Article 12
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Article 13

Article 12 quater

I. - Après l'article 203 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il est inséré un article 204 ainsi rédigé :

« Art. 204. - Sont applicables aux communes de Mayotte et à leurs établissements publics :

« 1° Les articles 16, 23, à l'exception du II, 27, 91, le II de l'article 121, les articles 122, 123, le 1° de l'article 124, le I de l'article 125, les articles 126 à 128, 133, le 1° de l'article 138, le 1° de l'article 139, les I et IV de l'article 140, les articles 142 à 144, 149, 150, 155, 159 à 161, 164, à l'exception du II, 166, 167, 169, le II de l'article 170, les articles 171, 172, à l'exception du VI, 174 à 177, 179, 180, 182, 186, à l'exception du III, 188, le 1° de l'article 190, les articles 191, 192, 194, le I des articles 195 et 196 et l'article 197 ;

« 2° Les articles 64 et 138 à 141 à compter du renouvellement des conseils municipaux en 2008 ;

« 3° Les articles 151 à 153, 163, 189 et 202 à compter de l'entrée en vigueur du code général des impôts à Mayotte. »

II. - Après l'article 27 de l'ordonnance n° 2005-1027 du 26 août 2005 relative à la simplification et à l'amélioration des règles budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux qui leur sont rattachés, il est inséré un article 27-1 ainsi rédigé :

« Art. 27-1. - Les articles 2 à 8, 9, à l'exception des 1° et 2°, 10, 11 et 26 sont applicables aux communes de Mayotte et à leurs établissements publics à compter de l'exercice 2008. »

Article 12 quater
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Article 14

Article 13

I. - Sont abrogés :

1° Les articles L. 3551-7 à L. 3551-10, L. 3551-10-1 à L. 3551-10-9, L. 3551-11-1, L. 5831-1 et L. 5916-1 du code général des collectivités territoriales ;

2° La sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre II du code des juridictions financières ;

3° Le dernier alinéa de l'article 1er et les articles 36 et 75 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer ;

4° Supprimé........................................................................................................ ;

5° En tant qu'elle s'applique aux Terres australes et antarctiques françaises, la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer ;

 Le décret n° 60-555 du 1er avril 1960 relatif à la situation administrative de certaines îles relevant de la souveraineté de la France ;

7° À compter du 1er janvier 2009, l'article 51 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer ;

8° L'article L. 161-4 du code du tourisme.

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 710-2 du code de l'urbanisme, la référence : « L. 3551-31 » est remplacée par la référence : « L.O. 6161-36 ».

III. - Le premier alinéa de l'article L. 710-4 du même code est ainsi rédigé :

« Pour l'application à Mayotte de l'article L. 121-7, les mots : « aux articles L. 1614-1 et L. 1614-3 » figurant au premier alinéa sont remplacés par les mots : « au titre VII du livre Ier de la sixième partie ». »

IV. - Après les mots : « est régie par », la fin du premier alinéa de l'article L. 223-2 du code de justice administrative est ainsi rédigée : « l'article L.O. 6162-11 ».

V. - Dans l'article L. 652-4 du code de l'environnement, la référence : « à l'article L. 3554-1 » est remplacée par la référence : « au chapitre II du titre V du livre Ier de la sixième partie ».

VI. - Dans le huitième alinéa (7°) du II de l'article L. 2574-4 du code général des collectivités territoriales, la référence : « L. 3562-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 6172-1 ».

VII. - Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, la référence : « L. 328-1-1 » est remplacée par la référence : « L. 519 ».

Dans le troisième alinéa (2°) du même article, la référence : « L. 334-4 » est remplacée par la référence : « L. 451 ».

VIII. - Dans le sixième alinéa (5°) du II de l'article 62 de la loi de programme n° 2003-660 du 21 juillet 2003 pour l'outre-mer, la référence : « 28 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon » est remplacée par la référence : « L.O. 6413-3 du code général des collectivités territoriales ».

Il est procédé à la même substitution dans le troisième alinéa (2°) du II de l'article 91 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

IX. - Dans le I de l'article 167 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, les mots : « Conformément au troisième alinéa du I de l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 1998 (n° 98-1267 du 30 décembre 1998), » sont supprimés.

Article 13
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Article 16

Article 14

I A. - Le I bis de l'article 3 entre en vigueur à compter du renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant le renouvellement de juin 2007.

Pour le renouvellement général de l'Assemblée nationale de juin 2007, le I de l'article 3 est applicable aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

I. - À compter de leur élection et jusqu'au renouvellement de leur mandat en septembre 2014, les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sont rattachés à la série A prévue à l'article L.O. 276 du code électoral.

Les dispositions du deuxième alinéa (1°) de l'article L. 496-3 et du deuxième alinéa (1°) de l'article L. 517-3 du même code entrent en vigueur à compter du renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant le renouvellement général prévu en juin 2007.

II. - Pour l'application des dispositions de l'article L. 509 du même code prévoyant l'attribution d'une durée d'émission sur les antennes de la société nationale chargée, pour l'outre-mer, du service public de la communication audiovisuelle aux listes de candidats lors de la première élection du conseil territorial de Saint-Martin suivant la promulgation de la présente loi, une durée d'émission de deux heures à la télévision et de trois heures à la radio est mise à la disposition des listes de candidats.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel détermine le temps attribué à chaque liste en :

1° Divisant également entre toutes les listes la moitié des durées d'émission mentionnées au premier alinéa ;

2° Répartissant l'autre moitié entre les listes sur lesquelles figurent des conseillers municipaux ou des conseillers généraux élus à Saint-Martin, à due proportion du nombre de ces élus, au vu de la déclaration individuelle de rattachement faite par chacun d'entre eux auprès du représentant de l'État, dans les huit jours qui suivent la publication du décret de convocation des électeurs.

III. - Il est procédé à l'élection des représentants du conseil général et à la désignation par l'Association des maires de Mayotte des représentants des maires au conseil d'exploitation du service d'incendie et de secours de Mayotte, dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.

Il est procédé à l'élection des représentants des sapeurs-pompiers officiers et non officiers à la commission administrative et technique du service dans les délais mentionnés au premier alinéa.

La première réunion du conseil d'exploitation a lieu dans la semaine suivant l'élection prévue au premier alinéa.

Article 14
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Article 9 bis

Article 16

Dans l'article 17 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte, les mots : « dans les cinq ans suivant la publication de l'arrêté du préfet, représentant du Gouvernement à Mayotte, procédant à l'installation de cette commission » sont remplacés par les mots : « au plus tard le 31 décembre 2008 ».

M. le président. Sur les articles 1er à 9, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Y a-t-il une demande de parole sur l'un quelconque de ces articles ?....

Le vote est réservé.

Article 9 bis

Article 16
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Article 10

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les IV à X de cet article :

IV. - Après l'article 30 de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal, il est inséré un article 31 ainsi rédigé :

« Art. 31. - L'article 27 de la présente loi est applicable à Mayotte sous réserve des adaptations suivantes :

« Les références : "L. 324-9, L. 324-10, L. 341-6, L. 125-1 et L. 125-3 du code du travail" sont remplacées par les références : "L. 312-1, L. 312-2, L. 330-5, L. 124-1 et L. 124-3 du code du travail applicable à Mayotte". »

« V. - Après l'article 55 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, il est inséré un article 55-1 ainsi rédigé :

« Art. 55-1. - Les articles 54 et 55 de la présente loi sont applicables à Mayotte. »

VI. - Après l'article 28 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, il est inséré un article 29 ainsi rédigé :

« Art. 29. - La présente ordonnance est applicable à Mayotte sous réserve des adaptations suivantes :

« 1° Dans le b de l'article 4, les références : "L. 324-9, L. 324-10, L. 341-6, L. 125-1 et L. 125-3 du code du travail" sont remplacées par les références : "L. 312-1, L. 312-2, L. 330-5, L. 124-1 et L. 124-3 du code du travail applicable à Mayotte" ;

« 2° L'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« "À Mayotte, les dispositions visées à l'article L. 2572-13 sont applicables aux actes mentionnés au 4° du présent article." ;

« 3° Dans le a de l'article 4 et le chapitre IV du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, après les mots : "du code général des impôts", sont ajoutés les mots : "applicable à Mayotte" ;

« 4° Dans l'article L. 6148-4 du code de la santé publique, les mots : "celles mentionnées à l'article L. 6148-2, ainsi que les contrats de partenariat conclus en application du titre Ier de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 respectent, lorsqu'ils" sont remplacés par les mots : "ainsi que celles mentionnées à l'article L. 6148-2 respectent, lorsqu'elles".

VII. - Après l'article 42 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, est inséré un article 42-1 ainsi rédigé :

« Art. 42-1. - Les articles 1er à 29 et 32 à 38 de la présente ordonnance sont applicables à Mayotte sous réserve des dispositions suivantes :

« 1° Dans l'article 8 :

« a) Le 1° est complété par les mots : "applicable à Mayotte" ;

« b) Dans le 2°, les références : "L. 324-9, L. 324-10, L. 341-6, L. 125-1 et L. 125-3 du code du travail" sont remplacées par les références : "L. 312-1, L. 312-2, L. 330-5, L. 124-1 et L. 124-3 du code du travail applicable à Mayotte" ;

« 2° Dans l'article 16, les mots : "mentionnés aux articles L. 323-31 du code du travail et L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles, ou à des structures équivalentes" sont remplacés par les mots : "créés en application des dispositions applicables localement" ;

« 3° Ne sont pas applicables à Mayotte :

« a) Le troisième alinéa de l'article 24 ;

« b) Les cinquième et huitième alinéas de l'article 28 ;

« c) Le IV de l'article 29 ;

« d) Le II de l'article 30 ;

« e) Le troisième alinéa de l'article 33. »

VIII. - Après l'article L. 1751-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1751-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1751-1-1. - I. - Les articles L. 1414-1 à L. 1414-16 sont applicables aux communes de Mayotte et à leurs établissements publics.

« II. - Pour l'application du b de l'article L. 1414-4, les références : "L. 324-9, L. 324-10, L. 341-6, L. 125-1 et L. 125-3 du code du travail" sont remplacées par les références : "L. 312-1, L. 312-2, L. 330-5, L. 124-1 et L. 124-3 du code du travail applicable à Mayotte". ».

IX. - Les articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative sont applicables à Mayotte.

X. - L'article 47 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer est abrogé.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui vise à corriger une erreur matérielle conformément à une demande formulée en commission mixte paritaire. La correction est de pure forme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur. La commission ne s'étant pas réunie, je ne peux donner l'avis de la commission.

En revanche, je me dois de souligner que cet amendement va dans le sens souhaité par la commission mixte paritaire, qui s'était émue à juste titre de la hâte avec laquelle un amendement présenté sur le même sujet avait été proposé à l'Assemblée nationale, puis voté par cette dernière. Nous avons fait remarquer qu'il y avait quand même quelques petites corrections matérielles à apporter. Il est heureux que le Gouvernement ait répondu à notre appel.

À titre personnel, je ne peux que donner un avis favorable sur cet amendement. Je persiste à regretter la méthode : mieux aurait valu une discussion préalable, qui aurait permis d'arriver à un texte équilibré satisfaisant tout le monde. Il s'agit tout de même, excusez du peu, de la modernisation des marchés publics à Mayotte ! Je remercie néanmoins le Gouvernement d'avoir entendu l'appel lancé par la commission mixte paritaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste s'abstient.

Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC également.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l'article 9 bis est réservé.

Sur l'article 9 ter, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Y a-t-il une demande de parole sur cet article ?....

Le vote est réservé.

Article 10

Article 9 bis
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Article 11

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du a du 10° du I de cet article par les mots :

, ou, le cas échéant, adaptation : »

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Il s'agit encore d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur. À titre personnel, j'y suis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l'article 10 est réservé.

article 11

Article 10
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Article 13 (début)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le j du 9° du I de cet article pour l'article 80-2 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, remplacer les mots :

prévues au quatrième alinéa de l'article 27

par les mots :

prévues au troisième alinéa de l'article 27

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Cointat. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l'article 11 est réservé.

Sur les articles 12 et 12 quater, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Y a-t-il une demande de parole sur l'un de ces articles ?....

Le vote est réservé.

article 13

Article 11
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Article 13 (fin)

M. le président. L'amendement n° 4,...

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Bernard Frimat. Il n'a pas été distribué !

M. le président.... présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après le VIII de cet article, insérer un paragraphe VIII bis ainsi rédigé :

VIII. bis - L'article 51 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de la création des collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les conditions prévues au VI de l'article 15 de la loi organique n°...    du... portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, la dotation globale garantie et la dotation d'équipement local, mentionnées respectivement à l'article 47 et au 1° de l'article 49, sont réparties, en 2007 et 2008, entre les communes de la Guadeloupe, la collectivité de Saint-Barthélemy et la collectivité de Saint-Martin. Pour cette répartition, la collectivité de Saint-Barthélemy et la collectivité de Saint-Martin sont assimilées à des communes. »

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Nous abordons ici un point qui n'est pas neutre puisqu'il s'agit de permettre à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin de préparer, sans que leur situation financière ne soit mise en péril, une fiscalité adaptée pour prendre le relais des recettes issues de l'octroi de mer en prolongeant en 2007 et en 2008 le versement de ces recettes.

Cet amendement vise à préciser les modalités d'application du dispositif qui a été retenu par la commission mixte paritaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur. Cet amendement n'a, bien sûr, pas été examiné par la commission,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut la réunir !

M. Christian Cointat, rapporteur.... mais il s'inscrit dans la suite logique de l'amendement présenté par la délégation du Sénat en commission mixte paritaire afin que le bénéfice de l'octroi de mer soit prorogé, en particulier en faveur de Saint-Martin, à qui cette aide financière est indispensable pour « décoller » économiquement, même si, évidemment, Saint-Barthélemy est également concerné. La commission mixte paritaire a accepté cet amendement en reportant à 2008 l'effet de la mesure.

Par le présent amendement, le Gouvernement renforce encore le dispositif et, à titre personnel, je ne peux que m'en féliciter.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais que le Gouvernement a toujours le droit de présenter des amendements au texte d'une commission mixte paritaire, même si je n'ai pas oublié les « colères » de Léon Jozeau-Marigné, qui fut président de la commission des lois, lorsque cela se produisait. Mais j'estime tout à fait inadmissible que, par-dessus le marché, que la commission n'ait pas pu les examiner et que cet amendement-ci ne nous soit même pas distribué !

Je demande donc à M. Hyest de bien vouloir réunir la commission des lois, d'autant que, en l'occurrence, il ne s'agit pas d'un amendement de forme ou d'un amendement destiné à réparer une omission, mais bien d'un amendement de fond.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous étiez en commission mixte paritaire et vous avez donc entendu qu'il s'agissait simplement d'apporter une précision nécessaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas ce que nous avons entendu !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons souhaité que, jusqu'au 1er janvier 2009, les recettes de l'octroi de mer puissent continuer à être versées à la collectivité de Saint-Martin ainsi qu'à celle de Saint-Barthélemy ; pour cette dernière, les recettes en question sont marginales, mais les deux collectivités ne peuvent pas être traitées différemment.

L'amendement du Gouvernement vise simplement à préciser, pour qu'il n'y ait plus aucune ambiguïté, que, bien qu'il s'agisse de collectivités territoriales spécifiques, elles sont encore considérées comme des communes au regard des recettes de l'octroi de mer.

Il n'y a donc pas lieu, monsieur Dreyfus-Schmidt, de réunir la commission. Ce point était parfaitement clair en commission mixte paritaire et c'est une précision que nous souhaitions.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est totalement faux ! Si vous disiez vrai, cette précision aurait figuré dans le texte de la commission mixte paritaire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l'article 13 est réservé.

Sur les articles 14 et 16, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Y a-t-il une demande de parole sur l'un de ces articles ?....

Le vote est réservé.

Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement que le Sénat vient d'adopter.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remercier, d'exprimer ensuite à nouveau la reconnaissance du Gouvernement au président de la commission, M. Hyest, et à son rapporteur, M. Cointat, et de saluer le travail accompli par les membres de la Haute Assemblée, toutes sensibilités politiques confondues.

Un vote à l'unanimité est, en effet, suffisamment rare à l'échelle d'une législature pour mériter d'être relevé.

Je l'ai dit dans mon introduction et ce sera aussi ma conclusion, ce texte qui codifie, met en forme et crée de nouvelles collectivités, était attendu par l'outre-mer ; il définit aussi des modalités démocratiques pour permettre à ces collectivités, donc à nos compatriotes ultramarins, de vivre conformément aux voeux exprimés lors de la consultation référendaire.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire respecte ces voeux : c'est donc le résultat d'un choix très démocratique en même temps que l'acte d'inscription, en profondeur et dans la durée, de ces nouvelles collectivités dans la ligne des valeurs qui nous rassemblent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Article 13 (début)
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7

Recrutement, formation et responsabilité des magistrats

équilibre de la procédure pénale

Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

 
 
 

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats (nos 125, 176) et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (nos 133, 177).

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de regretter que la discussion générale ait été engagée nuitamment la semaine dernière,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur pour le projet de loi organique. Nous sommes d'accord !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.... dans un hémicycle quasi vide, alors qu'il s'agit d'un sujet, la justice, dont on peut penser qu'il importe à tous.

En conséquence, chaque orateur a quitté la séance après son intervention et, quant à mon groupe, il n'a pas pu s'exprimer. On peut donc s'interroger sur l'intérêt de commencer une telle discussion à près de vingt-deux heures...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais j'en viens au sujet qui nous occupe.

Hélas, il a fallu le drame judiciaire d'Outreau pour que la population soit prise à témoin, malgré elle, de l'état de notre institution judiciaire.

Nous aurions pu penser que ce serait l'occasion de mener un grand débat citoyen. Il n'en est rien.

Pourtant, comme d'autres l'ont dit avant moi, un travail colossal a été effectué par la commission d'enquête parlementaire créée après le retentissant procès d'Outreau : 221 personnes furent auditionnées, pendant près de 200 heures, et 6 000 pièces du dossier furent analysées.

La commission d'enquête a ainsi pu dresser l'inventaire des dysfonctionnements de la machine judiciaire qui ont conduit au résultat que nous connaissons. Mais, surtout, elle a présenté des propositions - quatre-vingts au total, je le rappelle - destinées notamment à rendre la procédure pénale plus contradictoire et plus collégiale, à mieux protéger les intérêts des enfants et, plus généralement, des prévenus, à redéfinir le rôle des experts et à responsabiliser tant les magistrats que les médias.

Les deux textes que nous examinons aujourd'hui constituent, selon vos propres termes, monsieur le garde des sceaux, « une première étape » faisant suite aux travaux de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire dite d'Outreau, là où tout le monde attendait une réforme d'ampleur de la justice. Vous disiez, le 1er juin dernier, ne pas vouloir faire une « réforme bâclée » de la justice, ce en quoi vous aviez parfaitement raison, mais c'est pourtant l'impression qui domine avec cette « réformette » que vous engagez à la veille de la fin de la législature et du quinquennat.

Pourtant, le Gouvernement aurait dû s'engager dans une réflexion à long terme sur l'avenir de notre justice, sans occulter pour autant le contexte politique dans lequel eut lieu l'affaire d'Outreau.

En effet, depuis la campagne présidentielle de 2002, la logique sécuritaire et punitive domine en matière pénale, au détriment des libertés individuelles, des valeurs et principes démocratiques de notre droit pénal, tels que le droit à un procès équitable, la présomption d'innocence ou encore la culture du doute.

Largement entretenue et exploitée par le Gouvernement, cette logique sécuritaire s'est traduite par une inflation de textes durcissant notre législation et notre procédure pénales : nous en avons examiné pas moins de deux par an en moyenne depuis 2002.

Et si la justice est aujourd'hui obligée de composer avec cet empilement de textes, elle ne dispose ni des moyens financiers ni des créations de postes nécessaires, ce qui va de pair, pour les appliquer sans que cela ait des répercussions sur les justiciables.

Dans ces conditions, le juge ne pèse pas bien lourd face à un engrenage politique parfaitement relayé par les médias.

Est-ce un hasard si, depuis 2001, les détentions provisoires et la population carcérale ont augmenté ?

Est-ce un hasard si, dans le dossier d'Outreau, le juge d'instruction, qui a respecté les règles de droit et de procédure, n'a vu aucun de ses actes invalidé à la suite des recours exercés devant la chambre de l'instruction ?

Il conviendrait donc de remettre en question non seulement notre système pénal et judiciaire, mais également la direction que le Gouvernement lui a fait prendre. La procédure pénale n'est certainement pas seule en cause ; l'est au moins tout autant l'idéologie qui préside aux incessantes modifications qu'on lui fait subir et à son instrumentalisation permanente.

C'est la raison pour laquelle nous abordons cette réforme de la justice avec circonspection. Compte tenu des remarques que je viens de formuler, nous attendions une prise de recul de la part du Gouvernement en matière d'inflation pénale. Malheureusement, à travers le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, il montre qu'il n'est pas prêt, il s'en faut, à abandonner toute idée de surenchère pénale ; mais la fin de la législature nous réservera peut-être quelques surprises en la matière...

Nous attendions également un texte plus ambitieux, qui reprenne en grande partie les propositions formulées par la commission d'enquête parlementaire. Certes, je vous l'accorde, cet examen en profondeur ne peut se faire quelques jours avant la fin de la session parlementaire !

Nous ne pouvons que déplorer, entre autres, l'absence de réforme du Conseil supérieur de la magistrature - préalable indispensable à toute réforme sérieuse de la justice -, de la carte judiciaire ou encore de l'indépendance du parquet.

Le projet de loi organique est relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats. Le texte initial était, permettez-moi de le dire, assez décevant, pour ne pas dire plus, au regard de l'importance de cette question. En effet, les dispositions présentées à l'époque ne permettaient pas d'aboutir à un recrutement diversifié, pourtant nécessaire si l'on veut remédier à l'uniformité sociale et culturelle de la magistrature.

De même, en termes de culture commune entre les magistrats et les avocats et d'échanges entre ces deux professions, le texte initial était bien silencieux.

L'Assemblée nationale a quelque peu modifié cette orientation première. En effet, tout en maintenant le principe du concours d'entrée à L'École nationale de la magistrature, l'ENM, auquel notre groupe est particulièrement attaché - les concours valant mieux que le copinage ou le népotisme -, elle a élargi les possibilités de recrutement sur titres pour les auditeurs de justice et d'intégration directe pour les magistrats, prévues à l'article 1er B.

Je regrette néanmoins qu'une réflexion plus approfondie sur la démocratisation de l'accès aux concours - et cela vaut pour tous les concours de la haute fonction publique - ne soit en aucune façon envisagée.

L'autre point positif réside dans l'obligation - alors qu'il ne s'agit actuellement que d'une simple possibilité - d'effectuer durant la scolarité à l'ENM, et à titre bénévole, un stage d'une durée de six mois en tant que collaborateur d'un avocat inscrit à un barreau.

Enfin, s'il est évidemment judicieux de prévoir que les magistrats seront soumis à une obligation de formation continue, il est fort probable que cette disposition restera lettre morte si elle n'est pas accompagnée des moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre.

C'est d'ailleurs l'un des reproches que l'on peut formuler à l'encontre de ce projet de loi, et notamment à ses dispositions relatives à la formation.

En effet, compte tenu de la faiblesse du budget de la justice - sans doute me direz-vous que vous l'avez augmenté, monsieur le garde des sceaux, mais je vous répondrai qu'il reste très faible au regard des besoins et en comparaison des dépenses judiciaires moyennes en Europe -, comment ne pas redouter que des intentions qui, de prime abord, peuvent paraître louables ne restent virtuelles ?

Je regrette également que la formation initiale à l'ENM ne soit pas ouverte aux sciences sociales et humaines. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons déposé un amendement tendant à inscrire dans cette formation un enseignement de criminologie ; l'une des critiques formulées à la suite de l'affaire dite d'Outreau portait d'ailleurs sur ce point précis.

L'aspect humain n'est pas à négliger dans la phase de formation et dans les programmes pédagogiques des futurs magistrats. Nous espérons, par conséquent, que notre amendement retiendra toute l'attention.

Si les dispositions relatives à la formation constituent un progrès, il n'en va pas de même de celles qui sont relatives à la discipline et à la responsabilité des magistrats.

Tout d'abord, je le répète, ces questions ne pouvaient, à nos yeux, être abordées qu'une fois la réforme du CSM engagée, à défaut d'être adoptée. Une telle réforme aurait nécessairement conduit à une refonte du système d'évaluation des magistrats.

En l'espèce, le Gouvernement procède de façon inverse : il n'est pas question de réformer le CSM avant les échéances électorales. En revanche, nous est proposée une nouvelle définition, qui n'est pas satisfaisante, de la faute disciplinaire.

Je m'interroge, tout d'abord, sur l'opportunité de cette nouvelle formulation.

Même si l'actuelle définition peut paraître quelque peu désuète, elle n'empêche absolument pas le Conseil supérieur de la magistrature de sanctionner des magistrats en cas de faute commise dans l'exercice de leurs fonctions, mais détachable de l'activité juridictionnelle.

En matière disciplinaire, la jurisprudence du CSM est donc bien établie et constitue une base solide. Le CSM lui-même, dans une communication du 21 décembre 2006, rappelle « qu'il a contribué à la définition de la déontologie des magistrats par les décisions qu'il a rendues depuis quarante ans. [...] Ces décisions démontrent que les textes actuels permettent au Conseil, lorsqu'il est saisi, de se prononcer sur des situations extrêmement diverses, sans laisser en dehors du champ de la responsabilité disciplinaire l'activité et les carences des magistrats. »

Par conséquent, il ne faudrait pas, d'une part, que la formulation retenue laisse à penser que l'ordonnance de 1958 ne permet aucune sanction et, d'autre part, qu'une brèche soit ouverte dans la contestation des décisions de justice.

Les voies de recours constituent la seule procédure pour contester une décision juridictionnelle. Nous tenons à ce que ce principe reste inchangé. La procédure disciplinaire ne doit en aucun cas être détournée de son objectif et permettre, même insidieusement, de contester une décision de justice.

Si la rédaction proposée par la commission des lois en lieu et place de celle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale est un peu plus claire, nous souhaitons néanmoins, afin d'éviter toute ambiguïté, que les décisions ayant été validées par les voies de recours soient explicitement exclues d'éventuelles poursuites disciplinaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous ne disons pas autre chose !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par ailleurs, s'agissant de la nouvelle sanction prévue à l'article 5, je ne puis qu'exprimer mon étonnement face à cette disposition selon laquelle la collégialité devient une sanction disciplinaire applicable aux magistrats. Cela ne peut qu'accroître la dévalorisation de la collégialité, qui doit pourtant rester le principe en matière pénale.

Enfin - et ce sera ma dernière observation sur le projet de loi organique -, je regrette que le Gouvernement ait fait le choix de réformer la loi relative au Médiateur au lieu de nous présenter un projet de loi constitutionnelle créant une saisine du CSM par les particuliers.

Nous ne sommes pas les seuls à réclamer une telle réforme. Le CSM lui-même, toujours dans sa communication du 21 décembre dernier, l'évoque en ces termes : « Le Conseil supérieur de la magistrature propose d'ailleurs d'ouvrir à tout justiciable une voie de saisine directe de ses formations disciplinaires. »

Malheureusement, on nous propose de faire du Médiateur l'interlocuteur des justiciables s'estimant victimes du comportement d'un magistrat. Or ce nouveau dispositif pose deux problèmes.

Le premier concerne la notion de « comportement » d'un magistrat, qui induit une très grande part de subjectivité pouvant conduire à des procédures abusives de la part de justiciables mécontents de la décision rendue. Mieux vaudrait, pour éviter toute dérive, se référer non pas au comportement du magistrat mais à un dysfonctionnement du service public de la justice, critère sans doute plus objectif.

Le second problème réside dans le choix de la personne du Médiateur pour constituer un filtre des réclamations des justiciables. Selon l'article 6 quinquies, le Médiateur serait chargé de vérifier si la réclamation peut recevoir une qualification disciplinaire et, dans cette hypothèse, de la transmettre au garde des sceaux, celui-ci ayant par la suite obligation de demander aux services compétents de procéder à une enquête.

À la lecture de cet article, nous voyons poindre le risque que le Médiateur ne se transforme en une simple chambre d'enregistrement des réclamations des justiciables.

Par ailleurs, notre rapporteur a raison d'évoquer la complexification de la procédure de saisine. En effet, les justiciables peuvent déjà saisir le garde des sceaux et les chefs de cour en cas de soupçon de faute disciplinaire d'un magistrat. Dès lors, pourquoi ajouter le filtre du Médiateur ?

Faute de mieux, au moins conviendrait-il que le Médiateur puisse saisir directement le CSM, comme nous le proposons ; à nos yeux, la création de ce nouveau filtre est inutile.

J'en viens maintenant au projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

Le moins que l'on puisse dire est que le Gouvernement n'a pas fait preuve d'une grande audace dans ce domaine, si j'en crois les propositions contenues dans ce projet de loi qui ne sont pas, et de loin, à la hauteur des enjeux révélés par l'affaire dite d'Outreau.

Je ne m'attarderai pas sur les pôles de l'instruction, même s'ils ne répondent que partiellement à la collégialité et ne remplacent pas une nécessaire réforme de la carte judiciaire, à laquelle il faut avoir le courage de s'atteler.

S'agissant de la détention provisoire, nous regrettons vraiment la frilosité du Gouvernement. Nous pensions effectivement que, après l'affaire d'Outreau, ce dernier allait revoir sa position sur la présomption d'innocence, bouleverser profondément le régime de la détention provisoire, en limiter le recours et prévoir des délais butoirs, ainsi que l'avait d'ailleurs préconisé la commission d'enquête parlementaire.

Le résultat est tout autre : l'article 3 ne modifie que très superficiellement l'article 144 du code de procédure pénale ; en outre, il n'affirme pas assez fortement, c'est le moins que l'on puisse dire, le caractère exceptionnel de la détention provisoire.

Le critère selon lequel le juge des libertés et de la détention, le JLD, peut placer ou maintenir en détention provisoire une personne mise en examen en cas de trouble à l'ordre public n'a pas complètement disparu, malgré les efforts de certains, y compris ici même. Or c'est bien ce critère qui pose problème et qui autorise le recours abusif et fréquent à la détention provisoire. Pourtant, le Gouvernement maintient ce critère en matière criminelle et se contente d'interdire le fait d'y recourir pour prolonger la détention provisoire en matière délictuelle.

Permettez-moi à cet égard de constater qu'il n'est absolument pas question du juge des libertés et de la détention dans ce projet de loi. Le débat s'est focalisé sur le juge d'instruction. Certes, celui-ci souffre souvent d'une grande solitude face à un dossier complexe. Cela étant dit, en aucun cas, il ne peut décider du placement en détention provisoire. La création du JLD par la loi du 15  juin 2000 relative à la présomption d'innocence avait d'ailleurs pour objet de ne pas concentrer dans les mains d'un seul homme le pouvoir d'instruire et d'incarcérer.

Par conséquent, les excès du recours à la détention provisoire imposent le retour aux principes de la loi relative à la présomption d'innocence dont le dispositif n'a cessé d'être détricoté, ouvertement ou catimini, par le Gouvernement depuis 2002.

Par ailleurs, toute référence à la notion d'ordre public doit aussi être définitivement écartée, étant donné son caractère bien trop vague. C'est d'ailleurs ce que nous proposons à travers certains de nos amendements.

Je voudrais à présent aborder l'une des mesures phares de ce projet de loi, à savoir l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue et des auditions chez le juge d'instruction.

Je regrette que cet enregistrement audiovisuel soit le seul moyen trouvé par le Gouvernement pour renforcer le caractère contradictoire de la procédure pénale et garantir les droits de la défense, deux principes qui, je le rappelle, sont écornés depuis 2002.

L'article 6 prévoit ainsi que les interrogatoires des personnes gardées à vue en matière criminelle feront l'objet d'un enregistrement audiovisuel. Certes, le fait que celui-ci soit prévu au stade de la garde à vue semble justifier l'existence d'un tel dispositif, dès lors que l'avocat n'est pas présent dès le début et tout au long de la garde à vue.

Nous considérons, pour notre part, qu'il est indispensable, afin d'éviter les dérives, de rétablir le droit d'être assisté d'un avocat dès le début de la garde à vue afin que la défense soit mieux informée pour intervenir suffisamment tôt dans l'orientation initiale de l'enquête sur laquelle va ensuite se fonder l'instruction.

L'enregistrement audiovisuel des auditions dans le cabinet du juge d'instruction ne nous paraissait pas aussi nécessaire. Si un tel dispositif figure dans ce texte, c'est bien parce que le ministre de l'intérieur l'a exigé en contrepartie de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires durant la garde à vue. Nous regrettons que la procédure pénale fasse l'objet de telles tractations !

La situation n'est pas la même lors de l'instruction, puisque l'avocat assiste déjà aux auditions chez le juge et qu'il lui appartient de veiller à ce que les propos de son client soient fidèlement retransmis. En effet, le problème récurrent, et qui motive un tel enregistrement audiovisuel, est celui de la reformulation des réponses faites au juge. Dès lors, pourquoi un simple enregistrement sonore ne serait-il pas suffisant ?

Le problème réside avant tout dans notre législation et la procédure pénale : elles doivent être repensées pour renforcer réellement les droits de la défense afin de tendre à nouveau vers un équilibre indispensable entre les parties dans le débat contradictoire.

Dans ces conditions, à lui seul, le dispositif de l'enregistrement audiovisuel, même s'il fait parler de lui, ne saurait justifier l'absence d'une réforme en profondeur de la procédure pénale.

En guise de conclusion, je dirai simplement que les deux projets de loi qui nous sont présentés aujourd'hui constituent des réformes a minima.

Le premier est partiel en ce qu'il fait l'impasse - « faute de consensus », paraît-il - sur la réforme essentielle du CSM, pourtant votée en 1998.

Quant au second, il est insuffisant en ce sens qu'il ne dit mot des atteintes portées à la présomption d'innocence, aux droits de la défense et aux libertés individuelles.

Dès lors, pour toutes les raisons que je viens de développer, nous ne vous donnerons pas notre consentement, monsieur le garde des sceaux.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais commencer par féliciter le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Voilà un excellent parlementaire !

M. Henri de Raincourt. Que cela cache-t-il ? (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, M. le garde des sceaux avoue que, après cinq ans de pouvoir et six ou sept lois portant sur la procédure pénale, celle-ci n'est toujours pas équilibrée ! Son projet de loi n'a-t-il pas pour objet de « renforcer l'équilibre de la procédure pénale » ? Cela prouve bien que cet équilibre n'est pas encore atteint !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'était de la timidité ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La balance de la justice est difficile à régler, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La recherche de l'équilibre constitue en vérité un exercice de funambule, et l'ennui, avec les funambules, c'est qu'il leur arrive parfois de se casser la figure !

Mes chers collègues, tout le monde parle d'Outreau, et lorsqu'on cherche sur Internet des exemples d'excès en matière de garde à vue, on ne trouve jamais que des références à cette affaire. Il y a un avant-Outreau et un après-Outreau !

Pourtant, on oubliera Outreau comme on a oublié tout le reste ! J'ignore si l'on se souvient encore de l'affaire de Bruay-en-Artois, dont les protagonistes furent, notamment, Me Leroy et le juge Pascal.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous nous en souvenons très bien !

M. Henri de Raincourt. Nous nous souvenons très bien du rôle joué par les gauchistes !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. À l'époque, on avait dit : « Plus jamais ça ! » Et puis on a oublié jusqu'au nom du juge Pascal, ou du moins celui de Me Leroy !

Ensuite, nous avons connu l'affaire Roman. Il s'agissait d'un garçon nommé Richard Roman, qui passa quinze mois en détention avant que son innocence ne soit prouvée, par hasard et parce qu'un second juge d'instruction avait porté un regard différent sur le dossier, le coupable étant en réalité un certain Didier Gentil.

Or personne, ou presque, ne se souvient de cette affaire ; en tout cas, il est très difficile d'en retrouver la trace car, je le répète, tout le monde ne parle que d'Outreau, encore d'Outreau, toujours d'Outreau !

Mes chers collègues, je formulerai un certain nombre de réflexions.

Tout d'abord, le projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et la responsabilité des magistrats dispose que « constitue notamment un manquement aux devoirs de son état la violation grave et intentionnelle par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive. ».

Une telle hypothèse ne doit pas se présenter souvent, mais admettons que ce soit le cas ! Si un justiciable veut se plaindre de la faute grave d'un magistrat, il doit pouvoir saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, qui aura alors à se prononcer. Mais ce n'est pas ce que prévoit ce texte. Selon nous, il est tout à fait inutile de passer par une commission de transparence de la justice et, surtout, de saisir M. le ministre. Celui-ci nous a affirmé en commission qu'il était le seul à pouvoir statuer et à prendre une telle responsabilité ! Au contraire, nous estimons que ce rôle doit revenir au Conseil supérieur de la magistrature.

Monsieur le ministre, vous rétorquerez que Mme Guigou avait proposé un système qui ressemble quelque peu à celui que vous nous présentez aujourd'hui. Toutefois, nous l'avions combattu ici même, en soulignant qu'il était nécessaire de pouvoir saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, ce que nous continuons à penser.

J'en viens à présent à l'École nationale de la magistrature. Tout d'abord, faut-il la maintenir ? C'est un point qui peut être discuté. Ensuite, la formation doit-elle associer à la fois des membres du parquet et des magistrats du siège ? Ce n'est pas certain, nous pouvons en débattre, et pour ma part je ne le crois pas.

Aujourd'hui, on prévoit d'associer également à cette formation une trentaine d'avocats. Mais qu'apporteront ces trente avocats, sur les milliers qui exercent, aux travaux de l'ENM ? Rien, et ce d'autant plus qu'il y a avocat et avocat ! (Exclamations.) Certains avocats sont en fait des sortes de conseillers fiscaux, qui ne mettent jamais les pieds dans un palais de justice ; ils n'ont évidemment, eux, rien à voir avec des pénalistes !

Vous voulez inviter les magistrats à accomplir des stages chez les avocats - on reviendrait ainsi au système qui existait avant la guerre -, mais encore faudrait-il qu'il s'agisse d'avocats pénalistes ou au moins d'avocats qui plaident devant des magistrats !

J'en viens maintenant au projet de loi qui a pour objet de renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

Nous avons saisi l'occasion de ce projet de loi pour déposer un amendement tendant à supprimer la disposition selon laquelle le président de la chambre d'accusation est saisi et statue sous réserve de la décision qui sera prise ensuite par la chambre. En effet, permettez-moi de le dire un peu brutalement, c'est tout simplement idiot ! Dans presque 100 % des cas, j'imagine - il serait utile de disposer de chiffres en la matière, monsieur le garde des sceaux -, la chambre d'accusation suit l'avis de son président. Cette disposition est donc inutile.

S'agissant maintenant de l'appel des décisions de cours d'assises, vous avez signé, monsieur le garde des sceaux, une circulaire tout à fait extraordinaire selon laquelle il serait moins coûteux de désigner la nouvelle cour dans le même ressort judiciaire.

Nous estimons au contraire que la seconde cour d'assises doit être désignée dans un autre ressort, car il est préférable que les magistrats qui examinent successivement un même dossier ne soient pas en contact quotidien, ou presque, les uns avec les autres !

Pour le reste, en ce qui concerne le renforcement de l'équilibre de la procédure pénale, ce texte tend surtout à substituer des collèges aux pôles, et inversement !

Curieusement, et sans qu'on sache d'ailleurs vraiment pourquoi, le Sénat prend systématiquement le contre-pied de l'Assemblée nationale, qui peut-être n'a pas bien compris de quoi il s'agissait, à moins que ce ne soit la Haute Assemblée ! En tout cas, quand des articles du projet de loi prévoyaient des collèges de magistrats, la rédaction de la commission les remplace la plupart du temps par des pôles, et inversement.

Pour notre part, nous avons déposé un amendement tendant à autoriser les avocats à assister à tout moment à la garde à vue. Cette mesure est urgente, et elle pourrait être mise en place tout de suite, à la différence des autres dispositions du texte !

En effet, vous nous affirmez que la création des pôles de juges d'instruction n'est pas possible dans l'immédiat, d'autant que - et vous avez apparemment envisagé ce problème - de nombreux magistrats et greffiers partiront bientôt en retraite. Aux termes du rapport, cette mesure ne pourra donc être appliquée avant cinq ans...

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est également mon avis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.... mais M. le rapporteur souhaite être optimiste et il prévoit, par conséquent, trois ans au lieu de cinq ans.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le projet de loi ordinaire. Ce choix n'est pas le fait du hasard !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Toutefois, pourquoi prévoir trois ans au lieu de cinq ans puisque l'on nous affirme que cette durée ne pourra être respectée ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ce n'est pas réaliste !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, vous entendez les propos de M. le garde des sceaux ? Pourquoi voulez-vous que nous votions une durée de trois ans alors que l'on nous affirme qu'il n'est pas possible d'appliquer cette mesure avant cinq ans ?

Mais l'important, c'est que, en attendant, l'avocat puisse à tout moment assister à la garde à vue, et cette disposition serait, elle, d'application immédiate.

Voilà les principales réflexions que je souhaitais esquisser.

Pour le reste, retenir l'attention du Sénat - je constate au passage que nous sommes un peu plus nombreux que lors de la précédente séance - pour un texte qui, de toute façon, ne pourra être appliqué, comme vous le reconnaissez vous-même, monsieur le garde des sceaux, c'est se moquer du monde !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pourquoi dites-vous cela, monsieur le sénateur ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ceux qui se trouvent présents ici ont bien du mérite, et plus encore s'ils ont l'intention de voter le texte tel quel, car, une nouvelle fois, nous travaillons pour la Saint-Glinglin.

Mes chers collègues, pour notre part, nous ne voterons pas pour un texte qui ne s'appliquera qu'à la Saint-Glinglin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « désastre judiciaire sans précédent » selon le Président de la République, « fiasco judiciaire » selon la proposition de résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale pour la création d'une commission d'enquête, « véritable naufrage, séisme, échec judiciaire sans précédent » selon le principal syndicat de magistrats, l'affaire d'Outreau a bouleversé et traumatisé les Français et porté gravement atteinte à leur confiance dans la justice.

Monsieur le garde des sceaux, « plus rien ne sera désormais comme avant », m'affirmait déjà votre prédécesseur à la Chancellerie au lendemain du verdict de la cour d'assises de Saint-Omer, alors qu'il restait encore un long chemin à parcourir pour faire triompher la vérité et reconnaître l'innocence.

Mes chers collègues, vous me permettrez de m'éloigner quelque peu dans mon introduction des propos de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, l'ombre d'Outreau plane sur ces deux projets de loi dont le Sénat commence l'examen avec l'ardente obligation de faire en sorte que ce drame humain n'ait pas été inutile et ne s'ajoute pas à la liste déjà trop longue des échecs judiciaires, à côté de l'affaire de Bruay-en-Artois ou de celle du petit Grégory, par exemple, mais qu'il suscite au contraire une réconciliation entre le peuple français et la justice qui est rendue en son nom.

Ne pouvons-nous déjà considérer comme une première avancée encourageante l'attention soutenue et jamais démentie que l'opinion publique a accordée aux retransmissions télévisées des auditions de la commission d'enquête parlementaire ?

La qualité du travail de nos collègues députés, la dignité des acquittés, la profondeur de la réflexion, le dépassement des clivages politiques ont permis en partie aux Français, me semble-t-il, de se réapproprier leur justice.

Les conditions se trouvent aujourd'hui réunies pour que la justice, pour la première fois, prenne toute sa place dans le grand débat démocratique de ce printemps 2007. Sans doute se rendra-t-on alors compte de l'existence d'un assez large consensus sur les grandes orientations d'une indispensable réforme de la justice. En effet, s'il y a certes, çà et là, des opinions divergentes, elles sont loin de coïncider avec les frontières habituelles des formations politiques.

De là, tout naturellement, ma première interrogation : n'aurait-il pas mieux valu laisser le débat se poursuivre et confier au nouveau Président - ou à la nouvelle Présidente - de la République et à la nouvelle majorité, forte de la légitimité immaculée du suffrage universel, le soin de mener à bien une réforme en profondeur de notre justice ?

En réalité, nous ne pouvions nous contenter d'attendre, me semble-t-il, d'une part parce que l'actualité judiciaire et l'actualité électorale ne se recouvrent pas et que d'autres Outreau restent chaque jour possible et, d'autre part, en raison du formidable espoir né dans la population, espoir qu'il eût été bien imprudent de décevoir.

À l'inverse, la proximité des élections présidentielles rendait inopportune l'ouverture de certains chantiers, comme l'indispensable refonte du Conseil supérieur de la magistrature, qui nécessitera la réécriture de l'article 65 de la Constitution.

Mes chers collègues, j'éprouve déjà quelques difficultés à me persuader de la pertinence, au moins en termes de calendrier, de l'ensemble des révisions constitutionnelles qui nous mèneront à Versailles à deux mois du premier tour des élections présidentielles. Je suis convaincu que celle-ci eût été de trop !

Est-ce à dire que nous serions confrontés aujourd'hui à une réforme a minima ? Je ne le crois pas davantage.

D'une part, le « Grand Soir », celui où l'on passerait de l'ombre à la lumière, m'apparaît encore plus surréaliste s'agissant de la justice qu'en matière politique. (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est vrai !

M. Jean-René Lecerf. D'autre part, et surtout, cette réforme s'assigne des objectifs dont l'ambition ne peut guère être mise en doute.

De quoi s'agit-il ?

Pour le projet de loi organique, il s'agit de la responsabilisation - au sens large - des magistrats, visant à la fois à prévenir les dysfonctionnements de l'institution judiciaire par l'amélioration de la formation, la diversification du recrutement, une ouverture du corps des magistrats sur l'extérieur, et à s'assurer que le respect de l'indépendance des magistrats ne s'oppose pas, lorsque cela est nécessaire, à la mise en cause de leur responsabilité.

En ce qui concerne le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, il s'agit de lutter contre la solitude ou l'individualisme des magistrats, d'assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire, d'améliorer le contradictoire lors de l'enquête et de l'instruction, de lutter contre l'encombrement des juridictions et de favoriser la célérité de la justice.

S'il s'agit là d'une « réformette », c'est que les mots ont perdu leur sens ! Je préfère, pour ma part, parler de l'acte I de la réforme, qui facilitera considérablement la tâche de la majorité de demain lorsqu'elle en abordera l'acte II, lequel demeurera indispensable.

Concernant la responsabilité des magistrats, je rappellerai trois prises de position.

Premièrement, M. Jean-Denis Bredin s'interroge : « Le juge indépendant peut-il être irresponsable ? ».

Deuxièmement, M. Nicolas Sarkozy, dans un entretien au Recueil Dalloz, affirme : « La justice est aujourd'hui un pouvoir, au même titre que l'exécutif ou le législatif et on doit lui appliquer les mêmes règles : "pas de pouvoir sans responsabilité" ! »

Troisièmement, M. Jean-Claude Magendie constate : « Il est normal qu'aux pouvoirs qui sont désormais reconnus aux magistrats réponde une responsabilité accrue. En d'autres termes, la responsabilité du magistrat est la contrepartie de son indépendance. ».

Or on ne peut que constater aujourd'hui l'absence de responsabilité civile des magistrats et le caractère exceptionnel de la mise en cause de leur responsabilité disciplinaire.

Alors que l'obligation pour l'État de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice est appréhendée de façon de plus en plus compréhensive - l'exigence d'une faute lourde ayant été considérablement assouplie par la jurisprudence -, on ne compte à ce jour aucune action récursoire contre un magistrat judiciaire ayant commis une faute personnelle. Pourtant, si l'on reprend la célèbre formule d'Édouard Laferrière voyant dans la faute personnelle « celle qui révèle l'homme avec ses faiblesses, ses passions, son imprudence », ce ne sont pas les exemples qui manquent, selon les magistrats eux-mêmes ! Je vous renvoie sur ce point au livre de Mme Laurence Vichnievsky, Sans Instructions.

Peut-on à tout le moins espérer que les poursuites disciplinaires permettront la mise en cause de la responsabilité individuelle du magistrat fautif ?

Je ne peux que me référer, une fois encore, à la commission d'enquête présidée par M. André Vallini qui précise qu'un examen attentif du recueil des décisions disciplinaires du CSM depuis 1959 montre que le nombre effectif de décisions disciplinaires stricto sensu pour les magistrats du siège s'élève à 92 sanctions, dont 19 sanctions doubles, soit 73 personnes sanctionnées, c'est-à-dire moins de deux sanctions par an pour les seuls magistrats du siège en près de cinquante ans et 50 avis pour les magistrats du parquet. D'aucuns considéreront que sur un total de 7 000 magistrats, ces chiffres constituent la preuve de la qualité des membres de ce corps. D'autres ne dissimuleront pas leur inquiétude et supputeront que ces chiffres révèlent l'absence d'une réelle politique disciplinaire. » En dehors des syndicats de magistrats, mes chers collègues je ne pense pas que beaucoup partageront la première interprétation.

Ajouterai-je que, récemment encore, dans un grand quotidien du matin, le renvoi d'un magistrat devant le CSM est assimilé « à une mise au ban de l'infamie judiciaire » ? C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir !

Le problème de l'effectivité de l'action récursoire contre le magistrat qui aurait commis une faute lourde reste donc posé, comme l'est celui de l'engagement de la responsabilité personnelle d'un magistrat ayant commis une « erreur manifeste d'appréciation », notion empruntée à la jurisprudence administrative et que M. Guy Braibant définit comme l'erreur apparente et grave, si évidente qu'elle serait décelable par toute personne dotée de bon sens.

En revanche, le projet de loi organique permet de remédier à la faiblesse essentielle du Conseil supérieur de la magistrature, qui repose dans les conditions de sa saisine.

Ainsi, si on relève quatre saisines sur le terrain disciplinaire en 1970, on n'en dénombre aucune en 1989, on en compte dix en 2005 et moins encore en 2006. La modestie de l'augmentation n'autorise pas à se satisfaire de la réforme récente, qui permet aux chefs de cour de saisir directement le CSM des fautes disciplinaires commises par les magistrats de leur ressort.

M. Jean-René Lecerf. La commission des lois et son président-rapporteur proposent de créer une commission de transparence de la justice à laquelle toute personne pourrait adresser une réclamation. Or l'Assemblée nationale préfère que la réclamation soit transmise par un parlementaire au Médiateur de la République, à charge pour ce dernier de solliciter toute information utile auprès des chefs de cour d'appel et de transmettre à son tour la réclamation au garde des sceaux.

Les deux hypothèses marquent un réel progrès. Personnellement, j'étais plus favorable à l'intervention du Médiateur de la République, en raison non seulement de la notoriété et de la visibilité de cette autorité indépendante,...

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Bien sûr !

M. Jean-René Lecerf. ...mais également de la pertinence d'un regard extérieur à la magistrature, qui permettait d'éviter de nous voir reprocher de protéger le corporatisme des magistrats.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Très bien !

M. Jean-René Lecerf. Si cette dernière hypothèse était à nouveau envisagée, il conviendrait à tout le moins de supprimer le filtre parlementaire,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les députés ne le veulent pas !

M. Jean-René Lecerf. ...dans la mesure où, même très en amont, il n'est guère opportun qu'un parlementaire participe à des poursuites disciplinaires contre un magistrat. En outre, si la disparition de ce monopole de saisine par un parlementaire devait s'étendre aux compétences anciennes du Médiateur de la République, je dirai non pas tant pis, mais tant mieux.

De même, en raison de l'extrême diversité des plaintes des justiciables, j'aurais été partisan de permettre également au Médiateur de la République de saisir l'instance disciplinaire d'un avocat, d'un notaire ou d'un huissier par exemple. Cela aurait en outre permis d'éviter de stigmatiser les magistrats.

Je sais bien qu'il est également envisagé, dans un autre domaine, de confier au Médiateur de la République le rôle de contrôleur général des prisons et que certains d'entre nous pourraient craindre de confier trop de missions à cette institution. Je rappellerai cependant que nous étions nombreux, il n'y a pas si longtemps, à souhaiter que le Médiateur de la République se voie confier les compétences attribuées à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, et à souhaiter la limitation du nombre des autorités administratives indépendantes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf. L'ensemble des dispositions sur la formation des magistrats, notamment l'allongement de la durée du stage dans un cabinet d'avocats, donne largement satisfaction.

Certains rêvaient encore à une grande école des métiers du droit formant ensemble magistrats et avocats. Mais comment traiter ensemble deux à trois cents futurs magistrats et plusieurs milliers d'élèves avocats ? (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, acquiesce.) Exprimons le souhait que la formation continue, qui sera désormais obligatoire pour chacun, puisse largement être commune et contribuer à la confiance nécessaire entre les uns et les autres.

Je salue également à cette occasion, monsieur le garde des sceaux, vos initiatives pour inscrire le principe du dialogue entre la magistrature et le barreau dans les formations de l'École nationale de la magistrature, et pour créer dans cet établissement une direction d'études consacrée aux droits de la défense.

J'évoquerai rapidement, compte tenu de mon temps de parole, quelques dispositions essentielles du projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.

Mes chers collègues, combien de fois avons-nous déploré l'importance de la détention provisoire dans notre pays et l'impuissance des législations successives pour y remédier ?

Vous avez récemment annoncé, monsieur le garde des sceaux, qu'en 2006 le nombre de personnes placées en détention provisoire dans les prisons françaises avait diminué de 10 %. Diverses dispositions du projet de loi devraient accélérer cette évolution, qu'il s'agisse de l'assistance obligatoire des personnes mises en examen par un avocat, de la publicité du débat relatif à la détention provisoire, de la remise en cause du critère de l'ordre public ou du réexamen à intervalles réguliers de l'ensemble de la procédure par la chambre de l'instruction.

Par ailleurs, l'affaire d'Outreau a mis en évidence les risques majeurs liés à la solitude du juge d'instruction. La cosaisine dans le cadre des pôles de l'instruction représente une réponse pragmatique et réaliste, en même temps qu'elle se veut une démarche progressive vers la collégialité de l'instruction.

Bien qu'il ne soit pas prévu de supprimer la fonction de juge d'instruction dans certains tribunaux et même si le jugement des affaires continuera de relever de la juridiction territorialement compétente, cette évolution peut apparaître aux yeux de certains comme la toute première étape de la réforme de la carte judiciaire.

Certains avocats se sont inquiétés des risques d'éloignement de la justice pénale dont pourraient souffrir prévenus et victimes. Il faudra bien prendre acte à la fois de l'archaïsme de notre carte judiciaire...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Jean-René Lecerf. ...et du fait que, à l'heure du TGV et d'Internet, la véritable proximité n'est plus nécessairement d'avoir un tribunal à quelques kilomètres de chez soi : elle consiste plutôt à disposer d'un tribunal apte à statuer rapidement, avec compétence et équité.

Il n'en reste pas moins que la détermination des pôles devra être précédée d'une très large concertation et que toute règle absolue doit être proscrite au profit d'une démarche souple et pragmatique.

En conclusion, monsieur le garde des sceaux, et puisque nous approchons de la fin de cette législature, je tiens à rappeler l'importance des progrès accomplis en matière de justice ces dernières années. De l'augmentation de 38 % en cinq ans du budget qui lui est consacré aux efforts sans précédent de réhabilitation et de construction de prisons modernes respectant la dignité des personnes et garantissant leur sécurité, des nombreux textes modernisant notre droit - successions et libéralités, validité des mariages, prévention de la délinquance, protection de l'enfance, lutte contre le terrorisme - aux deux importants projets de loi que nous abordons aujourd'hui et au projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, la liste est longue. Je suis convaincu que, avec l'objectivité que donnent le recul et le temps, cette période marquera un changement qualitatif d'envergure.

Nous n'oublierons pas cependant combien, en ce domaine, les succès sont fragiles et nous rappellerons à la majorité de demain, quelle qu'elle soit, l'ardente obligation de poursuivre avec détermination les efforts engagés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les deux textes qui nous sont soumis s'inscrivent dans le prolongement direct des travaux de la commission d'enquête parlementaire créée à la suite de l'affaire d'Outreau, certains de mes collègues l'ont rappelé. Cette affaire a suscité une vive émotion ainsi qu'une importante controverse politico-médiatique, sur laquelle le monde des médias comme celui de la politique n'ont pas procédé aux meilleures analyses, et dont ils n'ont pas tiré les justes conséquences.

Une réforme ambitieuse était annoncée. Elle était même souhaitée par une grande partie du corps des magistrats. Cette réforme ambitieuse et juste est d'ailleurs réclamée, depuis des années, par tous ceux qui participent à l'ordre judiciaire en particulier et par la société française en général.

Je regrette que l'ambition des deux textes qui nous sont soumis n'ait pas été plus grande. Permettez-moi, monsieur le garde des sceaux, de vous exprimer ici ma déception.

Le projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et la responsabilité des magistrats, que nous examinons avant le projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, comporte quelques rares avancées, notamment dans le cadre du recrutement et de la formation des magistrats.

Qu'il s'agisse de l'extension de la durée du stage d'avocat à six mois, en vue de répondre aux nécessités d'ouverture de la formation initiale, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre d'une formation probatoire dispensée par l'ENM - et non plus seulement d'un stage en juridiction pour les candidats à l'intégration directe - ou de la formation probatoire des candidats aux fonctions de magistrats exerçant à titre temporaire, ou bien qu'il s'agisse de la formation probatoire des candidats aux fonctions de juges de proximité, ce texte est parsemé de quelques mesures satisfaisantes. Il faut le reconnaître, monsieur le garde des sceaux.

Mais, à mes yeux, cela ne suffit pas. En effet, ce projet de loi organique comporte également des dispositions dangereuses ou insuffisantes.

Ainsi, ce texte a été élaboré sans concertation réelle avec les différents acteurs du monde judiciaire, alors que son adoption aura des effets importants sur les principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice et des magistrats.

En effet, sous prétexte de renforcer la responsabilité des magistrats, de nombreuses dispositions de ce projet de loi organique enserrent souvent les magistrats dans un carcan. Cela aura comme conséquence indirecte d'affaiblir la garantie d'une meilleure justice.

Alors que, depuis la loi organique du 5 février 1994, le jury de classement doit exprimer des recommandations et bien que le Conseil constitutionnel eût déjà rappelé que de telles recommandations ne pouvaient être mentionnées qu'à l'occasion de la première affectation du magistrat et ne sauraient lier le Conseil supérieur de la magistrature, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à autoriser désormais le jury de classement à formuler des « réserves » sur les fonctions pouvant être exercées par l'auditeur de justice. Versées, pour une durée indéterminée, au dossier du magistrat, celles-ci peuvent l'empêcher de choisir un premier poste ayant fait l'objet de ces objections.

Le projet de loi organique ne prévoit aucune possibilité de contester cette mention du jury, laquelle n'est en outre pas soumise à motivation.

La procédure actuelle d'évaluation des auditeurs de justice étant loin d'offrir les garanties d'une appréciation objective de la valeur des futurs magistrats, il apparaît indispensable que ces réserves puissent bénéficier du « principe du contradictoire » et disparaître dans un délai raisonnable. De plus, il faut laisser à l'auditeur de justice la possibilité de faire valoir ses observations, qui seront soumises à l'appréciation du Conseil supérieur de la magistrature chargé de le nommer sur son premier poste.

La modification du dispositif de sanction des magistrats constitue un autre élément dangereux de ce projet de loi organique.

Avant de formuler tout commentaire sur le régime disciplinaire proposé, il est indispensable d'effectuer un rappel essentiel.

Au plus fort de l'affaire d'Outreau, les médias et de nombreux politiques ont affirmé qu'il était totalement impossible de sanctionner un magistrat en raison de son activité juridictionnelle. C'est totalement faux.

Le CSM, dans sa décision disciplinaire du 8 février 1981, a rappelé que les motifs et le dispositif des décisions de justice ne peuvent être critiqués que par l'exercice des voies de recours. Cela a d'ailleurs permis au CSM, dans d'autres décisions, de retenir la responsabilité disciplinaire des magistrats, à raison de négligences chroniques dans le suivi des affaires qui leur étaient confiées.

Certes, le CSM reconnaît également que « ce principe trouve sa limite lorsqu'il résulte de la chose définitivement jugée qu'un juge a, de façon grossière et systématique, outrepassé sa compétence, ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu'il n'a accompli, malgré les apparences, qu'un acte étranger à toute activité juridictionnelle ».

Nous nous devons également de rappeler que, à l'instar de nombreux magistrats, nous sommes favorables à un dispositif d'examen des réclamations des justiciables et à une refonte du système d'évaluation des magistrats.

Toute nouvelle sanction disciplinaire doit donc être analysée à la lumière de cette réalité.

Ainsi, la proposition de création d'une nouvelle sanction disciplinaire, l'exclusion des fonctions de juge unique, prévue à l'article 5, suscite d'importantes réserves.

La collégialité constitue une garantie pour le justiciable, elle doit être renforcée et consolidée.

Dès lors, toute tentative revenant à faire de la collégialité une sanction disciplinaire va aggraver le mouvement de dévalorisation de cette pratique juridictionnelle, déjà fragilisée par l'introduction des juges de proximité en tant qu'assesseurs.

L'article 5 A, lequel a été adopté par l'Assemblée nationale, établit une nouvelle définition de la faute disciplinaire, qui paraît inutile au regard de la jurisprudence déjà établie en matière disciplinaire.

Au-delà, cette nouvelle définition de la sanction disciplinaire conduit, en l'état, à appréhender l'acte juridictionnel par le droit disciplinaire. Cela risque, comme le relève le Conseil d'État dans l'avis qu'il a rendu le 19 octobre 2006, de porter atteinte à la séparation des pouvoirs et de créer une confusion avec le rôle des juridictions d'appel et de cassation, qui résulterait d'une procédure disciplinaire exercée sur un tel fondement.

Nous demandons que le Gouvernement précise les garanties procédurales indispensables issues de ce nouveau dispositif. Ainsi, les actes ayant été validés par les voies de recours doivent être explicitement exclus de poursuites disciplinaires.

L'exercice des voies de recours constitue le moyen naturel pour contester une décision juridictionnelle.

Il ne peut y avoir un accroissement de la responsabilité des magistrats sans augmentation substantielle des garanties d'indépendance de la justice, et donc sans renforcement du contrôle démocratique de l'institution judiciaire.

Si l'on modifie le régime disciplinaire, il convient de prévoir un délai de prescription des fautes disciplinaires ainsi qu'un délai s'imposant à l'autorité de poursuite pour exercer une action disciplinaire à l'issue de l'enquête.

Le principe de sécurité juridique, comme celui d'indépendance des magistrats, impose d'empêcher que l'absence de prescription disciplinaire ne permette de tenir ces derniers, pendant un temps indéfini, sous la menace d'une procédure et d'une sanction éventuelle.

Dans un même mouvement, toute action récursoire qui peut être exercée en cas de faute lourde à l'encontre du magistrat par le fait duquel l'État s'est trouvé contraint de réparer un dommage causé aux usagers du service public doit être conditionnée à un avis préalable du CSM, ainsi qu'à un plafonnement des sommes recouvrées, et ce conformément à la charte européenne sur le statut des juges.

Le dernier élément de réforme sur lequel je veux m'arrêter un instant concerne l'obligation de mobilité statutaire de deux ans pour les magistrats souhaitant accéder aux emplois hors hiérarchie, introduite par l'Assemblée nationale.

Les dispositions de l'article 8 bis soulèvent une série de difficultés.

La première difficulté, et non des moindres, réside dans le fait que cette obligation porte atteinte à l'indépendance de la magistrature et au principe de la séparation des pouvoirs.

En effet, comme le fait remarquer le Syndicat de la magistrature, cette obligation de mobilité dans le cadre d'un détachement « aboutit à créer un filtre supplémentaire pour l'accession aux plus hautes fonctions de la magistrature ».

Le garde des sceaux est seul maître des décisions de détachement, desquelles le CSM est totalement absent ; il se contente d'exercer un contrôle externe de la légalité consistant à vérifier que le candidat a bien les quatre ans de service effectif dans la magistrature exigés par le statut pour accéder à un poste en détachement.

Cette disposition renforce, en matière de carrière des magistrats du siège comme du parquet, les pouvoirs du Gouvernement, puisqu'il empiétera, de fait, sur les compétences du Conseil supérieur de la magistrature, qui ne maîtrisera plus l'accès à ces postes, cet accès étant limité aux candidats ayant pu effectuer la mobilité statutaire, elle-même fonction des choix du garde des sceaux.

L'autre danger de cette obligation nouvelle, c'est qu'elle porte atteinte au principe d'inamovibilité des magistrats du siège. Elle pourrait aboutir à contraindre le magistrat du siège à abandonner ses fonctions juridictionnelles afin de pouvoir accéder à un poste hors hiérarchie.

Cette disposition porte également atteinte au principe, consacré par le Conseil constitutionnel, du droit à l'égalité dans le déroulement des carrières.

Enfin, l'obligation de mobilité statutaire implique des insuffisances en termes d'exigence d'impartialité objective, telle que définie par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Si, pendant deux ans, un magistrat intègre une administration ou une entreprise de son ressort et rejoint ensuite sa juridiction d'origine en étant en situation de juger une affaire mettant en cause l'administration ou l'entreprise dans laquelle il aura exercé son obligation de mobilité, les dispositions actuelles ne garantissent aucunement son impartialité.

Ces insuffisances se révéleront d'autant plus importantes que l'on se trouvera face à une juridiction relativement petite ou à des affaires assez sensibles.

Plutôt que de mettre en oeuvre ce dispositif, il aurait pu être envisagé de prévoir un droit au détachement pour tous les magistrats qui le souhaitent et à n'importe quel moment de leur carrière.

Avant d'en venir à l'analyse du projet de loi, supposé renforcer l'équilibre de la procédure pénale, je tiens à faire une remarque qui me paraît essentielle.

Il est en effet trop facile de profiter d'une affaire comme celle d'Outreau pour clamer le renforcement de l'équilibre de la procédure pénale, alors que le Gouvernement a multiplié des lois qui n'ont eu d'autre objet que de renforcer le déséquilibre de notre code pénal.

Qu'il s'agisse des lois dites Perben I et Perben II, de la loi pour la sécurité intérieure, de la loi sur la prévention de la récidive, ou encore du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, vous n'avez eu de cesse de forcer tout notre système pénal à n'agir que sur une seule chambre.

Vous avez contribué au déséquilibre de la justice, en renforçant la répression au détriment de la prévention, l'enfermement au détriment de la liberté, les peines de longue durée au détriment des peines alternatives, le sécuritaire au détriment de la garantie des libertés, la dépendance du parquet au détriment de son indépendance, l'exception au détriment de la règle.

Les dysfonctionnements de la justice peuvent être dus aux défaillances individuelles de magistrats. Certes, cela arrive ! Mais ces dysfonctionnements sont, avant tout, dus aux lois qui sont proposées puis votées. Les juges ne font en général qu'appliquer la loi, et rien que la loi.

Ces préliminaires posés, revenons-en au texte.

Il comporte des avancées qu'il convient de reconnaître.

Il en est ainsi, notamment, du renforcement du caractère contradictoire des expertises et de la clôture de l'instruction, du développement d'un débat sur les charges tout au long de l'instruction, de la publicité de principe des débats, concernant le placement en détention.

Toutefois, le texte que vous nous proposez n'est pas à la hauteur des enjeux.

Vous ne mettez pas fin aux ambiguïtés que vous avez vous-même renforcées ; vous vous refusez à rompre avec les évolutions les plus récentes, qui portent atteinte à la mise en oeuvre effective de la présomption d'innocence. La justice à deux vitesses, que l'affaire Outreau n'a fait que souligner, est loin de disparaître avec un tel texte !

C'est notamment le cas avec l'hétérogénéité du régime de la garde à vue, qui affaiblit l'exercice effectif des droits de la défense à ce stade de la procédure.

Nous réaffirmons ici, solennellement, comme l'avait d'ailleurs déjà énoncé Alvaro Gil-Robles, commissaire européen aux droits de l'homme, dans son rapport publié en février 2006, notre attachement à l'indispensable présence de l'avocat, dès la première heure de la garde à vue, et avec un accès au dossier.

Il ne peut y avoir renforcement de l'équilibre de la procédure pénale, tel que vous le clamez, sans cette réforme. D'autant que, dans la majorité des procédures qui ne font pas l'objet d'une information judiciaire, la garde à vue constitue le principal acte d'instruction, les aveux obtenus dans ce cadre ouvrant la possibilité de recourir à des procédures simplifiées, sans audience, composition pénale ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, CRPC, telle qu'elle a été instituée par les lois Perben.

L'arrivée de l'enregistrement audiovisuel n'est pas suffisante pour atténuer le déséquilibre du régime actuel de la garde à vue, d'autant que le dispositif proposé le limite aux affaires criminelles, à l'exclusion des affaires de terrorisme ou de criminalité organisée.

Cela est totalement paradoxal et va davantage accentuer le caractère dérogatoire de la procédure suivie, alors que les spécificités de la garde à vue en ces matières - rallongement des délais de garde à vue, report de l'intervention de l'avocat et de l'avis aux proches - justifient plus encore le recours à l'enregistrement audiovisuel.

L'insuffisance du dispositif se révèle également à travers le fait qu'il reviendra au parquet, autorité de poursuite, de décider la dispense de l'enregistrement lorsque le nombre des personnes gardées à vue rend impossible l'enregistrement de toutes les auditions.

Outre que ce type de mesure met en évidence le caractère démagogique de la majeure partie de vos réformes, qui consistent à annoncer de nouvelles mesures entraînant d'importantes dépenses, sans que soient prévus les moyens afférents, il témoigne également d'une certaine vision des services publics.

Cela porte également atteinte au principe d'égalité des citoyens et aux droits de la défense.

Enfin, à propos des enregistrements, je souligne que ceux-ci sont moins nécessaires dans le cabinet du juge d'instruction que dans le cadre des gardes à vue, notamment à cause de la présence du greffier et de l'avocat au cours des interrogatoires du juge d'instruction.

Une autre insuffisance de ce texte est la création des pôles de l'instruction.

Ces pôles peuvent, en effet, constituer de réels dangers pour l'indépendance du magistrat instructeur, qui sera alors soumis à une hiérarchie au sein de ces structures.

Une vraie réforme de la justice doit nécessairement passer par le regroupement des juridictions d'instruction dans les plus importantes juridictions. Mais cela implique d'avoir le courage d'aborder la fameuse question de la carte judiciaire.

Au-delà de l'insuffisance, se niche un autre danger.

La création de pôles compétents en matière criminelle et en cas de cosaisine va aggraver l'illisibilité de l'architecture des juridictions d'instruction spécialisées et risque, en outre, de fragiliser les plus petites juridictions, notamment dans les régions dépossédées de tout contentieux.

Un risque supplémentaire est celui de désorganisation de la justice. Les juges des pôles auront une charge de travail accrue, avec les risques de dérive que cela comporte. Mais, parallèlement, là où les pôles n'existeront pas, les juges d'instruction se cantonneront à un contentieux mineur.

Il ne suffit pas, en effet, de clamer la collégialité ; il faut aussi lui donner les moyens d'être effective. Or, comme on l'a déjà dit, cette disposition ne pourra, au mieux, être mise en place que dans cinq ans, car elle nécessite la création de 240 postes de magistrats, si tant est qu'il soit possible de les créer !

En particulier, mettre en oeuvre la collégialité passe par l'indispensable renforcement des conditions de fonctionnement de la cosaisine pour la faire évoluer vers une véritable collégialité et la consignation des actes les plus graves et les plus importants tels que la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire, les ordonnances de règlement.

J'en viens à la détention provisoire, qui a été au coeur des critiques et des remarques formulées après l'affaire d'Outreau.

Elle reste fondamentalement inchangée. Les avancées évoquées ne sont pas suffisantes, compte tenu du fait qu'aucune ne se rapproche du régime de la loi du 15 juin 2000.

Une autre insuffisance de ce texte réside dans le maintien de la notion de trouble à l'ordre public, notamment dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

Cette notion est trop floue, elle doit être abandonnée. De nombreux dispositifs de notre code pénal suffisent à maintenir la détention sans que soit maintenue cette notion.

Enfin, et c'est le dernier point que j'évoquerai, il y a un tabou à lever : la carte judiciaire.

En effet, aucune réforme de la justice ne peut intervenir sans que l'on ait le courage d'aborder cette épineuse question. Malheureusement, elle n'est pas d'actualité aujourd'hui. J'espère toutefois que, dans l'avenir, le prochain garde des sceaux aura le courage de mener, en priorité, cette grande réforme de la carte judiciaire, qui est indispensable à une justice moderne, digne de notre époque et de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des membres de la commission des lois et tous les orateurs qui ont participé à ce débat concernant cette réforme de la justice. L'intitulé de ce texte est d'une grande modestie, comme l'a fait remarquer M. Dreyfus-Schmidt, avant tout parce cette réforme vise à instaurer un équilibre. Cet intitulé témoigne surtout de la modestie des jurisconsultes de la Chancellerie. Mais il y entre un peu d'« understatement », comme disent les anglo-saxons, et si l'intitulé de ce projet de loi est modeste, les buts qui sont assignés à ce texte sont, eux, ambitieux.

M. Robert Badinter a regretté que la réforme n'aille pas assez loin. Il a notamment affirmé qu'elle n'assurait pas de manière suffisante le respect de la présomption d'innocence et ne limitait pas assez la détention provisoire.

Je puis admettre que M. Badinter ne partage pas tous mes avis. Néanmoins, je tiens à lui rappeler que ce projet de loi comporte des mesures qui permettent de renforcer la présomption d'innocence, au moins sur deux points.

D'abord, il tend à améliorer, à tous les stades de la procédure, le respect du contradictoire. C'est le cas lors de l'instruction - je pense aux expertises - mais également pendant les audiences lors des débats - audience publique, observations des avocats qui ne sont plus limitées devant la chambre de l'instruction.

Ensuite, la présomption d'innocence doit être enseignée. J'ai notamment souhaité que la formation des magistrats à l'ENM soit modifiée afin de développer la culture du doute, que d'autres que des magistrats puissent y enseigner, notamment des avocats, et, enfin, que le respect des droits de la défense soit privilégié dans les pratiques professionnelles.

La détention provisoire a diminué de plus de 10 % depuis un an. Autrement dit, on peut déjà mesurer les effets de l'évolution culturelle que j'ai appelée de mes voeux.

Nous allons continuer à réduire la détention provisoire en améliorant le contrôle des chambres d'instruction et en redéfinissant les critères de placement en détention.

Monsieur Fauchon, je voudrais vous rassurer sur un point : je vais tenir parole.

M. Pierre Fauchon. Cela n'a rien de surprenant !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je sais que vous n'en êtes pas surpris.

Je vais donc vous communiquer les éléments dont je dispose sur la promotion des auditeurs du premier concours, qui est le concours étudiant. Ces chiffres seront, me semble-t-il, de nature à vous rassurer.

Parmi les auditeurs de justice, seulement 8,07 %, soit 18 sur 224, sont diplômés d'un institut d'études politiques, un IEP. En revanche, 55 % d'entre eux sont titulaires d'un diplôme d'études approfondies, un DEA, et 25,5 % ont une maîtrise de droit. Vous le voyez, nous sommes loin d'une domination des IEP sur l'École nationale de la magistrature.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous en serions doutés !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'ensemble de ces statistiques sont disponibles sur le site de l'ENM.

Je vous remercie d'avoir souligné la forte progression du budget de la justice pendant la présente législature : cette augmentation de 38 % est en effet sans précédent.

Monsieur Cambon, selon vous, la commission de transparence de la justice que la commission des lois propose d'instituer permettrait un meilleur accès à la justice, en substituant une saisine directe du justiciable au triple filtre parlementaire - Médiateur de la République - ministre. C'est votre point de vue.

Mais si l'on supprime, comme le suggère M. Lecerf, le filtre parlementaire - cela peut faire l'objet d'une négociation en commission mixte paritaire -, le recours au Médiateur de la République n'est finalement pas si compliqué que cela. En outre, cette institution présente l'avantage d'être aujourd'hui connue des Français. Le dispositif que nous proposons serait donc lisible pour nos compatriotes. En revanche, la commission Théodule que votre commission des lois suggère d'instituer ne serait guère repérable pour les justiciables. Cela reviendrait donc à « tuer dans l'oeuf » ce qui était au départ une bonne idée.

Sincèrement, parmi tous les amendements déposés au Sénat, il en est un qui m'a particulièrement déçu : il s'agit de celui qui tend à revenir sur la proposition du Gouvernement de confier au Médiateur de la République la responsabilité de recevoir les plaintes des justiciables. Le Médiateur se prépare pourtant à cette fonction. Il sera même assisté par des magistrats et, je le répète, il présente l'avantage d'être connu des Français.

Je ne vois donc vraiment pas l'intérêt de la proposition de la commission des lois du Sénat. Ce qu'elle suggère est nettement moins bon que le dispositif envisagé par le Gouvernement. Nous en reparlons d'ailleurs à l'occasion de l'examen de cet amendement.

Mais, quoi qu'il en soit, une éventuelle commission de la transparence de la justice mettrait de nombreuses années avant d'être connue des Français.

Monsieur le sénateur, vous avez également mentionné une affaire plus politique en évoquant les propos à caractère politique qu'aurait tenus une conseillère de cour d'appel de province. Ces déclarations font actuellement l'objet d'une analyse approfondie de la direction des services judiciaires au regard de l'obligation de réserve définie à l'article 10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. En fonction de ces vérifications, nous examinerons les suites à donner à ce dossier et la saisine du Conseil supérieur de la magistrature pourra, le cas échéant, être décidée.

M. Othily a raison : il y a une perte de confiance des Français dans leur justice. Personne n'aurait compris que nous attendions encore pour y faire face.

Il regrette que la réforme que je propose ne reprenne pas toutes les propositions de la commission d'enquête parlementaire. Or, je le précise à la représentation nationale, le présent projet de loi reprend vingt et une des trente-deux mesures à valeur législative proposées par cette commission. C'est vrai, je n'ai pas retenu les trente-deux (Sourires) ; j'ai simplement sélectionné les propositions qui m'avaient moi-même convaincu et qui me semblaient véritablement utiles pour notre justice. J'ai également repris toutes celles qui faisaient l'objet d'un consensus et qui ne bouleversaient pas notre procédure pénale. Je pense notamment à la création des pôles de l'instruction, à l'enregistrement des auditions des gardes à vue, au renforcement du rôle des chambres d'instruction et à la limitation de la détention provisoire.

Nous avons déjà beaucoup agi et nous devons continuer.

S'agissant des moyens, j'appelle également de mes voeux une nouvelle loi de programmation pour la justice. Le budget de la justice représentait 2,34 % du budget de l'État en 2006 contre seulement 1,69 % en 2002, soit, comme je le précisais tout à l'heure, une progression de 38 %. Il faudra accomplir un effort comparable durant les cinq prochaines années, afin que la justice ne soit plus le parent pauvre de la République, comme cela a, hélas ! trop longtemps été le cas. Comme je l'ai récemment déclaré à l'Assemblée nationale, une nouvelle loi de programmation s'impose donc pour maintenir cet effort budgétaire indispensable.

Madame Borvo Cohen-Seat, je crains que vous ne soyez mal informée. En effet, depuis 2002, le nombre des décisions pénales et leur taux d'exécution ont augmenté, mais les personnes en détention provisoire sont moins nombreuses dans nos prisons.

Vous réclamez une grande réforme, et notamment du CSM. Nous avions envisagé de modifier la composition du Conseil pour que les membres non magistrats y soient majoritaires. Cependant, j'ai estimé plus utile de se concentrer sur les mesures de procédure pénale plutôt que sur les questions relatives à l'organisation de la justice. En outre, ni les syndicats de magistrats ni les parlementaires n'étaient d'accord sur ce dossier, qui ne présentait d'ailleurs aucun caractère d'urgence. Si le sujet est intéressant d'un point de vue théorique ou conceptuel, il n'est nullement lié à l'affaire d'Outreau

S'agissant de la procédure pénale, nous garantissons plus de droits aux parties sans porter atteinte à l'efficacité des enquêtes.

Monsieur Dreyfus-Schmidt, je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir très bien démarré votre discours, puisque vous avez commencé en me remerciant. (Sourires.) Certes, la qualité de votre intervention s'est quelque peu dégradée par la suite. (Nouveaux sourires.)

Comme beaucoup de Français, je suis convaincu de la nécessité de renforcer notre procédure pénale en améliorant les droits de la défense et le principe du contradictoire.

À cet égard, permettez-moi de mentionner un exemple. Certains intervenants se sont demandé s'il était véritablement urgent de mettre en oeuvre une réforme de la justice, en affirmant que nous aurions la reporter au lendemain des prochaines échéances électorales. Je vais donc vous faire part d'un élément qui me semble tout à fait probant.

Aujourd'hui, on peut être placé en détention provisoire en l'absence de tout avocat. Une fois cette réforme adoptée, la présence d'un avocat sera obligatoire. Si certains estiment pouvoir attendre encore six mois avant la proclamation d'une liberté à mes yeux aussi fondamentale, c'est que nous ne partageons décidément pas la même conception des droits de la défense ! Pour ma part, je me réjouis de tels progrès. À mon sens, on ne pouvait pas attendre.

S'agissant des fautes disciplinaires, je n'ai pas prétendu être le seul capable d'apprécier la nécessité de saisir le CSM. En revanche, j'ai simplement rappelé que j'étais le seul à avoir des moyens pour caractériser le comportement des magistrats, puisque j'ai à ma disposition l'Inspection générale des services judiciaires.

Permettez-moi de vous faire part d'un autre argument. Vous souhaitez que tout citoyen puisse saisir le CSM. Mais n'avez-vous pas conscience que vous risquez de déstabiliser immédiatement l'institution judiciaire ? Avec un tel système, nous aurions cinq dépôts de plainte par jour la première année et plus de dix par jour dès la deuxième. Cela correspondrait donc à des milliers de dépôts de plaintes par an, qui concerneraient des milliers de magistrats. Réfléchissez donc bien avant d'adopter un tel dispositif. Pour ma part, je suis totalement opposé à ce système, qui me semble de nature à mettre en cause l'équilibre même de l'institution judiciaire.

Je voudrais également vous rappeler les délais d'application de cette réforme, puisque vous ne les avez visiblement pas compris.

D'abord, la plupart des mesures seront mises en application seulement quatre mois après l'adoption du présent projet de loi.

Ensuite, j'avais prévu un délai de neuf mois - mais j'ai déposé un amendement tendant à porter ce délai à douze mois - pour la mise en place des pôles de l'instruction, afin que nous disposions d'un temps suffisant pour former les magistrats. Je le rappelle, quarante postes budgétaires de magistrats supplémentaires sont prévus dans la loi de finances pour 2007. Mais, en fonction du périmètre que vous donnerez à la réforme de la justice, le ministère des finances abondera notre budget pour l'exécuter et l'appliquer.

Vous le savez, le coût de cette réforme est estimé à 30 millions d'euros. Si toutes les réformes avaient un coût similaire, nous n'aurions aucun problème pour les mettre en oeuvre. Par rapport au budget de la justice, qui s'élève à 6,2 milliards d'euros, une réforme à 30 millions d'euros ne représente qu'un effort tout relatif. Il n'y aura donc aucune difficulté pour appliquer la loi que vous aurez adoptée.

Monsieur Lecerf, je vous remercie d'abord de l'ensemble de votre propos et de votre clarté. J'ai été particulièrement sensible à certains des points que vous avez soulignés.

Vous l'avez notamment rappelé, le Gouvernement et la majorité ont respecté les engagements qu'ils avaient pris devant les Français suite à l'acquittement de certains des accusés d'Outreau. Je vous remercie d'avoir rappelé qu'il n'y a pas, et c'est heureux, de « Grand Soir » en matière de réforme de la justice, sauf à bouleverser nos institutions et à les rendre inefficaces.

La lutte contre la solitude et l'irresponsabilité est non pas une « réformette », mais bien une nécessité liée à l'importance des pouvoirs exercés par les magistrats. Je vous remercie d'avoir rappelé cette vérité.

Enfin, vous avez, me semble-t-il, raison : l'apport du regard extérieur sur les dysfonctionnements de la justice par l'intermédiaire du Médiateur de la République constitue une véritable innovation. Comme vous, je crois possible de simplifier encore notre dispositif en supprimant le filtre des parlementaires. Je le rappelais d'ailleurs voilà un instant.

Madame Boumediene-Thiery, vous avez évoqué une « réforme ambitieuse réclamée par tous les magistrats ». Le problème est que personne ne s'accorde sur le contenu éventuel d'une telle réforme.

Les uns prônent la fusion des différents corps de magistrats, quand d'autres plaident pour l'indépendance du parquet. Pour d'autres encore, la grande réforme réside dans la suppression du juge d'instruction. Pour ma part, je n'ai pas vu le moindre début de commencement d'unanimité parmi les principaux responsables de la magistrature, les plus hauts magistrats, les universitaires et les avocats. J'attends donc cette fameuse « grande réforme » avec le sourire et je serais curieux d'en connaître le contenu.

Vous évoquez le caractère dangereux de la nouvelle faute disciplinaire. Je suis un peu surpris. En effet, si vous avez suivi, ce dont je ne doute pas, les travaux de la commission des lois, vous savez qu'un amendement déposé par M. le président Hyest et par le rapporteur M. Zocchetto permet de se rapprocher de l'avis très restrictif du Conseil d'État. Nous n'avons donc pris aucun risque sur ce dossier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir pris part à ce débat. Si besoin est, je serai heureux d'expliciter les positions du Gouvernement lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...

La discussion générale commune est close.