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Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Quand on aime, on ne compte pas et on ne voit pas le temps passer. (Sourires.) Nous avons eu un débat tout à fait riche, mais nous y avons consacré cinq heures, et non les trois heures trente prévues.

Dans ces conditions, l'examen des crédits de la mission « Sécurité » va nous conduire jusqu'au dîner et peut-être au-delà. Par conséquent, nous aborderons les crédits de la mission « Sécurité civile » ce soir, à la reprise de la séance.

À l'évidence, l'examen des crédits de la mission « Politique des territoires » ne pourra pas commencer avant minuit. Or la conférence des présidents a posé le principe selon lequel la discussion des crédits d'une mission ne peut débuter après minuit. Dans ces conditions, madame la présidente, mes chers collègues, nous pourrions reporter à demain matin, à neuf heures trente, l'examen des crédits de cette mission.

Si nous parvenons à rattraper le retard pris aujourd'hui, peut-être pourrons-nous éviter de consacrer une partie du samedi, journée pour laquelle aucune discussion n'est prévue, aux éventuelles discussions reportées. Mais, si nous continuons à prendre du retard, nous serons obligés de siéger samedi.

Mme la présidente. Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Le Sénat examinera donc les crédits de la mission « Politique des territoires » demain, jeudi 7 décembre, à neuf heures trente.

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Articles additionnels après l'article 50 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Deuxième partie

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Sécurité

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Sécurité

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Article additionnel avant l'article 51 septies

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présenterai tout d'abord les principales caractéristiques de cette mission, puis j'aborderai plus spécifiquement les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », qui la composent.

Après quelques tâtonnements lors de la conception initiale de la maquette budgétaire, le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, est désormais une réalité tangible. Une véritable politique de mutualisation des forces de sécurité est désormais en oeuvre et les réflexes de travail en commun sont acquis.

Les groupements d'intervention régionaux, les GIR, constitués à parité de policiers et de gendarmes, illustrent la mise en application sur le terrain de cette interministérialité.

Seule la « reventilation » de 53 % des crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », soit 244,8 millions d'euros, vers le programme « Police nationale » de la présente mission témoigne de la survivance d'une ancienne logique ministérielle, en contradiction avec l'esprit de la LOLF.

La mission « Sécurité » est dotée de 16,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 1,5 % par rapport à 2006, et de 15,6 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 2,6 % par rapport à l'exercice précédent.

L'essentiel de ces moyens, c'est-à-dire 13 milliards d'euros, soit 83,4 % de la mission, est consacré aux dépenses en personnel. Je veux une fois de plus rappeler que les moyens supplémentaires ne constituent pas une fin en soi. Ils ne doivent être conçus que par rapport à un meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles.

Dans cette perspective, je relève que, lors de son audition, M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, a témoigné de l'intérêt de l'audit mené, à la demande de la commission des finances, sur l'organisation et les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie.

Au total, en 2005, la délinquance constatée a baissé de 0,77 % en zone police et de 2,67 % en zone gendarmerie, si l'on se fonde sur les statistiques fournies par l'état 4001. Je souligne que ce baromètre de la délinquance existe depuis 1972. Il est par conséquent incontestable. Le nombre de crimes et de délits constatés est ainsi passé de 3 825 442 en 2004 à 3 775 838, soit une baisse de 49 604 faits constatés.

Parallèlement, le taux d'élucidation global a enregistré, en 2005, une légère progression : il est désormais de 30,39 % en zone police et de 40,62 % en zone gendarmerie.

Il faut avoir à l'esprit que ce taux global recouvre toutefois de grandes différences de performance selon les catégories d'infraction. Ainsi, pour le programme « Police nationale », le taux d'élucidation varie de 12,37 % pour les vols, y compris le recel, à 51,37 % pour les escroqueries et les infractions économiques et financières, et à 51,96 % pour les violences contre les personnes.

Plus largement, je souhaite, à l'occasion de cette discussion budgétaire, insister une nouvelle fois sur l'importance, s'agissant des réseaux de communication des forces de sécurité, de disposer à terme d'un réseau unique commun à la police et à la gendarmerie, ainsi qu'aux personnels de sécurité civile.

J'en viens maintenant au programme « Police nationale ».

Ce programme comporte, hors fonds de concours, 8,2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,3 %.

Au sein de ce programme, la lutte contre l'immigration clandestine, en particulier, mobilise 91,2 millions d'euros, cette dotation incluant les coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative, les CRA, et des zones d'attente, pour 40,8 millions d'euros, ainsi que les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, pour 50,4 millions d'euros. Il est utile de préciser que, hors frais de voyage, le coût de l'expulsion d'un clandestin s'élève à 1 800 euros environ.

S'agissant des effectifs, le taux de réalisation de la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, est satisfaisant, puisqu'il atteindra, en 2007, 95,4 % pour la police nationale, avec 6 200 emplois créés, dont 4 200 emplois de fonctionnaires actifs.

En matière de dépenses d'investissement, le taux de réalisation de la LOPSI ne mérite toutefois pas le même satisfecit, puisqu'il n'est que de 66 %. En 2006, la fongibilité des crédits s'est essentiellement opérée de l'investissement vers le fonctionnement, notamment en faveur de l'interopérabilité.

Ici encore, il faut rappeler que les efforts consentis par les contribuables pour le renforcement des forces de sécurité doivent déboucher sur des progrès tangibles en termes d'efficacité.

Dans cette perspective, le développement des violences urbaines doit inciter à une réflexion approfondie et à une large concertation, menée sans pesanteur idéologique, mais avec pragmatisme. Si de nombreux commissariats de proximité ont été fermés en raison de leur faible fréquentation, le rôle de la police nationale ne saurait pourtant se réduire à la répression. Le travail de prévention est également fondamental dans les quartiers en difficulté.

En matière de performance du programme « Police nationale », il convient de relever que le coût moyen d'une rétention administrative, qui s'élevait, en 2005, à 802 euros, connaît une tendance à la hausse. Cette évolution tient notamment à l'amélioration des prestations hôtelières et à l'augmentation de la durée moyenne de rétention liée à la multiplication des recours.

En ce domaine, la création d'un indicateur relatif à l'évaluation du taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire pourrait se révéler judicieuse. Serait alors mesuré le « taux de réponse » donnée par la police à la mission qui lui est confiée, à savoir l'éloignement de personnes identifiées.

J'aborderai maintenant le programme « Gendarmerie nationale », qui comporte, hors fonds de concours, 7,4 milliards d'euros de crédits de paiement, ce qui représente une progression de 2,9 %.

Parmi les innovations concernant ce programme en 2007, figure, à partir de l'année prochaine, la prise en charge par la gendarmerie des dépenses de fonctionnement des trois CRA placés sous sa responsabilité. Les crédits de fonctionnement de ces derniers, qui s'élèvent à 1,3 million d'euros, dépendaient auparavant de la mission « Justice », plus précisément du programme « Administration pénitentiaire ».

Force est de reconnaître que le niveau de création d'emplois pour ce programme, par rapport aux mesures prévues par la LOPSI, enregistrera au total, en 2007, un déficit de 950 postes, ce qui représente un taux de réalisation de 86,4 %.

Le financement du développement et de la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie nationale représente l'une des questions clefs de ce programme. Ce financement s'appuie de manière croissante sur les partenariats public-privé, les PPP, via le recours, notamment, à des opérations sur bail emphytéotique administratif.

Concernant la mise en oeuvre des chantiers en lien avec ces PPP, des retards sont, comme beaucoup d'élus locaux le savent, à déplorer. En outre, ce mode de financement a pour conséquence un renchérissement du prix de ces opérations pour la gendarmerie, du fait du coût de la prime de risque de l'opérateur privé. Ce surcoût a été estimé à 30 % environ par le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Guy Parayre.

Concernant les opérations extérieures, les OPEX, qui témoignent du caractère militaire de la gendarmerie nationale, 522 hommes en moyenne auront été déployés en 2006. Les missions hors du territoire continental pèsent significativement sur la disponibilité de la gendarmerie mobile.

Concernant la performance de ces OPEX, on ne peut, en outre, que regretter que les deux indicateurs qui leur sont rattachés mesurent plus une activité qu'une performance. Sur ce dernier point, l'« esprit » de la LOLF n'a pas encore fait sentir tous ses effets... (Sourires.)

En conclusion, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, l'effort budgétaire consacré à la mission « Sécurité » connaîtra une augmentation significative de 2,6 %.

Cet effort renouvelé devrait permettre de mener à son terme l'exécution de la LOPSI. Rarement, je tiens à l'indiquer, une loi de programmation aura été aussi bien respectée. Je dois d'ailleurs dire que tous les syndicats que nous avons rencontrés l'ont souligné. La persévérance et la constance dans la conduite de la politique de sécurité sont l'une des principales explications des succès obtenus.

Pour la cinquième année consécutive, les chiffres de la délinquance sont bons, en dépit d'un ralentissement du rythme de la baisse. Seule ombre au tableau, les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante.

Je me contenterai de dresser un bilan rapide de l'exécution de la LOPSI. L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité ont été menées à leur terme, même si une année supplémentaire sera nécessaire pour respecter la totalité des engagements pris en faveur de la gendarmerie, notamment en matière d'effectifs et d'immobilier.

Le principal apport de la LOPSI aura sans doute été de redonner un cap à la politique de sécurité intérieure. À cet égard, un grand succès aura été de parvenir simultanément à rendre son identité à la gendarmerie et à la replacer au coeur de cette politique, ce que l'on vous doit, madame la ministre. Je rappelle qu'en 2002 la gendarmerie nationale traversait une crise profonde, à la fois morale, culturelle et matérielle.

Ce bilan très positif de la LOPSI ne signifie bien entendu pas que tout soit parfait. À mon sens, l'un des domaines où les résultats n'ont pas été atteints est le recentrage des policiers et des gendarmes sur des missions liées à la sécurité.

En premier lieu, il est nécessaire d'aller encore plus loin dans le recrutement de personnels administratifs au sens strict, afin de libérer des policiers et des gendarmes des tâches de gestion.

En second lieu, je regrette qu'aucun résultat réellement significatif n'ait été obtenu pour réduire certaines charges qualifiées d'« indues », en particulier les extractions et les transfèrements judiciaires.

La tendance observée n'est d'ailleurs pas bonne. En 2005, les concours à la justice de la direction centrale de la sécurité publique ont augmenté de 9,5 %.

Au cours de la réunion de la commission des lois, j'ai fait part de ma conviction que le principe prescripteur - payeur devrait s'appliquer en l'espèce, conformément à l'esprit de la LOLF. Les escortes judiciaires devraient par conséquent être effectuées par l'administration pénitentiaire.

Je ne cacherai pas que de nombreux membres de la commission n'ont pas partagé cette idée. L'un de mes collègues a suggéré de responsabiliser financièrement le ministère de la justice en tarifant à la vacation les opérations d'escorte et de transfèrement. Toutefois, tous ont partagé le diagnostic selon lequel il était possible et nécessaire de réduire le volume des escortes judiciaires en rationalisant la façon dont elles sont organisées.

Ma première question, monsieur le ministre, est donc celle-ci : quelles solutions envisagez-vous avec le ministère de la justice pour réduire le volume des escortes judiciaires et le poids de ces missions pour la police et la gendarmerie ?

Je continuerai par quelques remarques sur le choix des indicateurs de performance.

L'année dernière, j'avais fait un certain nombre d'observations et de critiques à l'encontre du choix de ces indicateurs. Force est de constater que peu d'entre elles ont été suivies.

Toutefois, un indicateur m'avait semblé très pertinent pour évaluer la qualité des procédures d'éloignement des étrangers : le « taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police ». Il permet en effet de mesurer à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie. Rien ne sert de lancer beaucoup de procédures si celles-ci sont bâclées ou faites dans la précipitation. Au final, elles sont inefficaces, puisqu'elles ont un coût, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité. Je note avec regret que cet indicateur n'est toujours pas renseigné cette année.

J'avais proposé de créer un indicateur de ce type pour évaluer, de manière plus générale, l'action de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales. Serait ainsi mesuré le nombre de procédures annulées pour vice de procédure imputable aux services de police et de gendarmerie. Je souhaite donc savoir si, sur cette question, une réflexion a été engagée par les services.

De manière plus générale, quels progrès ont-ils été accomplis depuis quatre ans pour assurer un meilleur continuum entre les statistiques des forces de sécurité et celles de la justice ? En effet, la politique de sécurité ne s'arrête pas aux portes des commissariats, mes chers collègues !

J'en viens maintenant à un thème que j'ai souhaité étudier de façon plus approfondie cette année : la police technique et scientifique, ou PTS.

Monsieur le ministre, vous m'avez autorisé - ce dont je vous remercie - à aller à Ecully, où se situe la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale. Au cours de mon déplacement, j'ai pu constater l'importance de la révolution en cours pour les méthodes de travail de nos forces de sécurité.

Ma première question porte sur la signature par la France du traité de Prüm, le 27 mai 2005. Ce traité, signé entre les États du Benélux, l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche et la France, prévoit notamment la consultation automatisée des fichiers nationaux des empreintes génétiques et des empreintes digitales des États parties. Pouvez-vous nous dire si, sur ce point, des évolutions sont à attendre rapidement, notamment du fait de la présidence allemande de l'Union européenne au début de 2007 ?

Ma seconde question porte sur le fichier STIC - système de traitement des infractions constatées. À la demande du ministre de l'intérieur, un rapport récent de M. Alain Bauer a montré que ce fichier de police judiciaire était encore insuffisamment mis à jour, ce qui peut avoir des conséquences graves pour les individus lorsque ce fichier est consulté à l'occasion d'enquêtes administratives.

Ce rapport fait état d'un certain nombre de recommandations. Quelles conséquences comptez-vous en tirer ? Le futur système ARIANE, qui remplacera le STIC, permettra-t-il de résoudre ces problèmes, notamment d'établir des liaisons informatiques entre les parquets et les gestionnaires du fichier ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable aux crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 pour la gendarmerie est marqué par une progression des crédits qui, avec 2,5 %, est supérieure à celle du budget de l'État - 0,8 %.

Les dépenses de personnel s'élèvent à 6 milliards d'euros pour 2007 contre 5,8 milliards en 2006, soit une augmentation de 3,1 %. Elles représentent 80 % des crédits de paiement du programme 152 « Gendarmerie nationale » et résultent principalement de la mise en oeuvre de la LOPSI et du plan d'adaptation aux responsabilités exercées.

Les dépenses de fonctionnement hors loi de programmation militaire s'élèvent à 560 millions d'euros. Elles permettront notamment le passage du réseau SAPHIR 2G au réseau SAPHIR 3G, qui assurera le raccordement intranet des unités élémentaires de gendarmerie. En 2007, 85 000 personnels de la gendarmerie disposeront ainsi d'un accès à l'intranet.

J'aborderai maintenant les dépenses relevant du périmètre financier de la loi de programmation militaire et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Pour l'entretien programmé du personnel et du matériel, les autorisations d'engagement s'élèvent, en 2007, à 65 millions d'euros et les crédits de paiement à 81 millions d'euros. Je rappelle que l'entretien programmé du matériel regroupe les crédits de maintien en condition opérationnelle, notamment en ce qui concerne les matériels aériens,

Pour l'informatique et les télécommunications, les autorisations d'engagement s'élèvent à 68 millions d'euros et les crédits de paiement à 101 millions d'euros. Ces crédits seront consacrés au développement de nouveaux projets d'ampleur nationale conditionnant l'efficacité opérationnelle.

Je citerai, en particulier, le projet d'application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs, ou ARIANE, qui reposera sur la fusion des fichiers actuels de gendarmerie, JUDEX - système judiciaire de documentation et d'exploitation -, et de police, STIC -  système de traitement des infractions constatées -, et la mise à niveau du réseau de radiocommunication RUBIS, qui est caractérisé notamment par la confidentialité et la disponibilité, et qui couvre plus de 80 % du territoire.

Le déploiement de chacun des réseaux RUBIS, pour la gendarmerie, et ACROPOL- automatisation des communications. radiotéléphoniques opérationnelles de la police -, pour la police, a représenté un coût de l'ordre de 600 millions d'euros ; la prochaine génération d'infrastructures de communication devra évidemment être commune à la police et à la gendarmerie.

Les dépenses d'équipement s'élèvent à 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 174 millions d'euros en crédits de paiement.

Elles concernent les véhicules : près de 2 000 voitures de brigades et de police de la route vont être acquises en 2007, ainsi que 300 véhicules de groupe pour la gendarmerie mobile. Par ailleurs, de nouveaux véhicules blindés légers vont remplacer les véhicules blindés à roues de la gendarmerie, ou VBRG : 78 engins vont être commandés en 2007 et les livraisons devraient débuter en 2008.

Les dépenses d'équipement concernent également les hélicoptères et, enfin, les armes individuelles : l'arme de poing SIG PRO 2022 et le pistolet TASER, qui paralyse.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Très efficace !

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Dans le domaine immobilier, les autorisations de paiement s'élèvent à 617,50 millions d'euros.

La répartition par actions des crédits de la gendarmerie est la suivante : 55 % pour l'ordre et la sécurité publics, 14 % pour la sécurité routière, 28 % pour la police judiciaire et le concours à la justice, 3 % pour l'exercice des missions militaires. En ce qui concerne ces dernières, il convient de relever avec satisfaction - nous l'avions demandé l'année dernière - que les dépenses d'opérations extérieures font, pour le budget 2007, l'objet de provisions s'élevant au total à 15 millions d'euros. La lisibilité budgétaire sur les OPEX est ainsi améliorée.

En conclusion, je souhaiterais obtenir des précisions sur quelques points.

Depuis 2004, on observe un très net glissement des investissements des collectivités locales vers la procédure des baux emphytéotiques administratifs, les BEA. Dans l'ensemble des financements des constructions neuves du parc locatif, la part de ces BEA est ainsi passée de 3,8 % en 2005 à 47,9 % en 2007, c'est-à-dire en deux ans. Cela ne risque-t-il pas, à terme, de poser le problème du coût des loyers inhérents à cette modalité de financement ?

Comment sera assurée l'interopérabilité des réseaux de communication de la gendarmerie et de la police ?

Le nombre de postes créés dans le cadre de la LOPSI s'élevait à 7 000 pour la période 2003-2007. La gendarmerie s'est vu doter de 6 050 personnes et la création des 950 postes supplémentaires devra être lissée sur l'année 2008. Cela provient-il de contraintes budgétaires ou d'un problème de recrutement du personnel de gendarmerie ?

Enfin, je souhaite rendre hommage à la gendarmerie française (Mme la ministre approuve.), force de sécurité à statut militaire qui assure la sécurité de 46 % des Français sur 95 % du territoire national.

M. Roland du Luart. Tout à fait !

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », au sein de la mission interministérielle « Sécurité », et a rappelé sa profonde satisfaction pour le travail effectué par la gendarmerie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;

Groupe socialiste, 22 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.

Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons aujourd'hui sur la mission « Sécurité » nous permet, à la suite de Jean Faure, de rendre hommage à l'ensemble des policiers et des gendarmes qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens.

La mission « Sécurité » est dotée de 16,312 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 15,703 milliards d'euros en crédits de paiement.

La répartition entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est relativement équilibrée, démontrant la volonté de ne pas faire de différences entre ces deux corps, qui ont tous deux pour objectif de réduire la délinquance et la criminalité.

Policiers et gendarmes travaillent déjà en bonne intelligence au sein des groupes d'intervention régionaux, les GIR, créés en 2002. Cette coopération devrait également s'illustrer par le lancement du projet d'application, de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs, ARIANE, résultant de la fusion des deux fichiers actuels, JUDEX et STIC.

En cette dernière année d'exécution de la LOPSI, on ne peut que se réjouir du bilan établi, qui, il faut bien le dire, est très satisfaisant. La LOPSI a en effet permis de refonder les principes régissant l'organisation de la sécurité intérieure sur le territoire national.

En termes de personnel, il est prévu, pour 2007, 1 000 emplois supplémentaires dans la police, portant à 6 200 le total de créations de postes depuis 2002, pour un objectif fixé à 6 500 postes, tandis que, dans la gendarmerie, ce sont 950 emplois nouveaux qui doivent être créés.

On peut donc considérer que les objectifs fixés par la LOPSI sont quasiment atteints, les taux de réalisation de création d'emplois étant de l'ordre de 95 % dans la police et de 86 % dans la gendarmerie.

Par conséquent, il me paraît tout à fait normal que les dépenses en personnel représentent l'essentiel des moyens de la mission pour 2007, avec 13 milliards d'euros.

Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie au niveau local et le recentrage des forces de sécurité sur leur mission fondamentale au niveau national sont de véritables réussites.

Certes, les forces de police ont une nécessaire mission de prévention, connue et reconnue, mais leur mission prioritaire est de permettre l'arrestation et la traduction devant les tribunaux des délinquants et des criminels. À ce titre, le débat qui a eu lieu récemment sur la police de proximité n'a en réalité pas lieu d'être. Chacun sait ce qu'attend la population de nos quartiers des forces de police.

Ce recentrage a en tout cas permis d'accroître l'activité judiciaire des forces de police et de faire diminuer sensiblement la délinquance et la criminalité.

Ainsi, la délinquance de voie publique a baissé entre 2004 et 2005 de près de 5 % - près de 4 % en zone police et plus de 7 % en zone gendarmerie, madame la ministre -, tandis que le taux d'élucidation a progressé en 2005, pour atteindre près de 31 % en zone police et près de 41 % en zone gendarmerie.

Il convient de noter des différences importantes selon la nature des infractions. Par exemple, dans le programme « Police nationale », le taux d'élucidation varie d'environ 13 % pour les vols à 52 % - taux extraordinairement significatif - pour les violences contre les personnes. Mais il est probable qu'on classe dans la première catégorie tous les vols « légers », qui, quoique influant sur le sentiment d'insécurité, ne déclenchent pas d'enquêtes approfondies.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Roger Karoutchi. Cet effort en matière de lutte contre la délinquance doit être soutenu à l'encontre tant des majeurs que des mineurs, notamment les multirécidivistes.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, que la Haute Assemblée a adopté en première lecture en septembre dernier, prévoit à ce titre une réponse plus ferme .à l'encontre de ces mineurs.

Naturellement, je félicite le Gouvernement d'avoir créé le service de police ferroviaire, dans un premier temps en région d'Île-de-France, puis sur tout le territoire national. Fort de 2 500 policiers, il a obtenu des résultats considérables dans la sécurisation du réseau des trains de banlieue, du RER et du métro. Il obtiendra sans doute des résultats identiques pour la sécurité des bus.

Cette politique de sécurisation des transports publics est essentielle non seulement en Île-de-France, mais encore dans l'ensemble de notre pays.

M. Philippe Goujon. Absolument !

M. Roger Karoutchi. La réussite de la LOPSI se traduit également en matière de matériel et d'équipement. La tenue des policiers et des gendarmes a été transformée pour faire face à l'évolution de la violence : ces derniers disposent maintenant d'un gilet pare-balles, de nouvelles armes et de 400 véhicules équipés de caméras embarquées. De plus, le système de transmission sécurisé propre à la police, ACROPOL, a progressé, et il est prévu que l'ensemble du territoire soit couvert dès le second semestre de 2007.

En ce qui concerne l'immobilier, je félicite le ministère de son gros effort en faveur notamment de l'installation des jeunes policiers. Il est prévu de lancer la construction d'un commissariat de police à Clichy-sous-Bois et dans le XXe arrondissement de Paris, et de poursuivre le grand chantier de la direction départementale de la sécurité publique de Seine-Saint-Denis à Bobigny.

Là encore, nous avons besoin d'accroître nos efforts pour conserver nos forces de police, pour faire en sorte que les commissariats, notamment dans les grandes zones urbaines, soient modernes, opérationnels et proches de la population.

La réhabilitation des cellules de garde à vue, comme le préconise notre collègue Jean-Patrick Courtois dans le rapport sur l'enregistrement des interrogatoires de garde à vue qu'il a remis au ministre d'État, est une nécessité. Je souligne à ce titre la politique ambitieuse engagée, notamment en région d'Île-de-France, puisque sur les 524 cellules qui sont actuellement en cours de réhabilitation, 220 le sont dans cette région. À terme, il est prévu que 2 500 cellules seront restaurées.

Là encore, l'action d'un certain nombre de parlementaires s'est révélé être une réussite en cette matière difficile mais nécessaire.

Si le budget pour 2007 permet l'amélioration des conditions de travail, il prévoit également de fidéliser et de remotiver les forces de sécurité.

On sait pertinemment que de nombreux jeunes policiers se retrouvent dans des quartiers difficiles. On l'a vu l'année dernière, on le voit de nouveau cette année. Il est nécessaire de fidéliser ces fonctionnaires, ce que permet le budget du programme « Police nationale » pour 2007, notamment en consacrant plusieurs dizaines de millions d'euros à l'action sociale. Je me réjouis que soient prévus pour la région d'Île-de-France 200 prêts à taux zéro supplémentaires, plus de places en crèche, plus de logements réservés. Il faut naturellement que nos forces de sécurité disposent des moyens nécessaires à une vie aussi normale que possible, y compris dans les régions difficiles.

Afin de remotiver les forces de sécurité, le Gouvernement a eu la bonne idée de consacrer 20 millions d'euros à la « prime de résultat », ce qui est innovant pour notre pays. Cette prime, dont le montant est de 400 euros en moyenne, a un effet non négligeable.

Madame la ministre, monsieur le ministre, sachez combien les élus de l'ensemble de la France vous sont reconnaissants des efforts que vous faites pour nos gendarmes et nos policiers. Sincèrement, au-delà des polémiques sur la politique de répression ou sur la politique de prévention, nous avons tous le souci de faire de la sécurité une priorité nationale, justement pour qu'elle ne soit plus un sujet de polémiques et de débats politiciens. Si la sécurité pouvait être le bien de tous, des plus modestes comme des autres, et si elle pouvait ne plus faire débat, cela signifierait que vous avez réussi. C'est ce que je vous souhaite.

En tout état de cause, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 28 mars dernier, à l'occasion d'une question orale avec débat sur le bilan des violences urbaines de novembre 2005, je plaidais à cette même tribune pour un élargissement du rôle des maires dans le dispositif de sécurité sur le territoire de sa commune.

C'est l'un des enseignements majeurs de la gestion de la crise de novembre 2005, dans laquelle les maires ont joué un rôle essentiel d'apaisement et de coordination.

À l'occasion de ces dramatiques événements, les maires ont souvent été en première ligne, réaffirmant sur le terrain leur statut d'acteurs incontournables de toute politique de sécurité et apportant la preuve qu'ils devaient être placés au centre du dispositif.

Ce devrait être bientôt chose faite, puisque, pas plus tard qu'aujourd'hui, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, à la suite du Sénat, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui consacre enfin le rôle pivot du maire en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.

Il reste maintenant à examiner au plus vite ce texte en deuxième lecture, malgré un calendrier parlementaire raccourci, et plus encore à permettre son entrée en vigueur à grand renfort de décrets.

C'est en prenant en compte les dispositions contenues dans ce projet de loi qu'il faut apprécier la politique de sécurité et ses crédits pour 2007, tant ce texte ouvre de nouvelles perspectives en permettant de développer la coordination des acteurs locaux, de renforcer l'efficacité du « couple » maire-préfet, de clarifier le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, des groupes locaux de traitement de la délinquance et des contrats locaux de sécurité.

L'année 2007 sera la cinquième et dernière année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, laquelle aura été une priorité constante du quinquennat.

L'objectif pour 2007 est d'abord que soient poursuivis les bons résultats enregistrés depuis 2002. En ce domaine, les statistiques sont assez éloquentes ; elles viennent d'ailleurs d'être rappelées par les orateurs précédents.

L'effort sera donc poursuivi en 2007 puisque, une fois de plus, les crédits de la mission « Sécurité » augmentent, de surcroît plus fortement que le budget de l'État.

D'une certaine façon, ces chiffres obligent nos forces de sécurité en termes de résultats. Parce qu'ils disposent du monopole de la violence physique légitime, policiers et gendarmes sont les garants de la première des libertés que constitue la sécurité, sans laquelle il n'y aurait pas d'État de droit.

L'effort de recrutement important accompli depuis 2002 permettra de porter les effectifs policiers à plus de 150 000 fonctionnaires en 2007. Quant à la gendarmerie, elle aura vu ses effectifs renforcés en cinq ans, puisque ces derniers s'élèveront à 106 000 à la fin de 2007.

De plus, le redéploiement sur le territoire des effectifs de police et de gendarmerie est sur le point d'être achevé puisque soixante-cinq départements sont d'ores et déjà concernés. Ainsi, nos dispositifs sont plus lisibles, plus clairs et, surtout, plus rationnels.

S'agissant toujours des forces de l'ordre, je voudrais vous suggérer, monsieur le ministre, que, après avoir accru nettement leurs effectifs, vous étudiiez le problème des personnels.

Même si, statutairement, une obligation de rester cinq ans en poste pèse sur les personnels, il n'en demeure pas moins que, passé ce délai, il existe une rotation trop importante, qui est préjudiciable au bon fonctionnement de l'action de police.

En effet, beaucoup de jeunes policiers se trouvent affectés dans des quartiers difficiles. Or, quand ils commencent à connaître de manière satisfaisante leur quartier d'affectation ainsi que sa population, ils demandent à être mutés ailleurs.

Il faudrait donc réfléchir à des dispositifs financiers ou statutaires permettant d'encourager leur maintien dans les quartiers difficiles, ce qui ne serait pas sans incidence sur la qualité de l'ordre et de la sécurité qui y règnent.

D'ailleurs, cette idée participe de la même logique que celle qu'a mise en avant la mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années, mission présidée par notre collègue Alex Türk et dont j'étais membre. Dans son rapport intitulé Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers, elle formule soixante-dix propositions s'articulant autour de sept orientations. L'une d'entre elles vise à permettre de « mieux assurer la sécurité dans les quartiers en difficulté » en réactivant « une véritable police de proximité », condition nécessaire et suffisante pour pacifier ces quartiers, réconcilier leur population et la police et ainsi rétablir l'ordre et la sécurité.

Il est essentiel, en effet, que les policiers puissent connaître le mieux possible les quartiers dans lesquels ils sont amenés à évoluer.

Bien entendu, il ne s'agit pas de supprimer la répression et la sanction ; il faut donner plus de force au respect de la loi en y associant en amont la prévention et la dissuasion. L'indispensable fermeté de la répression est d'autant plus efficace qu'elle ne constitue pas le seul pilier de notre politique de sécurité.

Il ne s'agit pas non plus de confier aux forces de sécurité le rôle dévolu aux associations, aux travailleurs sociaux ou encore aux élus. De même, il ne faut pas confier à d'autres les missions qui doivent revenir aux forces de sécurité. C'est à l'État d'assumer ses fonctions régaliennes.

Dans ma ville, par exemple, c'est la police municipale qui a dû, de fait, se substituer à la police de proximité pour occuper le terrain dans les quartiers difficiles, mais avec ses moyens et ses prérogatives, qui ne sont évidemment pas les mêmes.

Une semaine après la remise de notre rapport, le Premier ministre a plaidé en faveur d'une « police de tranquillité publique » qui doit créer « un lien de confiance avec les populations » en étant « à la fois plus présente et plus à l'écoute ».

Faut-il y voir une convergence de vues entre le Gouvernement et le rapport sénatorial ? Au-delà de la terminologie, les propositions visant à instaurer une « police de tranquillité publique », s'agissant du Premier ministre, ou à réactiver la police de proximité, s'agissant du rapport de la mission, ne procèdent-elles pas du même constat et ne visent-elles pas au même but ?

Monsieur le ministre, quelle est votre appréciation ? Ne faut-il pas, en matière de violences urbaines et de police de proximité, privilégier, au-delà de tout dogmatisme, le pragmatisme, comme le recommande M. le rapporteur spécial, Aymeri de Montesquiou ?

Pour une meilleure sécurité des Français, il nous faut également des forces de sécurité mieux équipées. La question des dotations ayant été évoquée précédemment, je n'y reviendrai pas.

À propos de caméras, je souhaiterais évoquer le rôle d'appoint que peut jouer la vidéosurveillance.

Depuis la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, les collectivités publiques n'ont cessé de renforcer les moyens de vidéosurveillance et de considérer cette dernière comme un outil privilégié, jusqu'à la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, qui intensifie le recours à celle-ci.

Cependant, près d'un an après l'entrée en vigueur de cette loi, certains décrets en Conseil d'État relatifs à la vidéosurveillance sont toujours en attente de publication. Je ne peux que regretter ce retard et espérer que ces décrets ne tarderont pas à paraître. Disposez-vous d'informations particulières à ce sujet, monsieur le ministre ?

Enfin, je voudrais vous faire part d'une difficulté que nous rencontrons s'agissant de la formation des policiers municipaux habilités à porter une arme.

En effet, le décret du 24 mars 2000 fixant les modalités d'application de l'article L. 412-51 du code des communes et relatif à l'armement des agents de police municipale prévoit que les agents de la police municipale autorisés à porter une arme de quatrième catégorie reçoivent une « formation dispensée par l'État ou des groupements sportifs agréés », formation correspondant à deux séances d'entraînement et à cinquante cartouches tirées par an.

Or je suis confronté, madame le ministre, monsieur le ministre, aux refus de la gendarmerie comme de la police nationale de former les agents de police municipale, au motif que cela n'entrerait pas dans leurs prérogatives.

Pour conclure, je voudrais souligner, après M. Karoutchi, que, s'il faut poursuivre l'effort réalisé en matière d'investissement pour les commissariats situés dans les grandes zones urbaines, il ne faut pas négliger pour autant les commissariats situés dans les villes moyennes. À cet égard, j'appelle votre attention, monsieur le ministre, sur les négociations qui ont été engagées à Dole pour aboutir rapidement à la création d'un commissariat digne de ce nom.

Tels sont les différents sujets que je souhaitais aborder sur ce thème de la sécurité, si essentiel pour le bon fonctionnement de notre société et la qualité de notre « vivre ensemble ».

La majorité des membres du groupe du RDSE, y compris moi-même, voteront les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 complétée par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, le budget « Sécurité » que nous examinons aujourd'hui est aussi le dernier de la présente législature.

C'est donc l'heure des bilans.

Voilà tout juste un mois, lors d'un débat sur une question orale de notre collègue Jean-Claude Peyronnet, nous avons déjà discuté ici même du bilan de la politique de sécurité menée depuis 2002 par la droite.

Les propos que j'ai tenus à cette occasion, comme ceux qui avaient été les miens l'an dernier sur le budget « Sécurité » pour 2006, sont, hélas ! toujours d'actualité.

Ce bilan, votre bilan en matière de lutte contre l'insécurité, sujet dont le Président de la République avait pourtant fait son cheval de bataille lors de la campagne électorale de 2002, est, quoi que vous en disiez, négatif.

Votre échec en matière de sécurité, déjà mis en exergue l'an dernier avec les violences urbaines qu'ont connues certaines villes de France, a été confirmé par les nouvelles flambées de violences qui se sont déroulées voilà quelques semaines.

Ainsi donc, en dépit de l'arsenal législatif que vous avez fait voter à marche forcée depuis 2002 par la majorité parlementaire, on ne peut pas dire que vous ayez réussi à prévenir la délinquance ni la récidive, encore moins à lutter contre l'insécurité.

Les textes sécuritaires et judiciaires, tous plus répressifs les uns que les autres, existent pourtant, qu'il s'agisse de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, de la loi pour la sécurité intérieure, des lois Perben I et II, de la loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, et du projet de loi sur la prévention de la délinquance amendé par vos soins à la suite du drame de Marseille, sans parler de la loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Ces lois, tout aussi dangereuses pour les libertés fondamentales qu'inefficaces au regard du traitement de l'insécurité, n'ont à l'évidence rien réglé. J'en veux pour preuve, premièrement, que le drame de Marseille n'a pu être évité, deuxièmement, que les violences urbaines continuent, et, troisièmement, que les violences dans les stades et à l'extérieur de ceux-ci sont en recrudescence.

Toutes vos lois, censées lutter contre l'insécurité et bien trop souvent prises au gré des faits divers, n'auront fait, en définitive, que vous permettre d'occuper le terrain politique, laissant accréditer l'idée selon laquelle le Gouvernement s'occupe de l'insécurité, qu'accentuer la stigmatisation et la discrimination envers les jeunes en général, et ceux issus de l'immigration en particulier, que pénaliser les pauvres gens et aggraver les sanctions pénales.

Regardez les faits en face : en dépit de l'« arsenal de guerre » que vous avez déployé, rien n'y a fait. En dépit de votre autosatisfaction et des tours de passe-passe concernant les chiffres de la délinquance, la réalité vous rattrape.

Vous n'avez pas su prévenir ni même anticiper les événements de novembre 2005 et ceux de novembre 2006. Mais tel n'est sans doute pas votre objectif !

En effet, loin de répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens en matière de sécurité, votre politique pénale axée essentiellement sur la répression se révèle pour ce qu'elle est : injuste et inefficace.

Chacun sait pourtant que la répression seule ne suffit pas. Vous aurez beau multiplier les réformes pénales, augmenter autant que vous voudrez le quantum des peines, accroître le nombre de places en prison, rien n'y fera si l'on ne replace pas la répression - elle est, certes, nécessaire - au sein du triptyque « prévention-dissuasion-sanction/réparation », si l'on ne met pas en oeuvre une politique économique et sociale digne de ce nom.

En ne traitant pas les causes profondes de la violence, celles qui font notamment le terreau de la délinquance comme le chômage, la précarité, l'échec scolaire, la dégradation de l'habitat, la suppression des services publics de proximité, les inégalités sociales, la ségrégation, en n'apportant pas les réponses adéquates aux problèmes des quartiers populaires pourtant posés avec force à l'occasion des violences urbaines, en ne proposant que des réformes pénales répressives, vous conduisez le pays dans une impasse très dangereuse. Il s'agit là d'une véritable fuite en avant qui ne mène nulle part !

Le budget « Sécurité » pour 2007 est malheureusement loin d'inverser la tendance observée, tant les orientations qu'il contient privilégient encore la répression et l'enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance et de la dissuasion.

Mais j'oubliais que vous avez une autre façon de lutter contre la délinquance : il s'agit de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous y voilà !

Mme Éliane Assassi. ...en accentuant un peu plus encore les contrôles concernant notamment les mariages mixtes, l'accueil des étudiants étrangers, les procédures d'asile.

Si nous avions encore des doutes sur un éventuel amalgame opéré par le Gouvernement entre immigration et délinquance, nous n'en avons plus !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous êtes rassurée !

Mme Éliane Assassi. Votre budget consacre cette année encore l'essentiel de son augmentation au chantier de la lutte contre l'immigration clandestine.

Voyez les chiffres : l'objectif gouvernemental de 28 000 reconduites à la frontière en 2007 - uniquement pour la métropole - et l'augmentation significative du nombre de places en centres de rétention administrative, les CRA, pour les porter à 2 400 à l'été 2008, induisent pour la lutte contre l'immigration clandestine un montant de dépenses de fonctionnement de 107, 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 91, 228 millions d'euros en crédits de paiement !

À cela, il convient d'ajouter les crédits d'investissement qui couvrent les coûts de construction des CRA - 21,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,5 millions d'euros en crédits de paiement - et les coûts de développement des systèmes d'information destinés à la lutte contre l'immigration clandestine et au contrôle aux frontières.

Il est clair que, au lieu de construire des commissariats qui font tant défaut dans certaines communes, vous préférez bâtir des centres de rétention administrative pour y placer les immigrés en situation irrégulière avant de les renvoyer chez eux, pour un montant qui s'élève à 1 801 euros par éloignement ! C'est un choix que, pour ma part, je ne peux accepter.

La répartition géographique des commissariats et des effectifs entre communes est, à nos yeux, une question essentielle.

Il est évident qu'il faut revoir la répartition des effectifs de police sur le territoire, qui est inchangée depuis cinquante ans, cesser d'affecter dans les quartiers les plus difficiles les jeunes fonctionnaires de police tout juste sortis de l'École de police et fidéliser ceux qui, par leur expérience de terrain, ont acquis une bonne connaissance des quartiers les plus difficiles.

À ce titre, j'ai bien noté l'arrivée au 1er décembre de 300 gardiens de la paix stagiaires dans mon département, la Seine-Saint-Denis. Cela dit, vous avouerez que cette augmentation des effectifs aurait dû intervenir plus tôt compte tenu de l'évolution de la délinquance dans ce département, délaissé depuis trop longtemps par l'État dans tous les domaines : école, habitat, emploi, services publics de proximité...

Mais plus que l'augmentation du nombre de policiers, ce sont surtout les missions de service public de la police nationale qu'il faut revoir.

En effet, la France étant le pays le plus policé d'Europe avec ses 180 000 policiers, dont 13 000 CRS, ses 90 000 gendarmes, dont 10 000 gendarmes mobiles, sans compter ses 25 000 policiers appartenant à la police municipale, le problème qui se pose n'est pas tant de connaître le nombre de policiers que de savoir à quoi ils servent.

Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion.

Il faut arrêter la culture du chiffre, la rentabilité à tout prix, le détournement de statistiques et cette politique du rendement axée sur la seule répression ; cette attitude est dangereuse pour tous et fait peser sur les forces de l'ordre une forte pression hiérarchique, sans parler d'une course aux résultats qui est loin de ressembler à une saine émulation !

D'ailleurs, permettez-moi de souligner ici le mécontentement qui gagne les forces de l'ordre en sous-effectif chronique dans les zones dites sensibles, qui se font agresser sur le terrain et paient ainsi, d'une certaine manière, le prix des propos tenus par leur ministre de tutelle. Les résultats des dernières élections professionnelles en sont d'ailleurs une flagrante illustration.

Il faut arrêter la surenchère sécuritaire qui est contre-productive et dangereuse pour tout le monde.

Pour ma part, je pense qu'il faudrait ouvrir un grand débat public sur l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques.

Si le maintien de l'ordre est nécessaire, ce ne peut cependant pas être l'unique voie à suivre en matière de sécurité. On ne réglera rien uniquement avec les brigades anti-criminalité, ou BAC, les CRS, et les groupements d'intervention régionaux, ou GIR !

Il faut rétablir une police de proximité avec des missions de service public, en y apportant bien évidemment certaines adaptations au regard de l'expérience passée. En ce sens, chacun doit se rappeler tout l'intérêt du travail de l'îlotage. Mais vous avez préféré vider cette police de proximité de son sens pour la remplacer par les GIR, les BAC et les CRS.

Je l'affirme une nouvelle fois, nous avons besoin d'une police républicaine, respectée et dont les agents soient formés.

Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen. À cet égard, il est indispensable de retisser le lien entre le citoyen et la police, qui s'est évanoui en même temps que disparaissaient les adjoints de sécurité, et de mettre à nouveau en place un travail de discussion avec les associations de locataires, les groupements sportifs et culturels.

Ces objectifs ne peuvent être atteints avec votre budget, qui continue de privilégier la culture du chiffre, donc la seule répression. J'en veux pour preuve la prime de résultats exceptionnels qui passe de 10 millions d'euros en 2005 à 15 millions d'euros en 2006, pour atteindre 20 millions d'euros en 2007.

Vous le savez, nous sommes profondément opposés à cette prime qui, versée en guise de récompense, n'en constitue pas moins une véritable incitation à « faire du chiffre », comme s'il s'agissait d'objectifs commerciaux alors même que sont en jeu les libertés individuelles et publiques. C'est le statut de la fonction publique qui risque, à terme, d'être remis en cause.

Telles sont les observations que je tenais à formuler sur le budget « Sécurité » pour 2007 contre lequel, vous l'aurez compris,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'avais encore un doute ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. ...votera le groupe communiste républicain et citoyen, étant entendu que ce vote négatif concerne moins les crédits en tant que tels que la nature même de la politique de sécurité mise en oeuvre, essentiellement axée sur la rentabilité, l'unique répression et la lutte contre l'immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la dernière année de la législature. Nous examinons donc aujourd'hui le dernier budget « Sécurité » du gouvernement actuel. Il peut être l'occasion de se tourner sur l'action accomplie depuis quatre ans et d'évaluer la situation à l'issue de cette période, avec ces cinq budgets.

Monsieur le ministre, vous vous targuez toujours de résultats formidables depuis 2002.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Eh oui !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. Charles Gautier. Prenons acte non pas des résultats, mais de vos propos.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Très bien ! Ça commence bien !

M. Charles Gautier. Pas moins de onze lois ont émané du ministère de l'intérieur ou de la justice, accompagnées à chaque fois de l'assurance que chaque nouveau texte allait tout régler.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, les trois lois Perben, la loi pour la sécurité intérieure, les deux lois sur l'immigration, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et une autre loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives... Et nous attendons le texte qui, enfin, permettra de prévenir toute délinquance !

Vu l'arsenal législatif dont dispose aujourd'hui la France, nous devrions vivre dans le pays le plus sûr du monde. Français, dormez tranquilles !

M. René Garrec. Bonne nouvelle !

M. Charles Gautier. Malheureusement, que constate-t-on ?

En dépit de l'habileté et de l'intensité des discours, vous n'avez rien réglé, le discours du retour à l'ordre est contredit par la réalité.

M. Jean-Claude Carle. L'ordre juste ?

M. Charles Gautier. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. En cinq ans, vous n'avez fait qu'attiser le feu. Vous avez cassé la police de proximité. Vous avez vidé les quartiers les plus en difficulté des forces de police, au bénéfice des beaux quartiers. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Oh !

M. Charles Gautier. Pourtant, malgré ses imperfections, le système mis en place antérieurement commençait à produire certains effets encourageants.

Monsieur le ministre, en cinq ans, vous n'avez en réalité fait qu'augmenter la défiance envers l'action politique. Vous avez creusé le fossé entre les jeunes des quartiers et les forces de l'ordre. Vous avez monté les communautés les unes contre les autres. Vous avez érigé des frontières entre les générations. Vous avez même dressé les métiers de la sécurité les uns contre les autres. N'a-t-on pas assisté à une bataille rangée en plein Paris entre policiers et pompiers ?

Même dans les stades, la violence revient, jusqu'à endeuiller les manifestations sportives.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Ce n'est tout de même pas de notre faute !

M. Charles Gautier. La loi du 5 juillet 2006, sur laquelle nous vous avions pourtant suivis, n'est toujours pas mise en oeuvre, du fait de l'absence des décrets d'application !

Les épisodes de flambée de violence se sont multipliés depuis deux ans : tout d'abord, en mars 2005, de jeunes manifestants contre la loi « Fillon » ont été agressés par d'autres jeunes venus des banlieues parisiennes ; puis, en octobre et novembre 2005, trois semaines d'émeutes ont eu lieu dans les villes les plus défavorisées de France. L'état d'urgence a même été décrété ; ensuite, de jeunes casseurs ont agressé violemment les manifestants contre le contrat première embauche, ou CPE.

Les tensions sont de plus en plus vives dans les quartiers, surtout lorsque, pour seule réponse, le Gouvernement leur envoie des cars de CRS, ce qui ne résout rien !

Comment expliquez-vous ces violences ? Comment expliquez-vous que les maires de banlieues, de droite comme de gauche, se plaignent d'une baisse continue des effectifs des personnels de sécurité dans leur ville ?

Monsieur le ministre, vous prônez par-dessus tout la rupture, ai-je cru comprendre.

Pourtant, la seule qui soit d'actualité, c'est la rupture entre les citoyens abandonnés et ceux qui sont privilégiés, entre les quartiers abandonnés et les quartiers privilégiés.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous prenez de gros risques, là ! Je serais plus modeste, à votre place !

M. Charles Gautier. Les commissariats de quartier sont vidés ou fermés ! Les quartiers sont surveillés depuis leur périphérie par les cordons de CRS multipliant les opérations de contrôle aux entrées et sorties, stigmatisant ainsi toute une population.

Même les policiers se rendent compte de votre échec.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ne parlez pas à la place des policiers !

M. Charles Gautier. Tous ceux que nous avons auditionnés, et ils sont nombreux, nous ont dit que la violence n'avait jamais été aussi importante dans les quartiers de nos grandes villes.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous ne rencontrons pas les mêmes, alors !

M. Charles Gautier. C'est sans doute la raison pour laquelle, chez les gardiens de la paix comme chez les officiers, l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, est arrivée en tête aux récentes élections professionnelles, déstabilisant ainsi les syndicats réputés proches de vos idées.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Non, elle a perdu des voix !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'UNSA est un syndicat proche de vous ?

M. Charles Gautier. J'y vois une défiance à l'égard de votre action durant ces quatre dernières années.

Les policiers ne comprennent pas votre politique du chiffre...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous faites de la politique syndicale ?

M. Charles Gautier. Vous pourrez me répondre un peu plus tard, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je n'y manquerai pas !

M. André Rouvière. Laissez parler l'orateur !

M. Charles Gautier. Je le répète, les policiers ne comprennent pas votre politique du chiffre, qui ne se traduit par aucune amélioration ni des conditions de travail des policiers ni de la vie dans les quartiers les plus difficiles.

Vous n'avez réussi, en quatre ans, qu'à créer de la défiance. Cette dernière entraîne une surenchère de la violence et de la peur.

Or il faudrait envisager des solutions à long terme, envisager, comme pour l'environnement, la sécurité durable, selon l'expression de Michel Marcus, délégué général du Forum européen pour la sécurité urbaine.

Nous devons cesser de nous arrêter seulement aux chiffres. Il importe d'envisager un changement plus en profondeur, plus long à réaliser certes, mais passant par l'amélioration des conditions de travail des agents de la force publique dans leur ensemble, permettant de mieux accueillir, de mieux prévenir et de mieux intervenir.

Ces améliorations permettront enfin d'assurer un service public de sécurité de qualité.

Aujourd'hui, on peut le dire, vous êtes discrédités, et ce projet de budget ne changera rien à l'affaire. Nous devrons donc reparler de tout cela pendant la campagne électorale qui démarre et très certainement encore plus ultérieurement, avec des interlocuteurs qui auront enfin à coeur de respecter les populations qu'ils veulent protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité est un sujet très concret, qui concerne tous les Français, sans exception, dans leur vie quotidienne.

Le drame de l'autobus de Marseille et la mort d'un jeune homme après un match au Parc des Princes sont venus nous rappeler la gravité des faits qui se déroulent sous nos yeux.

Mais au-delà de ces événements largement médiatisés, de nombreux Français sont également confrontés à des actes de violence qui rendent insupportable leur quotidien et conduisent à exacerber les tensions entre nos concitoyens.

Dans le projet de budget pour 2007, les crédits de la mission « Sécurité » s'élèvent à près de 15,7 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 2,6 %.

Si nous ne pouvons que nous féliciter de cet effort financier en faveur de la politique de sécurité, nous devons également nous interroger sur l'utilisation de ces crédits.

À cet égard, je veux saluer deux actions dans le cadre du budget pour 2007.

La première, qui a déjà été soulignée à l'occasion de l'examen des crédits d'une autre mission, concerne la lutte contre l'immigration clandestine.

Ce phénomène n'est pas à sous-estimer. L'augmentation de 28 % des crédits qui lui sont consacrés montre bien d'ailleurs qu'il s'agit d'une priorité pour le Gouvernement.

Avec un total de 687 millions d'euros, ces crédits sont parfaitement justifiés, même s'ils ne suffiront malheureusement pas à endiguer le phénomène, en particulier dans les départements d'outre-mer, dont la situation à cet égard a été longuement évoquée voilà quelques instants par M. le ministre de l'outre-mer.

Je tiens néanmoins à souligner l'effort qui est fait en la matière et je forme le voeu que nous puissions trouver, conjointement avec les services de police et de gendarmerie, les moyens de répondre à ces flux d'immigration clandestine, souvent massifs et s'expliquant par bien d'autres raisons que les contraintes administratives et de police.

Le second point que je salue, à l'instar de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, a trait aux progrès considérables accomplis par la police technique et scientifique.

M. François Zocchetto. Ils sont le résultat des efforts budgétaires importants qui y sont consacrés depuis plusieurs années.

M. François Zocchetto. Particulièrement sensible à la protection des libertés individuelles, la commission des lois du Sénat est très satisfaite lorsqu'elle constate le passage d'une culture de l'aveu et du témoignage à celle de la preuve.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. François Zocchetto. Les résultats spectaculaires du fichier national automatisé des empreintes géniques, le FNAEG, s'agissant de la lutte non seulement contre le grand banditisme ou la grande criminalité mais aussi contre la petite délinquance, sont un réconfort pour ceux qui participent au travail de la justice.

Ce fichier a une autre incidence qu'il convient de souligner : il permet d'innocenter des personnes qui subiraient les foudres de la justice à tort, ce qui s'est malheureusement produit en maintes occasions.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bien sûr ! Cela marche dans les deux sens !

M. François Zocchetto. Nous espérons ainsi voir diminuer le nombre d'erreurs judiciaires. Ne serait-ce que de ce point de vue, la police technique et scientifique est donc une bonne chose.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. François Zocchetto. D'ailleurs, le taux d'élucidation des crimes et délits est en hausse, et les juges et magistrats sont considérablement confortés par ces moyens utilisés, parmi d'autres dispositifs, par la police et la gendarmerie.

Pour autant, ces moyens ne dispensent évidemment pas les services de police et de gendarmerie de mener une enquête complète, et encore moins le juge d'instruction de procéder par une instruction à charge et à décharge.

Permettez-moi d'évoquer à présent deux problèmes qui nous tiennent à coeur.

Tout d'abord, sans vouloir polémiquer sur les statistiques, une tendance lourde nous inquiète : il s'agit de l'augmentation importante et continue des crimes et délits contre les personnes. Durant le premier semestre de 2006, ces derniers ont malheureusement progressé de plus de 5 %, accentuant ainsi une tendance que nous avions observée ces dernières années. Force est de constater la croissance des vols avec violence et des atteintes volontaires à l'intégrité physique.

C'est une situation que nous ne pouvons accepter et que nos concitoyens, dans leur majorité, ne tolèrent pas ! Il y a ainsi des réactions très vives à cet égard.

Même si les atteintes aux biens sont en diminution manifeste depuis plusieurs années et si les chiffres globaux de la lutte contre la délinquance présentent des aspects satisfaisants, nous ne pouvons que vous interpeller sur ce problème, monsieur le ministre. Nous attendons par conséquent une réponse de votre part.

Par ailleurs, il existe un problème quant à l'âge des policiers envoyés dans les quartiers difficiles - ce sujet a d'ailleurs été évoqué par M. Barbier tout à l'heure.

Nombre d'élus locaux rapportent que trop de policiers jeunes et peu expérimentés sont affectés dans ces quartiers. J'imagine que ce n'est pas, à l'évidence, le résultat d'une décision du ministère de l'intérieur !

Certes, la jeunesse apporte certaines convictions et témoigne d'un engagement fort et d'une foi dans la mission de policier, mais le manque d'expérience peut être préjudiciable et, surtout, conduire à décourager très vite ceux qui s'étaient engagés au service de leurs concitoyens. D'ailleurs, comme cela a été excellemment souligné tout à l'heure, c'est au moment où ces jeunes policiers commencent à connaître le quartier dans lequel ils évoluent qu'ils demandent une nouvelle affectation.

Or il importe que les policiers aient une bonne connaissance du quartier dans lequel ils travaillent et qu'ils soient à même d'identifier ceux à qui ils ont affaire. La présence durable, la fidélisation du personnel policier sur un secteur contribue à faire baisser les tensions sur le terrain.

Dès lors, que faut-il faire ? Le mécanisme des primes ne suffit pas à atteindre cet objectif. En effet, après les « professeurs TGV », les « policiers TGV » ont fait leur apparition : ils vont travailler trois ou quatre jours sur le site en question, où ils occupent des logements temporaires, et retournent chez eux une fois la mission accomplie.

Ce mode de vie, qui existe aussi dans le monde médical, est peut-être inhérent aux contraintes de notre époque.

Il n'en reste pas moins que nous nous devons de lutter contre le nomadisme de ces personnels de police, qui risque de s'accentuer dans les prochaines années : peut-être en aidant à leur sédentarisation, soit en facilitant les locations dans un parc locatif correct, soit en favorisant leur accession à la propriété, ou tout simplement, pour répondre à certaines de leurs revendications à cet égard, en leur attribuant des places de crèche, puisqu'ils sont nombreux à avoir ou à souhaiter avoir des enfants. Efforçons-nous, surtout, de leur donner envie de rester dans ces quartiers, plutôt que d'attendre impatiemment le terme de la période de cinq ans pour les quitter.

Tels sont, monsieur le ministre, les deux sujets de préoccupation sur lesquels je vous remercie par avance de bien vouloir me répondre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Sécurité ». Avant d'aborder ces derniers, je souhaite évoquer le contexte dans lequel nous allons - ce n'est pas une révélation - les adopter.

À cet égard, je veux saluer le bilan et la réussite de la politique volontariste conduite par Nicolas Sarkozy et par vous-même, monsieur le ministre, en dépit de l'incrédulité initiale de certains. Cela couronne d'abord le succès d'une méthode !

Au temps des formules péremptoires sur le « tout éducatif » ou le « tout répressif » a succédé le temps de l'action et du pragmatisme. Ne l'oublions jamais, voilà seulement quatre ans, un dimanche soir d'avril, nos compatriotes nous adressaient un message d'une clarté absolue.

Ceux qui, par angélisme ou « naïveté », ont voulu faire croire que l'insécurité était pour le moins un « sentiment » ou tout au plus « un fantasme » ont payé chèrement ce soir-là le refus systématique et idéologique d'appréhender la réalité sociale et l'insécurité quotidienne que subissent tous les Français.

Quoi qu'en pensent les « beaux esprits » qui s'arrogent le rôle de censeurs de notre action, les seuls juges sont nos concitoyens. Et ceux-ci sont satisfaits ! En effet, au-delà du seul chiffre implacable de 9 % de baisse de la délinquance depuis 2002, alors que celle-ci avait augmenté de 16 % pendant les années Jospin, le sentiment d'insécurité, lui aussi, recule.

Quelles sont les raisons de cette réussite ?

Premièrement, monsieur le ministre, vous avez replacé la victime au centre de votre action. Il n'est pas normal en effet d'accorder plus de droits, d'attention et de respect aux délinquants qu'aux victimes. La victime est toujours le parent pauvre des réformes de la justice pénale alors même que c'est elle qui devrait alimenter nos réflexions.

Deuxièmement, vous vous êtes attaché à restaurer l'autorité, le prestige et la dignité des forces de sécurité intérieure. Être policier ou gendarme est presque un sacerdoce. Leur action repose sur la foi du bien-fondé de leur mission. Mépriser ou affaiblir leur action, c'est émousser leur détermination. À l'heure où poignent des velléités d'enregistrer les gardes à vue, jetant ainsi le discrédit sur leur travail, je ne peux que m'inquiéter des conséquences sur leur motivation, et donc sur le taux d'élucidation. À cet égard, je tiens à saluer le remarquable travail de notre collègue Jean-Patrick Courtois, qui a parfaitement su mettre en évidence la nécessité de respecter le travail de ceux qui ont fait le choix de nous protéger.

Troisièmement, monsieur le ministre, vous avez dépassé les vieux antagonismes idéologiques en associant prévention et sanction. Vous n'avez eu de cesse d'appliquer ce principe. Avec pragmatisme, nous avons jeté aux orties les vieilles théories pour apprendre à conjuguer toutes les facettes de l'action publique.

C'est particulièrement vrai avec la justice des mineurs. La commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, l'avait d'ailleurs mis en évidence. Dans son rapport, elle affirmait que la délinquance des jeunes était non pas un fantasme, contrairement à ce que certains voulaient faire croire, mais une réalité.

Cette délinquance se caractérise par ce que j'appelle les « trois plus » : elle est plus importante - les actes de délinquance des jeunes ont augmenté de 80 % depuis 1994 -, elle est plus violente - les actes de violence ont été multipliés par dix entre 1998 et 2002 - et les auteurs de ces actes sont de plus en plus jeunes, la moitié d'entre eux étant âgés de moins de seize ans. En un mot, la délinquance de l'an 2000 n'a plus rien à voir avec celle de 1945.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Les raisons sont multiples.

L'une des raisons majeures est liée à l'insuffisance, à la défaillance, voire à la faillite des trois cercles de proximité qui structurent notre société autour du jeune : la famille, l'école et le tissu associatif. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous les conséquences de cette faillite.

Cette défaillance des trois cercles de proximité, certains jeunes l'ont parfaitement intégrée et s'en prennent aujourd'hui au cercle suivant, à savoir le quartier ou la ville ; la crise des banlieues en a d'ailleurs été l'illustration.

Pour restaurer l'autorité de l'État, il faut adresser des signaux forts. Cela passe notamment par trois axes.

Premier axe, il faut être ferme sur le principe du respect de la loi. Il est impératif que les coupables soient jugés pour les infractions commises : un incendie volontaire d'un bus ou l'aspersion d'essence d'une personne handicapée, ces actes fussent-ils perpétrés par des mineurs, sont des homicides et doivent être sanctionnés comme tels.

Deuxième axe, la minoration de peine pour un jeune ne doit pas pour autant se transformer en excuse de minorité. La sanction doit être rapide afin d'être comprise par le délinquant, par la victime et par la société.

Troisième axe, il faut responsabiliser tous les acteurs. Si la justice des mineurs n'est pas particulièrement laxiste, elle reste cependant trop erratique. Les réponses pénales ne sont ni suffisamment claires, ni progressives, ni assez rapides, ni même quelquefois mises en oeuvre.

Je conclurai en indiquant que je suis satisfait par les crédits de la mission pour 2007. En effet, sans moyens pour les mettre en oeuvre, ces principes ne sont rien. Or, pour la cinquième année consécutive, les engagements de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, sont respectés. De mémoire, je ne peux pas citer d'autre exemple de plan quinquennal intégralement respecté. C'est pourtant ainsi qu'il faudrait procéder !

Nicolas Sarkozy l'a indiqué jeudi soir dernier : « Il faut sans doute promettre moins, mais tenir plus ce qu'on dit ». Tel est le cas aujourd'hui ! Sur cinq ans, les engagements ont été respectés et les résultats sont au rendez-vous, ce qui est de bon augure pour l'avenir. Nos concitoyens nous en saurons gré.

À l'instar de Roger Karoutchi et de mes autres collègues du groupe de l'UMP, je voterai les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en entendant des opinions différentes que l'on parvient finalement à établir un constat objectif de la situation. Ayant travaillé sur la presse et les débats parlementaires sous la IIIe République et entendu des échanges parfois contradictoires, je suis arrivé à la conclusion que c'est ainsi que l'on parvient à connaître la vérité. Je suis sûr qu'il en ira de même avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui.

La question qui vient tout naturellement à l'esprit en examinant les crédits de la mission « Sécurité » est celle-ci : le Gouvernement a-t-il pris la mesure des difficultés rencontrées depuis les événements de l'automne 2005 ?

Les causes de l'insécurité grandissante - rien n'indique au demeurant qu'elles disparaîtront - sont connues et viennent de loin. En l'occurrence, nous nous accorderons tous ici à relever la pauvreté et la précarité, l'exclusion de catégories de la population de plus en plus nombreuses, la déshérence culturelle, l'échec scolaire ou l'absence de débouchés pour ceux - nombreux pourtant - qui ont réussi, les discriminations, donc la formation durable dans notre pays de poches de pauvreté avec la révolte et la désespérance de tant de gens enfermés, à l'écart de notre société.

Mes chers collègues, la seule question qu'il importe au fond de se poser est la suivante : le Gouvernement a-t-il choisi la politique qui permettrait de faire reculer la misère ? Tout se tient, en effet : la politique économique et sociale et, au bout de la chaîne seulement, le contenu des missions de sécurité. Je vous laisse donc juge !

Les lois répressives se succèdent, exacerbant les tensions et le sentiment de ciblage qu'éprouve une partie de nos compatriotes. Or cette frénésie législative ne règle rien, bien au contraire.

Les orientations budgétaires que vous défendez, monsieur le ministre, ne vont rien arranger non plus. La répartition des crédits destinés à la police nationale pour 2007 ne permettra pas de regagner le terrain perdu dans les quartiers dits sensibles.

Le ministre de l'intérieur s'obstine à refuser de laisser sa part à la prévention, à la présence et au dialogue, à l'alerte - appelez cela comme vous voudrez -, à la proximité, au vivre et agir au milieu des habitants, préférant privilégier l'investigation, si possible spectaculaire et médiatisée, qui ne résout rien durablement, qui abandonne ensuite les habitants de quartiers entiers aux pires déboires, qui provoque à leur encontre troubles, menaces ainsi qu'amalgames injustes et dangereux.

L'investigation ponctuelle, voire répétée, est bien sûr nécessaire, mais elle ne dispense pas, bien au contraire, d'une présence permanente des forces de police dans certains quartiers, tard le soir et parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin d'assurer la tranquillité, de faire reculer le sentiment de peur et la délinquance au quotidien.

Et quand la situation est devenue intenable, faute de prévention et d'anticipation, le Gouvernement en a été réduit à faire intervenir CRS et gendarmes mobiles dans un climat quasi guerrier. Hélas ! il était trop tard.

En outre, l'encadrement continu de certains quartiers par des unités de CRS, auxquelles ordre est donné de procéder à des contrôles d'identité répétés souvent ressentis comme des contrôles au faciès, accroît le sentiment d'exclusion et d'humiliation dans un corps social malade.

Monsieur le ministre, la police de proximité, qui insupporte votre collègue ministre de l'intérieur, avait commencé à rétablir un lien et un dialogue avec les jeunes. Mais par idée préconçue, par rigidité et dogmatisme, il l'a cassée. Ce projet de budget démontre qu'il entend persévérer.

Le souhait du Premier ministre de voir s'établir une police « de tranquillité publique », « en contact régulier avec la population, les commerçants, les familles, les gardiens d'immeubles et les responsables d'associations », restera donc lettre morte. Du moins le Premier ministre, lui, aura-t-il lu le récent rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les quartiers en difficulté, s'intitulant Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, contrairement à son titre, est porteur d'un nouvel arsenal répressif. Agressif et sans nuance, il va creuser davantage le fossé entre la police et les pouvoirs publics, d'une part, les jeunes, d'autre part, les élus étant sommés de mettre en oeuvre une politique qu'ils désapprouvent très souvent.

Dans ce climat, la tâche des policiers se trouvera alourdie, les interventions sporadiques et soudaines ne pouvant compenser l'insuffisance des effectifs dans des secteurs où leur présence permanente serait si nécessaire. Ne manque-t-il pas de nombreux fonctionnaires dans le seul département de la Seine-Saint-Denis, pour ne citer que celui-là, où plusieurs communes très peuplées sont encore dépourvues de commissariat ?

En fait, le ministère de l'intérieur, dans des opérations coups-de-poing de plus en plus aléatoires et périlleuses, engage des jeunes fonctionnaires - gardiens de la paix et commissaires - là où il faudrait assurer la présence pérenne de policiers chevronnés, forts de leur expérience et d'une bonne dose d'autorité au meilleur sens du terme.

Mais comment fidéliser les jeunes policiers dans la région parisienne après leur temps d'apprentissage sur le terrain quand le ministère fait si peu pour leur logement, leur accession à la propriété, la mise à disposition de services sociaux indispensables ? Comment faire quand la prime « aux résultats exceptionnels » est souvent attribuée de façon obscure à 10 % des effectifs, quand il n'est toujours rien prévu pour le paiement des heures supplémentaires - elles sont seulement récupérées, et au bout de combien de temps ? -, quand les salaires des gardiens de la paix demeurent médiocres, la prime de risque faible et la fixation de l'âge de la retraite toujours en suspens ?

Bref, à l'angoisse des populations répond le découragement de beaucoup de policiers. Dans le même temps, le divorce se confirme entre les habitants de nos banlieues et la police, qui devrait leur apparaître comme leur police, tandis qu'un autre commence à s'esquisser entre la police et les pouvoirs publics dont vous avez la charge.

C'est pourquoi nous réclamons des effectifs mieux répartis et plus expérimentés. Nous demandons également que des perspectives de carrière valorisantes soient offertes aux jeunes.

Nous savons que la police ne peut réussir seule des missions de plus en plus difficiles. Une coordination doit s'établir sans tarder entre les différents acteurs institutionnels. Or, le ministre de l'intérieur, en dénonçant un prétendu manque de sévérité chez certains juges vis-à-vis des délinquants ou des lenteurs dues, comme on le sait, au manque de moyens des tribunaux, en opposant les institutions les unes aux autres, comme il l'a fait en septembre, affaiblit indistinctement l'autorité de l'État, qui doit former un tout.

Je veux dire un dernier mot de la situation que subissent certains immigrés.

Dans les zones d'attente et les centres de rétention administrative, là aussi, la politique du chiffre conduit trop souvent le Gouvernement à enfreindre la déontologie, le respect des droits de l'homme et le respect dû à la loi.

En outre, que dire du sort cruel réservé aux enfants scolarisés des familles de sans-papiers ? Ces dernières vivent dans l'angoisse d'une reconduite à la frontière, alors qu'à la veille des grandes vacances leur avait été promis l'examen de leur cas, promesse bientôt trahie par les quotas fixés par le ministre de l'intérieur.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, faisant fonction de vice-ministre de l'intérieur,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce titre me convient !

M. Louis Mermaz. ... vous comprendrez que nous ne puissions approuver les crédits de la mission dite de « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, écouter les socialistes donner des leçons comme on vient encore de l'entendre, ...

M. Louis Mermaz. Des leçons gratuites !

M. Philippe Goujon. ... eux qui ont été les « fossoyeurs » de la sécurité dans notre pays...

M. Louis Mermaz. Je fais du soutien scolaire ! (Sourires.)

M. Philippe Goujon. ... du temps de la « naïveté » me laisse toujours absolument pantois !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ils pratiquent la méthode globale ! (Sourires.)

M. Louis Mermaz. Oui, mais il faut être doué pour la pratiquer !

M. Philippe Goujon. Tout à fait, il y a des personnes très douées dans cet hémicycle ! (Nouveaux sourires.)

Si la politique consiste à rendre possible ce qui est souhaitable, alors on peut dire que le Gouvernement et sa majorité y sont parvenus en matière de sécurité, tellement les changements ont été notables depuis cinq ans.

Le premier succès de la politique de sécurité menée depuis 2002 tient tout simplement à l'existence même d'une politique de sécurité, ce qui nous change véritablement !

Une nouvelle architecture de la sécurité intérieure, fondée sur la coordination et le partenariat, en particulier à l'échelon local avec les conseils locaux de sécurité et de la prévention de la délinquance, a été mise en place.

La police nationale et la gendarmerie travaillent désormais ensemble alors qu'on nous expliquait depuis toujours que c'était impossible. On en est même à mutualiser les moyens !

Cette unité d'action se traduit également en matière budgétaire, par l'effet de la LOLF, avec la création de cette mission interministérielle unique « Sécurité » dont nous examinons aujourd'hui les crédits.

Quant à la nature de leurs activités, les forces de sécurité sont désormais recentrées sur leurs missions fondamentales, même si des progrès restent encore à accomplir, par exemple pour les extractions de détenus. Un recours accru à la visioconférence devrait y contribuer.

À cet égard, il me semble que notre assemblée pourrait engager une réflexion, peut-être par le biais d'une mission d'information, sur les conditions d'un transfert effectif de ces tâches à l'administration pénitentiaire.

L'emploi des CRS et des gendarmes mobiles a enfin été déconcentré et ceux-ci ont été affectés à des missions de sécurisation. Les effets positifs ne se sont pas fait attendre.

Il nous faudra dépasser le stade de la fidélisation et réfléchir au transfert d'effectifs que je considère comme pléthoriques directement à la sécurité publique, sans omettre pour Paris une réflexion sur un meilleur engagement de la garde républicaine au profit de la sécurité des Parisiens.

Je dirai un mot sur le débat concernant la police de proximité, puisque c'est un thème récurrent.

N'oublions pas que c'est sous le gouvernement d'Édouard Balladur, lorsque Charles Pasqua était ministre de l'intérieur, qu'a été adoptée la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, qui a permis de passer d'une police d'ordre à une police de proximité.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Absolument ! Et les socialistes l'ont supprimée !

M. André Rouvière. C'est vous qui l'avez supprimée !

M. Philippe Goujon. M. le ministre a évidemment raison, par nature et par fonction !

Si sa mise en place n'a pas eu les effets escomptés, c'est que les moyens nécessaires ont manqué - rien qu'à Paris, il manquait 1 000 hommes ! -, que la théorie du policier généraliste, idéalisée au colloque de Villepinte, s'est révélée être un mythe et que la police judiciaire a été sacrifiée.

La meilleure démonstration de l'échec de la police de proximité, la « polprox », version socialiste, c'est que la délinquance a augmenté de 15 % entre 1997 et 2002. Voilà qui devrait nous garder de tout intégrisme !

Il fallait revenir à l'efficacité, comme à Marseille où c'est la brigade anticriminalité qui a permis de retrouver en trois jours les agresseurs de la jeune femme brûlée vive dans un bus.

Comme l'a exposé excellemment M. le rapporteur, pour la première fois, une loi de programmation ambitieuse aura été respectée jusqu'au bout.

Les créations d'emplois sont au rendez-vous. La réforme des corps et carrières a permis d'étoffer l'encadrement intermédiaire. C'était indispensable.

Les indicateurs d'activité de la police - la culture du résultat n'y est pas étrangère - se sont tous considérablement améliorés. Ainsi, en 2005, un fait sur trois a été élucidé contre moins d'un fait sur quatre en 2002. Depuis 2002, la délinquance générale a reculé de près de 9 % et celle de voie publique de plus de 23 %.

À Paris, les résultats sont encore plus spectaculaires : au mois d'octobre 2006, il y a eu presque moitié moins de délits de voie publique qu'au mois d'octobre 2001, et le résultat s'est établi à son niveau le plus bas depuis vingt ans !

Grâce à la création du SRPT dont a parlé mon collègue Roger Karoutchi, la délinquance dans le métro et le RER a encore chuté de 12,5 % au cours des douze derniers mois.

Toutefois, la délinquance connaît des mutations. Les violences aux personnes, même si elles progressent beaucoup moins qu'entre 1998 et 2002, période au cours de laquelle elles avaient augmenté de 42 %, doivent être traitées absolument en priorité.

C'est plus spécifiquement le cas pour les violences non crapuleuses commises dans la sphère familiale, très difficiles à appréhender par la police étant donné qu'elles se produisent dans des lieux où cette dernière n'intervient traditionnellement pas.

L'effort doit donc aujourd'hui porter sur ces violences intrafamiliales et conjugales. Les dispositions dont le Sénat est à l'origine et celles qui sont contenues dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance permettront de combattre plus efficacement ces violences par l'accueil et l'accompagnement des victimes aussi bien que par le suivi des auteurs, dont vous faites, monsieur le ministre, l'un des axes majeurs de votre politique.

Si le volume des forces de sécurité est important, en particulier avec la consolidation des 2 000 emplois d'adjoints de sécurité recrutés en 2006, la fidélisation, à Paris et en région d'Île-de-France - j'insiste sur ce point -, demande des mesures fortes, indemnitaires, statutaires et sociales.

À ce propos, monsieur le ministre, quel bilan dressez-vous du partenariat avec la Mairie de Paris en matière de crèches et de logements ?

Un autre sujet me tient particulièrement à coeur : celui de la « vidéo-tranquillité ».

M'appuyant sur l'exemple de Strasbourg, où cette pratique a permis de réduire la délinquance de 50 % dans les secteurs où elle a été mise en oeuvre, et tirant les enseignements des attentats de Londres, où la police dispose de plusieurs dizaines de milliers de caméras, contre 295 caméras à Paris, je puis affirmer que la vidéosurveillance représente un enjeu majeur pour la sécurité de la capitale.

Qu'en est-il du projet d'équipement de 1 000 caméras en cinq ans et de la participation de la Mairie de Paris à ce programme ?

La Ville de Paris pourrait déjà consacrer les 3 millions d'euros qu'elle attribue au PSG à l'amélioration des équipements vidéo et de sécurité au Parc des Princes et aux alentours !

De façon générale, en matière d'aide à la police, le département de Paris pourrait utilement s'inspirer de celui des Alpes-Maritimes. (M. le ministre délégué acquiesce.)

Enfin, les conditions de circulation dans la capitale sont tellement dégradées, résultat d'un intégrisme incompréhensible, qu'il est urgent de donner à la préfecture de police les moyens d'y faire face, en renforçant les effectifs des compagnies de circulation dissoutes en 2001 et en affectant des Agents de surveillance de Paris « circulation » dans les arrondissements.

La sécurité, mes chers collègues, premier devoir de l'État, était la priorité de ce gouvernement, répondant ainsi aux aspirations légitimes des Français.

L'objectif a été atteint avec un million de victimes de moins depuis 2002.

Au-delà des polémiques stériles, l'enjeu est bien là, et c'est ce qui importe finalement pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le ministre, il est exact que vos statistiques indiquent une baisse globale de la délinquance. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Toutefois, les crimes et les délits contre les personnes depuis que vous êtes au gouvernement progressent de près de 17 %, ce qui est énorme au regard des mesures annoncées et prises !

D'ailleurs, le sentiment d'insécurité grandit dans la population.

Il y a donc un décalage, monsieur le ministre, entre vos résultats et ce que ressentent les Françaises et les Français. Ces derniers sont traumatisés par les formes nouvelles que revêtent les agressions.

Les agresseurs, de plus en plus jeunes, évoluent vers plus de violence. De plus, à l'agresseur isolé se substitue le groupe, voire le commando, qui organise des guets-apens contre les sapeurs-pompiers et, nouveauté sous votre gouvernement, contre la police !

Cette escalade inquiétante atténue donc la portée de vos statistiques. Il serait d'ailleurs éclairant, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez comment ces statistiques sont élaborées.

Par exemple, si dix agresseurs s'en prennent à deux sapeurs-pompiers, de quoi s'agit-il : de deux agressions, de dix agressions multipliées par deux, ou d'une agression ? Suivant ce que l'on prend en compte, bien sûr, les résultats obtenus sont tout à fait différents !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce sont les mêmes modes de calcul depuis 1972 !

M. André Rouvière. Ce simple exemple souligne la valeur relative, donc contestable, des statistiques dans un domaine où la réalité est complexe et peu facile à traduire en chiffres.

Les statistiques, monsieur le ministre, ont donc leurs limites. Le tout répressif a également ses limites, et il les a atteintes, hélas !

D'ailleurs, même dans les pays les plus répressifs, à toutes les époques, dans les pays les plus féroces en matière de sanctions, là où les châtiments se déroulent en public, les criminels et les voleurs n'ont pas pour autant disparu !

Monsieur le ministre, si vous êtes profondément persuadés que la sanction aggravée, la condamnation alourdie sont suffisantes pour faire baisser de manière importante la criminalité, ...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez raison : il faut les récompenser et les remercier !

M. André Rouvière. ... je crains que vous ne proposiez bientôt de revenir sur l'abolition de la peine de mort !

La répression-sanction ne doit pas effacer la valeur irremplaçable de la prévention. Je suis intimement convaincu qu'il faut user des deux, en accordant toutefois une priorité à la prévention.

Or vous avez mis la prévention entre parenthèses. Ce qui manque, c'est la formation, l'éducation du citoyen. Le respect de l'autre n'est pas inné, il s'apprend. L'assemblée générale des Nations unies n'affirme pas autre chose dans sa résolution 53/25 adoptée à l'unanimité, et donc par la France.

Cette résolution proclame la décennie 2001-2010 décennie internationale de la promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde.

Cette résolution invite tous les États membres, dont la France, à prendre les mesures nécessaires pour que la pratique de la non-violence et de la paix soit enseignée - enseignée et non pas imposée ! - à tous les niveaux de la société, dans chaque pays.

Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il commencé à appliquer cette directive qu'il a votée ? Je pense que non ! Vous avez même fait tout le contraire ! Vous avez affaibli ou supprimé les structures et les organisations, qui contribuaient à la formation du citoyen. Vous avez réduit le nombre d'éducateurs. Vous avez diminué ou supprimé les aides aux associations de quartier. Vous avez supprimé le service militaire, qui aurait dû être un creuset d'intégration et un cadre pour la formation citoyenne. Vous avez allégé ou supprimé la présence permanente des forces de police dans certains quartiers et la présence de la gendarmerie dans le monde rural.

Les communautés de brigades ne permettent plus ce contact du gendarme et de la population. Connaître et être connu est pourtant un élément fondamental de la prévention et de l'intervention. Lorsque le gendarme en patrouille intervient sur le territoire d'une brigade qui n'est pas la sienne, il ne connaît ni les lieux ni les gens.

J'aurais souhaité demander à Mme la ministre de la défense si, comme elle s'y était engagée l'an dernier, elle a fait réaliser un bilan d'étape des communautés de brigades. D'après les informations qui me sont parvenues, il semblerait que tel soit le cas. Mais alors, pourquoi les parlementaires n'en ont-ils pas eu connaissance ?

Les parlementaires, les éducateurs, les associations, services et organisations qui oeuvrent dans le domaine de la justice sont des compléments indispensables à l'action des forces de l'ordre.

Monsieur le ministre, tout seul, vous ne gagnerez pas le combat contre la délinquance. Vous êtes même en train de le perdre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi qu'il ressort de l'excellent rapport de notre collègue Aymeri de Montesquiou, si le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, est désormais une réalité tangible et si l'exemple des groupements d'intervention régionaux, les GIR, constitués à parité de policiers et de gendarmes, illustre bien la mise en application sur le terrain de cette interministérialité, il apparaît également que les dépenses en personnel composent l'essentiel des moyens de la mission, avec 13,084 milliards d'euros, soit 83,4 % de la mission.

Pour autant, il est clairement mis en évidence que les moyens supplémentaires ou la réorganisation des forces sur le terrain ne constituent pas une fin en soi, de sorte qu'ils ne sauraient se concevoir que dans un souci de meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles.

C'est précisément dans cet esprit que je souhaite évoquer la difficulté posée par la fermeture de plusieurs postes de police au sein de communes et de bourgs suburbains autour de Mulhouse, et ce en raison d'un manque d'effectifs.

À ce jour, il manquerait environ trente fonctionnaires de police.

En effet, d'année en année, force est de constater que les postes vacants ne sont plus pourvus, faute de demandes de mutations sur cette région sensible. L'affectation d'office de jeunes fonctionnaires sortant de l'École demeure très faible et, dans tous les cas, ceux-ci demandent leur changement le plus rapidement possible.

Il en résulte que les postes vacants sur la ville ont été occupés par des fonctionnaires alors en poste sur les sites suburbains, où ils remplissaient un vrai rôle de dissuasion et de prévention de la délinquance, qui, par voie de conséquence, a tendance à glisser vers ces sites dès lors que la présence policière est importante et efficace sur l'emprise de la ville.

On comprend aisément que cet équilibre puisse être définitivement rompu, par insuffisance d'effectifs. C'est la raison pour laquelle mon regard ne peut s'empêcher de se tourner vers ce qui se pratique pour l'administration de la police de Paris et de Versailles, à savoir la gratification d'une indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques, qui se substitue notamment à celle qui est attribuée pour exercice sur poste difficile.

Dans la mesure où tous les critères d'attribution d'une telle prime semblent réunis au regard de la ville de Mulhouse, voire des autres circonscriptions de sécurité publique du Haut-Rhin, je souhaite que puisse être étendue l'application de cette indemnité aux fonctionnaires qui demanderaient leur affectation sur cette région particulièrement délicate, pour ne pas dire difficile.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la bienveillante attention que vous porterez à cette requête, qui n'a d'autre objet que d'apporter une solution concrète aux problèmes rencontrés sur le terrain par les élus que nous sommes et de contribuer à l'instauration d'un climat de sécurité pour nos concitoyens. Ce serait, de surcroît, se situer plus largement dans la même logique que celle qui préside à notre combat pour la prévention de la délinquance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de joindre mes félicitations personnelles à celles qui ont été exprimées à la fois par les rapporteurs et par les membres de la majorité sénatoriale et d'indiquer que, comme eux, je voterai les crédits de la mission « Sécurité » et des programmes qui la composent.

J'aimerais vous faire part de mes réflexions sur la notion de « sécurité » qui nous est présentée dans le cadre de cette mission, mais également ailleurs.

La notion de sécurité telle qu'elle découle de la réalité de la mission dont nous discutons renvoie à la prévention, la répression et l'encadrement des crimes et délits de toutes sortes, ainsi qu'à la surveillance des frontières, et l'on peut y ajouter les désordres affectant notre société. Ce périmètre me semble intéressant, parce qu'il permet de cerner les actions et les programmes ; mais, en même temps, il est un peu étroit par rapport à la réalité de ce que nous vivons au jour le jour ou que nous risquons de vivre à un moment ou à un autre.

L'interministériel dans cette mission fonctionne bien.

Dans d'autres domaines, malheureusement, je crains que nous n'en soyons pas exactement au même niveau. La sécurité se décline selon différentes directions ; nous avons, hier soir, discuté de sécurité sanitaire et nous discuterons tout à l'heure de sécurité civile. Pour nos concitoyens, la sécurité, à l'évidence, a d'autres dimensions que celles de la mission dont nous parlons en cet instant.

Nous voyons, au fur et à mesure qu'est décliné ce concept, apparaître de nouveaux intervenants : les pompiers, pour la sécurité civile, les hôpitaux, les ambulanciers et toute une série d'associations, pour la sécurité sanitaire. Il y a déjà là un élargissement de la préoccupation sécuritaire.

Au-delà, si l'on réfléchit sur l'intrusion éventuelle dans notre vie de catastrophes naturelles, de catastrophes technologiques qui, malheureusement, constituent une grave menace, du terrorisme, qu'il soit classique, cybernétique, nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique, on voit immédiatement, là encore, apparaître de nouveaux intervenants : l'équipement, le ministère de l'industrie, les services de renseignements.

Il est donc nécessaire d'accroître la coordination entre les différents intervenants éventuellement concernés. Cette coordination doit porter aussi bien sur la réflexion en amont que sur la réponse concrète, c'est-à-dire l'exercice, l'entraînement. Elle doit permettre une conception globale, anticipant la réaction de la population, car, à un moment ou à un autre, toute la population risque d'être concernée, surtout en cas d'actes de terrorisme massif ou de catastrophes technologiques en cascade.

Je prendrai un exemple très précis.

À Toulouse, nous avons eu l'extraordinaire chance que deux ingénieurs aient réussi à convaincre, quelques années avant l'accident d'AZF, la Société nationale des poudres et des explosifs d'enterrer un réservoir de phosgène, alors qu'aucune consigne de sécurité ne l'imposait à l'entreprise. Actuellement encore, des réservoirs de phosgène sont stockés à l'air libre dans notre pays.

Si ces personnes n'avaient pas pris une telle précaution, la catastrophe aurait été d'une tout autre ampleur, le réservoir de phosgène étant enterré exactement à 150 mètres de l'endroit où s'est produite l'explosion de l'usine AZF !

Dans ce type d'accident, la population entière peut se trouver concernée. Or, à mon avis, elle n'est pour l'instant que peu informée et, en tout cas, elle n'est certainement pas incitée à réfléchir au niveau nécessaire. J'en veux pour preuve, en particulier, le système d'alerte, qui, dans l'état actuel des choses, est obsolète ou absent et dont le langage, en tout cas, n'est pas connu des populations qui peuvent être concernées. Il y a là, à l'évidence, un problème majeur.

Monsieur le ministre, comme je l'ai déjà dit, je voterai les crédits de votre mission, mais je souhaite que l'aspect interministériel, qui s'exerce bien dans le cadre de cette mission, s'exerce mieux dans d'autres cas.

Ayant eu assez souvent l'occasion de réunir des responsables de la sécurité appartenant à l'administration centrale ou décentralisée, ou venant d'entreprises privées, à des niveaux d'ailleurs assez élevés, je me suis aperçu que la communication ne passait pas toujours bien entre eux. Ils n'ont pas tout à fait le même langage et n'ont pas les connaissances réciproques de leurs responsabilités.

À cet égard, je citerai deux exemples malheureusement vécus.

Le premier est l'étiolement du projet de Cambrai qui, actuellement, commence à renaître mais ne sera pas conduit au niveau initialement souhaité.

Le second exemple est lié au Livre blanc sur le terrorisme, qui a été publié par le Gouvernement et remarquablement préparé sous l'égide du Secrétariat général de la défense nationale. Monsieur le ministre, cet ouvrage n'est pas connu de vos propres administrations ! Je m'en suis aperçu lors des colloques que j'ai eu l'honneur d'organiser, voilà quelques mois, à Saint-Denis, où de très hauts responsables de l'administration française présents dans la salle ignoraient jusqu'à l'existence de ce Livre blanc !

L'interministérialité sur la sécurité prise au sens large me semble donc, à l'heure actuelle, fonctionner encore insuffisamment. C'est ce que je voulais dire ce soir, en vous renouvelant encore une fois mon soutien, monsieur le ministre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit, aujourd'hui ou à l'occasion de précédents débats, notamment par moi-même, sur cette problématique de la sécurité. Je n'y reviendrai donc pas.

J'aimerais toutefois insister sur un point qui me tient à coeur et qui fait actuellement l'objet d'une polémique à mon avis peu constructive : la police au plus près du terrain, une police adaptée à la réalité de nos territoires.

La polémique - je n'y reviens pas - a trait à la police de proximité, expression que je n'emploie pas. Je me demande si l'on ne ferait pas mieux de parler, à l'instar d'autres pays européens, d'une « police de contact ». Sortons de cette vision franco-française qui consiste, en caricaturant les positions mutuelles, à parler d'une police de proximité qui n'aurait pas toujours rempli son rôle, qui n'exercerait pas une vraie mission de police et, à l'inverse, à la réclamer avec force.

Nous n'avons pas suffisamment réfléchi, me semble-t-il, aux missions qui devront tôt ou tard - à mon sens, le plus tôt sera le mieux - incomber à une telle police de contact dans notre pays.

S'agissant de l'emploi des forces, nous voyons bien aujourd'hui que, malgré les efforts accomplis par les personnels de police et de gendarmerie sur le terrain, efforts qu'il faut évidemment saluer, le format des actions menées n'est plus tout à fait adapté à la réalité de nos territoires et de nos quartiers.

De mon point de vue, une stratégie d'implantation durable dans les territoires, y compris dans les plus difficiles, est plus que jamais nécessaire. Mais cela suppose au préalable une définition claire des missions de ces forces. Bien entendu, il faut une approche globale. Cela nous ramène à des débats que nous avons déjà eus et que nous aurons certainement encore, par exemple sur le triptyque « prévention-répression-réparation ». Mais l'enjeu de la discussion ne se limite pas seulement à cela.

La question qui se pose est la suivante : quel type d'intervention policière ces forces doivent-elles opérer ?

Dans le cadre des travaux que j'ai autrefois menés, et que je mène toujours, au sein du Conseil de l'Europe, j'ai eu l'occasion d'observer le fonctionnement des polices de contact dans certains pays européens voisins de la France. Celles-ci sont loin des caricatures que certains en dressent parfois. En réalité, ce sont des polices extrêmement professionnelles, en lien constant avec les différentes polices spécialisées. Elles peuvent d'ailleurs faire appel à ces dernières et disposent pour cela de moyens technologiques perfectionnés, y compris dans les voitures. Ce sont donc des forces adaptées, qui évoluent au plus près du terrain. Les citoyens le savent d'ailleurs fort bien.

Bien entendu, dans l'idée de police de contact, il y a également une dimension de dialogue et de connaissance du terrain. Il s'agit de connaître et d'être connu. Mais le rôle de cette police ne se réduit pas à cela, faute de quoi nous pourrions effectivement en pointer rapidement les limites.

La police de contact doit mener une action ordonnée autour de territoires bien identifiés, établir un contact permanent avec la réalité du terrain et de la délinquance et faire preuve d'une polyvalence accrue. Cela revient donc à valoriser son rôle pour lui permettre d'exercer la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire, sur une zone géographique donnée. Bien entendu, cela implique également une clarification des fonctions des différents acteurs, donc la désignation pour chaque secteur d'un responsable identifié avec des objectifs précis.

Dans un certain nombre de pays que j'ai pu visiter, j'ai constaté l'efficacité de ce dispositif en termes de résolution de problèmes, de recherche de coupables et de dissuasion. Dès lors qu'elle est professionnelle, que l'ensemble de la hiérarchie la soutient et que les moyens nécessaires y sont affectés, une telle démarche est prise au sérieux et respectée.

Permettez-moi de revenir au débat que j'évoquais tout à l'heure. Certes, chacun doit balayer devant sa porte. Pour ma part, j'avais soutenu la politique qui avait été engagée par Daniel Vaillant lorsqu'il était ministre de l'intérieur, car c'était une démarche de qualité. A-t-elle eu le temps d'être mise en oeuvre ? La définition des missions avait-elle été suffisamment claire à l'époque ? C'est un vaste débat, qui, de toute façon, cela appartient désormais à l'histoire. Quoi qu'il en soit, par rapport à nos objectifs et aux réussites constatées dans d'autres pays, nous voyons bien aujourd'hui les limites d'un tel exercice sur le terrain, et ce quels que soient les efforts réalisés et les résultats obtenus.

C'est pourquoi, au-delà de nos débats par définition parfois très politiques, auxquels je participe également moi-même - je l'ai d'ailleurs encore fait récemment ici même -, nous devrions mener une réflexion sur ce sujet. Je dis cela en tant qu'élu de terrain, qui perçoit les difficultés, les manques, mais également les possibilités d'avoir une action plus efficace.

Certes, je ne mésestime évidemment pas le rôle des polices qui agissent aujourd'hui auprès de nos concitoyens, comme les compagnies républicaines de sécurité. Lorsqu'elles sont fidélisées à un territoire sur lequel elles reviennent régulièrement, ces forces peuvent se révéler extrêmement utiles.

Pour autant, la police de contact peut, à mon sens, représenter un plus et offrir une nouvelle perspective. Je suis même certain qu'une telle démarche, si elle se révélait efficace, nous permettrait de réaliser de véritables économies.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous incite fortement à ne pas exclure d'emblée le projet d'une police de contact digne de ce nom en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)