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Informatisation dans le secteur de la santé

Débat sur un rapport d'information

(Ordre du jour réservé)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle un débat sur le rapport d'information de M. Jean-Jacques Jégou sur l'informatisation dans le secteur de la santé (n° 62, 2005-2006).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial .de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, auteur du rapport d'information sur l'informatisation dans le secteur de la santé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'en venir au coeur du sujet, permettez-moi, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, de placer ce débat dans une perspective plus large, celle du renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement. La LOLF accroît, en effet, les moyens mis à notre disposition afin de contrôler les dépenses de l'État et d'éclairer les pouvoirs publics dans le choix de leurs politiques.

Il est primordial que les travaux de nos commissions, pour intéressants qu'ils soient, ne restent pas à l'état de mots, et soient pour nous l'occasion d'échanger, d'argumenter, bref, de remplir notre mission.

Il est également important que, pour chacun de ces sujets, le Gouvernement ait la possibilité de répondre, de nous exposer son point de vue, la manière dont il entend donner suite aux préoccupations exprimées par notre commission. C'est ce que nous faisons en cette fin d'après-midi, monsieur le ministre.

J'en viens au coeur du sujet.

En novembre 2005, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, je vous avais livré les principales conclusions de mon contrôle sur l'informatisation dans le secteur de la santé.

S'agissant du panorama général de l'informatisation de ce secteur, et notamment de son caractère très disparate, je vous renvoie au contenu de mon rapport d'information.

Je voudrais simplement rappeler ici les cinq principales faiblesses des systèmes d'information du secteur de la santé que j'avais relevées : l'insuffisance du pilotage global, les responsabilités étant éclatées entre une administration centrale sous-dotée en effectifs, des missions spécialisées et des structures annexes ; le retard des établissements publics de santé, lié à la prise en compte tardive du caractère stratégique des systèmes d'information et de leur nécessaire médicalisation ; le cloisonnement des systèmes d'information, caractérisé par l'absence d'interopérabilité de ces systèmes ; la faible normalisation internationale des systèmes informatiques ; enfin, une formation des professionnels de santé inadaptée aux enjeux de l'informatisation, et j'ai pu cruellement le vérifier en allant à l'École de santé de Rennes.

Cependant, plusieurs réformes structurantes pour les systèmes d'information ont été engagées, et je m'en étais félicité. J'avais notamment relevé deux points.

D'abord le plan d'aide à l'investissement hospitalier « Hôpital 2007 », qui est le premier de ces leviers. Il comprend 275 millions d'euros sur cinq ans pour les systèmes d'information, soit 3 % seulement du total des crédits du plan. Ces aides ont toutefois été concentrées sur quelques projets, notamment ceux de l'AP-HP, et la consommation des crédits paraissait insuffisante en fin d'année dernière.

À cet égard, je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître l'état actuel de la consommation des crédits de ce plan et savoir si vous envisagez de réorienter les crédits non consommés vers le financement des systèmes d'information hospitaliers. Je crois par ailleurs savoir que vous préparez un plan « Hôpital 2012 » : ce plan fera-t-il la part belle aux systèmes d'information ?

Ensuite, la mise en oeuvre de la tarification à l'activité a également contribué à bouleverser le contexte informatique des établissements de santé, de même que la généralisation du dossier médical personnel, le DMP, sur lequel je voudrais m'attarder.

Ainsi que je l'avais déjà souligné en novembre dernier, il me semble que la mise en place du DMP a révélé les carences des systèmes d'information et de leur pilotage, d'où l'intérêt de ce véritable dossier de société, qui permettrait de tirer par le haut le système informatique.

En effet, l'organisation pour atteindre une généralisation du DMP à la mi-2007 a tardé à se mettre en place : la constitution d'une structure ad hoc - le groupement de préfiguration du dossier médical personnel, GIP DMP, qui, m'a-t-on dit, a changé de dénomination récemment - n'est intervenue que huit mois après le vote de la loi et n'a pas été accompagnée d'une réflexion sur le rôle des nombreuses structures existantes.

Ce GIP a, en outre, connu une première année mouvementée : un président, Pierre Bivas, et un directeur général, Jacques Beer-Gabel, usés en moins d'un an. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Il faut croire que le DMP porte malheur !

Cette valse des responsables à la tête du GIP DMP a incontestablement nui à la définition d'une orientation stratégique claire et a retardé la mise en oeuvre du calendrier initialement défini. (M. le ministre fait de nouveau un signe de dénégation.)

En effet, le GIP DMP avait élaboré un premier calendrier en quatre phases, devant conduire à une généralisation du déploiement du DMP à partir du 1er janvier 2007 pour tous les patients de plus de seize ans.

À cet égard, j'observais en novembre dernier que plusieurs questions stratégiques étaient restées sans réponse, ce qui obérait le déroulement normal du calendrier : premièrement, la définition du contenu concret du DMP, qui soulevait de réelles difficultés ; deuxièmement, l'articulation entre le DMP et le projet de Web médecin développé par la CNAMTS ; troisièmement, la maîtrise du patient sur son dossier et corrélativement la question de la fiabilité des données stockées : les médecins n'utiliseront le DMP que si celui-ci retrace réellement les affections du patient ; quatrièmement, le cadre géographique de mise en oeuvre du DMP ; cinquièmement, enfin, les différents acteurs, qui devaient être convaincus de la pertinence du projet.

Pour toutes ces raisons, il m'était apparu, en novembre 2005, que la généralisation, d'ici à juillet 2007, d'un dossier médical personnel substantiel était irréaliste.

J'ai bien peur que le cours des événements depuis six mois ne me donne raison, monsieur le ministre.

J'observe, en effet, que le calendrier initial défini par le GIP a été revu récemment : les dates et les objectifs chiffrés ont quasiment disparu de la feuille de route. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) On parlait au départ de généraliser, à partir du début de l'année 2007, le DMP à l'ensemble des patients, afin d'atteindre les objectifs fixés par la loi relative à l'assurance maladie. L'échéancier actuel fait état d'un déploiement général du DMP qui se déroulerait en 2007 pour atteindre toute la population qui en a l'utilité. Le diable se cache dans les détails, monsieur le ministre ! Ce glissement sémantique est, en effet, révélateur d'une révision à la baisse des objectifs de couverture de la population en 2007.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Ce n'est pas possible !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le retard pris par rapport aux objectifs initiaux s'observe pour toutes les phases de mise en oeuvre du projet.

D'abord, je constate que tous les décrets d'application prévus par la loi du 13 août 2004 ne sont pas parus : seul le décret relatif aux hébergeurs a été publié le 4 janvier 2006. À quelle échéance, monsieur le ministre, pensez-vous publier les autres décrets ?

Ensuite, le lancement des expérimentations a également pris du retard : la phase dite d'hébergement, destinée à permettre le déploiement expérimental de 5 000 dossiers par hébergeur, soit un total de 30 000 dossiers, devait s'achever le 31 mars 2006. À l'heure actuelle, cette phase devrait, au mieux, débuter en juin pour s'achever en décembre 2006. On est donc très loin des propos tenus dans cette enceinte par votre collègue Philippe Bas lors de l'examen du PLFSS 2006. Je le cite : « notre intention, pour l'année 2006, est de réaliser des essais grandeur nature en développant ce qui est en germe à partir des expériences déjà réalisées en France. L'objectif à atteindre est ambitieux : trois millions de dossiers médicaux personnels en 2006. ».

Qui plus est, je m'interroge sur la pertinence et la viabilité de ces expérimentations dans la mesure où un revirement stratégique a été défini par le GIP le 5 mai dernier. Le GIP reprend le concept de « colonne vertébrale » développé par les Britanniques, à savoir la désignation, par appel d'offres, d'un hébergeur unique de référence assurant l'interopérabilité entre les six autres hébergeurs industriels et la mise en place d'un portail Internet unique d'accès géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Quelle est la véritable raison de ce revirement stratégique puisque l'interopérabilité était bien garantie par le cahier des charges initial préfigurant les expérimentations ? Celles-ci débutant avant la mise en place de cet hébergeur de référence, quels enseignements utiles pourraient en être tirés ? Aura-t-on le temps de faire un bilan de ces expérimentations avant le lancement de la phase de généralisation ? Je ne le crois pas.

Je ne suis d'ailleurs pas le seul à me poser ces questions : en effet, plusieurs industriels engagés dans ce projet m'ont fait part de leurs doutes, voire de leur démobilisation, ce qui est plus grave, en raison du peu d'intérêt suscité aujourd'hui, au sein de la direction du GIP, par les expérimentations.

Ces industriels ont investi de l'argent et se sont mobilisés pour faire vivre ce projet. Aujourd'hui, on leur apprend que la généralisation doit être privilégiée, à court terme, et qu'ils seront chapeautés par un organisme public, dont le rôle reste d'ailleurs à préciser.

Monsieur le ministre, prenez garde que ces industriels ne se désengagent du projet. Vous ne pouvez pas demander à des industriels de continuer à perdre de l'argent et ne pas leur dire ce que vous attendez d'eux.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez cherché à les rassurer ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Bien évidemment, parce que je crois au DMP, monsieur le ministre !

Enfin, les questions que je soulevais dans mon rapport concernant le contenu du dossier ainsi que les modalités d'accès au DMP restent sans réponse. À cet égard, pouvez-vous nous préciser le rôle exact de l'hébergeur de référence à l'égard notamment des autres hébergeurs industriels déjà sélectionnés ?

Ces nombreux retards m'amènent également à vous interroger sur le financement de la mise en place du DMP. En effet, vous aviez précisé à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du PLFSS pour 2006, que le coût des expérimentations portant sur 30 000 dossiers serait de 15 millions d'euros, financés par les crédits 2005 du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville, le FAQSV.

Vous aviez également indiqué, ce qui avait été confirmé ici même par Philippe Bas, que les crédits du FAQSV pour 2006 seraient consacrés, à hauteur de 90 millions d'euros, au financement de la montée en charge de trois millions de dossiers en 2006. Dès lors que cette hypothèse ne paraît plus d'actualité, pouvez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, ce qu'il adviendra des crédits non consommés du FAQSV (M. Guy Fischer s'exclame), qui, rappelons-le, n'a vocation à contribuer à la mise en oeuvre du DMP que jusqu'au 31 décembre 2006, d'après les termes de la loi ?

En novembre dernier, j'avais également émis des doutes s'agissant du coût de fonctionnement de ce dossier en régime de croisière : en effet, il serait compris entre 10 et 20 euros par dossier actif et par an, soit entre 600 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros au total. On nous dit depuis quelques jours que l'on peut faire ce même DMP pour un euro, presque le prix d'un préservatif. Encore faut-il savoir ce qu'il y a dans le dossier. Les dépenses induites pour les hôpitaux sont évaluées à 100 millions d'euros en investissements et 300 millions d'euros en exploitation, même si ce coût variera en fonction des établissements. Le coût pour la médecine de ville restait, pour moi, difficile à évaluer, mais j'ai estimé, en novembre dernier, qu'il serait nécessaire de prévoir une aide en direction des médecins pour assurer le développement de ce projet. Je n'ai pas le sentiment que vous suiviez cette proposition.

J'ai pu observer, dans la littérature spécialisée, une absence de consensus sur le coût de gestion du DMP, il est vrai difficile à déterminer en l'absence de cahier des charges définitif : que pouvez-vous nous dire aujourd'hui sur ce point, monsieur le ministre ?

Enfin, j'avais pu constater que les économies potentielles liées à la mise en oeuvre de ce projet demeuraient floues et il ne m'avait pas été possible d'effectuer un bilan coûts-économies : avez-vous pu chiffrer plus précisément, par rapport à ce que votre prédécesseur avait été dit en 2004 lors de la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie, les économies qui pourraient être faites à partir de juillet 2007 ?

Six mois après la publication de mon rapport, beaucoup de questions restent donc sans réponse.

Si je voulais faire de l'esprit - mais c'est sans doute un peu risqué en cette fin d'après-midi -, je pourrais proposer de rebaptiser le DMP : on pourrait parler de « dossier mal préparé », de « dossier mal piloté », bref, de « dossier mal parti », pour ne pas dire « dossier mort prématurément », ce que je ne souhaite en aucune façon, contrairement à ce vous pourriez imaginer.

Cela serait d'autant plus dommage, en effet, que ce projet est bon et devrait contribuer, il faut le rappeler, à améliorer la qualité des soins et la santé des patients. Telle est, au demeurant, la première raison invoquée par nos amis Britanniques pour mettre en place ce type de dossier.

Pour atteindre cet objectif, ils ont fondé leur projet d'informatisation sur un triptyque essentiel : une volonté politique forte et la définition d'un cadrage temporel à moyen et long terme - plus de dix ans, de 1998 à 2008 - ; une task force administrative reposant sur une équipe structurée, complète et motivée ; enfin, des moyens budgétaires suffisants dans la durée. Selon moi, dans le projet français, ces trois éléments font défaut.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je réitère mes conclusions : peut-être y aura-t-il un DMP light, alimenté par les données du Web médecin et les courriers hospitaliers, à la mi-2007. Mais croire en un DMP généralisé et substantiel à cette date est illusoire. Il en était d'ailleurs ainsi dès le départ, puisqu'un projet de cette nature ne peut se développer que sur au moins dix années. Dès lors, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous inciter à ne pas vous laisser enfermer dans un calendrier trop contraint et irréaliste.

À cet égard, le communiqué de presse du GIP DMP du 5 mai 2006 laisse planer peu de doute, puisqu'il indique que le conseil d'administration a « proposé d'allonger de cinq ans la durée de vie du groupement pour permettre le lancement des opérations de généralisation dans des conditions de sécurité juridique complète ».

Connaissant votre sérieux et votre compétence, monsieur le ministre, je compte sur vous pour faire preuve de réalisme et pour répondre clairement à ces interrogations, qui, vous en conviendrez, sont légitimes.

Je soutiens totalement ce projet, qui constitue un vrai projet de société. Toutefois, il ne saurait aboutir sans l'adhésion tant des professionnels de santé que des patients et sans l'appropriation de cet outil par tous les acteurs.

Vous pouvez donc compter sur moi, monsieur le ministre, pour que ce projet ne soit pas dénaturé, pour continuer à suivre ce dossier jusqu'au bout et pour permettre ainsi d'améliorer encore la qualité des soins dispensés à nos concitoyens.

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport que M. Jean-Jacques Jégou a fait paraître à la fin de l'année 2005, au nom de la commission des finances, et dont je partage une grande partie des interrogations, était destiné à établir un état des lieux de l'informatisation dans le secteur de la santé. En fait, il entérine, selon nous, l'échec de la réforme voulue par M. Douste-Blazy. (M. le ministre s'exclame.)

Il s'agissait, en particulier, de dresser un premier bilan sur le dossier médical personnel, créé par la loi du 13 août 2004. Nous nous étions alors opposés à ce dispositif, en émettant de très vives réserves. En l'état actuel, le DMP nous apparaît comme un outil de maîtrise purement comptable, alors qu'il devrait, pensons-nous, permettre un débat sur le véritable accès aux soins. Or, si l'on interprète les propos que vient de tenir M. le rapporteur - peut-être me reprocherez-vous d'être caricatural, monsieur le ministre -, le bilan est clair : c'est un gouffre financier qui se dessine. Quant à l'efficacité, qu'il s'agisse des délais à respecter ou des objectifs visés, on peut véritablement s'interroger.

Je rappellerai à ce propos que M. Douste-Blazy, avec la faconde que chacun lui connaît, avait présenté le dossier médical personnel comme un fabuleux outil d'économie pour les comptes sociaux. Selon lui, il devait permettre de réaliser une économie d'environ 3,5 milliards d'euros à l'horizon 2007 - et je sais, monsieur le ministre, que vous êtes parfaitement au courant de cette échéance, compte tenu des débats que nous avions eus à l'époque. Or admettez que nous en sommes aujourd'hui bien loin.

Le rapport est très critique envers l'état d'avancement du dossier médical personnel. M. Jean-Jacques Jégou en avait fait connaître les conclusions lors du débat sur le PLFSS et, à cette occasion, nous lui avions dit que nous partagions son point de vue.

En effet, selon ce rapport, il apparaît non seulement que la France est toujours en retard en matière d'informatisation dans le domaine de la santé, mais aussi que le DMP, en particulier, se révèle coûteux et peu pratique.

Ce dernier implique, en effet, outre des coûts directs - je pense, notamment, à la mise en place de la télétransmission des informations -, des coûts indirects, qui concernent en particulier tous les équipements à prévoir pour les centres hospitaliers. Divers éléments d'information ont été divulgués concernant le DMP, celui-ci ayant fait l'objet de plusieurs articles de presse au cours des trois semaines qui viennent de s'écouler.

Par ailleurs, se font jour un certain nombre d'interrogations en ce qui concerne l'avenir, je pense particulièrement au coût du DMP en « régime de croisière » - ce qui ne pourra se voir qu'à l'usage -, une fois que l'on aura convaincu tous les professionnels de santé de la nécessité de disposer des outils informatiques nécessaires, notamment de certains logiciels

Pour l'heure, ce coût est estimé entre 600 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros par an. J'ose espérer, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de nous apporter des réponses très claires sur un tel écart.

Dans tous les cas, M. Jégou dresse le constat que le calendrier annoncé par le Gouvernement est parfaitement irréaliste - point de vue que je partage -, et que l'on sera loin d'atteindre la généralisation du système à la mi-2007.

Certes, je connais votre optimisme, monsieur le ministre, mais je tiens à vous faire remarquer que notre rapporteur reprend les propos de M. Richier, président de la commission des systèmes d'information de la conférence des directeurs généraux de CHU, qui estime - peut-être exagère-t-il un peu - que l'horizon du dossier médical personnel se situe plutôt en 2020 qu'en 2007, contrairement aux affirmations du Gouvernement.

D'ailleurs, les dernières informations sur le sujet confirment ces prévisions, et il est même annoncé que le dispositif pourrait devenir facultatif, ce qui serait, pour le Gouvernement, le seul moyen de ne pas perdre complètement la face, après s'être largement gargarisé du succès de sa réforme.

Toutefois, ces annonces étaient irréalistes, et c'est ce que nous avions précisément dénoncé dès l'examen du projet de loi en 2004. Il suffit pour s'en rendre compte de se référer à l'exemple de la Grande-Bretagne, pays où il aura fallu environ dix ans pour parvenir à l'informatisation du système de santé. Dès lors, comment envisager que la France pourrait y arriver en trois ans ?

Ainsi, la plupart des constats établis par M. Jégou vont dans le sens des observations que nous avions formulées en 2004 lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Il s'agit, avec le DMP, de faire de l'affichage politique, sans réelle cohérence, tout en sachant pertinemment que ce dispositif est extrêmement coûteux.

Lors des débats sur le PLFSS 2006, nous avions déjà dénoncé le coût exorbitant du DMP. Financé par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, à hauteur de 90 millions d'euros cette année, contre 15 millions d'euros l'an dernier, il n'est doté que de 110 millions d'euros.

Je le disais au début de mon intervention : il s'agit véritablement d'un gouffre financier, ce qui a pour conséquence directe de pénaliser les autres missions initialement financées par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Je pense, en particulier, aux maisons médicales de garde sur la situation déplorable desquelles j'ai récemment tiré la sonnette d'alarme, par le biais d'une question orale.

M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai réussi à les sauver !

M. Guy Fischer. Il vous faudra convaincre les directeurs des URCAM.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est fait !

M. Guy Fischer. Je vous remercie de m'avoir entendu. Vous m'aviez d'ailleurs promis d'intervenir auprès d'eux.

Je dois tout de même rappeler qu'un certain nombre de maisons médicales de garde se situant dans la région Rhône-Alpes - en particulier dans l'Ain - sont en train de fermer progressivement. À Vénissieux, la première à avoir été créée,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Le vigile sera financé !

M. Guy Fischer. Je vous en remercie. Les directeurs des URCAM ne pourront donc plus déclarer que les caisses sont vides. Or c'est pourtant ce qu'ils disaient alors que vous m'aviez répondu qu'il restait des sommes non attribuées.

Nous le voyons, la confusion règne, et ce au détriment de nos concitoyens. En effet, force est de constater que l'accès aux soins, notamment dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires, n'est plus assuré et que les services d'urgence sont engorgés, conséquence des choix budgétaires désastreux du Gouvernement.

En outre, un problème similaire se pose pour le financement de la formation continue des médecins, normalement assuré par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville.

On sait aujourd'hui combien il est essentiel que la formation des médecins ne dépende plus des laboratoires privés. Or, pour ce faire, il convient de mettre en place un système de formation public et performant.

En outre, de nombreuses questions restent en suspens, telles que, par exemple, l'accès aux informations contenues dans le DMP. C'est le cas en particulier pour les maladies professionnelles ou pour les médecins du travail.

De quelles informations s'agit-il et, surtout, qui est autorisé à les consulter ?

Au moment où nous parlons, la limite n'est pas clairement établie entre le projet d'informatisation qui nous est proposé et le respect de la confidentialité pour les patients.

Ces interrogations sont pourtant essentielles, dans la mesure où l'informatisation s'accompagne nécessairement d'une privatisation de sa gestion, ce qui représente une sorte de porte d'entrée pour les entreprises privées dans le système de santé français. Dès lors, la question des droits et des libertés des patients se pose avec acuité.

Le rapport dont nous discutons entérine de fait l'échec de cette informatisation, qui se résume à des investissements financiers considérables, sans efficacité aucune ; mais nous ne demandons qu'à être contredits et, surtout, convaincus du contraire, monsieur le ministre !

Malheureusement, nous sommes ici confrontés à un exemple du double discours que nous tient cette majorité depuis quatre ans. D'un côté, elle dénonce des dépenses sociales inacceptables, elle met en avant des déficits « abyssaux », justifiant ainsi la restriction de la couverture sociale et le désengagement de l'État, et, de l'autre, elle multiplie les dépenses inconsidérées, à seule fin de communication politique, ou pour faire la part belle aux entreprises privées, comme nous le voyons avec le dossier médical personnel. Une fois encore, nous regrettons qu'il en soit ainsi. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création d'un dossier médical personnel nous a été présentée comme l'un des axes majeurs de la grande réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004. Cette présentation était justifiée, du moins en théorie.

À moyen et long terme, notre système de santé doit attendre beaucoup de l'informatisation, en général, et de la mise en place du DMP, en particulier.

Ces deux innovations, en effet, aideront les professionnels de santé à améliorer leur diagnostic. Tout d'abord, nous pouvons en attendre une action positive sur la qualité du système de soin. Ensuite, tôt ou tard, ces gains qualitatifs ne manqueront pas d'avoir un impact financier car, grâce à eux, de nombreuses dépenses superflues seront évitées.

L'intention est donc louable, le projet irréprochable, mais tout ceci demeure, encore aujourd'hui, théorique. Était-il suffisant d'inscrire le DMP dans la loi pour qu'il se mette en place ? Nous pouvons légitimement nous le demander à la lecture de l'excellent rapport de notre collègue Jean-Jacques Jégou.

Après un minutieux travail d'enquête, de nombreuses auditions, de multiples déplacements dans des établissements de santé français et une visite au Royaume-Uni, le constat qu'il dresse est alarmant.

En vertu de la loi du 13 août 2004, le DMP devait être prêt pour le 1er juillet 2007. Au moment du vote de la loi, déjà, les experts annonçaient que ces délais seraient intenables. Pourquoi ? Parce que, dès le départ, le DMP présentait deux faiblesses : son pilotage et son financement.

J'évoquerai plus précisément ces deux aspects. Tout d'abord, le groupement d'intérêt public chargé de piloter le dispositif, le GIP DMP, n'a été créé que très tardivement. Sa convention constitutive a été approuvée voilà un an à peine, par un arrêté du 11 avril 2005.

Or, trois mois seulement après avoir été nommé président du conseil d'administration du GIP, M. Pierre Bivas a été remercié et remplacé par M. Dominique Coudreau. Le mois dernier, le directeur du GIP, M. Jacques Beer-Gabel, a démissionné et a été remplacé par M. Jacques Sauret. Toutefois, le DMP demeure une priorité.

Ainsi, le pilotage du dispositif constitue toujours un problème. Le GIP DMP consulte peu les médecins. Il cohabite avec un groupement pour la modernisation du système d'informatisation hospitalier qui lui-même n'est pas compétent pour la médecine de ville, et il mène un projet parallèle à celui de l'assurance maladie, qui développe Web médecin.

Comment expliquer les départs successifs des dirigeants du GIP DMP ? Peut-être ceux-ci n'avaient-ils pas les moyens de leur mission.

Monsieur le ministre, il vous reste un an pour tenir vos engagements. La France pourra-t-elle réaliser en si peu de temps ce que la Grande-Bretagne a fait en douze ans avec une enveloppe budgétaire dix fois supérieure ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui !

Mme Anne-Marie Payet. De l'aveu même de M. Dominique Coudreau, le président du GIP DMP, pour 63 millions de Français, il faudrait disposer d'un milliard d'euros. Or, je le cite, « personne n'a un milliard à mettre sur la table ».

Un changement stratégique d'orientation vient d'être acté par le conseil d'administration. Ce bouleversement intervient sans préparation, alors que les premières expérimentations régionales sont lancées.

Il est dorénavant acquis que, toujours selon Dominique Coudreau, « la puissance publique va prendre la responsabilité de développer un outil principal, à charge ensuite aux hébergeurs de le mettre en place ». Cette plate-forme unique sera alimentée par Web médecin.

En réalité, c'est à une redéfinition du projet DMP que nous assistons. Sous nos yeux, est en train de se dessiner un nouveau DMP, qui semble très différent de celui inscrit dans la loi du 13 août 2004 que nous avons votée.

Web médecin est développé par l'Assurance maladie. Il recense les médicaments prescrits par les médecins à leurs patients, à partir des historiques des remboursements. C'est lui qui constituera la base des données fournies au DMP.

Contrairement à la vocation première du DMP, Web médecin permettra-t-il aux praticiens d'affiner leur diagnostic ? Le remboursement, le contrôle du médecin et du patient seront-ils encore possibles ? Alimenté par Web médecin, le DMP deviendra-t-il un simple outil de maîtrise comptable ? Conservera-t-il sa vocation initiale, qui est d'améliorer la qualité des soins ?

Notre collègue Jean-Jacques Jégou a réalisé un travail de contrôle législatif et parlementaire de grande qualité. C'est aussi à cela que sert la Haute Assemblée, ne l'oublions pas. Fort du constat qu'il a dressé, et qui se trouve corroboré par les faits les plus récents, pouvez-vous affirmer, monsieur le ministre, que le DMP sera prêt dans les délais prévus ?

Plus fondamentalement, et pour conclure, avez-vous l'intention de prendre en compte les recommandations formulées dans le rapport Jégou ? Allez-vous, comme ce dernier le préconise, clarifier le pilotage et renforcer les moyens de financement du GIP ?

Nous ne pouvons pas nous permettre l'économie de telles mesures, à moins que vous ne souhaitiez emprunter une toute autre voie, par exemple la transformation du projet DMP en un outil comptable. En tout cas, monsieur le ministre, nous aimerions que les choses soient claires. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 février dernier, lors du vingtième anniversaire de MERI, Médicament éthique et réalité industrielle, je rappelais que la mutualisation des informations contenues dans le dossier médical constituait un élément déterminant de la maîtrise des dépenses de santé.

En effet, comment justifier que les données relatives aux patients soient aussi peu partagées entre les différents acteurs du système de santé ?

En 2004, dans son rapport relatif au projet de loi de réforme de l'assurance maladie, notre collègue Alain Vasselle soulignait que l'une des raisons essentielles de l'inefficience du système de soins et de la dérive des coûts de la santé était la répétition inutile d'actes ou la mise en oeuvre simultanée de thérapeutiques contradictoires face à une même pathologie.

Dans le cadre de cette réforme, nous avons décidé d'instaurer deux dispositifs complémentaires, le médecin traitant et le DMP, le dossier médical personnel informatisé.

Le DMP est largement évoqué par notre collègue Jean-Jacques Jégou dans le rapport d'information sur l'informatisation dans le secteur de la santé qu'il a présenté en novembre dernier, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission Santé, au nom de la commission des finances.

Les conditions et les délais de la mise en place du dossier médical personnel ont suscité de nombreuses critiques. Il est vrai que le système est particulièrement complexe.

Il nécessite tout d'abord l'informatisation des professionnels de la santé. Tous n'en bénéficient pas encore, même si des efforts importants ont été accomplis dans ce domaine. Il convient également que les médecins déjà équipés disposent d'une interface leur évitant de saisir de nouveau les informations,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

Mme Isabelle Debré. ...ce qui pose la question de l'interopérabilité des logiciels commercialisés par les professionnels du secteur.

Le système doit ensuite apporter des garanties de confidentialité et d'accès aux données. Il faut que le dossier puisse être consulté par le patient de chez lui, sur Internet ou par téléphone, ainsi que par le médecin, avec l'accord du patient.

S'agissant de l'accès du patient aux données médicales qui le concernent, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous signaler les réserves émises par certains professionnels de santé qui, à juste titre, font valoir que tout ne peut être dit au malade et que certaines informations doivent être transmises avec toutes les précautions d'usage.

Enfin et surtout, le DMP doit être confidentiel et assurer une « traçabilité » des personnes à l'origine des données médicales qu'il contient.

Si toutes ces conditions sont réunies, le système sera généralisé en juillet 2007 et il aura un coût de fonctionnement raisonnable, inférieur à dix euros par dossier.

Compte tenu de la complexité technique du système et des contraintes que je viens d'évoquer, il était presque inévitable que le projet subisse certains aléas. Largement confiée dans un premier temps aux industriels du secteur informatique, sa préfiguration a naturellement, voire culturellement, conduit à une certaine fuite en avant technologique, qui risquait de poser des problèmes de délais, de coût et de compatibilité entre les systèmes proposés par les différents opérateurs, au détriment des patients, des médecins et des contribuables.

Monsieur le ministre, vous avez courageusement décidé de reprendre en main ce chantier majeur de la réforme de l'assurance maladie. La ligne stratégique adoptée vendredi dernier par le GIP chargé de mettre en place le dossier médical personnel devrait permettre de respecter les délais prévus, dans le cadre d'un projet conforme aux objectifs de la loi de 2004.

Il convient de rappeler que le dossier médical personnel est le dossier du patient, alimenté par les professionnels de santé. C'est pourquoi nous ne pouvons qu'approuver les mesures qui ont été retenues.

Pour mémoire, ont été décidées la mise en place d'un portail unique, pour offrir un accès simple au patient, la sélection d'un hébergeur de référence, après appel d'offres, afin d'assurer la cohérence technique du système et de garantir son interopérabilité avec les autres hébergeurs, enfin la pleine participation des professionnels de santé à la définition du contenu du système et des outils adaptés à leur poste de travail, par le biais d'une formation. Cette dernière est évidemment nécessaire pour permettre aux acteurs de s'approprier rapidement le DMP.

Mieux vaut un système qui fonctionne rapidement au service des patients qu'une « cathédrale technologique » qui nécessiterait des années de mise au point !

Mieux vaut s'appuyer sur des systèmes qui ont fait leurs preuves et mettre en place un dispositif évolutif, plutôt que d'attendre un Big bang informatique ou un Grand soir technologique aux conséquences techniques et financières incertaines.

Comparaison internationale n'est pas toujours raison budgétaire. Nous ne pouvons, d'un côté, nous inquiéter de la dérive des dépenses publiques et, de l'autre, vouloir transposer en France un dispositif dont le surcoût budgétaire serait important et de surcroît incompatible avec l'organisation de notre système de santé.

Nous devons rechercher, dans ce domaine comme dans d'autres, le meilleur rapport qualité-prix, avec comme objectif premier l'amélioration du service rendu.

En effet, les considérations technologiques et financières ne doivent pas nous faire oublier que le DMP a aussi et surtout pour but d'améliorer le système de soins.

Aujourd'hui encore, lorsqu'un patient consulte plusieurs médecins ou obtient des informations à la fois d'un laboratoire, d'un hôpital et de son médecin traitant, il n'existe pas de source unique permettant de regrouper les données qui concernent, par exemple, sa pathologie ou les résultats de ses prélèvements. Aussi, par sécurité, des examens sont parfois faits de nouveau en cas d'hospitalisation ou de consultation à l'hôpital.

Le DMP permettra d'éviter la réalisation d'actes médicaux redondants, inutiles, voire dangereux lorsqu'ils sont incompatibles entre eux. Dois-je rappeler que les associations de médicaments provoquent chaque année 128 000 hospitalisations et 10 000 décès ?

En outre, le DMP permettra de réaliser des économies significatives.

C'est sous l'angle de la santé publique que le projet doit prioritairement être examiné. Ce qui compte avant tout, c'est de savoir ce que le système, tel qu'il a été redéfini, offrira concrètement, dès 2007, aux patients et aux professionnels de santé, ainsi que ce qu'il sera capable de leur apporter lors d'évolutions futures. Je pense en particulier aux alertes automatiques et à l'aide à la prescription.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur ce point essentiel, dans le cadre de la stratégie gagnant-gagnant que vous mettez en oeuvre et que le groupe UMP du Sénat soutient, dans l'intérêt commun des malades, des médecins et de l'assurance maladie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir pris l'initiative de ce débat. Vous le savez, à chaque fois que j'ai eu l'occasion de me présenter devant la Haute Assemblée pour pratiquer cet exercice, j'ai toujours répondu franchement aux questions qui m'étaient posées avec franchise.

La dernière fois que je me suis exprimé devant vous à l'occasion d'une question orale avec débat, celle-ci, organisée à l'initiative de la commission des affaires sociales, portait sur un thème qui nous rassemblait, à savoir les risques sanitaires, et notamment la question de la grippe aviaire.

Il en va de même aujourd'hui pour le dossier médical personnel, dont je note que personne parmi vous - je tiens à vous en remercier - n'a su, voulu ou pu remettre en cause son utilité pour le système de santé. Ce sujet, manifestement, fait partie de ceux qui nous rassemblent, car il concerne avant tout la qualité du système de santé.

L'informatisation constitue un axe stratégique de la modernisation de tous les systèmes de santé, et du nôtre en particulier. Cette dernière est rendue nécessaire par l'évolution des pratiques médicales et par le travail en réseau des médecins. Elle va également dans le sens du progrès de la médecine, puisqu'elle permet de réduire la « non-qualité ». Je pense ici aux actes redondants et inutiles, mais aussi, et surtout, à l'iatrogénie.

Or la « non-qualité » est coûteuse, avant tout sur le plan humain, mais aussi, par voie de conséquence, sur le plan économique. De nombreux rapports et études ont montré l'intérêt du développement des systèmes d'information pour la combattre.

Je crois utile de rappeler que la France bénéficie en ce domaine d'une longueur d'avance, grâce à la mise en oeuvre précoce, dès 1998, de la dématérialisation des feuilles de soin, et au déploiement de la carte Sésame Vitale et de la CPS, la carte de professionnel de santé.

D'ailleurs, notre savoir-faire est reconnu et sert souvent de référence à l'échelle européenne, ce que nous ne rappelons peut-être pas suffisamment dans le débat national.

Par ailleurs, avec la réforme de l'assurance, avec la mise en oeuvre de la réforme hospitalière, je pense notamment à la tarification à l'activité, la tendance de fond est d'accélérer aujourd'hui ce déploiement. Mais il faut reconnaître que les moyens, les systèmes d'information dont nous disposons ont vocation à être rassemblés. Mon ambition est de privilégier une vision stratégique globale, pour aboutir à des systèmes fondés non seulement sur la sécurité, mais aussi, et surtout, sur l'interopérabilité.

À cet égard, le dossier médical personnel représente la pierre angulaire de cette vision. C'est pourquoi je confirme notre engagement de le mettre en oeuvre dès 2007. J'aurai l'occasion d'y revenir, nous allons également donner un nouvel élan à l'informatisation hospitalière, qui constituera un des axes majeurs du plan Hôpital 2012 que je dévoilerai en détail à la fin de cette année.

Après vous avoir écouté, monsieur le rapporteur spécial, nous pourrions avoir le sentiment que vous étiez sur la même ligne que M. Fischer.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. C'est plutôt M. Fischer qui est sur la même ligne que moi ! (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est possible. Mais il ne s'agit, en définitive, que d'un effet d'optique, car vous n'avez pas eu la même lecture du sujet. Ainsi, monsieur Jégou, vous nous reprochez en quelque sorte de ne pas dépenser suffisamment ni assez vite pour le dossier médical personnel, alors que vous-même, monsieur Fischer, vous prétendez que le DMP pourrait être mis en place au détriment des autres missions du FAQSV, ce qui est faux. Tout à l'heure, sans oser vous interrompre totalement, j'ai voulu tout de même vous préciser que les autres missions, liées à la qualité des soins de ville, seront intégralement remplies.

À cet effet, nous avons à la fois conforté et pérennisé le FAQSV, notamment lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout en veillant à ce que ce fonds destiné à l'amélioration de la qualité des soins de ville bénéficie bel et bien des moyens nécessaires pour assurer le financement des structures liées à la permanence des soins, en particulier les fameuses maisons médicales de garde.

Monsieur le rapporteur spécial, nous privilégions une vision stratégique globale de l'informatisation de notre système de santé, car, je le dis en toute honnêteté, nous sommes foncièrement convaincus que les nouvelles technologies profitent à chacun d'entre nous et à l'ensemble des assurés sociaux. Cela suppose non seulement une accélération des moyens, mais surtout une articulation entre les outils développés par les différents acteurs.

Pour l'instant, la France ne souffre pas de retards en matière d'informatisation, notamment par rapport à nos voisins. Malgré tout, nous devons effectivement améliorer l'architecture globale du système et renforcer le lien avec les politiques de santé publique. Car l'informatisation pour l'informatisation ne veut rien dire ! L'informatisation au service des patients et de leur santé, voilà effectivement ce qui nous intéresse.

C'est pourquoi il est nécessaire d'augmenter les ressources consacrées aux systèmes d'information, comme cela est d'ailleurs prévu, mais surtout de donner plus de cohérence à l'ensemble, de permettre le partage des informations entre les différents réseaux et de développer les outils les plus utiles aux citoyens et à notre politique de santé publique.

Tout cela exige un pilotage stratégique, en ville comme à l'hôpital. J'ai donc demandé à la mission pour l'informatisation des systèmes de santé de me remettre des propositions concrètes en vue d'améliorer ce pilotage.

Tout cela exige également un outil simple, pour garantir le partage des données, dans le respect des patients. Comme prévu, le DMP va constituer une avancée majeure en termes de systèmes d'information : en décloisonnant les différents mondes de la santé, il garantira une meilleure communication entre eux ; il s'agit, avant tout, d'être au service des patients, mais aussi d'améliorer la pratique des professionnels de santé, qui attendent ce dossier médical personnel.

Je suis convaincu que le développement des systèmes d'information sans interopérabilité n'a pas de sens.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mon ambition est de promouvoir les liaisons entre ces systèmes, pour satisfaire nos objectifs et pour mettre l'informatique au service des usagers, et certainement pas l'inverse. Je l'avais déjà déclaré à l'été 2004, je l'ai répété à l'automne 2004, puis à l'automne 2005, dans le cadre de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'admettrai pas que nos débats antérieurs soient déformés, d'autant que certains d'entre vous ont suivi avec une grande assiduité celui qui s'est tenu à l'été 2004 sur la réforme de l'assurance maladie. Nos déclarations n'ont jamais varié : notre objectif pour 2007 est de mettre en place la première étape du dossier médical personnel ; nous n'avons jamais dit autre chose. Je mets au défi quiconque de pouvoir ressortir un seul de nos propos indiquant qu'en 2007 le DMP serait effectivement finalisé dans toutes ses dimensions.

En revanche, nous nous sommes effectivement engagés sur cette première étape, en précisant qu'il y aurait bien sûr des développements ultérieurs. Nous l'avons dit, le dossier médical personnel, en recensant les symptômes et les prescriptions, doit nous permettre, dès 2007, d'éviter ces deux écueils que nous ne voulons plus : l'iatrogénie et les actes redondants et inutiles. Voilà ce qui, de façon récurrente, a toujours été dit et écrit. Je tenais à être très clair sur ce point et à répondre à ceux qui cherchent à donner un autre sens aux propos que nous avons tenus à l'époque.

Notre ambition est de renforcer l'informatisation dans le secteur de la santé. À cette fin, nous avons donc retenu une approche résolument pragmatique, qui se conjugue avec l'interopérabilité. La mise en oeuvre du dossier médical personnel ne doit pas devenir une course technologique qui nous ferait oublier les objectifs de santé publique. Mme Debré l'a dit tout à l'heure, il ne s'agit pas de mettre en place une « cathédrale technologique ». Il s'agit de partir de ce qui existe aujourd'hui dans notre pays, de façon à faciliter l'appropriation de l'outil par les acteurs de santé et, donc, aussi, par voie de conséquence, à limiter son coût global.

À cet égard, je ne suis pas persuadé, monsieur le rapporteur spécial, qu'il soit vraiment pertinent de comparer le dossier médical personnel avec le NHS mis en place actuellement par les Britanniques, qui réalisent ainsi une refonte totale de tout leur système d'information. Je ne porterai pas de jugement de valeur sur l'état antérieur de leur système de santé, mais de nombreux observateurs s'accordent à reconnaître qu'une telle refonte était nécessaire, voire indispensable.

Lors du lancement de la réforme, la France n'accusait pas un tel retard. Au demeurant, les sommes déjà allouées à l'ensemble de nos systèmes, et ce depuis plusieurs années, sont d'un ordre de grandeur équivalant au projet britannique. (M. le rapporteur spécial fait un signe de dénégation.)

Le NHS n'est pas transposable en France, ni dans ses principes ni dans ses modalités, car il est à la fois très centralisé et très étatisé. De plus, les périmètres diffèrent : le NHS vise l'informatisation de l'ensemble du système de santé, c'est-à-dire les hôpitaux publics et privés, les professionnels de santé libéraux, l'assurance maladie et le dossier médical personnel. Pour la Grande-Bretagne, cela revient à un investissement d'environ 2,5 milliards d'euros par an. De notre côté, les sommes consacrées à l'ensemble de ces systèmes d'information représentent 2,4 milliards d'euros par an, toutes mesures confondues.

Par conséquent, monsieur le rapporteur spécial, comparons au moins ce qui est comparable ! D'ailleurs, le projet britannique connaît aujourd'hui de réelles difficultés dont vous n'avez pas parlé tout à l'heure. Pour ma part, je préfère une approche pragmatique au Grand soir opéré dans d'autres pays, même si je ne porterai pas de jugement, car leur histoire et leurs besoins diffèrent des nôtres.

Ce qui est certain, c'est que, pour être une réussite, le dossier médical personnel doit pouvoir être mis en place progressivement. Évitons donc de nous focaliser sur le seul projet britannique. En effet, d'autres pays, notamment le Canada et l'Espagne, plus précisément, d'ailleurs, l'Andalousie, ont adopté des systèmes qui prouvent combien l'approche choisie par la France est certainement la plus à même de réussir, compte tenu des délais que nous nous sommes impartis et des moyens que nous avons voulu y allouer. Si le projet des Britanniques a effectivement le mérite de la cohérence, la situation qu'ils connaissaient était tellement spécifique qu'elle rendait cette refonte indispensable.

Le DMP est donc la pierre angulaire de cette stratégie globale. Il prouve que l'informatisation du système de santé profite avant tout aux patients. Dans cet hémicycle, nous le savons tous, en tant qu'élus, bien sûr, mais aussi en tant qu'assurés sociaux, il existe une multiplicité de données informatiques produites par les professionnels de santé. Ces derniers souhaitent qu'elles soient généralisées et ordonnées, afin de pouvoir les partager entre eux, mais également de les transmettre à leurs patients. Voilà pourquoi il nous fallait mettre en place ce projet central du dossier médical personnel.

Le DMP est donc un dossier médical, informatisé et sécurisé, sous le contrôle du patient. Il importe de bien le rappeler, le responsable de ce dossier est, avant tout, le patient lui-même, qui en maîtrisera le contenu en permanence.

En regroupant l'ensemble des éléments relatifs à la santé et à la prévention, le DMP favorisera la coordination des soins et, partant, leur qualité et leur continuité. Je l'ai indiqué à l'instant, il nous permettra d'abord de lutter contre les interactions médicamenteuses et la redondance des soins. Je voudrais d'ailleurs m'attarder un instant sur ce sujet, pour remettre d'une certaine façon les choses à leur place.

Lors de la réforme de l'assurance maladie, discutée au cours de l'été 2004, Philippe Douste-Blazy avait déclaré que le dossier médical personnel serait un outil privilégié de la maîtrise médicalisée, laquelle nous permettrait, à l'horizon 2007, année de la mise en place du dossier médical personnel, de réaliser 3,5 milliards d'euros d'économies.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien car nous avons déjà eu l'occasion de nous expliquer sur ce sujet, nous n'avons pas attendu 2007 pour mettre en place cette maîtrise médicalisée des dépenses. Cela nous a permis de faire des économies, sans toucher à la qualité des soins, bien au contraire, puisque nous l'avons même améliorée.

Ainsi, en 2005, nous avons d'ores et déjà réalisé plus de 800 millions d'euros d'économies grâce à la maîtrise médicalisée, à de meilleures prescriptions, voire à des contrôles plus efficaces. Nous continuerons dans cette voie en 2006 et en 2007. Vous l'aurez compris, il n'est pas question d'attendre la généralisation du DMP pour progresser dans la maîtrise médicalisée.

Autre point important à souligner, le dossier médical personnel nous permettra d'éviter les actes redondants et inutiles et, donc, de nombreux gaspillages. En effet, quel avantage pour la santé y a-t-il à passer le même examen à quelques jours d'écart seulement ? Aucun, bien évidemment ! Que coûte l'ensemble de ces examens redondants dans notre pays ? Un milliard et demi d'euros par an ! Pour ma part, je préfère qu'une telle somme soit utilisée pour améliorer les pratiques, voire pour prendre en charge de nouveaux actes de santé, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant, au vu du niveau des déficits de l'assurance maladie constaté à l'époque.

J'en viens à la question des interactions médicamenteuses.

À cet égard, le professionnel de santé qui ne dispose pas actuellement d'une vision globale de ce qui est prescrit à son patient, parce que ce dernier ne peut pas ou ne veut pas le renseigner, n'a aucune garantie en la matière. Or, ne l'oublions pas, les interactions médicamenteuses sont à l'origine de 128 000 hospitalisations par an, soit une moyenne de 350 hospitalisations par jour. Avec le dossier médical personnel, lors de ce dialogue toujours singulier qui a pour cadre le cabinet médical, le professionnel de santé sera en mesure de savoir ce qui aura été prescrit à son patient et de pouvoir éviter que de tels drames de santé ne se produisent.

Comme l'a rappelé Mme Debré tout à l'heure, le DMP nous permettra de disposer d'un outil de promotion de la qualité des soins. D'ailleurs, les Français ne s'y sont pas trompés et ont bien intégré le fait que le dossier médical personnel était avant tout un outil de qualité des soins. Voilà pourquoi, au-delà des seuls professionnels de santé, ils nous ont apporté un soutien populaire massif pour cet outil auquel ils tiennent.

Au demeurant, de nombreux Français qui se rendent dans un cabinet médical informatisé disposent déjà d'un tel dossier personnel. Ils voient leur médecin pianoter sur le clavier de leur ordinateur pour traduire, en quelques mots, leur état de santé. Bien souvent, l'ordonnance est même délivrée informatiquement.

Par conséquent, le véritable enjeu de la réforme est de s'appuyer sur l'existant, car nous ne partons pas de rien. Ce faisant, le professionnel de santé, en ville ou à l'hôpital, pourra avoir accès aux informations concernant le patient qui vient le consulter, si ce dernier lui donne son accord. Dans le cadre de certains réseaux, notamment en cancérologie, le « dossier patient » est déjà une réalité et entraîne, je le souligne encore une fois, une meilleure prise en charge.

Le DMP permettra aussi au patient d'accéder à l'ensemble des informations médicales le concernant, qu'il sera libre de fournir au professionnel de santé. Il s'agit donc d'un outil de simplification extraordinaire, qui pourra contenir les prescriptions, les comptes rendus d'opérations, les radios ou les scanners. Aujourd'hui, vous le savez bien, on ne va pas chez un médecin avec l'ensemble de son dossier médical sous le bras. Demain, il sera possible d'accéder facilement à l'historique des soins. Mesdames, messieurs les sénateurs, un tel progrès doit être apprécié à sa juste valeur.

Nous avons conçu ce projet en nous attachant à notre devoir de respect de la vie privée des patients, comme le soulignait tout à l'heure Mme Debré. En la matière, nous suivons une politique très exigeante de confidentialité, et la France a, là aussi, une longueur d'avance, grâce à la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui est très soucieuse de la protection des données de santé.

Parce que nous avons voulu un dispositif simple et au service de tous, il nous fallait passer aussi par une phase de concertation avec tous les acteurs.

Je souhaite, c'est vrai, que l'on puisse obtenir un outil consensuel, simple d'utilisation - j'assume cette exigence - et très vite opérationnel, ce qui nécessite d'associer à son élaboration les futurs utilisateurs.

J'ai bien entendu, depuis le début, l'ensemble des questions qui se posent, et notamment celles qui se posent aux patients et qui sont liées à la dématérialisation et au stockage, chez un hébergeur privé, de données personnelles. Nous nous assurons de la totale sécurité du dispositif. Mais je suis confiant dans le bon sens des uns et des autres et s'agissant de leur confiance. Je suis également confiant dans l'appropriation, car le DMP leur simplifiera la vie.

À titre d'exemple pour celles et ceux qui nous objecteraient que l'informatique n'est pas encore totalement entrée dans les moeurs, je citerai la progression des télédéclarations pour l'impôt sur le revenu : on en dénombrait quelques milliers la première année ; nous en attendons dix millions en 2006, troisième année de la mise en ligne de ce service.

J'ai aussi entendu les questions qui se posent aux professionnels de santé, habitués à une pratique individuelle, renforcée par le secret médical. On s'aperçoit qu'aujourd'hui les professionnels de santé non seulement s'impliquent dans le dossier médical personnel, mais l'attendent. Ils ont en effet compris - et j'ai voulu leur apporter ces assurances très tôt, parce que c'est aussi une condition de la réussite et parce que je suis conscient de ce que représente aujourd'hui la charge de travail des professionnels de santé - qu'il ne saurait y avoir de double saisie avec le dossier médical personnel et qu'il nous faut partir de leur pratique actuelle pour offrir un DMP simple d'utilisation. La simplicité, je la revendique et je l'assume s'agissant du dossier médical personnel.

Enfin, la mise en place d'un espace de stockage du DMP lui-même, son hébergement avec les moyens d'accès à cet espace, le portail, ainsi que tout l'environnement ont également fait l'objet de questions.

Mais encore une fois, s'agissant des questions de sécurité, d'assistance téléphonique et d'information, le délai de mise en oeuvre que nous avons devant nous et le coût limité de l'hébergement vont nous permettre de relever, aujourd'hui et demain, le défi.

Il est également un autre point sur lequel je voudrais que l'on évite la caricature et que l'on se reporte à la constance de nos propos : le contenu du DMP.

Avant la loi du 13 août 2004, il n'existait aucun consensus, même sur le concept du DMP. La mise en oeuvre des expérimentations a permis de définir pour la première fois un accord sur le contenu.

L'alimentation et l'utilisation du DMP représentent aussi un véritable enjeu. Plus que l'aspect technique, lié notamment aux logiciels ou au matériel, c'est l'appropriation par les usagers qui est ici essentielle. Cela nous a conduits à imaginer un dossier médical personnel évolutif et concerté.

Dans un premier temps, les données seront fournies par les professionnels sous forme de documents, sans double saisie, et, dans un second temps, nous évoluerons vers des données plus structurées, qui permettront notamment de développer des outils d'aide à la décision, d'alerte, voire des images mobiles.

À cet égard, je voudrais notamment rappeler que, pour les alertes, il ne s'agit pas d'inventer quelque chose de tout à fait nouveau, dans la mesure où, chez les pharmaciens, il existe notamment un certain nombre de logiciels propres à donner l'alerte sur un certain nombre de médicaments susceptibles de provoquer l'iatrogénie.

Les expérimentations vont nous permettre de répondre aux dernières questions qui sont posées par les professionnels de santé.

Elles nous autorisent aujourd'hui à envisager la généralisation effective pour 2007, comme prévu. Elles nous offrent également la possibilité de montrer aux uns et aux autres l'utilité de ces outils et les réelles avancées qu'ils représentent.

Les expérimentations, monsieur le rapporteur spécial, ne se limitent pas à la phase de terrain. Lors de la phase préparatoire, nous avons atteint deux objectifs centraux : l'accord sur le contenu et la validité technique.

L'élaboration de plates-formes techniques réalisés par les six consortiums industriels - que vous avez rencontrés si j'en crois vos propos -, choisis par appel d'offres, a été menée avec succès de l'été 2005 jusqu'à ce jour. Elle a aussi permis de créer une dynamique autour du projet et de valider les orientations techniques qui pourront être reprises pour la généralisation.

J'avais entendu à l'époque que ce dossier n'intéresserait personne et qu'aucun industriel ne serait partie prenante dans ces expérimentations. Or, aujourd'hui, ils sont six à être complètement impliqués dans le dossier médical personnel.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. Si vous ne les virez pas !

M. Xavier Bertrand, ministre. Une fois de plus, les Cassandre se sont trompés !

Avec les expérimentations, nous poursuivons un deuxième objectif : tester l'appropriation du dispositif par les acteurs.

Pour ce faire, les tests effectués en conditions réelles sur le terrain, dans les dix-sept sites répartis dans treize régions, portent sur 30 000 dossiers et impliquent 1 500 professionnels de santé et 73 établissements. Ces tests vont pouvoir débuter à la fin de ce mois, après les décisions du comité d'agrément des hébergeurs et de la CNIL. Ils se poursuivront jusqu'à la fin de l'année.

Pour autant, nous n'oublions pas la pratique déjà existante de certains dossiers médicaux, notamment en Franche-Comté où d'ores et déjà de nombreux utilisateurs sont rompus à ces techniques.

La phase d'évaluation, menée parallèlement, nous permet de tirer tous les enseignements possibles. Elle a bel et bien toute sa place dans le dispositif : nous en attendons beaucoup.

Mais comment imaginer, monsieur le rapporteur spécial, que nous attendions la fin de ces expérimentations pour préparer la généralisation, dès lors que la première phase des expérimentations a porté ses fruits ?

Le scénario de généralisation, décidé par le conseil d'administration du GIP DMP, le 7 avril et le 5 mai, a été défini dans la concertation avec les représentants des patients, des professionnels de santé et des institutionnels.

Il prévoit la publication des décrets identifiant, DMP et confidentialité, ainsi que le déploiement progressif des cartes Vitale 2 avant la fin de l'année 2006, et cela sans retard : à partir du moment où le dispositif se mettra en place en 2007, je ne pense pas que l'on puisse nous reprocher le moindre retard en la matière.

En effet, les deux décrets d'application concernant le contenu du dossier médical et les modalités d'accès, la création d'un identifiant de santé sont en cours de rédaction, mais ils seront complétés par les résultats des premières expérimentations afin d'être aussi concrets et complets que possible.

Sortir les décrets avant les retours d'expérience n'avait pas de sens. Que n'aurions-nous entendu sur notre précipitation si nous les avions publiés avant même que les uns et aux autres n'aient pu tirer profit de ces retours d'expérience.

Leur publication est bien évidemment prévue avant la fin de l'année. Je pense même que nous serons en mesure de l'assurer pour le troisième trimestre 2006.

À cet égard, j'ai toujours scrupuleusement veillé à ce que l'on puisse appliquer l'ensemble des décrets dans les meilleurs délais, avec un maximum d'efficacité et de la façon la plus complète possible. Certains avaient prédit qu'en tout état de cause nous ne pourrions pas publier 80 % de décrets de la réforme de l'assurance maladie avant la fin de l'année 2004 ; je leur ai donné raison : nous en avons publié 85 % en quatre mois ! (Mme Isabelle Debré applaudit.) Là encore, tout ce que j'ai souvent entendu dire sur l'assurance maladie s'est trouvé démenti par les faits.

Chaque citoyen pourra donc ouvrir son DMP dans les délais prévus par la loi, à partir du printemps 2007, c'est-à-dire un peu avant la date indiquée dans les textes.

Ce sera le même dossier médical personnel pour tous. Le DMP ne sera pas réservé à ceux qui seraient dotés, par exemple, dans telle ou telle région, d'un dossier. Il existera sur l'ensemble du territoire.

Le service DMP sera composé de trois entités.

Premièrement, un portail unique, qui assurera les fonctions d'information sur le DMP et sur d'autres services de santé, l'identification et l'authentification des patients et des professionnels de santé, et l'inscription des patients pour l'ouverture de leur DMP. Ce portail sera réalisé par la Caisse des dépôts et consignations.

Deuxièmement, des hébergeurs de DMP, agréés sur la base d'un cahier des charges finalisé en cette fin d'année 2006, avec un hébergeur de référence, retenu après appel d'offres, et qui aura pour mission d'être l'hébergeur de secours, d'assurer l'interopérabilité du dispositif, mais aussi de fixer le prix de référence.

Grâce à ce dispositif, aucun hébergeur ne sera favorisé car ce prix correspondra à celui de la meilleure offre, préservant au mieux les finances publiques.

Vous souhaiteriez que nous fixions un prix à ce DMP. Que faites-vous de l'appel d'offres ? Fixer aujourd'hui un prix reviendrait à s'interdire d'avoir recours à l'opérateur, à l'hébergeur le mieux-disant et enlèverait tout crédit à la procédure qui va s'ouvrir.

Le chiffre que vous avancez me semble très loin de la réalité. En effet, s'il n'est ni possible ni souhaitable de fixer un prix, rien ne nous interdit de déterminer une fourchette. En tout état de cause, ce qui sera mis en place pour financer ce dossier médical personnel sera très largement couvert par les économies réalisées.

Troisièmement, l'assistance téléphonique, qui est un autre point important. Elle sera assurée sur le plan technique par la plate-forme de la CNAMTS, au nom de la mutualisation.

S'agissant du GIP, vous vous étonniez que le délai de prolongation ait été acté. Cela a effectivement été le cas, car si, en 2007, nous en sommes à la première étape du DMP, nous n'entendons pas en rester là. Il faut, au nom de l'anticipation, prévoir la suite, ce GIP ayant vocation à continuer de travailler.

Le GIP fera porter son effort sur les conditions d'alimentation et d'utilisation. Cela se traduira par le cofinancement de projets locaux de systèmes d'information DMP-compatibles, par un effort de formation, mais aussi par une campagne de communication.

Conformément aux engagements pris, les dispositions nécessaires au respect des délais annoncés sont réunies et le dispositif de généralisation est cohérent à la fois avec les attentes et les besoins des patients et des professionnels de santé.

Vous m'avez interrogé, monsieur le rapporteur spécial, sur l'informatisation de l'ensemble de notre système de santé - je croyais même que c'était l'objet de l'intégralité de ce débat -, et donc de tous ses acteurs.

Pour ce faire, je suis convaincu qu'il faut d'abord recenser les besoins des différents acteurs et définir les priorités.

La première d'entre elles, c'est l'amélioration du système d'information de l'assurance maladie. Les efforts réalisés par la CNAM, s'agissant de la dématérialisation des feuilles de soins, ont représenté une véritable avancée dans l'harmonisation et l'informatisation de notre système de santé. Avec la carte Vitale 2, nous disposerons, avant la fin de l'année 2006, d'un outil mieux sécurisé et plus personnalisé. Cependant, ne nous voilons pas la face, il reste des efforts à accomplir en matière d'informatisation, notamment du réseau de la caisse. Vous savez, monsieur le rapporteur spécial, qu'une réorganisation est en cours : c'est le souci de son directeur Frédéric Van Roekeghem, comme je m'en suis assuré. Je n'oublie pas non plus les autres caisses, et je pense notamment à la mutualité sociale agricole. Certaines ont déjà développé des systèmes d'informatisation très intéressants et très performants.

Nous poursuivrons également l'informatisation de la médecine de ville. Les chiffres qui m'ont été communiqués montrent qu'aujourd'hui l'informatisation de la médecine de ville atteint un bon niveau : 74 % des professionnels utilisent la télétransmission, pour un taux d'équipement informatique estimé à 85 %. Je veux être certain que ce taux d'équipement correspond bien à un taux d'utilisation. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à la CNAM de dresser un état des lieux complet de l'informatisation de la médecine de ville et de proposer très rapidement les modalités d'un passage à 100 %.

La généralisation du DMP est également l'occasion d'engager des discussions avec les éditeurs de logiciels pour mettre à disposition des professionnels de santé, dès 2007, des logiciels permettant d'alimenter le DMP, et cela sans double saisie.

Nous allons aussi donner un nouvel élan à l'informatisation hospitalière. Nous avons déjà développé, monsieur le rapporteur spécial, un certain nombre d'outils d'information performants à l'hôpital. Les plateaux techniques de radiologie comme les blocs opératoires sont déjà largement informatisés : à hauteur de 70  % pour les premiers et de 50 % pour les seconds.

Les systèmes d'archivage des images se développent tout comme les dossiers médicaux communicants en cancérologie, ainsi que je l'indiquais à l'instant.

En 2005, nous avons aussi entrepris l'informatisation des urgences avec les acteurs du plan Urgences, de la facturation des établissements à l'assurance maladie, en particulier pour la tarification à l'activité, la TAA, ainsi que l'informatisation du parcours de soins.

L'alimentation du DMP se fera aussi par les comptes rendus de sortie des établissements. Dans le cadre de la transparence que je souhaite mettre en place, notamment dans les établissements de santé, je compte faire de la transmission dans les quarante-huit heures maximum des comptes rendus au médecin traitant l'un des indicateurs de qualité à l'hôpital.

Ces projets sont tous soutenus par les chargés de mission de la Mission pour l'amélioration et l'investissement à l'hôpital, spécialisés dans les services d'information hospitaliers et délégués auprès des agences régionales de l'hospitalisation.

Ils sont surtout soutenus par les différents acteurs du système de santé. Le financement de ces projets a aussi été accru, et ce - cela répond à l'une de vos questions, monsieur le rapporteur spécial - grâce aux crédits non consommés du plan Hôpital 2007. C'est ainsi que j'ai choisi, pour 2007, d'affecter 15 millions d'euros supplémentaires pour les services d'information hospitaliers, qui viendront s'ajouter aux 280 millions d'euros déjà programmés.

Je suis néanmoins convaincu que ces efforts doivent être amplifiés et, surtout, confirmés dans la durée. C'est pourquoi j'ai décidé de pérenniser le GIP de modernisation des systèmes d'information hospitaliers en élargissant ses missions aux enjeux de l'informatisation de la médecine de ville.

Il faut savoir qu'à compter de 2007 le financement du groupement proviendra d'une dotation de l'assurance maladie, fixée par arrêté ministériel et qu'une nouvelle convention constitutive ainsi qu'un contrat d'objectifs et de moyens de trois ans renouvelables seront mis au point pour l'automne 2006.

Enfin, le plan Hôpital 2012 doit marquer une nouvelle ambition pour ces services d'information hospitaliers, tant en termes de moyens et de méthode qu'en termes de stratégie.

Mon ambition est de porter la part des dépenses d'informatique hospitalière au minimum à 3 % d'ici à 2012, contre 1,7 % aujourd'hui. Mais surtout nous devons coordonner les efforts des établissements, qui pourraient aujourd'hui être plus rassemblés.

Voilà pourquoi j'ai décidé la mise en oeuvre d'une politique soutenue d'aide à l'investissement en matière de systèmes d'information hospitaliers. Le volet financier sera complété par un volet d'expertise, de soutien et d'évaluation, ainsi que par un plan d'aide à la formation des professionnels.

L'informatisation du dossier médical et du parcours de soins, celle du circuit de prescription, la télémédecine également, en constitueront les principaux axes stratégiques. Cet effort sans précédent nous permettra d'aller plus loin et plus vite encore dans la généralisation des indicateurs de qualité.

Ce nouvel élan contribuera par ailleurs à renforcer les logiques de coopération et de complémentarité entre les établissements. Je ne souhaite pas informatiser les établissements pour obéir à une quelconque tentation technologique. Je veux au contraire utiliser les technologies disponibles pour garantir la sécurité des soins. Une attention particulière sera également portée aux établissements de proximité.

Ainsi, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, nous mettons en oeuvre, en matière de systèmes d'information, une stratégie globale dont le levier central est le dossier médical personnel. L'approche que nous avons privilégiée est résolument pragmatique, résolument évolutive, c'est vrai. Elle tient compte des utilisateurs quotidiens de ces systèmes, c'est vrai aussi : nous avons voulu, pour mettre en place le dossier médical personnel, partir de ce qui existe déjà - c'est un choix que j'assume - plutôt que de le créer ex nihilo. C'est en nous appuyant sur les pratiques effectives des professionnels de santé et sur leurs souhaits pour l'avenir que nous nous donnons toutes les chances de réussir.

Voilà en quoi le dossier médical personnel est au service de nos politiques de santé, de qualité et de sécurité des soins, de continuité des soins, de réorganisation hospitalière, d'amélioration de la pratique des professionnels. Je suis convaincu que nous avons choisi la bonne voie, et nous allons à la fois l'élargir et l'approfondir.

Depuis que des fonctions ministérielles m'ont été confiées, notamment dans le cadre de l'assurance maladie, j'ai entendu de très nombreuses choses.

J'ai entendu dire, au printemps 2004, que jamais Philippe Douste-Blazy et moi-même ne pourrions présenter de projet de loi réformant l'assurance maladie : le texte a été voté intégralement en août 2004.

J'ai entendu dire que jamais les décrets ne seraient publiés avant la fin de l'année 2004 : ils l'ont été.

J'ai entendu dire que jamais le médecin traitant ne serait une réalité dans notre pays, que jamais les Français ne l'adopteraient : aujourd'hui, plus de trois Français sur quatre ont fait ce choix, alors que tous ne sont pas encore allés voir un médecin depuis la mise en place du dispositif.

J'ai entendu dire que jamais nous ne réussirions à infléchir les dépenses de santé dans notre pays : sans la réforme de l'assurance maladie, le déficit se serait élevé à la fin de l'année 2005 à 16 milliards d'euros, il a été de 8 milliards d'euros, alors que j'en avais promis 8,3 milliards.

Chaque fois, les Cassandre nous ont assuré que rien ne marcherait. Alors, quand aujourd'hui j'entends les uns et les autres affirmer, parfois sur le mode de la caricature, parfois avec sincérité - et j'espère que les arguments que j'ai avancés tout à l'heure seront de nature à les faire changer d'avis -, que le dossier médical personnel ne sera pas opérationnel en 2007, j'ai le sentiment que ces prédictions sont de la même facture, mesdames, messieurs les sénateurs.

C'est parce que nous avons choisi la voie de la simplicité et du pragmatisme que le dossier médical personnel, auquel nous sommes tant attachés, sera réalité dès l'an prochain, et, monsieur le rapporteur spécial, même si la confidentialité est de mise, je serais très heureux de vous donner rendez-vous en 2007 pour l'ouverture de votre propre dossier personnel. (Sourires.)

M. Guy Fischer. Où en sera-t-on !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Je sais que je serai au rendez-vous, mais j'ignore, monsieur le ministre, s'il en ira de même pour vous !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je conclurai sur cette belle phrase du philosophe Alain : « Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté. » Mesdames, messieurs les sénateurs, le DMP sera en place en 2007 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Sans vouloir prolonger le débat - mais y a-t-il eu débat ? - j'ajouterai quelques réflexions. N'allez surtout pas penser, monsieur le ministre, que je souhaite avoir le dernier mot, car vous prenez bien sûr la parole quand vous le souhaitez, et après moi si vous le désirez.

Qui me connaît sait que m'accuser de vouloir susciter des dépenses supplémentaires relève de la provocation, et la commission des finances du Sénat n'a pas du tout cette intention, peut-être moins encore que son homologue de l'Assemblée nationale, à laquelle j'ai également appartenu. Au contraire, monsieur le ministre, si j'ai adhéré au principe du DMP, que je ne conteste nullement, c'est sa nature qui me conduit à émettre des réserves : nous allons mettre en place en juillet 2007 un DMP qui ne nous permettra pas véritablement de faire des économies.

Je ne donnerai qu'un exemple. Dans ma première vie, j'ai eu le bonheur de travailler dans des hôpitaux. Dans les années soixante, car j'ai, hélas, la malchance d'être plus âgé que vous, monsieur le ministre, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela vous donne l'expérience ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. ...lorsque nous avions besoin du dossier d'un patient, par exemple d'une radio, nous nous mettions à plusieurs, personnels soignants et médicaux compris, et nous fouillions dans un bac rempli d'enveloppes de papier kraft pour y trouver la bonne. Je croyais qu'en 2005 tout cela était fini, et depuis longtemps. Or j'ai pu constater en visitant des hôpitaux que l'on continue de chercher les radios en mobilisant toujours autant de personnes, autour peut-être toujours du même bac, et avec la même infortune quelquefois - ce qui permet d'ailleurs de refaire des examens...

Ce que vous proposez, monsieur le ministre - je m'en doutais, mais vous venez de le confirmer - est, certes, un dispositif volontariste, mais le DMP ne contiendra en fin de compte que des informations que vous donnera gratuitement M. Frédéric Van Roekeghem. C'est pour cette raison qu'il ne vous coûtera pas bien cher ! (M. le ministre proteste.)

C'est pourtant ce qui se passera ! Vous m'avez donné rendez-vous, j'y serai, même si j'ignore si vous, vous pourrez le tenir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous pourrez toujours m'inviter à titre personnel !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Absolument, et c'est ce que je ferai !

Je ne souhaite pas bâtir de « cathédrale technologique », pour reprendre les propos de Mme Debré. Je veux simplement qu'une véritable réflexion soit menée et que le débat ait lieu, afin que nous sachions exactement de quoi il est question. Un colloque se tiendra d'ailleurs sur ce thème à l'Assemblée nationale à la fin du mois, et je serai heureux d'y assister.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, de réels efforts sont faits, dont je vous félicite, en faveur de l'informatisation du système de santé. Nous pouvons quelquefois en être fiers, comme dans le cas des hôpitaux d'Arras, d'Amiens ou du Havre - je ne vais pas les rappeler tous, ce serait fastidieux -, mais il faut reconnaître que, dans certains hôpitaux de l'AP-HP, sévissent quelques MacGyver qui imaginent des systèmes informatiques qu'ils sont seuls à comprendre.

Il est donc véritablement nécessaire de rassembler toutes nos forces, car il ne s'agit pas de gauche ou de droite, de majorité ou d'opposition, et je regrette, monsieur le ministre, que vous sembliez avoir le sentiment que le Parlement n'a pas travaillé sérieusement.

M. Xavier Bertrand, ministre. Qu'est-ce qui vous fait penser cela ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. D'abord, ce n'est pas très gentil pour nos amis anglais, et vous devriez montrer un peu plus de mansuétude. Je ne suis pas capable d'improviser une traduction littérale de l'article que j'ai sous les yeux, mais je parle suffisamment l'anglais pour avoir compris, lorsque nous sommes enfin allés en Angleterre, en 2005, comment fonctionnait le système dans ce pays.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, les Anglais ne méritent pas le traitement que vous leur avez infligé du haut de cette tribune.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas mon modèle, pas plus leur système de santé que leur système informatique.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Ce n'est pas mon modèle non plus ! Au demeurant, il ne s'agit pas ici de leur système de santé : il s'agit de constater que, partant de plus loin que nous, partant en quelque sorte d'une feuille blanche, ils ont élaboré un cahier des charges et sont allés bien au-delà du DMP.

Je conclurai en soulignant qu'il n'y a pas de désaccord entre nous. Simplement, comme je le pressentais, vous allez nous présenter un « DMP petit bras » contenant des informations déjà connues, des informations techniques de la CNAM.

C'est très bien, mais il faudra ensuite élargir l'expérimentation, qui porte sur 30 000 dossiers, à la totalité des patients, et c'est déjà là un saut technologique qui n'est pas évident.

Pour ma part, je vous souhaite pleine réussite, monsieur le ministre. Je considère que, compte tenu de l'importance de l'enjeu de société, la France devrait se mobiliser, à commencer par les associations de malades et nombre de professionnels. Or, sans vouloir me faire ici l'écho de qui que ce soit, je dois bien constater que, après plusieurs mois de travail, les choses ne sont pas véritablement bien engagées, et je le regrette.

Nous aurons l'occasion de poursuivre, en totale confiance...

M. Xavier Bertrand, ministre. Merci !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. ... et en toute sympathie, monsieur le ministre. Je sais que vous êtes sérieux et que vous suivez vos dossiers, mais je doute encore, car la plupart de mes questions sont restées sans réponse.

M. Xavier Bertrand, ministre. Non !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. En particulier, vous n'avez pas répondu sur les 100 millions d'euros qui n'ont pas été dépensés, puisque vous avez finalement opté pour un DMP quasiment gratuit !

M. Xavier Bertrand, ministre. Avec vous, c'est plus !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Mais que faites-vous des 100 millions qui ont été votés ? Ils n'ont pas été dépensés ! (Exclamations et marques d'impatience sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre. M. Arthuis ne va pas être content !

Mme Christiane Kammermann. On verra la réponse au budget !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Certes, mais surtout lors de la discussion du projet de loi de règlement définitif, donc avant même 2007. Nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, parce qu'il se passe dans le budget de la santé, que j'ai l'honneur de rapporter, bien des choses qu'il sera fort intéressant de vous rappeler au cours de la discussion budgétaire.

Mme la présidente. Le débat est clos.