Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives
Article 2

Article 1er 

Il est créé au titre III du livre quatrième du code pénal un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« DE LA VIOLATION DES EMBARGOS ET AUTRES MESURES RESTRICTIVES

« Art. 437-1. - I. - Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d'interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d'assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application, soit :

« 1° De la loi ;

« 2° D'un acte pris sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ou du traité sur l'Union européenne ;

« 3° D'un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ;

« 4° D'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.

« II. - Le fait de ne pas respecter un embargo, une mesure restrictive est puni d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende.

« Toutefois, la peine d'amende peut être fixée au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction.

« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines.

« III. - L'abrogation, la suspension ou l'expiration d'un embargo ou d'une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l'exécution de la peine prononcée ».

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Peyrat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article 437-1 du code pénal :

« Le fait de ne pas respecter un embargo ou une mesure restrictive...

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Trillard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel, qui vise à remplacer une virgule par « ou ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. Le Gouvernement est bien entendu favorable à cet amendement rédactionnel qui améliore grandement la qualité du texte ! (Sourires.)

Par ailleurs, je souhaite apporter quelques éléments de réponse à Mme Goulet.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'autorisation du Parlement, je précise que, s'il s'agit d'une résolution internationale, la question ne se pose pas. S'il s'agit d'une décision française, comme le prévoit déjà la loi, un vote du Parlement est nécessaire. Vous avez par conséquent satisfaction sur ce premier aspect, madame le sénateur.

Par ailleurs, s'agissant de l'autorisation préalable du Parlement et, plus globalement, du rôle de ce dernier dans le cadre de nos interventions militaires et de nos opérations extérieures, je suis favorable - j'ai eu l'occasion de le dire devant la commission Balladur sur la réforme des institutions -au renforcement du rôle du Parlement dans le contrôle des opérations extérieures menées par le pays.

Toutefois, il faut bien distinguer le rôle de l'exécutif et celui du législatif : le premier est chargé de décider un certain nombre d'actions pour la France et de les mettre en oeuvre ; le second a un rôle délibératif et de contrôle. Il me paraît donc nécessaire de distinguer les deux étapes : celle de l'exécution de la décision, qui est le rôle du pouvoir exécutif, comme son nom l'indique, et celle du contrôle ou du délibératif, qui est le rôle du pouvoir législatif.

Si nous allons vers un accroissement du rôle du Parlement dans les engagements extérieurs de la France, ce rôle doit à mon avis intervenir a posteriori dans le cadre d'un contrôle. Par ailleurs, si nous intégrions cette disposition dans notre texte, elle serait bien sûr contraire à la Constitution puisque cette dernière ne la prévoit pas à l'heure actuelle.

Vous souhaitiez exclure du champ de l'incrimination pénale de violation de l'embargo « les actions de formation, de conseil ou d'assistance technique ayant pour objet une finalité humanitaire, médicale, sociale ou culturelle ».

C'est sans aucun doute une proposition très généreuse mais, la plupart du temps, le risque est celui du « faux nez », c'est-à-dire une action prétendument à finalité humanitaire mais qui, in fine, aurait la même vocation qu'une opération purement commerciale ou d'investissement comme celles que nous visons à travers ce projet de loi.

En outre, et c'est le point le plus important, dans la plupart des décisions internationales prévoyant des embargos, les actions que vous visez sont exclues.

Permettez-moi à cet égard de citer deux exemples récents. La décision de l'Union européenne relative à la Birmanie exclut la vente, la fourniture, le transfert ou l'exportation d'équipements destinés exclusivement à des fins humanitaires. En Somalie, là aussi, sont exclues les fournitures à des fins humanitaires ou de protection. En général, les délibérations internationales qui décident de mesures d'embargo font cette distinction.

S'agissant de votre proposition d'indemniser nos ressortissants qui subiraient les décisions d'un embargo, je souligne tout d'abord qu'introduire dans la loi une telle disposition serait compliqué. Par ailleurs, je précise que la France le prévoit au cas par cas en fonction de la situation, de la motivation, du secteur concerné et des conséquences. Le prévoir systématiquement dans la loi pourrait avoir de lourdes conséquences. En outre, nos ressortissants ont toujours le pouvoir de saisir les juridictions administratives s'ils estiment qu'ils ont subi un dommage méritant une indemnisation.

En tout état de cause, madame le sénateur, je vous remercie d'avoir retiré vos amendements, mais je crois que le texte vous apporte globalement satisfaction.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

À l'article 414-2 du code pénal, les mots : « 411-9 et 412-1 » sont remplacés par les mots : « 411-9, 412-1 et 437-1 ».  - (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :

« Paragraphe 4

« De la violation des embargos et autres mesures restrictives

« Art. 440-1. - L'abrogation, la suspension ou l'expiration d'un embargo ou d'une mesure restrictive tels qu'ils sont définis par l'article 437-1 du code pénal, ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues par le présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l'exécution de la peine prononcée. »  - (Adopté.)

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

Les articles 1er et 2 de la présente loi, outre leur application à Mayotte, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Wallis et Futuna.  - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi présenté par le ministre de la défense relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives est un texte nécessaire et utile.

Ce texte est nécessaire, parce qu'il permettra la répression pénale de la violation de tous les embargos et pratiques restrictives, au-delà du seul cas des matériels de guerre. En donnant une large définition légale de l'embargo et des autres mesures restrictives, on cherche à couvrir un champ très étendu qui inclut le domaine de l'armement, mais peut aussi englober d'autres secteurs à la lisière du militaire et du civil, ou encore des biens à double usage.

Ce texte est utile, parce qu'il apportera de l'efficacité à la répression des actes contraires aux embargos ou mesures restrictives décidés dans un cadre multilatéral et, le plus souvent, sur la base d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et des décisions prises à l'échelon de l'Union européenne.

Le projet de loi tend à créer au sein du code pénal une incrimination pénale de violation des embargos ou des mesures restrictives punie d'une peine de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende, amende dont le montant peut toutefois être fixé au double de la somme sur laquelle a porté l'infraction.

L'état du monde actuel impose une grande fermeté quand il s'agit de faire respecter des décisions collectives prises notamment par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il s'agit là, à mes yeux, d'un point fondamental : l'embargo doit résulter d'un acte multilatéral. En la matière, toute décision unilatérale ne peut, à terme, qu'affaiblir la cause que l'on prétend servir... L'actualité fourmille d'exemples qui le démontrent !

À plusieurs reprises ont été dénoncées les conséquences de sanctions économiques mal mesurées et mal assurées. Voilà quelques années, la 104e conférence de l'Union interparlementaire réunie à Djakarta s'interrogeait, au travers d'une résolution adoptée le 20 octobre 2000, sur le point suivant : les embargos et sanctions économiques sont-ils encore acceptables d'un point de vue éthique, sont-ils encore efficaces, et permettent-ils d'atteindre l'objectif assigné dans un monde de plus en plus globalisé ? Était alors singulièrement visé le recours à des sanctions unilatérales comme instrument de politique étrangère.

La Charte des Nations unies du 26 juin 1945 permet d'imposer des embargos. Aux termes de son article 39, « le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression ». Il peut alors notamment prendre des mesures conformément à l'article 41, c'est-à-dire des sanctions « n'impliquant pas l'emploi de la force armée », affectant surtout les relations économiques et les moyens de communication. Ces sanctions économiques de l'ONU visent ceux qui violent le droit ou troublent la paix. Elles servent à faire respecter et appliquer le droit international public, en particulier les droits de l'homme. Elles ont pour objet d'amener le pays concerné à adopter le comportement souhaité par l'ensemble des États, en d'autres termes à cesser de mettre en danger la sécurité internationale et la paix.

L'Union européenne dispose aussi des instruments nécessaires à la mise en oeuvre d'un embargo. Pour autant, cet outil de régulation, de prévention ne doit pas être galvaudé ; surtout, il ne doit pas être brandi de manière arbitraire, en marge des décisions collectives et multilatérales. C'est un point important qu'il convient de faire respecter sur le plan international.

Un autre point important, qui concerne directement le texte examiné aujourd'hui, est la nécessité d'une législation répressive. Malheureusement, les violations d'embargos sont trop nombreuses et trop fréquentes. Ainsi, les embargos sur les armes imposés par les Nations unies ces dix dernières années ont été systématiquement bafoués, et seule une petite partie des nombreux contrevenants ont été inculpés. À l'origine des violations ou des contournements d'embargos, on trouve parfois des États ou des groupes non-étatiques, souvent des producteurs et des trafiquants dont il s'agit de contrecarrer et de réprimer l'action. L'autorité des Nations unies est sérieusement érodée par les constantes violations des embargos décrétés par le Conseil de sécurité. Cela est grave, parce que cette situation ouvre la voie à des tentations d'action unilatérale.

Le projet de loi que nous allons voter aujourd'hui tend justement à mieux adapter notre riposte au développement des différentes formes et méthodes de violation d'embargo. Le groupe socialiste votera ce texte, tout en appelant le Gouvernement à adopter une attitude très ferme et constante afin de soutenir les décisions - toutes les décisions - du Conseil de sécurité, en particulier en imposant les mesures coercitives qui viendraient appuyer efficacement les embargos décidés par les Nations unies, en favorisant toujours le cadre multilatéral dans les relations internationales.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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9

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires en vue de l'ouverture de contingents tarifaires communautaires pour l'importation de saucisses et de certains produits carnés originaires de Suisse.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3648 et distribué.

10

Dépôt de rapports

M. le président. J'ai reçu de M. Laurent Béteille un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de lutte contre la contrefaçon (n° 9, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 25 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 471, 2006-2007).

Le rapport sera imprimé sous le n° 26 et distribué.

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 11 octobre 2007 :

À neuf heures trente :

1. Discussion de la question orale avec débat n° 2 de M. Bruno Retailleau à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la politique numérique.

M. Bruno Retailleau interroge Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur les suites que le Gouvernement entend donner aux propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat sur la régulation du numérique, dix ans après la création de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). La commission constate, au terme de ses travaux, que la France n'apparaît pas aujourd'hui en mesure de tirer pleinement profit du potentiel considérable que représente la révolution numérique, parce qu'elle ne s'est toujours pas donné les moyens d'un pilotage efficace. L'éclatement des actions gouvernementales entre de trop nombreux ministères, autorités et comités nuit gravement à la prise de décision et à l'efficacité de l'action publique alors que d'importants arbitrages politiques sont à venir, à la fois aux plans international, européen et national, s'agissant de la gestion du spectre hertzien et de l'optimisation du dividende numérique - fréquences libérées par le passage du mode analogique au mode numérique pour la diffusion hertzienne de la télévision -, de la convergence entre contenus et réseaux... C'est pourquoi il souhaite savoir si le Gouvernement compte doter la France d'un pilotage politique fort, qui ait une vision globale des enjeux et une autorité suffisante pour donner le cap, en ce domaine stratégique qu'est le numérique, par exemple en créant un Commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, rattaché au Premier ministre et ayant l'autorité sur plusieurs services ministériels pour créer entre eux une synergie dynamique et sortir des logiques ministérielles antagonistes.

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

2. Discussion du projet de loi (n° 443, 2006-2007) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (urgence déclarée).

Rapport (n° 11, 2007-2008) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à quinze heures cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD