Article 62 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 63

Article 62 quinquies

L'article 21-29 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 21-29. - Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, autorise les maires qui en font la demande à organiser la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française dans les conditions prévues à l'article 21-28. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 447, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, loi après loi, projet après projet, vous modifiez profondément le rôle des élus locaux, notamment celui des maires.

Vous en faites des supplétifs de l'État en matière sociale, des intervenants directs dans la répression de la délinquance, avec des quasi-pouvoirs de procureur. Vous en faites des acteurs de la politique d'immigration, alors que cela n'entre pas dans leur champ de compétences. Vous en faites des agents de délation, que ce soit en matière délinquance ou, comme dans le texte que nous examinons, en matière d'immigration.

Ils ne sont pas élus pour cela ! Vous entretenez sciemment la confusion entre les rôles institutionnels des élus et ceux de l'État.

On pourrait s'attendre à autre chose de cette assemblée dans laquelle siègent de nombreux maires. C'est consternant et je leur souhaite bien du plaisir pour appliquer ces dispositions dans leur commune.

Un nombre croissant de maires réagissent, à juste titre, à cette situation. Et je crois qu'ils seront de plus en plus nombreux à le faire au fur et à mesure qu'ils s'apercevront du rôle qu'on veut leur faire jouer.

En ce qui concerne les cérémonies d'accueil, nous avons précédemment souligné que les maires n'avaient pas de compétences particulières en matière de naturalisation, que leur confier le soin d'organiser ces cérémonies risquait de créer des différences entre les personnes concernées. Il en est de même s'agissant de la communication des données personnelles.

Pendant des années, le temps que leur dossier de naturalisation aboutisse, on a demandé aux étrangers d'être de bons étrangers. Aujourd'hui, on durcit les conditions de leur naturalisation et il faudrait encore qu'ils prouvent qu'ils seront de bons Français, que l'on peut avoir à disposition, bien notés, etc.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.

Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article:

L'article 21-29 du code civil est ainsi rédigé:

« Art. 21-29 : - Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique au maire, en sa qualité d'officier d'état civil, l'identité et l'adresse des personnes résidant dans la commune susceptibles de bénéficier de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française.

« Lorsque le maire en fait la demande, il peut l'autoriser à organiser, en sa qualité d'officier d'état civil, la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté. »

La parole est à M. le président de la commission, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 447.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 61 vise à regrouper dans un article unique l'obligation pour le représentant de l'État de communiquer au maire l'identité et l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française et la possibilité de déléguer au maire, sur sa demande, l'organisation de cette cérémonie.

Un pouvoir d'appréciation serait reconnu au représentant de l'État pour autoriser le maire à procéder à cette célébration, qu'il ne pourra accomplir qu'en sa qualité d'officier d'État-civil, je le rappelle.

Je me souviens des travaux de la commission « Marceau Long », du nom de son président : à une très large majorité, elle avait recommandé que l'acquisition de la nationalité française fasse l'objet d'une cérémonie d'accueil. J'ai présenté cette proposition à plusieurs reprises, mais on m'a toujours répondu que cela n'intéressait personne.

Recevoir sa carte de nationalité française, ce n'est pas la même chose que recevoir sa carte vitale ! Et organiser une cérémonie pour marquer l'accueil dans la communauté française ne me paraît pas méprisable ; c'est au contraire extrêmement honorable.

Je suis donc défavorable à tous les amendements qui visent à supprimer ces cérémonies.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 447 et favorable à l'amendement n° 61.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 447.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 62 quinquies, est ainsi rédigé.

Article 62 quinquies
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Article additionnel après l'article 63

Article 63

Dans le deuxième alinéa de l'article 26-4 du code civil, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 231 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 448 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 231.

M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 448.

Mme Éliane Assassi. Il s'agit également d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 231 et 448.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 63.

(L'article 63 est adopté.)

Article 63
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Article 63 bis

Article additionnel après l'article 63

Mme la présidente. L'amendement n° 126 rectifié, présenté par Mmes Férat et  Dini, M. Badré, Mmes Payet et  Morin-Desailly, MM. Détraigne,  Zocchetto,  Merceron,  Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 21-19 du code civil est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« ...° L'étranger, entré en France de manière isolée avant l'âge de 18 ans et ayant fait l'objet d'une mesure judiciaire de placement en structure d'accueil. Une commission départementale présidée par le représentant de l'État dans le département et à Paris, par le préfet de police, et composée des services déconcentrés de l'État concernés et des services de l'aide sociale à l'enfance, est chargée d'étudier le bien-fondé de cette demande et transmet son avis à l'autorité publique chargée d'accorder la naturalisation.

« La commission départementale sera informée par le président du conseil général des conditions d'admission dans son service de l'aide sociale à l'enfance de tout mineur étranger dont il assure la garde au titre de la protection des mineurs. Une fois par un an un état individuel détaillé de l'évolution sociale, scolaire et/ou professionnelle sera présenté à la commission qui validera le parcours d'intégration du jeune sur la base d'un cahier des charges national contractualisé avec lui dès son accueil dans l'un des services de l'aide sociale à l'enfance.

« Les conditions de mise en oeuvre des deux alinéas précédents sont fixées par décret. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, en qualité de président de conseil général, vous devez avoir connaissance de situations comparables à celles que je vise dans mon amendement. Je ne veux pas croire - ce serait un miracle ! - que l'on ne trouve de tels cas que dans le département de la Marne.

Les services de l'aide sociale à l'enfance sont confrontés à des problèmes récurrents liés à l'accueil de mineurs d'origine étrangère dans les foyers départementaux de l'enfance.

En l'état actuel de la législation, ces jeunes sont suivis jusqu'à leur majorité par ces structures, puis invités à regagner leur pays natal. Ce système les incite donc, dans un premier temps, à s'inscrire dans une démarche d'intégration pour les contraindre, dans un second temps, à quitter le territoire français.

Fort utiles pour dissuader les éventuels candidats à l'immigration clandestine, ces reconduites à la frontière constituent une véritable entrave au travail de médiation sociale et déstabilisent des adolescents angoissés par cet exode forcé et inéluctable.

Monsieur le ministre, il vous est donc proposé, par cet amendement, de créer une procédure d'acquisition de la nationalité française au profit des jeunes qui justifient, auprès d'une commission créée à cet effet, de leur parfaite intégration sociale ou professionnelle et de leur volonté manifeste de devenir citoyen français.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout d'abord, la commission s'est interrogée sur la cohérence de cette proposition avec l'ensemble des modes d'acquisition de la nationalité française.

J'ai une petite expérience en matière d'aide sociale à l'enfance, puisque j'ai présidé un conseil général pendant vingt-trois ans. Au demeurant, la suppression de la condition de stage pour l'acquisition de la nationalité française ne paraît pas justifiée dans un tel cas. En tout état de cause, la durée de prise en charge de l'étranger par l'aide sociale à l'enfance sera prise en compte dans le calcul de la durée de ce stage.

La commission est prête à réexaminer votre amendement, madame Férat, mais je vous demande de bien vouloir le retirer, car, je vous le dis sincèrement, je ne vois pas du tout où peut mener un tel dispositif. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Férat, le Gouvernement comprend parfaitement la préoccupation que vous venez d'exprimer au nom du groupe de l'UC-UDF, d'autant qu'il la partage.

Il faut, dans toute la mesure du possible, favoriser l'accès à la nationalité française des jeunes étrangers qui se sont pleinement assimilés à la communauté nationale quelques années après avoir été accueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance.

C'est la raison pour laquelle nous proposons, à l'article 24 du projet de loi, une première étape : les jeunes étrangers confiés au service de l'aide sociale à l'enfance qui ont fait des efforts d'intégration bénéficient de plein droit, à leur majorité, d'une carte de séjour.

La seconde étape est celle de l'accès à la nationalité, qui est rendu possible grâce à l'article 24. Deux voies d'accès existent désormais.

Le premier paragraphe de l'article 21-12 du code civil permet, je vous le rappelle, au jeune étranger qui a été confié depuis au moins trois années au service de l'aide sociale à l'enfance d'acquérir la nationalité française par simple déclaration. Ainsi, les jeunes qui sont confiés au service de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de quinze au plus ont vocation à devenir français par déclaration, dès leur majorité, sans avoir à effectuer d'autre démarche.

Mme Françoise Férat. Cela ne se passe pas comme cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avec l'article 24 tel qu'il a été modifié par le Sénat, cela se passera ainsi ! Nous prendrons les décrets d'application dès que le texte sera adopté et, forts de l'article 24, nous pourrons régler le problème que vous avez soulevé et auquel le Gouvernement est également sensible.

Avec la naturalisation dans les conditions de droit commun définies par l'article 21-17 du code civil, avec une condition de stage de cinq ans, le jeune étranger entré en France à l'âge de seize ans et confié au service de l'aide sociale à l'enfance pendant deux ans devra attendre l'âge de vingt et un ans pour présenter sa demande de naturalisation.

Ces deux voies d'accès à la nationalité nous paraissent répondre pleinement à votre inquiétude, madame Férat, et à celle de l'ensemble du groupe UC-UDF, puisque les jeunes concernés pourront désormais bénéficier d'un titre de séjour à l'âge de dix-huit ans, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Vous avez eu raison, madame Férat, de présenter cet amendement. Mais depuis que le Sénat a amendé l'article 24, avec l'accord du Gouvernement, le problème auquel vous faites référence est totalement réglé.

Je vous demande donc, madame Férat, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Madame Férat, l'amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Retirer cet amendement me gênait quelque peu, car je n'étais pas vraiment convaincue que la carte de séjour n'était pas une étape supplémentaire inutile dans le cas qui nous occupe ce soir.

Mais l'engagement de M. le ministre concernant la publication des décrets me rassure pleinement. Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 126 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 63 bis.

Article additionnel après l'article 63
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Article 63 ter

Article 63 bis

Dans l'article 68 du code civil, le montant : « 4,5 € » est remplacé par le montant : « 3 000 € ».

Mme la présidente. L'amendement n° 449, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Mode de constatation des principaux faits relatifs à l'état des personnes et de la famille -naissance, mariage, divorce, filiation, nom, nationalité, etc -, l'état civil joue un rôle capital au niveau tant individuel que collectif. La vie politique, économique et sociale dépend en grande partie du fonctionnement de ce service.

Les officiers d'état civil exercent leurs fonctions sous la responsabilité et le contrôle du ministère de la justice. Des négligences ou des irrégularités dans la tenue de l'état civil peuvent donner suite à des amendes civiles, des sanctions pénales ou disciplinaires déjà prévues par la loi. Mais placer ces officiers sous le couperet des sanctions financières définies par cet article nous paraît inacceptable !

La sérénité exigée par leur mission ne doit pas être perturbée par de pareilles menaces. C'est pourquoi nous vous proposons la suppression du présent article.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est défavorable, madame la présidente, car il convient de donner à la sanction existante un aspect réellement dissuasif.

De plus, le montant de l'amende n'avait pas été revalorisé.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 449.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 63 bis.

(L'article 63 bis est adopté.)

Article 63 bis
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Article additionnel après l'article 63 ter

Article 63 ter

I. - Au début de l'intitulé du chapitre III du titre II du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont insérés les mots : « Reconnaissance d'enfant et ».

II. - L'article L. 623-1 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « un mariage », sont insérés les mots : « ou de reconnaître un enfant » ;

2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « d'un mariage », sont insérés les mots : « ou de reconnaissance d'enfant ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 450, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes toujours dans la même problématique.

La Convention européenne des droits de l'homme reconnaît le droit au respect de la vie privée, familiale, du domicile et de la correspondance, la liberté de se marier et de fonder une famille - article 12 - et interdit toute discrimination - article 14.

Nous sommes étonnés de constater que le présent texte, comme d'autres d'ailleurs, non seulement ne s'inspire pas d'une convention que notre pays a ratifiée, mais met a priori la suspicion au centre de tous nos débats.

L'application de ce texte en métropole et, a fortiori, dans les territoires d'outre-mer trahit l'esprit de cette Convention européenne en réveillant des peurs archaïques, en alimentant des scénarii malsains et sordides d'enfants et de loups.

Ne nous obligez pas, ici, à disserter comme au café du commerce sur les faits divers et les actions des voyous, de malades, en se répétant : « C'est vrai ! », « Ça arrive ! », « C'est possible ! », « Je l'ai vu à la télévision », etc.

La logique qui renvoie à la pénalisation des paternités, que vous définissez comme de complaisance, nous est profondément étrangère.

Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II.- L'article L. 623-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour » sont remplacés par les mots : « ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement » ;

2° Au second alinéa, après les mots : « d'un mariage » sont insérés les mots : « ou d'une reconnaissance d'enfant ».

La parole est à M. le président de la commission, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n°  450.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par cohérence avec l'article 76 du présent projet de loi, cet amendement n° 62 tend à sanctionner pénalement les reconnaissances d'enfants qui n'auraient d'autres fins que d'offrir au père le bénéfice d'une protection contre l'éloignement.

Dès lors, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 450, car les manoeuvres existent et il convient de les sanctionner. C'est ce que nous proposons.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 450 et favorable à l'amendement n° 62.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 450.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 63 ter, modifié.

(L'article 63 ter est adopté.)

Article 63 ter
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Article 64

Article additionnel après l'article 63 ter

Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 63 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Les dispositions de la présente ordonnance n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur. »

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement tend à lever une ambiguïté liée à la réforme du droit de la filiation opérée par l'ordonnance du 4 juillet 2005.

Supprimant les différences entre filiation naturelle et filiation légitime, l'ordonnance prévoit notamment que la simple mention de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant permet d'établir la filiation maternelle.

Ce texte étant applicable aux personnes nées avant comme après son entrée en vigueur, il convient de préciser qu'il n'a aucun effet sur la nationalité des personnes majeures au jour de son entrée en vigueur, c'est-à-dire le 1er juillet prochain. Cette précision s'inscrit dans le principe visé à l'article 20-1 du code civil, selon lequel la filiation d'un enfant n'a d'effet sur sa nationalité que si cette filiation est établie durant sa minorité.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Très favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63 ter.

TITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ASILE

CHAPITRE IER

Dispositions relatives aux pays d'origine sûrs

Article additionnel après l'article 63 ter
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Article additionnel après l'article 64 ou avant l'article 65 ou après l'article 66

Article 64

Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 et l'adoption de dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, mentionnés au 2° de l'article L. 741-4 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d'origine sûrs, mentionnés au 2° de l'article L. 741-4 ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, en abordant ce nouveau titre consacré au droit d'asile, nous tenons à récuser la logique qui inspire votre texte et qui tend à confondre demandeur d'asile et étranger en situation irrégulière.

Dans la contribution des sénateurs socialistes aux conclusions de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, nous affirmions : « la suspicion généralisée frappant les demandeurs d'asile doit être dénoncée fermement. Notre pays s'honore d'être une terre de refuge depuis de nombreuses décennies. Des crédits supplémentaires doivent être consacrés pour accompagner les demandeurs d'asile dans leurs démarches (constitution du dossier, accès à un interprète, logement) et les préserver d'une précarité de vie indigne de notre République. » Cela correspond très exactement à ce que demande l'association Emmaüs, qui gère des centres d'accueil des demandeurs d'asile, CADA.

« De même, la réflexion doit aussi se porter sur la remise en cause du droit d'asile telle qu'opérée par le gouvernement actuel. Porter le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés à 15 jours n'est pas acceptable. »

Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que nous n'avons malheureusement pas été entendus. Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration a évoqué l'idée de ramener d'un mois à quinze jours le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés. Dans sa sagesse, le rapporteur de la commission des lois de notre Haute Assemblée propose de réinscrire ce délai dans la loi en le portant à un mois. Ce serait déjà mieux.

Pour notre part, nous proposons de le fixer à deux mois, ce qui est le délai administratif normal. Cela ne nous semble pas de trop lorsque l'on connaît les difficultés matérielles - langue, logement, méconnaissance de leurs droits, etc. - dans lesquelles se débattent beaucoup de demandeurs d'asile sur notre territoire et dont les associations qui les aident font état. Nous y reviendrons sans doute lors de la discussion des articles additionnels après l'article 64.

Pour le reste, sous prétexte d'assurer un meilleur accueil des demandeurs d'asile, les principales dispositions de votre texte conduiraient, si elles étaient adoptées, à durcir les conditions du droit d'asile en France.

Ainsi, à l'article 64, il en est une qui nous paraît inacceptable, à savoir la confirmation d'une liste nationale des pays d'origine sûrs. Lors de l'examen au Sénat de la précédente loi sur l'immigration, en 2003, le groupe socialiste avait rejeté le principe de la définition de pays d'origine sûrs et donc d'une liste, nationale ou communautaire.

Nous estimons que, pour respecter le droit de chaque réfugié, et compte tenu de la diversité des situations, il faut examiner les dossiers au cas par cas, et prévoir un entretien personnalisé. C'est le fondement même du principe de non-refoulement, qui a été établi par la Convention de Genève, principe selon lequel les gouvernements ne peuvent refouler un demandeur si celui-ci n'a pas pu défendre son cas.

Le fait que vous vous abritiez, monsieur le ministre, derrière la directive européenne 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales - seulement - concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ne nous surprend pas. En effet, c'est votre gouvernement qui a demandé l'élaboration d'une telle directive et a largement participé à sa rédaction. Vous portez donc une responsabilité directe sur son contenu. Cette directive n'est pas tombée du ciel par hasard ; elle est le fruit de la volonté d'une majorité de gouvernements de droite en Europe.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle a été approuvée par tout le monde !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais cette directive, dans son article 29, ne fait que prévoir une « liste commune minimale de pays tiers considérés comme pays d'origine sûrs ». En outre, elle permet à chaque État membre d'inscrire sur cette liste, par le biais de dispositions législatives internes, des pays d'origine sûrs autres que ceux qui figurent sur cette « liste commune minimale » européenne. Rien n'interdit donc au Gouvernement français de faire preuve d'une certaine magnanimité.

Or, l'adoption de cette liste minimale européenne de pays d'origine sûrs n'a toujours pas abouti, car elle se heurte à plusieurs obstacles. La Commission européenne attend toujours, notamment, que les États membres lui fournissent leurs listes nationales, afin de trouver un dénominateur commun. Par ailleurs, elle veut être certaine que la liste qu'elle proposera ne contient pas de pays où existe la pratique des mutilations génitales. C'est notamment pour cette raison que le Niger, par exemple, n'y figure pas.

Dans ces conditions, il serait raisonnable de transmettre à la Commission européenne une liste indicative, avant de figer celle-ci dans notre législation interne. Or l'article 64 de votre projet de loi vise, monsieur le ministre, à protéger la liste nationale qui a été adoptée de toute évolution communautaire, puisque le texte parle « des pays considérés au niveau national comme des pays d'origine sûrs ».

Une certaine souplesse dans la définition serait pourtant nécessaire, car les pays d'origine concernés peuvent connaître des évolutions très rapides dans un sens ou dans l'autre. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a indiqué que, depuis l'adoption de la première liste, les personnes en provenance des pays sûrs ainsi désignés ne représentaient plus que 2,2 % des demandes, contre 11,4 % auparavant ! Nous proposerons donc de supprimer cet article par voie d'amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. À l'occasion du début de l'examen des dispositions du titre V relatives à l'asile, je veux insister sur le fait que nous condamnons la confusion que le Gouvernement opère avec ce texte entre le droit d'asile et les questions d'immigration.

Je rappelle que le droit d'asile est un droit de l'homme fondamental, prévu à la fois par la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Convention de Genève et les textes fondateurs qui régissent le fonctionnement de notre République. À ce titre, il ne saurait être question de parler de gestion ou encore de maîtrise des flux.

La France, fidèle à sa tradition d'accueil, doit continuer à offrir une protection à toute personne qui, exposée à des persécutions dans son pays, s'enfuit vers des terres plus sûres.

Or, la situation actuelle est loin de répondre aux exigences élémentaires en matière de respect des droits de l'homme qui s'imposent à notre pays.

Le droit d'asile est, en effet, sans cesse rogné. La loi du 10 décembre 2003 que vous avez fait voter par votre majorité parlementaire, monsieur le ministre, a considérablement affaibli la protection des personnes persécutées, en introduisant notamment des notions aussi restrictives que celles de « protection subsidiaire », d' « acteurs de protection », d' « asile interne », de « pays d'origine sûrs », allant même jusqu'à remettre en cause ce droit fondamental qu'est le droit d'asile.

La notion de « pays d'origine sûrs », abordée dans l'article 64, n'est pas sans poser problème.

Cette notion implique une discrimination entre les réfugiés en raison de leur nationalité, discrimination qui est interdite, je le rappelle, par l'article 3 de la Convention de Genève.

De plus, le dossier des demandeurs venant de pays considérés comme sûrs est systématiquement instruit dans le cadre d'une « procédure prioritaire ». Or, en l'espèce, les garanties sont insuffisantes : la demande d'asile est traitée en quinze jours, le recours contre une mesure d'éloignement est non suspensif, les étrangers ne bénéficient pas d'une aide sociale, ni de l'allocation temporaire d'attente, et n'ont pas accès au dispositif d'accueil destiné aux demandeurs d'asile.

On le voit, votre texte constitue, une fois de plus, une remise en cause du droit d'asile. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements sur les articles qui forment le titre V, sur lesquels nous reviendrons le moment venu.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avant d'en venir à l'examen des amendements, je voudrais porter quelques éléments à la connaissance de la Haute Assemblée.

S'agissant de la notion de « pays d'origine sûrs » en matière d'asile, la réforme majeure introduite en 2003 a permis d'accélérer l'examen des demandes d'asile en provenance de ressortissants de pays qui respectent a priori les droits de l'homme et les libertés publiques. Madame Cerisier-ben Guiga, si vous êtes en mesure de démontrer que l'on ne respecte pas les droits de l'homme dans certains de ces pays, alors dites-le à la Haute Assemblée !

En juin 2005, nous avons défini une liste de douze pays sûrs, à savoir le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Mali, l'île Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l'Ukraine. M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, s'est lui-même rendu au Bénin voilà quelques semaines ; il y a d'ailleurs été accueilli par un certain nombre de manifestants. Si ce pays n'avait pas été sûr, les personnes n'auraient sans doute pas pu exercer leur droit de manifester aussi librement ! C'est donc bien la preuve que nous avons affaire à une liste de pays sûrs.

Cette réforme est efficace. En effet, en juin 2005, ces douze pays représentaient 10 % environ du total des demandes d'asile ; sept mois plus tard, en janvier 2006, le nombre des demandeurs d'asile de ces pays est passé de 476 à 83, soit une baisse spectaculaire de 82 %.

Cette pratique est également conforme aux principes constitutionnels. En effet, le Conseil constitutionnel a approuvé la loi du 10 décembre 2003 tendant à définir cette notion. Par ailleurs, le Conseil d'État statuant au contentieux, dans un arrêt Gisti du 5 avril 2006, a approuvé la liste définie en 2005.

Nous avons donc étendu la liste des pays d'origine sûrs. Le conseil d'administration de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a étendu, au début du mois dernier, la liste à cinq pays. Madame Cerisier-ben Guiga, vous en conviendrez, l'OFPRA n'est pas le ministère de l'intérieur !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quelquefois, on pourrait presque le regretter... (Sourires.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous ne le regrettons pas du tout ! (Nouveaux sourires.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces cinq pays sont l'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, le Niger, Madagascar et la Tanzanie.

Parallèlement, au niveau européen, nous essayons d'avancer plus vite dans l'élaboration d'une liste commune. Comme nous sommes tous des États démocratiques, nous devrions pouvoir nous accorder pour évaluer si un État tiers respecte ou non les droits de l'homme. On sait bien que les négociations sont longues au sein de l'Europe des Vingt-Cinq.

Lors des trois dernières réunions des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, m'avait demandé de le représenter et de défendre les positions de la France, avec d'autres partenaires tels que l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame Borvo Cohen-Seat, ce ne sont pas tous des pays de droite...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n'ai rien dit du tout !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous prie de m'excuser. Vous, vous respectez les États démocratiques pour ce qu'ils sont, alors que Mme Cerisier-ben Guiga les identifie par rapport à leur exécutif ; c'est toute la différence. Vous reconnaissez à chacun des vingt-cinq membres de l'Union européenne le droit d'avoir une démocratie libre qui fonctionne normalement, dans le respect du choix des électeurs. De son côté, Mme Cerisier-ben Guiga les catalogue, conteste leurs choix, prétendant que l'Europe n'est pas démocratique, au motif que la majorité qui la gouverne n'appartient pas à son courant de pensée politique. Tel est le résumé de son intervention.

Permettez-moi de vous dire, madame Cerisier-ben Guiga, que tel n'a pas toujours été le cas. Aujourd'hui, bon nombre de pays de l'Union européenne - si ce n'est la quasi-totalité d'entre eux, notamment les dix nouveaux pays entrants - sont en train de reconnaître les positions qui ont été défendues par la France et par certains de ses partenaires, quel que soit l'origine politique de leur gouvernement, et estiment que la liste des pays d'origine sûrs doit devenir commune à l'ensemble des vingt-cinq membres de l'Union européenne. Nous ne sommes pas donc loin de parvenir à un accord, nous en sommes même très proches. Celui-ci devrait intervenir dans les semaines ou les mois qui viennent, tout au plus.

Je rappelle d'ailleurs que, lors du G 6 qui s'est tenu en Allemagne à Heiligendamm, le ministre d'État a obtenu de nos partenaires que nous avancions à six sur l'élaboration d'une liste commune de pays d'origine sûrs. Depuis, on a fait du chemin, puisque les Vingt-Cinq sont en train d'y souscrire.

Vous exprimez ce soir, madame Cerisier-ben Guiga, le souhait que la France soit le seul pays de l'Union européenne, le seul des Vingt-Cinq, à ne pas accepter de s'aligner sur cette liste tout en défendant une politique commune dans ce domaine. Ce serait, à mon sens, très regrettable pour l'image de notre pays. En tout état de cause, en ce qui nous concerne, telle n'est pas la ligne de conduite que nous entendons défendre, et ce texte nous permettra de gérer les flux migratoires.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 239 est présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 451 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 239.

M. Bernard Frimat. Je ne répéterai pas ce qu'a dit Mme Cerisier-ben Guiga. Nous avons été, dès le départ, opposés au principe d'une liste de pays d'origine sûrs, car cela nous semblait arbitraire et contraire à l'esprit et à la lettre de la Convention de Genève au sens où cette liste peut introduire une inégalité de traitement au regard de la nationalité. Voilà pour ce qui concerne le principe général.

Par ailleurs, je salue la clarté de votre discours, monsieur le ministre. Pour conclure votre propos, vous avez affirmé que cette liste permet de diminuer les flux migratoires et de faire baisser le nombre des demandes d'asile. À cet égard, je dispose des mêmes chiffres que vous : le nombre des demandeurs d'asile appartenant à la liste des pays d'origine sûrs est passé de 11,5 % à 2,2 %. Poussons ce raisonnement jusqu'à ses limites : si la totalité des pays sont déclarés sûrs, les textes que nous élaborons en matière de droit d'asile auront un intérêt beaucoup plus limité, puisque le problème ne se posera plus.

Eu égard à la Convention de Genève, nous émettons, je le répète, des réserves sur la notion de pays d'origine sûrs. Qui plus est, je n'ai pas la conviction - mais vous pourrez me contredire, monsieur le ministre, si je me trompe -, que la définition telle qu'elle existe dans ce projet de loi soit strictement équivalente à celle qui figure dans la directive, qui me semble plus exigeante et plus précise.

Vous nous annoncez un accord prochain des pays européens sur la liste commune. Toutefois, celui-ci est long à réaliser : depuis 2003, il ne s'est rien passé, et le dernier G 6 n'a pas réussi à régler l'affaire. La tentative de M. le ministre d'État de faire adopter la liste initiale établie par la France en y ajoutant la Tanzanie n'a pas abouti.

Le problème réside dans la coexistence d'une liste européenne - qu'on nous annonce, mais qui n'existe pas encore - avec une liste nationale qui s'allonge. Quel que soit le respect qu'on puisse avoir pour l'OFPRA, il ne lui appartient pas de fixer la composition de cette liste nationale.

C'est une raison supplémentaire de souhaiter la suppression de l'article 64. La France a signé des accords internationaux qui doivent être respectés, quel que soit le gouvernement signataire. Aussi, c'est la liste européenne qui doit s'imposer, à l'exclusion de tout autre.

Nous demandons au Gouvernement de refuser de céder à la facilité, même par délégation, en allongeant la liste nationale uniquement pour faciliter la gestion des flux migratoires et réduire les demandes d'asile.

J'ai le souvenir d'une phrase qu'a prononcée le ministre de l'intérieur devant la commission d'enquête, lors de son audition. Il déclarait en substance - je parle sous le contrôle de M. le rapporteur - que c'est vers la France que se dirigent le plus grand nombre de demandeurs d'asile,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Frimat. ...réclamant que cesse cette situation.

Probablement exprime-t-il la philosophie de sa politique en matière d'asile.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Bernard Frimat. Probablement présuppose-t-il une fois de plus que les fraudeurs sont partout, que les demandeurs d'asile, qui sont en situation régulière, sont en réalité des migrants clandestins !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 451.

Mme Éliane Assassi. Je confirme notre opposition à la notion de pays d'origine sûrs, introduite dans notre droit par la loi du 10 décembre 2003, laquelle a été votée sans les voix des parlementaires communistes.

M. Bernard Frimat. Et sans les voix des parlementaires socialistes !

Mme Éliane Assassi. En effet !

Cette notion constitue non seulement une restriction supplémentaire au droit d'asile, mais encore une entorse au principe de non-discrimination énoncé à l'article 3 de la Convention de Genève de 1951.

En vertu de la loi de 2003, le conseil d'administration de l'OFPRA a adopté, le 30 juin 2005, une liste nationale de douze pays d'origine sûrs, liste qui devait être transitoire dans l'attente de l'établissement d'une liste européenne.

En janvier 2006, le ministre des affaires étrangères a annoncé l'ajout prochain de cinq nouveaux pays à la liste nationale actuelle.

Quant à la directive européenne « procédures », adoptée en décembre 2005, elle a prévu l'établissement d'une liste commune de pays d'origine sûrs qui devrait donc mettre fin à la liste nationale.

Cependant, monsieur le ministre, vous vous êtes rendu compte que cette liste commune européenne risquait d'être moins étendue que la liste établie par l'OFPRA. Aussi, vous vous êtes empressé de modifier une fois de plus notre législation afin de prévoir la coexistence de ces deux listes.

Or l'existence de deux listes cumulatives va allonger d'autant le nombre de pays considérés comme sûrs par la France et, par voie de conséquence, va augmenter le nombre de demandes d'asile refusées au motif que les demandeurs viennent d'un pays sûr.

Nous ne pouvons vous suivre sur cette voie, qui remet profondément en cause un droit fondamental : le droit d'asile.

Pour ces raisons, nous vous demandons de revenir sur cette disposition injuste, injustifiée et inhumaine.

Mme la présidente. L'amendement n° 452, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ne sont considérés comme sûrs que les pays figurant à la fois sur la liste communautaire et sur la liste nationale.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Vous aurez compris qu'il s'agit d'un amendement de repli, puisque je suppose que notre amendement de suppression de l'article 64 sera rejeté.

Nous tentons d'atténuer un tant soit peu les effets néfastes de l'article 64, auquel nous restons fermement opposés. Avec cet amendement, nous proposons de restreindre le nombre de pays d'origine sûrs en exigeant que ne soient considérés comme tels que les pays figurant à la fois sur la liste européenne et sur la liste nationale, qui pourront désormais coexister.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je tiens à rappeler quatre points.

Premièrement, la liste des pays d'origine sûrs, prévue par la loi de 2003, est établie par le conseil d'administration de l'OFPRA.

Deuxièmement, la directive européenne dispose expressément que si un État a dressé avant l'année 2005 une liste de pays d'origine sûrs, celle-ci reste naturellement valable.

Troisièmement, il faut désormais attendre que les États européens se mettent d'accord sur la liste pour en connaître le contenu et juger de sa compatibilité avec notre propre liste.

Quatrièmement, je veux rappeler les conditions dans lesquelles travaille l'OFPRA.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans des conditions difficiles !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Non, madame ! J'ai assisté il y a quelques mois, à l'OFPRA, à un entretien individuel. J'ai vu comment cela se passait. Je crois pouvoir dire qu'il travaille dans des conditions excellentes. Ses moyens matériels et humains ont été renforcés depuis 2003. Les entretiens individuels qui y sont conduits sont d'une très grande qualité, menés par des gens qui connaissent parfaitement et précisément la situation des pays d'origine des demandeurs. En outre, l'OFPRA dispose d'un fonds documentaire extrêmement important, qui lui permet de rendre des décisions de qualité, éclairées, argumentées et ne souffrant aucune critique.

Tous ceux qui font une demande d'asile passent un entretien individuel. Je puis vous garantir que le dispositif fonctionne très bien. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s 239, 451 et 452

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, l'actualité de la Haute Assemblée me permet de faire référence au rapport sur l'OFPRA qu'a adopté hier votre commission des finances, sur l'initiative du président Gouteyron.

Il y est écrit ceci : « la diminution des délais de traitement des demandes d'asile - 59 000 en 2005 - constitue un impératif : elle permet de faire en sorte que les personnes ayant réellement besoin de protection puissent bénéficier rapidement de leur statut de réfugié, tout en réduisant les manoeuvres dilatoires des autres migrants. (...) La forte diminution des délais de l'OFPRA - 258 jours en 2003, 108 jours en 2005 - n'a pas empêché l'octroi du statut de réfugié à 13 000 personnes en 2005, dont 4 184 en première instance par l'Office - taux d'accord : 8,2 % en 2005. La France compte aujourd'hui 120 000 réfugiés sous sa protection. »

Moralité : ce rapport démontre que, sincèrement, nous restons très accueillants à l'égard des réfugiés. Il n'en est pas moins vrai que nous décourageons ceux qui demandent l'asile à des fins dilatoires. Ceux-là ne sont pas des réfugiés et n'ont pas à être accueillis en France.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 239 et 451.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, bien que je ne dispose pas présentement du rapport dont vous venez de citer un extrait, je crois pouvoir dire qu'il précise aussi que les fonctionnaires de l'OFPRA, dont je loue la conscience professionnelle et qui n'encourent aucune suspicion, traitent en moyenne 2,2 dossiers par jour et qu'il serait illusoire de penser que l'on puisse abaisser ce seuil avec les moyens actuels.

Pour que l'information soit complète, il fallait signaler ce point.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Bernard Frimat. Je vous en prie, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, laissez-moi vous lire cet autre passage du rapport de M. Gouteyron : « Il convient de conforter la productivité du travail de l'OFPRA et de sa juridiction, sans négliger la qualité de la décision. Les indicateurs de délai pourraient d'ailleurs être affinés, modulés en fonction de la difficulté des dossiers, les divisions géographiques devant veiller à l'équité de la répartition des demandes d'asile entre agents. »

Je suis heureux de vous livrer ces propos de M. Gouteyron.

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Frimat.

M. Bernard Frimat. Je vous remercie de cette assistance technique. Il est appréciable, au cours d'une intervention, d'avoir le concours d'un ministre de votre qualité. (Sourires.)

Ce ne sont que des extraits. Attendons de lire l'intégralité de ce rapport, qui est certainement de qualité.

On y trouve le terme « productivité », qui est un terme financier. N'oublions pas la dimension humaine. À cet égard, je crois que le rapport signale aussi que la « productivité » trouve ses limites et que, comme vous l'avez rappelé, elle ne doit pas prévaloir sur la qualité. Ainsi, le rapport adopte une perspective moins productiviste que ne laissait penser votre première analyse.

Sur le fond nous maintenons, bien évidemment, notre demande de suppression de l'article. Nous sommes contre la notion de pays d'origine sûrs parce qu'elle ne nous semble pas assez précise et parce qu'elle ne nous paraît pas offrir suffisamment de garanties à chaque individu, dont le cas doit être étudié de manière spécifique. Dans ce domaine, il n'est pas possible - et vous venez de le confirmer, monsieur le ministre - de faire du traitement de masse.

Attendons de connaître la liste européenne des pays d'origine sûrs. Il n'est pas bon que coexistent une liste nationale et une liste européenne ni, surtout, qu'on allonge la liste nationale, dès lors qu'on pourra la conserver telle quelle après qu'aura été établie la liste européenne.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je donnerai juste une précision pour justifier notre opposition totale à cet article.

Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez interprété ma pensée, puisque je n'avais encore rien dit dans ce débat sur le droit d'asile. Je profite donc de cette occasion pour m'exprimer sur ce point.

À l'évidence, les pays européens sont des démocraties. Mais, quelle que soit la couleur politique de leur gouvernement, y compris dans les démocraties, il arrive que quelques manquements aux droits fondamentaux des personnes soient à déplorer.

Nous sommes absolument opposés au principe même d'une liste de pays sûrs. En l'espèce, la France, qui ne fait pourtant pas toujours partie des premiers pays à transposer les directives européennes, a devancé l'Europe en s'empressant d'adhérer au principe particulièrement mauvais, partagé par les différents pays européens, consistant à se doter d'une telle liste.

Pour nous, le droit d'asile est un droit individuel. Tout individu peut, pour une raison ou une autre, se sentir menacé et s'estimer en insécurité dans quelque pays que ce soit. J'ai coutume de demander si Henry Miller, à l'époque du Maccarthysme, aurait pu bénéficier de l'asile en France ? En se posant ce genre de question, on réfléchit à ce que doit être le droit d'asile.

Par ailleurs, il est normal que le pays sollicité pour accueillir le demandeur d'asile examine son dossier et puisse lui refuser ce droit si les raisons de sa demande ne sont pas justifiées eu égard à son pays d'origine et à sa situation.

Mais, je le répète, chaque individu, où qu'il se trouve, doit pouvoir demander asile dans un autre pays s'il s'estime menacé dans son pays d'origine. C'est un droit que je considère comme sacré, fondamental, auquel s'oppose le principe de la liste de pays sûrs.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 239 et 451.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 452.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 64.

(L'article 64 est adopté.)