrées par les collectivités locales pour accéder aux informations qui leur sont nécessaires en vue de mener à bien les politiques publiques dont elles ont la charge est en réalité essentielle pour la gestion et le pilotage de celles-ci.

Déterminante pour permettre aux élus locaux de prévoir l'évolution de leurs charges et de connaître les moyens financiers sur lesquels ils pourront s'appuyer, cette question constitue par ailleurs une source d'incertitudes et d'inquiétudes pour nombre d'élus qui ne comprennent pas comment sont déterminées les informations qui leur sont transmises et ne peuvent donc pas les anticiper.

À titre d'illustration, je prendrai l'exemple de la communauté de communes que je préside, créée à la fin de l'année 2003. Les simulations financières que nous avions réalisées avant sa création quant à l'évolution future de sa dotation d'intercommunalité se sont révélées parfaitement exactes pour les années 2004 et 2005. Mais, alors que nous nous attendions à une baisse sensible de cette dotation en 2006, nous avons eu la surprise, certes agréable, de voir celle-ci augmenter de 68 % ! Si nous nous en réjouissons, nous ne sommes pas - je l'avoue - capables d'expliquer une telle évolution.

Le problème de l'accès à l'information n'est donc pas seulement lié à la quantité d'informations transmises aux collectivités locales. Il tient également à la difficulté de compréhension de ces informations et de leur détermination, en particulier de celles qui sont nécessaires à la préparation du budget.

C'est sur ce point que j'insisterai en prenant quelques exemples.

Le premier est celui de « l'état 1259 », que tous les maires connaissent bien, car ils le reçoivent au moment de la préparation du budget communal. Il leur permet de connaître l'évolution de leurs bases d'imposition et le détail des diverses allocations compensatrices.

Force est de constater que la plupart des élus sont incapables de comprendre comment sont calculées ces dotations, ces allocations compensatrices, qu'ils voient évoluer d'une année sur l'autre sans pouvoir les prévoir ni les maîtriser.

Certes, des explications sont données au verso de cet état, mais il faut véritablement être un spécialiste pointu des finances publiques pour pouvoir vérifier les chiffres communiqués.

Afin d'illustrer mon propos, permettez-moi de vous lire un extrait du commentaire figurant sur l'état 1259 que ma commune, qui appartient à un établissement public à taxe professionnelle unique, a reçu cette année : « L'allocation indiquée ligne c est calculée différemment selon l'ancienneté d'appartenance de la commune à l'EPCI soumis au régime de la taxe professionnelle unique.

« Si 2006 constitue la première année d'appartenance de la commune à l'EPCI, l'allocation est égale à l'allocation brute de 2005 (avant la réfaction éventuellement pratiquée en 2005)

« - actualisée pour 2006,

« -puis réduite de 15 %, 35 %, ou 50 % selon le coefficient de progression du produit des rôles généraux de taxe professionnelle de la commune entre 1987 et 2005. » Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, il faut remonter assez loin ! (Sourires.) « Cette diminution est limitée à 2 % du produit des rôles généraux de 2005 de la commune. Les communes concernées par la réduction sont signalées par un astérisque ligne c.

« Si la commune appartenait déjà à l'EPCI en 2005, l'allocation est égale à celle versée en 2005, actualisée pour 2006. » Ce dernier cas est tout de même plus simple !

M. Philippe Nogrix. Pourriez-vous répéter tout cela pour que nous comprenions bien, mon cher collègue ? (Sourires.)

M. le président. Le temps imparti ne le permet pas ! (Nouveaux sourires.)

M. Yves Détraigne. C'est dommage !

Dans ces conditions, permettez-moi de vous lire un autre extrait (Sourires), puisque je souhaite également évoquer le mode de calcul des dotations que reçoivent les collectivités locales. Je pense notamment à la principale d'entre elles : la dotation globale de fonctionnement, ou DGF.

La DGF comprend, d'une part, « une dotation forfaitaire à quatre parts évoluant selon des indexations distinctes : une dotation de base variant de 60 à 120 euros par habitant en fonction de la taille des communes et qui augmente selon un taux fixé par le CFL, égale au plus à 75 % du taux de progression DGF, une part "superficie" de 3 euros par hectare, dont la progression est identique à celle de la dotation de base, une part correspondant à l'ancienne compensation "part salaires" de la taxe professionnelle et à la DCTP » - il faut savoir ce que c'est, car ce n'est pas expliqué - « dont la progression fixée par le CFL est égale au plus à 50 % du taux de croissance de la DGF et un complément de garantie dont la progression est fixée à 25 % du taux de DGF » et, d'autre part, « une dotation d'aménagement dans laquelle on distingue la dotation de compensation des EPCI, la dotation d'intercommunalité, la DSU, la DSR et la DNP, qui, pour certaines d'entre elles, comprennent plusieurs composantes ayant chacune leur propre logique et leur propre taux d'évolution. » (Sourires.)

Je pourrais également mentionner la circulaire éditée annuellement par la Direction générale des collectivités locales, relative à la « fixation des taux d'imposition des quatre taxes directes locales ». Celle qui a été diffusée au mois de février 2006 ne comporte pas moins de 99 pages ; c'est dire le courage et la motivation qu'il faut pour la lire entièrement, et plus encore si l'on cherche à la comprendre !

Quant aux commentaires explicatifs de la dotation de solidarité rurale, la DSR, figurant pages 117 à 119 du Guide budgétaire communal, départemental et régional 2006, je vous laisse le soin de les lire vous-mêmes ; nous gagnerons du temps. Ils sont proprement ubuesques et incompréhensibles pour un élu normalement constitué, qui ne peut pas passer des journées entières à tenter de comprendre comment se calculent les diverses dotations dont il est pourtant très largement dépendant !

La difficulté d'accès à l'information tient donc également au niveau de complexité incroyable auquel nous sommes parvenus, loi de finances après loi de finances, pour la détermination des ressources des collectivités.

Un hebdomadaire destiné aux collectivités territoriales n'a-t-il pas commenté la dernière réforme de la taxe professionnelle en indiquant dans un éditorial que l'on était arrivé « au bout des rafistolages possibles de la fiscalité locale » ?

Dans sa décision du 29 décembre 2005, le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas également, pour la première fois, rejeté certaines dispositions du projet de loi de finances pour 2006, en raison de leur « complexité » ?

Améliorer l'accès des collectivités locales aux informations qui leur sont nécessaires passe donc d'abord par la simplification de celles-ci. Je constate d'ailleurs que, dans mon département, la lassitude de bon nombre de gestionnaires de petites collectivités locales s'explique en partie par la complexité croissante et l'instabilité des procédures, des règles et des informations qu'ils doivent maîtriser et par l'insécurité grandissante qu'une telle situation engendre.

Monsieur le ministre, au moment où le Conseil d'État dénonce à nouveau - comme chaque année, me direz-vous - l'inflation législative et réglementaire dont souffre notre pays, je souhaite que ce débat soit l'occasion de rappeler la nécessité de poursuivre l'action de simplification engagée au travers des lois d'habilitation adoptées en 2004 et en 2005 et du projet de loi de simplification actuellement en préparation, mais surtout - les élus locaux sont nombreux, me semble-t-il, à le demander - de faire une véritable pause législative et réglementaire. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet de notre méditation en cette heure déjà nocturne est l'accès des collectivités locales à l'information, enjeu d'importance s'il en est.

Disposer en temps utiles d'une information suffisante, fiable et à jour est l'une des conditions d'efficacité de toute gestion, donc de celle des collectivités locales. C'est une banalité que de dire cela.

Si personne ne conteste ce principe, constatons que sa mise en application ne va pas de soi. Ainsi aura-t-il fallu attendre la dernière loi de finances pour obtenir ce qui aurait dû exister depuis longtemps, à savoir la transmission des rôles supplémentaires d'imposition et celle des montants des compensations et des dégrèvements dont les contribuables locaux ont bénéficié.

Ce tardif progrès permettra une meilleure estimation des bases, donc des recettes, ainsi que de la charge réelle pour les contribuables.

S'agissant de la connaissance des ressources fiscales et des dotations dont les collectivités bénéficient, il conviendrait cependant d'aller plus loin. Dans certains domaines, les règles du jeu demeurent trop complexes et les données communiquées sont invérifiables.

Les évolutions de la réalité ne trouvent pas non plus toujours aussi rapidement qu'il serait souhaitable leur traduction administrative, ce qui pose la question des moyens dont disposent les services de l'État. Est-il normal que de plus en plus de collectivités missionnent des cabinets privés pour faire le travail de récollection des bases, normalement à la charge de l'administration ?

Ce sera le premier ensemble de points que j'aborderai.

Cela dit, les collectivités locales ont surtout besoin d'informations pertinentes, constituant une véritable aide à la décision.

C'est vrai pour toutes les collectivités, mais probablement plus encore pour les petites et moyennes d'entre elles, qui ne disposent pas du personnel capable de traiter en temps réel une masse trop grande d'informations.

Paradoxalement, une pléthore d'informations peut avoir un effet négatif.

Le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée et le bouclier fiscal, au-delà de leur signification en termes de transferts de charges - si certains paient moins, d'autres paieront plus -, complexifient encore notre usine à gaz fiscale. Ils rendent encore plus difficile l'appréciation de l'effet réel futur des décisions proposées par les exécutifs locaux et adoptées par les assemblées délibérantes.

Ce sera le deuxième point que j'aborderai, le troisième étant le problème de l'équilibre à tenir entre la diffusion de l'information utile aux collectivités et l'obligatoire confidentialité de celles qui concernent les personnes.

Comme je l'ai rappelé, l'obligation récente de transmettre aux collectivités, à leur demande, leurs rôles supplémentaires représente un progrès appréciable.

Cependant, sauf erreur de ma part, cette obligation ne porte que sur les rôles d'un montant supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, seuil qu'il serait envisagé de fixer à 5 000 euros.

On comprend les réticences de l'administration à prendre des engagements qu'elle sait ne pas pouvoir tenir. Il n'échappe cependant à personne ici que si 5 000 euros ne représentent pas grand-chose pour une grande collectivité locale, il en va différemment pour la plupart des plus modestes. Il serait donc logique et équitable d'en tenir compte pour la fixation des seuils de communication obligatoire.

On peut envisager de moduler ceux-ci en fonction des strates de population ou, plus simplement, de les fixer en termes de pourcentage des recettes fiscales. Le fait qu'il ne s'agisse que d'une réponse aux demandes et non d'une émission systématique des rôles devrait limiter la charge de travail de l'administration.

Par ailleurs, et cela a été évoqué tout à l'heure, deux sujets me paraissent demander un effort particulier de clarification et d'information : la fiscalité des communautés à taxe professionnelle unique durant la période - souvent longue - de convergence des taux et la dotation globale de fonctionnement.

S'agissant des intercommunalités à taxe professionnelle unique - notre collègue Yves Détraigne en a fait la démonstration tout à l'heure -, le bon sens voudrait qu'à bases constantes le produit de la taxe professionnelle soit équivalent chaque année à celui qui est obtenu en multipliant les bases par le taux de convergence. Or tel n'est pas le cas, comme je l'ai constaté dans la communauté d'agglomération à laquelle appartient ma commune. La différence peut être importante : de l'ordre de 2 % à 3 % du produit attendu.

Cette différence pose un problème de fond, la réforme du système, que je ne développerai pas puisque ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. Elle pose également la question de l'information préalable. Découvrir au dernier moment que les recettes fiscales sont inférieures de 2 % ou 3 % à ce qui était attendu n'est en effet ni très agréable ni très facile à gérer.

Cela m'amène à revenir sur une autre de nos usines à gaz : la DGF. Il n'est ni satisfaisant ni très démocratique que les collectivités locales ne puissent pas contrôler l'exactitude des chiffres qui leur sont notifiés. Certes, elles connaissent les principaux paramètres à partir desquels les calculs ont été effectués, mais, pour le reste, elles en sont réduites à faire confiance.

Si l'opacité est grande s'agissant de la DGF des communes, elle est quasi totale pour ce qui est des intercommunalités, dont les variations de DGF peuvent être très fortes d'une année sur l'autre du fait du coefficient d'intégration fiscale moyen.

Donner aux collectivités locales les moyens de contrôler les données qui leur sont communiquées et de nourrir le dialogue avec l'administration sur des bases saines me semble indispensable et pas du tout hors de portée. Ce serait, en tout cas, de nature à raffermir l'esprit de confiance mutuelle sans lequel on ne peut absolument pas avancer.

J'en viens maintenant au deuxième point de mon intervention : fournir aux collectivités locales les informations et les moyens leur permettant de décider en toute connaissance de cause.

Je reviendrai sur deux amendements qui ont été déposés sur le dernier projet de loi de finances lors de son examen en première lecture au Sénat.

Le premier émanait de Michel Mercier et des membres du groupe de l'UC-UDF. Il visait à porter à la connaissance des collectivités locales non seulement le montant des bases nettes de taxe professionnelle, mais également celui des bases plafonnées. L'ensemble de ces informations auraient été assorties d'une simulation des conséquences du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée, selon les variations de taux.

Le second amendement, qui avait été déposé par Michel Charasse, visait à faire connaître les effets du bouclier fiscal sur les finances de la collectivité locale.

Finalement, après discussion, ces deux amendements ont été retirés. Ils ont cependant eu le mérite de poser de véritables questions, qui sont au coeur du sujet dont nous discutons aujourd'hui.

Le plafonnement de la taxe professionnelle, comme ce qu'il faut bien appeler un plafonnement de l'impôt sur le revenu modifient substantiellement les mécanismes de notre fiscalité directe locale. Ils font dépendre son produit de variables exogènes au système. La connaissance des bases, des exonérations et des dégrèvements ne suffit plus à mesurer ni l'effet global d'une variation de taux ni le résultat pour chaque contribuable.

Pour les mêmes bases, la même variation de taux aura des effets très différents dans un département comme les Hauts-de-Seine, où seuls 28 % des bases de taxe professionnelle sont plafonnées, dans le Var, où ce pourcentage s'élève à un peu plus de 40 %, ou dans les Hautes-Alpes - les malheureux ! - où plus de 70 % des bases sont plafonnées.

Le problème est le même s'agissant de l'impact du bouclier fiscal.

Avant de faire varier le taux de l'impôt sur les ménages, les collectivités locales ne pourront pas ne pas se poser la question de savoir sur qui reposera l'essentiel de la charge et quel sera le résultat final de la décision. Le moins que l'on puisse demander est qu'elles disposent d'informations complètes et, pour les plus petites d'entre elles, des moyens d'expertise leur permettant de prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Si, lors de la discussion du projet de loi de finances au Sénat en décembre 2005, le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État avait admis la possibilité d'une aide, au cas par cas et pour les collectivités particulièrement démunies, de la part des services préfectoraux, il n'avait pas cru possible sa généralisation, car il trouvait le système trop lourd à mettre en place.

Le président de la commission des finances avait été encore plus clair : « la simulation est impossible faute de savoir a priori ce qui va se passer. [...] Autrement dit, à partir de 2007, il faudra que les élus territoriaux n'augmentent la taxe professionnelle que d'une main tremblante tant, en pratique, la loi que nous avons votée sur la taxe professionnelle rend extrêmement compliqué l'exercice d'augmentation de la taxe professionnelle ».

Si l'objectif de la réforme est de priver les collectivités territoriales des pouvoirs que la Constitution leur reconnaît en matière fiscale, il aurait été plus simple d'interdire toute augmentation du taux de la taxe professionnelle. Dans ce cas, effectivement, toute simulation devient superfétatoire.

Si tel n'est pas le cas, la structure des bases ayant désormais un effet important sur le résultat de toute décision en matière de taux, jamais des simulations n'auront été aussi nécessaires. Celles-ci pourraient prendre la forme d'une réflexion sur des cas types. Il n'est donc nul besoin de connaître le deuxième chiffre après la virgule, que l'on ignore, pour réfléchir à partir de ceux qui sont placés avant, que l'on est fort capable d'anticiper.

La discussion que je viens de rappeler aura également été l'occasion d'aborder une question importante - ce sera mon troisième et dernier point -, la nécessaire conciliation entre une information pertinente et suffisante des collectivités locales et la confidentialité qui s'attache nécessairement à certaines données fiscales et sociales.

Le problème n'est pas insoluble dans la mesure où, pour définir leurs politiques fiscales ou sociales, les collectivités locales ont besoin non pas d'informations nominatives, mais de données globales ou de données de structure. Cela devrait aussi suffire à mettre en évidence les éventuelles aberrations, à charge pour les administrations compétentes de les élucider à l'aide d'enquêtes spécifiques, dont elles ont la responsabilité.

En ce sens, je proposerais volontiers, en matière fiscale, que l'on élargisse le champ des préoccupations des commissions communales des impôts qui, lorsqu'elles sont régulièrement et sérieusement tenues, permettent un bon suivi de l'évolution de la base de la fiscalité sur les ménages et de se passer des cabinets qui ont été évoqués tout à l'heure.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les quelques réflexions que m'inspire l'importante question posée par notre collègue Jean Puech. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler.

Mme Esther Sittler. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accès des collectivités locales, et plus particulièrement des communes, aux informations dont elles ont besoin pour assurer leurs missions constitue une préoccupation centrale des élus. C'est pourquoi je tiens à remercier vivement notre collègue Jean Puech d'avoir pris l'initiative de ce débat.

Les communes françaises doivent en effet faire face à une augmentation des compétences et des obligations qui leur sont transférées à la suite de l'approfondissement de la décentralisation. Elles doivent, en outre, répondre aux attentes croissantes de leurs administrés, à leurs légitimes exigences de qualité de service et d'amélioration du cadre de vie. Ces besoins s'expriment notamment en termes de modes de garde et de scolarisation des enfants, d'infrastructures sportives et de loisirs, de logements. Or, dans ces domaines comme dans d'autres, malheureusement, force est de constater que les communes n'ont pas les moyens législatifs d'assumer leurs fonctions.

Ainsi, en l'absence de toute obligation de déclaration domiciliaire, les communes ne disposent pas d'une connaissance à la fois précise et fine de la population résidant sur leur territoire. Elles sont dès lors contraintes de s'en remettre au bon vouloir des services étatiques ou de se contenter des données bien souvent périmées des recensements.

Il s'agit d'une exception en Europe. En effet, une étude réalisée à ma demande par la division des études de législation comparée du Sénat montre que, parmi onze pays étudiés, la déclaration domiciliaire constitue une obligation très répandue en Europe. À part le Portugal et le Royaume-Uni, tous les pays étudiés disposent de registres locaux de population majoritairement tenus par les services municipaux.

La tenue de ces registres oblige les résidents à déclarer leur changement de domicile dans un délai variable selon les pays, mais le plus souvent de l'ordre de huit jours. Le non-respect de cette obligation constitue une infraction de nature administrative, voire pénale. En outre, l'inscription au registre de la population détermine de nombreux droits et obligations.

Cette étude conclut : « L'absence de déclaration domiciliaire en France apparaît donc comme une exception, tandis que la généralisation des registres locaux de population à l'étranger s'explique par l'importance des compétences des communes, notamment en matière sociale ».

Mais au-delà de la bonne gestion des compétences, sans cesse croissantes, qui sont transférées aux collectivités locales, l'obligation domiciliaire leur permettrait d'assumer plus efficacement leur fonction étatique de tenue des listes électorales.

En effet, la règle de révision annuelle implique que seuls les électeurs appartenant à certaines catégories de population limitativement énumérées peuvent être inscrits sur les listes en dehors des périodes normales de révision, ce qui dissuade certains de nos concitoyens de s'inscrire ou d'aller voter lorsqu'ils sont contraints de le faire dans la commune de leur précédente résidence.

Là encore, permettez-moi d'attirer votre attention sur une étude récemment publiée par la division des études de législation comparée du Sénat.

L'examen des dispositions étrangères montre que la gestion automatique et permanente des listes électorales est liée à l'existence de fichiers municipaux de population et à l'obligation de déclaration domiciliaire, qui entraîne l'inscription d'office de tout électeur sur les listes électorales.

Par conséquent, il apparaît nécessaire d'instaurer dans notre pays comme ailleurs une obligation de déclaration domiciliaire, afin que nos communes disposent des informations nécessaires pour assumer leurs compétences propres et étatiques, dans un souci de bonne gestion, mais également de qualité du service et de simplification des formalités, tant pour les communes que pour les administrés.

J'ai donc déposé une proposition de loi en ce sens, que nombre de mes collègues du groupe UMP m'ont fait l'honneur de cosigner. D'ailleurs, une proposition de loi en des termes identiques a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Emile Blessig.

J'y suggère d'assortir la déclaration de la remise d'un récépissé qui servirait de justificatif de domicile exclusif à produire pour effectuer toute autre démarche administrative, dans le respect de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

J'attire votre attention sur le fait qu'une telle obligation existe déjà en France, en Alsace-Moselle, en vertu d'ordonnances prises en 1883 pendant l'occupation allemande. Cependant, les sanctions applicables ayant été abrogées en 1919, ce qui a fragilisé le système, les communes concernées ne sont plus, depuis lors, et surtout depuis qu'il y a une plus grande mixité sociale, en mesure de mettre à jour leurs fichiers de population.

J'ai adressé un questionnaire aux 521 maires de mon département, le Bas-Rhin, afin de les interroger sur l'utilité de ce système. Je tiens d'ailleurs l'ensemble de ces réponses à votre disposition, monsieur le ministre.

Près de la moitié d'entre eux m'ont répondu et tous, parmi ceux-ci, estiment que ce fichier est utile voire indispensable. Ils avancent ainsi presque toujours les mêmes raisons : assurer une certaine proximité avec leurs administrés - organisation de fêtes et d'événements, notamment les fêtes de Noël, les anniversaires des personnes âgées ou encore les noces d'or ; gérer diverses taxes et redevances - ordures ménagères, eau, assainissement - ; permettre une planification efficace des effectifs scolaires ; remplir certaines obligations qui leur incombent telles que le recensement pour la journée d'appel de préparation à la défense, le recensement pour les plans « canicule », « variole », « iode », la mise à jour des listes électorales et des registres d'état civil.

Cette expérience locale concrète ainsi que le droit existant chez nos voisins européens prouvent que notre pays ne doit pas demeurer une exception, comme il l'est trop souvent, malheureusement.

C'est pourquoi je souhaite vivement que le débat d'aujourd'hui ne reste pas lettre morte et qu'il soit suivi, dans les plus brefs délais, de l'examen de projets ou de propositions de loi visant à améliorer l'accès des collectivités à l'information.

Le Sénat, par son action législative, s'est déjà assuré, à plusieurs reprises, que le transfert de compétences aux collectivités locales serait accompagné du transfert des moyens correspondants. Il convient de poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collectivités territoriales sont de plus en plus soumises à une véritable inflation administrative où, pêle-mêle, s'entrecroisent arrêtés, circulaires, directives, lois, décrets d'application, et j'en passe. L'adage bien connu selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » apparaît bien lointain face à cette multitude d'inventaires en tout genre.

On pouvait espérer que l'arrivée de l'internet faciliterait la circulation de l'information, mais aussi l'accès à celle-ci ; il n'en est rien. Bien souvent, pour aller à l'essentiel, on est contraint à un parcours du combattant, qui oblige à multiplier les démarches et les initiatives, où un langage codé est de règle et où chacun se renvoie la balle. L'information ne progresse pas, l'interlocuteur est déçu, contrarié et même souvent découragé.

Les élus sont arrosés d'informations, de documentations... Ils ne sont pas des spécialistes, mais ils doivent avoir une vision générale de la situation afin de répondre aux multiples sollicitations dont ils peuvent être l'objet. Ils se voient dans l'obligation d'aller à l'essentiel, alors que, souvent, des points de détail leur sont soumis.

Si la commission d'accès aux documents administratifs est un outil important, il n'en demeure pas moins que, dans les faits, nos élus ne disposent pas du temps nécessaire, car l'urgence de certaines situations impose une réaction immédiate et rapide.

Oui, l'accès aux données des nouvelles technologies de l'information et de la communication ne sera possible que dans la mesure où tous les territoires seront équipés de la même manière, permettant, en tous points de notre pays, l'égal accès de tous. En effet, de nombreuses dispositions ne peuvent être consultées qu'à partir de l'outil informatique. De plus, elles sont souvent génératrices d'interprétations qui peuvent être différentes.

Nous le savons, trop d'information tue l'information. Où en sommes-nous de la volonté de simplification qui fait tant défaut à l'organisation administrative de la France ? Nous croulons - le mot n'est pas trop fort - sous la bureaucratie administrative, et, bien souvent, l'interprétation des textes nécessite des décrets dont la gestation est longue et la naissance parfois décevante.

La lenteur dans la rédaction des décrets d'application, mais aussi parfois leur absence sont une source de blocage, conduisant le plus souvent à une mauvaise application de la loi, voire à une non-application. En effet, si l'ensemble des décrets ne sont pas édictés dans un délai raisonnable, la loi perd de son efficacité et de son sens. Combien de fois les élus se plaignent-ils de ces malentendus et incompréhensions ?

Vous le savez, monsieur le ministre, certains décrets sont attendus depuis plusieurs années, et la législation évolue sans cesse, notamment en matière de marchés publics, d'habitat et d'urbanisme. C'est le cas de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains avec l'application de la participation pour voies et réseaux, qui, en quelques mois - je le dis sans esprit de polémique -, a pris le relais de la participation pour voies nouvelles et réseaux. Comment nous y retrouver dans cette jungle ? (Approbations sur plusieurs travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Le ministre de l'équipement de l'époque avait parlé de « service après vote ». Monsieur le ministre, il faut appliquer cette démarche à la loi SRU mais aussi aux autres.

Revenons à l'accès et à la clarté des informations.

Même nous, les élus, nous nous faisons piéger : en voulant trop préciser, ne dénaturons-nous pas l'essentiel de ce que nous voulons dire ? Sommes-nous assez synthétiques afin de favoriser une rédaction plus claire ?

La réussite de la décentralisation ne peut être comprise que dans un vaste mouvement de transparence, mais aussi de clarté entre les élus locaux et l'État. Celui-ci doit simplifier son langage s'il veut être compris et efficace. Il suffit de regarder le monde, d'écouter pour constater que l'incompréhension est souvent due à une mauvaise interprétation, entraînant ainsi un malaise, parfois un découragement. Le détail est abordé, voire amplifié, mais l'essentiel est oublié.

Les élus ont besoin de messages forts, de messages d'approbation, d'encouragement, de messages qui rassemblent sur l'essentiel.

Notre société est une société organisée, donc réglementée. Toutefois, ces règlements ne doivent pas être un frein à notre vie de tous les jours, à notre désir d'entreprendre, mais un accompagnement.

Une partie de notre administration ne doit pas chercher des obstacles mais des solutions pour avancer légalement.

D'ailleurs, trop de loi nuit à la loi. Comment connaître, interpréter, intégrer, donc appliquer une telle foison de textes ? À l'heure actuelle, 10 000 lois, 150 000 décrets, 300 000 arrêtés sont en vigueur. Certaines références remontent à plusieurs décennies.

En toute objectivité, comment les citoyens, les élus peuvent-ils s'y retrouver ? Ne convient-il pas que nous ayons accès à des informations essentielles, afin de mieux comprendre les éléments secondaires ?

Tout devient complexe, compliqué, qu'il s'agisse des financements croisés, des décrets d'application ou des circulaires. Oui, on devrait parler plus clairement, plus simplement afin de ne pas ouvrir la porte à des interprétations contradictoires et négatives, sources d'une multitude de contentieux inutiles et générateurs de blocages.

Si nous continuons ainsi, notre modèle restera en panne, notre comportement législatif et administratif ne répondra plus aux aspirations fondamentales de toute société : le bon sens, la clarté, l'objectivité, la vérité recherchée.

C'est de cela que dépendront l'efficacité et la réussite nécessaires à la construction de l'avenir.

Nous savons tous que cette situation est ancienne, qu'elle ne date pas de quelques années seulement. Mais nous savons aussi qu'il faut, pour inverser la tendance, des hommes, des ministres courageux et compétents qui veulent que la France avance.

L'Auvergnat que je suis, monsieur le ministre, vous fait confiance, convaincu que vous êtes l'un de ceux-là ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Jean Puech d'avoir pris l'initiative de ce débat, et je partage son sentiment quant aux modalités et au calendrier prévus pour cette discussion. (Sourires.)

J'ai bien conscience que les échanges d'informations entre l'État et les collectivités locales sont et doivent être réciproques, c'est-à-dire qu'ils doivent aller des collectivités vers l'État mais aussi de l'État vers les collectivités. Tel est le principe de base qui doit guider notre réflexion.

Commençons donc par les informations que l'État sollicite des collectivités locales.

Dès les premières lois de décentralisation - cela ne date donc pas de 2004, je m'empresse de le préciser -, le législateur a posé la règle selon laquelle « tout transfert de compétences de l'État à une collectivité territoriale entraîne pour celle-ci l'obligation de poursuivre l'établissement des statistiques liées à l'exercice des compétences ». Il est donc de l'intérêt de tous de progresser dans ces échanges d'informations sur les compétences décentralisées.

L'État s'est engagé dans cet effort avec le souci de faciliter le travail demandé aux collectivités et de leur restituer les informations recensées.

À cet égard, je citerai rapidement deux exemples.

Le premier concerne le service « statistiques » du ministère de l'emploi, c'est-à-dire la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Cette direction a récemment refondu la nouvelle enquête auprès des régions sur la formation professionnelle et sur l'apprentissage.

Le second exemple a trait à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES. Cette direction, qui est responsable des études dans le champ sanitaire et social, s'est engagée dans la voie de la dématérialisation de la remontée d'informations. C'est d'ores et déjà le cas pour le RMI, ce sera le cas, dans le courant de 2006, pour l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap et le fonds d'aide aux jeunes. Le retour d'information vers les conseils généraux sera, monsieur Puech, bien entendu garanti.

Je ne souhaite pas m'attarder trop sur ce premier aspect de la question, même si d'autres choses pourraient être dites, car ce n'est pas le coeur du débat.

J'en arrive aux informations que les collectivités sont en droit d'attendre directement de l'État.

Monsieur Puech, vous distinguez les informations de nature financière des informations de nature sociale.

Vous estimez, fort justement, que les échanges d'informations financières sont désormais, - je suis volontairement prudent -, globalement satisfaisants.

Certains de ces échanges sont d'ailleurs anciens.

En matière fiscale, la loi prévoit - qui pourrait d'ailleurs s'en étonner ? - que l'administration fiscale est tenue de transmettre chaque année aux collectivités locales les rôles généraux des impôts directs locaux comportant les impositions émises à leur profit.

En matière de dotations, le code général des collectivités locales organise depuis de nombreuses années les obligations de l'État envers les collectivités. Cela signifie, très concrètement, que l'État a ainsi l'obligation de communiquer aux collectivités le montant de leur DGF avant le 15 mars.

Je crois sincèrement que ces efforts d'information ont tendance à s'améliorer.

Tout d'abord, certains de ces échanges sont désormais plus rapides.

Je citerai l'exemple des dotations de l'État gérées par le ministère de l'intérieur. Elles sont désormais, comme l'a souligné l'un des orateurs, mises en ligne sur le site Internet du ministère. Cela ne vaut pas notification officielle, j'en ai bien conscience, mais cela fait gagner un temps précieux aux collectivités locales dans l'élaboration de leur budget.

Ainsi, dès le 10 février, les élus pouvaient trouver sur ce site la dotation forfaitaire de chaque commune, l'essentiel de la DGF des départements et la totalité de la DGF des régions.

La dotation de compensation des EPCI était mise en ligne dès le 14 février ; la dotation de péréquation urbaine des départements et la dotation de fonctionnement minimale l'étaient dès le 16 février, ce qui d'ailleurs a encouragé certains à écrire sur cette dernière. La DGF intercommunale l'est, quant à elle, depuis le 2 mars. La DSU, la DSR et la dotation particulière « élu local » ont été mises en ligne dès le 13 mars.

Ensuite - et c'est le second facteur d'amélioration des échanges d'informations -, plusieurs dispositions ont été récemment adoptées afin d'améliorer l'information des collectivités locales sur l'état de leurs bases fiscales.

Vous avez cité, monsieur le sénateur, l'article 106 de la loi de finances initiale pour 2006. Aux termes de cet article, l'administration fiscale est dorénavant tenue de transmettre, chaque année, aux collectivités locales, les montants des rôles supplémentaires.

En outre, les services de l'État doivent communiquer chaque année, à chaque collectivité territoriale, le montant des compensations d'exonération de fiscalité directe locale versées par l'État et la part de la DGF correspondant aux montants antérieurement perçus au titre de la compensation de la suppression de la part salaires des bases de la taxe professionnelle.

Une deuxième disposition a été très récemment adoptée : l'article 107 de la loi de finances initiale pour 2006. Ainsi que vous le savez, le livre des procédures fiscales permet aux communes et à l'administration de se communiquer mutuellement les informations nécessaires au recensement des bases des impositions directes locales. Cet article 107 élargit concrètement le domaine de ces dispositions à l'ensemble des collectivités locales et de leurs EPCI.

Dernière disposition : le code général des collectivités territoriales a été récemment modifié afin d'actualiser la liste des informations nécessaires que le représentant de l'État doit communiquer avant le 15 mars.

Le préfet doit donc désormais communiquer aux maires un état indiquant le montant prévisionnel des bases nettes de chacune des quatre taxes directes locales et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, les taux nets d'imposition adoptés par la commune l'année précédente, les taux moyens de référence aux niveaux national et départemental et les taux plafonds opposables à la commune.

Le préfet doit, par ailleurs, notifier le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et le montant prévisionnel des compensations versées en contrepartie des exonérations et abattements de fiscalité directe locale.

Il va de soi que ces mêmes informations doivent être notifiées aux présidents des exécutifs départementaux et régionaux.

Cela me semble répondre à vos préoccupations légitimes en matière d'information financière.

Enfin, monsieur Puech, vous avez évoqué les échanges d'information dans le contexte, plus ponctuel mais non marginal, de la mise en oeuvre de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Je rappellerai tout d'abord que le Gouvernement s'est attaché à ce que les élus locaux disposent, dans le cadre des instances nationales, qu'il s'agisse de la Commission d'évaluation des charges ou de la Commission nationale de conciliation, de toutes les informations nécessaires sur les transferts de compétences.

Ces instances garantissent véritablement la plus grande transparence quant aux conditions de ces transferts de compétences.

Vous le savez, les articles 132 à 134 de la loi du 13 août 2004 posent d'ailleurs un principe général, selon lequel les exécutifs locaux reçoivent des préfets, à leur demande, les informations nécessaires à l'exercice de leurs attributions.

Le principe d'un échange d'informations entre administrations de l'État et collectivités territoriales est donc consacré, et les préfets en sont eux-mêmes les garants.

Au cours de ce processus, il semblerait y avoir parfois, si je vous ai bien entendu, des phases durant lesquelles la transmission de l'information se fait de façon plus ou moins conforme à ce qu'elle devrait être. Je vous le concède, cela peut se produire en effet. L'important est, toutefois, qu'au terme du processus, lorsque des décisions sont effectivement prises, elles le soient bien sur la bases d'informations construites, vérifiées, discutées et partagées.

Qu'en est-il, maintenant, de la transmission d'informations de l'État aux collectivités locales dans le domaine social ?

Dans ce domaine, nous ne partons pas de rien, rappelons-le, et des améliorations qui me paraissent, comme à vous, indispensables sont en cours.

Vous avez évoqué trois champs, monsieur Puech : l'emploi, le logement et l'action sociale.

Dans le domaine de l'emploi tout d'abord, je rappelle que les maires peuvent, à leur demande, se faire communiquer mensuellement par l'ANPE la liste des demandeurs d'emploi domiciliés dans leur commune. J'ai l'impression, à vrai dire, que ces dispositions sont encore trop souvent méconnues.

Le maire peut ainsi être informé de la situation de chaque demandeur d'emploi au regard du régime d'assurance chômage ou de l'allocation spécifique de solidarité. Ces informations peuvent être partagées avec ses adjoints et les services municipaux compétents.

L'ANPE a, par ailleurs, mis en place au profit des maires des communes de plus de 3 500 habitants un service leur permettant d'accéder aux chiffres de l'emploi - évolution du nombre de demandeurs d'emplois sur la commune, offres d'emplois sur la commune - et je crois que cette initiative répond à la demande des élus locaux

Ce souci de coopération et d'échange d'informations entre l'État et les élus locaux au service de l'emploi est au coeur du plan gouvernemental de cohésion sociale.

Je pourrais en donner plusieurs illustrations ; je n'en mentionnerai qu'une, qui me semble révélatrice et symbolique : les maisons de l'emploi.

La vocation de ces maisons de l'emploi, vous le savez, est d'assurer, au plus près du terrain, une meilleure coopération entre les partenaires du service public de l'emploi - collectivités locales et intercommunalités, services de l'État, ANPE, UNEDIC, missions locales -, autour d'un projet de territoire porté par les élus locaux et partagé avec les autres partenaires du service public de l'emploi.

Dans le cadre des maisons de l'emploi, un dispositif de dossier unique du demandeur d'emploi est en cours de constitution. Les collectivités territoriales, partenaires de cette maison de l'emploi, pourraient être destinataires d'une partie des données traitées dans ce dossier unique. Une déclaration pour un dispositif expérimental a d'ailleurs déjà été faite auprès de la CNIL.

Ce sont déjà 126 maisons de l'emploi qui ont été labellisées, et le plan de cohésion sociale prévoit d'en implanter 300 sur l'ensemble du territoire afin d'améliorer le service rendu aux employeurs et aux demandeurs d'emplois.

J'avais prévu d'évoquer également à l'appui de mon propos les exemples de la revitalisation des bassins d'emploi et de l'insertion professionnelle des publics en difficulté, mais pour ne pas prolonger outre mesure cette discussion, je passerai immédiatement au domaine du logement.

Je rappellerai qu'il appartient aux services du ministère du logement de mettre à la disposition des élus toutes les données nécessaires à l'exercice des compétences locales.

Dans le cadre des délégations de gestion des aides à la pierre, instituées par loi de décentralisation du 13 août 2004, la mise en place d'un dispositif d'observation de l'habitat est prévue.

Dans le domaine de l'aide et de l'action sociale enfin, domaine dans lequel les collectivités territoriales jouent depuis longtemps un rôle essentiel, plusieurs dispositions posent déjà le principe de l'accès à l'information.

D'une manière générale, l'accès des collectivités territoriales aux données à caractère social, qui sont souvent des données protégées par le secret professionnel, est directement lié à l'exercice du pouvoir d'attribuer des aides sociales ou de contrôler le respect des règles applicables aux formes d'aides sociales qui est reconnu aux autorités locales.

Le code de l'action sociale et des familles prévoit que, par dérogation aux dispositions qui les assujettissent au secret professionnel, les agents des administrations fiscales, tout comme ceux des organismes de la sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole, la MSA, sont habilités à communiquer aux autorités administratives compétentes, le président du conseil général ou le préfet, les renseignements qu'ils détiennent et qui sont à l'évidence nécessaires à l'instruction des demandes tendant à l'admission à une forme quelconque d'aide sociale.

Ce principe est complété en ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA : les administrations fiscales, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et de retraite complémentaire sont tenus de communiquer les informations que sollicitent les départements afin de vérifier les déclarations des intéressés et de s'assurer de l'effectivité de l'aide qu'ils reçoivent.

En ce qui concerne le RMI, les informations recueillies par les organismes payeurs, la CAF et la MSA, auprès des administrations financières et des organismes de sécurité sociale ou d'indemnisation du chômage peuvent être portées à la connaissance du président du conseil général et du président de la commission locale d'insertion compétente.

J'ajoute qu'à la suite de la loi portant décentralisation du RMI du 18 décembre 2003 il est fait obligation aux CAF et aux caisses de MSA de transmettre mensuellement aux départements les données de gestion nominatives, les données financières et les données de pilotage statistique.

Pour sa part, l'ANPE transmet aux conseils généraux des informations relatives aux actions proposées aux demandeurs d'emploi bénéficiaires du RMI. Ces données servent à l'élaboration et au suivi du volet emploi du contrat d'insertion.

L'accès aux informations sociales n'est cependant pas, selon les textes, exclusivement réservé aux départements. Comme en matière d'emploi, l'échelon communal bénéficie également, en un certain nombre de cas, de cet accès aux informations.

Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, quant à la législation. Cependant, à l'évidence, monsieur Puech, votre demande va au-delà des seuls textes de loi et vise à une collaboration plus efficace, plus dynamique et plus confiante entre les différents acteurs.

Au-delà des textes, ce sont très certainement les pratiques qui doivent évoluer pour tenir compte de la décentralisation et des nouvelles responsabilités locales.

Quelques initiatives sont déjà en cours et méritent que nous nous y arrêtions. J'en évoquerai quelques-unes.

Depuis 2004, la DRESS a ouvert aux départements ainsi qu'aux régions la base de données sociales localisées, jusque là réservée aux seuls services de l'État. Les communes pourront y accéder sur internet dès la fin du premier semestre 2006.

Cette base rassemble des données issues de plusieurs ministères et organismes institutionnels. Elle est constituée d'une cinquantaine d'indicateurs, validés et classés selon six thèmes : minima sociaux, marché du travail et chômage, logement, formation et échec scolaire, santé et accès aux soins, protection de l'enfance et prévention des risques.

Ces indicateurs sont disponibles. Ils sont géographiquement détaillés puisqu'ils se retrouvent à six niveaux : France, régions, départements, zones d'emploi, cantons, communes urbaines. Ils seront naturellement actualisés chaque année.

Par ailleurs, les contrats d'objectifs que l'État conclut avec ses grands opérateurs intègrent désormais pleinement les nouvelles responsabilités locales et font de la collaboration avec les autorités locales élues une priorité.

Vous avez en mémoire la convention d'objectifs et de gestion, la COG, conclue en 2005 avec la CNAF, ainsi que la convention d'objectifs conclue en 2005 avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour la période 2006-2009, ou encore le troisième contrat de progrès conclu en 2005 avec l'AFPA pour la période 2004-2008. Vous connaissez les détails de ces accords, qui ont été évoqués lors de débats antérieurs.

J'aimerais maintenant vous faire part de propositions de réformes législatives qui pourraient concerner trois domaines.

S'agissant du RMI tout d'abord, je voudrais rappeler que la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux prévoit un nouveau dispositif d'information du président du conseil général. Celui-ci sera informé des situations de travail illégal par les organismes de contrôle : inspections du travail, agents des impôts, des douanes et des URSSAF.

Cette mesure répond très précisément...

M. Michel Mercier. Je n'ai encore rien reçu.

M. Guy Fischer. Cela va venir.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Attendez !

Cette mesure, disais-je, répond très précisément aux demandes de MM. Mercier et de Raincourt,...

M. Guy Fischer. La chasse aux RMIstes !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...qui l'avaient proposée dans leur rapport au Premier ministre de décembre 2005 en réclamant « plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires des minima sociaux d'insertion ».

M. Guy Fischer. Plus de sanctions !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Oui, monsieur Fischer, le Gouvernement est prêt à aller plus loin en la matière.

Le 9 février dernier, à l'occasion d'une rencontre avec une délégation de l'Assemblée des départements de France, l'ADF, le Premier ministre a ouvert, avec les représentants des départements, une réflexion sur les conditions dans lesquelles une responsabilité plus grande pourrait leur être confiée dans la gestion du RMI.

Parmi les propositions du Gouvernement à l'ADF, figurent notamment des mesures relatives aux échanges d'information. Citons par exemple l'accès simplifié des maires à la liste des bénéficiaires du RMI ou la systématisation des échanges d'information entre l'ANPE et les conseils généraux.

À la suite de ces premiers échanges avec l'ADF, le Gouvernement s'est engagé à rappeler à la CNAM et à l'UNEDIC l'importance des échanges avec les collectivités départementales.

Enfin, vous le savez, le Gouvernement a engagé une évaluation de la loi du 18 décembre 2003 de décentralisation du RMI, évaluation dont il rendra compte au Parlement. Le Gouvernement a souhaité que l'ADF soit pleinement associée à cette évaluation et se montrera très ouvert aux préconisations qui pourraient être faites dans le domaine des échanges d'information.

En ce qui concerne la protection de l'enfance, sujet que l'on trouve également au coeur de la préoccupation des élus locaux, le Gouvernement prépare, vous le savez, une réforme de la protection de l'enfance, sous la direction et à l'initiative de mon collègue Philippe Bas.

Dans ce cadre, le Gouvernement envisage de renforcer l'information des services du département quant aux mesures d'assistance éducative ordonnées par les juges. Cela devrait contribuer à rendre plus efficace encore l'action des services de l'aide sociale à l'enfance.

J'aborderai enfin un dernier point : la simplification du droit.

Le Gouvernement envisage un troisième projet de loi de simplification du droit. Une mesure est à l'étude, qui permettrait aux organismes de sécurité sociale, avec l'accord des intéressés, de communiquer aux collectivités locales les données qui peuvent être nécessaires à l'appréciation de leur situation pour l'accès à des prestations sociales, y compris facultatives.

Dans ce domaine comme dans ceux que j'ai auparavant évoqués, l'échange de données entre administrations nationales et locales doit constituer, dans un climat de confiance et dans le respect des règles de confidentialité, l'un des leviers de l'action pour un service public globalement plus efficace et plus réactif face aux besoins de nos concitoyens.

J'aimerais revenir sur certains points évoqués par les orateurs précédents.

Madame Assassi, vous êtes revenue sur l'article 106 de la loi de finances pour 2006. La question que vous posiez relève naturellement du ministère des finances. Je suis cependant convaincu que la communication des rôles supplémentaires sera entourée des mêmes garanties que celles qui protègent les rôles généraux.

Sur ce point, je pense donc que l'on peut se montrer raisonnablement confiant.

M. Détraigne a déploré pour sa part plusieurs choses, même s'il a terminé sur une note optimiste en affirmant qu'il avait bon espoir que l'accumulation des décisions, des circulaires, des textes devienne plus raisonnable, espoir qui est, manifestement, partagé sur toutes les travées de la Haute Assemblée.

Vous avez tout d'abord regretté, monsieur le sénateur, que le droit devienne instable, peu lisible et, en fait, souvent inaccessible. Nous sommes, me semble-t-il, tous d'accord sur ce constat, les responsabilités étant d'ailleurs partagées.

J'indique que le rapport annuel du Conseil d'État relève que, pour la seule année 2004, cent vingt textes sont venus modifier le seul code général des collectivités territoriales, dont quatre lois organiques, dix-neuf dispositions de loi de finances et soixante-dix-sept lois simples. On dénombre ainsi 2 276 interventions sur des articles législatifs, ce qui est à l'évidence assez lourd.

S'agissant du calcul des compensations d'exonérations de fiscalité locale, vous avez fait allusion à une circulaire annuelle de la direction générale des collectivités locales. Cela a piqué au vif les membres de la DGCL qui sont présents à mes côtés ce soir. Ils m'ont habilement suggéré de me faire leur porte-parole... (Sourires.) Je m'y résous volontiers !

Tout d'abord, cette circulaire paraît bien avant le vote du budget. Les élus en disposent donc à temps. Surtout, l'état 1259 récapitule les montants et expose dans le détail, semble-t-il, l'ensemble des modalités de calcul des compensations, même si tout cela est certainement compliqué, comme vous l'avez relevé. Par cette déclaration optimiste, j'espère vous avoir rassuré, monsieur Détraigne !

M. Collombat, quant à lui, a d'abord formulé un certain nombre de remarques sur la convergence des taux pour les EPCI soumis au régime de la taxe professionnelle unique. Personne ne peut le contester, le problème est, effectivement, horriblement complexe. Je ne puis que vous recommander, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même envisagé, de multiplier les simulations préalables au passage à la taxe professionnelle unique. Pour ce faire, vous pouvez naturellement compter sur la collaboration des services de l'État, ceux de la comptabilité publique et les services fiscaux, qui, j'en suis sûr, contribueront à clarifier tout ce qui doit l'être.

Par ailleurs, en ce qui concerne la DGF, je rappelle que tous les éléments de calcul figurent dans les fiches de notification et dans la circulaire de la DGCL que j'ai déjà évoquée. En outre, le Comité des finances locales, qui est, par définition, l'organe de représentation des collectivités territoriales, est en principe doté de toutes les données permettant le calcul de la DGF.

J'en viens à la taxe professionnelle, même si aborder ce sujet nous éloigne quelque peu du coeur du débat, comme vous l'avez d'ailleurs indiqué vous-même par anticipation. En tout état de cause, les collectivités territoriales connaîtront avant le vote du budget de 2007 selon quel pourcentage de la valeur ajoutée les bases de la taxe professionnelle seront plafonnées, afin qu'elles soient en mesure de simuler les conséquences des augmentations de taux.

À cet instant, afin d'égayer un peu un propos qui serait très ennuyeux sans une dose de polémique, je ferai observer aux représentants de l'opposition que l'on pourrait s'amuser à reconstituer virtuellement le produit fiscal réel que les collectivités territoriales auraient perçu si n'était pas intervenue la réforme de la taxe professionnelle de 1998, qui a amputé d'un tiers, on le sait, les bases fiscales. Je vois que ces paroles font réagir MM. Collombat et Domeizel : j'ai donc atteint l'objectif que je m'étais fixé en faisant cette brève parenthèse sur une réforme ancienne ! (Sourires.)

Mme Sittler a évoqué un sujet très important, à savoir la difficulté, pour les communes, de rassembler des données précises et fiables sur la population résidant sur leur territoire. Il est vrai que les communes disposent d'informations incomplètes, éparses, souvent redondantes, provenant de divers organismes et services de l'État. Cela peut en effet entraîner des dysfonctionnements des institutions locales, alors même que l'accroissement de leurs compétences exigerait qu'elles fassent preuve d'une plus grande réactivité.

Je partage votre préoccupation, madame Sittler, et celle des élus dont vous vous êtes faite l'interprète, notamment M. le député Émile Blessig. À cet égard, vous avez rappelé que vous avez déposé une proposition de loi visant à instaurer une obligation de déclaration domiciliaire. Dans votre démarche, vous vous êtes inspirée, ce qui me paraît d'ailleurs une bonne idée, de l'exemple de certains pays européens voisins.

Cette déclaration domiciliaire aurait pour objet de centraliser à l'échelon de la commune des informations sur les personnes qui s'installent sur le territoire de cette dernière. Une telle mesure doit bien sûr s'insérer dans notre environnement juridique, lequel est protecteur des libertés individuelles, puisque la Constitution garantit nos libertés fondamentales. Tout dispositif d'information, fût-il inspiré par les meilleures intentions du monde, doit donc respecter ces libertés, notamment celle d'aller et venir.

De plus, s'agissant d'un dispositif de recueil de données à caractère personnel, il nous faut être très vigilants et très respectueux de la règle que la Commission nationale de l'informatique et des libertés a pour mission de faire observer.

À ce propos, je préciserai simplement que l'utilisation de fichiers doit être très strictement encadrée, dans le respect du principe de finalité. Le recueil et le traitement des données à caractère personnel ne se conçoit que pour un usage déterminé et légitime, correspondant aux missions de la collectivité responsable.

Certes, au regard des enjeux en termes de bonne organisation du service public communal, qu'il s'agisse de la petite enfance, du logement, de l'action sociale ou des personnes âgées, l'intérêt d'instaurer un fichier domiciliaire semble patent. Je relève d'ailleurs que, dans une lettre que vous avez adressée au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, vous vous déclarez prête à accepter, si j'ai bonne mémoire, que la déclaration domiciliaire ait un caractère facultatif. Dans cette hypothèse, le Gouvernement pourrait étudier vos propositions avec bienveillance.

Enfin, je terminerai en répondant à mon compatriote Jean Boyer, qui a tout d'abord déploré les retards pris dans la publication des décrets d'application des lois. À cet égard, il a d'ailleurs cité des chiffres très intéressants, que je ne connaissais pas.

À l'évidence, des progrès restent encore à accomplir. Le Gouvernement s'y attelle. Pour ce qui concerne la loi de 2004, sur les soixante-sept décrets prévus, cinquante, dont ceux qui concernent les transferts les plus importants, ont déjà été publiés ; six autres décrets sont en cours de signature ou d'examen par le Conseil d'État et paraîtront donc très prochainement ; s'agissant des quelques décrets restant à prendre, le travail est en voie d'achèvement et je pense que les choses pourraient aller relativement vite, même si j'ai bien conscience de ne pas fixer de calendrier en disant cela.

Vous avez aussi indiqué, monsieur Boyer, que l'application du code des marchés publics pose des difficultés aux élus en raison des multiples modifications que celui-ci subit.

Je suis obligé de reconnaître que vous dites vrai, puisque le code des marchés publics a connu un certain nombre de modifications au cours de ces dernières années. Il a ainsi été modifié en 2001, puis en 2004, et une nouvelle modification est actuellement en cours. Nous avons bien conscience, les uns et les autres, des difficultés que représentent ces changements successifs, notamment pour les collectivités, qui sont soumises aux règles de la commande publique.

Cela étant, je voudrais préciser l'origine de ces modifications. Elle n'est pas tant nationale que communautaire, puisque ces dernières résultent de la transposition obligatoire des directives européennes en droit interne. Nous essayons de rattraper le retard accumulé dans ce domaine.

Ainsi, la modification des dispositions du code des marchés publics actuellement en cours est rendue nécessaire par la transposition des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil. La première de ces directives est dite sectorielle et concerne la coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux. La seconde est relative à la coordination des procédures des marchés publics de travaux et de fourniture de services.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je souhaitais vous apporter.

Je conclurai en me félicitant de l'initiative qui a été prise par le Sénat. Elle permet de dresser un état des lieux et d'établir, à mon avis, que celui-ci n'est pas si désastreux que cela. Il existe de réelles possibilités d'amélioration, que l'on pourra d'ailleurs peut-être concrétiser par le biais de dispositions de nature législative. Mais la boucle est bouclée, car de nouveaux textes viendraient alors encore s'ajouter à ceux existants, tendance que nous avons précisément dénoncée aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

7

CONDITIONS DE TRANSFERT DU REVENU MINIMUM D'INSERTION AUX DÉPARTEMENTS

Discussion d'une question orale avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 16 de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur les conditions de transfert du revenu minimum d'insertion aux départements.

M. Guy Fischer interroge M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur les conditions de transfert du revenu minimum d'insertion aux départements.

Mis en oeuvre par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, ce transfert conduit dans de nombreux cas les départements à être en situation de prendre à leur charge, au seul profit de l'État, les dépenses suscitées par l'ensemble des actions liées au revenu minimum d'insertion, qu'il s'agisse de l'instruction des dossiers des allocataires, du versement des allocations ou du suivi de leurs parcours et projets d'insertion.

Ce constat, largement partagé par l'ensemble des conseils généraux et qui a fait l'objet de plusieurs motions de l'Assemblée des départements de France, montre à l'expérience que la solidarité nationale, traduite notamment par l'existence du RMI, ne peut avoir vocation à être décentralisée, sauf à faire courir aux allocataires le risque d'une déperdition de qualité des prestations fournies.

Il invite donc le Gouvernement, en lien avec la représentation nationale et les conseils généraux, à réfléchir dès maintenant aux conditions du retour à la situation originelle, c'est-à-dire au financement direct par l'État des missions de solidarité nationale lui incombant.

La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la question.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quatre ans que la présente majorité est aux commandes, nous assistons à une mise en pièces de notre système de solidarité nationale. Qu'il s'agisse du monde du travail, que le Gouvernement s'acharne à précariser, ou bien de la prise en charge des plus démunis, tous les moyens semblent bons pour réduire les droits sociaux de nos concitoyens.

Nous le voyons avec la grave crise économique et sociale suscitée par le contrat première embauche, les inquiétudes sont profondes quant à l'avenir de notre modèle social. Et pour cause ! Les inégalités explosent, la pauvreté se développe, toutes les catégories sociales sentent leur situation remise en question. Plus personne aujourd'hui ne s'estime réellement à l'abri de la pauvreté ou de l'exclusion sociale.

Ce sentiment diffus se nourrit d'une réalité économique et sociale incontestable. Le nombre de chômeurs n'a cessé de croître ces dernières années, et les contorsions statistiques du Gouvernement ne trompent à présent plus personne.

En effet, le nombre de créations d'emplois reste faible, avec environ 60 000 emplois créés dans le secteur privé en 2005. Ces chiffres sont insuffisants, surtout au regard des tendances démographiques, qui freinent l'augmentation de la population active avec les premiers départs massifs à la retraite.

De plus, le nombre de chômeurs non indemnisés n'a cessé de croître ces dernières années, ce qui augmente largement la pauvreté. Ainsi, le nombre de demandeurs d'emplois non indemnisés a continué d'augmenter en 2005, avec un taux de croissance de 6 % l'an passé.

Votre politique désastreuse de l'emploi mène à la réduction du taux de couverture de l'assurance chômage, et chaque nouvelle négociation des conventions de l'UNEDIC est, au cours de ces dernières années, allée dans ce sens.

En particulier, la mise en oeuvre, en 2004, de la réforme des filières d'indemnisation du chômage, issue de la convention signée en décembre 2002, a augmenté de façon substantielle le nombre de chômeurs qui ont basculé du régime d'assurance chômage vers celui de l'assistance, avec pour tout revenu le RMI. Ainsi, dans la filière la plus longue, la durée d'indemnisation a été réduite de 30 à 23 mois.

On se retrouve alors avec un taux de couverture des chômeurs par l'assurance chômage qui est passé de 61,8 % fin septembre 2004 à seulement 59,5 % fin 2005.

Cette chute de deux points de ce taux de couverture ne s'explique pas autrement que par votre volonté de faire baisser artificiellement les chiffres officiels du chômage pour justifier une politique de l'emploi exclusivement tournée vers la valorisation des profits des entreprises.

Aujourd'hui, un nombre croissant de demandeurs d'emploi se retrouvent sous le régime des minima sociaux, ce qui explique largement l'explosion du nombre de ceux qui en bénéficient.

À tel point qu'au début de l'année 2005, 3,4 millions de personnes étaient allocataires de l'un des neuf dispositifs nationaux ou de revenu de solidarité. En incluant les ayants droit, un peu plus de 6 millions de personnes étaient couvertes par les minima sociaux, dont 5,6 millions en métropole.

Mais c'est le RMI qui enregistre malheureusement la hausse la plus spectaculaire.

Pour la seule année 2005, le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 6,2 %. Fin 2005, on comptait 1 240 000 allocataires du RMI.

Plus inquiétant encore : à partir de 2003, l'augmentation du nombre d'allocataires concerne toutes les tranches d'âges, pour atteindre une hausse de 11,7 % pour les moins de 30 ans, et de 8,2 % pour les plus de 50 ans.

Comme je le disais en préambule, la pauvreté s'est aujourd'hui répandue dans toute la population, et les jeunes, comme les plus âgés, ne sont plus préservés de la misère.

C'est dans ce contexte que cette majorité a opéré, en décembre 2003, le transfert de compétences en matière de RMI aux départements.

Ce transfert de compétences, prévu par la loi du 18 décembre 2003, dont la discussion avait été disjointe de celle de la loi sur les responsabilités locales, conduit à placer les allocataires dans des conditions évidentes d'inégalité de traitement.

Au cours des discussions de ces textes, nous avions dénoncé avec force ces situations inédites, qui vont à l'encontre des principes démocratiques fondateurs de notre droit social.

Au regard des grandes disparités de moyens financiers entre les départements, non seulement l'égalité des citoyens devant le droit n'est plus garantie, mais le droit même à pouvoir bénéficier d'une aide de l'État se trouve compromis dans un certain nombre de départements « étranglés » par leurs finances locales déficitaires.

Plus précisément, un nombre croissant de départements ruraux se trouvent confrontés à une situation financière intolérable du fait du vieillissement de leur population, de la désertification et du déclin des activités économiques traditionnelles.

L'augmentation des charges liées au financement du RMI, en particulier la non-compensation intégrale, sur laquelle nous reviendrons, pousse les départements ruraux dans une impasse. Certains avouent leur incapacité, à très court terme, à financer les prestations sociales.

Pour les départements urbains, dont la population est en situation de paupérisation et de précarisation, la prise en charge financière du RMI hypothèque les autres types d'investissement.

Cette année encore, l'Assemblée des départements de France a fait part de sa très grande inquiétude sur les conditions de ce transfert de charges et sur celles de sa compensation, en appelant à prendre en compte l'intégralité des charges supportées par les budgets départementaux.

A titre d'exemple, pour l'année 2005, je rappelle que les dépenses d'aide sociale, dans lesquelles le RMI tient une place centrale, ont représenté 64,1 % des dépenses de fonctionnement des départements.

Parallèlement, le transfert de charges n'est pas compensé intégralement de la part de l'État, en particulier du fait du décalage annuel lié à la dotation budgétaire, puisque, chaque année, la majorité sous-évalue la charge financière à venir.

Au final, il a manqué aux départements 1 milliard d'euros en 2005, et il leur manquera probablement 1,2 milliard à 1,3 milliard d'euros en 2006. C'est ce qui explique une hausse moyenne des taux des impôts des départements de 4,7 % pour 2006.

Mais même cette hausse de la pression fiscale ne répondra pas à l'augmentation des charges pour les départements. L'alourdissement de la pression fiscale sur nos concitoyens ne peut constituer qu'une réponse à court terme, particulièrement inefficace et dangereuse à plus long terme.

En effet, cet étranglement financier alimente largement la polémique autour du traitement de la pauvreté et, en particulier, nourrit quantité d'amalgames douteux sur les populations qui relèvent de l'aide sociale.

Depuis son arrivée au pouvoir, cette majorité orchestre en effet une véritable « chasse aux pauvres » et s'acharne à vouloir à tout prix pénaliser la misère.

Comme on a pu l'observer avec l'augmentation des sanctions et le dispositif de contrôle des demandeurs d'emploi, c'est cette même logique qui est à l'oeuvre pour les titulaires des minima sociaux.

Ce gouvernement s'appuie sur certaines suspicions qui, nous ne le nions pas, peuvent être justifiées, il encourage les amalgames pour alimenter le doute dans l'opinion publique et accroître les sanctions contre les bénéficiaires de l'aide sociale.

Alors que l'on annonce une réforme des minima sociaux, il est à craindre que cette réforme ne soit en fait le moyen de réduire l'aide sociale et d'encadrer davantage encore les personnes qui en bénéficient.

Nous avons déjà relevé un certain nombre d'indices allant dans ce sens.

Ce fut d'abord le rapport de MM. Mercier et de Raincourt, qui appelait à une refonte de deux minima sociaux, le RMI et l'allocation de parent isolé, l'API, niant la spécificité des populations pouvant en bénéficier.

Surtout, ce rapport laissait entendre que certaines économies budgétaires seraient rendues possibles par une fusion plus large des minima sociaux et un accroissement des sanctions pesant sur leurs titulaires. (Signes de dénégation de M. Mercier.) Si, c'est écrit, monsieur Mercier.

Ce fut ensuite la loi intitulée « loi relative au retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires des minima sociaux », qui a constitué une première étape vers cette fusion élargie et surtout vers la mise en place d'un arsenal législatif et pénal sans précédent à l'encontre des bénéficiaires des minima sociaux.

La moitié du contenu de ce texte de loi était consacré à cette mise en place des dispositifs de sanctions. Plus particulièrement, les sanctions pénales ont été alourdies - elles peuvent aller jusqu'à une sanction pécuniaire équivalant à dix fois le montant du RMI - et des sanctions administratives ont été créées.

Mais cela ne semble pas encore suffisant puisque certains présidents de conseils généraux demandent encore un élargissement de leurs prérogatives, afin de pouvoir contrôler de plus près encore les RMIstes de leur département.

L'étranglement financier dans lequel vous plongez les départements ne peut que nourrir, effectivement, cette tendance à l'augmentation des contrôles et des sanctions, car limiter le nombre des ayants droit est malheureusement l'un des moyens les plus efficaces pour limiter les coûts.

Dans mon département, le Rhône, 10 % des 6 000 contrôles effectués en 2005, ont débouché sur une radiation, et encore je ne suis pas sûr d'avoir les derniers chiffres... De nombreux allocataires ont dû se résoudre à accepter n'importe quel emploi par crainte de perdre leurs droits.

Autre exemple : en Saône-et-Loire, tout allocataire du RMI resté sans contrat d'insertion au bout de trois mois est convoqué. Il n'y a là rien à redire ! Mais, si rien ne change dans sa situation, le RMI est suspendu,...

M. Michel Mercier. C'est une mesure socialiste.

M. Guy Fischer. ...puis, le cas échéant, la radiation s'applique.

Telles sont les méthodes d'insertion encouragées par cette majorité et soutenues par une gestion financière « d'étranglement » des collectivités locales.

Enfin, les dernières annonces du Gouvernement vont encore plus loin. On se dirige vers des rallonges budgétaires pour les départements au cas par cas.

Et sur quels critères ? La performance en matière de réinsertion. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les départements qui réussiront à réduire le nombre de bénéficiaires du RMI recevront une dotation budgétaire substantielle.

Dans cette course effrénée à l'équilibre budgétaire, toutes les collectivités territoriales seront prises au piège et devront développer les stratégies les moins avouables, dont les radiations et la multiplication des sanctions, des contrôles, de façon à limiter la pression fiscale.

On est, avec de telles dispositions, bien loin de l'esprit d'origine qui a présidé à la mise en place du RMI. Je tiens à rappeler que la création du RMI, en 1988, est allée de pair avec celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.

Or, curieuse coïncidence, cette année, alors que la continuité territoriale n'est plus assurée, que les disparités d'un département à l'autre en matière d'aide sociale vont se multiplier, que la pauvreté se développe, qu'elle est stigmatisée et pénalisée, la majorité a voté la mise en place, à partir de 2007, d'un « bouclier fiscal » pour les ménages les plus aisés, ceux qui sont justement soumis à l'ISF de manière à limiter leur taux d'imposition. Et cette même année encore, les entreprises françaises cotées au CAC 40 ont vu leurs bénéfices exploser - 84 milliards d'euros - et atteindre des sommets jamais égalés...

C'est la raison pour laquelle j'ai voulu soulever devant notre assemblée la question des conditions de transfert aux départements du RMI.

Il me semble essentiel que chacun se positionne clairement face à cette question de la prise en charge des plus démunis et de la garantie des droits fondamentaux.

On ne peut impunément mettre en pièces le système de solidarité nationale en rationnant de façon arbitraire l'aide aux plus démunis ou bien encore en accroissant le système pénal à leur encontre, sans en répondre devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer l'heureuse initiative qui nous vaut d'aborder ce soir, même à cette heure tardive, les conditions de transfert du RMI aux départements, mais je pense que vous ne serez pas étonnés si mon propos diffère dans sa tonalité de l'intervention que nous venons d'entendre.

Je voudrais, pour ma part, démontrer rapidement que confier l'ensemble du bloc de la compétence RMI aux départements répondait à une véritable logique, et ce pour plusieurs raisons.

Il se trouve, d'abord, que les départements, depuis plus de quinze ans qu'ils s'en occupent, connaissent bien le volet de l'insertion et ont acquis un certain savoir-faire en la matière, ensuite, qu'ils maîtrisent l'ensemble de la « boîte à outils insertion » tant dans le domaine du logement, que dans le domaine sanitaire ou social. Enfin, il est évident que le département s'impose de plus en plus dans le paysage institutionnel français comme un échelon de la cohésion aussi bien territoriale que sociale.

Pour autant, cette compétence a entraîné un certain nombre de dépenses et il est légitime de poser le problème de la compensation.

Le constat s'impose à tous : l'envol des dépenses, d'un peu plus de 8 % en 2004, a été freiné en 2005, sans pour autant descendre au-dessous de la barre des 6 %. Même si comparaison n'est pas raison, il faut néanmoins mettre en perspective l'évolution du RMI avec celle de l'APA.

Pour ma part, pour participer à la gestion d'un département, je considère que le plus gros problème auquel nous avons à faire face est celui de la compensation et des conditions de transfert, non pas du RMI, mais de l'APA.

Dans mon département, les dépenses liées à l'APA ont été multipliées par neuf en cinq ans ; les dépenses liées au RMI, par 1,2. Toujours dans mon département, le solde net restant à la charge des finances départementales, et donc du contribuable, s'élève à 2 millions d'euros pour le RMI, mais à 18 millions d'euros pour l'APA.

MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt. C'est vrai !

M. Bruno Retailleau. La différence de degré que je viens d'évoquer est importante, mais il existe aussi une différence de nature entre ces deux allocations. Bien malin qui pourrait influer sur le vieillissement de la population, en tout cas à court ou à moyen terme, alors que nous pouvons espérer demain, par un retour à la bonne fortune économique, une diminution du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion.

La dépense induite par le RMI ne me semble donc pas inéluctable. Elle a évolué de 1,4 % l'an dernier dans mon département. Il faudrait peut-être en revenir à la lettre comme à l'esprit de la loi et rappeler que le RMI n'est pas un droit ouvert sans contrepartie.

À cet égard, le contrat d'insertion est essentiel. La notion de contrat suppose une idée de réciprocité, d'équilibre entre des droits et des devoirs. Je rappellerai simplement à certains de mes collègues que cet équilibre est inscrit dans la loi, puisque les articles L. 262-19 à L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles prévoient des possibilités de suspension, voire de radiation.

Le contrat est également un outil précieux en matière de progressivité de l'insertion : il est bien rare, en effet, qu'un seul contrat suffise à passer directement du minimum social au retour à l'emploi. Un contrat progressif permet en outre un meilleur suivi personnalisé.

Si le RMI coûte beaucoup moins cher que l'APA aux départements, il n'en faut pas moins se poser le problème de sa juste compensation.

Dès lors, deux voies s'offrent à nous : soit la compensation est indexée sur la dépense publique, ce qui revient à désigner celle-ci comme seul critère d'efficacité et ne semble guère satisfaisant, soit la compensation est incitative et prend en compte la performance. La liberté accordée aux départements s'accompagne d'une responsabilité : gérer au plus près, c'est gérer plus efficacement, et il ne faut pas avoir peur de la performance.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous ne saurions envisager la compensation comme un simple droit de tirage des collectivités. La compensation doit être calculée non pas simplement en fonction du nombre d'allocataires, mais selon des critères de performance qui se traduisent par une bonification pour le département ; je pense, par exemple, aux taux de contrats d'insertion - la moyenne nationale est de 60 %, mais certains départements atteignent 100 % -,...

M. Henri de Raincourt. Cela ne veut rien dire !

M. Bruno Retailleau. ...de retour à l'emploi, mais aussi à la durée moyenne dans le dispositif.

Là comme ailleurs, il s'agit de passer d'une logique de gestion passive à une logique d'activation de la dépense, dans l'intérêt non seulement des finances publiques départementales, mais plus encore dans l'intérêt de celles et de ceux qui perçoivent le RMI. Car c'est en accédant à un emploi qu'ils retrouvent leur dignité : il faut le dire et accepter l'idée d'un équilibre entre des droits et des devoirs. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier M. Fischer d'avoir déposé cette question orale qui nous permet d'avoir un débat sur les conditions de transfert du RMI aux départements.

Une évidence s'impose : si toutes les collectivités sont concernées par la décentralisation, elles ne sont pas toutes égales face à celle-ci. À cet égard, il faut bien reconnaître que le département de la Seine-Saint-Denis est particulièrement pénalisé.

C'est un département où plus de la moitié de la population - 60 % environ - est exonérée ou dégrevée d'impôts locaux et où le niveau de revenu des habitants payant des impôts est relativement bas.

De fait, ce département a moins de moyens que d'autres pour satisfaire les besoins des habitants et répondre, pour la part qui lui revient, à l'urgence sociale qui s'est particulièrement révélée lors des événements de l'automne dernier.

La loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, la décentralisation du RMI et la création de l'allocation personnalisée d'autonomie en faveur des personnes âgées ont considérablement aggravé la situation budgétaire du conseil général de la Seine-Saint-Denis. Ainsi, le seul versement du RMI se traduit cette année par une charge de 80 millions d'euros supplémentaires non compensée par l'État.

À cela, il convient d'ajouter d'autres décalages financiers, tout aussi inquiétants, s'agissant, par exemple, des fonds sociaux - logement, jeunesse, énergie -, de l'allocation personnalisée d'autonomie, du transfert des techniciens et ouvriers spécialisés dans les collèges, ou encore du transfert des routes nationales et des personnels de la DDE.

Dans ces conditions, élaborer un budget est un exercice pour le moins difficile, d'autant plus que d'autres charges relevant clairement de la solidarité nationale sont supportées par le seul conseil général, comme l'hébergement d'urgence des enfants mineurs étrangers arrivant sur l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Les élus locaux ne peuvent se résigner à choisir entre une hausse de la fiscalité locale et une diminution des services et des prestations destinés à la population. Ils demandent à juste titre, me semble-t-il, que les compétences transférées soient intégralement compensées, que des politiques nationales à la hauteur des besoins des populations soient mises en oeuvre et que les fiscalités locales et nationales soient modernisées.

Depuis le transfert du RMI aux départements intervenu le 1er janvier 2004, le nombre d'allocataires a augmenté de 30 % en Seine-Saint-Denis, ce qui représente 10 000 allocataires de plus entre décembre 2003 et novembre 2005.

Devant ce phénomène social, on ne peut laisser un département, quel qu'il soit, se débrouiller seul. De plus, dans une région comme l'Île-de-France, l'interdépendance territoriale entre les départements ne permet pas d'avoir une action efficace.

En effet, quand on licencie des Sequano-Dyonisiens à Paris, dans les Yvelines, les Hauts-de-Seine ou le Val-de-Marne, c'est bien en Seine-Saint-Denis, sur leur lieu d'habitat, qu'ils deviennent allocataires du RMI s'ils ne retrouvent pas un emploi.

Même si nous ne partageons pas son point de vue, il est intéressant de noter que le député UMP Hervé Mariton souhaiterait le transfert du RMI aux régions...

Mme Éliane Assassi. ...compte tenu de la compétence économique attribuée à ces collectivités.

Pour en revenir au conseil général de la Seine-Saint-Denis, malgré les difficultés qu'il rencontre, il maintient son action en matière d'insertion sociale et professionnelle à un haut niveau, bien que cela ne soit plus rendu obligatoire par la loi.

Les élus ne se satisfaisant pas du nombre d'allocataires du RMI, ils considèrent que cet accompagnement est très utile pour les populations concernées, en liaison avec les travailleurs sociaux des villes et du département. En ce sens, la Seine-Saint-Denis a également innové en créant les missions ville-RMI qui n'existent nulle part ailleurs.

Grâce à ces structures et au programme départemental d'insertion, 2 000 à 2 500 personnes retrouvent le chemin de l'emploi. On peut considérer que c'est peu, mais on peut aussi noter que la démarche n'est pas banale et, surtout, qu'elle peut donner des résultats intéressants.

Cela dit, la forte augmentation du nombre d'allocataires ne touche pas le seul département de la Seine-Saint-Denis, car elle est principalement la résultante des choix politiques actuels qui génèrent une faible croissance non créatrice d'emploi, de l'inadaptation des plans de formation, de la transformation de la structure de l'emploi industriel en emploi tertiaire, mais aussi du faible niveau de qualification.

D'ailleurs, la baisse du nombre de chômeurs est proportionnelle à l'augmentation du nombre d'allocataires.

Je précise aussi que le conseil général de la Seine-Saint-Denis, grâce au travail rigoureux de ses personnels sociaux en matière de contrôle, constate que les allocataires sous-estiment très souvent leurs droits, contrairement aux idées reçues qui circulent ici ou là, surtout dans des milieux privilégiés.

Les élus de mon département préfèrent consacrer leur énergie à ces contrôles plutôt qu'à la chasse aux RMIstes, comme c'est le cas dans le Rhône ou dans les Hauts-de-Seine.

M. Henri de Raincourt. C'est incroyable !

Mme Éliane Assassi. Certes, vous pourriez me répondre, monsieur le ministre, que la Seine-Saint-Denis reçoit des compensations au même titre que les autres départements ; c'est vrai.

Mais, d'une part, ces compensations ne comblent pas l'intégralité des transferts de charges de l'État, lesquels s'élèvent à 140 millions d'euros. D'autre part, le mode de compensation du RMI est assis sur une portion forfaitaire de la TIPP calculée sur les effectifs du mois de décembre 2003 et ne tenant pas compte des évolutions survenues depuis.

Ainsi, la population pourrait croire que, plus elle consomme d'essence, ou plus les prix à la pompe augmentent, mieux le conseil général est compensé.

M. Henri de Raincourt. Non, c'est l'inverse !

Mme Éliane Assassi. Or il n'en est rien, puisqu'il s'agit tout simplement d'un forfait.

Pour 2006, la non-compensation pourrait s'élever à environ 76 millions d'euros. Ainsi, les contribuables du département auront financé quatre mois de RMI en 2005 et, si rien n'est fait, l'équivalent de cinq mois en 2006 !

Comment accepter une telle hypothèse, qui suppose, soit de supprimer des services rendus à la population, soit d'augmenter d'autant la fiscalité.

Plus le département est riche, plus il est capable d'absorber le différentiel. À l'inverse, ce sont les départements qui ont le plus de charges sociales qui souffrent le plus : la Seine-Saint-Denis, mais aussi le Nord, les Bouches-du-Rhône et le Gard, pour ne citer que ceux-là.

Il s'agit d'une véritable atteinte au principe de l'égalité républicaine, prouvée d'ailleurs par la désignation de préfets délégués à l'égalité des chances dans seulement six départements de France.

Pour sa part, le département de Seine-Saint-Denis refuse d'abandonner ses concitoyens qui ne sont, pour la plupart, pas responsables de leur situation.

Est-il besoin de rappeler que l'on ne vit pas avec le RMI ; on survit !

MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier. Nous sommes d'accord.

Mme Éliane Assassi. Les élus de ce département ont une vision solidaire du développement humain et de la société. Ainsi, ils préfèrent se mobiliser pour l'emploi avec tous les acteurs de leur département, bien que cela ne soit pas de leur compétence, à l'occasion des assises départementales pour l'emploi qui auront lieu les 12 et 13 mai prochain.

Par ailleurs, ils lancent une étude afin de mieux connaître les allocataires du RMI, leur parcours de vie, leur niveau de formation, leur expérience professionnelle.

Cette année, ils ont inscrit la réalisation de 300 contrats d'avenir, avec l'objectif, pour chaque contrat, d'un retour à l'emploi durable.

Enfin, ils sont en train de finaliser une convention avec la région pour les emplois dits « tremplin ». Ce sont des emplois aidés, et l'objectif fondamental, avec la prochaine tenue des assises de l'emploi que j'évoquais, est d'avancer vers la sécurisation des parcours professionnels et de s'inscrire dans un dispositif d'emploi et de formation.

Pour conclure, je veux insister sur la nécessité, au-delà du débat sans vote qui nous réunit aujourd'hui, d'inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée la proposition de loi déposée par mon groupe tendant à abroger purement et simplement le transfert financier du RMI au département.

Seule une abrogation permettrait de redonner pleine compétence à l'État pour mener l'action en faveur de l'insertion des ménages les plus vulnérables, au moment où certains prônent l'unification des minima sociaux et leur intégral transfert aux collectivités départementales.

Sur le fond, la solution réside dans l'éradication du chômage, qui passe par la mise en oeuvre d'une autre politique économique nationale et européenne.

Avec quel financement, me direz-vous ? Simplement en augmentant les ressources publiques, donc la dépense publique utile, grâce à une fiscalité plus juste, plus efficace.

Je rappellerai simplement au Sénat que la baisse cumulée de l'ISF se chiffrera à 50 milliards d'euros en cinq ans, soit cinq fois le déficit de la sécurité sociale !

Quant à l'impôt sur les sociétés, il diminuera de 450 millions d'euros. C'est justement ce que devait l'État aux conseils généraux en 2004 pour le RMI ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je tiens à remercier M. Fischer d'avoir été à l'initiative de ce débat sur le RMI.

Il est bon qu'après la mise en oeuvre de la loi de 2003 qui a confié aux départements de soin de gérer le revenu minimum d'insertion, nous ayons, régulièrement, l'occasion de faire le point.

Monsieur le ministre, faire le point sur la mise en oeuvre du RMI nous conduit très naturellement à parler des finances, mais également du fonctionnement de la compétence transférée. L'un ne va pas sans l'autre !

Nous devons d'abord noter un premier phénomène, à savoir l'augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI.

Cette forte augmentation est liée à des facteurs divers. L'un de ces facteurs est, naturellement, la réforme de l'assurance chômage, qui, en l'absence de croissance de notre économie et de création d'emploi, a transféré un certain nombre de personnes qui bénéficiaient de l'assurance chômage vers le RMI.

Ce constat suffit, selon moi, à justifier l'existence du revenu minimum d'insertion. Une des caractéristiques de notre modèle social est en effet que, quand il n'y a plus rien, il y a au moins le RMI !

Quelles que soient nos opinions, nous pouvons être fiers que, dans notre pays, ait été mis en place ce système qui permet à tous ceux qui en bénéficient de se sentir membres de la communauté nationale, même si, évidemment, compte tenu du montant de l'allocation, personne ne peut être RMIste de vocation !

Que s'est-il passé depuis la loi de transfert du RMI vers les départements ?

Auparavant, les départements étaient chargés de la politique d'insertion, l'État étant chargé de la politique de mise en place de l'allocation de revenu minimum. Dès lors qu'il y a deux responsables, il n'y en a aucun, et les choses allaient ainsi au fil de l'eau, on ne sait trop comment !

Confier à un seul responsable l'ensemble du RMI fut donc une bonne politique. Fallait-il confier cette responsabilité à une collectivité territoriale ou fallait-il la confier à l'État ?

L'État, nous le constatons chaque jour sur le terrain, n'a plus les moyens humains de faire face à la gestion de grandes masses de femmes, d'hommes et d'argent. Il était donc évident que seul le département avait la capacité de gérer le RMI dans son ensemble.

Ce qui a faussé le débat, c'est le problème du financement du RMI transféré, problème fondamental. Ainsi, il a manqué 457 millions d'euros en 2004, première année du transfert, à peu près 900 millions d'euros en 2005, deuxième année du transfert, et le premier trimestre de 2006 semble s'inscrire dans le même mouvement !

L'État a-t-il fait face à ses obligations ?

Il est évident que l'État a honoré toutes les obligations constitutionnelles mises à sa charge. Il n'y a rien à dire du point de vue juridique. L'État a payé aux collectivités ce qu'il devait. Simplement, les bases n'ont plus rien à voir avec la réalité. C'est ce dont il nous faut parler maintenant.

En 2004, le Premier ministre d'alors, M. Raffarin, bien que rien ne l'y obligeât, s'était engagé à ce que l'État verse aux départements la totalité de la charge de l'allocation. Force est de reconnaître que le gouvernement actuel s'est acquitté au début de l'année 2006 de l'engagement pris par M. Raffarin.

Rien ne l'y obligeait. Il faut l'en féliciter et nous ne pouvons, monsieur le ministre, que vous inciter à suivre l'exemple de M. Raffarin : faire aussi bien que lui sera porté à votre crédit !

Je vous rappelle qu'en 2005 le « trou » était de l'ordre de 850 millions d'euros et que, pour l'instant, vous ne vous êtes engagé qu'à verser aux départements 400 millions d'euros. Les 100 autres millions proviennent d'une proposition de M. Marini aux fins de combler le manque à gagner pour les départements né de la suppression d'une part de la DGE ; il faut tout de même le rappeler, les bons comptes faisant les bons amis !

Bref, monsieur le ministre, vous n'avez accordé que 400 millions d'euros sur 850 millions d'euros, quand M. Raffarin, lui, a accordé 457 millions d'euros sur 457 millions d'euros ! Il nous laisse ainsi l'excellent souvenir d'un Premier ministre décentralisateur et soucieux de la réussite de sa réforme.

Il est évident, monsieur le ministre, que les départements vous réclameront le paiement de la totalité du versement au titre du RMI, et ce pour une raison simple : c'est l'État qui détermine le montant et les conditions de l'allocation, ainsi que la façon dont elle doit être liquidée ! Dans cette affaire, les départements n'ont aucun rôle à jouer puisque tout est décidé à l'échelon central. Nous savons bien qu'en fait ce n'est jamais le département qui accorde le RMI. Cette décision, en effet, revient à la caisse d'allocation familiale. Il y a donc là un vrai problème.

Quoi qu'il en soit, je veux vous remercier d'avoir fait un effort. Vous promettez 400 millions d'euros, auxquels viennent s'ajouter 100 millions d'euros, ce qui fait 500 millions d'euros, sur trois ans ; cet engagement mérite d'être souligné.

S'il est largement insuffisant, vous êtes tout de même sur la bonne voie, monsieur le ministre, et je ne peux que vous engagez à vous améliorer. Et, puisque vous avez « trouvé » hier soir 320 millions d'euros assez facilement, grâce à un amendement déposé à l'Assemblée nationale,...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce n'est pas le même budget !

M. Michel Mercier. C'est toujours le budget de l'État, monsieur le ministre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pas avec la LOLF !

M. Michel Mercier. Le budget est un !

Si vous le souhaitez, on peut créer un RMI d'occasion pour un mois. Vous trouverez bien par la suite 300 millions d'euros pour qu'on le supprime ! (Rires.) Nous serions prêts à faire cet effort !

S'agissant de la répartition de ces crédits, M. Retailleau nous a suggéré d'être incitatifs. Certes, mais encore faut-il que ce soit possible. Nous devons d'abord payer nos dettes !

Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce que l'État verse aux départements une partie de la somme en tenant compte de la richesse du département ou du travail d'insertion réel que ce dernier effectue. Néanmoins, quand il manque 500 millions d'euros, il n'est pas temps de se lancer dans de tels distinguos ! Tant que nous percevrons les mêmes sommes, il nous faudra les consacrer entièrement à la compensation, sans garder 20% pour l'incitation ou 20 % pour la péréquation...

Autre problème : le fonctionnement de la compétence décentralisée.

Il est normal et juste que les départements effectuent des contrôles, et ce pour une raison toute simple : toutes celles et ceux qui ont droit au RMI doivent le percevoir, mais personne d'autre !

Mme Assassi et M. Fischer ont prétendu que, dans le département du Rhône, nous nous livrions à des opérations de contrôle excessives.

M. Pierre Hérisson. Mais ce n'est pas vrai !

M. Michel Mercier. Madame Assassi, sans doute n'êtes-vous jamais venue dans le département du Rhône ; je vous invite bien volontiers à venir toucher du doigt la réalité !

Mme Éliane Assassi. Je sais lire !

M. Michel Mercier. Dans ce cas, vous ou M. Fisher, citez-moi le cas d'une seule personne à qui on aurait refusé le RMI alors qu'elle était en droit d'en bénéficier ! Vous aurez beau chercher un exemple, vous n'en trouverez pas un seul, et c'est bien normal !

Mme Éliane Assassi. Pas refusé, suspendu !

M. Michel Mercier. Il est vrai que nous avons suspendu le versement du RMI à certains, mais jamais à ceux qui y avaient droit ! Vous aurez beau chercher un exemple, vous n'en trouverez pas !

En revanche, ma chère collègue, il est vrai que nous avons supprimé le RMI aux personnes qui n'y avaient pas droit, et nous continuerons de le faire pour une raison toute simple : chaque habitant du département doit être pleinement assuré que celles et ceux qui bénéficient du RMI y ont droit, sont en situation de l'avoir et qu'ils ne volent rien, qu'ils bénéficient simplement de leur droit !

Mme Éliane Assassi. « Voler » ! Vous savez combien cela représente le RMI ? Ayez un peu de décence, monsieur Mercier !

M. Michel Mercier. Il en va de la crédibilité du RMI ! Je pense que vous devez être tout à fait d'accord avec nous, ma chère collègue, pour accorder le RMI à tous ceux qui y ont droit et pour le refuser à tous ceux qui n'y ont pas droit, faute de quoi on décrédibilise toute l'action sociale !

Il est évident que nulle politique d'insertion ne peut être menée avec grand succès lorsque l'économie ne crée pas d'emplois. Or aujourd'hui, monsieur le ministre, vous savez mieux que moi que peu d'emplois sont créés, même si les chiffres commencent à être meilleurs.

De ce point de vue, les bénéficiaires du RMI doivent avoir toute leurs chances et être considérés par les services de l'ANPE comme des demandeurs d'emploi ordinaires. Ils ne doivent pas passer après les autres demandeurs d'emploi.

Considérons maintenant comment fonctionne la compétence ?

Il me semble nécessaire, monsieur le ministre, d'améliorer les relations entre le département et les caisses d'allocations familiales.

Il n'est en effet pas normal qu'il y ait des indus. À un moment où chacun dispose de l'outil informatique, où le Gouvernement affirme qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour généraliser l'usage des technologies modernes, il est inexplicable que nous n'arrivions pas à établir des relations quotidiennes permanentes entre les services des départements et ceux des caisses d'allocations familiales !

Je suis certain que le montant global des indus pour toute la France et pour une année n'est guère différent de l'impasse financière que j'ai évoquée !

Nous devons donc travailler et améliorer les dispositifs.

Je le répète, personne n'est RMIste par vocation, personne n'a envie de le rester ; quand on est RMIste, c'est que l'on ne peut pas faire autrement. Les élus des départements ont l'obligation d'aider ceux qui sont dans cette situation à s'en sortir.

Nous attendons du Gouvernement qu'il nous laisse le plus de liberté possible, qu'il réforme ce qui peut être vécu comme des freins, notamment sur le contrat d'avenir. Il est anormal que le passage du RMI au contrat d'avenir coûte plus cher au département. Cette entrave au contrat d'avenir doit disparaître, si vous voulez, monsieur le ministre, que les choses fonctionnent bien.

Nous attendons de votre part des réponses claires sur ces différents points pour que les départements puissent accomplir leur difficile travail dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Si, depuis la décentralisation engagée par le gouvernement Raffarin, il est admis que les ressources transférées par l'État n'ont jamais été à la hauteur des charges qu'elles étaient censées compenser, la question des conditions de transfert du revenu minimum d'insertion aux départements se pose désormais avec urgence, car elle renvoie au contexte économique et social qui est le nôtre.

Permettez-moi de consacrer quelques instants au contexte de crise dans lequel nous sommes plongés.

Cette crise sonne comme un dépôt de bilan de la politique libérale mise en oeuvre depuis plus de quatre ans par l'actuelle majorité. En effet, même si notre pays reste dans la moyenne européenne, tous les indicateurs sont au rouge. À titre d'exemple, fin décembre 2005, le fichier des demandeurs d'emploi comptait 4 122 000 inscrits dans l'ensemble des catégories, et 2 038 800 d'entre eux, soit près de 50 %, étaient allocataires de l'assurance chômage. De plus, le durcissement des conditions d'accès à l'assurance chômage, comme le raccourcissement des durées d'indemnisation ont occasionné le basculement de centaines de milliers de chômeurs vers le RMI. Selon la Caisse nationale d'allocations familiales, les allocataires du RMI étaient plus de 1 million à la fin du mois de septembre 2005. Ajoutons que plus de 30 % de ces allocataires le sont depuis plus de cinq ans et que le chômage de longue durée a augmenté de 9,2 % en un an.

Autre indicateur : en décembre 2004, plus de 6 millions de personnes tiraient leurs revenus des minima sociaux, soit une augmentation de 3,4 % en un an.

Le récent rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, que vous ne citez guère, monsieur le ministre, pas plus que votre majorité d'ailleurs, estime que la pauvreté frappe 12 % de nos concitoyens, soit environ un peu plus de 7 millions de personnes.

Nous voyons là les effets dévastateurs de la politique libérale mise en oeuvre depuis plus de quatre ans. Comment s'étonner que les Français manifestent massivement contre le CPE et les mesures aggravant la précarité ?

Mais revenons à la question des conditions de transfert du RMI aux départements. La loi de décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA, a transféré l'intégralité de la mise en oeuvre du RMI aux départements. Ces derniers ont désormais en charge la gestion et le financement de l'allocation, dont la responsabilité relevait auparavant de l'État. Seules la fixation du barème et les conditions d'attribution de l'allocation restent définies au niveau national et demeurent du ressort de l'État.

Si, sur le fond, les collectivités territoriales n'étaient pas opposées à ce transfert qui permettait une mise en cohérence plus grande de leurs actions, il en va tout autrement des conditions dans lesquelles le transfert budgétaire s'est opéré. Afin de ne pas dévoyer l'esprit de la décentralisation, il était nécessaire que le transfert de compétence se double d'un transfert budgétaire idoine. Dans le cas du RMI, cette exigence était d'autant plus grande que le droit budgétaire oblige les collectivités locales à équilibrer les dépenses de fonctionnement. À défaut, et nous l'avions fait remarquer dès 2003, les départements seraient rapidement confrontés à des situations budgétaires difficiles. Malheureusement, la réalité des faits a prouvé que nous n'avions pas tort.

En effet, le 5 décembre dernier, alors que nous venions de conclure dans le cadre de ce transfert une année de plein exercice, l'Assemblée des départements de France, l'ADF, estimait que le surcoût de la décentralisation du RMI était de l'ordre du milliard d'euros pour 2005 alors qu'il avait atteint 435 millions d'euros en 2004.

Faut-il en conclure que l'objectif de ce transfert de compétence était d'assainir les comptes de la nation puisque, comme le précisait M. Mercier dans son rapport de mai dernier, « l'État transfère des compétences qu'il finançait bien souvent à crédit à des collectivités qui doivent les payer comptant » ? Le mode opératoire utilisé, tout comme l'état d'endettement de notre pays nous incite à le croire.

Par ailleurs, si l'on considère la réforme du régime social des intermittents du spectacle ou de l'allocation de solidarité spécifique, dont la durée de prestation est passée de 30 mois à 24 mois, ou bien les nouvelles dispositions de restriction de l'assurance chômage après trois refus successifs d'offres d'emploi, nous voyons se dessiner peu à peu une politique qui consiste à orienter le plus systématiquement possible les publics en difficulté vers le RMI et dont le corollaire est un désengagement massif de l'État dans la gestion des publics en difficulté.

Il n'en demeure pas moins que nous devons reconsidérer la question du RMI au regard du préambule de la Constitution de 1946, repris dans la Constitution de 1958 et qui en constitue le fondement. Il y est dit : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». C'est à la lueur de ces devoirs que nous devons considérer l'action et les moyens dont disposent les départements.

Comme nous l'avons vu, ces derniers ont dû faire face à une hausse rapide du nombre de bénéficiaires du RMI. Je prendrai deux départements en exemple. Pour le département des Alpes-de-Haute-Provence, que j'ai l'honneur de représenter au Sénat, le coût annuel du paiement des allocations de RMI, auquel il faut ajouter les charges de gestion supplémentaires - le département a dû créer de nouveaux emplois - s'élève à plus de 10,5 millions d'euros, soit 10 % des dépenses de fonctionnement, alors que les recettes perçues à fin de compensation représentent 8,75 %. Le compte n'y étant pas, c'est la fiscalité locale qui doit prendre le relais.

Si seulement vous arrêtiez là ! Mais pas du tout, demain, la décentralisation modèle Raffarin chargera un peu plus la barque : d'abord avec le transfert des techniciens, ouvriers et de service, les TOS, vers l'équipement, ensuite et surtout avec le transfert des routes nationales, ce qui sera encore plus douloureux pour les départements de montagne. Dans les Alpes, monsieur le ministre, les routes où se succèdent les ponts, les tunnels et les éboulements sont plus tortueuses que celles du Poitou, et le coût de leur entretien est considérablement plus élevé. Là aussi, la facture sera salée et l'équilibre budgétaire impossible à atteindre sans augmentation des taxes professionnelles et des taxes sur les ménages.

Dans le département du Rhône, dont sont originaires Guy Fischer et Michel Mercier, le nombre des bénéficiaires du RMI a progressé de plus de 8 % entre janvier 2004 et novembre dernier.

Cette progression inquiète d'autant plus que la différence entre les recettes de la TIPP, qui sont censées financer ce transfert, et le montant global des dépenses affectées à cette allocation, atteignait 22 millions d'euros sur les dix premiers mois de l'année 2005, soit près de 20 % du montant global de l'allocation versé sur cette même durée.

Pour le 1er trimestre 2006, le déficit atteindrait déjà 6,4 millions d'euros.

M. Guy Fischer. Vous êtes bien informé !

M. Claude Domeizel. Oui, grâce à certains sénateurs du Rhône. (Sourires.)

Peut-on vraiment parler de compensation à l'euro quand le remboursement intervient plus d'un an après et que l'avance a été faite par les collectivités territoriales ?

L'autre problématique essentielle est celle de l'année de référence. Comment accepter que 2003 soit le fondement du calcul de la part de TIPP attribuée quand on sait que cette ressource est peu dynamique et que son produit sur 2004 et 2005 a été inférieur aux attentes, alors que les dépenses ne cessent d'augmenter ?

N'est-il pas temps de reprendre « la clause de revoyure », évoquée lors du congrès de Valence de l'ADF, par Michel Mercier, me semble-t-il ?

M. Michel Mercier. Je crains de ne pas avoir été présent à Valence, le climat ne me convenait pas. (Sourires.)

M. Claude Domeizel. A défaut, les départements, s'ils veulent continuer à prendre en charge les plus démunis et à oeuvrer pour leur insertion dans le monde du travail, sont obligés de revoir à la hausse leur fiscalité.

Le constat est général : les conseils généraux doivent prendre le relais d'un État défaillant, qui s'est créé des obligations juridiques lui permettant de se désengager tout en réduisant volontairement ses moyens d'action par une réduction de l'impôt des plus favorisés.

Nous sommes bien loin de l'État vertueux. Tout cela sonne faux. Est-ce la programmation d'une maîtrise des dépenses qui déterminera les choix ou est-ce le choix de la réforme qui permettra la mise en oeuvre de politiques de réinsertion économique efficaces et, par voie de conséquence, une réduction des dépenses sociales pour les départements ?

La situation commande à l'État de prendre ses responsabilités et de mettre fin à son désengagement. Il est nécessaire, monsieur le ministre, que l'État garantisse aux départements les moyens financiers nécessaires pour qu'ils puissent mener une politique active de réinsertion dans la vie socio-économique Si le Gouvernement a consenti un versement supplémentaire exceptionnel de 100 millions d'euros pour le RMI, avec un ajustement aux dépenses constatées en 2004, c'est notoirement insuffisant.

Il faut que nos concitoyens puissent, dans les faits bénéficier d'un réel suivi. Il est indispensable que les personnes les plus éloignées de l'emploi trouvent dans les commissions locales d'insertion les professionnels qui pourront les aider dans leur démarche d'insertion.

Ces exigences, nous les connaissons tous, et nous savons qu'il est inutile de stigmatiser les allocataires, comme l'a fait lors des assises de l'ADF le président du conseil général des Hauts-de-Seine, ministre d'État, chef de parti, par une formule lapidaire : « Pas de minima sociaux sans une obligation d'activité ». Ce n'est pas ainsi que nous trouverons des solutions à des problématiques qui dépassent bien souvent la seule dimension financière. Ce n'est pas non plus en enclenchant des opérations de radiations massives, en laissant croire que les dérives sont le fait des uniques fraudeurs, que nous trouverons des solutions à cette désespérance.

Si le Gouvernement persiste dans sa politique de désengagement massif, si les compétences de l'État sont devenues résiduelles en matière d'action sociale, se pose très clairement la question du respect de la parole de l'État et de la loi. Dès lors, ce ne sont pas uniquement les plus démunis qui seront victimes mais bien l'ensemble de notre société.

Dans cette logique, et en absence d'un fonds de péréquation, il y a un risque d'inégalité de la prestation. De même, on peut s'interroger sur sa pérennisation pour ceux qui n'entreraient pas dans un dispositif avec activité, tel que peut l'être le très inefficace RMA.

Il est effectivement à craindre que, derrière l'éventuelle instauration d'un mécanisme d'intéressement entre l'État et les conseils généraux ne soit, à terme, directement remise en cause la dimension nationale du RMI.

Ne perdons pas de vue que l'exposé des motifs de la loi de décembre 2003 disposait que le RMI est « un engagement réciproque entre le bénéficiaire, qui accède à une démarche d'insertion, et la collectivité, qui l'aide à retrouver son autonomie », la collectivité en cause ne pouvant être que la collectivité nationale.

Le RMI, tel que conçu en 1988, répondait à trois objectifs, à savoir réduire la pauvreté par le versement d'une prestation monétaire, permettre l'accès aux droits sociaux - la santé et le logement, notamment - et aider à l'insertion professionnelle. Il s'agit bien là d'un grand projet humaniste.

Sous la précédente législature, de grands progrès ont été enregistrés, notamment au travers de la mise en oeuvre de la CMU ou de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Mais, depuis quatre ans, les divers gouvernements se sont écartés de ces objectifs.

Parce qu'il y a urgence, parce que la décentralisation mérite mieux que d'être dévoyée comme elle l'est actuellement, il est temps que l'État entende les collectivités. Ainsi peut-être réussira-t-il enfin à donner un peu plus de consistance à ce qui n'est pour le moment qu'un slogan vide de sens : « la croissance sociale ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité est l'aboutissement d'un processus de décentralisation que nous approuvons.

En effet, le système de cogestion qui préexistait était complexe. Le préfet et le président du conseil général co-présidaient le comité départemental d'insertion, et les commissions locales d'insertion étaient elles-mêmes coprésidées et disposaient de secrétariats qui appartenaient à l'un ou à l'autre. Ce système était relativement inefficace alors même que les publics concernés étaient les plus exclus de la société et méritaient d'être les mieux aidés.

Le Gouvernement a fait le choix de la décentralisation. C'était le choix de la confiance envers les collectivités locales, auxquelles était laissé le soin de traiter la situation de nos compatriotes les plus démunis au plus près du terrain.

En transférant l'intégralité de la mise en oeuvre du RMI aux départements, la loi précitée a considérablement modifié l'organisation générale du dispositif.

Pour autant, la fixation du barème et les conditions d'attribution de l'allocation demeurent définies au niveau national, ce qui était important pour assurer l'équité du dispositif. Mais le fait est qu'il n'est pas facile pour un gestionnaire de ne maîtriser ni les conditions d'attribution du RMI, ni les sommes qui y sont consacrées.

Ainsi, les conditions de la mise en oeuvre décentralisée de ce revenu minimum se sont avérées très contrastées selon les départements. Paradoxalement, cela n'était pas toujours lié aux conditions du transfert. Il faut dire que le délai d'adaptation laissé aux départements était plutôt bref et que toute réorganisation des services réclame de la délicatesse, du doigté et du temps.

Enfin, une dernière donnée ne peut être ignorée. Depuis le vote de la loi, le nombre de personnes percevant le RMI n'a, hélas ! cessé de croître. Je ne reviendrai pas sur ce point, M. Mercier l'ayant développé voilà quelques instants.

Ce transfert a évidemment un coût financier. Il a également nécessité une nouvelle organisation, s'agissant de la gestion de l'allocation, et suscité un certain nombre de projets d'aménagement dans le but d'en améliorer la souplesse et l'efficacité.

Un transfert aussi important de gestion vers les départements ne pouvait se révéler que coûteux. La loi a ainsi mis en place un transfert de recettes devant assurer la compensation de cette nouvelle compétence pour les départements.

Or, dès 2004, un décalage a été constaté. Je rappelle que le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a tenu ses engagements de compenser intégralement ce transfert. En effet, le montant des charges supplémentaires supportées par les départements qui, selon un chiffrage effectué au mois de juin 2005, était de l'ordre de 458 millions d'euros, a été intégralement compensé par une aide votée lors de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2005.

M. Michel Mercier. Un exemple à suivre !

M. Henri de Raincourt. Pour ce qui concerne 2005, en raison de l'augmentation du nombre des allocataires, la charge supplémentaire pour les départements est estimée à 950 millions d'euros. Le chiffre exact ne sera connu qu'à la fin du mois du juin prochain, lorsque nous disposerons de l'ensemble des données. L'enjeu est d'autant plus important qu'en 2006 les chiffres prévisionnels tournent autour de 1,2 milliard d'euros.

S'il est vrai que les départements doivent avoir les moyens de mener les politiques de solidarité que l'État leur a transférées, le principe de réalité ne peut être mis de côté. Nous parlons là de près d'un milliard d'euros, et chacun comprendra l'effort exceptionnel que devra fournir l'État, compte tenu de la situation des finances publiques de notre pays, laquelle, par définition, ne peut que limiter l'intervention étatique.

Le 10 février dernier, le Premier ministre a rencontré à l'hôtel de Matignon une délégation de l'Assemblée des départements de France. À cette occasion, il a confirmé la volonté du Gouvernement d'engager un dialogue suivi et sérieux avec les collectivités territoriales, singulièrement les départements, et il a montré que l'État a pris conscience de la place originale du conseil général dans le paysage institutionnel Français, à la fois collectivité territoriale de plein exercice et « service instructeur de la solidarité nationale ».

Le Premier ministre a également annoncé une augmentation annuelle du fonds de mobilisation pour l'insertion de 500 millions d'euros pendant trois ans. La différence entre le montant des dépenses résultant pour les départements de la prise en charge du RMI et celui de la compensation de l'État sera donc partagée entre ce dernier et les départements en 2005. Bien évidemment, le reliquat à acquitter par les collectivités sera difficile à assumer pour un grand nombre d'entre elles sans une augmentation de la fiscalité. Pour autant, l'objectivité impose de reconnaître qu'il s'agit d'un geste fort du Gouvernement, que ni la Constitution ni la loi n'imposaient.

Par ailleurs, l'engagement du Gouvernement s'inscrit dans la durée. Ce n'est donc pas une somme de 500 millions d'euros, mais une somme de 1,5 milliard d'euros qui sera ainsi dégagée.

Je veux rappeler en cet instant que, voilà peu de temps, certaines voix s'élevaient dans cet hémicycle pour demander la pérennisation de la compensation à hauteur de 450 millions d'euros et souhaitaient que l'année de référence choisie pour le calcul de cette dernière soit 2004 et non plus 2003. Au vu des décisions annoncées par le Premier ministre, force est de constater que le Gouvernement va au-delà des requêtes d'un certain nombre d'entre nous.

Compte tenu des faibles marges de manoeuvre budgétaires de l'État, l'effort est important, d'autant qu'il intervient en complément de la mise en oeuvre d'une politique active de l'emploi en direction des publics fragiles qui se traduit par le plan de cohésion sociale, pour un coût d'environ environ 15 milliards d'euros sur cinq ans.

Cela montre combien les uns et les autres, nous sommes tous préoccupés par le sort des 6 millions de personnes en grande difficulté d'insertion, auxquelles nous entendons accorder la priorité.

Au demeurant, s'il est vrai que les départements doivent avoir les moyens de mener les politiques de solidarité que l'État leur a transférées, le principe de bon sens ne peut être mis de côté.

Bien entendu, les responsables des départements savent que les budgets des conseils généraux resteront difficiles à boucler. Cette situation n'est pas nouvelle mais elle s'accentue dans la mesure où les recettes permettant de financer les prestations que gèrent les collectivités n'évoluent pas au même rythme que les dépenses. Comme il n'est pas possible d'influer sur ces dernières, l'écart se creuse et ne peut être compensé que par une augmentation de la fiscalité, ce qui, eu égard à l'intérêt général du pays, n'est pas la meilleure solution à retenir.

Se pose maintenant le problème de la répartition de la somme dégagée par le Gouvernement entre les différents départements. Le Premier ministre a affirmé qu'elle ferait l'objet d'une concertation entre le Gouvernement et les représentants des collectivités. Dès à présent, nous pouvons nous interroger sur les principes qui doivent guider cette réflexion.

Devons-nous mettre en place une péréquation entre les différents départements en fonction de leurs dépenses d'insertion ou devons-nous répartir les fonds selon les efforts accomplis par les conseils généraux en faveur de l'insertion des plus éloignés de l'emploi, des logements, de la vie sociale, de la mise en oeuvre des outils adaptés à cette insertion, tels les contrats d'avenir ou le CI-RMA, le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité ?

En l'espèce, la logique s'impose : nous devons récompenser ceux qui ont oeuvré en faveur d'une politique dynamique de l'insertion. C'est, me semble-t-il, l'un des atouts fondamentaux d'une loi qui décentralise une compétence comme celle dont il est question ce soir. L'immobilisme ne saurait être payé de retour.

Il conviendrait peut-être de panacher la répartition des aides du fonds en fonction du degré de compensation perçue, du potentiel financier des départements, afin de ne pas pénaliser les territoires les moins aisés et de tenir compte du nombre de contrats d'avenir et de CI-RMA signés dans les départements.

Il faut aussi veiller à ne pas alourdir les difficultés des départements les plus modestes. La clé de répartition devra en tenir compte de manière significative.

Le transfert du RMI a exigé, dans la quasi-totalité des départements, des modifications d'organisation interne des services, le recrutement de personnels supplémentaires, la mise en place de nouveaux partenariats nécessaires - notons la signature de conventions avec les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole pour la gestion du RMI -, ainsi que la signature de nouveaux accords avec l'ANPE et avec l'AFPA.

Il s'agit là d'une petite révolution qui a permis de faire le point sur certaines insuffisances constatées de l'organisation du dispositif.

Au mois de février dernier, le Premier ministre a proposé seize mesures pour assouplir les modalités de gestion du RMI et pour permettre une meilleure efficience globale du dispositif Il s'agit de pistes de réflexion inscrites dans un dialogue qui doit être constructif entre l'État et les conseils généraux.

Certaines des propositions peuvent être abandonnées car elles sont, en pratique, déjà en vigueur et ne nécessitent pas de transcription législative. D'autres seraient très onéreuses à concrétiser : les sommes nécessaires à leur mise en oeuvre seraient probablement plus élevées que les économies réalisées.

En revanche, certaines proposent une sorte de code de bonnes pratiques susceptible d'améliorer grandement la gestion du dispositif : nous ne pouvons que les approuver.

Quant aux propositions relatives à la domiciliation des personnes sans domicile stable et des gens du voyage, elles peuvent être mises en oeuvre par la désignation de référents chargés de rencontrer chaque allocataire à échéances régulières à déterminer. Cette disposition est d'ailleurs déjà mise en oeuvre dans de nombreux départements.

Par ailleurs, je ne peux que me féliciter de l'idée de réduire le délai séparant la mise en paiement de l'allocation et la signature du contrat d'insertion. C'est, parmi d'autres, une proposition issue du rapport publié par mon collègue et ami Michel Mercier et moi-même. Il s'agit d'une de ces mesures de bon sens susceptibles de simplifier considérablement la gestion du dispositif et de le rendre plus efficace.

Quant à l'idée de la transmission aux maires de la liste des personnes bénéficiant du RMI, je la trouve pour ma part utile et pertinente : qui, mieux que le maire, connaît ses ressortissants ?

Je suis particulièrement favorable, en cas de première demande manifestement abusive du RMI, à ce que la suppression ou la suspension de l'allocation puisse être effectuée sans autorisation préalable du bureau de la commission locale d'insertion, bureau qui serait amené, ultérieurement, à ratifier ou non cette décision. Il est particulièrement important que la réaction soit rapide pour éviter l'effet de contagion.

Quant à la récupération des indus, dont a également parlé Michel Mercier, c'est un chantier difficile à lancer, même si - nous le savons bien - la situation est, au fond, assez différente d'un département à l'autre.

Enfin, un dispositif de sanctions graduées en cas de non-respect des obligations d'insertion ou de fraude serait intéressant à mettre en oeuvre à condition de laisser aux conseils généraux de réelles marges de manoeuvre d'appréciation au cas par cas.

Au-delà de la compensation, l'enjeu est bien l'exercice de la compétence d'insertion. Si l'État a confié aux départements la gestion du RMI, c'est parce qu'il était convaincu que les conseils généraux pouvaient faire mieux que lui, une politique active d'insertion étant plus efficace quand elle est conduite localement.

Tant que le RMI était financé par le déficit budgétaire de l'État, la générosité publique ne gênait personne. Aujourd'hui, alors que son financement repose sur les départements, qui, comme l'a dit notre collègue Claude Domeizel, sont obligés de présenter un budget en équilibre, on mesure que cette générosité a un coût et que, finalement, il n'y a pas de miracle : sous une forme ou sous une autre, c'est toujours au contribuable d'assumer la charge du financement du RMI.

Il faut donc avoir le courage de faire la différence entre ceux qui ont réellement besoin de la solidarité publique parce qu'ils sont en difficulté, parce qu'ils sont dans une démarche d'insertion ou parce qu'ils n'ont véritablement pas d'autre solution, et ceux qui profitent du système, même s'ils sont assez peu nombreux et qu'il est difficile de les identifier précisément.

Certains départements ont eu ce courage - je ne les cite pas - et il convient de noter que leurs exécutifs sont, d'ailleurs, de sensibilités politiques différentes.

Monsieur le ministre, la décentralisation consiste à faire mieux que l'État, aider davantage ceux qui en ont besoin, accompagner par une démarche personnalisée l'insertion de ceux qui en ont besoin. C'est ce à quoi s'attellent les conseils généraux.

Pour autant, je ne peux que m'associer à la volonté de l'ensemble des conseils généraux de marquer le pas de la décentralisation et j'approuve la pause annoncée par le Premier ministre il y a quelques semaines : donnons-nous le temps d'un bilan afin de perfectionner notre organisation sur le plan financier comme sur le plan opérationnel !

Les départements - nous le savons, nous qui avons la chance de servir en leur sein - sont des chaînons essentiels du maillage territorial français. Il est aujourd'hui indispensable de leur laisser le temps de développer harmonieusement et efficacement toutes leurs compétences, en particulier celles qui sont relatives au RMI. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, tout d'abord, à remercier l'auteur de la question, M. Guy Fischer. Ce débat, dans lequel je remplace Mme Catherine Vautrin, qui n'a pu y participer pour une raison de force majeure, fut très intéressant à la fois par les échanges qu'il a permis et parce qu'il offre au Gouvernement l'occasion de faire le point sur un sujet majeur, concernant à la fois la solidarité mais aussi les finances des départements.

Je tiens également à saluer les travaux de MM. de Raincourt et Mercier, travaux qui, aujourd'hui, sont soumis aux réflexions de l'Assemblée des départements de France et du Gouvernement et qui trouveront leur conclusion de façon pratique et concrète sur le terrain.

Les propos tenus par les uns et par les autres me semblent pouvoir être regroupés en trois chapitres importants : le principe même de la décentralisation, la compensation du transfert et la nécessaire évaluation de la décentralisation.

La question du principe même de la décentralisation du revenu minimum d'insertion a, tout d'abord, été évoquée.

Il m'apparaît nécessaire, au regard des questions cruciales qui ont été posées, notamment la perspective évoquée d'un éventuel retour à la situation originelle, c'est-à-dire avant la décentralisation du revenu minimum d'insertion opérée par la loi du 18 décembre 2003, de rappeler très brièvement les raisons majeures qui ont conduit, en 2003, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, et le Gouvernement à confier aux départements la gestion et le pilotage du RMI.

Avant la décentralisation, le RMI, filet de sécurité créé, à l'époque, pour 450 000 de nos compatriotes - nous n'échapperons pas à une réflexion visant à comparer la situation d'alors et celle d'aujourd'hui - était géré dans une architecture institutionnelle complexe : l'allocation était financée par l'État, l'insertion était largement financée par le département et copilotée par l'État et le département.

Il est bon de rappeler que l'insertion est le principe même du RMI.

Le législateur a décidé, en 2003, de confier à un acteur et financeur unique la responsabilité des deux volets de la prestation, l'allocation et l'insertion.

Il a ainsi suivi, monsieur Retailleau, la logique de bloc de compétences qui est celle de la décentralisation depuis ses débuts, en 1982. Il a mis fin au copilotage, propice à la dilution des responsabilités, et qui était une manière, en fait, de ne pas assumer les responsabilités - j'ai, à titre personnel, mais comme chacun, ici, sans doute, le souvenir de commissions locales d'insertion qui semblaient ne pas prendre leurs responsabilités - comme il l'a fait pour d'autres dispositifs, que ce soit le fonds de solidarité logement ou le fonds d'aide aux jeunes.

Il a conforté la fonction de chef de file de l'action sociale des départements. Souvenons-nous des débats sur le rôle et la place de chef de file que nous avons eus dans cette enceinte à l'occasion d'autres textes, notamment en matière d'aménagement du territoire !

Il a voulu remédier ainsi aux lacunes de l'insertion, en la confiant à un acteur pleinement responsable. Vous avez raison, monsieur de Raincourt, quand vous évoquez la responsabilité des départements en ce qui concerne l'insertion.

Ces lacunes étaient reconnues par tous. Elles avaient, d'ailleurs, été relevées dans le rapport de votre commission des affaires sociales : manque de pilotage au niveau local, faiblesse tant qualitative que quantitative des contrats d'insertion, grande variabilité des taux d'insertion, qui pouvaient fluctuer de un à vingt selon les départements, tant les réalités économiques et sociales étaient contrastées, faiblesse des résultats en matière de retour à l'emploi, même pendant les périodes de forte croissance, à trois ou quatre points par an.

Ces constats, monsieur Fischer, vous les partagiez en 2003, si j'en crois la lecture des débats d'alors : vous estimiez que le rapport de M. Bernard Seillier illustrait la parfaite connaissance qu'il avait du sujet, dont avait déjà témoigné son rapport sur la loi d'orientation contre l'exclusion.

La loi n'a pas donné aux conseils généraux que des responsabilités. Elle leur a aussi donné, monsieur Domeizel, les marges de manoeuvre nécessaires à leur exercice.

Pour ce qui concerne l'allocation, elle a mis gratuitement à leur disposition le réseau des CAF, les caisses d'allocations familiales, et des CMSA, les caisses de mutualité sociale agricole, pour un niveau de service égal à celui qui existait à la date du transfert.

Le transfert n'a donné lieu à aucune rupture dans la continuité du versement de l'allocation. Le rapport remis en 2005 par M. Mercier au nom de l'Observatoire de la décentralisation, a souligné le caractère « globalement satisfaisant » des relations entre les départements et les CAF.

Pour l'insertion, la loi a donné aux départements une totale autonomie, dans le plus grand respect de leur libre administration : libre choix des partenaires, liberté d'organisation en interne, libre programmation des actions d'insertion, présidence du conseil départemental d'insertion et des commissions locales d'insertion, enfin, libre définition de l'organisation et du périmètre des commissions locales d'insertion.

En outre, la loi de décentralisation, suivie par le plan de cohésion sociale, a donné aux conseils généraux de nouveaux instruments de retour à l'emploi : le contrat d'avenir - j'y reviendrai dans un instant, pour évoquer le cas de la Seine-Saint-Denis, dont Mme Assassi a parlé tout à l'heure - et le CI-RMA.

Je me permets de noter au passage que le CI-RMA est, selon moi, un outil qu'il faut développer davantage, à l'exemple de ce qui se fait dans l'Yonne ou dans le Rhône. Plusieurs départements permettent ainsi à un bon nombre de ceux qui bénéficient du RMA d'entrer de manière durable dans l'emploi au travers de contrats de travail qui se transforment en réels contrats à durée indéterminée.

Contrairement aux contrats emploi-solidarité, qui les précédait, ces contrats sont non contingentés : les conseils généraux peuvent en disposer librement. La récente loi sur le retour à l'emploi, qui a supprimé la condition d'ancienneté de plus de six mois dans le RMI, en facilitera l'usage.

Enfin, lors de sa rencontre du jeudi 9 février avec une délégation de l'Assemblée des départements de France, l'ADF, le Premier ministre a souhaité que, au-delà de cet engagement de l'État, une concertation plus large s'ouvre pour contribuer à la maîtrise des dépenses publiques, à une responsabilité plus grande des départements dans la gestion des compétences qui leur ont été transférées et à une simplification des normes et des procédures.

Un point d'étape a eu lieu aujourd'hui même, à l'occasion d'une réunion entre Jean-Louis Borloo et une délégation de l'ADF, dont vous faisiez partie, monsieur Mercier. Je rappelle que seize propositions, que vous avez synthétisées dans votre intervention, monsieur de Raincourt, avaient été présentées par le Premier ministre.

Sous réserve de l'expression formalisée de la position de l'ADF, quatre ou cinq de ces propositions pourraient faire rapidement l'objet de textes législatifs ou réglementaires, notamment sur le problème des indus, dont vous avez à juste titre souligné l'importance, monsieur de Raincourt. Par ailleurs, sept d'entre elles pourraient donner lieu à des échanges d'informations entre organismes payeurs et organismes décideurs, et être récapitulées dans un texte valorisant les orientations et les bonnes pratiques communément mises en oeuvre dans les conseils généraux.

Quelques autres propositions n'ont pas fait l'unanimité parmi les représentants présents des conseils généraux, notamment celles qui sont relatives à la consultation obligatoire des CLI en cas de sanction ; elles ont donné lieu à débat, y compris ce soir.

Vous avez également évoqué la compensation du transfert : conformément à la Constitution, les départements ont bénéficié, à l'euro près, d'une compensation égale à ce que l'État dépensait au moment du transfert, sous forme de parts de la taxe intérieure sur la consommation des produits pétroliers.

En application de la loi, les départements ont ainsi perçu, au titre de 2004, la somme de 4,941 milliards d'euros, auxquels se sont ajoutés environ 820 000 euros au titre du RMA. Cependant, le Gouvernement le reconnaît, l'année 2004 a été une année extrêmement difficile. La situation du marché de l'emploi et la réforme de l'assurance chômage, dont je tiens à rappeler, monsieur Fischer, qu'elle a résulté d'une décision des partenaires sociaux et non du Gouvernement, ...

M. Guy Fischer. Mais elle a été ratifiée par le Gouvernement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. On entend toujours dire qu'il faut impérativement obtenir l'accord des partenaires sociaux : il ne faudrait donc pas renvoyer sur le seul Gouvernement et sur l'État des responsabilités qui relèvent d'eux !

La situation du marché de l'emploi et la réforme de l'assurance chômage, disais-je, ont entraîné, alors même que les conseils généraux s'appropriaient leur nouvelle compétence, une forte augmentation du nombre des allocataires.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de prendre à sa charge l'écart entre la compensation constitutionnelle et les dépenses exposées par les départements en 2004. La commission consultative d'évaluation des charges, qui associe paritairement des représentants de l'État et des collectivités locales, a arrêté à l'unanimité, en novembre 2005, un montant de 456 millions d'euros, qui s'ajoute aux 4,941 milliards d'euros évoqués il y a instant.

Lors du vote de la loi de finances pour 2006, votre assemblée - M. le rapporteur général y a pris toute sa part -a décidé d'apporter un concours supplémentaire de 100 millions d'euros sous la forme d'un « fonds de mobilisation départementale pour l'insertion ».

Enfin, le Premier ministre a annoncé le 9 février que cet effort serait renforcé, à hauteur de 500 millions d'euros par an pendant trois ans. Il a engagé une concertation avec l'ensemble des départements, par l'intermédiaire de l'ADF, sur les modalités de répartition de ces 500 millions d'euros, à mettre certes au débit financier du Gouvernement, monsieur Mercier, mais aussi à son crédit, comme l'a rappelé M. de Raincourt.

M. Michel Mercier. Nous faisons une excellente équipe ! (Sourires.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Au-delà du strict respect de la Constitution, le Gouvernement s'attache donc à assurer un financement équilibré du RMI.

Pour lui, la solidarité nationale doit jouer en faveur des départements les plus en difficulté. D'ailleurs, madame Assassi, le président du conseil général de Seine-Saint-Denis a été reçu par Jean-Louis Borloo.

Pour les départements comme le vôtre, qui connaissent des difficultés liées à des causes sociales, économiques et historiques, le plan de cohésion sociale, et notamment le contrat d'avenir, constitue un outil dont le conseil général doit se saisir. Je sais que, en Seine-Saint-Denis, cette réflexion a été engagée, et je tiens à vous assurer que l'ensemble du pôle de cohésion sociale est à la disposition de ce département, comme de tous ceux de métropole et d'outre-mer. J'ai d'ailleurs évoqué la situation de ces derniers aujourd'hui même, à l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi le Gouvernement a proposé que les critères de répartition soient ouverts à la concertation autour de trois axes, ce qui peut faire débat. Sur les sujets de la péréquation, de l'effort d'insertion et du développement de l'accompagnement personnalisé, l'approche des uns et des autres - y compris ceux qui rédigent en commun des rapports (sourires) - montre qu'une concertation supplémentaire est encore nécessaire au sein de l'ADF. Nous restons en tout cas à la disposition de l'ensemble des départements.

Vous avez enfin évoqué la nécessaire évaluation de la décentralisation, qui permet de regarder vers l'avenir. Nous entendons bien qu'elle soit assurée dans la plus totale transparence.

Depuis maintenant plus de deux ans, tout montre que les départements utilisent pleinement les marges de manoeuvre que leur a données la loi.

Certains ont fait un effort important de relance des allocataires, avec qui leurs services avaient perdu le contact. Il faudra d'ailleurs que l'on réfléchisse à des croisements de fichiers. En effet, certaines situations ne sont pas acceptables, y compris au sein des départements, de l'UNEDIC ou d'un certain nombre d'organismes gestionnaires de caisses de retraite ; une certaine confusion règne dans la gestion des dossiers d'allocataires.

D'autres départements ont fait un effort important de réorganisation et de développement de leurs moyens humains.

D'autres encore ont engagé une concertation approfondie avec l'ensemble de leurs partenaires pour élaborer un programme départemental d'insertion.

Il est tout à fait conforme à l'esprit de la décentralisation que les initiatives prises par les départements soient diverses. Mais il importe à tous qu'elles soient connues, évaluées, et que celles qui obtiennent les meilleurs résultats puissent servir de référence de bonne pratique. C'est pourquoi la loi du 18 décembre 2003, dans son article 50 portant décentralisation du RMI, a prévu son évaluation, à travers un rapport qui « présentera notamment le bilan de l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du RMI ». Le Gouvernement n'a nulle crainte concernant les résultats de cette évaluation. Ce sera l'occasion de faire le point.

Dans un esprit de transparence, le Gouvernement a proposé à l'ADF de conduire cette évaluation en étroite concertation avec elle, ce qu'elle a accepté : les départements seront donc pleinement associés au processus d'évaluation, dont les résultats seront connus à la fin de l'année et communiqués au Parlement, conformément à la loi.

Tout cela montre que la décentralisation ne conduit pas à une dégradation des services proposés aux allocataires. Elle est, au contraire, porteuse d'un développement des initiatives locales et d'un renforcement des partenariats qui ne peut que leur être profitable.

C'est la raison pour laquelle ce débat me semblait fort utile : il a constitué l'occasion pour le Gouvernement de faire le point avec la Haute Assemblée sur un sujet essentiel, celui de la solidarité avec nos concitoyens les plus exclus au travers du revenu minimum d'insertion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

8

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 310, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Michel Thiollière un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 269, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 308 et distribué.

J'ai reçu de M. Alain Gournac un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise (n° 310, 2005-2006).

Le rapport sera imprimé sous le n° 311 et distribué.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Milon un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état d'application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 309 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean Arthuis un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 312 et distribué.

J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur l'exécution de la loi de finances pour 2005.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 313 et distribué.

J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur le programme de stabilité 2007 2009.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 314 et distribué.

11

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 13 avril 2006 :

À neuf heures trente :

1. Discussion de la proposition de loi (n° 310, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, sur l'accès des jeunes à la vie active en entreprise ;

Rapport (n° 311, 2005-2006) fait par M. Alain Gournac, au nom de la commission des affaires sociales ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 13 avril 2006 à neuf heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : Ouverture de la discussion générale ;

A quinze heures et, éventuellement, le soir ;

2. Questions d'actualité au Gouvernement ;

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 13 avril 2006, à zéro heure vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD