M. François Autain. Très bien !

Mme Raymonde Le Texier. Devant cette situation, la proposition de maintenir la taxe sur les laboratoires à seulement 1 % est une réponse dérisoire, d'autant qu'en relevant le taux K, au-delà duquel les laboratoires doivent négocier une baisse des volumes et des prix, le Gouvernement adresse un message très clair à l'industrie pharmaceutique : « produisez donc davantage, nous avons déjà prévu d'augmenter le poste « dépenses de pharmacie » de l'assurance maladie ».

Or le médicament n'est pas un produit comme les autres. Etant payé par la collectivité, son admission au remboursement, l'évaluation de son SMR, comme le suivi après commercialisation devraient être strictement contrôlés.

Enfin, les années passant et se ressemblant, je voudrais conclure en revenant sur la situation de l'hôpital public.

Pour 2008, alors que la Fédération hospitalière de France a estimé à 4 % l'augmentation mécanique des dépenses hospitalières, la décision du Gouvernement de fixer l'ONDAM à 3,2 % va encore entraîner une accentuation des déficits.

Cet ONDAM, purement « pifométrique », n'est fondé sur aucun objectif en matière de santé publique. Il reflète plus les désirs du Gouvernement que la réalité du secteur concerné. Dans ces conditions, l'écart entre les moyens alloués et les besoins constatés ne va cesser de croître, alors même que l'hôpital public a épuisé toutes ses ressources, tant humaines que financières.

On ne peut pas être opposé au principe de la tarification à l'activité pour les hôpitaux. Encore faut-il que soient pris en compte le coût de la permanence des soins et les obligations propres au service public, lequel accueille tout le monde, tous les jours, à toute heure, reçoit les plus démunis, prend en charge tant les pathologies lourdes que les fins de vie.

Au vu de votre insistance à vouloir organiser à marche forcée la convergence entre secteur public et secteur privé, en l'absence d'éléments objectifs permettant une comparaison réelle, c'est à se demander si vous n'avez pas délibérément choisi de sacrifier l'hôpital.

Pour terminer, je voudrais revenir sur une déclaration du ministre chargé du budget, Eric Woerth. Lors du dernier débat d'orientation budgétaire, en réponse à nos interventions dans la discussion générale, il a déclaré : « Un gouvernement de droite est toujours une bonne nouvelle pour les finances publiques, car nous avons, en la matière, une vision saine, franche et sans tabou ».

Malheureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres : en cinq années de gestion par la droite du régime général, les déficits cumulés auront largement dépassé les 50 milliards d'euros. En revanche, en 2001, le régime général était excédentaire pour la troisième année consécutive. Hélas pour vous, le chef du gouvernement s'appelait alors Lionel Jospin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Même si vous tenez ce texte, madame le ministre, pour un préalable à un plan de refondation de notre protection sociale annoncé pour l'année prochaine, l'analyse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 montre que certaines mesures ont valeur de réformes structurelles.

Je profiterai de cette intervention pour présenter quelques observations.

Première observation, la principale mesure consiste en la fixation d'un taux de progression de l'ONDAM plus réaliste, à 3,2 %. Toutefois, il faut dire qu'il est accompagné d'un dispositif prévoyant que toute revalorisation tarifaire négociée conventionnellement entre les professionnels et l'UNCAM sera soumise à un mécanisme d'acceptabilité par l'ONDAM, ce qui est logique. Cette disposition n'est cependant pas anodine et est de nature à créer des tensions. Surtout, ne revenons pas à une maîtrise plus comptable des dépenses de santé, si décriée et dévastatrice !

Cette mesure met en place un mécanisme inédit de stabilisateurs économiques automatiques qui rendront difficile l'application des accords conventionnels lorsqu'ils comporteront des mesures tarifaires. Cela peut être un coup de frein au fonctionnement du système conventionnel.

Deuxième observation, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'autoriser une progression des dépenses en matière de soins de ville identique à celle qui est inscrite pour les établissements publics de soins, à hauteur de 3,2 % contre 1,1 % l'an dernier. L'objectif cible est en fait de 2 % compte tenu de la franchise. Les franchises sont présentées par ailleurs comme sources de financement du plan Alzheimer et du plan cancer. Il s'agit là de pathologies dont la prise en charge relève essentiellement du domaine hospitalier.

Ne risquons-nous pas, une nouvelle fois, le déclenchement de la procédure d'alerte, avec la mise en oeuvre de mesures qui toucheront le secteur de la médecine de ville ?

De plus, on le sait, de nombreux transferts de charges s'effectuent de l'hôpital vers la médecine de ville.

Par exemple, les médicaments sortis de la réserve hospitalière ont représenté, pour les années 2005 et 2006, pas moins de 1,5 milliard d'euros supplémentaires. Ils sont le plus souvent onéreux et remboursés à 100 %, et grèvent l'enveloppe affectée aux soins de ville.

On peut évoquer, dans le même ordre d'idées, les transferts de prescriptions de l'hôpital vers la médecine de ville. Cela signifie que certaines prescriptions d'actes infirmiers, de soins de kinésithérapie, de médicaments, de dispositifs médicaux, etc., sont de plus en plus souvent supportées par les professionnels libéraux.

Or ce sont des transferts qui ne sont pas pris en compte lors de la détermination de l'ONDAM. Dans une récente étude, le professeur Claude Le Pen, de l'université de Paris-Dauphine, estime que, dans le cadre du PLFSS, nous devons obtenir que la fixation d'un ONDAM réaliste tienne compte des transferts d'activité de l'hôpital vers la médecine de ville.

M. Paul Blanc. Eh oui !

M. Dominique Leclerc. Une fois de plus, les professionnels de santé libéraux pourraient se croire considérés comme la variable d'ajustement du système.

M. Paul Blanc. C'est vrai !

M. Dominique Leclerc. Troisième observation, au-delà des réformes structurelles, les nouveaux dispositifs intègrent plusieurs mesures qui tendent à responsabiliser les patients sur les plans financier et thérapeutique, afin de soigner mieux en dépensant moins.

Des mesures visent ainsi à inciter les patients à être plus soucieux de leurs dépenses de santé. Il faut savoir que le fait d'être remboursé entièrement ou presque a pour corollaire une certaine déresponsabilisation de l'assuré et parfois certains abus en termes de consultations multiples ou d'examens redondants.

Responsabiliser nos concitoyens au regard du financement de la santé implique qu'on leur dise la vérité. Collecter, comme il est prévu, 850 millions d'euros grâce au dispositif de la franchise médicale ne les dispensera pas de s'engager dans une dynamique de responsabilisation personnelle, afin de permettre une meilleure utilisation du produit des prélèvements obligatoires et des impôts. Ils devront davantage intégrer le coût de leur santé dans leur budget familial.

M. François Autain. Comme celui de l'essence !

M. Dominique Leclerc. De même, la généralisation des assurances complémentaires remboursant la totalité de la dépense a pour conséquence de gommer l'effet « pédagogique » des différents tickets modérateurs.

Quatrième observation, la mise en avant de l'outil « Infosoins », qui permet aux assurés sociaux d'avoir accès aux informations sur le secteur d'exercice des praticiens et le tarif des soins, est une mesure positive.

Dans cette optique, si la transparence pouvait être accrue, notamment pour les soins coûteux, par une information préalable et écrite sur le prix total des soins, sur le tarif de remboursement et surtout sur les dépassements d'honoraires demandés, ce serait une bonne chose. L'article 28, dans sa rédaction initiale, allait dans le bon sens. Pourquoi remettre en cause le secteur 2, qui permet un complément d'honoraires ? Il faut le savoir et le dire : c'est la nomenclature des actes par la sécurité sociale qui ne correspond plus, et ce depuis longtemps, à la réalité des actes chirurgicaux, à leur technicité et surtout aux responsabilités prises par les chirurgiens. Le député Bur le sait très bien, du moins l'immense majorité de ses confrères dentistes en exercice le savent, s'agissant de leur propre nomenclature. La sécurité sociale se « dédouane » en faisant croire que son tarif opposable est le vrai prix des actes.

Bien sûr, il nous faut maintenir le niveau de qualité de la chirurgie conventionnée, seule capable d'offrir à tous les Français un égal accès à la même qualité de soins. Ce n'est pas en demandant, par catégorie d'actes, un état semestriel des dépassements moyens et des dépassements maximaux pratiqués, ce que la sécurité sociale connaît bien grâce à son suivi informatique, que l'on encouragera les vocations. Aujourd'hui, les jeunes internes se détournent des spécialités de chirurgie, d'anesthésie et de gynécologie obstétricale.

M. François Autain. Et de médecine générale !

M. Dominique Leclerc. Ma cinquième observation portera sur l'installation des médecins.

Dans ma région, la région Centre, plus de 40 % des médecins généralistes actuellement en exercice auront cessé leur activité dans les six ans à venir.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !

M. Dominique Leclerc. Des enquêtes intéressantes ont été faites pour déceler les aspirations de ces trois populations clés que sont les internes, les jeunes médecins installés depuis moins de cinq ans et les médecins remplaçants. Quels sont les freins et les motivations à l'installation de la nouvelle génération en exercice libéral ? Le mode et les conditions d'exercice de la médecine libérale ne correspondent plus aux aspirations de cette nouvelle génération. Ils sont totalement à revoir si l'on veut à nouveau favoriser les installations. Sont visés, entre autres facteurs, le temps de travail et la rémunération : s'il faut travailler plus de 50 heures par semaine pour gagner moins que celui qui, étant salarié, ne fait que 35 heures, les gens n'hésitent pas. La question n'est pas que financière.

Les zones sous-médicalisées restent peu attractives, et ce malgré les avantages proposés.

Ce qui prime, c'est le mode d'exercice. Il appartient aux partenaires conventionnels et aux partenaires locaux de mettre en oeuvre les voies et les moyens de la régulation géographique de l'offre de soins, car dissuader les installations de manière coercitive ne sera pas nécessairement efficace.

Pour redonner une perspective, il faut améliorer la formation initiale, qui s'est développée à l'hôpital mais ne donne lieu qu'à six mois de stage dans un cabinet de ville. Or la formation d'un médecin généraliste dure dix ans.

Il faut renforcer la filière de médecine générale.

Enfin, vous souhaitez restructurer l'offre en matière d'officines pharmaceutiques. Cette proposition se télescope avec le débat européen sur l'avenir des pharmacies dans leur conception actuelle. Quel est l'avenir de la pharmacie face à l'évolution européenne, entre liberté encadrée de tradition latine et liberté absolue ?

Ce dernier concept de liberté absolue, dans lequel le médicament n'est identifié que comme un bien marchand, est antinomique d'un service dans lequel sont privilégiées la qualité, la compétence et la capacité de jugement objectif de la part des professionnels, en vue d'une consommation raisonnée et adaptée pour chaque patient.

Aujourd'hui, dans nos débats, le générique n'est plus un médicament, il est devenu un « marché de marge ». Les discussions de fond ne se font plus du tout sur sa nature, mais bien sûr son rapport commercial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les citoyens se posent la question depuis plusieurs mois, les journaux depuis quelques semaines : à quoi servent les membres du Gouvernement ? Le président est partout, se mêle de tout, réduisant ses ministres à des rôles de faire-valoir ou d'exécutants. C'est agaçant pour vous, mais ce l'est aussi pour nous. En effet, en examinant le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, on peut se demander : à quoi servent donc les parlementaires ?

Il paraît évident que, cette année encore, nous perdons notre temps. Année après année, imperturbablement, les ministres se succèdent, impavides, pour nous affirmer, la main sur le coeur et plus souvent encore sur le portefeuille, que les hypothèses de travail sont sérieuses, les pistes de réforme crédibles et les efforts demandés équitables sur le plan social et efficaces sur les plans sanitaire et économique.

Las... Les réformes se suivent et se ressemblent. On met davantage à contribution les assurés sociaux, invités à faire preuve de « responsabilité », alors qu'ils ont le sentiment de n'avoir de prise ni sur les conditions de vie et de travail qui expliquent une part croissante des maladies et accidents qui les frappent, ni sur les prescriptions des professionnels de santé, ni sur le fonctionnement du système de santé. Et l'on réduit le remboursement de soins ou de molécules dont on se demande pourquoi ils ont si longtemps été prescrits et continuent à l'être s'ils ne répondent qu'à des préoccupations de confort.

Cette année encore, on nous promet que tout cela va s'arranger. Comment y croire ? Il est demandé au Parlement chaque année de rectifier en fin d'exercice, parce que les hypothèses retenues au moment du vote du budget sont systématiquement trop optimistes et parce qu'aucune politique de fond n'a été conduite pour éviter le dérapage des dépenses, des prévisions de recettes et de dépenses dont le montant voté en loi de finances suscitait déjà l'effroi.

Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, on nous promettait que le régime général serait excédentaire en 2010 ; dans la loi de financement pour 2007, on nous annonçait le retour à l'équilibre pour 2012 ; et dans le projet de loi pour 2008, on parle de 2014. Dans le même temps, la perspective de rembourser la dette s'éloigne elle aussi : la CADES risque de rester longtemps au hit-parade européen des émetteurs d'emprunt.

Ma question est simple : la méthode Coué va-t-elle suffire ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. Coué était pharmacien !

Mme Dominique Voynet. Faut-il continuer à adopter des mesures contestables, au coup par coup, sans en évaluer les effets pervers à moyen ou long terme ? C'est le cas de la généralisation de la tarification à l'activité à l'hôpital, dont vous sous-estimez l'impact inflationniste sur le nombre des actes, comme sur leur nature.

Faut-il refuser de mettre en place des mesures à coup sûr efficaces, comme l'extension, préconisée par la Cour des comptes, des cotisations sociales aux stocks-options à un taux suffisant, ce qui permettrait de réduire le déficit de 3 milliards d'euros ?

Faut-il se résigner, sans y remédier, à l'enlisement du chantier du dossier médical personnel, dont on plébiscite le principe sans mobiliser les moyens sollicités par le groupement d'intérêt public, sans résister aux pressions de lobbies industriels, qui ne voient dans cette belle idée qu'un marché à se partager ?

Je ne crois pas au conte que vous nous racontez, et je ne suis pas la seule. J''ai noté que la plupart des partenaires européens de la France n'y accordent pas le moindre crédit non plus, en dépit du plaidoyer du Président de la République devant le conseil Ecofin cet été à Bruxelles. En effet, le Gouvernement se fonde sur des hypothèses qui sont, une fois de plus, tout sauf crédibles : une prévision de croissance des dépenses limitée à 1,5 % alors qu'elles ont progressé de 3,5 % en 2007 ; une croissance du PIB de 2,5 % ; une croissance de la masse salariale de 4,4 % ; une inflation contenue à 1,6 %.

Je ne crois pas à votre conte, parce que les mesures structurelles permettant d'accompagner le changement des comportements que vous appelez de vos voeux n'ont pas été prises et que celles qui relèvent des conditions de vie ne porteraient leurs fruits qu'à moyen ou long terme.

Restaurer la qualité de l'air ; limiter de façon drastique l'usage des pesticides et de façon générale des perturbateurs endocriniens, des produits cytotoxiques et reprotoxiques ; réduire la consommation de sel, de sucres rapides, de graisses saturées ; améliorer les conditions de travail, qu'il s'agisse de l'ergonomie des postes de travail, de l'intensité des rythmes de travail ou du stress ; faire reculer l'habitat insalubre ou indigne... Voilà ce qui changerait la donne !

Je ne crois pas à votre conte et je pense même que vous ne le racontez que pour endormir la méfiance des citoyens à quelques mois des élections municipales. C'est un secret de polichinelle : des mesures lourdes seront prises au lendemain de ce rendez-vous. Elles seront, espérez-vous, d'autant plus faciles à imposer à une population traumatisée par l'ampleur des déficits que la situation apparaîtra irrémédiablement dégradée. Votre objectif est de tourner le dos aux systèmes publics de solidarité et de confier notre sort aux assurances privées, présumées meilleures gestionnaires.

Il faut regarder de près ce qui se passe dans les pays qui, comme les États-Unis ou les Pays-Bas, ont fait ce choix. Si la protection reste excellente pour ceux qui peuvent la financer, elle est médiocre ou inexistante pour des millions d'autres.

La croissance des dépenses de santé est-elle inéluctable ? Le vieillissement de la population l'explique en partie, mais en partie seulement. Il nous préoccupe moins que l'envolée des maladies chroniques. Les affections de longue durée, les maladies cardio-vasculaires, les cancers, le diabète, l'obésité, les pathologies neuro-dégénératives représentent aujourd'hui 60 % des dépenses de santé. Or, ces affections ont en commun d'être fortement liées aux conditions de vie, au sens large.

Sommes-nous condamnés à déplorer, année après année, que les Français soient les premiers consommateurs de psychotropes d'Europe, à constater qu'il reste presque impossible d'imaginer qu'une consultation médicale ne se traduise pas par la remise d'une ordonnance, au prix d'accidents iatrogènes plus fréquents et plus graves qu'ailleurs ?

Des économistes de santé ont calculé que, si la France revenait au niveau de prescription moyen de la Finlande, qui n'est pas à proprement parler un pays sous-développé, on pourrait économiser 10 milliards d'euros chaque année. Et cela sans mettre en péril la santé des citoyens, grâce à un engagement massif contre le tabagisme, pour un meilleur équilibre alimentaire et pour une activité physique régulière.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est vrai !

Mme Dominique Voynet. On sait tout cela depuis longtemps, alors pourquoi ne change-t-on pas radicalement de perspectives ? Probablement parce que le secteur médico-pharmaceutique pèse de tout son poids, politique et économique. Je vous invite à ne pas négliger le rôle que continuent à jouer les laboratoires pharmaceutiques, y compris au sein de notre vénérable institution,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Qui est visé ?

Mme Dominique Voynet.... et l'impact de la bonne vieille tradition de la « visite médicale », qui représente - on le sous-estime trop souvent - 75 % des dépenses promotionnelles des laboratoires.

Qu'attend-on pour encadrer enfin sérieusement ce secteur, comme l'ont fait bon nombre de nos partenaires européens ?

Mais les laboratoires ne sont pas seuls en cause. En vérité, nous sommes confrontés à un défi qui n'est pas seulement financier, technique ou scientifique.

On a confondu pendant si longtemps le droit à la santé avec le droit de consommer des soins médicaux, on a si longtemps cru que plus, c'était mieux, qu'aucune stratégie cohérente d'éducation à la santé, de prévention, de prise en compte de l'impact des conditions de vie sur la santé n'a été développée dans notre pays.

Soyons lucides : en termes de rémunération comme en termes de reconnaissance sociale, il reste plus valorisant dans notre pays de réparer et de prescrire que de prévenir et d'éduquer. Les exemples sont légion. Il s'agit maintenant de changer de perspective et non de prendre des décisions palliatives à l'aval de la maladie, en punissant les assurés qui n'en peuvent mais.

Depuis peu, on prend la mesure des conséquences sanitaires de la pollution de l'air, intérieur et extérieur. Mais qui peut croire que c'est en prélevant une franchise sur les médicaments ou sur les actes de kinésithérapie respiratoire prescrits aux nourrissons atteints de bronchiolite qu'on rétablira l'équilibre des comptes de l'assurance maladie et qu'on améliorera l'état de santé des bébés ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les enfants sont exonérés de la franchise !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous assénez des contrevérités !

Mme Dominique Voynet. Monsieur Bertrand, vous le savez bien, les franchises ne répondent pas au problème posé par la pollution de l'air.

Depuis peu, on prend la mesure de la détresse des familles qui accompagnent un proche atteint de la maladie d'Alzheimer. Mais allez donc expliquer aux familles que l'une des premières traductions concrètes du plan Alzheimer annoncé par le Président de la République, c'est l'application des franchises médicales !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les discours, ça suffit ! Quelle solution pouvez-vous apporter aux familles des personnes touchées par la maladie d'Alzheimer ?

Mme Dominique Voynet. J'en parlerai à l'article qui concerne les franchises.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais non, dites-le nous maintenant, utilisez votre temps de parole !

Mme Dominique Voynet. Des mesures structurelles ont-elles été prises pour organiser les gardes médicales le soir et le week-end, dans les déserts médicaux que sont devenus la plupart des quartiers de nos communes de banlieue et tant de cantons de nos départements ruraux ?

C'est à ce prix qu'on pourra recentrer les services d'accueil d'urgence sur leurs missions, éviter qu'on y attende des heures avant d'être pris en charge, remédier à l'épuisement du personnel et à la saturation des lieux. Et ce ne sont là que quelques exemples...

Permettez-moi, pour conclure, de pointer l'obsession de la fraude dont témoigne le texte. Vous voyez des fraudeurs partout ! Au lieu de développer un vaste appareil de contrôle et un riche bouquet de sanctions, ne faudrait-il pas en priorité prendre les mesures qui permettraient vraiment de faire des économies ?

Ne conviendrait-il pas d'alléger la charge des habitants, contraints de faire face, après celle des loyers et du foncier, à l'augmentation des prix des produits énergétiques et des aliments de base ?

Des mesures vigoureuses pour mettre un terme à la pratique, qui s'est généralisée dans certains départements et pour certaines spécialités, des dépassements d'honoraires, sans aucun tact ni mesure, ne seraient-elles pas indispensables ? Ces mesures n'iraient-elles pas dans le bon sens, alors que certains de ces praticiens, oublieux du serment d'Hippocrate, refusent d'accueillir les bénéficiaires de la couverture maladie universelle comme l'a dénoncé il y a peu le président du Comité consultatif national d'éthique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à cette heure tardive, je vais vous faire faire un petit tour dans les départements d'outre-mer. Cela vous changera les idées après tous les chiffres arides qui ont été cités à cette tribune ! (Sourires.)

Mme Marie-Thérèse Hermange. Ce matin, nous étions en Polynésie !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je voudrais néanmoins évoquer le sujet sérieux du prix des médicaments outre-mer. Il faut savoir qu'avant 1997 l'article L. 593 du code de la santé publique avait confié aux préfets le soin de fixer par arrêté les majorations qui s'ajoutaient au prix des médicaments pour prendre en compte les surcoûts liés au stockage et à la distance.

Le Conseil d'État a annulé un arrêté préfectoral concernant l'île de la Réunion. C'est dans ces conditions que l'ordonnance de 1998 a abrogé une partie de l'article L. 593 du code de la santé publique. Les préfets n'avaient pas compétence pour fixer les prix des médicaments ; cette compétence était dévolue au ministre de la santé, au ministre des finances et au ministre de l'outre-mer.

Mais aucun arrêté interministériel n'a été pris depuis cette date !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez raison !

M. Paul Blanc. Qui était le premier ministre de l'époque ?

M. Jean-Paul Virapoullé. Depuis cette date, les médicaments outre-mer sont remboursés par les caisses régionales sans aucune base légale. Ainsi, cette année, 550 millions d'euros ont été remboursés sans base légale,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un appel aux pharmaciens de métropole pour qu'ils aillent s'installer outre-mer ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Virapoullé.... ce qui représente une majoration de 30 % pour la Réunion et de 43 % pour les Antilles.

Nous sommes là en présence, mes chers collègues, d'une franchise. Si une partie est justifiée - elle correspond à l'éloignement, au stockage -, l'autre n'est rien de moins qu'une franchise coloniale d'économie de comptoir, comme au bon vieux temps de la marine à voile ! Les malades et la caisse de sécurité sociale n'ont pas à supporter cette franchise.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Ce soir, nous disons « oui, mais » à la solidarité à laquelle vous nous appelez dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur des trois grands chantiers présidentiels, auxquels nous souscrivons.

Oui, il faut une franchise médicale pour mettre en oeuvre ces trois grands chantiers voulus par le chef de l'État, mais n'ajoutez pas une franchise médicale à une franchise coloniale !

Par ailleurs, je pose un préalable : commencez par appliquer les lois de la République, à savoir l'ordonnance du 20 août 1998, et déterminez le prix des médicaments de façon légale !

Je ne demande tout de même pas la lune ! Je demande simplement que les lois de la République soient appliquées. Ce n'est pas exorbitant du droit ! Je demande que les caisses régionales ne remboursent pas les médicaments dont les prix n'ont pas de base légale.

Je sais que vous allez me répondre que l'on peut se fonder sur ces arrêtés qui n'ont pas de base légale, car ils n'ont jamais été abrogés. Dans ce cas, je déposerai dans quelques jours, à mon retour à la Réunion, un recours devant le tribunal administratif : les arrêtés tomberont de facto ! Une telle réponse ne serait pas constructive.

Lorsque l'on consulte certains professionnels, on constate que le moment est venu pour les services de l'État, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, d'effectuer une enquête sur le terrain pour déterminer le juste niveau de la majoration et fixer un prix équitable du médicament. Voilà pourquoi je lie ces deux questions.

Si vous voulez que nous payions une franchise médicale, commencez par fixer un juste prix des médicaments outre-mer ! Cette demande est socialement juste !

Comment pourrons-nous payer une franchise médicale alors que le prix des médicaments est déjà majoré de 30 % ou de 43 % ? Commencez par atténuer la franchise coloniale ! Cette demande est légalement obligatoire. Nous sommes dans un État de droit. Nous ne pouvons pas dépenser 550 millions d'euros d'argent public sans base légale.

En outre, puisque la loi de financement de la sécurité sociale sera examinée par le Conseil constitutionnel, cette demande est constitutionnellement impérative. Je rappelle en effet que le préambule de la Constitution reconnaît l'égal accès au droit à la protection de la santé. Or payer beaucoup plus cher les médicaments que sur le continent, c'est exorbitant du principe d'égalité.

Vous craignez, si on lie ces deux conditions - atténuation des majorations et mise en oeuvre de la franchise -, de créer un précédent, mais citez-moi le nom d'un seul département en métropole où l'on paye une majoration sur le prix des médicaments, où ce prix est fixé sans base légale !

M. Alain Vasselle, rapporteur. La Corse ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Virapoullé. Il n'y en a pas, même pas la Corse, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.) On ne créerait donc aucun précédent, on réparerait seulement une injustice.

Tel est le sens de l'amendement que j'ai déposé, mais que je ne pourrai malheureusement pas défendre personnellement - je prie la représentation nationale de bien vouloir m'en excuser -, car je serai retourné à la Réunion pour des raisons familiales impératives. Mon collègue Gérard Dériot, qui m'a fait l'amitié de signer cet amendement, le présentera.

Je demande que les modalités de mise en oeuvre de la franchise dans les départements d'outre-mer soient fixées par décret et qu'elles tiennent compte des dispositions législatives et réglementaires existantes.

Vous ne manquerez pas de m'interroger sur la constitutionalité d'un tel dispositif. Je vous répondrai que l'article 73 de la Constitution prévoit que les lois s'appliquent de plein droit dans les départements d'outre-mer, sauf spécificités particulières, ce qui est le cas en l'occurrence.

Cette demande est donc juste, socialement équitable, à mon avis légalement obligatoire et constitutionnellement impérative. Je compte sur la solidarité de la représentation nationale et sur le soutien du Gouvernement pour que, outre-mer, les prix des médicaments soient fixés sur les mêmes bases qu'en métropole. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, personne ici ne conteste la nécessité d'améliorer la prise en charge des personnes souffrant d'un cancer ou de la maladie d'Alzheimer.

Seulement, il n'y a pas qu'une, deux, voire trois priorités. Que faites-vous des personnes atteintes de pathologies graves, qu'elles soient aiguës, chroniques ou évolutives ? Vous les faites payer ! C'est inqualifiable et bien plus consternant que les fraudes à l'assurance maladie.

C'est d'autant plus scandaleux que les franchises, contraires à toute logique, vont à l'encontre de ce qu'a déclaré M. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, lors d'une séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale : « Nous allons continuer l'an prochain sur d'autres axes, tels qu'une meilleure prise en charge des médicaments pour les maladies rares ». Nous savons aujourd'hui qu'il fallait comprendre « restant à charge ».

Et comme tout est dans la formule, voici qu'on nous annonce un « bouclier sanitaire ». Il aurait pour objectif d'instituer un plafond des « reste à charge » supportés par les patients sur la dépense remboursable. Or il ne prendra en compte ni les dépassements d'honoraires ni les coûts réels de l'optique ou des soins dentaires.

L'exposé des motifs du projet de loi ose prétendre vouloir « améliorer les droits des assurés et faciliter l'accès aux soins pour tous » !

Le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, a démontré le 4 avril dernier que la majorité des personnes handicapées vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Après la première vague de déremboursements, nombreuses sont celles qui ont renoncé à certains soins. De quelles manières les nouvelles franchises vont-elles faciliter l'accès aux soins pour les personnes malades et/ou handicapées ? Nous aimerions bien le savoir !

De prime abord, les dispositions de l'article 60 pourraient apparaître en corrélation avec la loi du 11 février 2005, qui pose le principe du droit à compensation, quels que soient l'origine de la déficience, le mode de vie ou encore l'âge.

Notre collègue André Lardeux nous a dit tout à l'heure qu'ouvrir la prestation de compensation du handicap, la PCH, à d'autres critères serait une erreur, tant politique que technique, parce que les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, n'étaient pas prêtes ! C'est oublier qu'une période de transition de trois ans avait été décidée avant l'extension de la prestation de compensation aux enfants handicapés et une autre de cinq ans avant la suppression des critères d'âge entre les personnes handicapées en matière de PCH et de prise en charge des frais d'hébergement dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

La loi de 2005 prévoyait également que la prestation de compensation du handicap ne devait pas se substituer à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'AEEH, mais qu'elle viendrait en complément. Il était alors question d'une prestation universelle !

Or l'article 60 du texte instaure un droit d'option, qui concernera les enfants handicapés bénéficiaires de l'AEEH, ou, plus exactement, les enfants handicapés bénéficiaires d'un complément de l'AEEH et de la PCH. L'AEEH, qui est versée par les CAF, est une prestation familiale destinée à aider les parents pour les dépenses liées à l'éducation de leur enfant. Elle ne compense pas les surcoûts liés au handicap.

Or cet article dit exactement l'inverse puisque les dispositions proposées ouvrent droit à la PCH avec les mêmes critères d'accès à l'AEEH et à ses compléments. En maintenant des critères d'attribution plus limitatifs que ceux des adultes, vous maintenez, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, des différences liées à l'âge.

Il serait d'ailleurs intéressant de connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Peut-être y a-t-il un lien de causalité, madame la secrétaire d'État, avec le Comité de suivi de la réforme de la politique du handicap que vous avez récemment installé, ou avec le rapport que la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, a remis à M. Xavier Bertrand et dans lequel est abordé - curieusement - le plan personnalisé de compensation.

Il est vrai que, si une caisse n'est pas déficitaire, c'est bien la CNSA. Elle génère même des excédents ! Il est aussi exact que la montée en charge de la PCH a été plus lente que prévu. Mais à qui la faute ? Sur les 11 500 prestations attribuées, 7 700 ont effectivement été versées !

Ainsi les transferts de certains crédits destinés aux personnes âgées et handicapées via l'assurance maladie ont-ils été gelés. Mais le plus extraordinaire, c'est que la CNSA participe elle-même à la réduction de ses excédents : les 20 millions initialement alloués au financement de la PCH ont été réaffectés au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées !

En commission, il a été question d'efficience et de rattrapage. Nous aurions aimé entendre parler de solidarité et d'égalité. Nous avons bien compris que le but inavoué du Gouvernement était de transférer les dépenses de santé sur la CNSA, les assurances privées et les cotisations sociales.