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NOMINATION DE MEMBRES D'organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Jean-François Picheral, membre du conseil d'administration de la société Radio France ;

- M. Louis de Broissia, membre du conseil d'administration de la société France Télévisions ;

- M. Louis Duvernois, membre du conseil d'administration de la société Radio France Internationale.

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ORGANISME extraPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

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Articles additionnels avant l'article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au secteur de l'énergie
Rappel au règlement

Secteur de l'énergie

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au secteur de l'énergie.

Rappel au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au secteur de l'énergie
Articles additionnels avant l'article 1er (début)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour un rappel au règlement.

M. Gérard Le Cam. Mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement de notre assemblée, relatif à l'organisation de nos travaux.

Ce qui n'était, cet après-midi, que rumeur ou « ragots », pour reprendre l'expression de notre rapporteur, M. Poniatowski, se trouve finalement confirmé par les plus récentes informations en notre possession.

Je vous livre ici un extrait du contenu d'une dépêche de l'Agence France-Presse : « La Commission demande aux groupes de céder 35 % de leur capacité d'approvisionnement en gaz, notamment par la vente totale de Distrigaz, filière gazière de Suez en Belgique, [...].

« Bruxelles demande également une ?cession sur une partie du nucléaire belge? de Suez, [...].

« ?Le conseil d'administration a mandaté son président pour poursuivre le processus de fusion, en prenant en compte l'ensemble des éléments constitutifs de la fusion au regard du développement, et l'avenir du groupe?, selon le communiqué de GDF.

« ?Il a constaté que les remèdes à apporter dans le domaine du gaz en Belgique devront vraisemblablement être plus étendus que ceux qui avaient été initialement proposés?, ajoute le groupe. »

Que peut-on dire de plus dans cette affaire sinon que, décidément, ce n'est pas un géant de l'énergie que nous voyons naître sous nos yeux, mais une banale société de plus, dans un secteur énergétique où la concurrence étrangère fera bientôt ses choux gras de cette véritable dilapidation du capital de la nation ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Gérard Le Cam. Que signifie la prise en compte des éléments constitutifs de la fusion et de l'avenir du groupe, selon la formulation retenue par le communiqué du conseil d'administration de GDF ?

Cela veut-il dire qu'il faut gaspiller la trésorerie de Gaz de France dans le paiement de la soulte - on pourrait dire « la dot » - versée aux actionnaires de Suez ? Ou que l'on doit liquider des pans entiers de Gaz de France comme de Suez, au mépris, entre autres, de l'aménagement du territoire et de l'emploi ?

Cela signifie-t-il que l'on doit éloigner un peu plus la perspective d'une extension de la desserte du pays par le réseau public de gaz, faute de disposer sur la durée des moyens pour investir ?

J'insisterai sur un point qui peut passer inaperçu.

Monsieur le ministre, vous avez dit cet après-midi : « La réalité, c'est que nous devons renforcer encore notre sécurité d'approvisionnement. Peu importe que le rapprochement se fasse avec Suez ou une autre entreprise. » Une autre entreprise ? Laquelle donc, monsieur le ministre ?

Il est évident que la solution la plus idoine, susceptible d'ailleurs d'être parfaitement recevable au plan communautaire, est ni plus ni moins la fusion entre Gaz de France et Électricité de France, qui donnerait enfin naissance à un efficace et puissant pôle public de l'énergie !

Voilà bel et bien ce que vous devriez faire si vous persistez à ne pas vouloir suspendre la discussion d'un projet de loi décidément surréaliste !

M. le président. Monsieur Le Cam, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif au secteur de l'énergie
Articles additionnels avant l'article 1er (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant l'article 1er (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er.

Je suis saisi de deux amendements identiques

L'amendement n° 95 est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 602 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard au 1er janvier 2007, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant dans quelle mesure les petites et moyennes entreprises et les ménages tirent pleinement parti du changement de statut d'Électricité de France et de Gaz de France, notamment en ce qui concerne le service public.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n  95.

M. Roland Courteau. Le Gouvernement entend privatiser GDF.

Ce changement de statut aura des conséquences directes sur l'évolution des tarifs. Toutes les études démontrent en effet que la privatisation et la dérégulation entraînent une augmentation du prix des services de l'énergie.

En Angleterre, le prix du gaz est l'un des plus élevés du monde et l'électricité coûte 50 % à 60 % plus cher que dans les autres pays européens.

Actuellement, les tarifs sont fixés en fonction du coût d'approvisionnement, mais aussi de celui du transport, du stockage et de la distribution.

À la suite de cette privatisation, il faudra en outre compter avec les dividendes, la rémunération des actionnaires. J'en veux pour preuve que, lors des six derniers mois, le Gouvernement a accepté une augmentation des tarifs en vue de la privatisation de GDF. Telle est bien la réalité !

Il était en effet essentiel que GDF puisse annoncer de tels profits : dans le cas contraire, il aurait été plus compliqué de négocier la fusion avec Suez.

Par là même, et sans aucun lien direct avec le renchérissement du gaz, ce sont les consommateurs qui ont porté les profits de GDF à hauteur de 1,4 milliard d'euros.

Certes, il existe un tarif social. Mais celui-ci ne concerne que les titulaires des minima sociaux. Pour l'immense majorité des consommateurs, et je pense notamment à nos concitoyens dont les ressources sont simplement modestes, les prix de l'énergie ne cessent d'augmenter, et ils augmenteront encore puisque le Gouvernement et la majorité approuvent l'idée selon laquelle le tarif doit se rapprocher du prix de marché, lequel restera malheureusement tendu durant de longues années.

En outre, comment ne pas être extrêmement inquiets quand on entend les chantres du libéralisme économique dire que l'ouverture à la concurrence du marché européen de l'électricité doit conduire à une baisse des prix, alors même que les entreprises doivent faire face à une hausse vertigineuse des tarifs ?

Cette situation catastrophique a incité le Gouvernement à donner la possibilité à certains clients éligibles de se regrouper, afin d'acheter à moindre coût. Mais cette mesure, qui ne concerne pas les PME, s'est avérée totalement inopérante face à une flambée de l'électricité sur le marché libre, qui a dépassé 100 % dans certains cas.

Ne nous y trompons pas : le premier paramètre pris en compte dans le privé, c'est la satisfaction de l'actionnaire, que retrace le cours en bourse. Or la bourse est l'ennemie de la compétitivité économique, surtout en matière d'énergie.

Si l'on suit cette logique, que deviendront nos entreprises et comment sera garanti l'accès à l'énergie des territoires enclavés ?

Si, aujourd'hui, le service public de l'énergie, qui met à disposition une énergie peu coûteuse, est un facteur de croissance, soyons certains que, demain, cette privatisation constituera un frein à notre développement et un facteur de déstabilisation économique et sociale.

Forts de l'expérience des désastreuses privatisations menées dans nombre de pays, mais également des vives inquiétudes qui se font jour concernant l'évolution tarifaire, et conformément à l'esprit des directives 2003/54/CE et 2003/55/CE relatives aux marchés de l'électricité et du gaz naturel, nous demandons qu'une analyse portant sur les conséquences des changements de statut opérés depuis 2004 soit transmise au Parlement, sur le modèle du rapport transmis par la Commission pour l'information du Parlement européen.

M. le président. L'amendement n° 602 n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 95 ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de ma réponse. Je crois que nous devrions intégrer un nouveau mot dans notre vocabulaire : la « rapportmania », la manie du rapport. Or vous savez ce que j'en pense !

Cher collègue Roland Courteau, vous évoquez de vrais problèmes, qui méritent d'être étudiés de manière réactive. Or la meilleure façon d'être réactif, ce n'est pas de commander des rapports que l'on enterre ensuite dans des tiroirs.

En tant que membre de la commission des affaires économiques, vous savez combien notre président, Jean-Paul Emorine, est réceptif aux demandes d'auditions qui émanent des commissaires de tout bord politique. Voilà une bonne façon d'obtenir des éléments d'information concernant les sujets de fond que vous avez évoqués, notamment la question des prix de l'énergie.

Mais il existe d'autres manières d'être réactif. On peut organiser un colloque d'une journée en invitant divers spécialistes, ce qui permet, là aussi, de recueillir assez rapidement des informations.

Le rapport n'est pas forcément une bonne formule.

En outre, vous réclamez la transmission rapide d'un rapport sur un sujet dont nous débattons en ce moment même !

Pour ma part, je pense que nous allons plutôt procéder à des auditions en commission, comme nous l'avons fait régulièrement tout au long de l'année. À cet égard, le président de notre commission favorise l'audition de personnalités lorsque les questions dont elles sont spécialistes font l'objet d'un texte qui doit être présenté au Sénat ou ont un lien fort avec l'actualité.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Comme je l'ai déjà rappelé, le Gouvernement est désormais tenu d'établir, aux termes de l'article 103 de la loi du 13 juillet 2005, et pour la première fois cette année, un « jaune » budgétaire relatif à la politique énergétique. Par conséquent, le Parlement est informé en la matière, et de façon assez détaillée.

Par ailleurs, les parlementaires peuvent poser toutes les questions qu'ils souhaitent au Gouvernement.

Je suis donc défavorable à cette demande de transmission d'un rapport supplémentaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 96 est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 603 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard au 1er janvier 2007, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport détaillé examinant l'évolution des tarifs du service public de l'électricité depuis l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz et le changement de statut des entreprises Électricité de France et Gaz de France en 2004.

La parole est à M. Michel Sergent, pour présenter l'amendement n° 96.

M. Michel Sergent. Je n'insisterai pas outre mesure, car cet amendement relève de la même démarche que le précédent : M. le rapporteur et M. le ministre vont donc nous objecter que nous réclamons un rapport de plus sur l'évolution des prix dans le domaine de l'électricité et du gaz.

Néanmoins, il s'agit pour nous d'une question de transparence, une transparence qui n'a pas toujours existé dans ce domaine.

La loi du 10 février 2000 a prévu la création d'un Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz, l'ONSPEG, placé sous la présidence de M. Dermagne, président du Conseil économique et social, et dont sont membres un certain nombre d'entre nous. Les décrets d'application ont été pris en 2003, donc sous un gouvernement soutenu par l'actuelle majorité. Or jamais cet organisme n'a disposé des moyens de fonctionner, à tel point qu'en 2005 son président a décidé de le mettre en sommeil. Cet observatoire aurait été pourtant bien utile pour suivre l'évolution des prix de l'électricité, du gaz et des différents services.

Sans doute est-il vrai qu'il existe trop de rapports. Mais, en l'occurrence, un observatoire a été créé, ses responsables ont été désignés ; malheureusement, il ne peut pas fonctionner. Vous conviendrez que la transparence n'y trouve guère son compte !

M. le président. L'amendement n° 603 n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 96 ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Sergent, pour répondre à votre attente, je vais apporter un complément d'information à ce que j'ai évoqué tout à l'heure.

Il se trouve que c'est l'un des membres de votre groupe, M. Pastor, qui a demandé à la commission des affaires économiques d'organiser un débat sur les problèmes que pose l'avenir de l'énergie.

Le président de la commission ayant accédé à cette demande, nous avons retenu l'idée d'une table ronde d'une demi-journée, au cours de laquelle nous inviterons des experts, lesquels peuvent être aussi bien des représentants de la CRE, des représentants d'entreprises nationales ou d'autres. Ce qui n'est pas encore tranché, c'est le point de savoir si nous allons les faire venir successivement ou tous ensemble.

Sachez-le, cher collègue Sergent, cette table ronde, qui doit se tenir avant la fin de l'année, sera ouverte à tous et non pas seulement aux membres de la commission des affaires économiques.

Cette initiative, beaucoup plus vivante et, en tout cas, plus réactive qu'un rapport, répond à votre attente.

La commission est défavorable à l'amendement n° 96.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je voudrais rappeler à M. Sergent qu'il trouvera probablement une réponse intelligible à toutes les questions qu'il se pose dans le rapport de la CRE, disponible sur le site Internet de cette dernière.

Par ailleurs, je suis très heureux que, comme le Gouvernement l'avait demandé au mois de juin à l'Assemblée nationale et au Sénat, des débats soient organisés. Vous aviez participé à ce vaste échange sur toutes les questions, tarifaires et autres, qu'englobe la politique énergétique.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 96.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 97 est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 604 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La recherche de l'efficacité du service public de l'énergie ne peut entraîner la mise en oeuvre d'un dispositif contraire aux principes fondamentaux de durabilité, de continuité, d'adaptabilité et  d'égalité.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 97.

M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit toujours, avec cet amendement, de définir une ligne de conduite, de préciser les contours d'une éthique à laquelle nous tenons fort au moment l'on se prépare à opérer un changement de statut important.

Cet amendement entend réaffirmer les trois principes fondamentaux du service public de l'énergie : la continuité, l'adaptabilité, l'égalité. Nous y avons ajouté la durabilité. En effet, dans ce débat, comment ignorer l'impératif de développement durable ?

À cet égard, il n'est pas question pour nous de nous plier à une sorte de discours obligé, voire à un effet de mode : il s'agit bien à nos yeux d'une nécessité. Car il ne suffit pas de clamer « qu'il y a le feu dans la maison ». Il faut aussi, en toute responsabilité, agir avec détermination, et une majorité de nos concitoyens en sont d'accord.

Face au changement climatique et aux défis qu'il pose, la problématique de l'énergie est en fait au coeur même des enjeux d'aujourd'hui et de demain.

Les nationalisations dans le secteur énergétique et gazier intervenues en France en 1946 visaient à assurer une égalité d'accès à l'énergie, à répondre aux besoins des entreprises et à assurer la sécurité nationale. Ces objectifs, nous en sommes convaincus, sont toujours d'actualité

Au-delà, force est de constater que ces nationalisations ont permis la mobilisation d'investissements massifs. Grâce à ces derniers, notre pays a pu se doter d'infrastructures productrices, qu'il s'agisse de l'hydroélectricité, des centrales au fuel, puis des centrales nucléaires.

Il est clair que seule la puissance publique a été en capacité de relever ces défis sociaux, économiques et de sécurité. Désormais, il lui appartient de relever celui de la durabilité. Pour ce faire, elle peut user de la régulation des normes, des prix ou des quantités globales disponibles.

Si les normes sont indifféremment applicables au secteur privé et au secteur public, il en va autrement des prix ou des quantités disponibles sur le marché.

Or, en la matière, nous savons bien que prévaut la logique du profit, notamment du profit à court terme qui caractérise le capitalisme financier contemporain.

En effet, les structures d'actionnariat existantes, en particulier celles de fonds de pension, ont remanié les échéanciers de retour sur investissement qui, nous l'observons avec effroi, sont de plus en plus courts et portent sur des montants de plus en plus élevés.

Cependant, qui dit durabilité entend adossement à un échéancier qui dépasse largement la périodicité des conseils d'administration des entreprises. Dès lors, il est certain que les fonds privés ne pourront pas suivre réellement des projets qui nécessitent de lourds investissements capitalistiques.

Gageons que, dans le cas où ils y seraient contraints par la réglementation et les normes, les actionnaires n'attendront pas le retour sur investissement, mais « se paieront sur la bête », en l'espèce sur les consommateurs et les entreprises.

Cela semble d'autant plus inéluctable que les contraintes tenant à la prise en compte de l'efficacité dynamique sont très importantes dans un secteur où le changement technique, les fluctuations des prix d'un marché fondé sur le concept de spot gas et les paramètres de temps jouent un rôle déterminant.

La durabilité s'inscrit aussi dans le cadre de l'après- pétrole. Or nous savons tous que cette transition sociétale nécessitera des investissements lourds, notamment dans le secteur de la recherche et du développement, car de nouvelles trajectoires technologiques sont nécessaires pour que soient respectés les engagements environnementaux qui ont été pris.

Seul un fort secteur public de l'énergie aura la faculté de relever ce défi majeur, de porter en 2010 la part de notre production intérieure d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de la consommation, contre 14 % actuellement, et de développer des énergies renouvelables thermiques pour permettre, d'ici à la même date, une hausse de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable.

Dans le très récent rapport d'information sur l'effet de serre, cosigné par Mme la députée Kosciusko-Morizet, en charge de l'écologie à l'UMP, nous pouvons lire que, concernant « les nouvelles technologies de l'énergie, les budgets publics de recherche qui leur sont consacrés sont trop faibles et que le Gouvernement a pris l'engagement de les augmenter significativement ». Bravo !

Or, avec ce texte, non seulement vous privatisez Gaz de France et le soumettez au diktat de la rentabilité immédiate, mais vous préparez aussi la privatisation future d'Électricité de France !

La concurrence exacerbée entre ce nouveau groupe et EDF risque de mettre à mal l'ensemble de notre service public de l'énergie.

À toutes fins utiles, je rappelle que le service public a été, dès le traité de Rome, inscrit au coeur des missions de l'Union européenne, dont il constitue une valeur fondatrice.

Face aux générations à venir, dans un monde qui évolue, notre responsabilité est d'encourager l'adaptation du service public au bénéfice des consommateurs et des citoyens, tout en évitant des réformes radicales qui, telle la vôtre, remettent en cause son esprit même.

Ainsi, sur l'autel des exigences de rentabilité immédiate, sera automatiquement sacrifiée la durabilité.

M. Jean Desessard. C'est clair !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 604.

M. Jean Desessard. Il se trouve, comme par hasard, monsieur le président, que cet amendement est rigoureusement le même que celui qui vient d'être présenté par mon collègue Jean-Marc Pastor, sénateur du Tarn.

M. Roger Karoutchi. Et excellemment présenté ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Il se trouve aussi que M. Pastor a parlé de développement durable et d'énergies renouvelables. Je ne peux que me reconnaître dans ces sujets. (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. En conséquence, je serai bref : je fais mien l'argumentaire de mon collègue. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, nous avons déjà longuement parlé de ce type d'amendements, certes fort intéressants, mais totalement dépourvus de toute portée juridique.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur Pastor, monsieur Desessard, vous demandez, au service public de l'énergie d'être efficace et d'atteindre ses objectifs. Soyez l'un et l'autre rassurés : c'est précisément dans cet esprit qu'ont été conçues les différentes lois concernant le secteur de l'énergie, qu'elles aient été votées par une majorité de gauche, comme celle de 2000, ou par une majorité de droite, comme celles de 2003 ou de 2004.

La commission est défavorable aux amendements nos 97 et 604.

M. Charles Pasqua. Et le Gouvernement aussi !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage en effet l'avis de la commission.

Je rappellerai simplement que l'article 16 de la loi de 2003 comporte une liste plus exhaustive que celle qui figure dans ces amendements. Y sont déclinées des obligations tout à fait concrètes, qui ont été reprises ensuite par les contrats de service public : continuité de la fourniture de gaz, la qualité et du prix des produits et services fournis, etc. Autrement dit, ces amendements sont pratiquement satisfaits.

M. François Loos, ministre délégué. En tout cas, à mon sens, ils sont inutiles.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 97 et 604.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 100 est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 607 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un nouvel article ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 1er de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un alinéa ainsi rédigé:

« Les projets de contrats sont soumis à l'avis des organisations syndicales d'Électricité de France et de Gaz de France, puis des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes sur les questions énergétiques. »

La parole est à Mme Bariza Khiari pour défendre l'amendement n° 100.

Mme Bariza Khiari. La loi d'août 2004 a supprimé les contrats de plan et de groupe, qui fixaient les relations entre l'État et les deux EPIC, ou établissements publics à caractère industriel et commercial. Ils ont été remplacés par des contrats de service public.

À l'époque, nous avions manifesté notre ferme opposition à cette évolution, qui privait le Parlement de la définition même des missions de service public assignées aux deux nouvelles sociétés anonymes EDF et GDF.

S'en remettre à un simple contrat de service public revient à dessaisir le Parlement d'un pouvoir législatif non négligeable lorsqu'il s'agit d'organiser le service public de l'énergie.

Je continue de penser, comme beaucoup de mes collègues, que la définition de telles missions et obligations devrait relever du domaine législatif. Il revient à la loi, et non à l'État, d'un côté, et à des entreprises dont le capital est ouvert à des actionnaires privés ou à des entreprises en voie de privatisation, de l'autre, de définir de telles obligations.

Ainsi figurent notamment dans ces contrats des obligations ayant trait à la sécurité des personnes et des installations, à la continuité de la fourniture de gaz, à la sécurité d'approvisionnement, à l'efficacité énergétique, au développement équilibré du territoire ou encore au maintien d'une fourniture aux personnes en situation de précarité.

Le contenu de ce contrat de service public a fait l'objet de vives critiques et continue de susciter de nombreuses interrogations.

En matière d'évolution des tarifs, dans le contrat de service public de Gaz de France, il est prévu une convergence entre le tarif régulé et les prix de marché.

Monsieur le ministre, était-ce déjà en prévision de la privatisation de GDF que de telles dispositions ont été inscrites au contrat de service public ?

En sera-t-il de même lorsqu'on décidera de privatiser EDF, pour assurer aux futurs actionnaires, dans cette éventualité, que les dividendes seront bien là ?

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons rétablir le Parlement dans ses prérogatives en permettant de soumettre les projets de contrats aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes sur les questions énergétiques.

Nous souhaitons aussi que de tels projets soient, en premier lieu, soumis à l'avis des organisations syndicales d'EDF et de GDF.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 607.

M. Jean Desessard. Après lecture de l'amendement déposé par Mme Bariza Khiari, je m'aperçois que c'est le même ! (Sourires.)

M. Charles Pasqua. Et elle l'a très bien défendu ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Absolument ! En conséquence, je ne pourrais que redire la même chose, et je préfère m'associer à son argumentation.

M. le président. Elle appréciera sûrement, et nous aussi ! (Nouveaux sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Lors du débat sur la loi de 2004, le Parlement a adopté sur mon initiative - j'étais déjà rapporteur - un amendement prévoyant que les contrats de service public seraient soumis, préalablement à leur signature, aux conseils d'administration des entreprises, conseils au sein desquels les salariés sont représentés.

Cela répond déjà à la première partie de ce qui est proposé par nos collègues.

S'agissant des commissions parlementaires permanentes, je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure : elles ont tout loisir d'auditionner le ministre et les présidents des entreprises afin qu'ils s'expliquent devant elles sur tous les sujets, y compris les contrats de service public. Point n'est donc besoin de prévoir un avis préalable de ces commissions.

Notre commission a, par conséquent, émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je m'aperçois que M. le rapporteur a excellemment présenté un avis conforme au mien... (Rires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 et 607.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 99 est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 606 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces contrats et leurs conditions de mise en oeuvre font l'objet d'une évaluation annuelle dans le cadre du rapport sur l'État actionnaire prévu à l'article 142 de la loi n°2001-420 du 15 mars 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

« Ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Cet amendement concerne les contrats de service public entre l'État et Gaz de France, qui sont prévus par l'article 1er de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Ces contrats de service public sont importants. Ils doivent porter notamment sur :

« - les exigences de service public en matière de sécurité d'approvisionnement, de régularité et de qualité du service rendu aux consommateurs ;

« - les moyens permettant d'assurer l'accès au service public ;

« - les modalités d'évaluation des coûts entraînés par la mise en oeuvre du contrat et de compensation des charges correspondantes ;

« - l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz ;

« - la politique de recherche et développement des entreprises ;

« - la politique de protection de l'environnement [...] ;

« - les objectifs pluriannuels en matière d'enfouissement des réseaux publics de distribution d'électricité. »

La stratégie des entreprises publiques et, plus généralement, de l'État actionnaire fait régulièrement l'objet d'interrogations, voire de polémiques. Il en va de même du respect de leurs obligations par l'ensemble des entreprises auxquelles sont confiées des missions de service public essentielles.

L'ouverture du capital d'EDF en 2004 et la privatisation de Gaz de France aujourd'hui soumettent les entreprises à de nouveaux critères de rentabilité et aux exigences d'actionnaires qui ne sont pas forcément soucieux du long terme.

Le respect des objectifs liés à ces missions constitue donc aujourd'hui une question centrale, raison pour laquelle il est proposé ici un mécanisme d'information annuelle du Parlement, permettant une évaluation régulière et transparente.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 606.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, par les hasards de la politique, il se trouve que mon amendement ressemble comme un frère...

M. le président. Comme un frère jumeau !

M. Jean Desessard. ... à celui qui a été déposé par nos collègues socialistes. (Sourires.)

Je ne peux donc que m'associer à l'argumentaire de M. Courteau et je vous demande, mes chers collègues, de voter ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Moi, je demande à MM. Courteau et Desessard de bien vouloir retirer leurs amendements, car il me semble que la publication du rapport annuel sur l'État actionnaire - et nous sommes précisément dans la période où elle doit intervenir - répond déjà à leurs préoccupations.

Bien évidemment, ce rapport traite des entreprises EDF et Gaz de France, et il le fait en abordant systématiquement les aspects qui intéressent nos collègues. Je crois donc sincèrement qu'il n'y a pas lieu de repréciser le champ et la nature du rapport sur l'État actionnaire.

Ce rapport est notamment transmis à la commission des affaires économiques, mais je vous signale, mes chers collègues, qu'il est totalement public et que vous y avez accès par Internet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. J'ajouterai qu'en application de la loi du 9 août 2004 le Gouvernement fournit un rapport triennal sur les contrats visés dans ces amendements.

Le délai de trois ans nous paraît adapté à l'examen de la mise en oeuvre de contrats aussi importants et nous estimons préférable de le conserver. En revanche, si le Parlement le souhaite, des débats sur le thème de l'énergie peuvent être organisés sans qu'il soit pour autant nécessaire de les prévoir dans la loi.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?

M. Roland Courteau. Compte tenu des informations qui viennent de nous être données, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 606 subit-il le même sort ?

M. Charles Pasqua. Sûrement ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. L'amendement n° 99 a été excellemment retiré ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président, je retire également l'amendement n° 606 !

M. le président. Les amendements nos°99 et 606 sont retirés.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 98 rectifié est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 605 rectifié est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le huitième alinéa de l'article 1er de la loi 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi rédigé :

« - l'évolution pluriannuelle des tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz ; »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement est un amendement de cohérence, ce qui, je l'espère, devrait enfin amener M. le rapporteur à émettre enfin un avis favorable.

Il vise à prendre en compte la disparition de la catégorie « clients non éligibles » du fait de l'extension de l'éligibilité à tous les consommateurs, y compris les ménages. La distinction entre clients éligibles et clients non éligibles n'a de ce fait plus de sens.

Il s'agit donc de modifier l'article 1er de la loi du 9 août 2004 pour y intégrer la nouvelle notion de « tarifs réglementés de vente de l'électricité et du gaz ».

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 605 rectifié.

M. Jean Desessard. Il se trouve, monsieur le président, que mon amendement ressemble étrangement à l'amendement qui a été très bien défendu (Sourires) ...

M. Roger Karoutchi. Excellemment défendu ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. ... par Mme Khiari, sénateur de Paris, et je vous demande, mes chers collègues, d'adopter ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, Mme Khiari va pouvoir éprouver une double satisfaction puisque je vais donner un avis favorable sur ces amendements, qui apportent en effet une précision opportune. (Rires et exclamations.)

M. Jean Desessard. J'aurais dû faire un discours plus long ! (Nouveaux rires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement a, lui aussi, compris tout l'intérêt de ces deux amendements ; il remercie leurs auteurs et se rallie à l'avis éclairé de M. le rapporteur. (Nouveaux sourires.)

Mme Bariza Khiari. Ça ne mange pas de pain !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suis tellement étonné qu'un de mes amendements soit accepté dans cette assemblée...

M. Roger Karoutchi. On n'a pas dit qu'on allait voter pour ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. ...que mon groupe devrait peut-être demander une suspension de séance ! Quelle peut bien être la motivation de ces avis favorables ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est louche en effet !

M. Jean Desessard. Me serais-je trompé en déposant cet amendement ? (Nouveaux sourires.)

En tout cas, merci, monsieur le rapporteur, merci, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98 rectifié et 605 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 101 est présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 608 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La mise en oeuvre des obligations de service public relève du principe de subsidiarité et laisse une marge d'appréciation à l'État pour imposer le respect d'obligations aux opérateurs intervenant dans les secteurs de l'énergie, de protection des consommateurs vulnérables, de cohésion sociale et territoriale ou encore de sécurité des approvisionnements.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Cet amendement tend à consacrer le principe de subsidiarité, en précisant que les États conservent leur capacité de fixer des obligations de service public et des tarifs réglementés.

Si l'article 16 du traité établit une responsabilité commune de la Communauté européenne et des États membres pour veiller au bon fonctionnement des services d'intérêt économique général sur la base de principes, tous doivent rester dans les limites de leurs compétences respectives, dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions.

L'appel lancé en septembre par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour le respect du principe de subsidiarité apparaît bien tardif, alors que la Cour de justice des Communautés européennes s'en est déjà largement affranchie à l'occasion de nombreux arrêts qui remettent en cause, pêle-mêle, régies, concessions et sociétés d'économie mixte.

Devant le Parlement européen, José Manuel Barroso a réaffirmé quelques grands principes qui sont désormais à considérer comme acquis. En particulier, il a insisté sur le fait que chaque État membre a le droit, au titre de la subsidiarité, d'organiser les services d'intérêt général selon ses traditions, son histoire et la mentalité de sa population.

Cela couvre notamment le degré d'autonomie des entités régionales et locales, qui jouent dans plusieurs pays un rôle essentiel, mais nous estimons qu'il faut davantage de garanties pour assurer le respect de l'autonomie des autorités locales dans l'organisation des services publics, mise à mal par des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, tel l'arrêt Coname.

C'est justement pour préciser la notion de subsidiarité au regard des principes généraux des traités et du droit européen que nous avons besoin d'un cadre juridique transversal, sans préjudice des directives sectorielles sur les services d'intérêt économique général en réseau.

L'adoption d'une directive-cadre consacrée aux services d'intérêt général sécuriserait la subsidiarité et son exercice par les collectivités locales. Les socialistes proposent non pas d'organiser un camp retranché autour de monopoles nationaux, comme veulent caricaturalement le faire accroire certains, mais simplement d'assurer le respect du principe de libre administration des collectivités locales élues.

La Commission européenne a franchi des étapes encourageantes ces derniers mois, notamment dans sa décision du 28 novembre 2005 sur les compensations de service public, laquelle exempte du régime contraignant des aides d'État de très nombreux services publics locaux et régionaux ainsi que l'hôpital public et le logement social, mais ces avancées restent insuffisantes.

Nous souhaitons qu'une directive-cadre indique qu'est laissé aux autorités compétentes des États membres le soin de définir ce qu'ils considèrent comme des services d'intérêt économique général et leur donne un large pouvoir d'appréciation pour les organiser, les réglementer et les financer. Le régime applicable à ces services ne doit toutefois pas affecter les échanges entre États membres et être contraire à l'intérêt communautaire.

Une fois de plus, l'élaboration d'une directive-cadre paraît essentielle.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 608.

M. Jean Desessard. Il se trouve, monsieur le président, que mon amendement est le même que celui qui a été excellemment défendu par mon collègue Roland Courteau, dont je fais mien l'argumentaire. Je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous invite, moi, à ne pas voter ces amendements dont je souhaiterais le retrait.

D'une part, les directives européennes laissent place à certaines obligations spécifiques des services publics.

D'autre part, rien n'interdit que la loi française complète les directives sur ce point. C'est ce que font déjà de nombreuses dispositions, qu'il s'agisse du tarif social, de la qualité de la distribution d'électricité ou du développement des réseaux.

S'agissant plus particulièrement d'un point sur lesquels les amendements insistent, à savoir la protection du consommateur, je renvoie à l'article 13 du projet de loi, article que nous allons examiner un peu plus tard et qui contient un dispositif tellement précis en la matière que, pour une fois, c'est non pas le Parlement mais le Gouvernement qui s'est laissé entraîner à légiférer dans un domaine qui, à mes yeux, est quasi réglementaire.

Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de la défense du consommateur, de sa protection et de l'information qu'il faut lui fournir, l'article 13 va donc très loin et recouvre au moins un des aspects qu'ont à coeur les auteurs des amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 101 et 608.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 102, présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Toute évolution du service public de l'énergie se fait en concertation avec les personnels.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 102.

M. Roland Courteau. Récemment, devant le Conseil économique et social, le Président de la République a prononcé un discours qui, je l'espère, sera suivi d'effet !

Il y déclarait notamment : « Aujourd'hui, il faut franchir une étape décisive : placer les partenaires sociaux au coeur de l'élaboration des normes et des réformes sociales.

« C'est un choix de société. C'est indispensable pour poursuivre la modernisation de notre pacte social. »

Il ajoutait : « Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu. »

Ces déclarations viennent bien tardivement ! C'est dommage, car, si ces préconisations avaient été formulées plus tôt, peut-être le Gouvernement aurait-il pris conscience qu'une très large majorité de nos concitoyens et des personnels concernés est opposée à ce projet de loi dangereux.

Cet amendement vise à réaffirmer le principe qui a fait le succès d'EDF et de GDF, et qui constitue une originalité de la filière énergétique nationale, principe selon lequel les évolutions du service public de l'énergie se font en concertation avec les personnels.

Ce principe a été inscrit dans la loi à la Libération et il ne devrait pas faire débat !

En la matière, il ne s'agit nullement de remettre en cause les prérogatives du Parlement, mais de recueillir le sentiment des personnels préalablement à toute modification du service public de l'énergie.

Cette logique de concertation est au centre de la vie et du développement de toute entreprise, notamment lorsqu'il s'agit des services publics.

Concernant le contrat de travail, cette approche avait en son temps été défendue et promue par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre. Il l'avait fait inscrire dans la loi. Cependant, son successeur, le promoteur du CPE, s'en est très vite affranchi.

Il reste que, dans le cas de Gaz de France, l'apport des personnels à l'évolution technique, stratégique et de développement a toujours constitué une plus-value remarquable.

C'est très certainement la raison pour laquelle, à l'occasion de l'ouverture du capital, une concertation avait été effectuée et que, par la suite, le ministre de l'époque, M. Sarkozy, avait écrit aux responsables salariés que la participation de l'État ne descendrait pas en dessous du seuil de 70 %.

Cet esprit de concertation, les gaziers y sont attachés. J'en veux pour preuve le récent référendum qui a mobilisé 60 % d'entre eux en une seule journée et à l'occasion duquel 95 % des votants avaient émis un avis hostile à la privatisation.

Malheureusement pour ce texte périlleux, aucune concertation n'a eu lieu.

Pour autant, sachez que ce personnel, que l'on a parfois tendance à oublier et à considérer comme une simple variable économique parmi tant d'autres, est inquiet.

Croyez-vous que les salariés actionnaires voient d'un bon oeil Suez faire main basse sur le fruit de leur travail afin de mieux pouvoir partager sa dette de 16 milliards d'euros ?

Quant aux simples salariés, comment pourriez-vous imaginer qu'ils ne sont pas inquiets des répercussions sociales de cette fusion ?

Considérez-vous que les personnels de GDF sont assez irresponsables pour ne pas se poser de questions sur les conditions dans lesquelles se dérouleront les opérations de démantèlement, d'entretien ou de maintenance des centrales nucléaires quand la seule logique qui prévaudra sera celle du moindre coût et de la rentabilité maximale ?

De même, si vous aviez mené cette concertation, vous vous seriez rendu compte que cette fusion dont vous ne cessez de vanter les mérites ne constituait pas une entité industrielle cohérente.

Il n'y a pas eu de réelle concertation, vous le savez bien, puisque les projets de remplacement que proposaient les formations syndicales n'ont été rendus publics à aucun moment. En effet, les auditions à l'Assemblée nationale se sont parfois tenues à huis clos !

Bref, parce que nous avons une autre conception du dialogue social, mais également de la démocratie en entreprise, conception qui ne se satisfait pas de mots, nous entendons que les personnels de services publics soient effectivement consultés à chaque évolution.

M. le président. L'amendement n° 609, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Toute évolution du service public de l'énergie se fait en concertation avec les personnels, les représentants des usagers et les associations de défense de l'environnement.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Comme vous l'avez noté, monsieur le président, il se trouve que l'amendement n° 609 n'est pas identique à l'amendement n° 102, même s'il en est proche, ...

M. Charles Pasqua. Que s'est-il passé ? Une brouille ? (Sourires.)

M. Jean Desessard. ... et je félicite le service de la séance de sa vigilance : il a bien repéré que, parmi une liasse de couples d'amendements identiques, il en était certains qui ne l'étaient pas tout à fait.

En quoi cet amendement introduit-il une petite nuance par rapport à l'amendement n° 102, très bien défendu par mon collègue Roland Courteau ? Cette nuance ne porte pas sur la nécessité de la concertation ni sur le rôle des salariés dans cette dernière ! Évidemment, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous sommes d'accord sur ce point, et nous allons voir dans quelques instants si nous sommes d'accord dans tout l'hémicycle !

La nuance porte sur la consultation des représentants des usagers et des associations de défense de l'environnement. En effet, les sénatrices et le sénateur verts considèrent que, aujourd'hui, ces représentants et associations doivent prendre part à la concertation sur l'évolution du service public de l'énergie, qu'ils doivent exprimer également leurs souhaits, tant ce sujet est crucial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'amendement n° 102 ne précise pas de quels personnels il s'agit.

Cette observation de forme n'est pas un appel à une rectification, car, de toute façon, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon, vous n'êtes pas favorable à la concertation ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cette concertation a eu lieu, je veux le rappeler !

La définition des missions de service public s'opère par la loi. Or, chaque fois qu'un texte relatif au secteur de l'énergie a été soumis au législateur, les rapporteurs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et toutes tendances politiques confondues, ont eu à coeur d'auditionner toutes les organisations syndicales.

Bien entendu, je me suis moi-même livré à cet exercice, considérant que c'était mon rôle normal, et je pense avoir tenu compte de leurs avis dans l'élaboration de mon rapport comme dans la rédaction d'un certain nombre d'amendements.

En tout était de cause, je laisse au Gouvernement le soin de préciser l'importance que revêt à nos yeux la concertation tant il est vrai que ce dernier a fait à cet égard beaucoup plus que la commission, car il a entrepris ce travail de concertation bien plus en amont.

M. Jean Desessard. Le personnel, ce n'est pas le directeur de l'entreprise !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 609, il introduit effectivement une petite nuance, qui n'a nullement échappé à la commission.

Monsieur Desessard, lors de ses auditions, la commission a également reçu les associations de consommateurs.

En revanche, mea culpa, nous n'avons reçu aucune association de défense de l'environnement. Mais il est vrai qu'elles ne sont pas vraiment concernées par le texte et que je n'ai reçu de leur part aucune demande !

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Comme l'a dit M. Courteau, le Président de la République a rappelé dernièrement devant le Conseil économique et social qu'il ne fallait pas légiférer en matière sociale sans avoir au préalable instauré le dialogue social indispensable.

Nous avons mis en application ce principe lors de la préparation de ce texte.

Dès l'annonce de l'intérêt de l'État pour la fusion entre Gaz de France et Suez, Thierry Breton et moi-même avons rencontré toutes les organisations syndicales des deux entreprises.

Nous avons réalisé un travail approfondi puisque nous avons d'abord délimité le champ de toutes les questions qui se posaient. Nous sommes arrivés, si mes souvenirs sont exacts, à soixante-dix-sept questions, auxquelles nous avons d'abord apporté des réponses écrites et sur lesquelles nous avons ensuite eu des échanges avec chaque organisation syndicale.

Cet exercice a été particulièrement ample dans sa durée, mais aussi par l'importance des réflexions qu'il a fait naître chez les uns et chez les autres. Le dialogue a été donc été tout à fait riche.

C'est de cette façon-là que nous devons travailler, car nous avons tous à y gagner.

Cela dit, le fait d'inscrire ce principe dans ce texte de loi n'apporte rien, ...

Mme Nicole Bricq. Ne pas l'inscrire enlève tout !

M. François Loos, ministre délégué. ...d'autant que la formulation que vous avez retenue, monsieur Courteau, apparaît comme beaucoup trop vague.

En ce qui concerne l'amendement n° 609, je tiens à dire que les associations de défense de l'environnement et les représentants des usagers, dans la mesure où ils siègent au travers du Conseil supérieur de l'énergie ont, eux aussi, par ce biais, été consultés lors de la préparation de ce texte ; ils y ont réfléchi au mois de juin ou de juillet, c'est-à-dire à un moment où la rédaction du projet de loi allait de pair avec la consultation du Conseil supérieur de l'énergie, laquelle a effectivement permis de préciser un certain nombre d'aspects du projet de loi.

Là encore, effectivement, cette méthode de concertation approfondie, réelle et sincère a été très utile.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 102.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons bien entendu en faveur de ces deux amendements.

Je dois dire, monsieur le ministre, que votre réponse nous conforte dans cette position. On voit bien qu'il y a nécessité d'organiser la concertation avec les personnels et, éventuellement, avec les associations de défense de l'environnement et les représentants des usagers.

Dans la mesure où le Président de la République a fait un grand discours en faveur du dialogue social, vous ne pouvez évidemment pas vous prononcer contre le dialogue social !

Pourtant, lorsque vous nous parlez de dialogue social, lorsque vous nous dites que vous avez consulté les organisations syndicales et tutti quanti, nous mesurons le décalage total qui existe entre ce que vous appelez et ce que nous appelons le dialogue social. Pour nous, le dialogue social est un dialogue qui donnerait de réels moyens d'intervention et du pouvoir aux représentants des salariés, des associations, des usagers !

Par ailleurs, je rappelle que 94 % des salariés sont résolument contre votre projet. Or cela ne ressort absolument pas au terme de votre concertation !

Ces amendements sont donc des amendements d'appel à l'organisation d'une authentique concertation, dans des conditions qui seraient précisées par la loi ou par décret, pour chaque changement de statut des entreprises publiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 609.

M. Jean Desessard. J'avais cru comprendre que M. le ministre considérait la concertation du mois de juillet comme positive et que, après avoir entendu plusieurs associations de défense de l'environnement, d'associations de défense des usagers, cela avait induit un certain nombre de modifications dans le texte.

Je me demande donc pourquoi M. le ministre refuserait cet apport positif pour l'avenir. Si certaines des missions de service public qu'envisage ce texte peuvent, dans le futur, être améliorées par la concertation, pourquoi s'en priver ?

Si, comme je crois l'avoir compris, M. le ministre s'est félicité de la concertation qui a eu lieu avec les associations de défense de l'environnement et les associations d'usagers au mois de juillet 2006, pourquoi n'en irait-il pas de même en juillet 2007, en août 2008 ou en septembre 2009, etc. ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 609.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 103 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud- Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 610 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene- Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er janvier 2007, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les mesures prises pour éviter et faire face aux ruptures de fournitures d'électricité.

La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l'amendement n° 103.

M. Daniel Reiner. Cet amendement ne cède en rien au syndrome de la « rapportmania » qu'évoquait notre rapporteur tout à l'heure. En effet, le rapport que nous demandons au Gouvernement de transmettre au Parlement n'est pas annuel : c'est un rapport unique qui devra être rendu avant le 1er janvier 2007 afin que nous puissions connaître les mesures prises pour éviter les ruptures de fourniture d'électricité, ou, à défaut, y faire face.

Cela n'a rien d'anodin puisque la fourniture d'électricité relève du service public et que l'un des principes de celui-ci est la continuité. Dès lors, toute rupture pose des problèmes graves et je voudrais attirer l'attention de nos collègues sur le fait que des cas de rupture quasi historiques se sont produits dans des systèmes qui viennent d'être libéralisés ; je pense à la crise californienne et, d'une manière générale, aux secteurs déréglementés aux États-Unis. D'ailleurs, un certain nombre d'États de ce pays ont refusé de déréglementer compte tenu des résultats assez catastrophiques auxquels a conduit la dérégulation du secteur de l'énergie dans d'autres États.

Nous avons nous-mêmes connu des crises énergétiques graves, ou tout au moins nous avons failli en connaître. C'est ainsi que, au mois d'août 2003, nous avons été à deux doigts de manquer d'électricité et je me souviens qu'à l'époque EDF avait dû aller sur le marché acheter des kilowattheures à un prix qui défiait toute raison. Cela prouve, s'il en était besoin, que le risque existe bel et bien.

L'État a sans doute pris conscience de ce risque, mais ce que nous demandons, c'est que, avant une modification fondamentale du secteur de l'énergie, en particulier par la privatisation de certaines de ses entreprises, un point soit fait sur la question de la sécurité et de la continuité, et cela sur deux plans.

Le premier plan est celui de l'interconnexion des réseaux. Ce serait une occasion opportune de présenter le plan européen en la matière, la sécurité des uns dépendant naturellement de celle des autres.

Le second plan est le plan local. En effet, notre amendement est aussi un amendement de précaution, car il peut arriver qu'il y ait rupture dans la continuité. Or, dans ce cas, personne ne sait exactement ce qui se passe. Sans doute la protection civile dispose-t-elle de certains plans, même si ce n'est pas toujours clair, mais, à l'échelon national, nous n'en avons pas connaissance.

Je prendrai un exemple éclairant pour l'ensemble de mes collègues. En 1999, la Lorraine, dont je suis un élu, a connu une terrible tempête qui a mis à bas un nombre considérable de pylônes électriques. Je puis vous garantir qu'il n'a pas été simple de rétablir l'électricité ! EDF a fait le maximum en la circonstance et, si nous avons tous salué à la fois le dévouement et la performance des employés de l'entreprise, il n'en demeure pas moins que nombre de quartiers ou de villages, sans oublier beaucoup de petites entreprises, sont restés pendant cinq ou six jours sans électricité.

Il ne serait donc pas inutile, me semble-t-il, que dans un texte à portée nationale, soient recensées toutes les initiatives locales - départementales en l'occurrence, puisque cela relève du préfet -, afin de connaître les dispositifs existants en cas de rupture de continuité. Où sont les groupes électrogènes et comment les mobilise-t-on ? Dans quelle mesure peut-on faire appel à l'armée ?

Étant maire à l'époque dont je parle, je n'ai pas eu le sentiment que toutes les précautions avaient été prises et nous avons dû beaucoup improviser. Je croyais que cela avait servi de leçon, mais je ne suis pas sûr qu'il en soit ainsi !

Tel est l'esprit de ce rapport que nous souhaitons et qui pourrait d'ailleurs prendre la forme d'une communication à l'occasion de l'examen du budget de l'énergie dans la loi de finances, rapport dont l'objet serait de nous faire savoir comment on fait en sorte que le service public d'électricité sera continu.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre l'amendement n° 610.

M. Jean Desessard. Cet amendement étant identique à celui que vient de présenter mon collègue Daniel Reiner, j'estime qu'il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Chers collègues Reiner et Dessessard, la demande que vous formulez est parfaitement justifiée.

Cela étant dit, sincèrement, il me semble que nous avons déjà à notre disposition un instrument très précis et très pertinent. Dès lors, je crois vraiment que le rapport que vous souhaitez n'est pas nécessaire.

Cet instrument, qui est un document public, n'est autre que ce que l'on appelle le « bilan prévisionnel de l'équilibre offre/demande », réactualisé chaque année par RTE. Or que fait ce dernier sinon s'occuper, non pas exclusivement mais avant tout, des problèmes que vous avez évoqués, à savoir les pics ou les insuffisances concernant le réseau.

Il ne s'agit donc en aucune manière d'un bilan annuel rédigé en langue de bois, mais bien d'un instrument tout à fait objectif.

Je mentionnerai à cet égard le dernier bilan prévisionnel de l'équilibre offre/demande qui a notamment été transmis au ministre, mais auquel nous avons accès les uns et les autres, puisqu'il est public. Pour ce faire, je vous renvoie à la page 18 de mon rapport écrit. Selon RTE, « des besoins de production supplémentaires seront nécessaires pour un automne 2009, pour un niveau évalué à 800 mégawatts ; à partir de 2010, les besoins indispensables pour maintenir la sécurité de l'approvisionnement seront de 1 000 à 1 200 mégawatts supplémentaires par an. »

Ce bilan, après avoir analysé des zones géographiques qui connaissent des insuffisances et où les pointes de consommation posent de graves problèmes, permet d'alerter les autorités compétentes et de les inciter à consentir les investissements nécessaires là où la situation l'exige.

Par conséquent, nous disposons véritablement d'un instrument qui, certes, est peut-être plus technique que celui qui est souhaité à travers ces deux amendements, mais se révèle fort utile et répond aux préoccupations de leurs auteurs.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, messieurs Reiner et Desessard, de bien vouloir retirer vos amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je tiens à remercier M. le rapporteur d'avoir évoqué le bilan prévisionnel de l'équilibre offre/demande réalisé par RTE.

À partir de ce document, le ministère de l'industrie a pu établir la programmation pluriannuelle des investissements, que j'ai d'ailleurs transmise au Parlement et dont le Sénat a dû recevoir une dizaine d'exemplaires. Par la suite, j'ai pris un arrêté relatif à cette programmation pluriannuelle des investissements, qui a été publié le 7 juillet 2006. Grâce à cet arrêté, j'ai pu déclencher des appels à projets pour les quantités d'énergie électrique de tel ou tel type de production qui se révélerait insuffisant au niveau national ou en tel ou tel point de notre territoire.

C'est donc à partir de là que sont déclenchés les appels à projets pour les biomasses, pour l'éolien en mer, etc., et que l'on peut agir concrètement pour mettre en place les investissements nécessaires afin de faire face à tout risque de rupture existant au vu des différents scénarios analysés.

Aussi, monsieur Reiner, puisque vous souhaitez voir cette information portée à votre connaissance, je vous transmets volontiers l'exemplaire que j'ai sous les yeux, quitte à ce que vous me le prêtiez par la suite si, d'aventure, j'en avais besoin au cours de la soirée. (M. le ministre fait parvenir le document à M. Daniel Reiner.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J'ai eu l'occasion, hier soir, de voir le film d'Al Gore intitulé Une vérité qui dérange. Nombreux étaient les sénateurs socialistes, communistes, UMP, UDF, ainsi que des députés UMP, UDF, radicaux, communistes, socialistes et écologistes, à assister à cette projection, et je tiens à remercier M. le président de l'Assemblée nationale de l'avoir organisée en présence de l'ancien vice-président américain.

Or que nous a dit ce dernier ? Que le réchauffement climatique était inexorable !

M. Jean Desessard. Cela ne signifie pas que l'on aura plus chaud dans quelques années ; cela veut dire tout simplement que la planète est en danger si l'on ne change pas notre façon de consommer et de produire. J'invite ceux qui n'ont pas vu le film à le voir ; nous pourrons ensuite, j'en suis persuadé, discuter ensemble des problèmes d'énergie d'une autre façon !

Pour en revenir à ce que vient de nous dire M. le rapporteur, je lis le dernier alinéa de la page 18 du rapport de la commission des affaires économiques : « Si les leçons de la panne de 1978 ont été tirées, ainsi qu'en témoigne la résistance du réseau français à la tempête de l'hiver 1999, la France ne peut compter sur son propre parc de production pour franchir les pics de consommation. Même si les centrales nucléaires françaises fournissent de l'électricité en niveau suffisant pour la consommation ?de base?, nos moyens de production en pointe sont, quant à eux, insuffisants pour satisfaire la demande en cas de grand froid ou de canicule. La chute des températures cet hiver a entraîné, le 27 janvier 2006, un nouveau record de consommation, le neuvième depuis la création de RTE en 2001. En effet, une baisse d'un degré provoque une hausse de la consommation de 1 450 mégawattheures, soit l'équivalent de la demande d'une agglomération comme Lyon. »

Autant je suis d'accord avec ce paragraphe, autant les trois premières lignes de la page suivante me posent un problème : « En conséquence, pour écarter tout risque de rupture de l'équilibre du système électrique, comme celui qui a frappé l'Italie le 28 septembre 2003, il est indispensable d'augmenter les capacités d'investissements. »

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'EPR, mon cher collègue !

M. Jean Desessard. Je dois avoir mal entendu !

Je reconnais, monsieur le rapporteur, que vous vous êtes livré à une analyse tout à fait fine de la situation. Toutefois, compte tenu du réchauffement climatique, nous connaîtrons de plus en plus de problèmes de canicule en été et de grand froid en hiver ; en d'autres termes, nous allons devoir faire face à des turbulences climatiques importantes, et nous serons toujours en décalage par rapport aux besoins, car nous n'arriverons jamais à répondre aux pics de consommation.

Pour parer à ce problème, on nous propose de créer des investissements surdimensionnés pour seulement cinq ou dix jours par an ! Ne ferait-on pas mieux de se poser la question de savoir comment réduire ces pics de consommation pour ne pas avoir à réaliser de gros investissements sur une durée si courte ?

La réponse apportée par le Gouvernement est donc pour le moins inadéquate. En effet, alors que vont se poser de plus en plus de problèmes dus au réchauffement climatique, au lieu de lutter contre ce phénomène, on tente de s'y adapter en mettant en place des équipements de plus en plus lourds, qui ne fonctionneront que dix jours par an ! Il s'agit là, ni plus ni moins, de gaspillage. N'y a-t-il donc pas d'autre façon de raisonner ?

Selon nous, l'intérêt d'un rapport ne consiste pas simplement à souligner que des problèmes se sont posés lors de la canicule tel été ou parce qu'il a fait froid tel hiver, autant de phénomènes qui ont entraîné des pics de consommation. Il nous faut désormais pouvoir disposer de rapports prospectifs sur les dix ou vingt années à venir pour savoir quelles vont être les incidences climatiques du réchauffement de notre planète. Tels sont les rapports dont nous avons aujourd'hui besoin.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 610.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Courteau,  Reiner,  Raoul,  Pastor,  Repentin,  Ries,  Teston et  Bel, Mme Bricq, MM. Sergent,  Rainaud,  Piras,  Dussaut,  Mélenchon et  Tropeano, Mmes Alquier,  Herviaux,  Printz,  Demontès et  Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

  Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I - Électricité de France et Gaz de France sont fusionnés au sein d'une holding  dénommée « Énergie de France » qui bénéficie du statut d'établissement public industriel et commercial. 

L'ensemble des biens, droits et obligations, contrats et autorisations de toute nature de ces entreprises est attribué de plein droit à « Énergie de France ».

II - Ce pôle public de l'énergie concentre l'ensemble des moyens des deux entreprises non transférées aux filiales. Elle est l'employeur de l'ensemble des agents des deux entreprises publiques, ce qui leur garantit le maintien général du statut des industries électriques et gazières (IEG). Elle assure le pilotage stratégique et opérationnel du groupe.

Le pôle public est composé, d'une part, des gestionnaires de réseaux dont le capital est à 100 % public :

- les deux gestionnaires des réseaux de transport électricité (RTE) et gaz : exploitation et maintenance du réseau public, sûreté de fonctionnement, ajustement à la consommation, accès équitable à tous les fournisseurs ;

- les deux gestionnaires des réseaux de distribution électricité et gaz : gestion des actifs en concession, relation avec l'autorité de régulation ;

- le service commun aux deux précédents (EDF GDF Distribution) : exploitation et maintenance des réseaux, construction et entretien des ouvrages, relation quotidienne avec les clients.

D'autre part, le pôle public regroupe les activités de production-commercialisation d'électricité et la filiale d'approvisionnement et de commercialisation du gaz, ainsi que notamment la filiale internationale qui regroupe les moyens nécessaires aux partenariats à l'étranger. La société mère détient 100 % du capital de la première et au moins la majorité du capital de la seconde.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement a pour objet de créer un pôle public de l'énergie, sous la forme d'une holding regroupant les différentes activités de Gaz de France et d'EDF en un seul établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « Énergie de France ».

En effet, le développement d'un projet industriel cohérent passe nécessairement, selon nous, par le rapprochement de ces deux entreprises au sein d'un EPIC, notamment pour permettre à la France de faire face aux enjeux énergétiques, environnementaux, et de service public de demain.

Pour les pouvoirs publics, il s'agit du seul moyen d'assurer la mise en oeuvre de la politique énergétique définie par le Parlement. Au contraire, le morcellement des activités énergétiques, le démantèlement des services publics, tel qu'il est prévu dans le présent projet de loi, serait contraire à l'intérêt général.

Monsieur le ministre, comme je le soulignais lors de la discussion générale, compte tenu du périmètre que vous proposez pour la nouvelle entité, GDF jouera les « chevaliers blancs » au profit de Suez et le futur groupe sera le cheval de Troie qui fragilisera EDF. Tout ce montage ne sert qu'à faire passer l'intérêt des actionnaires avant celui de la collectivité !

Électricité de France et Gaz de France, regroupés au sein d'un même EPIC, ont donc, plus que jamais, vocation à exercer, dans le respect de l'intérêt général, les missions essentielles du service public de ce secteur, à savoir l'égalité des territoires et des citoyens dans l'accès à l'énergie, la sécurité d'approvisionnement, l'indépendance énergétique, le maintien d'un haut niveau de sûreté, notamment dans le domaine nucléaire, la lutte contre l'effet de serre, la maîtrise des technologies d'avenir et aussi celle de la demande.

Au contraire, votre projet de fusion entre Suez et GDF, n'est pas sous-tendu par un authentique projet industriel. Il ne signifierait pas un vrai changement d'échelle pour GDF, qui constitue déjà l'une des plus importantes compagnies gazières du monde et l'une des mieux intégrées de l'amont vers l'aval.

Dans ce secteur, Suez est trois fois plus petit, et même quatre fois plus petit si l'on fait abstraction du gaz destiné à la production d'électricité. Cette entreprise est un distributeur important en Belgique, mais marginal en France.

La fusion avec Suez n'apportera aucune réponse au problème de GDF, qui n'est pas le manque d'argent, mais le défaut de projets industriels, notamment dans le domaine de l'exploration-production gazière.

Par ailleurs, l'autoproduction ne représente encore que 10 % du gaz vendu par GDF. À cet égard, votre projet ne crée aucune synergie, car Suez n'a jamais investi dans l'amont gazier, en vue d'un accès plus large aux gisements.

Dans votre projet, la logique financière prime sur la logique industrielle. En réalité, la fusion entre Suez et GDF est surtout une opération financière, conçue pour permettre à Suez d'alléger le poids de sa dette en absorbant les marges financières de GDF, qui proviennent de résultats financiers élevés et en forte croissance, ainsi que d'un endettement faible. De là votre proposition de holding.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'ai déjà évoqué cette question maintes fois, notamment au cours de la discussion générale, et je n'ai pas été le seul ! Les ministres aussi se sont exprimés sur ce sujet, de même qu'un grand nombre d'entre vous.

Disons-le franchement, nous ne sommes pas d'accord, c'est tout ! Vous pensez que la fusion de Gaz de France avec EDF est possible ; nous sommes convaincus du contraire ! Je crois que vous commettez une erreur et risqueriez de démanteler nos deux opérateurs historiques car, vous le savez bien, il faudrait abandonner un grand nombre d'actifs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, cela ne tient pas !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'insisterai seulement sur un élément : vous affirmez, chers collègues de l'opposition - j'ai entendu cet argument au moins cinq ou six fois - que le cas d'EDF et de GDF n'a rien à voir avec celui d'Électricité du Portugal et de Gaz du Portugal.

Or c'est tout le contraire ! Ce n'est pas la dimension des entreprises des deux pays qui est en cause ; j'en conviens, sur ce plan, les groupes français et portugais n'ont rien à voir. En revanche, ils sont similaires, et la réponse de Bruxelles sera donc identique, par la situation de monopole qu'ils exercent sur leurs territoires nationaux respectifs.

Vous le savez, mes chers collègues, dès lors qu'il y a accentuation d'une position monopolistique, les contraintes fixées par Bruxelles sont encore plus fortes.

Mme Bariza Khiari. Vous ne l'avez pas demandé à Bruxelles !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cela dit, comme cette proposition fera partie de votre programme lors des échéances électorales à venir, vous vous y tenez, c'est clair, et vous y préparez l'opinion publique.

Nous ne nous entendrons pas sur cette question. Notre désaccord est total, et la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Je me suis déjà exprimé plusieurs fois sur ce sujet, et je ne dispose pas de meilleurs arguments que ceux que M. le rapporteur vient d'avancer. Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.

Il n'est pas bien, me semble-t-il, de faire croire aux Français qu'une fusion EDF-GDF est possible, car ce n'est pas vrai ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq. Tant que nous n'avons pas essayé, nous n'en savons rien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Lors de la discussion générale, j'ai eu l'occasion d'évoquer cette solution de rechange proposée par nos collègues de gauche.

M. le rapporteur et M. le ministre ont parfaitement expliqué que cette opération était impossible.

M. Roland Courteau. Ils n'ont rien expliqué du tout !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne reprendrai pas cette démonstration. Je soulignerai pour ma part que cette opération ne serait pas bonne sur le plan industriel.

En effet, le véritable problème auquel nous sommes confrontés pour les vingt prochaines années est l'encerclement des pays européens par l'alliance entre Gazprom, d'une part, qui dispose de vastes réserves de gaz, et Sonatrach, d'autre part, qui exploite l'ensemble des gisements algériens.

Où se trouvent concentrées les autres poches de gaz dans le monde ? En partie en Norvège, dans la Mer du Nord, en Afrique, en Égypte et dans quelques autres régions.

M. Jean Desessard. Vous oubliez le Qatar !

M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai entendu notre charmante collègue affirmer que Gaz de France était une entreprise intégrée de l'amont vers l'aval. Or, j'en suis navré, chère madame, il se trouve que, en l'occurrence, il n'existe plus d'amont parce qu'il y a plus de production sur le sol national !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Y en aura-t-il davantage avec Suez ?

M. Jean-Pierre Fourcade. Aucune intégration n'est donc possible. Aujourd'hui, l'important est de retrouver une capacité de production de gaz, ...

M. Roland Courteau. Ce n'est pas avec Suez que vous y parviendrez !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... qui s'ajoutera à la technologie et aux carnets de clientèle de Gaz de France, afin de créer un groupe capable de se défendre face à Gazprom et à Sonatrach.

Or, aujourd'hui, sur le marché, à part M. Pinault, qui formule des propositions et voudrait s'allier avec les Italiens - ce qui constitue une autre combinaison -, et à part Total, qui dispose quelques réserves de gaz dans son portefeuille mais qui, pour l'instant, ne joue que la carte pétrolière et ne souhaite pas se lancer dans la distribution du gaz, il ne reste que Suez, qui, comme Gaz de France, est intéressé par des terminaux de gaz liquide.

Il est totalement faux d'affirmer, comme je l'ai entendu, que la fusion proposée, ou plus exactement la réduction de la part de l'État dans le capital de Gaz de France afin de permettre à cette entreprise de conclure une alliance avec Suez, ne participe que d'une logique financière. En effet, c'est la seule solution industrielle dont dispose Gaz de France pour retrouver des capacités de réserve, ...

Mme Nicole Bricq. Il en existe déjà !

M. Jean-Pierre Fourcade. ... assurer la sécurité de ses approvisionnements et peser sur le marché du gaz.

Mes chers collègues, il ne faut donc pas faire croire que la fusion avec EDF constitue une solution miraculeuse. En fait, elle n'est intéressante que si l'on adhère à votre conception du service public.

La solution industrielle consiste à associer à Gaz de France, qui ne dispose plus de gisements nationaux, une entreprise qui lui apportera des capacités de production en Europe ou en Afrique et qui, de ce fait, lui permettra de résister sur le marché gazier international. Il me paraît un peu bizarre que certains n'aient pas perçu cette vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous noyez dans vos arguments ! Vous faites de la brasse coulée !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ce matin, dans un grand journal qui n'est pas réputé être favorable au Gouvernement, il y avait sur ce sujet un article tout à fait intéressant d'un chercheur, M. Noël. Il est bon qu'à droite et à gauche des gens partagent la même position.

M. Jean Desessard. Libération a été racheté ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Le rapprochement entre EDF et Gaz de France n'a aucun sens sur le plan industriel. En revanche, il n'en va pas de même d'une alliance entre Gaz de France et Suez, ou entre Gaz de France et Total - car cette solution aussi est envisageable. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

C'est pourquoi je voterai contre l'amendement n° 104.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je voudrais avancer un autre argument pour défendre l'amendement n° 104, en montrant que la création du pôle public répond, selon nous, à une véritable logique industrielle, contrairement à ce qu'affirme M. Fourcade.

Depuis 1946, et jusqu'à une date récente, EDF et GDF ont travaillé de façon coordonnée, notamment au sein de leurs services communs de distribution, forts de 58 000 agents, dont l'avenir est d'ailleurs aujourd'hui compromis par ce projet de loi. Durant de nombreuses années, les deux entreprises ont su proposer à leurs clients des offres duales, couplant la fourniture de gaz et d'électricité.

Le pôle public que nous préconisons préserverait l'avenir d'EDF, qui ne dispose pas d'autre perspective pour assurer son indispensable développement dans le secteur du gaz.

À l'inverse, le projet de fusion qu'envisage le Gouvernement et qui suscite l'enthousiasme de M. Fourcade fait totalement l'impasse sur le développement du groupe qui est aujourd'hui numéro 1 sur le marché européen de l'électricité, en le mettant en compétition, sur son marché domestique, avec un nouveau champion européen, constitué par la fusion de Suez et de GDF. Cela étant, en parlant de nouveau champion européen, j'exagère peut-être un peu, compte tenu des sessions d'actifs auxquelles devront se livrer GDF et Suez, et qui ont été annoncées dans la journée.

Le pôle public permettrait de concentrer les ressources financières des deux groupes sur la planification des investissements indispensables à l'accroissement des capacités de production, mais aussi sur les activités de transport, de distribution et de recherche, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.

Il pourrait également sécuriser le développement de la filière nucléaire française, dont l'efficacité économique repose sur l'existence d'un opérateur public unique pour l'exploitation du parc de production le plus important du monde, soit 58 centrales et 19 sites.

Voilà un projet industriel digne de ce nom !

J'ajoute, mes chers collègues, que l'acceptation par les citoyens du nucléaire est liée au caractère public de cette filière, qui offre des garanties essentielles, notamment en termes de sécurité.

La fusion de Suez et GDF permettrait à une compagnie privée, qui ne se contente plus de droits de tirage sur des centrales existantes, comme celle du Tricastin, de s'introduire rapidement dans la filière nucléaire en France ; d'ailleurs, la revendication d'une participation à l'EPR témoigne de cette volonté.

Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles nous proposons de fusionner EDF et GDF en un seul établissement public industriel et commercial dénommé « Énergie de France ».

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je ferai quatre remarques pour appuyer l'amendement n° 104.

Premièrement, à partir du moment où le Gouvernement, en la personne du Premier ministre, a présenté le projet de fusion entre Suez et GDF, quels arguments ont été avancés durant plusieurs mois ? Des arguments essentiellement financiers : il s'agissait de s'opposer à la tentative supposée - on ne saura jamais si elle avait quelque réalité - de raid d'Énel sur Suez.

Il n'a jamais été question d'arguments de nature industrielle. C'était le fumeux concept de patriotisme économique qui était invoqué.

Deuxièmement, l'argumentation industrielle que vous avez développée, monsieur Fourcade, soulève des questions importantes, sur lesquelles, me semble-t-il, nous aurons l'occasion de revenir.

Si on l'examine avec attention, on s'aperçoit que la stratégie de Gaz de France depuis plusieurs années - c'était déjà la sienne du temps du gouvernement de Lionel Jospin -, consiste à se rapprocher progressivement des ressources, c'est-à-dire à s'intégrer vers l'amont, ce qui, du reste, réussit à l'entreprise.

Autrement dit, dans cette affaire, c'est GDF, et non par Suez, qui est porteur de la stratégie industrielle. La fusion n'apportera rien de plus en termes industriels, c'est-à-dire essentiellement en termes d'accès à la ressource et de transport, puisque la distribution relève du service.

Troisièmement, je vous signale que M. Gonnot, député de la majorité, a déposé une proposition de loi en 2003 qui vise précisément à créer une holding.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Nicole Bricq. Or, à ma connaissance, monsieur le rapporteur, il ne milite pas en faveur du projet socialiste ! Étayez donc un peu plus vos arguments pour répondre à nos amendements.

Quatrièmement, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur les déclarations faites par Mme Neelie Kroes qui a annoncé, sans être démentie par M. Barroso, un nouveau paquet de directives dans lequel la séparation patrimoniale des entités dans le domaine de l'énergie sera, cette fois, exigée. Cette demande fera imploser ou exploser, comme vous préférez, votre prétendue solution miracle !

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.

M. Daniel Reiner. Je voudrais d'abord me réjouir que M. Fourcade ait pris la parole sur ce sujet, ...

M. Roland Courteau. Il a été le premier à intervenir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais il n'a pas été très convaincant !

M. Daniel Reiner. ... ce qui prouve que le débat n'est pas seulement limité à une conversation entre le rapporteur, le ministre et l'opposition. Il y a donc dans cette assemblée, sur les travées de la majorité, un certain nombre de collègues qui défendent ce projet ! Vu la manière dont le débat se déroule, je commençais à nourrir quelques doutes. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Permettez-moi d'ajouter deux arguments supplémentaires sur la viabilité du projet de pôle public de l'énergie, projet que nous soumettrons effectivement au peuple français.

Selon nous, ce projet garantira, beaucoup mieux que votre projet de privatisation de GDF, que la puissance publique restera dans la durée propriétaire des infrastructures d'approvisionnement, notamment en gaz.

Vous, vous prétendez que la fusion Suez-GDF garantira la sécurité énergétique de la France, alors que vous commencez par abandonner à un groupe privé l'ensemble des infrastructures lourdes que sont notamment des terminaux méthaniers, lesquels constituent effectivement un des points forts de Suez.

M. Jean-Pierre Fourcade. Vous le reconnaissez !

M. Daniel Reiner. Oui, mais Gaz de France aussi a des terminaux méthaniers !

M. Jean-Pierre Fourcade. Avec Suez, ça double !

M. Daniel Reiner. Quoi qu'il en soit, avec votre projet, l'ensemble de ces terminaux deviendra privé.

Les infrastructures lourdes, ce sont également les capacités de stockage - dont la France est légitimement fière, et, là, c'est un point fort de GDF -, et les réseaux de transport et de distribution.

Une fois de plus, vous allez nous opposer le dispositif de l'action spécifique, mais il est bien fragile.

Ainsi, le commissaire européen Mac Greevy estime que l'actuel projet n'est pas de nature à contrevenir aux règles de l'Union européenne, mais il émet néanmoins tellement de réserves que nous ne pouvons qu'avoir des doutes ! Je le cite : « Ma conviction profonde est que les droits spéciaux, que les gouvernements s'attribuent afin de contrôler les entreprises privées, créent des obstacles aux investissements directs visant à influencer la gestion de ces entreprises, et sont contraires... » - le mot est tout de même très fort - « ...au marché unique ».

Neelie Kroes, de son côté, anticipe ce que pourrait être l'avenir et prépare un nouveau paquet de directives. Nous le savons bien, la Commission européenne est fondamentalement libérale.

J'ajoute que, dans la loi du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, l'État s'est arrogé le droit d'avoir un poids particulier qui dépasse sa part dans le capital. La loi précise que « hormis les cas où l'indépendance nationale est en cause, l'action spécifique peut à tout moment être définitivement transformée en action ordinaire par décret ». On pourrait donc perdre le bénéfice de l'action spécifique très rapidement, sans qu'il soit d'ailleurs nécessaire de repasser devant le Parlement.

Comment, dans ces conditions, ne pas douter de l'efficacité de tels outils.

Dans le cadre du pôle public que nous souhaitons, la position de Gaz de France sera confortée, et il pourra continuer en tant qu'entreprise publique, grâce à sa proximité avec l'État, à négocier avec les pays producteurs des contrats d'approvisionnement de long terme, dans des conditions plus stables et plus avantageuses.

Nous sommes convaincus que la privatisation de GDF, dans le cadre de la fusion avec Suez, conduira à privilégier à terme l'approvisionnement sur le marché spot, en dépit du contrat actuellement signé, mais limité dans le temps. On entrera à un moment ou à un autre - l'exemple américain le prouve - dans un marché spéculatif sur le gaz, ce qui est extrêmement dangereux pour la stabilité des prix.

Je voudrais ajouter un dernier élément, qui reprend un de vos arguments : avec ce pôle public, il ne s'agit pas de constituer une « forteresse » nationale. L'interconnexion du réseau européen est absolument nécessaire : il faut certes créer un pôle européen de l'énergie face aux pays producteurs qui eux-mêmes s'organisent. Gazprom, c'est la Russie ; Sonatrach, c'est l'Algérie... Les États sont derrière ces entreprises.

La vocation de notre pôle public n'est pas de se comporter en prédateur sur d'autres marchés nationaux, mais d'être le vecteur d'une nouvelle politique européenne active de l'énergie, qui ne se limite pas seulement à des directives et qui ne passe pas nécessairement par la concurrence entre les divers opérateurs.

Dans quels domaines le pôle public peut-il jouer un rôle moteur ? Les capacités de production d'électricité, les contrats d'approvisionnement en gaz, les programmes de recherche - ô combien importants -, les actions de diversification des sources d'énergie - cela satisfera notre collègue Desessard - et les efforts de maîtrise de la consommation.

M. Jean Desessard. Je suis d'accord !

M. Daniel Reiner. À la veille du nouveau paquet énergétique, c'est la solution qu'il faut imposer. Un pôle public de l'énergie puissant, contrairement à votre projet de fusion, peut être porteur de cette idée-force. Il ne s'agit pas de se recroqueviller : le pôle public a un rôle évident à jouer en Europe, où il sera écouté très largement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Sur ce texte, des questions de fond nous séparent effectivement, monsieur le rapporteur.

L'actualité de la journée nous a montré que même le ministre délégué ne savait pas ce qui allait se passer aujourd'hui à GDF. Et quand on voit que le conseil d'administration de GDF prend des décisions dans le dos d'un certain nombre de partenaires, et notamment du Parlement, il y a tout de même de quoi s'inquiéter !

Qu'en sera-t-il demain avec une entreprise complètement privatisée ? Le pouvoir ne sera plus à Paris, mais ailleurs. Et nous n'aurons plus l'occasion de débattre de cette question fondamentale qu'est l'énergie.

L'une des nombreuses contradictions de votre projet de fusion réside dans l'abandon de la maîtrise publique de GDF au moment où flambent les prix de l'énergie, notamment du gaz, et alors que ce projet de loi prévoit l'ouverture à la concurrence pour les ménages au ler juillet 2007.

Or rien ne garantit que le maintien des tarifs réglementés pourra être durable, et certainement pas le texte que nous examinons, qui entérine, sans garde-fous, l'ouverture à la concurrence pour les ménages.

Au contraire, ces tarifs restent contestés par la Commission européenne, qui considère, dans sa lettre de griefs, qu'ils constituent un obstacle à la concurrence. Je vous en cite un extrait : « la Commission considère que les prix réglementés en vigueur se caractérisent par un niveau inférieur au prix du marché et qu'ils empêchent de ce fait l'entrée des concurrents sur le marché ». Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie ?

Nous pensons, nous, que la régulation des tarifs est un élément nodal de la politique énergétique, de la politique de régulation du secteur énergétique.

La maîtrise de la variable des prix est en effet déterminante, que ce soit sur le plan industriel, en matière de politique sociale et de péréquation territoriale, ou encore en matière de développement durable et de respect des normes environnementales.

Tous les acteurs du secteur s'accordent à dire que leur maintien ne devra être que transitoire et que les tarifs du gaz et de l'électricité devront être alignés sur les prix du marché, aujourd'hui beaucoup plus élevés. À court ou moyen terme, la nouvelle entité privée Suez-GDF sera libre de fixer ses prix. Le réveil risque fort d'être douloureux pour les usagers.

Au contraire, la constitution du pôle public de l'énergie autour d'EDF et GDF - peut-être même avec d'autres opérateurs comme Total, qui dispose de ressources, contrairement à Suez, dont le besoin de financement pourrait être comblé par le contribuable français en cas de fusion avec GDF - est favorable aux consommateurs, car elle permet de conserver la maîtrise des évolutions tarifaires.

Le pôle public doit aussi servir à établir enfin une plus grande transparence dans la fixation des tarifs de l'électricité et du gaz, au regard de l'évolution des coûts de production ou d'approvisionnement.

Le contrat de service public 2005-2007 signé entre l'État et Gaz de France prévoit déjà une convergence entre tarifs régulés et prix de marché. Alors même que la Commission de régulation de l'énergie demeurait réservée quant à l'opportunité de voir consenties des hausses tarifaires, les demandes récurrentes de la direction de Gaz de France rendaient compte de la volonté de faire rapidement converger les tarifs vers les prix de marché.

Depuis l'ouverture du capital de GDF, l'intérêt des actionnaires prime celui des consommateurs. Les tarifs ont été relevés de 30 %, au-delà de ce que nécessitait l'évolution des coûts d'approvisionnement.

Le document de base, transmis à l'Autorité des marchés financiers en avril 2005, note la nouvelle orientation donnée à la politique de distribution des dividendes : « Gaz de France, qui a augmenté ses dividendes de plus de 30 % entre 2004 et 2005 en les portant à 418 millions d'euros, entend poursuivre une politique de croissance progressive de versement de dividendes. Elle vise une augmentation de l'ordre de 40 % pour le dividende payé en 2006 au titre de l'exercice 2005. Au-delà, à l'horizon 2007/2008, elle entend doubler ses dividendes par rapport à ceux versés en 2005. »

M. le président. Monsieur Pastor, maintenant, il vous faut conclure !

M. Jean-Marc Pastor. Je termine, monsieur le président.

En 2005, les dividendes distribués, soit 670 millions d'euros, ont augmenté de 60 %. Grâce aux dernières hausses tarifaires, le résultat financier de GDF sur le seul marché national vient de s'accroître encore de plus de 50 % au premier semestre.

Mes chers collègues, nous irons jusqu'au bout pour essayer de montrer au citoyen français qu'un pôle public de l'énergie est encore le dernier rempart susceptible de le protéger.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, vous avez un argument massue : vous n'êtes pas d'accord.

Vous êtes soutenu par M. Fourcade, qui est le bienvenu car, jusqu'à présent, vous étiez plutôt seul.

M. Jean-Marc Pastor. Complètement isolé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement, M. Fourcade n'est pas plus convaincant que vous ne l'êtes vous-même.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne cherche pas à vous convaincre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous rejetez tout ce que nous proposons en prétextant que vous n'êtes pas d'accord et en vous contentant de marteler : « Nous avons un très bon projet ! »

En vérité, il est navrant et même choquant que vous promettiez ainsi monts et merveilles à nos concitoyens. Vous affirmez que votre projet nous apportera plus de sécurité, plus de moyens, plus de capacités d'approvisionnement, etc. Or c'est totalement virtuel, surréaliste !

Nous apprenons aujourd'hui que la Commission européenne demande aux deux groupes de céder 35 % de leur capacité d'approvisionnement en gaz, notamment en vendant Distrigaz, la filiale gazière de Suez en Belgique, et de se séparer d'une partie du nucléaire belge. Dès lors, comment pouvez-vous affirmer que votre projet, après son passage à la moulinette de Bruxelles, constituera une garantie ? La garantie, c'est ce que nous avons aujourd'hui : une entreprise publique et d'importants pouvoirs d'intervention de l'État.

Mes chers collègues - y compris vous, chers collègues socialistes -, vous voyez bien que petit à petit, de dépeçage en dépeçage, l'Europe actuelle, dans une logique ultralibérale, organise des groupes de taille modeste, qu'ils soient nationaux ou européens, les rendant ainsi opéables et prêts à être dévorés par d'autres groupes beaucoup plus puissants auxquels ne s'appliquent pas les directives européennes.

Ce que vous nous dites ne tient donc absolument pas !

Enfin, vous ne nous donnez aucune explication. Vous répétez simplement qu'une fusion entre EDF et GDF est impossible. Mais avez-vous au moins évalué ce projet ? Nous savons bien que non ! L'avez-vous soumis à Bruxelles ? Non ! Pourquoi ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous ne le voulons pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi ne le voulez-vous pas alors que le projet que vous présentez n'est pas acceptable pour Bruxelles et qu'il faudra le démanteler ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous ne voulons pas le démanteler. Nous ne voulons pas prendre de risques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De plus, vous vous privez de tout moyen public de résister de quelque façon que ce soit. C'est aberrant ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean Desessard. Nos conseils sont désintéressés !

M. le président. La parole est à M. Michel Sergent.

M. Michel Sergent. J'ajouterai un autre argument, comme si c'était nécessaire au point où nous en sommes.

La constitution du pôle public que nous souhaitons permettra de conforter le service public de l'énergie sur le fondement de principes majeurs qui intéressent tous les membres de la Haute Assemblée : la péréquation tarifaire, l'égalité d'accès sur tout le territoire,...

M. Michel Sergent. ...grâce au service de distribution commun à EDF et à GDF, qui est particulièrement performant.

N'oublions pas en effet que la privatisation de Gaz de France et la constitution du groupe GDF-Suez aboutiront à la mise en concurrence des concessions de distribution publique et donc à la disparition du distributeur mixte EDF-GDF,...

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Daniel Reiner. Bien sûr !

M. Michel Sergent. ...incompatible avec les règles de la concurrence. Ce distributeur mixte, auquel les élus sont particulièrement attachés, était pourtant au coeur du service public de l'énergie de proximité. Il n'a pas failli depuis soixante ans, comme nous l'avons vu à l'occasion de la tempête de décembre 1999 ou voilà encore quinze jours dans le Bordelais.

Mesure-t-on vraiment les gâchis que cette opération va occasionner, sur le plan financier,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour tout le monde !

M. Michel Sergent. ...mais aussi en termes d'aménagement du territoire ? Évalue-t-on le coût du démantèlement de ces organisations ? Aujourd'hui, ce sont 50 000 ou 60 000 personnes qui ont l'habitude de travailler ensemble, et sillonnent la France dans leurs voitures bleues ! (Sourires.) Avons-nous mesuré ce que ce démantèlement humain et technique allait représenter ? Non !

La présence de l'État dans le groupe privé Suez-GDF sera résiduelle et défensive. On le sait, cela a déjà été dit.

Certes, vous prévoyez que l'État détiendra une minorité de blocage - avec une participation représentant un tiers du capital - et une action spécifique. Nous y reviendrons longuement. Mes collègues Daniel Reiner et Jean-Marc Pastor ont déjà dit combien ce dispositif était aléatoire.

Telles sont les raisons pour lesquelles la constitution d'un pôle public de l'énergie est particulièrement importante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Desessard. À deux voix près ! Pourtant, avec 34 % des sièges, nous disposons d'une minorité de blocage ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 188, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fixe un objectif de consommation de 15 % par an de biogaz national à l'horizon 2010.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Depuis l'épuisement des gisements de Lacq, la totalité du gaz naturel que nous consommons est importée, comme l'ont rappelé M. Fourcade tout à l'heure et M. le ministre récemment.

Or, dans toutes les régions de France, de nombreux sites, parfois de dimensions réduites, pourraient produire des gaz de décharge, appelés biogaz, dont la composition chimique est pratiquement identique à celle du gaz de terre que nous importons de la Russie.

D'après le réseau Sortir du nucléaire - excellente référence ! -, le biogaz valorisable pourrait représenter entre 10 % et 20 % de la consommation française de gaz naturel. Or la quantité valorisée n'est actuellement que de 0,5 %. Il serait donc utile, puisque nous en avons le potentiel, de produire dans notre pays, et vous en êtes d'accord, monsieur Deneux, 15 % de biogaz et d'améliorer ainsi la sécurité de nos approvisionnements.

Je vais maintenant faire comme M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui, lorsqu'il considère que nous ne comprenons pas ce qu'il dit, nous donne des leçons de droit des sociétés. Je vais, moi, vous donner quelques leçons d'écologie, mes chers collègues ! (Rires.)

Le biogaz est un gaz combustible, composé essentiellement de méthane - CH4 - et de gaz carbonique - CO2 - provenant de la décomposition de matières organiques, en l'absence d'oxygène. Ce procédé est appelé méthanisation.

Nos sociétés actuelles produisent de telles masses de déchets que la nature ne peut pas recycler seule les énormes quantités de CO2 et de CH4. Or, par divers phénomènes, ces gaz gagnent les hautes couches de l'atmosphère et contribuent à l'augmentation de l'effet de serre.

Le biogaz est produit dans des lieux de stockage des déchets organiques, totalement ou partiellement privés d'aération continue : décharges d'ordures ménagères, stations d'épuration des eaux et digesteurs à fermentation de déchets organiques - déchets ménagers, effluents agricoles, effluents des industries agroalimentaires et des papeteries.

En matière de valorisation, on recense deux modes éprouvés industriellement : la combustion du gaz dans une chaudière ou dans un moteur permettant la production d'électricité - et de chaleur en cas de cogénération.

Deux autres modes sont en voie de développement. Ils concernent le carburant pour les véhicules et l'injection de biogaz dans le réseau de gaz naturel.

Si certains veulent des preuves,...

M. Jean Desessard. ...je peux leur en donner ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. On produit du biogaz dans les Yvelines, en Seine-et-Marne, dans le Rhône, dans le Tarn et à Lille, etc. Vous l'avez compris, le biogaz, c'est l'indépendance énergétique !

En effet, nous produisons trop de déchets, qui provoquent des gaz à effet de serre. Or nous pourrions utiliser ces déchets pour produire du biogaz à hauteur de 20 %, au lieu d'importer du gaz. Mes chers collègues, les énergies renouvelables, c'est aussi le biogaz.

Nous n'avons ni pétrole, ni gaz, ni uranium. Nous sommes donc aujourd'hui dépendants à 100 % de l'extérieur. J'attends donc des tenants du patriotisme économique qu'ils votent avec moi cet amendement d'indépendance énergétique, de production de proximité !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, l'amendement que vous venez de présenter, comme à l'accoutumée de manière assez sympathique, avec un véritable talent théâtral (Sourires), est le premier d'une série de six amendements dont vous êtes le seul signataire et qui ne sont donc plus des copies conformes de ceux du groupe socialiste. Il s'agit d'amendements purement Verts. En l'occurrence, c'est vraiment « plus vert que moi, tu meurs » !

L'amendement n° 188, comme les suivants, vise à fixer des objectifs chiffrés s'agissant des différentes énergies renouvelables. Cet amendement concerne le biogaz.

Sur le principe, je ne suis pas hostile à des objectifs, d'autant moins que nous en avons inscrit dans l'article 4 de la loi de programme de 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.

Dans cet article, nous avons énoncé nos priorités et confirmé notre volonté de produire du nucléaire en France, point sur lequel nous divergeons. Surtout, nous y avons affirmé notre volonté de produire 21 % d'électricité d'origine renouvelable.

Nous le savons, nous sommes en retard dans le domaine des énergies renouvelables par rapport à d'autres pays, que ce soit en matière d'énergie éolienne, solaire ou de biogaz. S'agissant du biogaz, par exemple, nous sommes en retard par rapport à l'Allemagne et au Danemark. Vous n'avez pas évoqué l'énergie provenant du bois, dont l'Autriche est la championne d'Europe. Là aussi, nous sommes en retard. Or il ne faut négliger aucune des énergies renouvelables. Nous devons donc essayer de rattraper notre retard.

La loi que nous avons adoptée en 2005 fixe des objectifs ambitieux, mais je ne vous suivrai pas s'agissant des chiffres. Que signifie en effet augmenter de 15 % par an la consommation de biogaz national ?

Aujourd'hui, nous consommons entre 0,05 % et 0,1 % de biogaz. Nous avons donc de la marge, allons-y ! Nous dépasserons certaines années, je l'espère, le taux de 15 %, d'autres années, non, malheureusement, mais il est très difficile de mettre en pratique la mesure que vous proposez. On ne peut pas fixer dans la loi l'objectif d'augmenter la consommation de biogaz de 15 % par an...

M. Jean Desessard. D'ici à 2010 !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certes, d'ici à 2010, mais de 15 % par an malgré tout ! De tels objectifs ne riment strictement à rien.

Pour cette raison, même si, sur le principe, je suis favorable au développement des énergies renouvelables, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jean-Marc Pastor. C'est bien dommage !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. J'adhère tout à fait aux propos de M. le rapporteur. Voici quelques chiffres pour illustrer sa démonstration.

La consommation française de gaz est d'environ 40 millions de tonnes équivalent pétrole. Si 15 % de cette consommation devait être constituée de biogaz - c'est l'objectif fixé dans l'amendement n° 188 -, cela représenterait 6 millions de tonnes équivalent pétrole.

Aujourd'hui, nous consommons 0,2 million de tonnes équivalent pétrole de biogaz. D'après les nombreuses études dont nous disposons, le potentiel réalisable est de l'ordre de 4 millions à 6 millions de tonnes, si nous produisions du biogaz à partir de tout ce qui peut être « biogazé » en France.

Au-delà, il conviendrait de prévoir des cultures spéciales pour produire du biogaz. Donc, pour atteindre l'objectif que vous fixez, il faudrait « biogazer » absolument tout ce qui a propension à faire du gaz sur notre territoire !

En attendant d'arriver à un tel niveau, grâce à l'arrêté du 7 juillet 2006 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, dont j'ai remis une copie à M. Reiner, je lance un appel à projets de 300 mégawatts de biogaz, soit 0,2 million de tonnes équivalent pétrole, qui va doubler la production actuelle !

Franchement, votre objectif de 15 % nous paraît irréaliste, même si, bien évidemment, il concourrait à l'indépendance énergétique et à la sécurité d'approvisionnement de notre pays, ainsi qu'au développement local.

Je souhaite que nous soyons extrêmement actifs dans ce domaine. Pour cela, beaucoup d'initiatives locales sont nécessaires. Si les 300 mégawatts que j'ai évoqués trouvent facilement preneur, nous aurons déjà doublé notre production.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Il s'agit de fixer un objectif de 15 % par an à l'horizon 2010.

Si le biogaz représente aujourd'hui 0,2 million de tonnes équivalent pétrole, cela correspond bien à 0,5 % - et non pas à 0,05 % - de la consommation actuelle, puisque celle-ci est évaluée à 40 millions de tonnes équivalent pétrole.

Vous me dites qu'il est possible de produire 4 millions de tonnes, je suis d'accord ! Je modifie mon amendement : je suis prêt à passer un compromis avec le gouvernement UMP de M. de Villepin pour que l'on s'oriente vers une production de 10 % de biogaz à l'horizon 2010. (Rires.)

Cet objectif est selon vous irréaliste, monsieur le ministre, et demanderait beaucoup d'initiatives, de mobilisation.

M. François Loos, ministre délégué. Que je souhaite !

M. Jean Desessard. Je reprendrai en substance les propos de M. Borloo lorsque nous avons discuté du projet de loi portant engagement national pour le logement : en situation de crise, il faut faire appel à toutes les énergies, à toutes les mobilisations, à toutes les initiatives. N'est-il pas temps de tous nous mobiliser, citoyens, communes, départements, régions, afin de créer de l'énergie à l'échelle de notre territoire ? En quoi est-ce irréaliste ?

Selon vous, il est plus réaliste de négocier des prix avec la Russie, l'Algérie, de trouver de nouvelles productions au Qatar, au Yémen, et d'assurer la stabilité de nos approvisionnements avec ces pays. Eh bien, je vous donne rendez-vous dans quelques années, mes chers collègues, mais je crains que la situation ne soit alors grave !

Il me paraît beaucoup plus réaliste de mobiliser les énergies des particuliers, des communes, des régions, des départements pour produire 10 % - je vous l'accorde, monsieur le ministre - de biogaz en France, plutôt que de compter sur un approvisionnement extérieur.

Nous avons les moyens de produire du biogaz en France et nous devons en faire une priorité !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 188 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, et ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fixe un objectif de consommation de 10 % par an de biogaz national à l'horizon 2010.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Le sujet est sérieux, monsieur le ministre, et je voudrais simplement citer un exemple.

Dans le département du Tarn, nous avons mis dix ans à convaincre notre administration que le traitement des déchets pouvait fournir du biogaz. Aujourd'hui, le schéma départemental de traitement des déchets est opérationnel et des réseaux de chaleurs sont installés. Je vous invite à nous rendre visite.

L'objectif de 10 % est-il raisonnable ? Je suis incapable de l'apprécier au niveau national, je le dis très modestement, mais je pense que les énergies renouvelables méritent bien une phrase dans le projet de loi : elles font partie de la vie d'aujourd'hui, et surtout de demain ! (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 189, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fixe un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Certes, je peux, grâce au service de la séance et je l'en remercie, soutenir mes amendements spécifiques sans être obligé d'assister à l'intégralité des débats, mais il est épuisant de devoir défendre à la suite des amendements aussi cruciaux pour l'avenir de la planète...

En l'occurrence, je propose de fixer un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale. Cet objectif correspond à une diminution de 60 % de notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050.

Comme vous le savez, 84 % de l'énergie mondiale provient des combustibles fossiles, le nucléaire en représentant 6 %, l'hydroélectricité et la biomasse 10 %. Or nous allons irrémédiablement vers une pénurie des énergies fossiles. Je n'insiste pas sur ce constat qui fait l'objet d'un consensus dans l'hémicycle. La prise de conscience de la raréfaction des ressources naturelles constitue tout de même une évolution intéressante par rapport à la situation que nous connaissions voilà trente ans.

Il est donc temps de baisser notre consommation, puisque ce sont les pays industrialisés qui, historiquement, ont consommé la majorité des énergies fossiles. À l'heure où les pays émergents essaient de reproduire un mode de développement qui est en train de montrer ses limites - ses limites physiques -, il est de notre devoir envers les pays pauvres et les générations futures de commencer dès maintenant la décroissance de notre empreinte écologique. Comme dirait le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, si vous voulez en savoir plus sur l'empreinte écologique, je suis à votre disposition ! (Sourires.)

Pour parvenir à cet objectif, il faut avoir le courage de modifier la répartition des crédits de recherche selon le schéma suivant : un tiers pour la maîtrise de l'énergie, un tiers pour les énergies renouvelables et un tiers pour la sûreté nucléaire et l'amélioration des hydrocarbures. Or, aujourd'hui, 90 % des crédits sont affectés au nucléaire et moins de 2 % aux énergies renouvelables. Et l'on s'étonne ensuite que ces énergies ne décollent pas !

Toutes les énergies ont eu besoin, au départ, d'un important appui public, que ce soit le charbon ou le nucléaire. Au XXIe siècle, le service public doit anticiper la crise énergétique et la résoudre en tenant compte du réchauffement climatique !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce discours n'est pas nouveau, mais il est utopique.

M. Jean Desessard. Non ! La société de demain ne sera pas celle d'aujourd'hui !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Même les socialistes ne sont pas prêts à vous suivre : diminuer de 60 % notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050, c'est n'importe quoi ! Dans quelle société voulez-vous nous faire vivre ? Nous n'allons plus nous déplacer, nous n'allons plus nous chauffer ? C'est utopique !

Je voudrais rester dans le domaine de la réalité, et je pense que l'ambition que nous nous sommes fixée dans la loi du 13 juillet 2005, à l'article 3 - « Le premier axe de la politique énergétique est de maîtriser la demande d'énergie afin de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030 » - est raisonnable.

La France n'est pas isolée, nous n'allons pas stopper le développement de notre pays.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous êtes certainement sincère,...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ...mais vous voulez nous faire vivre dans un pays totalement irréaliste. Nous ne vous suivrons pas.

Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, nous sommes sensibles à la notion de diminution de l'intensité énergétique. Nous avons la volonté de faire des efforts et nous l'avons inscrit dans un texte, mais nous allons y aller en douceur, pas de manière utopique.

Aussi, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. M. le rapporteur a raison.

Nous sommes confrontés aux problèmes énergétiques depuis 1973. Dans les années soixante-dix, quatre-vingt, la réduction de l'intensité énergétique était de 2 % à 3 %, puis, dans les années quatre-vingt-dix et jusqu'en 2004, d'environ 1,4 %. En 2005, elle a atteint 1,7 %, c'est dire que nous avons de nouveau pris conscience de l'effort plus important qu'il convient de faire. Nous devrions atteindre, cette année ou l'an prochain, une diminution de 2 %, anticipant ainsi l'objectif inscrit pour 2015 dans la loi d'orientation énergétique de l'année dernière : le plus tôt sera le mieux.

Nous sommes donc capables d'améliorer l'intensité énergétique, mais il est beaucoup plus difficile de réduire la consommation finale. En fait, pour réduire celle-ci de 2 %, avec une croissance de 2 %, il convient de baisser l'intensité énergétique de 4 % : cela n'a jamais été fait, y compris dans les années soixante-dix !

Votre proposition n'est pas vraiment réalisable, mais il est bien sûr souhaitable d'aller dans cette direction. Un objectif exprimé en termes d'intensité énergétique me paraît plus juste, comparable à ce que font les autres pays.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que nous avions connu une réduction de 2 % pendant un certain nombre d'années.

M. François Loos, ministre délégué. De l'intensité énergétique, non pas de la consommation.

M. Jean Desessard. Je ne suis pas sûr de comprendre, monsieur le ministre.

Mme Nicole Bricq. Allons chercher un tableau noir ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. N'en concluez pas que je suis idiot. (Rires.) Je me méfie simplement des chiffres annoncés rapidement et que l'on n'a pas le temps d'analyser.

Moi, je propose de réduire de 2 % par an la consommation d'énergie finale. Si vous, vous proposez une baisse de 1,3 % ou 1,4 %, je suis preneur ! Je trouve que cela ne fait pas une grande différence.

M. François Loos, ministre délégué. C'est dans la loi !

M. Jean Desessard. Dans ces conditions, pourquoi n'avez-vous pas dit que mon amendement était déjà satisfait au lieu d'émettre un avis défavorable ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Parce que ce n'est pas le même pourcentage !

M. Jean Desessard. Comment comptez-vous résoudre le problème du réchauffement climatique ?

On parle tellement du film d'Al Gore, que je suis sûr que vous irez tous le voir. En sortant de la salle, vous serez tellement catastrophés par la fonte des glaces dans l'Antarctique et au Groenland que vous vous écrierez : « C'est dramatique, il faut faire quelque chose ! » Mais combien de temps durera cette bonne résolution ?

M. Jean Desessard. Elle ira peut-être même jusqu'à une nuit pour ceux qui dorment mal, voire deux semaines pour quelques-uns. Mais pour résoudre les problèmes, on est bien obligé de les considérer dans leur globalité.

Si nous ne réduisons pas la consommation énergétique, croyez-vous que les pays émergents, dont la consommation est déjà beaucoup plus faible que la nôtre, s'en préoccuperont ? Ils n'ont pas l'intention de rester pauvre ! C'est à nous, pays riches, de donner l'exemple, sinon nous courrons à notre perte.

Monsieur le rapporteur, selon vous, mon discours est utopique. Est-ce être utopique de constater que la planète est confrontée à de graves problèmes environnementaux ?

Si j'étais utopique, je vous affirmerais que l'on trouve des ressources naturelles en abondance, que l'on peut gaspiller l'énergie - ce discours était peut-être valable voilà cinq siècles, mais il ne tient plus aujourd'hui - ou qu'il existe d'autres planètes où nous pourrons nous procurer toute l'énergie désirée.

Ceux qui pensent que les progrès technologiques permettront de résoudre tous nos problèmes sont des utopistes, car rien n'est encore prouvé. En attendant de découvrir ces nouvelles modalités technologiques, nous devons réduire notre consommation énergétique.

On peut toujours me reprocher de fixer un objectif chiffré. Mais ce serait là le signe qu'on s'engage à mettre les moyens financiers, la volonté politique et à mobiliser nos concitoyens pour y parvenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 190, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fixe un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne de la consommation des énergies primaires de combustibles fossiles.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. François Loos, ministre délégué. Cet amendement n'est-il pas défendu ?

M. Jean Desessard. Permettez-moi tout de même d'intervenir sur les problèmes environnementaux.

En l'occurrence, il s'agit de fixer un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne de la consommation des énergies primaires de combustibles fossiles. Cet objectif permettrait de réduire la consommation de telles énergies à 38 megatep par an en 2050 au lieu de 150 aujourd'hui.

On ne peut espérer de solution providentielle du côté de l'offre du fait d'une production supérieure de pétrole, de gaz, voire d'électricité. La seule solution raisonnable - et non pas utopique, contrairement à la vôtre, qui consiste à espérer une offre plus importante de gaz russe ou algérien -, c'est une maîtrise de la demande, voire, comme je le propose, une baisse de la consommation de l'ordre de 2 % par an pour l'ensemble de l'énergie et de 3 % pour les énergies fossiles.

Une telle solution est parfaitement cohérente avec les engagements internationaux que la France a pris sur la diminution draconienne des émissions de gaz à effet de serre. On peut choisir de ne pas être sérieux, mais on peut aussi décider de prendre des mesures dès maintenant afin d'atteindre cet objectif en 2050. D'ailleurs, j'aimerais qu'à un moment ou à un autre les grands discours du Président de la République et les engagements que la France a pris à Kyoto trouvent leur traduction dans des textes législatifs et réglementaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, lorsque vous dites qu'il convient de maîtriser notre consommation de pétrole, nous sommes d'accord. Quand vous dites qu'il convient de maîtriser notre consommation de gaz, nous sommes également d'accord.

Là où nous divergeons, c'est lorsque vous fixez des objectifs irréalistes. Il faut engager une action volontaire, mais à un rythme raisonnable. À cet égard, la politique en faveur des biocarburants est exemplaire. Marcel Deneux, qui a toujours été un acteur vigilant et actif en la matière au sein de notre hémicycle, ne me démentira pas.

D'ailleurs, monsieur le ministre, je sais qu'une décision très importante a été prise en faveur des biocarburants. Il y a deux semaines exactement, vous avez entériné le plan d'action opérationnel pour le développement de ce qu'on appelle le flex fuel-éthanol, le fameux E85, à l'horizon de 2010 proposé par le groupe de travail que présidait Alain Prost.

Ce premier carburant de l'après-pétrole est une chance pour la France et pour nos concitoyens. C'est tout récent, puisque M. Bussereau et vous-même avez inauguré il y a quelques jours une pompe verte de démonstration E85. C'est le genre de décision qui va dans le bon sens.

Cher collègue Desessard, je ne voudrais pas que l'on fasse croire aux Français que vous êtes le seul à vous préoccuper de cette question. Pour notre part, nous agissons de manière pragmatique et réaliste. Le Gouvernement franchit ainsi une étape importante, puisque, en très peu de temps, son action permettra de doubler l'offre de biocarburants.

En ce qui concerne votre amendement, la commission a émis un défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voudrais simplement apporter une précision.

Monsieur le rapporteur, n'appelez pas biocarburants les carburants issus de l'agriculture, car ils ne sont pas à énergie positive ; du pétrole est encore consommé. Il vaudrait mieux parler d'« agrocarburants ».

Nous avions soutenu l'utilisation des huiles végétales, mais cette proposition n'avait pas été retenue par le Sénat. Pour le coup, il s'agissait véritablement là de biocarburants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 191, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fixe un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne des émissions de gaz à effet de serre.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je serai plus bref, car tout le monde a compris le principe que je défendais.

En l'occurrence, il s'agit de fixer un objectif de réduction de 3 % par an en moyenne des émissions de gaz à effet de serre. Cet objectif revient à diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050.

Monsieur le rapporteur, je souhaiterais, non pas que vous me traitiez d'« utopiste »,...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pas cette fois-ci !

M. Jean Desessard. ...car je suis capable d'en juger par moi-même, mais que vous m'expliquiez comment vous comptez réduire les émissions de gaz à effet de serre avec les mesurettes que vous prenez.

Mes chers collègues, visionner le film d'Al Gore est une bonne chose, mais c'est insuffisant. Encore faut-il que des mesures politiques contraignantes pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre suivent. Encore faut-il prendre des engagements forts sur le long terme par delà les alternances politiques. C'est pourquoi je vous propose d'acter l'objectif fixé en son temps par notre collègue Jean-Pierre Raffarin d'atteindre le « facteur 4 ».

En la matière, le projet de loi est à côté de la plaque. Les théories néolibérales qui sous-tendent le mouvement européen de libéralisation ont pris l'eau. On voit bien que ce cycle idéologique, qui a fonctionné pour une surcapacité généralisée des énergies, ne fonctionne plus lorsque la tendance est à la pénurie des ressources.

Sachant cela, il aurait été logique d'auditionner des membres du GIEC, groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, de la mission interministérielle de l'effet de serre ou du Réseau action climat. Tel n'a pas été le cas.

Dès lors, on voit bien que votre objectif n'est pas d'accompagner la mutation écologique de l'habitat et du tertiaire, d'isoler les bâtiments, de transformer les chaudières au fuel en chaudière à bois ou de respecter le facteur 4 - la division par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre avant 2050 -, car cela passerait par la fixation de quotas d'émissions et d'objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Or on n'a jamais vu une entreprise privée inciter ses clients à réduire leur consommation.

M. Jean Desessard. En bref, mes chers collègues, je vous invite tous à adopter cet amendement, même s'il serait plus cohérent, afin de respecter l'engagement de notre collègue Jean-Pierre Raffarin d'atteindre le facteur 4, de voter également l'amendement de suppression de l'article 10, qui privatise GDF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, cette disposition est inutile, puisque ce taux figure déjà dans l'article 2 de la loi du 13 juillet 2005 : « La lutte contre le changement climatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France. ».

Nous sommes donc tout à fait d'accord sur point. Par conséquent, votre amendement est satisfait. Cela étant, il faudra sans doute un jour établir un bilan pour connaître les effets de ce dispositif.

À la suite de cette loi, le Gouvernement a lancé le plan climat. Les dispositions qu'il contient, que vous qualifiez de mesurettes, ont au moins le mérite de chercher à atteindre l'objectif que vous proposez. Elles concernent le logement - toute nouvelle construction est soumise à des normes assez sévères -, le transport et l'industrie, volet dans lequel toutes les entreprises sont concernées et où les mesures sont également assez sévères. Le plan climat va donc dans le bon sens.

L'objectif que vous préconisez figurant déjà dans la loi, la commission vous invite à retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 191 est retiré.

L'amendement n° 193 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Parlement propose la tenue d'un référendum en 2009 portant sur l'abandon du recours à l'énergie nucléaire en France. Jusqu'à cette date un moratoire est décidé sur la construction de tout nouveau réacteur.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cette fois-ci, je sens que je vais avoir un peu plus de mal à obtenir un accord général.

M. François Loos, ministre délégué. Sauf si vous retirez votre amendement !

M. Jean Desessard. Nous sommes pourtant un certain nombre en France à penser que le nucléaire fait courir un risque inutile. Cela prouve bien qu'il faut instaurer la proportionnelle, car nous sommes sous-représentés au Parlement. Mais je ne vais développer ce point maintenant.

Les Verts sont favorables à la sortie du nucléaire. Ils sont appuyés en cela par une large partie de l'opinion publique : 81 % des Français interrogés lors d'un sondage en juillet dernier considéraient le nucléaire comme une énergie à risque.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c'est sûr !

M. Jean Desessard. Ces derniers jours, le Collectif national pour un rassemblement antilibéral a acté dans son programme une proposition de référendum à ce sujet. Il semble donc que le « dogme du tout nucléaire » fasse débat au sein des formations politiques de gauche, comme le soulignait un article du journal Le Monde de ce week-end. C'est une bonne nouvelle pour les Verts, qui souhaitent que la société, en général, et la gauche, en particulier, aient ce débat sur la sortie du nucléaire.

Sur un choix aussi fondamental, il semble tout à fait illégitime de poursuivre une aventure technologique aussi périlleuse pour l'humanité et les générations futures sans le consentement des citoyens. D'après le même sondage, 80 % des personnes interrogées étaient favorables à un référendum sur la question.

L'énergie nucléaire ne constitue pas une solution d'avenir puisque les réserves d'uranium sont estimées à moins d'un siècle et que cette énergie, au lieu de favoriser les indispensables sobriété et efficacité énergétiques, est une source de gaspillage énorme, qu'il s'agisse des tours de refroidissement ou des lignes à haute tension.

Cette technologie pousse à une illusoire fuite en avant de consommation énergétique. Elle est par ailleurs dangereuse compte tenu des risques d'accidents, de la vulnérabilité en cas d'attaques terroristes, des risques de pollutions par rayonnement, de l'augmentation de la température des cours d'eau concernés, des limites d'utilisation en cas de canicule et du problème de la prolifération. Surtout, le problème non résolu du traitement des déchets nucléaires fait peser un lourd fardeau sur les générations futures.

Enfin, les Verts tiennent à souligner le coût exorbitant de la technologie nucléaire - 3 milliards d'euros pour un réacteur nucléaire EPR -, la non prise en compte du coût de démantèlement des centrales - environ 10 milliards d'euros pour chacun des 58 réacteurs existants -, et le fait que cette technologie est beaucoup moins créatrice d'emplois pérennes que les filières de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables.

Pour les Verts, l'État doit tourner le dos à cette technologie onéreuse, dangereuse et irresponsable, qui va à l'encontre des principes du développement durable, et s'orienter vers le développement des filières sobriété et efficacité énergétiques et énergies renouvelables.

M. le président. L'amendement n° 194, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

  Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

À partir de 2009, la France abandonnera progressivement le recours à l'énergie nucléaire, à moins que, avant cette date, un référendum sur ce sujet exprime la préférence des Français pour l'énergie nucléaire.

Monsieur Desessard, il s'agit du même sujet...

M. Jean Desessard. Je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 193 rectifié et 194 ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Permettez-moi de répondre un peu longuement, compte tenu de l'importance de ces amendements.

Par l'amendement n° 193 rectifié, vous proposez, monsieur Desessard, l'abandon du nucléaire en prévoyant que cette décision sera prise à l'issue d'un référendum qui aura lieu en 2009.

Je vous remercie d'avoir déposé cet amendement puisqu'il va me permettre de clarifier la position de la commission sur la question du nucléaire. Il serait d'ailleurs bon que tout le monde fasse de même sur ce sujet.

M. Roland Courteau. Nous l'avons fait à de nombreuses reprises !

M. Gérard Le Cam. Et nous allons le faire encore !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous vous en souvenez, mes chers collègues, lors de la dernière session parlementaire, nous avons largement discuté de l'opportunité de l'option nucléaire, à deux reprises.

D'une part, nous en avons débattu à l'occasion de l'examen de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, qui a notamment créé une autorité administrative indépendante chargée du contrôle du secteur et qui a renforcé les fondements juridiques du régime d'autorisation des installations nucléaires.

D'autre part, nous avons examiné cette question lors du débat sur la loi de programme relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, assurant ainsi la pérennité de la filière dans la plus parfaite transparence.

Monsieur Desessard, je connais votre position, qui reflète la sensibilité politique que vous représentez en ce domaine. Laissez-moi tout de même vous rappeler que, en France, le nucléaire est exploité dans d'excellentes conditions de sûreté et de sécurité, comme le démontrent les bilans régulièrement effectués par l'autorité de sûreté nucléaire.

Autre élément important, le nucléaire nous permet d'assurer notre indépendance énergétique en limitant nos besoins en matière d'énergies fossiles, sujet auquel vous êtes sensible. Surtout, il nous fait bénéficier d'une des électricités les moins chères d'Europe et nous permet d'être le pays de l'Union européenne qui émet le moins de CO2 - aspect auquel vous devez être sensible.

Aussi la majorité actuelle soutient-elle sans réserve l'option nucléaire française, qui présente un très grand nombre d'avantages.

Nous avons d'ailleurs réaffirmé très clairement ce soutien lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

À cette occasion, nous avions explicitement soutenu les démarches devant conduire à la construction d'un premier réacteur nucléaire de troisième génération, l'EPR. La construction de cette nouvelle génération de centrales est nécessaire pour prendre le relais progressif du parc de centrales actuel, qui devra être renouvelé à compter de l'année 2020. Au surplus, les réacteurs nucléaires EPR seront encore plus sûrs, plus puissants et plus économes en termes de consommation d'uranium que les réacteurs de deuxième génération.

Notre majorité tient donc, dans son ensemble, un discours très clair sur ce sujet, discours qui repose sur un certain nombre de points concrets et précis. Cela ne nous empêche pas d'être, en parallèle, favorables au développement des énergies renouvelables ou aux actions de maîtrise de la demande d'énergie. Mon souhait est que tout le monde soit aussi clair sur tous les sujets, notamment sur l'EPR.

Tous ces éléments étant rappelés, il n'en reste pas moins que, sur l'amendement n° 193 rectifié, la commission a émis un avis défavorable, à l'unanimité.

M. Jean Desessard. Je n'étais pas là !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Effectivement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. François Loos, ministre délégué. L'importance de ce sujet, qui suscite des convictions fortes que j'ai à coeur de défendre, justifie la réponse détaillée que je souhaite apporter.

Je suis bien sûr défavorable à ces amendements, monsieur Desessard, et je ne peux vous laissez croire, un seul instant, que nous pourrions nous accorder sur la méthode que vous préconisez.

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut discuter, informer sur le nucléaire mais aussi sur l'ensemble des productions industrielles dangereuses. En 2003, nous avons introduit dans la loi des obligations de concertation pour les usines Seveso. Nous avons mis en place des plans d'urgence, de manière que soient pris en compte l'ensemble des risques et que des réponses puissent également être apportées autour des sites dangereux, et non pas seulement dans la sphère stricte des usines.

Nous avons fait là un très grand travail d'information, de concertation et permis qu'il devienne permanent au niveau de toutes les entreprises.

Cela étant dit, le risque zéro n'existe pas. Il faut tendre en permanence vers plus de sécurité et faire en sorte que ceux qui travaillent dans ce secteur fassent preuve d'une vigilance constante afin de toujours améliorer les dispositifs de sécurité.

Nous souhaitons que les autorités de sûreté soient indépendantes dans ce domaine, ce que permet désormais la loi qui a été votée cette année. Cette indépendance et les contrôles qui seront effectués nous garantissent que l'esprit de tous les acteurs sera en permanence aiguillonné vers l'objectif de sécurité et de sûreté maximales.

Compte tenu de tous ces éléments, nous avons fait le choix du nucléaire. À travers la loi du 13 juillet 2005, le Gouvernement et le Parlement ont réaffirmé clairement leur volonté de poursuivre le développement des centrales, et nous sommes même prêts à mettre en chantier l'EPR, centrale de troisième génération.

Lors de ses voeux, le Président de la République a demandé que nous nous préparions à construire une centrale nucléaire de quatrième génération pour l'horizon 2020. À la suite de la campagne que nous avons menée pour que le projet ITER soit réalisé en France, nous avons obtenu de la communauté internationale qu'il soit implanté à Cadarache.

Assurer une sécurité maximale demeure notre priorité, qu'il s'agisse des centrales existantes, ou des projets à venir. Pour la construction du futur EPR, nous avons demandé que les normes de sécurité soient encore accrues. Nous nous préparons, avec le projet ITER, aux réacteurs de quatrième génération.

Nous sommes donc engagés dans le nucléaire, c'est le choix que nous avons fait et que nous avons formellement réaffirmé dans la loi, l'année dernière. Je ne veux pas qu'aujourd'hui, à partir d'une proposition de référendum, certains laissent croire que nous envisageons de meilleurs choix. Des choix ont été faits et nous souhaitons nous y tenir, dans l'intérêt du pays et de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Nous souhaitons, par cette explication de vote, revenir sur la position des communistes concernant l'avenir de l'énergie nucléaire en France, comme nous y invite la rédaction de l'objet même de l'amendement n° 193 rectifié.

Si nous partageons beaucoup de considérants avec nos collègues Verts, nous estimons pour autant que la solution proposée à travers ces amendements n'est pas la bonne.

Sur la première partie, étant particulièrement sensibles à la maîtrise citoyenne de l'énergie, nous sommes donc extrêmement favorables à l'organisation d'un débat national sur les questions énergétiques dans leur ensemble.

À l'inverse, nous ne pouvons imaginer que ces débats se limitent à la question du nucléaire, a fortiori si l'intitulé du référendum est simplement : « Êtes-vous pour ou contre l'abandon du nucléaire ? » La question serait déjà posée négativement.

Par ailleurs, nos collègues Verts ne peuvent affirmer l'existence d' « un dogme du tout-nucléaire au PCF », dogme qui vacillerait aujourd'hui. Les communistes prônent depuis longtemps la complémentarité des énergies mais également le développement des énergies renouvelables.

Pourtant, nous sommes lucides sur le contexte énergétique.

Je rappelle que la France acquitte chaque année une facture énergétique de 23 milliards d'euros et reste dépendante du pétrole à hauteur de 40 %. Elle doit donc trouver les moyens de compenser ses faibles ressources énergétiques fossiles.

De plus, pour contenir le phénomène de réchauffement planétaire, les climatologues estiment que l'humanité doit diminuer ses rejets annuels de carbone de 6 milliards à 3 milliards de tonnes.

En se substituant au charbon, qui constitue la plus importante source d'électricité à l'échelon mondial, les 440 réacteurs nucléaires aujourd'hui en fonctionnement permettent d'éviter chaque année le rejet d'environ 600 millions de tonnes de carbone, soit 20 % du tonnage total à « économiser ».

Le nucléaire apparaît dès lors comme l'un des outils efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique mais également pour répondre à l'explosion des besoins.

Il ne faut pas oublier non plus que le recours à l'énergie nucléaire, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, avait pour objet - ce qui reste d'actualité - de garantir l'indépendance énergétique de la France.

Le nucléaire assure aujourd'hui près de 80 % de la production d'électricité du pays, l'hydraulique complétant cette fourniture à hauteur de 14 %.

Arrêter le nucléaire dès 2009 pose la question de la production de 80 % de notre électricité. Si les recherches doivent se poursuivre, en l'état actuel des connaissances, il ne sera pas possible de remplacer si vite les centrales nucléaires.

Par ailleurs, la poursuite des recherches dans ce secteur est fondamentale pour aller plus loin, notamment sur la question du traitement des déchets.

La décision du Président de la République d'avancer vers le nucléaire de quatrième génération, plus économe, plus sûr, produisant moins de déchets, apte au dessalement de l'eau et à la production d'hydrogène, est dans ce sens un engagement conforme au protocole de Kyoto. Elle nous satisfait donc pleinement, et c'est pourquoi nous ne pouvons approuver la seconde partie de cet amendement qui prévoit un moratoire sur la construction de toute nouvelle tranche et donc de l'EPR.

Pourtant, - et c'est là que nous rejoignons nos collègues Verts - le développement de l'énergie nucléaire a pour corollaire une meilleure prise en compte des problématiques propres à cette énergie.

En conséquence, au regard des enjeux, la politique énergétique suppose une véritable maîtrise publique.

De cette maîtrise publique découle le principe de transparence afin de permettre aux citoyens de maîtriser pleinement les enjeux liés au développement du nucléaire, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets, la protection de l'environnement et les incidences sur la santé.

À ce titre, je souhaite souligner l'importance des politiques de libéralisation du secteur énergétique et de l'ouverture du capital d'EDF au regard de la transparence nucléaire.

Le désengagement de l'État dans la définition de la politique énergétique ne permet pas d'assurer la transparence nucléaire dans de bonnes conditions.

En effet, la gestion privée des entreprises énergétiques correspond à un recul démocratique important puisque les citoyens et les salariés n'ont plus leur mot à dire. Ce déficit démocratique est alors potentiellement facteur de manque de transparence et de risque.

Ainsi, la libéralisation du secteur de l'électricité conduit EDF à recourir de plus en plus souvent à la sous-traitance, qui ne permet pas d'assurer la sécurité des personnels, des installations et des populations. La question de la formation et du statut des professionnels du nucléaire est fondamentale.

La perte de maîtrise publique fait également peser de lourdes questions sur le financement du traitement des déchets nucléaires et sur le financement du démantèlement des centrales devenues vétustes. Une entreprise privée n'assumera pas ces missions de service public.

Enfin, comment ne pas reconnaître que le développement de l'énergie nucléaire a permis de fournir à nos concitoyens de l'électricité à moindre coût ? Nous estimons que cette énergie a, en partie, permis de rendre crédible le droit d'accès de tous à l'énergie.

Ce sont ces questions dont il nous faut débattre avec la population. C'est la question de la maîtrise publique des entreprises énergétiques qu'il nous faut soumettre à un référendum, comme l'ont proposé l'ensemble des forces de gauche par la motion référendaire.

C'est pourquoi nous combattons la privatisation de GDF prévue dans ce projet de loi.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons voter en faveur d'un amendement qui limite la consultation nationale à la seule question - réductrice - de l'abandon du nucléaire et qui propose concrètement l'arrêt de l'EPR.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Malgré nos nombreux points de convergence avec M. Desessard, nous ne pourrons pas le suivre sur cet amendement. Il n'en sera d'ailleurs pas surpris, puisqu'il connaît notre position sur le nucléaire.

Permettez-moi de rappeler les propos que nous tenions lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, tant en première lecture, au mois de juin 2004, qu'en deuxième lecture, au mois de mai 2005. « Nous sommes totalement favorables - nous l'avons d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises - à un rééquilibrage du bouquet énergétique. En effet, il ne nous paraît pas sain que le nucléaire représente près de 80 % de la production d'électricité d'un pays comme la France. »

Notre position est donc claire. Nous ne sommes pas du tout hostiles au nucléaire et nous ne voterons pas l'amendement de notre collègue Jean Desessard.

Toutefois, nous souhaitons un rééquilibrage du bouquet énergétique, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je remercie chaque formation politique d'avoir précisé son point de vue sur le nucléaire.

L'amendement n° 193 rectifié ²vise à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Le Parlement propose la tenue d'un référendum en 2009 portant sur l'abandon du recours à l'énergie nucléaire en France. Jusqu'à cette date, un moratoire est décidé sur la construction de tout nouveau réacteur. »

Quant à l'amendement n° 194, son dispositif est un peu plus ambitieux. Dans ces conditions, si notre assemblée rejetait l'amendement n° 193 rectifié, j'imagine qu'il me serait encore plus difficile de faire adopter l'amendement n° 194. En effet, celui-ci tend à faire en sorte que la France abandonne progressivement l'énergie nucléaire à partir de l'année 2009, à moins que les Français n'aient d'ici là exprimé par référendum leur préférence pour ce type d'énergie.

Je remercie M. Le Cam d'avoir précisé la pensée du groupe CRC et, par là même, du parti communiste. Toutefois, l'expression « Le PCF remet en cause le dogme du tout-nucléaire » n'est pas de moi. En l'occurrence, il s'agit du titre d'un article du journal Le Monde daté du 7 octobre 2006. Je suis désolé de me référer ainsi à un journal bourgeois (Sourires), qui ne traduit sans doute pas la réalité de la pensée communiste.

Dans cet article, il était écrit ceci : « Il s'agit de trois petites phrases au milieu de 119 propositions pour 2007. Le document ?Ce que nous voulons?, programme commun de la gauche radicale, recèle une surprise pour les militants du PCF. Pour la première fois, ses dirigeants acceptent la remise en cause d'un dogme : le tout-nucléaire. Dans le catalogue des mesures que devrait prendre un gouvernement ?vraiment de gauche? » - je souscris totalement à cet objectif - « imaginé par le collectif national pour un rassemblement antilibéral, le chapitre consacré au nucléaire explique que, pour trancher le différend entre sortie du nucléaire et maintien d'un nucléaire sécurisé, » - vous l'avez bien précisé, mon cher collègue - « ?un référendum populaire? sera organisé à l'issue d'un ?débat national sur la politique énergétique?. »

Il est donc bien fait mention d'un « référendum populaire ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, mais sur l'ensemble de la politique énergétique, et pas seulement sur le nucléaire !

M. Jean Desessard. De toute façon, mes chers collègues, vous avez précisé votre pensée, et je vous en donne acte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes mieux placés que Le Monde pour exprimer nos propres positions !

M. Jean Desessard. Certes, mais, en l'occurrence, l'article du Monde précisait simplement le contenu du programme commun de la gauche radicale.

L'article se poursuivait ainsi : « Pendant la durée de ce débat public - pas moins de deux à trois ans, reconnaissent les intéressés -, ?un moratoire sur la construction de tout nouveau réacteur? sera décrété. En clair, le sort du réacteur EPR est suspendu à cette consultation. Mieux encore, la centrale de Fessenheim, dans le Haut-Rhin, la plus ancienne de l'Hexagone, ?sera fermée? car ?elle ne garantit pas la sécurité des conditions de travail et de vie des populations? ».

J'avais cru comprendre que certaines forces politiques de gauche avaient évolué. Quoi qu'il en soit, je prends acte de la position des membres du groupe CRC, ainsi que de celle des sénateurs socialistes.

MM. Roland Courteau et Daniel Reiner. Notre position est constante !

M. Jean Desessard. Par conséquent, je maintiens mon amendement, même si j'ai bien remarqué qu'il avait peu de chance d'être adopté par notre assemblée. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.

M. Marcel Deneux. Mes chers collègues, nous arrivons au terme d'une séance qui a été très riche et je sors de ma torpeur. (Sourires.)

Beaucoup de choses ont été dites. Certaines sont peut-être excessives, mais d'autres nous obligent à réfléchir sur des orientations qu'il faudrait approfondir.

Dans les années à venir, nous ne pourrons pas faire l'économie d'une vaste réflexion sur la question énergétique, sur la nécessité de maîtriser notre consommation et sur le développement durable.

Mais je voudrais dire à mon ami Jean Desessard que ce n'est pas avec des positions excessives que nous parviendrons à convaincre l'opinion publique. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voté ses amendements, dont j'approuvais pourtant l'orientation, mais dont les traductions chiffrées me paraissaient excessives, et parfois même erronées.

Il faut le dire à nos compatriotes, notre équipement nucléaire actuel est une chance inouïe pour la France. Sans lui, notre situation au regard des exigences du protocole de Kyoto aurait été fort différente. En effet, lorsque les abus des différents pays signataires ont été calculés, notre pays a bénéficié d'un avantage exceptionnel. Il était utile de le rappeler.

S'agissant du nucléaire, pour être crédibles, vous, les Verts, vous devez faire un effort de cohérence intellectuelle. Il n'est pas possible de chercher à atteindre les objectifs que vous chiffrez tout en réclamant la diminution généralisée de la consommation énergétique et l'abandon du nucléaire.

À cet égard, permettez-moi de mentionner un autre exemple d'incohérence. Le seul argument que vous pouvez sérieusement utiliser à l'encontre du nucléaire concerne les déchets. En effet, notre production de déchets représente chaque année l'équivalent de 4 grammes par Français, soit 270 tonnes pour l'ensemble de notre pays. Il s'agit effectivement d'un véritable problème. Mais votre formation politique a participé au gouvernement qui a décidé la fermeture de Superphénix. Or ce réacteur constituait sans doute un élément de réponse scientifique ; vous avez perdu beaucoup de crédibilité en soutenant son arrêt définitif.

Si nous voulons être compris, il faut se garder de toute position excessive. Pour ma part, je continuerai de militer dans votre sens, mais en défendant des positions modérées, afin que l'opinion publique évolue réellement. Nous devons réaliser un effort énorme, mais cela ne passe pas par des outrances.

C'est la raison pour laquelle je voterai contre ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 530 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mmes Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 587 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz est conditionnée à l'adoption préalable d'une directive cadre relative aux services d'intérêt économique général.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 530.

M. Roland Courteau. Cet amendement vise à rappeler la nécessité de l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général avant toute ouverture à la concurrence du marché du gaz.

Au regard du présent projet de loi, il ne me semble pas inutile de rappeler ici l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne, qui consacre la place des services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union européenne.

Il nous paraît aujourd'hui indispensable qu'un outil juridique transversal reconnaisse le rôle spécifique des services publics, alors que, selon les termes de la stratégie de Lisbonne, qui a été définie au mois de mars de l'année 2000, les services d'intérêt économique général « jouent un rôle fondamental pour assurer la compétitivité globale de l'économie européenne, rendue attractive par la qualité de ses infrastructures, le haut degré de formation des travailleurs, le renforcement et le développement des réseaux sur l'ensemble du territoire et pour accompagner les mutations en cours par le maintien de la cohésion sociale et territoriale ».

Par ailleurs, la déclaration sur les services d'intérêt économique général annexée au traité de Nice, qui a été signé au mois de décembre 2000, reconnaît que « la contribution des services d'intérêt économique général à la compétitivité européenne répond à des objectifs propres : protection des intérêts du consommateur, sécurité des usagers, cohésion sociale et aménagement du territoire, développement durable ».

Or l'élaboration d'une telle directive-cadre n'a cessé d'être repoussée par la Commission européenne, bien qu'elle soit promise depuis longtemps.

Ainsi, elle a été mentionnée aux conseils européens de Nice, au mois de décembre 2000 - je l'ai évoqué -, de Laeken, au mois de décembre 2001, et, surtout, de Barcelone, au mois de mars 2002. À cette occasion, et sur l'injonction décisive du Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne de « poursuivre son examen en vue de consolider et de préciser, dans une proposition de directive-cadre, les principes relatifs aux services d'intérêt économique général, qui sous-tendent l'article 16 du traité ».

Le Parlement européen n'a pas été en reste. Il a ainsi demandé à la Commission européenne de procéder une analyse détaillée des conséquences de la libéralisation des services d'intérêt général avant d'engager de nouvelles étapes de libéralisation. Il a également clairement souhaité que le conseil européen de Laeken soutienne « une proposition de la Commission en vue d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général qui devrait garantir que le public puisse disposer de tels services ». Selon les parlementaires européens, de tels services « doivent être fournis dans des conditions fiables : qualité élevée, disponibilité générale, prix optimal, équilibre social et sécurité d'approvisionnement durable ».

Comme vous pouvez le constater, la Commission européenne est restée sourde aux injonctions tant du Conseil européen que du Parlement européen.

Pour notre part, nous estimons que cela n'est plus acceptable aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 587.

M. Jean Desessard. Lors de l'examen des amendements précédents, quelques divergences ont pu apparaître entre les formations politiques de gauche, en particulier sur le nucléaire.

En revanche, nous sommes tous en accord sur la nécessité de créer des services publics européens.

M. Jean Desessard. De notre point de vue, il est possible de construire l'Europe autrement qu'en pratiquant l'ouverture à la concurrence ou au marché et en bradant nos services publics, qui fonctionnent pourtant bien et qui sont appréciés par les Français et par les habitants d'autres pays européens.

Je partage donc le point de vue de mon collègue Roland Courteau. S'il doit y avoir construction européenne, il doit également y avoir généralisation des services publics nationaux. En effet, ceux-ci sont efficaces, assurent un statut à leurs salariés, offrent un véritable service aux usagers et remplissent bien leur mission. Une telle généralisation est donc nécessaire à la construction de l'Europe, qui doit être réorientée dans un sens plus politique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, je vous rappelle que la notion de service public n'est pas étrangère au droit communautaire. En effet, les directives de 2003 sur les marchés de l'énergie permettent aux États membres d'imposer des obligations de service public aux opérateurs.

Les auteurs de ces deux amendements identiques souhaitent une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général. Pour ma part, je ne s'y suis pas hostile et, lorsque M. François Loos s'est exprimé devant la commission des affaires économiques, il a rappelé que le Gouvernement n'y était pas opposé non plus.

En revanche, il est plus difficile de trouver des partenaires parmi les vingt-cinq États membres pour aller dans cette direction.

En outre, je suis totalement en désaccord avec ces deux amendements identiques, qui visent à faire de l'adoption d'une telle directive un préalable à l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. En réalité, il s'agit d'une manoeuvre pour retarder l'adoption du projet de loi que nous examinons actuellement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) J'y suis bien sûr tout à fait hostile et la commission a émis un avis défavorable.

M. Jean Desessard. Vous êtes trop pressé, monsieur le rapporteur !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. M. le rapporteur l'a parfaitement mis en évidence, cet amendement est une ficelle. Vous souhaitez que ce projet de loi ne soit pas adopté et vous invoquez l'absence de directive européenne sur les services d'intérêt général pour refuser de transposer les directives sur l'énergie.

M. Roland Courteau. C'était une condition du sommet de Barcelone !

M. François Loos, ministre délégué. Évidemment, je comprends que vous vouliez que cette directive voie le jour et, comme vous savez qu'elle n'a presque aucune chance de paraître dans un avenir proche, vous êtes tranquilles, l'invocation de ce retard revient à annuler carrément le projet de loi.

M. Roland Courteau. Il fallait l'exiger de la Commission !

M. François Loos, ministre délégué. Quant à moi, parce que je souhaite, au contraire, que le projet de loi soit adopté pour toute une série de bonnes raisons, je souhaite que votre amendement soit rejeté et j'émets donc un avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez rien fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Nous voudrions croire le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui a reconnu, le 26 septembre 2006, « la nécessité de consolider le cadre réglementaire applicable aux services d'intérêt général » - c'est à noter de sa part -, en rappelant que les services publics sont au coeur même du modèle de société européen et qu'on ne pouvait ignorer que « les services dits de réseau [...] représentent environ 7 % du PIB collectif et 5 % du total de l'emploi dans l'Union européenne ».

Pour le président de la Commission européenne, ce cadre réglementaire doit reposer sur quatre principes.

Premièrement, le principe de subsidiarité, qui laisse les États membres libres d'organiser et de financer leurs services d'intérêt général.

Deuxièmement, le principe de compatibilité entre les services d'intérêt général et le marché intérieur. M. Barroso a d'ailleurs noté que l'article 86 du traité stipule qu'« en cas de conflit insoluble entre les règles du marché intérieur et les missions d'intérêt général », c'est l'intérêt général « qui doit primer ».

Troisièmement, ce cadre général doit être fondé sur les caractéristiques mêmes des services d'intérêt général : rapport qualité-prix, accès universel, respect des consommateurs, cohésion sociale.

Quatrièmement, le principe de « sécurité juridique » doit s'appliquer. Nous souhaitons que cette sécurité juridique soit garantie par un texte unique. Nous estimons, en effet, qu'il n'est pas suffisant que la Commission européenne propose de présenter d'ici à la fin de l'année une communication qui, selon ses dires, permettrait d'approfondir la discussion. Nous n'en sommes plus au stade de la réflexion ; il est temps, désormais, d'agir dans ce domaine.

Les socialistes européens ont élaboré en mai dernier un projet de directive-cadre afin de faire progresser ce dossier et de démontrer qu'il n'était pas si difficile d'élaborer un instrument juridique cohérent.

Nous considérons aujourd'hui que la balle est dans le camp de la Commission européenne, certes, mais aussi dans celui des États membres, et tout particulièrement dans celui du gouvernement français et du Président de la République.

Monsieur le ministre, si vous êtes réellement attaché, comme nous-mêmes, à la préservation mais aussi à la promotion des services publics qui, seuls, peuvent garantir la solidarité et la cohésion sociale et territoriale, vous devez soumettre un tel projet aux vingt-quatre autres États membres.

Quoi qu'il en soit, nous attendons du conseil européen de décembre 2006 une déclaration qui aille au-delà des formules des conseil européens de Nice, Laeken et Barcelone et qui comporte un paragraphe demandant explicitement à la Commission européenne la rédaction, en tant que telle, d'une directive-cadre consacrée aux services d'intérêt général, qu'ils soient économiques ou non.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

M. Philippe Goujon. Il ne faut pas exagérer, quand même !

Plusieurs sénateurs socialistes. Exagérer quoi ? Nous avons la parole et nous la gardons !

Mme Bariza Khiari. Cette explication de vote est destinée à faire un certain nombre de mises au point.

C'est bien Lionel Jospin, alors Premier ministre, qui a exigé, lors du conseil européen de Barcelone, en mars 2002, que l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général soit une condition sine qua non de l'ouverture à la concurrence maîtrisée. C'est ce qu'il a obtenu.

Lors de la conférence de presse qui s'est tenue à l'issue de ce conseil, il n'a pas manqué de préciser que « au sein du Conseil la discussion s'est faite de façon corollaire entre l'article 36 et l'article 41 sur les services d'intérêt général. Le fait d'avoir obtenu le principe de la recherche de l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général est vraiment un motif de satisfaction. [...] Donc, ce lien que nous avons établi entre une ouverture progressive, pour le moment limitée aux professionnels, et le fait d'inscrire dans une directive-cadre des principes d'égalité, a été reconnu et affirmé ».

En tout état de cause, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne « de poursuivre son examen en vue de consolider et de préciser, dans une proposition de directive-cadre, les principes relatifs aux services d'intérêt économique général qui sous-tendent l'article 16 du traité [...] »

La prise de position de Lionel Jospin a d'ailleurs été fortement soutenue par le Président de la République Jacques Chirac qui, lors de la même conférence de presse, a considéré que l'obtention de cette condition était une victoire française. Il a ainsi indiqué que les conclusions du Conseil « réaffirment par ailleurs, ce qui était pour nous très important, les principes fondamentaux de notre principe essentiel de service public. Et nous avons obtenu que la Commission propose une directive-cadre sur le sujet des principes des services publics, directive-cadre qui devrait normalement être faite avant la fin de l'année », c'est-à-dire avant la fin du mois de décembre 2002 !

Depuis, le Président de la République n'a pas été très convaincant dans la promotion d'une telle directive qui, il y a quatre ans déjà, était apparue indispensable. Cela explique peut-être aussi le résultat du référendum du 29 mai 2005.

Nous regrettons que l'engagement personnel du Président de la République n'ait pas été suivi d'effet. Depuis mai 2002, c'était bien à lui de rappeler à nos partenaires européens leurs engagements, c'était bien à lui et à ses ministres de défendre sans relâche auprès de la Commission européenne cette exigence.

Nous le lui rappelons aujourd'hui, ainsi qu'à ses ministres. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, l'absence de directive-cadre ne nous arrange pas !

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.

M. Daniel Reiner. L'élaboration de la directive-cadre sur les services d'intérêt général était un engagement du Conseil européen, qui n'a pas été tenu. Mais le groupe socialiste du Parlement européen ne se contente pas de réclamer cette directive-cadre : il a choisi de prendre les devants pour relancer le débat.

En l'absence de toute initiative de la part de la Commission européenne, qui a ignoré jusqu'ici les demandes du Conseil européen, et en l'absence de garanties suffisantes pour les services publics dans le projet de directive « Services », les socialistes européens, sur l'initiative des eurodéputés socialistes français, se sont vus dans l'obligation de rédiger une ébauche de directive-cadre sur les services d'intérêt général. Pour que ce projet aboutisse, il faut bien entendu qu'une certaine volonté politique soit à l'oeuvre.

Cette initiative est née du constat que l'Union européenne ne peut se réduire à un marché. À l'heure de la directive « Services », il est urgent de garantir la continuité d'autres types de services qui répondent à des missions d'intérêt général et doivent pouvoir bénéficier d'un cadre spécifique en dehors des règles de concurrence. Il est également urgent de rappeler que la construction européenne reste sous-tendue par des valeurs universelles que les services publics, économiques ou non, sont les mieux à même de promouvoir. Ces valeurs sont la solidarité, l'égalité des chances, la cohésion territoriale et sociale. L'enjeu n'est pas uniquement français.

L'objectif général de cette proposition de directive-cadre vise ainsi à fournir, en particulier, un cadre protecteur pour les services d'intérêt économique général. Nous estimons que les services publics ne doivent pas être seulement encadrés par des directives sectorielles ; le risque est réel que la Commission européenne multiplie les propositions de directives sectorielles, créant autant de degrés de protection.

Nous ne pouvons accepter, par exemple, que le secteur de la santé soit considéré comme un secteur industriel, c'est-à-dire comme un service d'intérêt économique général et non comme un service public ; tout le monde en conviendra avec nous !

Si les services sociaux ont pu être sortis du champ de la directive « Services », ils ne sont protégés aujourd'hui par aucune législation. L'élaboration d'une directive relative aux services et la reconnaissance de la spécificité des services publics ne peuvent se substituer à un cadre juridique transversal.

Nous estimons qu'il est donc temps de stabiliser le droit pour éviter le contentieux qui n'a cessé de se multiplier au cours des dernières années et nous ne pouvons pas accepter - j'englobe dans ce « nous » l'ensemble des parlementaires et le Gouvernement - que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes tienne lieu de législation européenne. Il convient, en particulier, de mieux protéger les services publics locaux, de plus en plus attaqués par cette jurisprudence, et d'éviter que la liberté reconnue aux autorités locales d'organiser et d'assurer ces services soit peu à peu réduite à la portion congrue. Il s'agit aussi de faire respecter le principe essentiel de subsidiarité.

En résumé, l'élaboration d'un principe général nous semble la solution adéquate et cohérente pour définir et mieux protéger les services publics, qu'ils soient ainsi dénommés ou non, au niveau européen.

Voilà la raison pour laquelle nous regrettons que les deux directives que nous transposons aujourd'hui puissent s'appliquer, sans s'être assuré au préalable qu'un instrument juridique pourra garantir l'ensemble de nos services publics, économiques ou non, dans leurs missions ou leur organisation.

L'ensemble des sénateurs pourrait parfaitement partager cette préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Je crois que nous allons commencer ce soir l'examen de l'article 1er. En ce qui me concerne, je peux encore tenir une bonne partie de la nuit !

M. Jean Desessard. Moi aussi ! J'ai une énergie renouvelable !

M. Roland Courteau. L'élaboration de la directive-cadre était la première des deux conditions définies au sommet de Barcelone pour la poursuite du processus de libéralisation. Mes collègues viennent de le rappeler.

Monsieur le ministre, vous nous reprochez de chercher à retarder par cet amendement l'adoption du projet de loi et la transposition des directives...

Convenez que, au lieu de donner sans conditions le feu vert à l'ouverture totale aux ménages, comme l'a fait Nicole Fontaine, si vous aviez fait le siège de la Commission européenne dès 2002 pour qu'elle réagisse et respecte les décisions du Conseil européen, nous ne serions pas aujourd'hui dans l'obligation de déposer un amendement dans le but de nous éviter ce grand saut dans l'inconnu que représente la libéralisation totale de l'électricité et du gaz.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 530 et 587.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 531 est présenté par MM. Courteau, Reiner, Raoul, Pastor, Repentin, Ries, Teston et Bel, Mme Bricq, MM. Sergent, Rainaud, Piras, Dussaut, Mélenchon et Tropeano, Mme Alquier, Herviaux, Printz, Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Lagauche et C. Gautier, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 588 est présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt général avant la fin de l'année 2006.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour défendre l'amendement n° 531.

Mme Bariza Khiari. La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a abandonné le statut d'établissement public industriel et commercial d'Électricité de France et de Gaz de France, pour les transformer en sociétés anonymes, régies par le droit commun des entreprises.

Soulignons que, par la même occasion, cette loi a permis de diminuer le seuil de participation minimal de l'État au sein du capital de ces deux nouvelles sociétés, en le fixant à 70 %.

Cette transformation a été accompagnée des engagements que l'on sait, pris par le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, sur le maintien du caractère majoritairement public du capital de ces sociétés. Mais Nicolas Sarkozy n'a pas pris cet engagement seul, il l'a fait bien évidemment au nom de l'État.

Aujourd'hui, on nous demande de privatiser GDF, alors que rien ne nous y oblige sur le plan européen !

Faut-il vous rappeler les propos de Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, lors d'une audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion des entreprises publiques, le 10 juin 2003 ?

« Il me paraît tout d'abord important de rappeler que le traité de Rome ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises [...]. S'agissant du principe de neutralité, il est parfois reproché à la Commission européenne de s'attaquer plus souvent aux entreprises publiques qu'aux entreprises privées et d'imposer la privatisation [...].

L'article 295 du traité instituant la Communauté européenne précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres.

Je voudrais ajouter qu'au-delà de l'aspect strictement juridique, notre approche est également fondée sur le fait qu'en qualité d'autorité en charge de la concurrence, nous ne voyons aucune raison économique de privilégier ou de discriminer une catégorie d'entreprises. »

Vous prenez donc seuls l'entière responsabilité de privatiser Gaz de France, et ce malgré toutes les incertitudes entourant la fusion GDF-Suez, que nous venons, mes collègues et moi-même, de souligner et qui hypothèquent grandement la réussite du futur groupe.

À défaut de l'alibi européen, vous aviez invoqué les risques d'une OPA émanant d'ENEL. Ces risques se sont dissipés - d'autres sont cependant apparus ce matin -, et nous savons bien que la nouvelle entité ne sera pas à l'abri de la convoitise de grands opérateurs gaziers, tels que Gazprom. De telles convoitises pourraient d'ailleurs se traduire autrement que par des OPA.

Bref, vous faites courir à notre sécurité d'approvisionnement et à notre système régulé de tarification de graves risques ! Nous aurons l'occasion d'y revenir plus longuement lors de l'examen du titre Ier de ce projet de loi.

Cela étant, on se souvient que, en avril 2003, la Commission européenne avait été sur le point d'engager une procédure formelle d'examen sur la garantie illimitée dont bénéficiait EDF du fait de son statut d'EPIC, laquelle rendait inapplicable la législation sur la faillite et l'insolvabilité. La Commission européenne avait donc demandé l'extinction du statut d'EPIC pour EDF et GDF, afin d'éliminer cet élément de distorsion de concurrence.

Or, faut-il rappeler que le statut d'EPIC peut être considéré comme fondamental pour l'organisation de nos services publics et le maintien de la cohésion économique et sociale de notre pays ? C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements tendant à le défendre, que nous présenterons ultérieurement.

Comment envisager, en effet, la faillite de nos services publics de l'électricité ? Ce serait aboutir à la paralysie de notre économie et priver nos concitoyens de l'accès à ce bien vital, de première nécessité, que constitue l'énergie. Qui y songe ? À titre d'exemple, la recapitalisation publique de British Energy, au bord de la faillite, a répondu à la nécessité de sauver ce bien public précieux !

C'est pour répondre à une telle préoccupation que le statut d'EPIC a été inventé. Il nous faut aujourd'hui réfléchir aux moyens, pour la collectivité, de se réapproprier ces biens de première nécessité, indispensables à la vie de nos concitoyens et au développement durable de nos économies.

Ainsi, dans le cadre des travaux européens sur les services d'intérêt général, il serait intéressant d'expertiser la création d'un nouveau modèle de société spécifique, qui aurait pour champ d'intervention la gestion des services d'intérêt général. Son caractère public la mettrait à l'abri de toute pression d'actionnaires privés et lui permettrait d'oeuvrer conformément à l'intérêt général.

M. le président. Il faut conclure, madame Khiari !

Mme Bariza Khiari. La création de cette nouvelle catégorie d'EPIC devrait aussi permettre de concilier la volonté de préserver le statut d'EPIC, et plus particulièrement la garantie illimitée de l'État, avec l'exigence, rappelée par la Commission européenne, d'un alignement des garanties de droit commun.

Tel est le sens de cet amendement, qui vise à engager une réflexion sur les pistes d'avenir permettant de préserver les services d'intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 588.

M. Jean Desessard. Mon amendement est identique à celui que vient de présenter Mme Khiari, qui a pris le temps de bien exposer la problématique.

Pour ma part, je souhaiterais aborder deux points.

Tout d'abord, je pressens que M. le rapporteur nous objectera que nous demandons encore une fois la remise d'un rapport.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, je ne dirai pas cela !

M. Jean Desessard. Toutefois, ce serait en fait le premier, puisque toutes nos autres demandes de cet ordre ont été rejetées jusqu'à présent. Nous pouvons donc espérer de sa part un avis favorable, me semble-t-il !

Ensuite, j'observerai que nous avons déjà évoqué cette question de la création d'une nouvelle catégorie d'EPIC lorsque nous avons débattu de la privatisation d'Aéroports de Paris.

À l'époque, on nous avait dit qu'il fallait privatiser Aéroports de Paris parce qu'un tel établissement public est hors la loi quand il intervient hors des frontières nationales et sort de sa mission de gestion des aéroports parisiens. Nous avions été sensibles à cet argument, nous ne sommes pas obtus ! Il nous avait alors semblé que les compétences de cet établissement en matière, par exemple, de construction de tours de contrôle devraient pouvoir s'exercer à l'étranger.

Avait donc été imaginé un nouveau type d'établissement public à vocation internationale, ayant des comptes à rendre à l'État français mais étant en mesure d'exécuter certaines missions à l'extérieur de nos frontières, puisque l'on sait bien que, aujourd'hui, il est difficile de limiter le champ de son activité au seul territoire national.

Cette démarche relève donc de l'effort de modernisation que nous avons tous à faire, mais toujours, en ce qui nous concerne, à gauche, dans un esprit de solidarité : il faut garder un service public en l'adaptant au XXIe siècle. Comme l'a dit M. Breton, il faut vivre avec son temps et ne pas borner ses références au XIXe siècle ! Or, précisément, nous avions proposé d'instaurer des établissements publics à vocation internationale, adaptés à notre époque.

Dans cette optique, afin de nourrir la réflexion, nous proposons qu'un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'EPIC chargé de services d'intérêt général soit remis au Parlement avant la fin de cette année.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je suis hostile à ces amendements, non parce qu'ils prévoient la remise d'un rapport au Parlement, monsieur Desessard, mais parce que Bruxelles ne permet plus qu'un EPIC ait la garantie de l'État. Vous voudriez en fait instituer une nouvelle forme d'EPIC n'ayant pas cette garantie ; cela s'appelle, tout simplement, une société anonyme !

Par conséquent, vous demandez l'impossible. Je n'ai pas bien compris, très sincèrement, quelle pouvait être l'utilité de ces amendements, sur lesquels j'émets bien entendu un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Loos, ministre délégué. S'agissant de GDF, il est aujourd'hui nécessaire que cette entreprise puisse investir et prendre position sur un amont gazier extrêmement coûteux. Pour cela, GDF a besoin d'une plus grande ouverture de son capital, qui lui permette d'absorber un acteur qui soit à peu près de sa taille et lui donne les moyens d'aller au-devant des propriétaires de très gros gisements, avec lesquels nous souhaitons qu'il puisse conclure des accords de long terme pour garantir l'approvisionnement de notre pays.

Il n'est donc pas souhaitable de lui conférer une structure dans laquelle son capital serait fixé une fois pour toutes.

En ce qui concerne EDF, nous avons transformé cet ancien EPIC en société anonyme et ouvert récemment son capital. L'augmentation de ce dernier a permis à l'entreprise de recevoir, si ma mémoire est bonne, une dizaine de milliards d'euros.

M. Jean Desessard. Il faut être précis, monsieur le ministre !

M. François Loos, ministre délégué. Nous avons souhaité que cette augmentation du capital s'opère sans que l'État vende des participations, notre objectif étant que cette dilution de la part de l'État, laquelle atteint tout de même encore 85 %, donne à EDF les moyens de faire ce qui nous paraît aujourd'hui le plus important, à savoir investir. Nous avons en effet demandé à EDF d'investir 40 milliards d'euros dans les cinq ans à venir.

En tout état de cause, ce n'est pas en créant une nouvelle forme d'EPIC que l'on aidera EDF et GDF à atteindre les objectifs qui leur sont assignés au nom de l'intérêt général.

En conséquence, j'émets un avis défavorable sur les deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 531 et 588.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Articles additionnels avant l'article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au secteur de l'énergie
Discussion générale