compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Dépôt de rapports

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article L. 1333-1 du code de la défense, le rapport sur la protection et le contrôle des matières nucléaires pour l'année 2006.

J'ai également reçu de M. Pierre Leclercq, président de la commission d'examen des pratiques commerciales, le rapport d'activité pour 2006-2007 de cet organisme.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Ils seront transmis à la commission des affaires économiques et seront disponibles au bureau de la distribution.

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Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Discussion générale (suite)

Libertés et responsabilités des universités

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article 2 A

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités des universités (n° 426, 2006-2007).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui au terme de l'examen de la réforme de nos universités, que le Premier ministre, François Fillon, a qualifiée de « réforme la plus importante de la législature ».

Pour en parvenir là, il aura fallu que coule beaucoup d'encre : celle des connaisseurs de l'université - anciens ministres, enseignants-chercheurs, présidents d'établissements -, dénonçant les dérives et effets pervers auxquels ont conduit les textes en vigueur ou les pratiques qu'ils ont permises, mais aussi celle des organes de contrôle - je pense, bien entendu, aux nombreux rapports de la Cour des comptes ou des inspections générales qui identifient les insuffisances du système ; je pense aussi, bien sûr, aux rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale, qui dénoncent, année après année, avec la régularité d'un métronome, les handicaps et tabous qui tendent à paralyser les évolutions nécessaires, bien que parfois douloureuses.

Les uns et les autres ont fait des propositions de réforme et nous pouvons aujourd'hui nous réjouir qu'enfin celles-ci trouvent une concrétisation dans le présent projet de loi.

Le Sénat avait, je vous le rappelle, adopté environ quatre-vingts amendements, dont une petite cinquantaine à l'initiative de la commission des affaires culturelles.

L'Assemblée nationale a adopté conforme neuf articles ainsi que le nouvel intitulé du projet de loi, ce qui me semble symboliquement important, tant il est vrai qu'il n'y a pas de libertés sans responsabilités.

Elle nous a ainsi suivis pour compléter et actualiser les missions du service public de l'enseignement supérieur. De même a-t-elle confirmé les dispositions introduites par le Sénat tendant à sécuriser le mode de recrutement des personnels agrégés, à conforter le conseil scientifique, à améliorer la participation des étudiants au conseil des études et de la vie universitaire, à assurer le nécessaire dialogue entre les unités de formation et de recherche de médecine, de pharmacie et d'odontologie et leur université, dans le respect des responsabilités de chacun, à clarifier les missions du comité technique paritaire, à donner valeur législative au médiateur de l'éducation nationale et à confirmer sa compétence en matière d'enseignement supérieur, à maintenir le statut juridique du patrimoine immobilier que les collectivités territoriales mettent à la disposition des établissements. Enfin, elle a confirmé les apports précieux de la commission des finances du Sénat concernant les articles dont celle-ci s'est saisie pour avis.

Sur un certain nombre de points, l'Assemblée nationale a utilement amélioré ou complété le texte adopté par le Sénat.

En revanche, elle a aussi retenu des dispositions qui allaient à l'encontre de la position du Sénat.

Ce dernier avait ainsi souhaité mieux asseoir la légitimité du président du conseil d'administration, notamment en prévoyant que ce dirigeant serait élu par l'ensemble des membres du conseil d'administration, puis en clarifiant et en confortant son statut pendant la période transitoire. Sur ces points essentiels, l'Assemblée nationale est largement revenue au texte initialement proposé par le Gouvernement.

La commission mixte paritaire n'ayant pas souhaité revenir sur le premier de ces sujets, le président sera donc élu par les seuls membres élus du conseil. Je dois à la vérité de dire que de nombreux sénateurs membres de la commission mixte paritaire ont regretté cette situation.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Tout à fait !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. La commission a arrêté, en revanche, une solution de compromis à l'article 30, pour ce qui concerne les dispositions transitoires.

Par ailleurs, s'agissant de la qualité des personnalités extérieures, membres du conseil d'administration, l'Assemblée nationale a limité la représentation des collectivités territoriales à deux membres, alors que le Sénat avait souhaité qu'il s'agisse là d'un seuil minimal. Sur ce point également la commission mixte paritaire a adopté, me semble-t-il, une rédaction de nature à répondre à l'ensemble des préoccupations.

De même, alors que le Sénat avait souhaité s'assurer de la représentation des quatre grands secteurs de formation au sein du conseil d'administration, l'Assemblée nationale a prévu que les listes des enseignants-chercheurs devraient comprendre seulement des représentants d'au moins deux de ces grands secteurs. Il semble que cette rédaction n'aurait pas permis de limiter le risque de voir les représentants d'une ou deux grandes disciplines concentrer le pouvoir au sein du conseil d'administration. Peut-on imaginer que les décisions stratégiques concernant les autres secteurs de formation puissent être prises sans leur participation ? Nous ne le croyons pas et nous avons, par conséquent, proposé à la commission mixte paritaire de revenir assez largement à la position du Sénat. Nous avons été suivis, ce dont je me réjouis.

M. le président. Le Sénat avec vous, mon cher collègue !

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Au total, compte tenu des articles additionnels adoptés par nos deux assemblées, quarante-trois articles restent en discussion. Toutefois, les dispositions faisant l'objet de la navette résultaient, pour l'essentiel, d'amendements rédactionnels, de coordination ou de précision, introduits par l'Assemblée nationale, mais ne remettant pas en cause les apports du Sénat.

J'évoquerai les principales dispositions adoptées par la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier.

À l'article 5 relatif à l'élection, au mandat et aux compétences du président, elle a supprimé l'ambigüité induite par la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Ainsi, le président de l'université sera élu parmi l'une des catégories suivantes : enseignants-chercheurs, chercheurs, professeurs ou maîtres de conférences, associés ou invités, ou tous autres personnels assimilés, et ce sans condition de nationalité. Le futur président pourra donc ne pas appartenir à l'université concernée.

À l'article 6 relatif à la composition et aux compétences du conseil d'administration, la commission mixte paritaire a prévu que les personnalités extérieures comprendraient au moins un chef d'entreprise ou cadre dirigeant d'entreprise, au moins un autre acteur du monde économique et social ainsi que deux ou trois représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, dont un du conseil régional, désigné par les collectivités concernées.

Je me réjouis de ces dispositions car, dans la perspective d'une plus grande ouverture des universités sur l'extérieur, il me semble indispensable de garantir la participation au conseil d'au moins un chef d'entreprise ou cadre dirigeant d'entreprise, compte tenu, notamment, de l'indispensable amélioration de l'insertion professionnelle des jeunes diplômés comme de la nécessité pour les universités, à travers, en particulier, leurs laboratoires de recherche ou leurs fondations, de renforcer leur budget par des capitaux privés.

En outre, ce texte permettra d'assurer une représentation équitable des collectivités territoriales tout en évitant une surenchère. Ces collectivités pourront également être représentées par leurs groupements, alors que la rédaction initiale excluait, par exemple, les communautés urbaines ou les communautés d'agglomération.

À l'article 10 relatif au mode de désignation des membres des différents conseils, la commission mixte paritaire a adopté les dispositions suivantes.

Les listes des enseignants-chercheurs devront assurer la représentation des quatre grands secteurs de formation, à savoir les disciplines juridiques, économiques et de gestion, les lettres et les sciences humaines et sociales, les sciences et technologies et les disciplines de santé.

Les listes des étudiants devront assurer la représentation d'au moins deux de ces grands secteurs de formation enseignés dans leur université.

Madame la ministre, je me réjouis tout particulièrement de ces dispositions, que j'ai défendues tout au long de l'examen de ce texte, avec une certaine persévérance. Ainsi, la tentation d'une forme de monopole ou de duopole disciplinaire sera limitée. Je précise néanmoins que, même dans ce cas, il n'est pas exclu que l'un des grands secteurs de formation ne soit pas représenté au sein du conseil d'administration, compte tenu du mode de scrutin. Par ailleurs, il m'apparaît également souhaitable que les étudiants s'efforcent de ne pas présenter de listes monodisciplinaires.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a rétabli à l'article 14 relatif au contrat pluriannuel d'établissement la disposition concernant l'outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision, afin de la rendre applicable à l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

En effet, à défaut, elle ne s'appliquerait qu'aux seules universités ayant déjà opté pour l'autonomie. Or l'ensemble de ces établissements - les universités de façon obligatoire d'ici à cinq ans et les autres établissements susvisés de façon facultative - ont vocation à exercer de nouvelles responsabilités en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. Un tel outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision doit leur permettre de s'y préparer. Cette rédaction répond au souhait initial de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Ainsi que l'a dit notre collègue Philippe Adnot, cette mesure participe d'une approche moderne de la gouvernance financière des établissements d'enseignement supérieur et il convient de considérer les investissements liés à l'amélioration du contrôle de gestion comme des sources d'économies futures, plutôt que comme des dépenses nécessitant des moyens supplémentaires.

À l'article 17 bis, la commission mixte paritaire a supprimé la qualité requise pour diriger un bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants. Le professionnel de haut niveau qui l'occupera pourra être soit fonctionnaire, soit ancien cadre d'entreprise expérimenté. En effet, un ancien directeur des ressources humaines, par exemple, n'est-il pas particulièrement bien placé pour assister les étudiants dans leur recherche de stage ou d'un premier emploi ?

Enfin, à l'article 30, relatif aux dispositions transitoires applicables au conseil d'administration et aux présidents, la commission mixte paritaire a adopté une disposition tendant à aménager les conditions dans lesquelles un président en exercice reste en fonction lorsque la durée de son mandat restant à courir est supérieure à six mois et précisant les modalités de désignation des personnalités extérieures du conseil d'administration qui pourront, pendant cette période transitoire, participer avec les membres élus du conseil à la délibération sur le maintien en exercice dudit président.

Ces dispositions répondent tout à fait aux préoccupations que nous avions exprimées.

Voilà, pour l'essentiel, les dispositions soumises aujourd'hui à l'adoption des assemblées parlementaires, à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire.

J'avais choisi de faire figurer la citation suivante de Jean Monnet en avant-propos de mon rapport : « Il ne s'agit pas d'être optimiste ou pessimiste, mais déterminé ».

Il appartient désormais à l'ensemble des acteurs de l'université, tout particulièrement aux équipes qui dirigent les établissements, de faire la preuve de leur détermination pour s'engager dans cette réforme, de la nécessité de laquelle la majorité d'entre eux sont convaincus. À eux d'entretenir l'élan et la synergie qui permettront aux universités françaises d'encourager l'excellence de notre enseignement supérieur et de notre recherche.

Je le répète, il s'agit là aussi d'un triple impératif : à l'égard des communautés éducatives elles-mêmes, qui souhaitent plus de réflexion stratégique au sein de leurs établissements et plus de réactivité, conjuguée à moins de lourdeurs administratives ; à l'égard des jeunes, dont nous devons comprendre l'incompréhension à l'égard d'un système qui ne mettait pas clairement leur avenir au rang de ses priorités et qui souhaitent légitimement pouvoir, à l'issue d'études parfois longues, pouvoir s'intégrer facilement dans le monde professionnel ; enfin, à l'égard de la nation elle-même, qui doit rester économiquement compétitive.

L'on sait que l'avenir appartiendra aux pays qui auront su donner la priorité à « l'économie de la connaissance », au développement de laquelle les établissements d'enseignement supérieur doivent contribuer au premier chef.

Je tiens une nouvelle fois à vous remercier, madame la ministre, pour nos dialogues directs et fructueux. Je forme le voeu que les arbitrages budgétaires en cours vous permettent d'accompagner les universités dans leur mutation. Ces mesures et moyens viendront conforter les atouts dont elles sont d'ores et déjà bien dotées, compte tenu, notamment, de la qualité et de l'implication de nombre de leurs personnels.

Je renouvelle mes remerciements au président de notre commission des affaires culturelles, dont je salue la volonté bienveillante, ainsi que, bien entendu, au rapporteur pour avis, mais aussi au rapporteur de l'Assemblée nationale, avec qui j'ai pu engager des échanges constructifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jacques Pelletier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je vous remercie de votre travail, de votre présence et - j'ose le mot - de votre assiduité tout au long de ces débats sur l'université, ses libertés et ses responsabilités : en effet, contrairement à ce qui se dit de-ci de-là, notamment dans la presse, j'ai constaté que, jusqu'à des heures très tardives, les parlementaires étaient très nombreux en séance, même lorsqu'il s'agit, comme aujourd'hui, de voter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, ce qui n'est pas l'exercice le plus grisant de la vie parlementaire. Les deux chambres du Parlement m'ont donc paru extrêmement préoccupées par l'avenir des étudiants, par l'avenir des universités et l'avenir du service public de l'enseignement supérieur.

Je me félicite aussi du climat très constructif dans lequel se sont déroulés les débats, dans chacune des assemblées, mais aussi entre les deux chambres comme lors de la réunion de la commission mixte paritaire : un compromis a été recherché en permanence, ce qui a été profitable à l'élaboration du présent texte.

Ce texte a connu deux phases : une phase de concertation, de débat, de dialogue social avec les membres de la communauté universitaire, puis une phase de soumission à la démocratie politique, au débat parlementaire, duquel ce projet de loi est sorti enrichi.

Ma satisfaction est grande aujourd'hui de voir ce texte arriver au terme de son examen, car il est déterminant pour l'avenir de nos universités, de nos enfants ; il constituera le socle de la réforme que nous allons mener, conformément aux voeux du Président de la République et du Premier ministre, pour l'ensemble de l'enseignement supérieur dans les cinq ans à venir.

Les débats ont montré que l'idée de l'autonomie des universités a fini par rencontrer un écho favorable sur toutes les travées de cette assemblée. Les discussions ont porté essentiellement sur les modalités de sa mise en oeuvre. Il s'agit là d'une grande avancée. Cela montre à quel point ce projet était à la fois mûr et nécessaire.

Le texte qui vous est soumis aujourd'hui, issu des travaux de la commission mixte paritaire, pose les fondations de la nouvelle université : les professeurs pourront y être recrutés beaucoup plus rapidement ; des formations pourront y être créées, ; elle pourra bénéficier de fonds versés par des particuliers ou des acteurs du monde socio-économique ; elle sera beaucoup plus réactive, beaucoup mieux armée pour lutter dans la bataille mondiale de l'intelligence à laquelle toutes nos économies et nos sociétés doivent aujourd'hui se livrer.

Cette loi constitue pour nous - je tiens à le rappeler - la première arme de lutte contre l'échec à l'université et donc contre l'échec de nos enfants, puisqu'elle permet de lancer un certain nombre de pistes.

Outre tous les nouveaux moyens d'action qu'elle vise à accorder aux universités elles-mêmes, elle comprend un volet relatif à l'orientation active, laquelle permettra d'aiguiller les jeunes vers les filières dans lesquelles ils ont des chances de réussir. Elle tend également à généraliser le tutorat, par le biais des contrats étudiant. Elle tend enfin, conformément au voeu des syndicats étudiants eux-mêmes, à favoriser l'insertion professionnelle.

Je me réjouis de constater qu'aujourd'hui, sur toutes les travées de cette assemblée, l'université est considérée comme un lieu non seulement de transmission des savoirs, mais aussi de préparation à l'emploi. L'amendement déposé par le groupe socialiste du Sénat visant à ce que soit créé un bureau d'insertion professionnelle n'a pas été remis en cause par l'Assemblée nationale.

Grâce aux débats, le projet de loi a été renforcé dans sa philosophie. Les parlementaires ont compris qu'il était nécessaire de donner plus de souplesse aux universités tout en renforçant le rôle de l'État. L'État sera le pilote, le partenaire et le garant non seulement du bon déroulement de cette réforme, mais aussi de l'ensemble du service public de l'enseignement supérieur dans les cinq années qui viennent.

Ainsi a été élaboré un texte équilibré, qui porte fortement la marque du Sénat. Je retiendrai trois ou quatre dispositions emblématiques de votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs.

Tout d'abord, je salue votre volonté très forte, exprimée vigoureusement par M. le président de la commission et M. le rapporteur, d'ouvrir le conseil d'administration à des personnalités extérieures qui représentent la diversité de la société civile, qu'elles émanent des collectivités locales ou du monde économique, et de donner toute leur place aux différentes composantes des universités et aux grands champs disciplinaires.

Si le conseil d'administration n'est pas l'addition des champs disciplinaires, puisqu'il est d'intérêt général et présente un projet pour l'établissement, il est vrai que, dans la mesure où il devra assumer la mission stratégique de définir une politique de formation et de recherche, il ne pourra pas ne pas comprendre un certain nombre de membres représentant les grands champs disciplinaires de l'université.

Grâce au Sénat également, les UFR de médecine trouvent toute leur place dans l'université.

Enfin, la Haute Assemblée a su rassurer l'ensemble des personnels de l'université, que ce soient les enseignants-chercheurs ou les membres des autres catégories, sur la proportion toute marginale qu'y tiendra l'emploi contractuel.

En la matière, le président de l'université et le conseil d'administration disposeront d'une nouvelle capacité d'action pour attirer, recruter des personnels dont la compétence ou le profil font défaut aujourd'hui dans la communauté universitaire, des architectes ou des conducteurs de chantier, notamment, pour faire revenir des Français partis hors de l'hexagone, pour autoriser des contractuels de langue maternelle étrangère à venir enseigner dans l'université française.

C'est une nouvelle souplesse dérogatoire qui est ainsi donnée aux universités. Les contrats qui seront signés, qu'il s'agisse de contrats à durée déterminée ou à durée indéterminée, se feront désormais dans un véritable cadre légal, ce qui est préférable au « bricolage » auquel se livraient jusqu'à présent les établissements publics et à la précarité qui en découlait pour les intéressés. Il était important de garantir un statut légal à tous ces nouveaux contractuels de droit public qui feront profiter l'université de leurs talents.

L'amendement du Sénat visant à inscrire dans le contrat pluriannuel le pourcentage de la masse salariale de l'université qui pourra être consacré à ces recrutements contractuels montre bien à quel point ce recrutement restera marginal.

Une question lancinante est revenue tout au long des débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat : les moyens suivront-ils ?

Ce fut une grande satisfaction pour moi d'entendre hier les arbitrages rendus par le Premier ministre sur le projet de loi de finances pour 2008 puisqu'il a confirmé que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche augmenterait bien de 1,8 milliard d'euros en 2008, conformément aux engagements du Président de la République de consacrer en cinq ans 5 milliards d'euros à l'enseignement supérieur et 4 milliards d'euros supplémentaires à la recherche.

C'est la preuve de la priorité que le Gouvernement entend donner à l'investissement dans le savoir, dans la connaissance, et de son souci de voir s'élever le niveau de qualification de tous les enfants.

Le budget pour 2008 accompagnera et soutiendra la réforme. Il permettra de lancer les cinq chantiers dont nous avons parlé tout au long des débats : sur les conditions de vie étudiante, sur l'immobilier universitaire, sur les carrières de l'ensemble des personnels de l'université, sur le statut des jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs, enfin, sur la réussite en licence, qui est aujourd'hui le point noir de l'université française.

Cette progression budgétaire de 5 % est sans précédent dans l'histoire récente. Toutefois, je tiens à affirmer solennellement devant la représentation nationale que, me sentant comptable du moindre euro qui sera dépensé au sein de mon ministère, je ne m'exonère pas des obligations d'économie et de lutte contre le gaspillage imposées à l'ensemble des ministères.

M. Michel Charasse. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La mission de l'État, telle qu'elle apparaît dans le cadre du présent projet de loi, est celle d'un accompagnateur : accompagnateur de l'ensemble de la communauté universitaire, accompagnateur des universités qui prennent le chemin de l'autonomie. Nous serons auprès d'elles au cours de ce long processus.

Un grand nombre des quatre-vingt-quatre universités ont d'ores et déjà fait savoir qu'elles souhaitaient prendre très vite leur autonomie et adopter ce nouveau statut. Je serai donc très heureuse de revenir rapidement vers vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour faire un point d'étape sur l'avancée de la réforme.

Une nouvelle fois, je vous remercie de la qualité du texte qui est issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face aux graves problèmes que connaissent nos universités, il paraissait à la fois nécessaire de mener une réforme de grande ampleur et urgent de prendre certaines mesures.

Ainsi, il était, d'abord, indispensable de répondre aux difficultés rencontrées par les étudiants, qui sont de plus en plus confrontés à la précarité, y compris dans le domaine de la santé. Il importait, ensuite, de généraliser une politique volontariste de lutte contre l'échec en premier cycle. Il était, enfin, impérieux de prendre des dispositions permettant de remédier à la pénurie de doctorants.

Toutes ces questions ont été abordées à maintes reprises, notamment lors des débats budgétaires. Plus d'une fois, nous avons insisté sur le fait que la France ne pouvait rester un grand pays, maintenir et développer son niveau de vie dans un monde difficile, sauf à investir massivement dans la matière grise, c'est-à-dire miser sur l'éducation, la recherche, l'innovation technologique, la culture et les arts.

L'autonomie des établissements fait certes partie des éléments susceptibles de donner un nouveau souffle à l'enseignement supérieur et à la recherche universitaire. Mais la situation actuelle exigeait une réforme beaucoup plus audacieuse que celle qui nous est aujourd'hui proposée, d'autant que cette dernière ne s'accompagne pas des moyens financiers et humains qui manquent de manière lancinante à nos universités, lesquelles seront donc contraintes, comme aujourd'hui, de gérer la pénurie au quotidien.

Madame la ministre, alors qu'une loi de programmation était attendue et qu'un collectif budgétaire d'au moins 600 millions d'euros était indispensable pour répondre aux urgences, pas un euro supplémentaire ne sera versé aux universités avant 2008, même si j'ai pris bonne note de l'annonce que vous avez faite devant le Sénat en la matière.

La réforme de l'enseignement supérieur était pourtant qualifiée de prioritaire. Le monde universitaire appréciera ces déclarations d'intention, alors que le Gouvernement aura fait voter durant cette session extraordinaire du Parlement un texte consacrant 11 milliards d'euros aux déductions et exonérations fiscales...

Plus inquiétant encore, le projet de loi ne comporte aucune disposition assurant un financement pérenne des universités par l'État. Il laisse entrevoir encore un peu plus un désengagement progressif de ce dernier, qui se doublera inexorablement d'une course aux financements.

Les quatre-vingt-cinq universités ne pourront devenir autonomes dans les cinq ans à venir que si l'État s'engage à assurer la mise à niveau de chacune d'entre elles, en particulier de leurs locaux.

Au risque de nous répéter, il nous faut de nouveau affirmer la nécessité pour l'État d'investir massivement dans les universités. Comme l'a souligné la conférence des présidents d'université, « la mise en oeuvre de la réforme nécessitera une forte mobilisation de moyens », sans laquelle l'évolution statutaire « n'apparaîtrait que comme un exercice de style » ; « une loi de programmation budgétaire est plus que jamais nécessaire ». Autrement dit, sans moyens, l'autonomie ne sera qu'un leurre.

Cela étant, dans ce domaine, c'est la loi qui doit définir le cadre national. L'autonomie, telle que l'a conçue le Gouvernement, se limite à une réforme du mode de gouvernance des universités. Sur ce plan également, le projet de loi n'est guère satisfaisant, car ses dispositions écartent du projet d'établissement bon nombre des acteurs et usagers des universités, remettant ainsi en cause leur fonctionnement collégial.

Dans la mesure où toutes les énergies doivent être rassemblées, le fait, par exemple, d'écarter le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire de la gestion démocratique des établissements apparaît comme une grave erreur. Le choix de donner un nouveau souffle à l'université nécessite de mobiliser toute la communauté universitaire sur la base de projets définis collectivement et non uniquement par un conseil d'administration encore trop étroitement resserré.

Par ailleurs, il faut veiller à maintenir le haut niveau des enseignements et de la recherche universitaires, ce qui exige de viser sans cesse l'excellence scientifique. Les qualités des enseignants-chercheurs ne peuvent être objectivement évaluées que par leurs pairs. Aussi la mise en place d'une nouvelle procédure de recrutement, via des comités de sélection créés par les conseils d'administration, lesquels, de fait, ne pourront être compétents dans l'ensemble des champs disciplinaires, s'avère-t-elle porteuse de graves dysfonctionnements.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. L'ancienne procédure ne donnait pas satisfaction !

M. Ivan Renar. Y avait-il urgence à bouleverser un mode de recrutement, certes perfectible, mais qui, globalement, avait fait ses preuves ? À nos yeux, il aurait été plus pertinent d'engager de véritables concertations avec la communauté scientifique, pour parvenir à une solution plus satisfaisante.

Par ailleurs, le projet de loi remet gravement en cause l'emploi statutaire, qui doit pourtant demeurer l'emploi de référence. C'est particulièrement vrai pour les enseignants-chercheurs, dont le statut garantit l'indépendance, ce qui leur permet de mener des travaux de recherches sur le long terme, même s'il est vrai que la logique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux entraîne des coupes sévères dans tous les services et administrations de l'État...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pas chez nous !

M. Ivan Renar.... et encourage le recrutement d'agents contractuels pour tous les types d'emplois.

Nous ne pouvons admettre des dispositions qui fragilisent les statuts des personnels de l'université et laissent aux conseils d'administration et aux présidents d'université une totale « liberté » en matière de répartition de charges de services et de rémunération. À l'inverse, l'enseignement supérieur et la recherche doivent être des secteurs prioritaires de l'intervention de l'État et doivent donc à ce titre faire l'objet d'un véritable plan pluriannuel de l'emploi statutaire.

Je souhaite maintenant dire un mot sur l'amendement présenté par le groupe CRC, qui visait à protéger et à conserver les biens mobiliers des universités tels que les incunables, les manuscrits et les oeuvres d'art. Je regrette qu'une telle disposition, qui aurait pu permettre de préserver cette partie du patrimoine artistique et scientifique national, n'ait pas été intégrée au projet de loi. Je dois dire que nombre de mes collègues sénateurs, de toute sensibilité d'ailleurs, sont préoccupés par cette nécessité de conserver ce patrimoine dans le domaine public.

M. Jacques Legendre. C'est vrai !

M. Ivan Renar. Madame la ministre, j'ai l'intention de faire mûrir cette question, avec quelques collègues, mais aussi, bien entendu, avec vous et les services de votre ministère. À cette fin, j'entends bien déposer une proposition de loi, ce qui nous permettra d'y voir totalement clair et de mesurer l'ampleur des dispositions à prendre.

À l'issue de la réunion de la commission mixte paritaire, qui s'est effectivement déroulée dans une bonne ambiance, le débat est momentanément clos. Malgré tout, la réforme demeure bien trop insuffisante au regard des défis que doivent relever les universités. Au surplus, l'introduction de mécanismes concurrentiels non seulement entre les universités, mais aussi entre les personnels, s'avère lourde de menaces pour l'avenir du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. D'autres choix étaient possibles, mais encore fallait-il entendre les propositions émanant de la communauté universitaire, qui, aujourd'hui encore, poursuit son travail de réflexion.

Madame la ministre, mes chers collègues, soyons clairs ! Oui, l'enseignement supérieur n'a pas de prix, même s'il a un coût. Oui, la question du financement de l'enseignement supérieur, condition nécessaire de son autonomie, de sa capacité de création et d'innovation et, donc, de sa réussite, doit faire l'objet d'un large débat, pour lequel il fallait prendre le temps nécessaire.

S'il y a certes à inventer de nouveaux partenariats, le service public a, selon nous, fait ses preuves, même s'il est perfectible. L'État et donc le Gouvernement doivent assumer leurs responsabilités à l'égard des universités, qui sont loin de disposer de budgets comparables à ceux des pays développés, voire des pays émergents, qui, dans ces domaines d'ailleurs, ont bien « émergé ». En France, les moyens affectés par l'État pour chaque étudiant représentent la moitié de ce qui est dépensé dans la plupart des grandes universités à l'étranger.

Les enjeux de ce siècle appellent au développement sans précédent des formations post-baccalauréat. Pourtant, les programmes et l'organisation existants brident la réussite de trop nombreux étudiants. Les nouveaux bacheliers qui viennent de s'inscrire dans nos universités s'acharnent avec leurs familles à comprendre et à trouver leur voie dans le système actuel. Ils ont besoin d'un signal fort et d'encouragements pour affronter le travail intellectuel nécessaire aux études supérieures. Force est de constater que ce n'est pas le présent projet de loi qui le leur donnera.

Alors que les questions de l'enseignement supérieur et de la recherche conditionnent l'avenir de notre pays, le Gouvernement a privilégié l'urgence, en réduisant la concertation a minima. Alors que la nécessité d'une réforme était unanimement admise, le texte que le Parlement s'apprête à adopter est déjà vivement contesté, comme en témoignent les multiples motions présentées par les conseils d'université et la mobilisation des organisations de personnels, qui s'avère exceptionnelle en cette période de vacances.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que voter contre un texte qui apparaît déjà comme une occasion manquée de redonner un nouvel élan au service public des universités. Comme le disait un célèbre jazzman français dans un clin d'oeil appuyé, mais distancié, à mai 1968 : « Ce n'est qu'un débat, continuons le début ! » (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bonne citation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis afin d'entériner définitivement le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités, qui nous a été annoncé comme l'un des plus importants de la législature.

Finalement, la montagne aura accouché d'une souris ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

En réalité, ce texte se résume à ce qu'il est, à savoir un simple traité de la gouvernance des universités.

Alors que tous les candidats à l'élection présidentielle avaient fait de l'enseignement supérieur et de la recherche un de leurs thèmes principaux, alors que ce sujet devait être la priorité de tout Gouvernement pour les cinq années à venir, alors que le Gouvernement nous avait annoncé un signal fort s'agissant des moyens qu'il donnerait à l'université et à la recherche durant la législature, force est de constater que, finalement, il n'a pas jugé utile d'accompagner la mise en oeuvre de ce texte par un effort financier dans le cadre d'un collectif budgétaire.

Bien entendu, madame la ministre, j'ai accueilli avec attention l'annonce du Premier ministre, que vous avez vous-même rappelée, sur l'enveloppe supplémentaire de 1,8 milliard d'euros accordée l'an prochain à l'enseignement supérieur. Toujours est-il que, en termes budgétaires, le seul « signal fort » ayant suivi les élections sera donc l'institution d'un bouclier fiscal au bénéfice des contribuables privilégiés, avec près de 13 milliards d'euros consacrés à des déductions fiscales.

Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet, mais cela se devait d'être encore une fois relevé !

Oui, nous souhaitons tous donner plus d'autonomie à nos universités, mais pas n'importe comment !

Oui, il faut responsabiliser davantage les présidents d'université, mais sans aller jusqu'à l'« hyperprésidentialisation » prévue par ce texte !

Oui, nous sommes pour une nouvelle gouvernance, mais encore faudrait-il que l'État assure en parallèle la mise en oeuvre des priorités de l'enseignement supérieur et de la recherche, au lieu de les mettre entre parenthèses.

Les problèmes sont en effet nombreux : mauvaises conditions de vie et d'études, voire précarité, des étudiants ; nécessité de réformer le premier cycle, où l'échec est massif ; définition du rôle des universités par rapport aux organismes de recherche et aux grandes écoles ; reconnaissance de la place des doctorants et des post-docs, en vue de leur insertion dans la vie professionnelle. Plus généralement, il importe de garantir l'insertion dans la vie active de tous les étudiants sortant de l'université et, bien entendu, de prévoir les moyens nécessaires pour financer toutes ces urgences.

Voyez-vous, madame la ministre, à nos yeux, le texte voté par le Sénat n'a été amélioré ni par l'Assemblée nationale ni par la commission mixte paritaire ; pis, il a même été aggravé. Je relève au passage qu'une grande partie des modifications, les principales en tout cas, apportées par la commission des affaires culturelles de notre assemblée ont été « éjectées » du texte par l'Assemblée nationale.

Autrement dit, il est vraiment difficile, au Sénat, d'être dans la majorité depuis l'élection présidentielle ! À croire qu'ici l'ouverture n'est pas allée jusqu'au groupe UMP et qu'elle s'est arrêtée à la défense de la francophonie ! (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

Bref, madame la ministre, comme j'avais déjà eu l'occasion de le souligner lors de la première lecture, alors que la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche est indispensable, non pas pour les seuls élus que nous sommes, mais également pour l'ensemble de la communauté universitaire - enseignants, personnels administratifs et techniques, étudiants -, le dispositif mis en place par le projet de loi comporte deux éléments qui ne sont pas de nature à nous rassurer.

Il s'agit, d'une part, de l'emploi des contractuels et, d'autre part, de la remise à plat des dotations accordées à chaque université. Dans les deux cas, vous laissez la porte ouverte à toutes les déviances possibles : nous aurons une université non pas à deux vitesses, mais, pire, à plusieurs vitesses !

En refusant de limiter nationalement la masse salariale réservée aux contractuels, vous allez mettre à mal l'encadrement statutaire à l'université. Disant cela, nous ne nions pas les difficultés rencontrées par certaines universités en matière de recrutement de professeurs étrangers ou de professeurs français de retour dans notre pays.

Oui, vous l'avez dit, un volant de souplesse est nécessaire pour les cas qui n'entrent pas dans le statut de la fonction publique. Mais ceux-ci ne doivent en aucune façon se substituer à longue échéance aux emplois statutaires, car l'université n'a pas besoin d'une précarité supplémentaire. D'ailleurs, vous le savez, la conférence des présidents d'université s'est exprimée sur ce sujet de l'emploi contractuel, comme elle s'est exprimée pour signifier son refus d'ouvrir de quelque manière que ce soit la porte à l'expérimentation, université par université.

Le groupe socialiste partage ce souci et souhaite une prise en compte sérieuse des remises à niveau nécessaires dans le cadre des dotations financières propres à chacune des universités. En la matière, pour les universités les moins bien dotées, ce serait même une nécessité absolue que de corriger les inégalités. Or rien de tout cela ne figure dans le texte issu de la commission mixte paritaire qui nous est soumis aujourd'hui.

Nous restons sur notre faim, après vos belles promesses de donner la priorité absolue à l'enseignement supérieur et la recherche. Oui, nous attendions avec impatience ce texte qui devait s'attaquer réellement aux racines du mal !

Aujourd'hui, le texte qui nous est présenté ne traite que de la gouvernance de l'université, met à mal l'emploi statutaire et ne prend pas en compte les différences entre les universités et les difficultés propres à chacune d'entre elles.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, dans ces conditions, il est difficile aux sénateurs du groupe socialiste de vous suivre dans cette voie. Nous considérons, pour notre part, que nous agissons, en l'occurrence, comme une opposition constructive.

En conclusion, je m'associerai aux propos de notre rapporteur, Jean-Léonce Dupont. Nous avons apprécié le climat dans lequel s'est déroulé notre travail tant au sein de la commission des affaires culturelles qu'en séance et en commission mixte paritaire. Je lui adresse donc tous mes remerciements ainsi qu'au président de la commission des affaires culturelles, Jacques Valade. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire, nous achevons la discussion de ce projet de loi important, qui participe à la rénovation globale de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Cette réforme, qui vise essentiellement à améliorer la gouvernance et à donner plus d'autonomie aux universités, est indispensable, car, comme chacun sait, la compétition économique mondiale se joue désormais sur le terrain de la formation, de la qualité de l'enseignement supérieur et du dynamisme de la recherche.

Ainsi que nous l'avons dit en première lecture, ce texte est une étape, un cadre permettant à nos universités de relever les défis de demain. Si les assemblées ont eu des appréciations divergentes, notamment sur le mode d'élection du président de l'université et le statut des personnalités extérieures, finalement, le texte est proche du dispositif du projet de loi initial.

Il préserve en cela les éléments essentiels de cette réforme en matière de gouvernance rénovée et d'autonomie, à savoir : un conseil d'administration resserré au rôle plus stratégique, un président « manager » doté d'une autorité renforcée, des procédures de décision et un mode de fonctionnement simplifiés et clarifiés, des capacités d'action accrues, avec des compétences et des responsabilités élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines pour l'ensemble des universités.

Au demeurant, je tiens à exprimer ma satisfaction quant à la rédaction à laquelle a abouti la commission mixte paritaire s'agissant tant de la représentation des collectivités locales au sein du conseil d'administration que de la présence, au titre des personnalités extérieures, d'au moins un chef d'entreprise ou cadre dirigeant d'entreprise. Ces dispositions vont dans le sens de l'indispensable ouverture de l'université vers l'extérieur et rejoignent notre volonté d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes.

Je me félicite également de ce que la commission mixte paritaire ait finalement trouvé un accord sur la représentation des quatre grands secteurs de formation dans la composition des listes pour l'élection des enseignants-chercheurs. Nous sommes, en effet, attachés à une expression pluraliste des disciplines enseignées et des courants d'opinion, ce que le mode de scrutin proposé ne nous semblait pas garantir totalement.

S'agissant, enfin, des procédures dérogatoires de recrutement des enseignants-chercheurs, et notamment de la composition du comité de sélection, le Parlement aura réussi à améliorer à la marge le projet de loi, en garantissant, entre autres, la qualité académique des membres de ce nouvel organisme. Si le résultat n'est pas totalement satisfaisant, cette mesure constitue néanmoins une avancée.

Toutefois, cette réforme ne permettra aux universités de devenir de véritables acteurs de la recherche, de la formation et de l'insertion professionnelle des jeunes qu'à condition d'être suivie d'autres réformes non moins importantes et d'être accompagnée des moyens suffisants.

À ce propos, je souhaite revenir sur deux sujets qui me semblent essentiels.

J'avais insisté, lors de la discussion générale, sur l'importance de l'orientation, en plaidant pour la mise en oeuvre d'une orientation active, préférable à la sélection par l'échec que nous connaissons dans les premiers cycles universitaires. Il faut, en effet, proposer aux étudiants un passage progressif de l'université vers l'emploi en rapprochant le monde de l'université de celui du travail. Je me réjouis donc que le projet de loi confie aux universités une nouvelle mission d'orientation et d'insertion professionnelle, qui se traduit notamment par la mise en place d'une procédure de préinscription permettant de faire bénéficier les futurs étudiants d'un dispositif d'information et d'orientation.

L'université devra informer les étudiants sur le contenu et les débouchés des filières qu'ils souhaitent intégrer. Cette procédure, pour être efficace, devra faire l'objet d'une attention particulière de la part des établissements. Elle donnera lieu à la publication de brochures d'information, à l'examen de dossiers, à des entretiens, à des propositions d'orientation ou de réorientation, rejoignant en cela la proposition de Patrick Hetzel tendant à définir une séquence d'orientation du « pré-bac » au « post-bac ».

Les débats qui se sont déroulés au sein de notre assemblée ont permis d'améliorer et de renforcer ce dispositif en ajoutant plusieurs dispositions. La principale d'entre elles vise à instituer, dans chaque université, un bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants, dont les missions et le fonctionnement ont été précisés par nos collègues députés. Il s'agit d'un élément important, car ce bureau permettra de centraliser les offres de stages et d'emplois, en lien avec les formations, et de conseiller les étudiants sur les démarches à suivre dans leur recherche d'un premier emploi.

Notre assemblée a également proposé, sur l'initiative de notre collègue Pierre Laffitte, d'engager l'orientation le plus tôt possible, dès la classe de seconde, en instituant une concertation entre les universités et les lycées afin que ces établissements organisent conjointement l'orientation des jeunes vers l'enseignement supérieur. L'orientation doit devenir une priorité dans l'enseignement secondaire de façon à éviter les échecs dus aux erreurs de parcours et les dérives vers des filières « voies de garage ».

Enfin, nous saurons mieux ce que deviennent les étudiants après leur sortie de l'université grâce aux statistiques et aux indicateurs de réussite et d'insertion professionnelles que devront publier les établissements d'enseignement supérieur. C'est un point positif.

Ce projet de loi est un premier pas et nous devrons poursuivre dans cette voie lors de l'examen des prochains textes qui traiteront de l'échec en premier cycle, notamment en reprenant les propositions du rapport Hetzel ; je pense, en particulier, à l'élaboration d'un dispositif réglementaire privilégiant l'accès des bacheliers professionnels aux STS, les sections de technicien supérieur, et des bacheliers technologiques aux IUT, les instituts universitaires de technologie. Il faudra également prévoir l'ouverture de places dans ces filières, afin de permettre la réorientation des étudiants qui échouent en première année d'université ou qui, tout simplement, se rendent compte qu'ils n'ont pas fait le bon choix. Ces propositions me semblent déterminantes car, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, ce sont ces bacheliers qui connaissent le plus fort taux d'échec en premier cycle.

S'agissant des moyens, nous savons tous, et nous n'avons cessé de le répéter, que notre pays dépense peu pour ses étudiants et ses universités, moins que pour les lycéens et bien moins que les pays comparables au nôtre pour leur enseignement supérieur.

M. Michel Charasse. Il met ses sous ailleurs !

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous avons qualifié d'« effort inédit » l'engagement du Président de la République d'augmenter le budget de l'enseignement supérieur de 50 % sur cinq ans, soit 1 milliard d'euros par an. Je note avec satisfaction que le Premier ministre a annoncé, hier, à l'issue du séminaire gouvernemental sur le projet de budget pour 2008, que les budgets de la recherche et de l'enseignement supérieur seront prioritaires, une somme de 1,8 milliard d'euros supplémentaires leur étant allouée. Il faut poursuivre cet effort tout au long du quinquennat, voire au-delà.

J'avais évoqué, pour ma part, l'idée d'un pacte d'investissement pour l'enseignement supérieur sur dix ans, tant l'effort de rattrapage que nous devons faire est important. Une telle mesure est nécessaire si nous voulons mettre en oeuvre les chantiers que vous avez ouverts, madame la ministre, à savoir : le système d'aides sociales et le logement étudiant ; la revalorisation des carrières des enseignants chercheurs ; le statut des jeunes chercheurs ; l'amélioration des conditions matérielles de travail, notamment des locaux universitaires, etc. La réalisation de ces chantiers, jointe à l'objectif de mener 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence, comme le recommande la stratégie de Lisbonne, exige un effort financier massif et durable.

Nous accueillons donc favorablement l'annonce du Premier ministre mais nous veillerons, lors de l'examen du projet de loi de finances, à ce que les crédits soient au rendez-vous.

Vous l'aurez compris, le groupe UC-UDF, dans une démarche constructive, votera ce texte, tout en soulignant que ce n'est pas le grand projet de loi tant attendu. Il marque toutefois une étape importante vers les grandes ambitions que nous devons avoir pour l'avenir de l'université française. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale... ?

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine avant l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.